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13/02/1985 | CJUE | N°243/83

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn présentées le 13 février 1985., SA Binon & Cie contre SA Agence et messageries de la presse., 13/02/1985, 243/83


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN

présentées le 13 février 1985 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Vous avez été saisis du présent litige au moyen d'une demande de décision préjudicielle du 21 octobre 1983 déposée au titre de l'article 177 du traité CEE par le vice-président du tribunal de commerce de Bruxelles dans le cadre d'une demande en référé visant au prononcé d'une injonction dans une affaire soumise à cette juridiction.

Les faits constatés par le jugement de renvoi sont pou

r l'essentiel les suivants.

La demanderesse au principal, la SA Binon & Cie (ci-après Binon), exp...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

SIR GORDON SLYNN

présentées le 13 février 1985 ( *1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Vous avez été saisis du présent litige au moyen d'une demande de décision préjudicielle du 21 octobre 1983 déposée au titre de l'article 177 du traité CEE par le vice-président du tribunal de commerce de Bruxelles dans le cadre d'une demande en référé visant au prononcé d'une injonction dans une affaire soumise à cette juridiction.

Les faits constatés par le jugement de renvoi sont pour l'essentiel les suivants.

La demanderesse au principal, la SA Binon & Cie (ci-après Binon), exploite à Charleroi un commerce de librairie-papeterie, articles de bureau et jouets éducatifs. Jusqu'au 29 janvier 1982, elle faisait partie de la chaîne de magasins de la SA Club, mais, depuis cette date, elle poursuit son activité sous son propre nom et hors franchise.

La défenderesse, la SA Agence et messageries de la presse (ci-après l'AMP), est une société anonyme au capital de 300 millions de BFR. Son capital est à 48,841 % la propriété de la société Hachette SA, de droit français. L'AMP et Hachette sont propriétaires respectivement de 9,35 et de 24,55 % du capital social de la « Lecture générale SA », un détaillant belge de journaux et de périodiques; l'AMP détient en outre 98,03 % des parts de la société AMP Transports SA, qui est apparemment une entreprise
de transport.

L'AMP assure la distribution de journaux et de périodiques sur le territoire belge. Le vice-président a retenu que, les abonnements mis à part, l'AMP et ses sous-traitants distribuent environ 70 % des journaux et périodiques belges et exercent un quasi-monopole sur la distribution des publications étrangères du même type. Ces chiffres ont été donnés dans un avis du conseil du contentieux économique belge du 10 mai 1983.

Par un accord du 12 mars 1976, l'AMP et les éditeurs de journaux et de périodiques ont adopté un système de distribution sélective. Toute personne souhaitant ouvrir un point de vente au détail devait demander l'agrément d'une commission consultative régionale, composée de représentants des diverses branches de ce secteur, parmi lesquels l'AMP. Les éditeurs se ralliaient généralement à l'avis rendu par cette commission sur l'agréation éventuelle d'un nouveau point de vente et ils refusaient par
conséquent de livrer ceux qui n'avaient pas obtenu ladite agréation. Le tribunal de commerce de Bruxelles a déclaré cet accord contraire aux règles de concurrence du droit belge et du droit communautaire par jugements du 8 juillet 1982 (Maria Dankers/Drukkerij Het Volk & Consorts) et du 15 novembre 1982 (Club SA/AMP & Consorts, Journal des tribunaux,5.2.1983, p. 100); cette dernière décision a finalement été confirmée dans son dispositif par la cour d'appel de Bruxelles le 20 décembre 1983, bien que
cette confirmation soit apparemment intervenue non pas tant au regard de la structure que des modalités d'application du système ainsi établi.

Ledit accord a également été examiné par le conseil dans son avis du 10 mai 1983, rendu sur plainte de la SA Club. Le conseil a estimé que l'AMP et les éditeurs représentés au sein des commissions consultatives régionales abusaient de leur position économique dominante dans le secteur de la distribution et de la vente au détail de journaux et de périodiques. Le conseil a émis les recommandations suivantes: 1) le maintien du système instauré par l'accord du 12 mars 1976 devait être interdit, et 2)
l'instauration éventuelle d'un système sélectif de distribution a) ne devait ni empêcher ni entraver outre mesure la concurrence entre les éditeurs, b) devait reposer sur des critères qualitatifs se rapportant aux services offerts et ces critères devaient être appliqués d'une manière non discriminatoire et avec une transparence suffisante à l'égard de ceux qui revendiquent le droit d'être fournis.

Comme suite à cet avis, la défenderesse et les entreprises du secteur de la distribution des journaux et périodiques ont conclu avec le ministre belge des Affaires économiques un accord du 24 juin 1983 en vertu duquel ces entreprises s'engageaient à se conformer aux recommandations du conseil du contentieux économique; les termes de cet accord ainsi que les noms des signataires sont repris dans le Moniteur belge du 17 août 1983 (p. 10360).

La juridiction de renvoi a constaté que l'AMP a établi de nouveaux ensembles de conditions que les éditeurs, grossistes et détaillants étaient appelés à accepter individuellement, et non plus collectivement, et il est, semble-t-il, incontesté que ces conditions ont été appliquées à partir de février 1983.

La Cour a pu prendre connaissance du « règlement » pour la diffusion de la presse par la vente au détail ainsi que de divers contrats types auxquels le jugement de renvoi fait brièvement allusion. Les stipulations de ces textes ne sont pas en cause et le litige porte essentiellement sur leurs effets et leurs modalités d'application.

Aux termes du « règlement », toute personne souhaitant ouvrir un nouveau point de vente au détail doit présenter à l'AMP une demande sur un formulaire spécial fourni par l'AMP; l'AMP rend un avis motivé sur l'opportunité de la demande et elle communique cette dernière à chacun des éditeurs concernés; ces derniers doivent se prononcer dans les huit jours; faute de réponse explicite de leur part, ils sont réputés suivre l'avis de l'AMP (article VI). Les critères que l'AMP doit appliquer pour examiner
ces demandes d'agréation sont indiqués à l'article III du « règlement ». Ces critères sont les suivants: 1) tout nouveau point de vente au détail doit disposer de façon permanente d'un assortiment minimal de 350 titres; 2) les locaux doivent être suffisamment spacieux pour présenter les publications et ils doivent permettre l'exposition de l'assortiment permanent de titres; 3) sous la rubrique « capacité professionnelle », il est exigé que le détaillant soit capable de bien gérer son affaire, ouvre
son exploitation chaque jour de la semaine et se conforme à certaines règles en matière de fermeture pour congés; 4) une distance minimale de 250 mètres dans les communes urbaines et de 500 mètres dans les communes rurales doit être respectée entre l'implantation du nouveau point de vente et celle de tout point de vente existant; 5) sous la rubrique « potentialité », il est prévu que le nombre maximal de points de vente au détail est fixé — sauf exception, par exemple dans des régions de population
très clairsemée — à un par tranche de 1200 habitants, étant entendu que deux points de vente pourront être implantés dans des communes de 1200 à 2400 habitants. Finalement, l'article V stipule que le détaillant ne doit vendre les journaux et périodiques qu'au détail sans les rétrocéder, revendre, louer ou prêter; il doit également les vendre aux prix fixés par l'éditeur et indiqués par l'AMP.

