La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/09/1985 | CJUE | N°209

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 24 septembre 1985., Ministère public contre Lucas Asjes et autres, Andrew Gray et autres, Andrew Gray et autres, Jacques Maillot et autres et Léo Ludwig et autres., 24/09/1985, 209


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. CARL OTTO LENZ

présentées le 24 septembre 1985 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A.

1. Au centre de la procédure à titre préjudiciel sur laquelle nous présentons aujourd'hui nos conclusions se trouve la question de savoir si les règles prévues par le traité CEE en matière de concurrence sont applicables à la fixation des tarifs dans le transport aérien communautaire et international.

...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. CARL OTTO LENZ

présentées le 24 septembre 1985 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A.

1. Au centre de la procédure à titre préjudiciel sur laquelle nous présentons aujourd'hui nos conclusions se trouve la question de savoir si les règles prévues par le traité CEE en matière de concurrence sont applicables à la fixation des tarifs dans le transport aérien communautaire et international.

Cette problématique est apparue dans le cadre de poursuites pénales engagées contre des responsables de compagnies de navigation aérienne, contre les compagnies de navigation aérienne elles-mêmes, ainsi que contre des responsables d'agences de voyages et contre les agences de voyages elles-mêmes. Parmi les compagnies aériennes se trouve une entreprise dont le siège n'est pas situé dans la Communauté, à savoir la compagnie aérienne Air Lanka, de Ceylan.

Il est reproché aux prévenus d'avoir, au cours de l'année 1981, pratiqué, en violation des articles L 330-3, R 330-9 et R 330-15 du code français de l'aviation civile, des tarifs pour la vente de billets de transport aérien non homologués par le ministre pour l'aviation civile, en clair d'avoir vendu les billets trop bon marché. Ces billets avaient été établis pour les lignes Paris-Amsterdam-Bangkok, Paris-Londres-San Francisco, Paris-Londres-New York, Paris-Londres-Miami,
Paris-Londres-Hong-kong, Paris-Londres-Tokyo, Londres-Paris-Bombay et Paris-Colombo.

L'article L 330-3, précité, dispose que le transport aérien ne peut être effectué que par des entreprises agréées par le ministre chargé de l'aviation civile. Ces entreprises doivent en outre soumettre leurs tarifs à l'homologation du même ministre.

L'article R 330-9 précise les éléments à fournir à cet effet. Selon l'alinéa 2, première phrase, de cet article, les dispositions en cause s'appliquent également aux entreprises étrangères. Selon la deuxième phrase de ce même alinéa, les propositions peuvent être présentées soit par les entreprises, soit par l'intermédiaire d'une association professionnelle agréée par le ministre. Selon la troisième phrase de ce même alinéa, les tarifs sont considérés comme homologués si le ministre n'a pas fait
connaître son opposition, à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la réception des propositions. L'article R 330-15 prévoit, en cas de violation de ces prescriptions, un emprisonnement de dix jours à un mois et/ou une amende de 600 à 1000 FF ( 1 ).

Saisi de ces poursuites, le tribunal de police de Paris a tout d'abord statué en ce sens que les dispositions précitées du code de l'aviation civile ne s'appliquent qu'aux entreprises de transport aérien, à l'exclusion des agences de voyages et des personnes civilement responsables, lesquelles ne relèvent pas du champ d'application personnel de ces dispositions. Il a ensuite constaté que les entreprises de transport aérien sont tenues, en vertu des dispositions nationales précitées, d'établir
pour chaque ligne des tarifs et de les soumettre à l'homologation du ministre, sous peine de sanctions, notamment pénales.

Après quoi le tribunal s'est livré à un certain nombre de considérations qu'en raison de leur importance il y a lieu de citer in extenso :

« Attendu que ces dispositions, qui organisent une concertation entre les compagnies de transports aériens, ont bien pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun;

attendu que ces pratiques sont donc incompatibles avec la règle de l'article 85 du traité de Rome;

attendu que c'est vainement que l'on oppose l'article 84, alinéa 2, du traité sur la Communauté économique européenne, à l'application immédiate de l'article 85;

attendu, en effet, que l'article 84 termine le titre IV de la deuxième partie du traité qui concerne la politique commune des transports, dont il laisse l'organisation à une décision du Conseil, en ce qui concerne les transports aériens ( 2 ), en précisant son application exclusive au titre qu'il termine;

attendu que l'article 85 figure dans la troisième partie du traité, titre I, chapitre I, relatif aux règles de la concurrence entre entreprises;

attendu qu'il s'ensuit que les tarifs concertés entre sociétés de transports aériens et présentés d'un commun accord à l'homologation, ne peuvent être pris en considération comme contraires à la règle communautaire;

attendu cependant que reste posé le problème de la validité des textes législatifs et réglementaires français, visés dans la prévention (articles L 330-3, R 330-9 et R 330-15 du code de l'aviation civile) au regard de la règle communautaire;

attendu que cette question ne peut être tranchée que par la Cour de justice de la Communauté économique européenne. »

Par ces motifs, le tribunal de police de Paris a, par plusieurs jugements en date du 2 mars 1984, relaxé les responsables des agences de voyages et mis hors de cause les agences de voyages, avant d'ordonner la disjonction des poursuites en ce qui concerne les responsables des entreprises de transports aériens et les entreprises elles-mêmes, pour finalement transmettre le dossier à la Cour de justice de la Communauté économique européenne afin que cette dernière statue « sur la conformité des
articles L 330-3, R 330-9 et R 330-15 du code de l'aviation civile français à la règle communautaire ».

Le ministère public a interjeté appel de ces jugements le 9 mars 1984 devant la cour d'appel en demandant, entre autres, que cette dernière statue sans délai sur la recevabilité de l'appel.

Par ordonnance du 28 mars 1984, le président de la treizième chambre de la cour d'appel de Paris a décidé qu'il n'y a pas lieu de déclarer l'appel immédiatement recevable, considérant que l'intérêt d'une bonne administration de la justice ne commande pas, en l'état, l'examen de cet appel.

Les pièces dont la Cour dispose ne permettent pas de savoir si les instances d'appel ont entre-temps repris. Selon les indications fournies par le mandataire ad litem du prévenu Maillot — qui n'ont pas été contredites à l'audience du 9 juillet 1985 —, certaines instances pénales sont actuellement suspendues, dans l'attente d'une décision de la Cour de justice.

2. Avant d'examiner les déclarations des participants à la procédure, il convient, en premier lieu, d'examiner le cadre international au sein duquel agissent compagnies aériennnes et autorités étatiques lors de l'homologation de tarifs de transports aériens ( 3 ).

L'aviation civile européenne est régie pour l'essentiel selon des principes juridiques d'application quasi universelle. A cet égard, on peut dire du système du droit aérien européen qu'il s'intègre en gros dans le système des rapports juridiques existant au niveau mondial en matière de droit aérien. Tous les États membres de la Communauté européenne sont membres de la convention relative à l'aviation civile internationale du 7 décembre 1944 (convention de Chicago) ( 4 ). Cet accord, qui a reçu
entre-temps une application quasi universelle, pose les principes juridiques directeurs de l'aviation civile internationale et contient, en sa section 2, les statuts de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).

Le principe sans doute le plus important est inscrit à l'article 1er de la convention et s'énonce comme suit:

« Les États contractants reconnaissent que chaque État a la souveraineté complète et exclusive de l'espace aérien au-dessus de son territoire. »

De cette disposition fondamentale, l'article 6 de la convention tire la conséquence suivante :

« Aucun service aérien international régulier ne peut être exploité au-dessus ou à l'intérieur du territoire d'un État contractant, sauf permission spéciale ou toute autre autorisation dudit État et conformément aux conditions de cette permission ou autorisation. »

Sur la base de l'article 6 de la convention de Chicago, de nombreux États ont conclu entre eux des accords bilatéraux par lesquels ils se reconnaissent mutuellement le droit de desservir des lignes sur le territoire de l'autre État; selon les indications fournies par l'OACI, le réseau d'accords bilatéraux conclus en matière de navigation aérienne s'élève à environ 1 700.

Les accords de cette nature ont généralement pour objet de reconnaître aux parties certains droits de navigation en liaison avec l'exploitation de certaines lignes, certains droits accessoires destinés à permettre la mise en œuvre des services de lignes et, enfin, de fixer certains détails concernant l'exercice des droits de navigation. Ces dernières comprennent notamment les dispositions concernant la capacité, la fixation des tarifs, la désignation des compagnies aériennes ainsi que, dans
nombre de cas, la collaboration entre compagnies aériennes ( 5 ).

Sous l'angle des affaires qui nous préoccupent, ce sont les clauses tarifaires qui sont plus particulièrement importantes. Elles déterminent la procédure à suivre en vue de la fixation des tarifs applicables sur les lignes envisagées dans l'accord.

Dans la très grande majorité des cas, ces modalités sont laissées à la discrétion des transporteurs aériens, moyennant, en général, un renvoi particulier aux accords tarifaires conclus dans le cadre de l'International Air Transport Association (IATA), association de droit privé créée sous l'empire du droit canadien, dont font partie de nombreuses compagnies aériennes. Les accords tarifaires continuent d'être soumis à l'approbation des deux gouvernements parties à l'accord.

Une série d'États européens — parmi lesquels six États membres de la Communauté européenne, dont la France — sont convenus de régler de manière uniforme toutes ces questions, en signant à Paris l'accord international sur la procédure applicable aux tarifs des services aériens réguliers, du 10 juillet 1967 ( 6 ). Cet accord tend, en substance, à l'uniformisation, l'amélioration et la simplification du processus de consultation en matière tarifaire. L'uniformisation a été réalisée du point de vue
technique par la substitution de l'accord à l'ensemble des dispositions tarifaires contenues dans un accord bilatéral déjà conclu entre États parties à l'accord.

3. A propos des cinq demandes de décision préjudicielle, rédigées en termes pratiquement identiques, une série de participants ont déposé des observations, à savoir M. Maillot, relaxé en première instance, la société Nouvelles Frontières également mise hors de cause en première instance, les compagnies aériennes KLM et Air France, les gouvernements de la République française, de la République italienne, du royaume des Pays-Bas et du Royaume-Uni, ainsi que la Commission des Communautés européennes.
Lesdites observations contiennent toutes des développements sur le cadre international et sur la pratique internationale de la fixation des tarifs en matière de transports aériens, sur l'interprétation du droit français, telle qu'elle a été faite par le tribunal de police et sur l'état des travaux législatifs au sein de la Communauté dans le secteur des transports aériens. Les observations concernant les problèmes de droit communautaire soulevées dans les demandes de décision préjudicielle ont
trait, pour l'essentiel, à trois questions, à savoir celle de la recevabilité des demandes de décision préjudicielle ou, éventuellement, de la compétence de la Cour aux fins d'une décision sur de telles demandes, celle de l'applicabilité des règles de concurrence au processus de fixation des tarifs dans le transport aérien, ainsi que celle des conséquences qui résulteraient d'une applicabilité des dispositions relatives à la concurrence à ce secteur de l'économie.

a) En ce qui concerne la recevabilité des demandes de décision préjudicielle

Les compagnies aériennes Air France et KLM, la République française ainsi que la République italienne tiennent les demandes pour irrecevables. Selon elles, le tribunal de renvoi a résolu par l'affirmative la question de l'application de l'article 85 du traité CEE au secteur des transports aériens et, partant, déclaré nuls, en application de l'article 85, paragraphe 2, les tarifs concertés, sousjacents à la décision d'homologation. Eu égard aux motifs des jugements de renvoi, l'interprétation
demandée à la Cour en vue d'une solution à donner au litige pendant devant la juridiction nationale serait superfétatoire.

Même si on prend en considération le fait qu'en pratique la Cour est amenée à reformuler les demandes de décision préjudicielle afin de fournir à la juridiction de renvoi les éléments d'interprétation du droit communautaire qui lui sont nécessaires pour la solution d'un litige pendant devant cette juridiction, cela ne déboucherait pas en l'espèce, de l'avis du gouvernement de la République italienne, sur une question préjudicielle recevable. Le tribunal de police n'indique pas la norme du droit
communautaire qu'il y aurait lieu d'interpréter aux fins de la décision qu'il serait ultérieurement appelé à rendre. Il est certes question dans les demandes de décision préjudicielles de l'incompatibilité des tarifs aériens (adoptés par voie de concertation tarifaire) avec l'article 85 du traité CEE, toutefois les demandes de décision préjudicielle n'indiquent pas par rapport à quelles dispositions du droit communautaire il y aurait lieu d'apprécier la conformité des dispositions nationales
litigieuses.

