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30/04/1985 | CJUE | N°197/84

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général VerLoren van Themaat présentées le 30 avril 1985., P. Steinhauser contre Ville de Biarritz., 30/04/1985, 197/84


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT

présentées le 30 avril 1985 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Les faits

M. Peter Steinhauser, résidant à Biarritz et ayant la nationalité allemande, exerce la profession d'artiste peintre. Le 12 février 1983, il a introduit auprès de la municipalité de cette ville une demande de participation à l'adjudication pour la location d'une crampotte. Les crampottes sont d'anciennes remises utilisées autrefois par les pêcheurs locaux. Elles appar

tiennent à la ville de Biarritz et sont actuellement utilisées pour des expositions-ventes d'œuvres...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT

présentées le 30 avril 1985 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Les faits

M. Peter Steinhauser, résidant à Biarritz et ayant la nationalité allemande, exerce la profession d'artiste peintre. Le 12 février 1983, il a introduit auprès de la municipalité de cette ville une demande de participation à l'adjudication pour la location d'une crampotte. Les crampottes sont d'anciennes remises utilisées autrefois par les pêcheurs locaux. Elles appartiennent à la ville de Biarritz et sont actuellement utilisées pour des expositions-ventes d'œuvres d'art.

Or, le 1er mars de cette année, le maire de Biarritz a fait savoir à M. Steinhauser que sa demande de participation ne pouvait pas être prise en considération, étant donné qu'il n'avait pas la nationalité française. L'article 3, paragraphe 2, du cahier des charges en fait une des conditions pour pouvoir être pris en considération pour la location d'une crampotte. C'est contre cette décision de refus que M. Steinhauser a introduit un recours en annulation auprès du tribunal administratif de Pau pour
violation de l'article 52 du traité CEE. Bien que ledit tribunal ait jugé l'article 52 directement applicable, il s'est demandé si cette disposition visait aussi les mesures qui ne concernent pas directement l'accès à une profession déterminée, mais se bornent à définir les conditions d'adjudication de locaux mis en location et faisant partie du domaine public d'une collectivité locale, lesquelles conditions comportent comme en l'espèce une condition de nationalité. Il a dès lors posé la question
suivante à la Cour: « L'article 52 du traité CEE concerne-t-il les dispositions prises par la ville de Biarritz sous l'article 3 du cahier des charges en date du 25 janvier 1983, n'ayant pas directement pour objet de réglementer l'accès à une activité non salariée et définissant les modalités d'attribution par voie d'adjudication de locaux mis en location faisant partie de son domaine public, enfin subordonnant l'admission des candidatures à une condition de nationalité...? »

2. Réponse à la question

Lors de l'appréciation de cette question, nous constaterons tout d'abord que le refus du maire de Biarritz d'admettre M. Steinhäuser à participer à l'adjudication est fondé sur une discrimination exercée en raison de la nationalité. M. Steinhauser subit donc un traitement discriminatoire et, partant, un préjudice par rapport aux artistes peintres français. Ce comportement est dès lors contraire à l'article 7 du traité CEE, qui interdit fondamentalement toute discrimination exercée en raison de la
nationalité et par rapport auquel l'article 52 doit être considéré comme une disposition spécifique. A cet égard, nous renvoyons à l'arrêt de la Cour dans l'affaire 2/74 (Reyners/État belge, Rec. 19 74, p. 631), dans lequel l'effet direct de la disposition précitée a également été reconnu.

Il n'est pas douteux que la profession d'artiste peintre, qualité dans laquelle M. Steinhäuser s'est vu opposer le refus en question, entre, elle aussi, dans le champ d'application de l'article 52, eu égard à l'étendue du droit de libre établissement tel qu'il est défini à l'alinéa 2 de l'article 52. Ensuite, il ressort expressément du texte de cette disposition que la liberté d'établissement concerne non seulement l'accès aux activités concernées, mais aussi leur exercice dans les conditions
définies par la législation du pays d'établissement pour ses propres ressortissants. La discrimination exercée en raison de la nationalité est donc aussi interdite en ce qui concerne les prescriptions relatives à [exercice d'une profession. Pour ce qui est du cahier des charges relatif aux locaux affectés à l'exercice de la profession, dont il s'agit en l'espèce, le « programme général pour la suppression des restrictions à la liberté d'établissement » (JO 1962, p. 36) ne manque pas non plus de
clarté. Le titre III « Restrictions », partie A, sous a), parle expressément de traitement différentiel de « ... contrats et notamment des contrats d'entreprise et de location tels que louages de services et baux commerciaux ou ruraux... ». Nous rappellerons que, dans son arrêt dans l'affaire 71/77 (Thieffry, Rec. 1977, p. 765), la Cour a expressément souligné les indications utiles que ledit programme général fournit pour l'exécution des dispositions concernées du traité.

A notre avis, il résulte dès lors de ce qui précède que, de toute évidence, l'article 52 s'oppose au refus de prendre en considération la candidature de M. Steinhauser. Pour être complet, nous nous référerons encore au point de vue de la Commission que nous partageons et selon lequel les dérogations au droit d'établissement, visées aux articles 55 (autorité publique) et 56 (ordre public) du traité, ne s'appliquent pas en l'espèce, tandis qu'en outre les dispositions litigieuses du traité
s'appliquent, elles aussi, aux collectivités locales. Le fait qu'il s'agit ici de locaux faisant partie du domaine public d'une commune n'est donc pas pertinent pour l'applicabilité de l'article 52.

3. Conclusion

En conclusion, nous estimons qu'il convient de répondre à la question, posée à titre préjudiciel par le tribunal administratif de Pau, dans le sens proposé par la Commission dans ses observations:

« 1) Sont visées par l'article 52 du traité CEE, relatif à la liberté d'établissement, non seulement les dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant spécifiquement l'accès aux activités non salariées, mais également toute autre disposition ou pratique, telle que celle de l'espèce, émanant même d'autorités décentralisées, qui affecte l'exercice de ces activités.

2) S'agissant de modalités d'attribution par voie d'adjudication de locaux mis en location et faisant partie du domaine public d'une commune, le droit d'établissement, garanti par le traité, exige que les ressortissants d'autres États membres ne fassent pas l'objet de discrimination en raison de la nationalité. »

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( *1 ) Traduit du néerlandais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 197/84
Date de la décision : 30/04/1985
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal administratif de Pau - France.

Droit d'établissement - Exercice d'activité: artistes-peintres.

Droit d'établissement


Parties
Demandeurs : P. Steinhauser
Défendeurs : Ville de Biarritz.

Composition du Tribunal
Avocat général : VerLoren van Themaat
Rapporteur ?: Kakouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1985:163

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