Les conditions générales de fourniture de journaux et périodiques que l'AMP pratique à l'égard des détaillants imposent à ces derniers de vendre les journaux et périodiques aux prix fixés par l'éditeur et communiqués par l'AMP (article 5). L'article 10 contient une interdiction de rétrocession en vertu de laquelle le diffuseur s'engage à ne vendre les produits livrés qu'au détail, dans ses locaux, et sans les rétrocéder, revendre, louer ou prêter, sous peine de se voir refuser, immédiatement et sans
mise en demeure préalable, toute fourniture ultérieure.

La Cour a pu prendre connaissance de trois contrats types utilisés par l'AMP à l'égard des éditeurs; l'un s'adresse aux éditeurs belges, un autre aux éditeurs étrangers d'hebdomadaires et le dernier aux éditeurs étrangers de mensuels et d'autres publications. L'article 5 des contrats types pratiqués à l'égard des éditeurs étrangers réserve à l'AMP l'exclusivité de la vente de leurs journaux aux libraires et marchands de journaux en Belgique; l'article 5 du contrat type appliqué dans les relations
avec les éditeurs belges prévoit l'exclusivité de la vente aux détaillants; ainsi les éditeurs renoncent-ils au droit de livrer des détaillants belges. D'après le juge de renvoi, une violation de cette clause pourrait donner lieu à une action en dommages-intérêts. En retour, l'AMP s'engage à l'égard des éditeurs à cesser de livrer tout détaillant qui ferait commerce des publications autrement qu'en les vendant au détail, au prix fixé par l'éditeur.

Nous avons été informés à l'audience publique que les éditeurs étrangers signent effectivement ce genre de contrat. Les éditeurs belges ne prennent généralement pas d'engagement écrit, mais, quand ils en prennent un, c'est dans les mêmes termes, mutatis mutandis, que ceux du contrat applicable aux éditeurs étrangers et en vertu duquel l'AMP bénéficie de l'exclusivité de vente.

Du 8 mars 1983 jusqu'à la date du jugement de renvoi, la société Binon a demandé à l'AMP de lui fournir les journaux et les périodiques distribués par cette dernière; l'AMP a refusé. Binon a également échoué dans ses tentatives d'obtenir des fournitures des éditeurs individuels et des organes de presse étrangers. Le 7 juillet 1983, Binon demandait au tribunal de commerce a) de constater que l'AMP violait les règles belges de concurrence loyale et enfreignait en somme les articles 85 et 86 du traité
CEE, et b) d'ordonner qu'elle mette fin à son refus d'approvisionner la demanderesse.

Bien qu'il n'ait pas résolu toutes les questions qui doivent être examinées par la juridiction nationale lorsque les articles 85 et 86 sont en cause, le juge de renvoi a fait un certain nombre de constatations qui ont, de toute évidence, eu une influence sur sa décision de vous déférer l'affaire, et sur lesquelles la présente décision préjudicielle doit, à notre avis, se fonder, même si certaines de ces constatations sont contestées par l'AMP, qui soutient que les nouvelles pratiques et les
nouvelles conditions adoptées par elle ne violent le traité en aucune manière.

L'AMP fait valoir a) que, dans une décision du 7 décembre 1983, le président du tribunal de commerce a mentionné une offre par l'AMP d'approvisionner Binon à des kiosques situés dans le métro de Charleroi, et b) que, dans une décision du 3 janvier 1984, le président a admis que l'AMP agissait en tant que commissionnaire, qu'un système de distribution sélective des journaux est compatible avec l'article 85, à moins d'abus, et qu'il n'était pas évident que des critères qualitatifs de sélection soient
nécessairement illégaux.

Nous pourrions relever, en réponse, que la cour d'appel de Bruxelles semble avoir adopté à cet égard un point de vue différent de celui des jugements invoqués par l'AMP; en effet, elle n'a pas infirmé la constatation du tribunal de commerce dans sa décision du 15 novembre 1982, d'après laquelle l'AMP est un intermédiaire indépendant et non pas un simple commissionnaire à la vente dépourvu d'autonomie vis-à-vis des éditeurs.

Le juge de renvoi a constaté que, sauf dans un cas, le refus de livrer opposé par les éditeurs n'avait jamais été explicite, mais que « le ton évasif, le parti pris d'expectative de la plupart des réponses doit être considéré comme un refus » puisque la demanderesse n'a de fait reçu aucune publication. L'AMP n'a pas appliqué les critères d'agréation des points de vente à la SA Lecture générale, société dans laquelle Hachette et l'AMP ont des intérêts importants: la demanderesse a en effet démontré
que « dans le centre de Charleroi furent créés des points de diffusion ‘Lecture générale’ ne répondant pas aux critères géographiques minimaux ». Lecture générale pouvait, en raison des dérogations qui lui étaient accordées, constituer des chaînes ou des noyaux de centres de diffusion dont la présence entraînait l'impossibilité pour tout détaillant indépendant, tenu, lui, au respect intégral du règlement, d'obtenir des droits de vente. Lecture générale bénéficiait ainsi vraisemblablement d'un
traitement de faveur.

Le tribunal concluait que la défenderesse avait « un monopole de fait en contradiction avec son allégation que les éditeurs de journaux seraient libres de livrer directement à qui bon leur semble; cette liberté est toute théorique dès lors que les éditeurs en question refusent d'en faire usage; il y a donc en l'occurrence un comportement concerté, motivé, semble-t-il, par la présence de l'article 5 des conditions générales « éditeurs » conférant (à l'AMP) l'exclusivité de la vente aux libraires et
marchands de journaux de Belgique; tout éditeur lié à AMP, mais qui désirerait tout de même livrer directement à un diffuseur, s'exposerait à une action en rupture de contrat des AMP; or, il est clair que la position des AMP sur le marché belge est telle qu'une rupture avec les AMP entraînerait pour l'éditeur en question de très sérieux inconvénients, et même peut-être sa disparition du marché belge... ».

Partant de ces constatations, le juge de renvoi a conclu à l'existence de problèmes d'interprétation du droit communautaire et a, par conséquent, posé à la Cour les questions suivantes:

1) Le fait pour un groupe d'entreprises, soit un certain nombre d'entreprises ayant un comportement identique et constituant une fraction importante du marché relevant (en l'occurrence, celui de la presse écrite quotidienne, hebdomadaire et périodique en Belgique), de maintenir une pratique consistant à laisser, sauf intervention expresse ou initiative de leur part, une entreprise spécialisée régler la distribution de leur article en lui confiant soit tacitement, soit expressément, le soin de régler
de façon sélective ladite distribution en imposant aux détaillants désireux de vendre l'article en question d'introduire une demande d'agréation et en déterminant sur cette demande et en fonction de critères non seulement qualitatifs mais aussi quantitatifs, à savoir un critère de distance d'un point de vente à l'autre et un critère d'établissement par imposition d'un nombre minimal d'habitants par point de vente, limitant de ce fait la concurrence dans le marché relevant, est-il compatible avec
les articles 85 et 86 du traité instituant la CEE?