Il apparaît aux deux compagnies aériennes que le tribunal de police, fort de sa conviction, aurait dû prononcer la relaxe de tous les prévenus. Une décision éventuelle de la Cour ne pourrait dès lors pas influencer la décision concrète du tribunal de police. Les deux compagnies aériennes se voient confortées dans cette opinion par l'arrêt de la Cour du 16 décembre 1981 ( 7 ). Dans cet arrêt, la Cour a estimé qu'il lui appartenait non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales
ou hypothétiques, mais de contribuer à l'administration de la justice dans les États membres. La Cour ne sera donc pas compétente pour répondre à des questions d'interprétation qui lui seraient posées dans le cadre de constructions procédurales arrangées par les parties en vue d'amener la Cour à prendre position sur certains problèmes de droit communautaire qui ne répondent pas à un besoin objectif inhérent à la solution d'un contentieux.

Au reste, la question préjudicielle procéderait d'une interprétation erronée de la législation française en cause, dans la mesure où la concertation tarifaire entre compagnies aériennes ne serait guère imposée par cette législation, mais serait le fait des règles de droit international public régissant le secteur en cause.

La juridiction nationale n'indique pas, dans ses jugements de renvoi, par rapport à quelles dispositions du droit communautaire la Cour devrait apprécier la conformité de la législation française litigieuse, puisqu'elle se limite à parler de conformité à « la règle communautaire ». Cette expression est tellement vague qu'il ne serait pas possible à la Cour, compte tenu également de la motivation des jugements de renvoi, de reformuler la question préjudicielle afin de la faire entrer dans le domaine
d'application de l'article 177, et, par conséquent, dans la sphère de compétence de la Cour.

La Commission des Communautés européennes fait tout d'abord également observer que la question préjudicielle, telle qu'elle a été concrètement formulée, doit être considérée comme irrecevable. Il n'appartient en effet pas à la Cour de statuer dans le cadre de la procédure préjudicielle prévue à l'article 177 du traité CEE sur la compatibilité de certaines dispositions du droit national avec le traité. Cela dit, la Commission se fonde néanmoins sur une jurisprudence constante de la Cour tendant, en
pareil cas, à reformuler la question préjudicielle de manière à fournir au juge tous les éléments relevant de l'interprétation du droit communautaire propres à permettre au juge de renvoi de résoudre lui-même la question de la compatibilité. La Commission propose dès lors de rédiger la question comme suit:

« Le traité doit-il être interprété en ce sens qu'il interdit la réglementation nationale d'un État membre relative à la fixation des tarifs des transports aériens lorsque cette réglementation impose aux entreprises de transports aériens concernées de se concerter préalablement sur ces tarifs ou rend obligatoire le respect des tarifs ainsi concertés par le moyen d'une procédure d'homologation par l'autorité publique, assortie de sanctions pénales applicables en cas de non-respect des prix
homologués? »

L'agence de voyages Nouvelles Frontières prend une position analogue quant à la demande de décision préjudicielle du tribunal de police. La question sous-jacente à la demande de décision préjudicielle revient en substance à déterminer si le traité CEE permet, en matière de transport aérien, à un État membre d'imposer une procédure d'homologation, laquelle implique à son tour une concertation sur les services et les prix de ces services, notamment et surtout lorsqu'une telle concertation aboutit à
fausser le jeu de la concurrence entre États membres.

b) Sur l'applicabilité aux transports aériens des règles relatives à la concurrence

La société Nouvelles Frontières, M. Maillot, les gouvernements néerlandais et anglais ainsi que la Commission des Communautés européennes estiment que les règles de la concurrence contenues dans le traité CEE sont applicables à la navigation aérienne, alors que les compagnies Air France et KLM ainsi que les gouvernements italien et français sont d'un avis opposé.

Selon Nouvelles Frontières, les règles de la concurrence valent également pour les transports aériens. S'il est exact que le règlement no 17, relatif à l'application des articles 85 et 86 ( 8 ), n'est pas applicable, conformément au règlement no 141 ( 9 ), au secteur des transports, et que la compétence directe de la Commission n'a été établie, par le truchement du règlement no 1017/68 ( 10 ), que pour les transports en chemin de fer, par route, et par voie navigable, il n'en résulte pas moins de
l'arrêt rendu par la Cour le 4 avril 1974 ( 11 ) que le secteur des transports n'est pas soustrait aux règles générales du traité CLE par le jeu de l'article 84, paragraphe 2, du traité CEE. Or, les règles de la concurrence font partie de ces dispositions générales. Ce principe a été confirmé par l'arrêt du 12 octobre 1978 dans l'affaire 156/77 ( 12 ), aux termes duquel « les aides aux transports sont soumises au régime général du traité concernant les aides accordées par les États et les contrôles
et procédures y prévus ».

Le gouvernement néerlandais se fonde également sur l'arrêt du 4 avril 1974 à l'appui de la conception qu'il défend, selon laquelle les règles de concurrence s'appliquent au secteur des transports. Les règles générales du traité comprennent notamment les dispositions des articles 85 à 90, relatives à la concurrence entre entreprises, qui sont applicables comme telles à la navigation aérienne, sans autre décision du Conseil. Étant donné, toutefois, que les dispositions d'application nécessaires,
visées à l'article 87 du traité CEE, n'ont pas encore été adoptées pour la navigation aérienne, il incombe aux autorités nationales, sous le contrôle de la Commission, d'assurer, en application des articles 88 et 89 du traité CEE, le respect par les entreprises de transports aériens des règles de concurrence.

Enfin, le gouvernement néerlandais fait état de ce que la demande de décision préjudicielle 213/84 présente une particularité, à savoir qu'une des parties au principal est une entreprise de transports aériens dont le siège se trouve en dehors de la Communauté. On pourrait, dès lors, se demander si les dispositions générales du traité relatives aux transports aériens doivent être appliquées de la même manière aux compagnies aériennes de pays tiers qu'aux entreprises dont le siège est dans la
Communauté.

De même, le gouvernement du Royaume- Uni est d'avis que l'article 84, paragraphe 2, ne s'oppose pas à l'application de l'article 85 aux transports aériens. Selon lui, les règles de concurrence figurent au nombre des règles générales du traité considérées par la Cour dans son arrêt du 4 avril 1974 ( 13 ).

La Commission partage cette opinion. Selon elle, les articles 85 et 86 du traité CEE sont sans nul doute applicables au secteur des transports, étant donné que les règles de concurrence sont au nombre des règles fondamentales mentionnées par la Cour dans son arrêt du 4 avril 1974, précité.

Les compagnies d'aviation Air France et KLM font tout d'abord observer que le secteur des transports aériens a été soustrait, par le jeu du règlement no 141, au domaine d'application du règlement no 17; en dépit de nombreuses propositions de la Commission, cette situation est demeurée jusqu'à présent inchangée. On ne saurait non plus déduire de l'arrêt de la Cour du 4 avril 1974 ( 13 ) que la Cour entende soumettre sans restriction le secteur des transports aux dispositions générales du traité. Au
reste, les règles de concurrence figurent en troisième partie du traité CEE (« La politique de la Communauté »), et non en deuxième partie ayant pour objet les fondements de la Communauté, cette deuxième partie devant seule être considérée comme faisant partie des dispositions générales.

Le gouvernement de la République française estime, lui aussi, que la solution retenue par la Cour dans son arrêt du 4 avril 1974 du règlement précité ( 13 ) quant aux règles contenues dans la deuxième partie du traité n'est pas transposable aux règles de concurrence, lesquelles sont comprises dans la troisième partie de cet instrument. En effet, si l'article 78 du traité — qui précise que toute mesure dans le domaine des prix et conditions de transport prise dans le cadre du traité doit tenir compte
de la situation économique du transporteur — n'a jamais été rendu applicable, en vertu d'une décision prise sur la base de l'article 84, paragraphe 2, aux transports aériens, il serait paradoxal de considérer des règles plus rigoureuses, telles que celles fixées aux articles 85 et 86 du traité CEE, comme applicables de piano à ce même secteur.

c) Les conséquences de l'applicabilité des règles de concurrence au secteur des transports

De même, quant à la question des conséquences devant découler de l'applicabilité des règles de concurrence au secteur des transports, eu égard à la demande de décision préjudicielle présentée en l'espèce, les observations des participants ne sont pas unanimes.

Le gouvernement de la République française indique tout d'abord que les destinataires des règles de concurrence sont non les États membres, mais les entreprises. Les articles 85 et 86 du traité CEE se bornent à décrire et à sanctionner le comportement d'entreprises; les États membres ne sont pas tenus d'interdire un comportement de ce genre aux entreprises. Les États membres ont simplement l'obligation de ne pas édicter des mesures permettant aux entreprises privées de se soustraire aux contraintes
imposées par les articles 85 à 94 du traité. Si, dans cette perspective, on pose le problème de savoir si la législation et la réglementation françaises permettent aux entreprises de se comporter de la sorte, la réponse ne peut être que négative. Le fait que la France admette, ainsi que les autres États membres, des pratiques de concertation tarifaire ne saurait être contraire aux principes qui inspirent les articles du traité CEE concernant la concurrence. En effet, si le paragraphe 1 de l'article
85 déclare interdits tous les accords entre entreprises, notamment en matière de prix, son paragraphe 3 prévoit des possibilités d'exemption à cette interdiction de principe. A défaut d'adoption de dispositions d'application au titre de l'article 87, paragraphe 2, sous b), du traité CEE, il incombe aux États membres, conformément à l'article 88 du traité CEE, de veiller au respect des règles de concurrence. C'est pourquoi la France estime pouvoir conserver son système d'homologation tarifaire, sans
exclure une coordination entre les entreprises de transport aérien, dans la mesure où celle-ci répondrait aux objectifs précisés à l'article 85, paragraphe 3, du traité.

Au reste, la Commission n'a pas estimé devoir faire usage des pouvoirs de contrôle qui lui sont reconnus à l'article 89 du traité CEE ni entamer de procédures à l'encontre d'éventuelles violations des articles 85 et 86 du traité.

Le gouvernement de la République italienne est également d'avis que les États membres ont la faculté, conformément aux dispositions combinées des articles 88 et 85, paragraphe 3, du traité CEE, d'admettre des ententes conclues entre compagnies aériennes. Aucune disposition du traité CEE n'empêche, en l'état actuel du droit communautaire, les États membres de mettre en oeuvre un régime d'homologation des tarifs aériens, même lorsque ces tarifs font l'objet d'une concertation entre les entreprises de
transport considérées. Ces compétences doivent toutefois être exercées conformément au but pour lequel elles ont été attribuées et non, par exemple, à des fins exclusivement protectionnistes. Au reste, l'application immédiate et inconditionnelle des règles de concurrence au secteur en question provoqueraient de graves perturbations dont les conséquences négatives retomberaient sur la prestation des services et, en définitive, sur les usagers.

De même, le gouvernement des Pays-Bas considère que les autorités nationales chargées du contrôle des ententes sont autorisées, au titre de l'article 88 du traité, à statuer, au regard des ententes et de l'utilisation éventuellement abusive d'une position dominante, sur la base des dispositions du droit national et des articles 85, paragraphe 3, et 86 du traité CEE. Il renvoie, en outre, au fait que les ententes tarifaires ne sauraient être considérées isolément et que d'autres éléments jouent
également un rôle important. On peut citer, à cet égard, des ententes sur l'accès au marché ou sur des capacités de transport admises. Il ne serait guère possible de parvenir à une libéralisation du transport aérien sans reconnaissance préalable de ces données. On peut, en l'espèce, faire abstraction d'un éventuel manquement à des obligations communautaires incombant aux États membres du fait de l'adoption, par ces États, de dispositions permettant à des entreprises d'agir en violation des articles
85 et 86 du traité. Une disposition qui prescrit l'homologation des tarifs ne constitue pas en soi une mesure contraignant les entreprises privées à se soustraire aux obligations découlant des articles 85 et 86 du traité.

Tout en admettant que les articles 3, 5, 85 et 86 du traité CEE puissent engendrer certaines obligations dans le chef des États membres, les compagnies aériennes KLM et Air France estiment qu'il est nécessaire à cet égard que les obligations soient suffisamment concrétisées. Or, tel n'est pas le cas dans le secteur des transports. Elles se fondent à cet égard, sur l'arrêt de la Cour du 10 janvier 1985 ( 14 ). Dans cet arrêt, la Cour a constaté l'inexistence, par rapport à des systèmes ou pratiques
purement nationaux, d'une politique communautaire de la concurrence dans le secteur des livres que les États membres auraient à respecter en vertu de l'obligation leur incombant de s'abstenir de prendre des mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des objectifs du traité. Il en résulte qu'en l'état actuel du droit communautaire, l'obligation des États membres découlant des dispositions combinées de l'article 5, 3, sous f), et 85 est insuffisamment déterminée pour qu'on puisse leur
interdire l'adoption de dispositions concernant la concurrence au niveau des prix au stade du consommateur final. En clair, cela signifie que les États membres ne sont pas censés être liés — même indirectement — par les articles 85 et 86 du traité CEE, dès lors que les obligations dans leur chef ne sont pas suffisamment claires, ce qui est le cas du secteur des transports aériens. Outre son manque de clarté, le droit communautaire ne serait encore qu'embryonnaire; en tout cas, on ne discerne guère
une politique dans ce secteur.

