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14/05/1985 | CJUE | N°114

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 14 mai 1985., SA Établissements Piszko et autres contre SA Dammarie Distribution "Centre Leclerc" et SA Carrefour Supermarché., 14/05/1985, 114


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN

présentées le 14 mai 1985 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La Cour a été saisie de ces affaires par des demandes de décision à titre préjudiciel présentées le 12 mars 1984 en application de l'article 177 du traité CEE, par le tribunal de commerce de Melun dans le cadre de procédures en référé pendantes devant cette juridiction.

Dans ces procédures, une société, un propriétaire de garage et un syndicat professionnel cherchent à obtenir des ordonna

nces tendant à empêcher deux supermarchés de vendre des carburants à des prix inférieurs aux prix minimaux...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN

présentées le 14 mai 1985 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La Cour a été saisie de ces affaires par des demandes de décision à titre préjudiciel présentées le 12 mars 1984 en application de l'article 177 du traité CEE, par le tribunal de commerce de Melun dans le cadre de procédures en référé pendantes devant cette juridiction.

Dans ces procédures, une société, un propriétaire de garage et un syndicat professionnel cherchent à obtenir des ordonnances tendant à empêcher deux supermarchés de vendre des carburants à des prix inférieurs aux prix minimaux fixés par la législation française et notamment par l'arrêté ministériel no 83-58/A, du 9 novembre 1983. Les supermarchés s'opposent aux conclusions des demanderesses au motif, entre autres, que l'arrêté ministériel est incompatible avec le droit communautaire. En vue de
résoudre ce litige, le tribunal a déféré les questions suivantes à la Cour aux fins d'une décision à titre préjudiciel:

Dans l'affaire 114/84,

« Les articles 3, sous f), et 5 du traité CEE doivent-ils être interprétés en ce qu'ils interdisent l'institution dans un État membre, par voie législative ou réglementaire, de prix minimaux imposés pour la vente au détail à la pompe de l'essence ou du supercarburant? »

Dans l'affaire 115/84,

1) « Face au principe fondamental de la libre concurrence édicté par l'article 3 du traité de Rome, la pratique du prix minimal est-elle licite?

2) En matière de carburants, une législation imposant un prix minimal peut-elle être comprise au sens de l'article 36 du traité comme répondant à un impératif d'ordre public? »

A l'exception d'un détail, la procédure qui est à l'origine des présentes affaires est semblable à celle qui a donné lieu à l'affaire 231/83, Cullet/Centre Leclerc, dans laquelle la Cour a rendu son arrêt le 29 janvier 1985. La seule différence réside dans le fait que le rabais qui a donné lieu à la présente procédure est intervenu aux mois de février et mars 1984, et relevait donc de l'arrêté ministériel no 83-58/A, du 9 novembre 1983, et non pas de l'arrêté ministériel no 82-13/A qu'il a abrogé et
remplacé avec effet au 15 novembre 1983. En conséquence, il convient d'examiner dans quelle mesure, le cas échéant, cela modifie les problèmes de droit communautaire soulevés.

En vertu de la législation française en vigueur, tant à l'époque des faits de l'affaire Cullet que lors des espèces présentes, le prix minimal de vente au détail était déterminé par la simple soustraction d'un certain nombre de francs par litre du prix de vente maximal par litre qui était déterminé au moyen d'une série compliquée de calculs décrits dans les conclusions et dans l'arrêt de l'affaire Cullet. En application de l'arrêté ministériel no 82-13/A qui était en cause dans l'affaire Cullet, le
montant à soustraire était de neuf centimes par litre pour l'essence et de dix centimes par litre pour le supercarburant. A compter du 15 novembre 1983, les réductions ont été portées respectivement à seize centimes et dix-sept centimes par l'arrêté ministériel no 83-58/A qui est litigieux dans les espèces présentes. En dehors de cette modification, le système de fixation du prix minimal de vente au détail des carburants en France est demeuré en substance inchangé. Il s'ensuit que ces affaires
soulèvent essentiellement les mêmes problèmes de droit communautaire que l'affaire Cullet.

Bien que les questions déférées en l'espèce par la juridiction nationale ne mentionnent pas tous les articles du traité qui ont été évoqués dans l'arrêt Cullet, elles visent manifestement à établir si la législation nationale litigieuse est conforme aux principes et buts du traité CEE et aux dispositions du traité qui les mettent plus spécifiquement en œuvre.

Les observations présentées par la partie défenderesse dans l'affaire 114/84, par la Commission et le gouvernement français (ce dernier ne les a présentées qu'à l'audience), n'ajoutent aucun élément substantiel aux arguments qui ont été exposés devant la Cour dans le cadre de l'affaire Cullet. L'arrêt rendu par la Cour dans cette affaire traite tous les problèmes soulevés qui concernent les articles 3, 5 et 30. Il n'a pas été démontré en l'espèce, pas plus qu'il n'avait été démontré dans l'affaire
Cullet (points 32 et 33 des motifs), que l'une quelconque des dispositions de l'article 36 était applicable pour justifier les restrictions à l'importation et, partant, pour exclure l'interdiction des mesures d'effet équivalent énoncée à l'article 30.

A notre avis, pour les motifs exposés dans l'arrêt rendu le 29 janvier 1985 dans l'affaire Cullet, les questions déférées par le tribunal de commerce de Melun appellent les réponses suivantes:

« 1) Les articles 3, sous f), et 5 du traité CEE ne s'opposent pas à une réglementation nationale prévoyant la fixation par les autorités nationales d'un prix minimal pour la vente au détail des carburants.

2) L'article 30 du traité CEE s'oppose à une telle réglementation lorsque le prix minimal est déterminé à partir des seuls prix de reprise des raffineries nationales et que ces prix de reprise sont liés au prix plafond calculé sur la base des seuls prix de revient des raffineries nationales dans l'hypothèse où les cours européens de carburants s'écartent de plus de 8 % de ces derniers.

3) Il n'a pas été démontré que l'une quelconque des dispositions de l'article 36 du traité CEE était applicable de manière à délier une telle réglementation de l'interdiction énoncée à l'article 30 du traité. »

Il appartient à la juridiction nationale de statuer sur les frais des parties au principal. Il n'y a pas lieu de statuer sur les frais de la République française et de la Commission.

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( *1 ) Traduit de l'anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 114
Date de la décision : 14/05/1985
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Tribunal de commerce de Melun - France.

Réglementation nationale des prix de carburants.

Restrictions quantitatives

Concurrence

Mesures d'effet équivalent

Libre circulation des marchandises


Parties
Demandeurs : SA Établissements Piszko et autres
Défendeurs : SA Dammarie Distribution "Centre Leclerc" et SA Carrefour Supermarché.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sir Gordon Slynn
Rapporteur ?: Koopmans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1985:194

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