2) Le fait que, en Belgique, la distribution de la presse écrite étrangère soit confiée à une seule personne morale qui jouit d'une position telle qu'elle assure la distribution de plus de 50 % des titres de presse étrangers en Belgique et que les contrats que cette entreprise de distribution fait signer tant aux organes de presse en question (éditeurs) qu'aux détaillants sont conçus de telle façon que l'entreprise de distribution peut poursuivre la résolution du contrat ou refuser la distribution
des titres de presse en question si l'éditeur sous contrat fournit directement à certains détaillants non agréés, ou peut retirer leur agréation à des détaillants qui pratiqueraient la rétrocession ou la revente, toute vente autre qu'au détail, toute location ou prêt, est-il compatible avec les articles 85 et 86 du traité instituant la CEE?

3) Le fait que l'entreprise de distribution en question se réserve de fixer les prix et impose aux diffuseurs détaillants le respect de prix imposés est-il compatible avec les articles 85 et 86 du traité instituant la CEE?

4) Le fait que l'entreprise de distribution de presse en question soit une société belge de capitaux dont une part importante est en possession d'un groupe financier de droit étranger qui contrôle lui-même en France diverses entreprises éditrices de la presse quotidienne et périodique tandis que ce groupe financier et l'entreprise belge de distribution ont conjointement des participations dans une société belge de capitaux ayant pour objet social la diffusion au détail de la presse écrite en
Belgique est-il compatible avec les articles 85 et 86 du traité instituant la CEE dès lors qu'il s'est avéré que l'entreprise de distribution applique à l'égard de cette firme de diffusion au détail des critères d'agréation moins sévères que pour les autres détaillants?

L'AMP et, en particulier, la République fédérale d'Allemagne — qui a présenté des observations sur la troisième question — ont souligné l'importance d'une presse libre et indépendante au sein d'une démocratie. Une gamme aussi large que possible de lecteurs devrait disposer d'une gamme aussi large que possible de journaux. Ce sont là des principes fondamentaux et ils sont hors de discussion.

Les deux font valoir que la presse et son système de distribution présentent certaines caractéristiques spécifiques qui doivent être prises en compte. Ainsi les journaux ne sont-ils vendables que pendant une brève période. De par la nature des choses, un grand nombre de copies doivent être disponibles pour satisfaire la demande potentielle, ce qui aboutit fréquemment à laisser des invendus aux mains des détaillants. En pratique, l'éditeur sera obligé de les reprendre soit en ne les facturant pas,
soit en créditant le compte du détaillant du prix correspondant après le retour des invendus. L'éditeur tout comme le détaillant encourent des dépenses pour la transmission de ces copies invendues et la République fédérale d'Allemagne fait valoir avec insistance que la conséquence nécessaire de cette situation est que l'éditeur doit rester libre tant des quantités qu'il distribue que des prix auxquels il vend ses produits. L'AMP et la République fédérale d'Allemagne soulignent toutes deux la
nécessité d'un système de distribution permanent et stable fondé sur l'évaluation de la demande probable.

La Commission admet ces arguments dans une large mesure, mais elle fait valoir qu'ils n'impliquent pas que le système de distribution de la presse doive être, du fait même, exclu du champ d'application de l'article 85 ou de l'article 86 du traité, quel que soit le poids qu'ils pourraient peser par ailleurs si — ce qui n'a pas encore été le cas jusqu'ici — une demande d'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, venait à être déposée.

Le point de vue de Binon est en substance que la liquidation de l'accord de 1976 n'a pas modifié la situation réelle. L'AMP aurait violé et continuerait de violer le traité soit en raison de sa position dominante sur le marché de la distribution et de la vente au détail de la presse, soit parce qu'elle a été partie prenante à des accords ou pratiques concertées ayant pour objet ou pour effet d'empêcher ou de restreindre le jeu de la concurrence. Seule ou avec d'autres, elle a empêché, et a le
pouvoir de continuer d'empêcher, Binon de vendre des journaux et des périodiques en Belgique, suivant des conditions qui ne peuvent être justifiées. En tout état de cause, l'AMP, en sa qualité propre ou en tant que membre du groupe Hachette, dispose d'une grande part du marché. Le fait que certains éditeurs soient maintenant désireux de faire de Binon leur détaillant ou que l'AMP accepte de faire une exception pour Binon à Charleroi, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, ne modifierait en rien la
situation d'ensemble.

Dans la mesure où les faits n'ont pas encore tous été établis, la Cour n'est pas en mesure de donner une réponse aussi définitive que s'il s'agissait par exemple d'une décision de la Commission contestée par-devant elle. Les réponses aux questions posées devront par conséquent être données à certains égards sous réserve des résultats d'une instruction complémentaire à mener par la juridiction nationale sur le plan des faits.

La première question

La première question vise à savoir s'il peut être compatible a) avec l'article 85 et b) avec l'article 86 du traité pour i) un groupe d'entreprises ou ii) un certain nombre d'entreprises ayant un comportement identique et constituant une fraction importante du marché concerné de maintenir une pratique consistant à laisser une entreprise spécialisée appliquer un système de distribution sélective dans le cadre duquel ne sont approvisionnés que les détaillants qui 1) introduisent une demande expresse
et 2) répondent à certains critères qualitatifs et quantitatifs, en limitant ainsi la concurrence au sein du marché en cause. Les deux seuls critères mentionnés sont celui de la distance d'un point de vente à l'autre et celui du nombre minimal d'habitants par point de vente.

Bien que la question semble concerner en premier lieu le comportement des éditeurs, ces derniers ne sont pas parties à la procédure au principal. Nous croyons cependant nécessaire d'examiner les accords incriminés dans les relations qu'ils établissent entre les éditeurs, dans celles qu'ils établissent entre ces derniers et l'AMP, et, finalement, dans les relations qu'ils établissent entre l'AMP et les détaillants.

Les deux articles du traité doivent être considérés séparément. En ce qui concerne l'article 85, les questions essentielles sont de savoir s'il y a eu i) un accord entre entreprises (toutes les personnes impliquées dans cette affaire sont bien des entreprises) ou ii) une pratique concertée, respectivement susceptibles d'affecter le commerce entre États membres et ayant, respectivement, pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché
commun. Pour l'article 86, la question est de savoir si l'une ou plusieurs de ces entreprises occupent une position dominante dans une partie substantielle du marché commun, si cette position a été exploitée de façon abusive et, en cas de réponse affirmative à cette dernière question, si cette situation affectait le commerce entre États membres.

En ce qui concerne l'article 85, l'AMP soutient qu'il n'y a ni accord ni pratique concertée affectant la concurrence au sein du marché commun.