Le gouvernement du Royaume-Uni souligne tout d'abord qu'un système national d'homologation n'est pas en soi incompatible avec les dispositions du traité, même lorsque l'homologation confère sa sanction à des tarifs préalablement concertés. Il ne le deviendrait que s'il imposait aux compagnies aériennes l'obligation de se concerter sur les prix qu'elles pratiquent. A cet égard, un État membre ne pourrait pas non plus invoquer le régime particulier de l'article 90 du traité CEE au profit d'entreprises
publiques, étant donné que la non-application des règles de concurrence n'est pas nécessaire pour permettre aux compagnies aériennes d'accomplir les tâches qui leur sont assignées. Du point de vue procédural, il appartient aux États membres, conformément à l'article 88 du traité CEE, de garantir le respect des règles de concurrence. Même si l'article 88 n'indique pas les autorités compétentes à cet effet, on peut supposer qu'on a entendu viser les autorités compétentes en matière de concurrence ou
celles compétentes en matière de transports aériens; ces autorités sont en mesure de vérifier si les dispositions des articles 85 et 86 du traité CEE ont été respectées, et d'examiner, le cas échéant — dans le cas d'ententes entre compagnies aériennes —, la possibilité d'accorder une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité. Même si elles ne sont pas habilitées à accorder ou à refuser elles-mêmes l'exemption, les juridictions nationales peuvent vérifier la légalité d'une telle
décision — d'octroi ou de refus — dans le cadre de la procédure juridictionnelle. Une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, ne saurait toutefois être accordée implicitement; il est nécessaire qu'elle fasse l'objet d'une décision motivée, en bonne et due forme. Si tel n'était pas le cas, on ne pourrait pas avec certitude vérifier si les conditions de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE sont bien réunies.

Il est néanmoins exclu que ces principes reçoivent une application rétroactive, étant donné la confusion qui règne jusqu'à présent quant à la détermination de l'autorité appelée à accorder une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE. On doit dès lors considérer comme provisoirement applicables les tarifs de transports aériens déjà homologués. Cette solution s'impose d'autant plus que la Commission a, jusqu'à présent, omis de faire usage de sa compétence de contrôle au titre
de l'article 89, paragraphe 2, du traité CEE. Reconnaître une pleine efficacité aux règles de concurrence pour le passé présenterait certains inconvénients. D'un autre côté, on ne saurait admettre que l'application des règles de concurrence à ce secteur puisse continuer d'être exclue près de trente ans après l'entrée en vigueur du traité CEE.

La Commission met également l'accent sur le fait que les articles 85 et 86 s'adressent en premier lieu aux entreprises; toutefois, la jurisprudence de la Cour a reconnu que les États membres ne peuvent édicter des mesures ayant pour objet ou pour effet d'inciter ou de contraindre les entreprises à adopter un comportement contraire à l'article 85 ou à l'article 86. La mise en oeuvre des règles de concurrence dans le secteur des transports aériens continue d'incomber, en application des articles 88 et
89 du traité CEE, aux autorités nationales et à la Commission. Cette situation n'empêche pas que les juges nationaux soient, le cas échéant, appelés à se prononcer sur l'incompatibilité d'un accord ou d'une pratique déterminée avec les règles de concurrence. Les principes découlant de l'arrêt du 6 avril 1962 dans l'affaire 13/61 ( 15 ), sur la validité provisoire des accords au cours de la période transitoire précédant l'entrée en vigueur du règlement no 17, ne peuvent être étendus à la situation
des transports aériens, étant donné que les circonstances de cet arrêt (accord conclu avant l'entrée en vigueur du traité, accord notifiable au titre de l'article 5 du règlement no 17, existence dudit règlement au moment de l'affaire) ne se retrouvent pas en ce qui concerne lesdits transports.

En admettant que les juridictions nationales puissent faire application de l'article 85 du traité CEE dans le secteur des transports aériens, notamment lorsqu'il s'agit de vols reliant deux ou plusieurs Etats membres, il y a lieu de vérifier si un accord (ou des pratiques) peuvent faire l'objet d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE. Il ne fait pas de doute que des tarifs concertés ont inévitablement pour effet de restreindre la concurrence, mais, d'autre part, elles
peuvent améliorer les conditions de transport. Une exemption ne saurait, en tout cas, être accordée dès lors que les tarifs concertés excluraient que les parties concernées — ou d'autres entreprises — puissent proposer ou pratiquer indépendamment d'autres tarifs. Pour autant que cela ne soit pas le cas, les autorités nationales peuvent accorder une exemption sur la base de l'article 88 du traité CEE.

Étant donné que le droit français ouvre un très large pouvoir discrétionnaire aux autorités nationales chargées de la navigation aérienne, le tout est de savoir comment ces autorités exercent leur pouvoir. Il y aurait lieu, à cet égard, de vérifier si ces autorités ne font qu'homologuer des tarifs concertés entre les entreprises avant d'être soumis à l'homologation. Si tel n'est pas le cas, la compatibilité avec le traité CEE du droit national applicable en matière d'homologation de tarifs des
transports aériens ne serait pas en cause.

d) Relations aériennes entre États membres et pays tiers

Le gouvernement du Royaume-Uni ainsi que la Commission examinent en outre le problème particulier des vols à destination de pays tiers. Le gouvernement du Royaume-Uni soulève tout d'abord la question de savoir si des tarifs concertés pour des vols à destination de pays tiers sont véritablement susceptibles d'affecter le commerce entre États membres. Il fait en outre état de la difficulté d'appliquer à ces vols les règles de concurrence communautaires, étant donné qu'on se trouve en la matière très
souvent en présence de conventions de droit international conclues antérieurement à l'entrée en vigueur du traité CEE et qu'une telle situation est réglée et reconnue à l'article 234 du traité CEE.

La Commission est, par contre, d'avis que des tarifs concertés pour des vols à destination de pays tiers peuvent parfaitement avoir une incidence sur le commerce entre États membres. Il est toutefois plus difficile de constater une telle incidence; quoi qu'il en soit, l'application des règles de concurrence du droit communautaire se heurte très souvent à l'obstacle découlant d'accords bilatéraux ou multilatéraux. Conformément à l'article 234 du traité CEE, les droits et obligations résultant de
conventions conclues antérieurement à l'entrée en vigueur du traité CEE, avec un ou plusieurs États tiers, ne sont pas affectés par les dispositions du traité CEE. Il incombe néanmoins aux États membres de recourir à tous les moyens appropriés pour éliminer les incompatibilités éventuelles entre ces accords et le traité CEE. Mais, aussi longtemps que ces moyens n'auront pas abouti, l'application des articles 85 et 86 du traité CEE aux tarifs ainsi concertés s'avère impossible. La Commission n'a
entrepris aucune action en vue d'inciter les États membres à agir dans le sens préconisé à l'article 234.

Les compagnies aériennes Air France et KLM renvoient également à l'article 234, alinéa 2, du traité et soulignent qu'aussi longtemps que durera l'incertitude quant aux obligations des États membres dans les domaines de la concurrence et de la navigation aérienne les États membres ne sont pas non plus tenus de prendre des mesures en application de l'article 234, alinéa 2, du traité CEE.

En réponse à des questions posées par la Cour, les gouvernements de la République française, de la République italienne et du royaume des Pays-Bas ont fait savoir que le problème de la conformité avec le traité CEE d'engagements internationaux conclus antérieurement à l'entrée en vigueur du traité CEE ne s'était pas posé et qu'ils n'ont jamais considéré comme nécessaire d'adapter leurs engagements internationaux en la matière en raison d'une quelconque incompatibilité avec le traité CEE.

Le gouvernement du Royaume-Uni a répondu qu'il est difficile d'apprécier si les accords internationaux conclus avec des pays tiers par le Royaume-Uni avant son adhésion à la Communauté sont incompatibles avec le traité CEE — et, dans l'affirmative, dans quelle mesure —, mais que — si tel était néanmoins le cas — il aurait fallu renégocier ces accords avec les pays tiers concernés.

Le gouvernement du Royaume-Uni affirme cependant avoir déjà pris des mesures pour minimiser le conflit possible entre ces accords et le traité CEE. Il a, par exemple, notifié aux États membres de la commission européenne de l'aviation civile (mais, également, à des États tiers) qu'il n'exige plus des compagnies aériennes qu'elles se consultent entre elles avant de soumettre à son approbation leurs tarifs (pour des vols à l'intérieur de la Communauté).

e) Propositions de réponse

Seules les compagnies aériennes KLM et Air France ainsi que la Commission des Communautés européennes ont communiqué à la Cour une proposition de réponse à la question posée par la juridiction nationale.

Air France et KLM suggèrent à la Cour de répondre comme suit:

« La question préjudicielle, par les autres motivations des jugements du 2 mars 1984, ne pouvant pas amener la Cour de justice à donner une interprétation de la règle communautaire qui répondrait à un besoin objectif inhérent à la solution du contentieux pendant devant le tribunal d'instance de Paris, premièrement, cette dernière juridiction — ensuite — ayant fondé la question préjudicielle sur une interprétation apparemment fautive de la règle interne dont elle priait la Cour de vérifier la
conformité, ou non, avec la règle communautaire, deuxièmement, et — enfin — le libellé de la question préjudicielle — en tout état de cause — ne permettant point à la Cour de déduire quel point précis d'interprétation de la règle communautaire était soumis à elle, troisièmement, la Cour de justice se déclare incompétente pour connaître de la question préjudicielle posée par le tribunal d'instance de Paris, statuant en matière pénale, dans les jugements du 2 mars 1984 répertoriés sous les numéros
d'ordre 209 à 213/84. »

La Commission propose pour sa part de répondre comme suit à la question posée ( 16 )

« Une réglementation nationale qui, imposant l'homologation par l'autorité publique des tarifs de transport aérien, prévoit une consultation préalable entre les compagnies aériennes concernées sur les tarifs à soumettre à l'homologation, contrevient aux dispositions du traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment à son article 5, ou le cas échéant 90, lu ensemble avec les articles 85 et 86, si la consultation préalable ainsi prescrite n'est pas susceptible d'être exemptée au
titre de l'article 85, paragraphe 3.

L'incompatibilité existe notamment si la consultation préalable est une condition nécessaire de la proposition des tarifs soumis à l'homologation ou si l'autorité compétente exerce son pouvoir d'approbation des tarifs d'une manière propre à permettre une exploitation abusive de la position dominante d'une ou de plusieurs compagnies aériennes sur la ligne concernée ou à conférer la garantie d'une sanction publique à une telle exploitation abusive.

Pour autant que les obligations découlant d'accords aériens conclus par l'État membre avec des pays tiers et couverts par les dispositions de l'article 234 du traité ne s'y opposent pas, il appartient aux juridictions nationales d'écarter l'application des règles nationales dont l'incompatibilité avec le traité devrait ainsi être reconnue. »

Les autres participants à la procédure n'ont pas communiqué à la Cour de propositions de réponse expresses.

B.

Pour ce qui est de nos conclusions concernant ces demandes de décision préjudicielle, il importe tout d'abord de souligner qu'il n'appartient pas à la Cour de vérifier l'interprétation du droit français à laquelle le tribunal de renvoi s'est livré, pas plus qu'il ne lui incombe de vérifier les constatations de fait opérées par ce dernier. Quelques participants à la procédure ont certes fait savoir qu'ils tenaient pour erronée l'interprétation des dispositions du droit français, telle qu'elle avait
été faite par le tribunal de police de Paris, et que, de même, ses explications quant aux ententes tarifaires conclues entre compagnies aériennes n'étaient pas pertinentes. Il n'est toutefois pas du pouvoir de la Cour d'évoquer ces aspects, étant donné que les constatations de fait ou les appréciations juridiques précitées relèvent de la seule responsabilité du tribunal de renvoi. Il n'appartient pas non plus à la Cour de vérifier si les accords passés entre compagnies aériennes tombent sous le coup
de l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, du traité CEE. Cela vaut notamment pour la question de savoir si de telles concertations ont pour effet d'affecter le commerce intracommunautaire, alors qu'il est précisément difficile de le démontrer, s'agissant de vols de liaison avec des pays tiers.

Force sera donc pour la Cour de considérer au contraire, dans le cadre de sa décision, que les constatations du tribunal de renvoi ainsi que l'appréciation juridique faite par ce même tribunal sont a priori pertinentes. Nous partirons donc également de cette hypothèse.

De même, nous n'examinerons pas les développements très substantiels portés à notre connaissance, concernant les travaux en cours au sein du Conseil, étant donné que la Cour ne peut statuer que sur la base du droit en vigueur, sans tenir compte de l'évolution ultérieure du droit. Cela d'autant plus qu'il s'agit dans l'instance principale d'une procédure pénale et que le caractère pénal d'infractions commises à l'encontre de conventions tarifaires ou de tarifs homologués par l'État ne saurait être
constaté que sur la base du droit applicable au moment des faits, même si l'évolution de la législation pouvait ultérieurement rendre ces faits punissables. Il peut certes être utile à la juridiction nationale d'être informée de la teneur des propositions de directives ou de règlements, compte tenu de ce qu'elle pourra tirer profit des suggestions contenues dans ces travaux législatifs, et dégager, le cas échéant, des critères à la lumière desquels elle appréciera, notamment sous l'angle de
l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE, les accords tarifaires en matière de transports aériens. Au regard de la question fondamentale qui nous préoccupe en l'espèce — celle de l'applicabilité des règles de concurrence aux transports aériens —, les travaux législatifs en cours dans le cadre du Conseil ne revêtent cependant aucune importance.

1. En ce qui concerne la recevabilité de la demande de décision préjudicielle — ou, éventuellement, la compétence de la Cour

Une série de participants à la procédure ont dénié aux demandes de décisions préjudicielles toute recevabilité, ou dénié à la Cour toute compétence pour y répondre. L'allégation d'irrecevabilité a été essentiellement fondée sur trois ordres de considérations: dans le cadre de la procédure visée à l'article 177 du traité CEE, la Cour n'est pas compétente pour statuer sur la compatibilité du droit national avec le droit communautaire. En outre, la décision de la Cour ne serait nullement nécessaire aux
fins de la décision à rendre dans le litige au principal, étant donné que la juridiction de renvoi s'est déjà prononcée (dans le sens de l'affirmative) sur l'applicabilité des règles de concurrence du traité CEE aux ententes tarifaires passées en matière de transports aériens; au reste, la question préjudicielle est rédigée de façon si peu précise qu'on ne voit pas par rapport à quelle(s) disposition(s) du droit communautaire il y aurait lieu d'apprécier les dispositions du droit national.

a) L'objection d'irrecevabilité, fondée sur la question de la compatibilité du droit national avec le droit communautaire, n'est pas décisive. Il est certes constant que, dans la procédure prévue à l'article 177 du traité CEE, la Cour n'est pas habilitée à statuer sur la compatibilité d'une mesure étatique avec le traité. Il est toutefois conforme à une jurisprudence constante de la Cour de ne pas rejeter comme irrecevable une décision préjudicielle en raison d'une question imparfaitement posée. Dès
son arrêt du 15 juillet 1964 dans l'affaire 6/64 ( 17 ), la Cour avait constaté qu'elle pouvait dégager du libellé imparfaitement formulé par la juridiction nationale les questions relevant de l'interprétation du traité et qu'il y avait donc lieu, pour elle, non de statuer sur la validité d'une règle nationale par rapport au traité, mais seulement d'interpréter le traité, eu égard aux données juridiques exposées par la juridiction de renvoi ( 18 ).

b) Les objections tirées du défaut d'incidence de la demande de décision préjudicielle sur la décision à rendre par la juridiction de renvoi doivent davantage retenir notre attention. Il est de fait que le tribunal de renvoi a constaté que les tarifs concertés entre compagnies aériennes sont nuls en vertu de l'article 85, paragraphe 2, et qu'on doit dès lors écarter leur application. Il a, par contre, soulevé la question de la compatibilité avec le droit communautaire des dispositions pénales
nationales et des règles d'homologation qui les sous-tendent.

Selon une jurisprudence quasi constante, la Cour s'est jusqu'à présent abstenue de vérifier le caractère pertinent d'une demande de décision préjudicielle aux fins de la décision à rendre. Dans l'arrêt précité du 15 juillet 1964, dans l'affaire 6/64 ( 17 ), la Cour a considéré que l'article 177 est basé sur une nette séparation de fonctions entre les juridictions nationales et la Cour, ne permettant pas à celle-ci de connaître des faits de l'espèce ni de censurer les motifs et objectifs de la
demande d'interprétation.

Les objections soulevées à l'encontre de la recevabilité en l'espèce des demandes de décision à titre préjudiciel se fondent néanmoins sur des considérations développées par la Cour dans les deux arrêts Foglia et Novello ( 19 ). Dans le premier de ces arrêts, la Cour s'était, en effet, déclarée incompétente pour répondre aux questions posées par le tribunal de renvoi, car elle estimait qu'un véritable litige faisait défaut et qu'on se trouvait en présence d'une « construction artificielle ». Dans
le second arrêt, la Cour a ensuite souligné que si, selon l'économie de l'article 177, l'appréciation de la nécessité d'obtenir une solution aux questions d'interprétation soulevées au regard des circonstances de fait et de droit qui caractérisent les controverses au fond relève du juge national, il n'en appartient pas moins à la Cour d'examiner, en cas de besoin, les conditions dans lesquelles elle est saisie par le juge national en vue de vérifier sa propre compétence. La Cour a fondé sa
position sur l'idée que l'article 177 donne mission à la Cour non de formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais de contribuer à l'administration de la justice dans les États membres. La Cour ne serait donc pas compétente pour répondre à des questions d'interprétation qui lui seraient posées dans le cadre de constructions procédurales arrangées par les parties en vue d'amener la Cour à prendre position sur certains problèmes de droit communautaire qui ne
répondent pas à un besoin objectif inhérent à la solution d'un contentieux.

Considérée en elle-même, on serait peutêtre tenté — à la lumière de ces explications — de tenir pour gratuite la question posée (par rapport à la décision à rendre) et, partant, d'affirmer l'incompétence de la Cour en l'espèce. On doit cependant souligner qu'il s'est agi dans les deux affaires Foglia/Novello ( 20 ), d'un cas tout à fait « exceptionnel » ( 21 ), étant donné que la question de la compatibilité avec le droit communautaire d'une réglementation française avait été soulevée devant une
juridiction italienne, les deux parties au procès étant d'accord quant à la réponse à donner à cette question, sans qu'elles aient cherché à obtenir du tribunal français compétent la résolution des questions posées. Eu égard à cette conjonction de circonstances tout à fait exceptionnelles, il n'est certainement pas justifié de tirer des arrêts précités des conclusions trop amples ni de conclure, par exemple, à une tendance restrictive de la Cour lorsqu'elle est confrontée à des demandes de
décision préjudicielle.

Au reste, nous sommes d'avis qu'on ne peut guère parler de construction « artificielle » dans le cadre d'une procédure pénale.

En outre, il nous semble qu'il ne faut pas voir nécessairement une contradiction dans le raisonnement — il est vrai, plutôt laconique — du tribunal de renvoi. Ce dernier constate, certes, que les tarifs concertés entre compagnies aériennes sont nuls en vertu de l'article 85, paragraphe 2, du traité CEE; mais il soulève ensuite la question de la conformité au droit communautaire de la norme juridique française. Il ne nous semble pas qu'on doive nécessairement inférer de la simple constatation de
la nullité des ententes tarifaires, l'inapplicabilité des dispositions pénales nationales. Tombe sous le coup de la loi non l'inapplication des tarifs concertés, mais l'inapplication des tarifs homologués par le ministre compétent. Nous ne pouvons ici entrer dans les finesses du droit pénal français, mais nous ne tenons en tout cas pas pour exclu que la question de la validité des ententes tarifaires en droit civil s'apprécie différemment de la validité de la règle pénale, si, par exemple,
l'homologation devait revêtir une importance plus particulière — en ce qu'elle aurait pour effet de valider un acte juridique irrégulier — ou si le caractère pénal de l'acte devait subsister indépendamment de la validité en droit civil d'un des éléments constitutifs de l'infraction. Il ne nous appartient pas de juger de cet aspect. Une telle appréciation du droit interne ressortit à la compétence de la juridiction nationale. Il est toutefois certain, selon nous, que la question préjudicielle
n'est pas prima facie dénuée de pertinence aux fins de la solution à donner au litige. Il appartient dès lors à la juridiction de renvoi d'apprécier elle-même, sous sa propre responsabilité, si la réponse à une question soumise par voie de demande de décision préjudicielle est nécessaire aux fins du jugement qu'elle est appelée à rendre en l'espèce.

c) Avant de pouvoir reformuler de façon définitive la question préjudicielle du tribunal de police de Paris, il y a encore lieu de rechercher celles des dispositions de droit communautaire que la juridiction nationale voudrait voir interpréter. La question soumise à votre attention est certes rédigée en termes très généraux, puisqu'elle tend à savoir si la réglementation française est conforme « à la règle communautaire ». Nous estimons néanmoins que la question ainsi évoquée peut être délimitée de
façon précise.

Il apparaît que, dans les demandes de décision préjudicielle, le tribunal de renvoi se préoccupe exclusivement — abstraction faite de l'article 84, paragraphe 2, du traité CEE — des règles de concurrence du traité CEE. L'article 85 du traité CEE est cité deux fois dans la demande de décision préjudicielle et mention est faite à cet égard qu'il concerne les règles de la concurrence entre entreprises.

L'article 84 du traité CEE, qui institue un régime particulier pour le transport aérien dans le cadre de la politique des transports, n'a été évoqué que pour signaler qu'il ne s'opposait pas à l'applicabilité des règles de concurrence dans le secteur des transports aériens.

Ce faisant, le tribunal de renvoi avait donc uniquement envisagé les règles de concurrence du traité CEE, comme le montre d'ailleurs encore un autre indice, à savoir que, dans les pièces du dossier transmises à la Cour par le tribunal de renvoi, la question de la compatibilité avec le droit communautaire des dispositions du droit français n'a été évoquée que dans l'instance au principal de l'affaire 211/84 au nom et pour le compte du prévenu Chatoudaud et la Société des wagons-lits, entre-temps
mis hors de cause. D'ailleurs, le mémoire présenté au nom de ces deux parties fait exclusivement référence, en ce qui concerne les dispositions du droit communautaire, aux règles de concurrence. La question de la compatibilité des dispositions du droit français avec d'autres dispositions du droit communautaire n'a pas été soulevée.

Nous en concluons donc que la demande de décision préjudicielle doit être interprétée en vue d'expliciter l'incidence des règles de concurrence du traité CEE sur le régime français d'homologation applicable aux tarifs des transports aériens. C'est pourquoi nous proposons à la Cour de reformuler la question préjudicielle présentée par le tribunal de police de Paris et de se fonder à cet égard sur la proposition de formulation émanant de la Commission et libellée comme suit:

« Le traité doit-il être interprété en ce sens qu'il interdit la réglementation nationale d'un État relative à la fixation des tarifs des transports aériens lorsque cette réglementation impose (ou permet) aux entreprises de transports aériens concernées de se concerter préalablement sur ces tarifs ou rend obligatoire le respect des tarifs ainsi concertés par le moyen d'une procédure d'homologation par l'autorité publique, assortie de sanctions pénales applicables en cas de non-respect des prix
homologués? »

2. En ce qui concerne l'application des règles de concurrence au transport aérien

L'applicabilité des règles de concurrence au transport aérien en l'état actuel du droit communautaire a été mise en cause pour deux raisons: d'une part, on a fait remarquer que l'article 84, paragraphe 2, du traité CEE s'opposerait à cette applicabilité, en tant qu'il prévoit une décision particulière du Conseil en ce qui concerne les dispositions appropriées susceptibles d'être prises pour la navigation maritime et aérienne. D'autre part, on objectait que le règlement no 141 avait pour objet
d'exclure non seulement l'applicabilité du règlement no 17, mais encore, de manière générale, l'application des articles 85 et 86 au secteur de la navigation aérienne.

a) L'article 84 du traité CEE est rédigé comme suit:

« 1) Les dispositions du présent titre s'appliquent aux transports par chemin de fer, par route et par voie navigable.

2) Le Conseil statuant à l'unanimité pourra décider si, dans quelle mesure, et par quelle procédure, les dispositions appropriées pourront être prises pour la navigation maritime et aérienne. »

La portée juridique de l'article 84 du traité CEE a été tout d'abord contestée. L'article 84 a-t-il simplement pour objet et pour effet d'exclure la navigation maritime et aérienne du champ d'application du titre IV du traité CEE, relatif aux transports, ou a-t-il une portée plus large, en sorte de soustraire ces deux modes de transport à l'application du traité CEE dans son ensemble?