Elle fait valoir en premier lieu que, même s'il enfreignait l'article 85, l'accord précédent en vertu duquel les éditeurs et l'AMP agissaient par l'intermédiaire d'une commission régionale a été abrogé. Cela ne saurait cependant constituer une réponse concluante quant à cet accord. Il est possible qu'un accord auquel il a été mis fin continue d'avoir des effets contraires aux dispositions de l'article 85 et c'est à la juridiction nationale qu'il appartiendra d'apprécier si tel est le cas en l'espèce
(affaire 51/75, EMI/CBS, Rec. 1976, p. 811).

L'AMP soutient ensuite qu'il n'y a aucun accord du genre de ceux qui sont interdits et, de fait, il n'y a pas d'accord général entre l'AMP et les éditeurs, mais seulement une série d'accords spécifiques, passés verbalement ou par écrit, qui prévoient que l'éditeur doit fournir certains titres à l'AMP pour la distribution. Les détaillants euxmêmes se bornent à accepter les conditions générales en apposant leur signature.

Toujours selon l'AMP, l'existence d'une pratique concertée ne peut être déduite du simple fait qu'un certain nombre d'éditeurs confient la vente de leurs publications au même grossiste, suivant les mêmes modalités. Un parallélisme de comportement peut constituer un indice d'une telle pratique lorsque, compte tenu de la nature du produit concerné et du nombre d'entreprises impliquées, il aboutit à des conditions de concurrence qui ne correspondent pas aux conditions normales du marché. Cependant,
cela ne peut être rien de plus qu'un indice. Tant qu'il n'y a pas de contact direct ou indirect entre les entreprises, il leur est loisible d'adapter leur conduite intelligemment à celle de leurs concurrents pour faire face à la concurrence existante (voir affaire 48/69, ICI/Commission, Rec. 1972, p. 619; affaires jointes 40/73 et suiv., Suiker Unie/ Commission, Rec. 1975, p. 1663; affaire 172/80, Züchner/Bayerische Vereinsbank, Rec. 1981, p. 2021). En l'occurrence, des éditeurs ont simplement
confié la distribution de leurs produits à un grossiste selon des modalités justifiées par la nature « périssable » de ces produits, par la nécessité d'éviter autant que possible les invendus et de les reprendre si nécessaire, par l'impératif de réduire les coûts et de garantir l'existence d'un nombre optimal de points de vente. Tous ces objectifs sont parfaitement justifiés.

En troisième lieu, on a fait valoir que la Cour a reconnu qu'un système de distribution sélective ne viole pas nécessairement l'article 85. Cela est vrai non seulement de produits de haute technicité ou qualité, ou des marchandises exigeant un service aprèsvente (affaire 26/76, Metro/Commission, Rec. 1977, p. 1875; affaire 31/80, L'Oréal/De Nieuwe AMCK, Rec. 1980, p. 3775) mais également, très spécifiquement, des journaux (affaire 126/80, Salonia/Poidomani et Giglio, Rec. 1981, p. 1563). Dans
l'affaire citée en dernier lieu, l'accent a été mis non pas tant sur la nature du produit que sur les qualités objectives du détaillant, sur sa méthode de travail ainsi que sur les exigences imposées par le système de distribution requis. Par ailleurs, l'arrêt Salonia ne dit pas que ces critères objectifs doivent nécessairement être qualitatifs; ils peuvent être de nature quantitative. Tous les critères actuels sont justifiés par le besoin de préserver une distribution de la presse efficace et
économique.

En quatrième lieu, l'AMP soutient qu'il n'y a pas eu de pratique concertée entre elle et les éditeurs car elle n'en serait que l'agent, autrement dit une partie intégrante de l'unité économique constituée par le commerce de l'éditeur et non pas un commerçant indépendant supportant ses propres risques financiers. L'AMP s'appuie sur la communication de la Commission du 24 décembre 1962, quelquefois appelée « le message de Noël », d'après laquelle un contrat conclu avec un représentant de commerce au
sens défini dans cette communication ne serait pas visé par les dispositions de l'article 85. Il importerait peu que plusieurs éditeurs aient désigné le même représentant, suivant les mêmes modalités (arrêt Suiker Unie), ou que ce représentant garantisse au commettant le paiement des livraisons par l'éventuel client. Si, dans la réalité, le commettant vend sa marchandise au client et non pas au représentant, l'accord conclu avec ce dernier ne relève pas de l'article 85 et il importe peu à cet égard
que ce soit le représentant qui arrête les conditions de distribution. L'article 85 n'entre en ligne de compte que dans l'hypothèse où il est violé par l'accord conclu avec le client.

L'AMP ne serait qu'un représentant au sens indiqué ci-dessus et nul accord, écrit ou verbal, conclu entre l'AMP et les éditeurs ne serait susceptible de tomber sous le coup de l'article 85.

Finalement, puisqu'en l'occurrence les journaux belges sont concernés au premier chef et que les publications étrangères ne sont pas traitées différemment, il n'y a aucun élément susceptible d'affecter le commerce entre les États membres et qui puisse mettre en danger la réalisation des objectifs d'un marché unique entre les différents États membres (affaires jointes 56 et 58/64, Consten et Grundig/Commission, Rec. 1966, p. 299, et affaire 13/77, Inno/ATAB, Rec. 1977, p. 2115, à la p. 2148).

Selon nous, les conclusions que l'AMP tente de tirer de la jurisprudence qu'elle cite constituent dans une certaine mesure une pétition de principe.

L'article 85

i) Il n'est à l'évidence pas possible de dire que la distribution et la vente au détail des journaux et des périodiques sont par nature complètement extérieures au champ d'application de l'article 85. C'est à la juridiction nationale qu'il appartiendra de décider, au cas par cas, si les accords ou pratiques adoptés sont contraires à cet article.

Par conséquent, c'est à la juridiction nationale de dire en premier lieu a) s'il y a eu un accord horizontal entre les éditeurs et b) s'il y a eu un accord entre les éditeurs et l'AMP; elle devra dire en deuxième lieu si le parallélisme de comportement des éditeurs dans leurs rapports avec l'AMP a constitué une pratique concertée interdite ou s'il s'agit simplement comme le soutient l'AMP, d'une réaction commerciale intelligente au comportement d'un concurrent, réaction n'interférant pas avec la
concurrence normale et qui ne saurait donc, selon l'AMP, être illégale.

Dans la présente affaire, le juge de renvoi a été influencé par le fait a) que tous les éditeurs avaient confié l'exclusivité de la distribution à l'AMP et refusaient de livrer directement aux détaillants, et b) que lorsqu'une demande d'agréation de nouveaux kiosques était déposée, tous les éditeurs parvenaient finalement à la même conclusion. Bien que ce point doive au premier chef être tranché par la juridiction nationale, nous pensons que l'existence d'au moins une pratique concertée, sinon
d'un accord entre les éditeurs ou entre les éditeurs et l'AMP, peut être déduite des facteurs suivants: a) le système retenu, en vertu duquel toute demande devait être adressée à l'AMP, dont l'opinion était considérée comme acceptée à défaut d'objection dans les huit jours, b) la façon dont ce système a été appliqué — même si certains éditeurs ont insisté pour que les demandes leur soient adressées directement —, et c) le fait que certains éditeurs ont retardé la réponse à la demande
d'autorisation de Binon en vue de la vente de leurs publications, en attendant la réunion d'une commission spéciale d'éditeurs aux fins d'arrêter leur politique de distribution.

ii) C'est également à la juridiction nationale de considérer si l'octroi d'un droit exclusif à l'AMP et l'adoption de conditions identiques de distribution étaient nécessaires pour réaliser l'objectif de chaque éditeur individuel, ou si ces dispositions ont simplement été adoptées dans le cadre de la pratique concertée aux fins de concentrer la distribution sur un grossiste unique et d'exclure conjointement, d'une part, tout autre grossiste et, d'autre part, tout détaillant non agréé. En d'autres
mots, la question est de savoir si l'octroi de l'exclusivité et l'adoption de conditions de distribution identiques étaient justifiés aux fins de préserver le système de distribution de la presse, lequel, affirme-t-on, est essentiel.

Si ces dispositions ont été adoptées dans le cadre d'une pratique concertée, le procédé ne cesserait pas d'être illégal sous prétexte que les conditions en question ont été établies non pas directement par les éditeurs, mais ont été acceptées par eux sur la base de règles arrêtées par l'AMP. Il faudrait évidemment déterminer à cet égard si ces règles ont été adoptées à la suite d'une consultation ou d'un accord entre les éditeurs ou leurs représentants, d'une part, et l'AMP, d'autre part.

iii) C'est encore à la juridiction nationale de dire si l'AMP est véritablement un opérateur indépendant ou si elle doit tout simplement être considérée comme agent de l'éditeur, faisant partie en tant que telle de l'unité économique constituée par ce dernier, et négociant pour le compte de l'éditeur, que ce soit au nom de l'AMP elle-même ou au nom de l'éditeur. A cet égard, il faudra déterminer avec précision quelles dépenses sont encourues par l'AMP, quelle est sa rémunération, quels sont ses
risques en cas, par exemple, de perte de journaux, de retards de paiement ou de faillite du détaillant ou encore de l'éditeur.

La position de l'AMP doit être vue non pas seulement par rapport à un éditeur, mais eu égard au fait qu'elle prétend être l'agent de tous les autres éditeurs, suivant des modalités à chaque fois identiques. Ainsi que l'AMP le dit, cette hypothèse n'est pas nécessairement à exclure. Toutefois, le fait qu'un grand nombre d'éditeurs soient impliqués a sa pertinence. La Commission affirme que l'AMP aurait des relations commerciales avec 471 éditeurs. Il est difficile de voir en l'AMP un rouage dans
l'ensemble économique constitué par chacune de ces 471 entreprises.

Ce facteur, le rôle de l'AMP dans la distribution, et le fait qu'elle supporte des risques sont des indices en faveur de sa qualité d'opérateur indépendant. Ce n'est pas là une question d'étiquette, mais de réalité (affaire 26/76, Metro). Pourtant, une certaine importance doit être accordée au fait que les contrats avec les éditeurs étrangers (dont les clauses pertinentes sont également souscrites par ceux des éditeurs belges qui concluent un accord écrit) accordent l'exclusivité des ventes à
l'AMP. Il est nécessaire d'examiner si les accords verbaux sont conclus dans les mêmes termes. En outre, dans les conditions générales applicables aux détaillants, le détaillant est qualifié de « client » du grossiste (autrement dit, de l'AMP), bien que l'AMP insiste sur le fait que les détaillants devraient être considérés comme parties à une relation d'intermédiaire à commettant avec les éditeurs et qu'ils sont donc euxmêmes un élément de l'unité économique constituée par l'éditeur. Le fait
que les éditeurs consentent à reprendre les invendus, et ne sont finalement payés que pour les ventes au détail nettes, ne justifie pas selon nous de conclure que cette relation est, comme on le prétend, une relation d'intermédiaire à commettant. Elle peut être classée parmi les relations de vendeur à racheteur. Il importe également de considérer les différences entre le rôle de l'AMP en tant que simple transporteur pour l'éditeur des publications que ce dernier n'a pas confié à l'AMP dans le
cadre des accords qui nous préoccupent et le rôle de cette même AMP dans le cadre desdits accords.

iv) Le fait qu'un accord de distribution sélective puisse se justifier dans le secteur de la presse n'implique pas nécessairement que tout accord de ce genre est compatible avec l'article 85. Il est nécessaire de déterminer si les conditions imposées vont au-delà de ce qui est objectivement nécessaire pour assurer une distribution efficace ou si ces conditions empiètent sur le jeu de la concurrence dans une mesure inacceptable. Ainsi que la Cour l'a dit dans son arrêt dans l'affaire 107/82,
AEG/Commission (Rec. 1983, p. 3151, à la p. 3194), « les limitations inhérentes à un système de distribution sélective ne sont toutefois admises qu'à la condition qu'elles visent effectivement à réaliser une amélioration de la concurrence dans le sens précité. S'il en était autrement, elles seraient dépourvues de toute justification, en ce que leur seul effet serait celui de réduire la concurrence par les prix ».

Dans l'affaire Salonia, la Cour a souligné qu'il appartient à la juridiction nationale d'apprécier, au vu de tous les éléments indiqués par la Cour, « la réalité des conditions susceptibles de justifier l'application, dans le cadre de l'accord dont elle est saisie, du critère de distribution sélective litigieux ».

Selon l'AMP, cet arrêt aurait reconnu la validité non seulement des critères qualitatifs, mais également des critères quantitatifs.

Ce n'est pas ainsi que nous interprétons cette décision. Au point 24 des motifs, la Cour s'est référée à son arrêt dans l'affaire Metro, où elle avait retenu que des systèmes de distribution sélective constituent un élément de concurrence conforme à l'article 85, paragraphe 1, « à condition que le choix des revendeurs s'opère en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, relatifs à la capacité du revendeur, de son personnel et de ses installations, en rapport avec ces exigences de
la distribution du produit, et que ces critères soient fixés de manière uniforme à l'égard de tous les revendeurs potentiels et appliqués de façon non discriminatoire ».