L'opinion selon laquelle seules les dispositions du titre IV relatif aux transports devaient s'appliquer aux transports — à l'exclusion des autres dispositions du traité —, motif pris de ce que le marché commun ne s'étendrait pas au secteur des transports et envisagerait uniquement une politique commune des transports, a été réfutée par la Cour dans son arrêt du 4 avril 1974 dans l'affaire 167/73. La Cour a fait observer: qu'en mentionnant les objectifs du traité, l'article 74 renvoie aux
dispositions des articles 2 et 3 à la réalisation desquels les dispositions fondamentales sont applicables à l'ensemble de l'activité économique au premier chef; que les règles concernant la politique commune des transports, loin d'écarter ces règles fondamentales, ont donc pour objet de mettre en œuvre et de les compléter grace à des actions communes; que, dès lors, dans la mesure où ces objectifs peuvent être atteints par lesdites règles générales, celles-ci doivent recevoir application ( 22 ).

La Cour a en outre indiqué que l'article 61, paragraphe 1, du traité CEE prévoit expressément que la libre circulation des services en matière de transports « est régie par les dispositions du titre relatif aux transports », confirmant ainsi: que, dans la mesure où des dérogations ne sont pas prévues, les règles générales du traité doivent être appliquées; que l'article 84, paragraphe 2, prévoit qu'en ce qui concerne les transports maritimes le Conseil pourra décider si, dans quelle mesure et par
quelle procédure les dispositions appropriées pourront être prises; que, loin d'écarter l'application du traité à ces matières, il prévoit seulement que les dispositions spécifiques du titre relatif aux transports ne s'y appliqueront pas de plein droit; que, dès lors, si, en vertu de l'article 84, paragraphe 2, les transports maritimes et aériens sont — tant que le Conseil n'en a pas décidé autrement — soustraits aux règles du titre IV de la deuxième partie du traité, relatives à la politique
commune des transports, ils restent, au même titre que les autres modes de transport, soumis aux règles générales du traité.

A la suite de cet arrêt (qui avait trait à la libre circulation des travailleurs, dans le cadre de la navigation maritime), on aurait pu supposer résolue la question de l'applicabilité des dispositions générales du traité aux secteurs des transports maritime et aérien. Or, il n'en a rien été, ainsi que le montrent, entre autres, les observations présentées par les participants à la présente procédure. La discussion avait entre-temps, il faut le dire, changé de cap, puisque le point actuellement
en litige est de savoir ce qu'on doit entendre par « dispositions générales » du traité. De fait, la Cour n'avait envisagé de façon expresse que les titres I (libre circulation des marchandises) et III (libre circulation des personnes, des services et des capitaux) de la deuxième partie du traité, consacrée aux fondements de la Communauté. Certains tirent à présent la conclusion que les règles communes définies dans la troisième partie du traité ne sont pas applicables au transport aérien.

A propos de cette argumentation, on remarquera tout d'abord que la Cour n'avait, dans son arrêt du 4 avril 1974, aucune raison d'envisager des parties du traité autres que celles précitées; en outre, on doit constater qu'en parlant de « règles générales » la Cour n'a pas employé un concept du traité. Nous sommes d'avis que la Cour a entendu par « règles générales » toutes les dispositions non comprises dans les dispositions particulières du titre IV relatif aux transports. Ce point de vue est
également conforté par les conclusions de l'avocat général Reischl dans l'affaire précitée. Après s'être livré à une analyse des articles 61, paragraphe 1, et 77 du traité CEE, il parvient, à propos de la question de la détermination des dispositions applicables aux transports, à la conclusion suivante: compte tenu de ce que l'article 61, paragraphe 1, du traité dispose que la libre circulation des services en matière de transports est régie par les dispositions du titre relatif aux transports,
il apparaît à l'évidence que le chapitre relatif aux services n'est pas applicable aux transports. Une disposition spéciale comme celle de l'article 61 n'aurait pas été nécessaire si les dispositions générales du traité ne s'étaient de toute façon pas appliquées au secteur des transports.

D'autre part, l'article 77, qui relève du titre « transports », dispose que « sont compatibles avec le présent traité les aides qui répondent aux besoins de la coordination des transports ou qui correspondent au remboursement de certaines servitudes inhérentes à la notion de service public ». Si l'on rapproche de cet article la règle posée à l'article 42 (selon laquelle les dispositions du chapitre relatif aux règles de concurrence ne sont applicables à la production et au commerce des produits
agricoles que dans la mesure déterminée par le Conseil) et si l'on a présent à l'esprit le libellé de l'article 77 qui postule manifestement l'application des articles 92 à 94, on doit nécessairement parvenir à la conclusion selon laquelle l'article 77 a pour fonction de n'interdire l'application des règles de concurrence du traité qu'en ce qui concerne certaines aides dans le secteur des transports. Cela aussi suggérait indubitablement que, même en matière de transports, le traité postule
l'applicabilité de ses dispositions générales, au nombre desquelles figurent les dispositions relatives aux règles de concurrence, y compris les dispositions relatives aux aides.

D'autre part, le Conseil a lui aussi postulé l'applicabilité des règles de concurrence au secteur des transports. Sachant que le règlement no 141, portant non-application du règlement no 17 dans le secteur des transports, prévoit en son article 1er l'inapplicabilité du règlement no 17 au secteur des transports, cependant que l'article 3 stipule qu'en ce qui concerne les transports par chemin de fer, par route et par voie navigable, l'article 1er est applicable jusqu'au 31 décembre 1965, on doit
en déduire que l'article 1er (champ d'application du règlement) comprend également les transports maritimes — nous ajoutons: et également les transports aériens —; cela suppose toutefois que les dispositions générales du traité s'appliquent aussi aux transports maritimes (et aériens). S'il n'en était pas ainsi, il semblerait, en effet, impossible de comprendre pourquoi le Conseil a pu estimer nécessaire d'adopter un règlement dérogatoire pour les transports en général, en se fondant du reste sur
le seul article 87 du traité, en d'autres termes, sans tenir compte de l'article 84, paragraphe 2.

Compte tenu de tout ce qui précède, nous sommes d'avis qu'en utilisant le terme « règles générales » la Cour a simplement entendu les opposer aux « dispositions spécifiques » concernant les transports.

En résumé, on peut donc constater que, pour autant que ces dispositions sont pertinentes, l'ensemble du traité, à l'exception des « dispositions spécifiques du titre relatif aux transports », est applicable à la navigation aérienne. Pour reprendre une formulation empruntée de l'arrêt de la Cour du 4 avril 1974, nous concluons donc en ce sens que l'application au domaine des transports des articles 85 et suivants du traité CEE constitue pour les États membres non une faculté, mais une obligation.

b) La circonstance que le règlement no 17 n'est pas applicable au transport aérien et que le Conseil n'a pas encore adopté de règlement déterminant les modalités d'application aux transports aériens des règles de concurrence du traité, en dépit de propositions en ce sens présentées par la Commission ( 23 ), ne permet pas non plus de déduire que les règles de concurrence ne sont, en tout état de cause, pas applicables à ce secteur. Conformément à l'article 87 du traité CEE, le Conseil arrête tous
règlements ou directives utiles en vue de l'application des principes figurant aux articles 85 et 86. Aux termes des dispositions de l'article 87, paragraphe 2, sous c), ces dispositions ont pour but notamment « de préciser, le cas échéant, dans les diverses branches économiques, le champ d'application des dispositions des articles 85 et 86 ».

Le Conseil dispose donc de la faculté de concrétiser plus en détail l'application des règles de concurrence, entre autres, également en ce qui concerne les transports aériens; il n'est, en revanche, pas habilité à décider de leur non-application.

Le fait que le Conseil n'a pas, jusqu'à présent, arrêté les « règlements ou directives utiles » a donc simplement pour conséquence que la Commission n'est actuellement pas fondée à examiner d'une manière directe ou à sanctionner d'éventuelles infractions aux articles 85 et 86 du traité en matière de transport aérien. Il n'en résulte pas cependant l'inapplication des règles de concurrence en général, la seule conclusion pouvant être tirée étant qu'il appartient, en premier lieu, non à la
Commission, mais aux États membres, de veiller au respect des articles 85 et suivants du traité CEE. Enfin, l'article 88 du traité CEE dispose que, jusqu'au moment de l'entrée en vigueur des dispositions prises en application de l'article 87, les autorités des États membres statuent sur l'admissibilité d'ententes et sur l'exploitation abusive d'une position dominante sur le marché commun. Les dispositions des articles 85 et 86 ne sont donc pas suspendues; simplement, le droit et l'obligation de
veiller à leur respect continuent de ressortir à la compétence des États membres.

On se trouve donc toujours, en ce qui concerne les transports aériens, dans un régime transitoire analogue à celui qui était appliqué à l'ensemble des branches de l'économie avant l'entrée en vigueur du règlement no 17.

c) Nous pourrons être bref en ce qui concerne l'idée selon laquelle la dérogation visée à l'article 90, paragraphe 2, du traité CEE aurait pour objet et pour effet de dispenser les compagnies aériennes de l'observation des règles de concurrence du traité.

L'article 90 du traité CEE est libellé comme suit:

« 1. Les États membres, en ce qui concerne les entreprises publiques et les entreprises auxquelles ils accordent des droits spéciaux ou exclusifs, n'édictent ni ne maintiennent aucune mesure contraire aux règles du présent traité, notamment à celles prévues aux articles 7 et 85 à 94 inclus.

2. Les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général ou présentant le caractère d'un monopole fiscal sont soumises aux règles du présent traité, notamment aux règles de concurrence, dans les limites où l'application de ces règles ne fait pas échec à l'accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté.

3. La Commission veille à l'application des dispositions du présent article et adresse, en tant que de besoin, les directives ou décisions appropriées aux États membres. »

Ces dispositions prévoient donc, en substance, l'applicabilité des règles de concurrence aux entreprises publiques, au nombre desquelles peuvent figurer les compagnies aériennes. Toutefois, pour les entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général, les règles de concurrence ne s'appliquent que pour autant qu'elles n'ont pas pour effet de faire échec à l'accomplissement en droit ou en fait des missions qui leur ont été imparties.

On peut faire abstraction de la question de savoir si l'article 90, paragraphe 2, du traité CEE autorise par là même un traitement particulier dans le cas des compagnies aériennes, étant donné que la Cour a, à travers une jurisprudence désormais constante, posé de manière très claire que, dans l'état actuel du droit communautaire, cette disposition du traité « n'est pas susceptible de créer des droits individuels que les juges nationaux doivent sauvegarder » ( 24 ).

Au cas où la Cour estimerait néanmoins qu'il y a lieu de se prononcer au fond quant à l'application aux concertations tarifaires en matière de transport aérien de l'article 90, paragraphe 2, du traité CEE, il y aurait lieu d'observer ceci: la mise en jeu de cette disposition suppose au préalable qu'on démontre que l'application des règles communautaires serait incompatible avec les missions imparties aux entreprises concernées ( 25 ). Il y a donc lieu de procéder à un « examen strict » ( 26 ). Il
est nécessaire qu'avant de faire valoir une dérogation aux règles du traité, les procédures prévues au traité en ce qui concerne les exonérations accordés au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE aient été au préalable épuisées. Par conséquent, l'article 90, paragraphe 2, n'entre en jeu ( 27 ) que si aucune procédure conforme au traité n'a pu aplanir les conflits d'intérêts en présence.

Le gouvernement du Royaume-Uni conteste — et nous tenons également ce point pour particulièrement douteux — que ces conditions préalables soient réunies dans le cas de concertations tarifaires en matière de transport aérien. Étant donné que même les tarifs concertés peuvent faire l'objet d'une exonération au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE de l'interdiction pesant sur une entente, nous ne voyons pas comment le fait d'appliquer l'article 85 du traité CEE à la procédure
d'élaboration des tarifs en matière de transport aérien pourrait faire obstacle de façon patente aux missions qui sont celles des compagnies aériennes. Le développement de l'aviation commerciale sur le continent américain, sur les routes de l'Atlantique Nord et dans les relations entre les Pays-Bas et le Royaume-Uni permet au contraire de douter que les transports aériens puissent être au total entravés par un supplément de concurrence — ce qui ne suffirait d'ailleurs pas à mettre en jeu
l'article 90, paragraphe 2, du traité CEE.

d) S'il est, par conséquent, acquis que les règles du traité sont applicables au transport aérien et donc également aux concertations tarifaires organisées entre compagnies aériennes, ces tarifs concertés ne sauraient non plus être justifiés au motif que les réglementations nationales présupposent, voire contraignent à une telle concertation. Eu égard à son libellé, l'article 85 du traité CEE est applicable à tout accord entre entreprises ou à toute décision émanant d'une association d'entreprises.
Ainsi que la Cour l'a constaté dans son arrêt du 30 janvier 1985 dans l'affaire 123/83 ( 28 ), «le cadre juridique dans lequel s'effectue la conclusion de tels accords et sont prises de telles décisions ainsi que la qualification juridique donnée à ce cadre par les différents ordres juridiques nationaux sont sans incidence sur l'applicabilité des règles communautaires de la concurrence et notamment de l'article 85 du traité ».