Il est vrai qu'au point 27 des motifs et dans le dispositif, la Cour a omis d'employer le terme « qualitatif » et a donné son aval à des accords en vertu desquels « le choix des vendeurs agréés s'opère en fonction de critères objectifs, tenant à la capacité du revendeur, de son personnel et de ses installations, en rapport avec les exigences de la distribution du produit ». Cette affaire avait cependant trait au critère en vertu duquel une carte professionnelle n'était concédée qu'aux personnes
« professionnellement aptes à exercer l'activité de vendeurs de journaux », critère à l'évidence qualitatif. Nous ne pensons pas que la Cour ait voulu se départir de la condition énoncée dans l'affaire Metro, à laquelle elle s'est en tout état de cause référée à nouveau dans l'affaire AEG (au point 35 des motifs). Dans ce dernier arrêt, la Cour a jugé illicite un refus d'agréer des distributeurs qui répondent « aux critères qualitatifs ci-dessus mentionnés ». En outre dans l'affaire 99/79,
Lancôme/Etos (Rec. 1980, p. 2511, à la p. 2536), la Cour a dit que: « Il s'ensuit qu'un réseau de distribution sélective, dont l'accès est subordonné à des conditions allant au-delà d'une simple sélection objective de caractère qualitatif, tombe, en principe, sous l'interdiction de l'article 85, paragraphe 1, en particulier quand il est fondé sur des critères de sélection quantitatifs. » Nous croyons par conséquent que seuls des critères qualitatifs peuvent être retenus, dans la mesure où ils
sont justifiés et à condition qu'ils ne soient ni libellés ni appliqués de manière discriminatoire. Les critères quantitatifs sont inévitablement susceptibles de conduire à une restriction de la concurrence, même de la part de détaillants qui, d'un point de vue qualitatif, répondent aux critères de sélection.

Les critères quantitatifs pourraient peut-être être retenus aux fins de justifier une exemption qui ne peut être accordée que par la Commission au titre de l'article 85, paragraphe 3, mais, dans notre interprétation de la jurisprudence de la Cour, ils ne sauraient fonder une décision sur le point de savoir si un accord tombe ou non sous le coup de l'article 85, paragraphe 1.

Il appartient certes à la juridiction nationale de dire quels sont les critères acceptables, mais l'obligation de vendre 350 publications différentes devrait à notre avis être considérée comme un critère quantitatif et, partant, inadmissible. De fait, un tel critère peut même être considéré comme tombant sous le coup des dispositions de l'article 85, paragraphe 1, sous e), du traité et il pourrait être invalidé à ce titre également. A première vue, la stipulation selon laquelle les points de
vente doivent être séparés l'un de l'autre par une distance minimale pose également un critère quantitatif, de même que la stipulation d'après laquelle le nombre maximal de points de vente est fixé par rapport au nombre d'habitants. Quant à savoir s'il peut être démontré dans un cas particulier que la viabilité et la rentabilité du point de vente ne peuvent être assurées que si d'autres points de vente se trouvent à une distance déterminée, c'est là une question différente; nous croyons
néanmoins que c'est aller trop loin que de poser cette hypothèse en règle générale.

Les critères de l'adéquation des locaux et de l'aptitude professionnelle sont sans doute qualitatifs; il faut néanmoins examiner s'ils ne vont pas au-delà de ce qui est nécessaire pour la distribution des journaux, puisque la jurisprudence ne dit nullement que tous les critères qualitatifs sont justifiables, et qu'elle n'admet que ceux qui sont fondés sur des facteurs objectifs. La question est de savoir si les critères établis sont justifiés par rapport à la vente de journaux et non pas de
manière générale par rapport à d'autres produits, spécifiques ou non.

C'est aussi à la juridiction nationale qu'il revient de dire si ces critères ont été appliqués uniformément et sans discrimination. L'AMP insiste sur le fait que l'exception faite pour Lecture générale avait un caractère isolé et qu'elle avait été accordée dans le cadre du système antérieur. Le juge national n'a pas admis cet argument dans son jugement de renvoi. S'il est vrai qu'il ne s'agit pas d'un cas isolé et que d'autres exceptions ont été, ou seront vraisemblablement accordées en raison
des relations entre l'AMP et Lecture générale, alors l'application de cette condition devra vraisemblablement être considérée comme contraire à l'article 85 (voir point 39 des motifs dans l'arrêt AEG).

v) L'effet cumulé d'un si grand nombre de clauses d'exclusivité — même si elles ne concernent que des publications spécifiques de sorte qu'un éditeur ne sera pas nécessairement tenu de fournir toutes ses publications à l'AMP — constitue également un facteur à prendre en compte (affaire 23/67, Brasserie de Haecht/Wilkin, Rec. 1967, p. 525, à la p. 537).

vi) L'AMP souligne à juste titre que même en cas de pratique concertée ayant pour objet ou pour effet d'entraver ou d'empêcher la concurrence au sein du marché commun, il restera toujours à démontrer que cette pratique est susceptible d'affecter le commerce entre les États membres. Dans l'affaire 56/65, Société technique minière/Maschinenbau Ulm (Rec. 1966, p. 337), la Cour a jugé que, « pour remplir cette condition, l'accord dont s'agit doit, sur la base d'un ensemble d'éléments objectifs de droit
ou de fait, permettre d'envisager avec un degré de probabilité suffisant qu'il puisse exercer une influence directe ou indirecte, actuelle ou potentielle, sur les courants d'échanges entre États membres ». C'est là encore une question de fait qu'il appartiendra à la juridiction nationale de trancher, mais il convient de se rappeler que l'AMP importe la majeure partie des journaux et périodiques qui sont importés en Belgique (soit 34 % du total des publications disponibles dans ce pays) et de
prendre en compte la proportion de ces journaux en provenance d'autres États membres par rapport au total des ventes au détail en Belgique. Il est également nécessaire de considérer, comme la Cour l'a indiqué dans l'arrêt Salonia, au point 15 des motifs, qu'une restriction de la concurrence en ce qui concerne la distribution des journaux nationaux peut avoir des répercussions également sur la distribution de publications provenant d'autres États membres.

L'article 86

i) Pour ce qui a trait à l'article 86, il n'est pas établi qu'il y ait un éditeur ou un groupement de plusieurs éditeurs occupant une position dominante dans le secteur de la distribution des journaux et périodiques. Nous croyons pouvoir accepter l'argument de l'AMP que la simple existence d'un grand nombre d'éditeurs qui agissent séparément mais qui, pris conjointement, dominent le marché, n'est pas suffisante pour constituer une violation de l'article 86.

D'un autre côté, il reste à examiner s'il peut être démontré que l'AMP occupe sur le marché une position dominante qu'elle exploiterait de façon abusive.

ii) Dans les observations fort détaillées et leurs annexes fort abondantes qui nous ont été soumises, une importante partie de la discussion porte sur la définition du marché « relevant » et de la part de l'AMP au sein de ce marché. L'AMP soutient que le marché en question est celui de la distribution des journaux et périodiques en Belgique, par tous les moyens possibles. La Commission et Binon le contestent. Le marché en cause est défini par elles comme celui de la distribution des journaux et
périodiques par l'intermédiaire de points de vente au détail approvisionnés par un grossiste qui se fournit chez l'éditeur. Il conviendrait d'en exclure les publications livrées par abonnement postal, celles assurées par des livreurs au cours de leur tournée ainsi que les ventes directes de l'éditeur au détaillant. La définition du marché en cause aux fins de l'article 86 dépend essentiellement de la juridiction nationale, mais, à ce qui nous semble, on ne saurait affirmer a priori, sur le plan
du droit, que le marché « relevant » ne peut être celui de la distribution des journaux par l'intermédiaire d'un grossiste et d'un détaillant, ni que les abonnements et d'autres méthodes de distribution sont juridiquement inclus dans ce marché.