3. Les conséquences de l'applicabilité des règles de concurrence au secteur des transports aériens

Nous nous proposons d'aborder la question des conséquences qu'il y a lieu de tirer de l'applicabilité des règles de concurrence au secteur des transports aériens au regard des droits et obligations des États membres. Nous avons constaté que, conformément à l'objectif visé à l'article 3, sous f), du traité CEE, en liaison avec l'article 85, paragraphe 1, dudit traité, sont incompatibles avec le marché commun et interdits tous accords entre entreprises, toutes décisions d'associations d'entreprises et
toutes pratiques concertées, qui sont susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et qui ont pour objet ou pour effet d'empêcher ou de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun, et notamment ceux qui consistent à fixer de façon directe ou indirecte les prix d'achat, de vente ou d'autres conditions de transaction. Nous avons, en outre, constaté que ces dispositions s'appliquent également au domaine des transports, notamment au secteur des transports
aériens.

Ces dispositions ne concernent, en premier lieu, que le comportement d'entreprises et non des mesures arrêtées par les États membres par la voie législative ou réglementaire. Selon la jurisprudence de la Cour — que nous voudrions considérer comme désormais « constante » —, les États membres sont tenus, en vertu de l'article 5, alinéa 2, du traité, de ne pas porter préjudice par leur législation nationale à l'application pleine et uniforme du droit communautaire et à l'effet des actes d'exécution de
celui-ci, et de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures — même de nature législative ou réglementaire — susceptibles d'éliminer l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises ( 29 ).

Si on rapporte cette solution jurisprudentielle aux présentes demandes de décisions préjudicielles, les États membres ont donc l'obligation, selon l'article 5, alinéa 2, du traité CEE, de ne pas prendre ou maintenir en vigueur des mesures qui permettent aux compagnies aériennes de se soustraire aux obligations qui leur incombent en vertu des règles de concurrence du traité; exprimé d'une manière concrète, interdiction leur est faite de se concerter entre elles sur les tarifs, si les conditions d'une
exonération au titre de l'article 85, paragraphe 3, ne sont pas réunies.

Envisageons à présent les dispositions correspondantes du code français de l'aviation civile. Nous devons constater, en premier lieu, qu'elles ne mentionnent ni ne prescrivent de concertation tarifaire. On trouve simplement à l'article R 330-9, alinéa 3, l'indication que les propositions de tarifs doivent être présentées soit directement, soit par l'intermédiaire d'une association professionnelle agréée par le ministre compétent.

Cette disposition est certes muette quant à un droit ou une obligation de s'entendre sur les prix, mais elle permet néanmoins la présentation de propositions de tarifs qui ont pu faire l'objet d'une concertation au sein de l'organisation professionnelle.

On ne peut dès lors porter une appréciation définitive de cette réglementation française sur la base d'une lecture purement littérale. Il importe, pour en saisir pleinement la portée, de la considérer en liaison avec les dispositions des accords internationaux, qui prévoient, en règle générale, des concertations tarifaires, la pratique réelle des compagnies aériennes ainsi que leur application pratique par les autorités compétentes aux fins de leur homologation. Une vérification par la Cour de ces
différents éléments s'avère toutefois impossible dans le cadre de la procédure instituée à l'article 177 du traité CEE. Il appartient en effet au juge national de procéder à de telles vérifications.

Ainsi que nous l'avons appris par le truchement des demandes de décision préjudicielle et des observations présentées à la Cour par les participants à la procédure, le tribunal de renvoi est convaincu que des ententes tarifaires sont effectivement pratiquées et que la pratique d'homologation française tend non seulement à tolérer, mais même à organiser de telles ententes. Indépendamment de la pertinence ou non de cette constatation, la Cour est tenue de partir de cette constatation aux fins de la
réponse à la question posée.

Une pratique qui tolère ou organise de telles ententes ne doit toutefois pas nécessairement être contraire aux règles de concurrence du traité, étant donné que ces dernières prévoient elles-mêmes la possibilité, en application de l'article 85, paragraphe 3, de déclarer inapplicable à tel ou tel accord l'interdiction visée à l'article 85, paragraphe 1; mais cela suppose, selon l'article 85, paragraphe 3, que les ententes dont il s'agit contribuent à améliorer la production ou la distribution des
produits ou à promouvoir le progrès technique ou économique tout en réservant aux utilisateurs une partie équitable du profit qui en résulte, et sans: a) imposer aux entreprises intéressées des restrictions qui ne sont indispensables pour atteindre ces objectifs, ni b) donner à ces entreprises la possibilité pour une partie substantielle des produits en cause d'éliminer la concurrence.

On ne peut exclure a priori que l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE puisse être appliqué aux concertations tarifaires en matière de transport aérien et donc que des tarifs concertés puissent être affranchis de l'interdiction visée à l'article 85, paragraphe 1.

Il faut cependant remarquer dans ce contexte que, selon l'article 85, paragraphe 3, sous b), une exonération ne peut pas être accordée lorsqu'elle aurait pour effet d'éliminer en tout ou partie la concurrence au niveau des prestations de services considérées. On observera que, dans ce domaine, la concurrence se trouve déjà restreinte pour une autre raison encore, à savoir que, aux termes de l'article 61, paragraphe 1, du traité CEE, la libre circulation des services en matière de transports est
régie par les dispositions du titre relatif aux transports. Or, on sait que, notamment dans le domaine des transports aériens, la libre circulation des services n'est pas encore réalisée: l'agrément des compagnies aériennes continue, comme par le passé, d'être soumis à des restrictions. Si, de surcroît, la concurrence sur les prix se trouve éliminée, ce qui reste de concurrence se réduirait à une « peau de chagrin », de sorte qu'on ne pourrait plus accorder d'exonération.

Dans l'attente de l'adoption, par la Communauté, des dispositions d'application des principes précités, les autorités des États membres sont, conformément à l'article 88 du traité CEE, compétentes aux fins d'une éventuelle déclaration d'inapplicabilité. Cette dernière disposition renvoie donc aux règles de compétence et de procédure du droit national. Il appartient donc aux États membres de créer les conditions procédurales et techniques nécessaires, préalablement à l'application des règles de
concurrence par les autorités compétentes de ces États. Selon la jurisprudence de la Cour ( 30 ) figurent au nombre de ces autorités également les juridictions spécialement chargées d'appliquer la législation nationale sur la concurrence ou de contrôler la légalité de son application par les autorités administratives.

Il résulte de ces considérations deux ordres de conclusions.

Les États membres sont, en principe, libres de déterminer les autorités nationales compétentes dont il est question à l'article 88 du traité CEE. Ils ont la faculté de confier la mise en œuvre des règles de concurrence par exemple aux autorités antitrusts, mais également à d'autres autorités, telles que — dans le domaine de la navigation aérienne — les autorités de contrôle de la navigation aérienne.

Étant donné que la légalité de l'application par les autorités administratives des règles de concurrence doit faire l'objet d'un contrôle juridictionnel, les tribunaux doivent être en mesure de pouvoir vérifier les décisions relatives aux déclarations d'inapplicabilité prises en application de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE. Cela présuppose cependant — ainsi que l'agent du Royaume-Uni nous l'a plus particulièrement exposé — que des déclarations d'exonération soient rendues sous la forme
de décisions expresses et motivées. Des déclarations d'exonération implicites ne suffisent pas à permettre un contrôle juridictionnel efficace des décisions administratives. On ne saurait, par exemple, admettre qu'une déclaration d'inapplicabilité au sens de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE soit incluse dans l'homologation par l'autorité publique de tarifs aériens (en cas de concertations tarifaires), si l'autorité de contrôle ne se prononce pas expressément sur les possibilités d'une
exonération. On doit, en tout cas, considérer qu'une déclaration d'exonération fait défaut si les tarifs présentés à l'homologation sont tacitement approuvés, faute pour le ministre d'avoir fait connaître son opposition dans le délai d'un mois à compter de la réception des propositions ( 31 ).

Dans un cas de ce genre, on ne se trouverait pas en présence d'une déclaration d'exonération efficace au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE.

Il résulte des développements qui précèdent que les obligations incombant aux États membres en vertu des dispositions combinées de l'article 5, alinéa 2, en liaison avec les articles 3, sous f), 85 et 88 du traité CEE sont déjà, même en l'état actuel du droit communautaire, suffisamment déterminées. Il n'est donc pas nécessaire que ces dispositions soient au préalable précisées dans le cadre d'une politique communautaire de concurrence dans le secteur de la navigation aérienne.

C'est dans cette circonstance que réside la différence essentielle par rapport à l'affaire 229/83 ( 32 ), dans laquelle la Cour était appelée à se prononcer sur des systèmes et pratiques purement nationaux dans le secteur du livre, alors qu'il s'agit en l'espèce d'ententes dans le domaine des transports aériens internationaux, voire communautaires. Dans le secteur du livre, faute d'une politique de concurrence en l'état actuel du droit communautaire, la Cour n'avait pu constater aucune obligation
suffisamment précise des États membres dans ce domaine. Il y a lieu, en outre, d'observer que des concertations entre entreprises n'étaient précisément pas nécessaires aux fins de la réglementation nationale que la Cour devait examiner dans l'affaire 229/83, et que ces concertations avaient, au contraire, été remplacées par un comportement unilatéral des éditeurs, auquel des mesures étatiques conféraient une validité générale. En l'espèce, par contre, les concertations tarifaires constituent
précisément une condition préalable — ou, en tout cas, se trouvent dans un rapport d'implication — par rapport à la réglementation étatique.

Même si la Cour n'a pas, dans son arrêt du 10 janvier 1985, expressément indiqué que telle était sa conception — et, dans les développements qu'elle consacre à l'article 36 du traité CEE, elle tend même à se distancier quelque peu de cette conception ( 33 ) —, cette décision est malgré tout caractérisée par une particularité qui ne permet pas de transposer sans examen à d'autres branches de l'économie le jugement prudent ainsi exprimé: nous pensons à la particularité du livre en tant que support
culturel. Dans ses conclusions, l'avocat général Darmon a de manière explicite renvoyé à cette circonstance, qui différencie le livre des autres biens économiques. La Cour — en tout cas dans les développements qu'elle a consacrés à l'article 85 du traité CEE — ne s'est pas inscrite en faux contre cette opinion, qui pourrait à tout le moins expliquer pourquoi il n'y a pas de politique communautaire de concurrence dans le secteur du livre.

Les prestations de services fournies par les compagnies aériennes constituent cependant des prestations à caractère purement économique, dénuées des particularités culturelles pouvant caractériser le secteur du livre.

4. Sur la validité provisoire des « accords précédemment conclus »

Le gouvernement du Royaume-Uni a suggéré de considérer les consultations tarifaires existant entre compagnies aériennes comme étant provisoirement valides malgré l'applicabilité de principe des règles de concurrence dans ce secteur, étant donné que, jusqu'à présent, il n'a notamment pas été clairement établi quelle est l'autorité qui pourrait accorder une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3. Le principe de la sécurité juridique exigerait de ne pas intervenir dans des ententes déjà
conclues.

La Commission s'est opposée à cette thèse. Elle considère notamment que les principes énoncés dans l'arrêt de la Cour du 6 avril 1962 dans l'affaire 13/61 ne sont pas transposables en l'espèce en raison des particularités de l'affaire 13/61. Les circonstances concrètes à l'origine de l'affaire 13/61 — à savoir l'existence d'accords conclus avant l'entrée en vigueur du traité CEE, l'obligation de notifier conformément à l'article 5 du règlement no 17 des accords précédemment conclus, qui aurait déjà
été en vigueur à l'époque du litige — ne permettrait pas une transposition de ces principes en l'espèce.

Dans l'arrêt précité, la Cour a affirmé le principe de l'applicabilité de l'article 85 du traité CEE dès l'entrée en vigueur du traité. Dans la mesure où les articles 88 et 89 du traité conféraient des compétences respectivement aux autorités nationales et à la Commission pour l'application de l'article 85, ils présupposaient l'applicabilité de cette disposition dès l'entrée en vigueur du traité.

La Cour poursuit toutefois en déclarant que les articles 88 et 89 du traité CEE ne sont pas de nature à assurer une application complète et intégrale de l'article 85 du traité CEE. L'article 88 du traité CEE ne prévoit une décision des autorités des États membres sur l'admissibilité d'ententes que lorsque ces dernières sont soumises à leur approbation dans le cadre du droit régissant la concurrence en vigueur dans leur pays. L'article 89, tout en attribuant à la Commission une compétence générale de
surveillance et de contrôle, ne l'habiliterait qu'à constater d'éventuelles violations des articles 85 et 86, sans lui donner compétence pour l'octroi des déclarations au sens de l'article 85, alinéa 3. Enfin, aucun de ces deux articles ne contiendrait de réglementation transitoire pour les ententes existant au moment de l'entrée en vigueur du traité. D'une manière plus générale, il serait contraire au principe général de la sécurité juridique de frapper de nullité de plein droit certains accords
avant même qu'il ait été possible de savoir — donc de constater — à quels accords s'applique l'ensemble de l'article 85.

La question de la validité de concertations peut assurément poser des problèmes lorsque, à la suite de tels accords, des tarifs aériens ont été homologués par les autorités nationales sans qu'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE ait été accordée. La Cour n'est cependant pas tenue de répondre à cette question étant donné qu'elle ne lui a pas été posée. En effet, la juridiction de renvoi a déjà elle-même statué sur la validité des accords précédemment conclus en la
rejetant. En l'espèce, il s'agit de la question de savoir si des infractions à des tarifs aériens agréés par l'administration et qui, pour leur part, reposent sur des ententes tarifaires incompatibles avec le droit communautaire peuvent faire l'objet de sanctions pénales.

A cet égard, il convient à nouveau d'attirer l'attention sur le fait que les procédures nationales au principal ayant donné lieu aux demandes de décision préjudicielle dont la Cour est saisie en l'espèce, constituent des procédures pénales. Sans vouloir examiner ici en détail les principes généraux du droit pénal, il convient toutefois d'observer que le principe de la sécurité juridique dans ce domaine exige que des critères stricts soient arrêtés en ce qui concerne la validité de dispositions
pénales. S'il est encore à la rigueur concevable de considérer pour des raisons de sécurité juridique que des ententes incompatibles avec le droit communautaire sont provisoirement licites du point de vue du droit civil, il n'est cependant pas, pour autant, admissible d'obtenir à coup de sanctions pénales le respect de ces ententes incompatibles avec le droit communautaire et cela même de manière indirecte, comme c'est le cas en l'espèce, étant donné que les accords en cause servent de base aux
tarifs agréés par les autorités publiques et qui sont de leur côté pénalement protégés. Il incombe, en pareil cas, aux tribunaux d'agir en protecteurs des libertés individuelles.

La thèse opposée aurait, entre autres, pour effet que les États membres pourraient permettre aux entreprises privées de se dérober aux obligations qui leur sont imposées par les règles de concurrence du traité. Non seulement l'effet utile des règles de concurrence applicables aux entreprises serait annulé, mais, au surplus, ce n'est que moyennant les sanctions pénales prévues que les ententes tarifaires incompatibles avec le droit comunautaire auraient un effet utile.

Nous en restons, par conséquent, au résultat qu'à tout le moins dans le domaine pénal il convient de considérer comme inapplicables toutes dispositions édictant des sanctions pour cause d'infraction à des tarifs qui ont eux-mêmes été établis de manière incompatible avec les dispositions de l'article 85 du traité CEE. La question de savoir s'il conviendrait de suggérer à la Cour de se prononcer différemment dans un cas afférent uniquement à l'appréciation de la validité en droit civil de telles
ententes, en s'appuyant, par exemple, sur les principes énoncés dans son arrêt du 8 avril 1976 dans l'affaire 43/75 ( 34 ), peut être passée sous silence étant donné que cette question n'a pas été soulevée dans les demandes de décision préjudicielle présentées en l'espèce.

5. Sur le régime particulier des compagnies aériennes établies dans des pays tiers

Le gouvernement des Pays-Bas a encore observé que le cas d'une compagnie aérienne située dans un État tiers, telle que la compagnie aérienne Air Lanka, partie au principal dans la procédure préjudicielle 213/84, pourrait éventuellement exiger un examen particulier.

A supposer que, dans ce cas, on se trouve également en présence d'ententes tarifaires ayant servi de base aux tarifs agréés par les autorités publiques, il suffit, aux fins de se prononcer sur ce problème particulier, de renvoyer à la jurisprudence de la Cour qui, dans son arrêt du 25 novembre 1971 dans l'affaire 22/71 ( 35 ), concernant l'applicabilité de l'article 85 du traité CEE à un accord d'exclusivité dans lequel une des parties au contrat était établie dans un pays tiers, a statué comme
suit:

« Attendu que, pour être incompatible avec le marché commun et interdit aux termes de l'article 85, un accord doit être ‘susceptible d'affecter le commerce entre États membres’ et avoir ‘pour objet ou pour effet’ de porter atteinte ‘au jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun »;

que le fait, à l'une des entreprises participant à l'accord, d'être située dans un pays tiers ne fait pas obstacle à l'application de cette disposition, dès lors que l'accord produit ses effets sur le territoire du marché commun. »

L'avocat général Henri Mayras arrive à une conclusion analogue dans ses conclusions du 2 mai 1972 présentées dans les affaires 48, 49 et 51 à 57/69 ( 36 ), dans lesquelles il a admis, sur la base d'une étude approfondie de droit comparé, la compétence de la Commission pour infliger des amendes à des sociétés dont le siège se trouve en dehors du marché commun, en cas d'infraction à l'article 85 du traité CEE.

De même, d'après l'arrêt de la Cour de justice du 20 juin 1978 dans l'affaire 28/77 ( 37 ), le fait pour l'une des entreprises participant à l'accord d'être située dans un pays tiers ne fait pas obstacle à l'application de l'article 85 du traité CEE dans la mesure où seuls les effets de l'accord s'étendent sur le territoire du marché commun; il faut toutefois considérer que cet accord n'est interdit en vertu de l'article 85 que lorsqu'il affecte le commerce intracommunautaire d'une manière sensible.

Il y a lieu, par conséquent, de considérer que des ententes tarifaires auxquelles participent des compagnies aériennes établies à l'extérieur de la Communauté tombent sous le coup de dispositions de l'article 85 du traité CEE dès lors que ces ententes produisent leurs effets de manière sensible sur le territoire du marché commun.

6. Le problème particulier des vols en provenance ou à destination de pays tiers

L'insertion juridique du trafic aérien dans un système d'accords bilatéraux et multilatéraux prévoyant très souvent, voire imposant, des consultations tarifaires entre compagnies aériennes, soulève un problème particulier. Dans la mesure où il s'agit de conventions conclues entre États membres antérieurement à l'entrée en vigueur du traité CEE, ces accords ont été remplacés par l'entrée en vigueur du traité CEE. C'est ainsi que la Cour a déjà constaté, dans son arrêt du 27 février 1962 dans
l'affaire 10/61 ( 38 ), que le traité CEE prime, dans les matières qu'il règle, les conventions conclues avant son entrée en vigueur entre les États membres.

La situation juridique n'est cependant pas la même en ce qui concerne les accords internationaux conclus avant l'entrée en vigueur du traité CEE avec des États tiers, étant donné qu'en vertu de principes généraux de droit international les États membres de la Communauté n'étaient pas en mesure de se libérer, moyennant la conclusion du traité CEE, des obligations qu'ils avaient à l'égard de pays tiers. L'article 234, alinéa 1, du traité CEE reprend donc un principe général de droit international en
disposant que:

« Les droits et obligations résultant de conventions conclues antérieurement à l'entrée en vigueur du présent traité, entre un ou plusieurs États membres, d'une part, et un ou plusieurs États tiers, d'autre part, ne sont pas affectés par les dispositions du présent traité. »

Toutefois^ il ne s'en tient pas au respect des droits d'États tiers. L'alinéa 2 de l'article 234 du traité CEE impose, en effet, l'obligation suivante aux États membres de la Communauté:

« Dans la mesure où ces conventions ne sont pas compatibles avec le présent traité, le ou les États membres en cause recourent à tous les moyens appropriés pour éliminer les incompatibilités constatées. En cas de besoin, les États membres se prêtent une assistance mutuelle en vue d'arriver à cette fin, et adoptent le cas échéant une attitude commune. »

Quelles conclusions doit-on tirer de ces dispositions en ce qui concerne les présentes demandes de décision préjudicielle?

Il convient tout d'abord de considérer que, pour les accords conclus avant l'entrée en vigueur du traité CEE — ou avant l'adhésion à la Communauté économique européenne de nouveaux États membres ( 39 ) —, les droits des États tiers et des obligations des États membres demeurent pour le moment même lorsqu'ils sont incompatibles avec le traité CEE ( 38 ).

Au cas où de tels « accords précédemment conclus » existeraient en ce qui concerne des lignes en question dans les procédures pénales pendantes devant le tribunal de police de Paris, il incombera d'abord au tribunal de police d'examiner le point de savoir si le fait de tolérer ou de favoriser des consultations concernant les tarifs aériens et, en outre, de sanctionner pénalement les infractions aux tarifs aériens qui ont été ensuite fixés relèvent du domaine des « droits des États tiers » ou des «
obligations de l'État membre ».

Toutefois, même en cas de réponse affirmative, on ne saurait s'en tenir à cela compte tenu des dispositions de l'article 234, alinéa 2, du traité CEE. L'article 234, alinéa 2, du traité CEE impose en effet aux États membres une obligation en vue d'éliminer les conflits entre traités. Les Etats membres sont en effet tenus de recourir à tous les moyens appropriés, c'est-à-dire tous les moyens admissibles en droit international, pour éliminer les incompatibilités constatées. Au nombre de ces moyens
appropriés, il convient notamment de compter les renégociations ayant pour objet une adaptation de l'accord au traité CEE ou, le cas échéant, la dénonciation ( 40 ) d'un accord sur le trafic aérien au cas où un État tiers n'est pas disposé à participer à une renégociation.

A supposer que le tribunal de renvoi acquière la conviction que les « accords précédemment conclus » exigent des concertations tarifaires et une protection pénale de ces dernières, il lui appartiendra en outre d'examiner le point de savoir si l'État membre concerné a satisfait à l'obligation qui lui incombe en vertu de l'article 234 du traité CEE. Bien que l'article 234, alinéa 2, du traité CEE n'impose pas aux États membres l'obligation d'aboutir à l'élimination des incompatibilités existant entre
les accords précédemment conclus et le traité CEE, ce qui peut être juridiquement impossible lorsque l'État tiers n'est pas disposé à accepter une révision ou lorsqu'une dénonciation n'est pas possible, ils sont néanmoins tenus de mettre en œuvre« tous les moyens appropriés » en vue d'arriver à cette révision.

Ce n'est que lorsque les efforts vainement déployés par l'État membre en vue d'adapter les accords précédemment conclus auront également été constatés qu'on pourra parler de maintien de la compétence de l'État membre pour sanctionner les contrevenants aux concertations tarifaires incompatibles avec le droit communautaire et aux tarifs aériens agréés par l'État et fondés sur ces consultations.

A cet égard, le fait que le gouvernement de la République française a indiqué, en réponse à une question de la Cour, que la question de la compatibilité de ses obligations internationales avec le traité CEE ne s'était pas posée en ce qui le concerne revêtira également de l'importance.

Dans l'ensemble, le champ d'application de la clause d'exception visée à l'article 234, alinéa 1, du traité CEE ne devrait plus être très large, vingt-sept ans après l'entrée en vigueur du traité CEE, dans la mesure où les États membres ont satisfait aux obligations d'agir qui leur incombent en vertu de l'article 234, alinéa 2, du traité CEE. En revanche, s'ils n'ont pas satisfait à cette obligation d'agir qui leur incombe en vertu de l'article 234, paragraphe 2, du traité CEE, ils ne peuvent pas se
prévaloir de ce manquement contraire au droit communautaire pour sanctionner des opérateurs économiques n'ayant pas accepté d'entrer dans le jeu des concertations tarifaires, contraires au droit communautaire, pratiquées par les compagnies aériennes ni de tenir compte des mesures correspondantes prises par les autorités publiques chargées de l'homologation.

Si l'on s'en tient à ce résultat, la validité en droit international des accords précédemment conclus n'est nullement mise en doute, car il n'a pour effet que de priver ces accords d'une partie de leur portée au niveau national et, partant, communautaire. Cela pourrait engendrer la responsabilité en droit international de l'État membre qui n'a rien entrepris afin de se débarrasser de l'obligation contradictoire.

C.

Eu égard aux considérations qui précèdent, nous proposons à la Cour de répondre aux questions déférées par le tribunal de police de Paris comme suit.

Une réglementation nationale qui, prévoyant une homologation par l'autorité publique de tarifs de transport aérien, impose ou admet une concertation préalable entre les compagnies aériennes concernées sur les tarifs à soumettre à l'homologation, contrevient aux dispositions du traité instituant la Communauté économique européenne, et notamment à son article 5, alinéa 2, lu ensemble avec les articles 3, sous f), 85 et — le cas échéant — 90, si cette concertation n'était pas exemptée de l'interdiction
frappant certaines ententes, au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité.