iii) L'AMP conteste en tout cas que sa part du marché soit vraiment aussi importante que celle indiquée par le juge de renvoi. En incluant les abonnements dans le marché correspondant, sa part aurait été en 1982 d'environ 23 % pour les publications belges et de 51 % pour les publications étrangères; en ne tenant pas compte des abonnements, ces chiffres seraient respectivement de 32 et 65 %. C'est là encore une question de fait exclusivement; cependant, même en retenant les chiffres de l'AMP, nous
pouvons relever que cette dernière dispose d'une part substantielle du marché, quoiqu'il existe, d'après l'AMP, dix autres grossistes indépendants.

iv) La position de l'AMP doit être vue à la fois dans ses rapports avec les éditeurs et avec les détaillants afin d'évaluer si sa puissance économique lui donne le pouvoir de faire obstacle au maintien de la concurrence en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des consommateurs (affaire 27/76, United Brands/Commission, Rec. 1978, p. 207; affaire 85/76, Hoffmann-La Roche/Commission, Rec.
1979, p. 461, et affaire 31/80, L'Oréal, voir supra).

v) Si, sur la base des éléments à sa disposition, le tribunal devait conclure que l'AMP a imposé ces conditions aux éditeurs aux fins de pouvoir contrôler à la fois le nombre des points de vente et leur emplacement dans son propre intérêt, et aux fins de préserver ou d'étendre sa propre position dominante sur le marché de la distribution des journaux et périodiques, alors il faudrait retenir l'existence d'une violation de l'article 86 du traité.

Pour trancher ces questions, la juridiction nationale devra tenir compte de votre arrêt dans l'affaire 322/81, NV Michelin/Commission (Rec. 1983, p. 3461, notamment aux points 55, 57 et 103 des motifs).

La deuxième question

La deuxième question vise à savoir s'il est compatible a) avec l'article 85 et b) avec l'article 86 qu'une entreprise isolée, responsable de la distribution de plus de 50 % des publications étrangères, impose i) aux éditeurs et ii) aux détaillants des conditions qui permettent à cette entreprise 1) de résilier le contrat ou de refuser la distribution si l'éditeur approvisionne directement certains détaillants non agréés ou 2) de retirer l'agréation à des détaillants qui pratiquent sur les
publications en question des opérations commerciales autres que la vente au détail.

Si l'AMP n'est pas un représentant commercial mais agit en tant qu'entreprise indépendante, alors nous pensons que, sous réserve d'une éventuelle dérogation accordée par la Commission au titre de l'article 85, paragraphe 3, un accord avec un éditeur d'un autre État membre (ou une pratique concertée) par lequel l'AMP s'assure l'exclusivité de la vente et qui prévoit que l'AMP peut automatiquement cesser de livrer tout détaillant qui procède sur les publications en

question à des opérations commerciales autres que la vente au détail à un prix fixé à l'avance, est contraire à l'article 85 du traité. Eu égard aux faits invoqués dans le jugement de renvoi à propos du quasi-monopole de l'AMP sur ce marché, nous ne voyons guère comment l'on pourrait prétendre que cette société ne limite pas la concurrence au sein du marché commun et n'affecte pas le commerce entre les États membres. Quant à savoir si une telle restriction imposée à des éditeurs étrangers affecte
les échanges en question, c'est à la juridiction nationale qu'il appartient d'en décider.

Les stipulations du contrat conclu avec l'éditeur étranger qui empêchent ce dernier de livrer directement à un détaillant ainsi que les clauses qui visent à interdire au détaillant d'utiliser les journaux autrement qu'aux fins de la vente au détail, en l'empêchant par conséquent de revendre à d'autres détaillants, sont parfaitement susceptibles de constituer un abus de position dominante [article 86, sous b) et c), du traité]. Il faut se rappeler que l'AMP a le droit de refuser des détaillants qui
satisfont aux conditions objectives établies dans les critères et nulle vente ne pourra alors être faite ni à ces derniers ni à d'autres détaillants. C'est à la juridiction nationale de dire si l'objet et l'effet de ces stipulations est d'accroître le contrôle et de préserver le monopole de l'AMP ou si elles peuvent être considérées comme un élément nécessaire du système de distribution, sans lequel ce dernier ne pourrait fonctionner. A cet égard, l'AMP est très clairement en situation de contrôler
le nombre des points de vente au détail et, par conséquent, l'accès à ce commerce que, comme la Commission l'a relevé, le gouvernement belge n'a pas jugé nécessaire de réglementer.

Il convient de noter, de même que sur d'autres points de l'affaire où se pose la question de savoir si l'AMP occupe une position dominante, l'AMP ne nie pas qu'elle occupe une telle position, mais soutient simplement que la question reste ouverte.

Là encore, l'existence d'un abus de position dominante serait évidente si ces règles étaient appliquées de façon discriminatoire, Lecture générale en étant exemptée.

La troisième question

La troisième question vise à savoir, en substance, si le fait que l'AMP se réserve de fixer les prix et d'imposer aux détaillants le respect des prix imposés est compatible avec le traité. Cette question semble reposer sur un malentendu puisque c'est apparemment l'éditeur qui fixe les prix et l'AMP qui en impose le respect. Toutefois, cela n'affecte en rien, selon nous, la question de principe. L'article 85, paragraphe 1, sous a), interdit expressément la pratique consistant à fixer les prix de
vente.

Dans la présente affaire, la validité de cette stipulation n'a apparemment pas été mise en cause puisque nul ne suggère que Binon souhaite vendre à un prix autre que le prix imposé. La République fédérale d'Allemagne a beaucoup insisté en faveur d'un système de prix imposés pour la vente au détail des produits de la presse quotidienne et périodique. Quant à savoir si ces arguments s'appliquent avec la même force aux journaux et aux magazines, c'est une question qui peut rester ouverte puisque ce ne
sont pas nécessairement les mêmes considérations qui gouvernent, d'une part, la distribution des revues « papier glacé », fort chères, et, d'autre part, celle de la presse quotidienne et hebdomadaire. La question est en tout état de cause importante et délicate. Nous croyons cependant que bon nombre des arguments qui ont été avancés auraient leur place dans une demande en exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, plutôt que dans la discussion relative à l'application de l'article 85,
paragraphe 1.

Si l'AMP est un représentant commercial, la question ne se pose pas. Si elle n'a pas cette qualité, alors nous pensons que les clauses de prix imposés pour la vente au détail ne sont vraisemblablement pas compatibles avec

l'article 85 dès lors qu'elles peuvent affecter les échanges entre États membres. Si, contrairement à ce qu'elle affirme, c'est l'AMP qui fixe les prix alors cela pourrait équivaloir — s'il est établi que l'AMP occupe une position dominante — à une exploitation abusive de cette position. La réponse à ces questions est de la compétence du juge national.