Il appartient aux juridictions nationales d'écarter l'application d'une telle réglementation. L'unique exception à ce principe serait constituée par des obligations découlant d'accords aériens conclus entre Etats membres et pays tiers, et couverts par les dispositions de l'article 234 du traité, en tant qu'elles imposeraient un comportement contraire au droit communautaire, dans l'hypothèse où l'État membre concerné n'a pas, jusqu'à présent, eu la possibilité d'adapter l'accord conclu avec un État
tiers ou, à défaut, de se dégager des obligations lui incombant en vertu d'un tel accord.

ANNEXE

Extraits du code français de l'aviation civile

Article L 330-3

Le transport des passagers ne peut être effectué que par des entreprises agréées à cet effet par le ministre chargé de l'aviation civile.

Ces entreprises doivent soumettre à son approbation préalable:

— leurs programmes généraux d'achat et de location de matériel volant;

— leurs programmes d'exploitation comportant, en particulier, l'indication des types de matériel normalement utilisés sur chacun des services de passagers prévus dans ces programmes.

Les tarifs sont soumis à l'homologation du ministre chargé de l'aviation civile.

Ne sont pas soumis aux obligations du présent article les transports d'au plus six passagers effectués à l'aide d'aéronefs dont le poids est inférieur à un maximum fixé par arrêté du ministre chargé de l'aviation civile.

Article R 330-9

(Décret no 76-711 du 23 juillet 1976, article 1er)

Les entreprises agréées doivent présenter au ministre chargé de l'aviation civile, en vue de l'homologation de leurs tarifs, des propositions détaillées par ligne et, à l'intérieur de chaque ligne, par classe. Ces propositions doivent préciser également les conditions générales de transport ainsi que les réductions de tarifs que ces entreprises envisagent d'appliquer au cours de certaines périodes, ou au profit de certaines catégories de passagers.

Ces dispositions s'appliquent également aux entreprises étrangères de transport aérien autorisées à embarquer ou débarquer des passagers par un vol régulier ou non régulier sur le territoire de la République française, sauf en ce qui concerne les transports prévus au dernier alinéa de l'article L 330-3.

Les propositions peuvent être présentées soit par les entreprises directement, soit par l'intermédiaire d'une association professionnelle agréée par le ministre.

A l'expiration d'un délai de un mois à compter de la réception des propositions, les tarifs sont considérés comme homologués si le ministre n'a pas fait connaître son opposition.

Article R 330-15

(Décret no 73-331 du 14 mars 1973, article 1er)

Sans préjudice de l'application des autres sanctions prévues par la législation en vigueur, et en particulier de celles qui sont édictées par l'article L 330-4, sera punie d'un emprisonnement de dix jours à un mois et d'une amende de 600 à 1000 FF ou de l'une de ces deux peines seulement, toute personne qui aura contrevenu aux prescriptions des articles L 330-1, L 330-2 ou L 330-3, et notamment:

1) aura exercé une activité de transport aérien sans avoir obtenu l'autorisation prévue à l'article L 330-1 ou sans avoir respecté les conditions ou limitations qui lui avaient été imposées dans ladite autorisation;

2) aura, contrairement à l'article L 330-3, omis de soumettre à l'homologation les tarifs qu'elle pratique ou pratiqué des tarifs différents de ceux qui avaient été homologués.

(Décret no 80-170 du 18 février 1980, article 2): « Sera punie de la même peine, sans préjudice de l'application des autres sanctions prévues par les conventions internationales ou par la législation en vigueur, toute personne qui aura contrevenu aux prescriptions des articles R 330-3, R 330-7 (alinéa 2), R 330-9 (alinéa 2), R 330-11 ou des règlements pris en application de l'article R 330-4. »

En cas de récidive, la peine d'emprisonnement pourra être portée à deux mois et celle d'amende à 2000 FF.

--------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

( *1 ) Traduit de l'allemand.

( 1 ) Le texte original de ces dispositions est reproduit en annexe aux présentes conclusions.

( 2 ) Sans doute le juge entend-il par là que le Conseil peut statuer au moyen d'une résolution distincte sur le point de savoir si — et le cas échéant, et dans quelle mesure et selon quelles procédures — il y a lieu d'adopter des dispositions appropriées pour la navigation aérienne.

( 3 ) Voir J. Erdmenger, « Kommentar zu Artikel 84 EWGV », notes 48 et suiv., in Groeben-Boeckh-Thiesing-Ehlermann, Kommentar zum EWG-Vertrag, Baden-Baden, 1983; L. Weber, Die Zivilluftfahrt im europäischen Gemeinschaftsrecht, Berlin, Heidelberg, New York, 1981, p. 42 et suiv.

( 4 ) Recueil des traités des Nations unies, vol. 15, p. 295.

( 5 ) Voir, à titre d'exemple, l'accord conclu entre la République

fédérale d'Allemagne et la France, du 4 octobre 1955 (Recueil des traités des Mations unies, vol. 353, p. 203, BGBl. 1956 II, p. 1078), notamment l'article 18.

( 6 ) Recueil des traités des Nations unies, vol. 696, p. 31.

( 7 ) Arrêt du 16 décembre 1981 dans l'affaire 244/80, Pasquale Foglia/Mariella Novello, Rec. 1981, p. 3045 et suiv., spécialement p. 3062 et suiv.

( 8 ) Règlement no 17 portant application des articles 85 et 86 du traité (JO du 21. 2. 1962, p. 204).

( 9 ) Règlement no 141 du Conseil portant non-application du règlement no 17 du Conseil au secteur des transports (JO du 28. 11. 1962, p. 2751).

( 10 ) Règlement no 1017/68 du Conseil, du 19 juillet 1968, ponant application des règles de concurrence aux secteurs des transports par chemin de fer, par route et par voie navigable (JO L 175 du 23. 7. 1968, p. 1).

( 11 ) Arrêt du 4 avril 1974 dans l'affaire 167/73, Commission/ République française, Rec. 1974, p. 359.

( 12 ) Arrêt du 12 octobre 1978 dans l'affaire 156/77, Commission/Royaume de Belgique, Rec. 1978, p. 1881.

( 13 ) Arrêt du 4 avril 1974 dans l'affaire 167/73, Commission/République française, Rec. 1974, p. 359.

( 14 ) Arrêt du 10 janvier 1985 dans l'affaire 229/83, Association des Centres distributeurs Édouard Leclerc et autres/SARL « Au blé vert » et autres, Rec. 1985, p. 1.

( 15 ) Arrêt du 6 avril 1962 dans l'affaire 13/61, Kledingverkoopbedrijf de Geus en Uitdenbogerd/Robert Bosch et autres, Rec. 1962, p. 97.

( 16 ) Voir à cet égard la question telle qu'elle a été suggérée par la Commission ci-dessus, p. 1431.

( 17 ) Arrêt du 15 juillet 1964 dans l'affaire 6/64, Flaminio Costa/ENEL, Rec. 1964, p. 1141.

( 18 ) Arrêt 6/64, op. cit., p. 1158.

( 19 ) Arrêt du 11 mars 1980 dans l'affaire 104/79, Pasquale Foglia/Mariella Novello, Rec. 1980, p. 745; arrêt du 16 décembre 1981 dans l'affaire 244/80, Foglia/Novello, Rec. 1981, p. 3045.

( 20 ) Arrêt du 11 mars 1980 dans l'affaire 104/79, Pasquale Foglia/Mariella Novello, Rec. 1980, p. 745; arrêt du 16 décembre 1981 dans l'affaire 244/80, Foglia/Novello, Rec. 1981, p. 3045.

( 21 ) Voir U. Everling, Das Vorabentscheidungsverfahren vor dem Gerichtshof der europäischen Gemeinschaften — Praxis und Rechtsprechung (La procédure de décision préjudicielle devant la Cour de justice des Communautés européennes — Pratique et jurisprudence), Nomos Verlagsgesellschaft, Baden-Baden, 1986, vol. 121, p. 43.

( 22 ) Arrêt 167/73, op. cit., point 26.

( 23 ) Par exemple, proposition de règlement du Conseil déterminant les modalités d'application aux transports aériens des articles 85 et 86 du traité (JO 1982, C 317, p. 3).

( 24 ) Cette solution résulte déjà de l'arrêt rendu par la Cour le 14 juillet 1971 dans l'affaire 10/71, Ministère public luxembourgeois/Madeleine Muller, veuve J. P. Hein, et autres, Rec. 1971, p. 723, spécialement p. 730; certains indices en faveur d'une thèse opposée, pouvant être déduits de l'arrêt de la Cour du 21 mars 1974 dans l'affaire 127/73, Belgische Radio en Televisie et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs/SV SABAM et NV Fonior, Rec. 1974, p. 313, spécialement p. 318,
apparaissent aujourd'hui comme dénués de pertinence à la lumière des arrêts des 30 avril 1974 dans l'affaire 155/73, Giuseppe Sacchi, Rec. 1974, p. 409, et 10 mars 1983 dans l'affaire 172/82, Syndicat national des fabricants raffineurs d'huile de graissage et autres/Groupement d'intérêt économique, Rec. 1983, p. 555, spécialement p. 567.

( 25 ) Affaire 155/73, op. cit., p. 431.

( 26 ) Selon l'expression de l'avocat général Roemer dans ses conclusions dans l'affaire 82/71, Rec. 1972, p. 146.

( 27 ) Voir les indications de doctrine fournies par I. Pernice, note 53 concernant l'article 90 du traité CEE, in Grabitz, Kommentar zum EG-Vertrag, Munich, p. 1983 et suiv.

( 28 ) Arrêt du 30 janvier 1985 dans l'affaire 123/83, Bureau national interprofessionnel du cognac/Guy Clair, Rec. 1985, p. 391.

( 29 ) Arrêt du 10 janvier 1985 dans l'affaire 229/83, Association des Centres distributeurs Édouard Leclerc et autres/SARL «Au blé vert» et autres, point 14 des motifs, Rec. 1985, p. 1; arrêt du 29 janvier 1985 dans l'affaire 231/83, Henri Cullet/Centre Leclerc à Toulouse et autres, point 16 des motifs, Rec. 1985, p. 305; arrêt du 13 février 1969 dans l'affaire 14/68, Walt Wilhelm et autres/Bundeskartellamt, Rec. 1969, p. 1, spécialement p. 14; arrêt du 16 novembre 1977 dans l'affaire 13/77,
GB-Inno-BM/Vereniging van de Kleinhandelaars in Tabak, Rec. 1977, p. 2115, spécialement p. 2145 et suiv.

( 30 ) Arrêt du 30 janvier 1974 dans l'affaire 127/73, Belgische Radio en Televisie et autres/SV SABAM, Rec. 1974, p. 51, spécialement p. 62 et suiv.

( 31 ) Voir article R 330-9 du code français de l'aviation civile.

( 32 ) Arrêt du 10 janvier 1985 dans l'affaire 229/83, Association des Centres distributeurs Édouard Leclerc et autres/SARL « Au blé vert » et autres, Rec. 1985, p. 1.

( 33 ) Point 30 des motifs.

( 34 ) Arrêt du 8 avril 1976 dans l'affaire 43/75, Gabrielle Defrenne/Société anonyme belge de navigation aérienne Sabena, Rec. 1976, p. 455, et spécialement p. 480.

( 35 ) Arrêt du 25 novembre 1971 dans l'affaire 22/71, Béguelin Import Co. et autres/S. A. G. L. Import Export et autres, Rec. 1971, p. 949, et spécialement p. 959 et suiv.

( 36 ) Conclusions du 2 mai 1972 dans les affaires 48, 49, 51 à 57/69, Imperial Chemical Industries Ltd et autres/Commission, Rec. 1972, p. 669.

( 37 ) Arrêt du 20 juin 1978 dans l'affaire 28/77, Tepea BV/ Commission, Rec. 1978, p. 1391, et spécialement p. 1416.

( 38 ) Arrêt du 17 février 1962 dans l'affaire 10/61, Commission de la Communauté économique européenne/Gouvernement de la République italienne, Rec. 1962, p. 1, et spécialement p. 22 et suiv.

( 39 ) Voir article 5 de l'acte d'adhésion du 22 janvier 1972 concernant le Danemark, l'Irlande et le Royaume-Uni, et article 5 de l'acte d'adhésion du 28 mai 1979 concernant la Grèce.

( 40 ) L'accord conclu entre la République fédérale d'Allemagne et la France, du 4 octobre 1955, ainsi que l'accord international sur l'établissement des tarifs des services aériens du 10 juillet 1967, qui ont été cités ci-dessus dans les notes 5 et 6, prévoient, par exemple, des délais de dénonciation de douze mois.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 209
Date de la décision : 24/09/1985
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Tribunal de police de Paris - France.

Fixation des tarifs aériens - Applicabilité des règles de concurrence du traité CEE.

Ententes

Concurrence

Transports


Parties
Demandeurs : Ministère public
Défendeurs : Lucas Asjes et autres, Andrew Gray et autres, Andrew Gray et autres, Jacques Maillot et autres et Léo Ludwig et autres.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Bosco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1985:360

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award