Il y a lieu de noter en tout état de cause qu'une grande partie de l'argumentation de la République fédérale se fonde sur sa législation nationale, qui n'entre apparemment pas directement en ligne de compte dans la question qui nous préoccupe. Nous relèverons aussi que, pour tomber sous le coup de l'article 86, alinéa 2, sous a), les prix fixés doivent avoir un caractère non équitable.

La quatrième question

La quatrième question vise, là encore en substance, à savoir si l'AMP, dans laquelle Hachette détient une part importante du capital social, peut légitimement appliquer des critères moins stricts à la SA Lecture générale, une société de vente au détail dans laquelle l'AMP et Hachette ont des intérêts financiers.

L'AMP reconnaît, conformément à l'arrêt de la Cour dans l'affaire AEG, qu'un système de distribution sélective qui satisfait à tous autres égards aux dispositions de l'article 85 peut néanmoins être appliqué d'une manière contraire à cet article. Cependant, elle fait valoir, sur la base de cet arrêt, que quelques irrégularités isolées ne permettraient pas de conclure que le système est appliqué d'une manière illicite. En tout état de cause, elle soutient que l'exemption invoquée a été accordée avant
l'entrée en vigueur des accords actuels et à une époque où les conditions relatives à la distance étaient moins précises qu'elles ne le sont aujourd'hui.

Cet argument nous paraît fondé dans son principe. Il reste cependant à répondre à la question de savoir s'il ne s'agissait vraiment que d'exemptions isolées (ou d'une seule exemption) dans le passé. Si l'AMP applique, ou s'il est démontré qu'elle a l'intention d'appliquer, des critères moins stricts à Lecture générale, cela constituerait une application abusive du système et une infraction à l'article 85. Il faudrait en ce cas également retenir un abus de position dominante au sens de l'article 86.
La réponse que Lecture générale peut toujours renoncer à la protection que la clause de distance minimale entre deux points de vente lui offre ne saurait valoir si d'autres ne peuvent en faire autant. Ce n'est pas non plus une réponse que de dire que cette exception à la stricte application des règles est possible si elle est dans l'intérêt financier exclusif de l'AMP.

Partant de ces considérations, nous proposons de répondre aux questions du renvoi dans le sens suivant:

1) a) i) Le fait pour un groupe d'entreprises opérant sur un même marché, qui constitue une partie substantielle du marché commun, de confier, par un accord ou au moyen d'une pratique concertée, la distribution de leurs journaux et périodiques à une entreprise spécialisée est susceptible de tomber sous le coup de l'interdiction établie à l'article 85 du traité CEE.

ii) Le fait pour cette entreprise spécialisée d'imposer à ces autres entreprises ou d'appliquer des conditions ayant pour objet ou pour effet de préserver ou d'étendre sa propre position dominante sur le marché tombe sous le coup de l'interdiction établie à l'article 86 du traité CEE si les échanges entre les États membres peuvent en être affectés.

b) i) Les systèmes de distribution sélective sont compatibles avec l'article 85, paragraphe 1, et l'article 86 à condition que les revendeurs soient choisis sur la base de critères objectifs à caractère qualitatif, portant sur les qualifications du revendeur et de son personnel et sur l'adéquation de ses locaux commerciaux, pourvu que ces critères soient objectivement justifiés par les nécessités de la distribution du produit en question et que ces conditions soient fixées d'une manière uniforme
à l'égard de tous les revendeurs potentiels et soient appliquées de façon non discriminatoire.

ii) Un réseau de distribution sélective dont l'accès est subordonné à des conditions allant au-delà de ces critères de sélection qualitatifs et objectifs tombe, en principe, sous le coup des interdictions prévues à l'article 85, paragraphe 1, et à l'article 86, en particulier quand il est fondé sur des critères de sélection quantitatifs.

iii) Un critère général fondé sur la distance d'un point de vente à l'autre et un critère imposant un nombre d'habitants minimal par point de vente constituent de tels critères quantitatifs dont l'application est interdite.

2) a) Les contrats pour la distribution dans un État membre de journaux et périodiques en provenance d'autres États membres, dont l'entreprise de distribution impose la signature tant aux éditeurs qu'aux détaillants et dont les stipulations permettent à cette entreprise i) de demander la résolution du contrat et de refuser la distribution des publications en question si l'éditeur approvisionne directement certains détaillants non agréés, ou encore ii) permettent à cette entreprise de retirer
l'agréation à des détaillants qui pratiqueraient la rétrocession et la revente ou procéderaient à la location, au prêt ou à toute vente autre qu'au détail, sont contraires à l'article 85, paragraphe 1, s'ils ont pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence à l'intérieur du marché commun.

b) i) Si l'entreprise de distribution occupe une position dominante au sens de l'article 86, le fait d'exiger des éditeurs et des détaillants qu'ils signent de tels contrats constitue un abus de position dominante qui est contraire à l'article 86.

ii) Le fait d'occuper une part de marché supérieure à 50 % constitue un indice très sérieux, quoique pas nécessairement concluant, qu'une entreprise occupe une position dominante en ce sens qu'elle jouit d'une puissance économique qui lui donne le pouvoir de faire obstacle à toute concurrence effective sur le marché en cause, en lui fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients et, finalement, des
consommateurs.

3) L'imposition, dans le cadre d'un système de distribution, de prix de vente au détail fixés à l'avance, tombe à première vue sous le coup de l'interdiction prévue à l'article 85, paragraphe 1, dès lors qu'elle affecte les échanges entre États membres. Si l'entreprise de distribution occupe une position dominante, le fait pour elle de fixer des prix de vente au détail non équitables pour les produits qu'elle distribue constitue un abus de cette position dominante et tombe par conséquent sous le
coup de l'article 86.

4) S'il est établi que, dans le système de distribution sélective qu'elle pratique, une entreprise de distribution applique à un détaillant des critères d'agréation moins stricts que ceux appliqués à d'autres, cette pratique équivaut à une application discriminatoire des conditions d'accès au système et elle est, par conséquent, contraire à l'article 85, voire (quand l'entreprise distributrice occupe une position dominante) à l'article 86. Pour déterminer s'il y a une telle discrimination, il
conviendra de prendre en considération le fait que l'entreprise de distribution et une société qui lui est associée ont toutes deux acquis des participations dans cette société de vente au détail.

C'est à la juridiction nationale qu'il appartiendra de statuer sur les dépens des parties de la procédure au principal. Il n'y a pas lieu de statuer sur les dépens de la République fédérale d'Allemagne et de la Commission.

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( *1 ) Traduit de l'anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 243/83
Date de la décision : 13/02/1985
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal de commerce de Bruxelles - Belgique.

Concurrence: distribution sélective dans le domaine de la presse écrite.

Position dominante

Ententes

Pratiques concertées

Concurrence


Parties
Demandeurs : SA Binon & Cie
Défendeurs : SA Agence et messageries de la presse.

Composition du Tribunal
Avocat général : Sir Gordon Slynn
Rapporteur ?: Koopmans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1985:66

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