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23/02/1984 | CJUE | N°25/83

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lenz présentées le 23 février 1984., Adam Buick contre Commission des Communautés européennes., 23/02/1984, 25/83


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. CARL OTTO LENZ,

PRÉSENTÉES LE23 FÉVRIER 1984 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A —  Par le recours formé, M. Adam Buick, le requérant dans l'affaire de fonctionnaire qui nous préoccupe aujourd'hui, souhaite obtenir une amélioration de son classement dans le grade de base. Il a pris ses fonctions auprès de la Commission en janvier 1974 en tant que fonctionnaire stagiaire classé dans le grade A 7, échelon 3, et il a été promu dans le grade A 6 en janvier 1978.

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CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. CARL OTTO LENZ,

PRÉSENTÉES LE23 FÉVRIER 1984 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

A —  Par le recours formé, M. Adam Buick, le requérant dans l'affaire de fonctionnaire qui nous préoccupe aujourd'hui, souhaite obtenir une amélioration de son classement dans le grade de base. Il a pris ses fonctions auprès de la Commission en janvier 1974 en tant que fonctionnaire stagiaire classé dans le grade A 7, échelon 3, et il a été promu dans le grade A 6 en janvier 1978.

Par lettre du 27 avril 1981, le requérant a demandé à être classé rétroactivement dans le grade A 6, échelon 1, sur le fondement de la «décision relative aux critères applicables à la nomination en grade et au classement en échelon lors du recrutement» de juin 1973 (ci-après dénommée «critères de classement»), publiée par la direction générale «Personnel et administration» de la Commission, en mars 1981. Il a fait valoir qu'il remplissait la condition exigée pour un classement dans le grade
supérieur, à savoir une expérience professionnelle de huit ans au moins. Le requérant a exposé qu'en juin 1965, quatre ans après la fin de ses études secondaires, il avait obtenu un diplôme universitaire. Depuis septembre 1965, il avait exercé une activité professionnelle pertinente. En conséquence, lors de son entrée en fonctions auprès de la Commission, il avait une expérience professionnelle de huit années.

Le 11 mai 1981, le comité de classement de la Commission lui a fait savoir que dans le cas d'un cycle universitaire court, d'une durée de trois ans, comme dans son cas, la première année d'expérience professionnelle suivant l'obtention du diplôme était considérée comme une quatrième année d'études et qu'en conséquence, seule la période écoulée entre le mois de juin 1966 et le début de 1974, c'est-à-dire une période de sept ans et demi, pouvait être considérée comme expérience professionnelle.
Le comité de classement a estimé qu'il n'y avait donc pas lieu de proposer un reclassement.

Dans ces circonstances, le requérant a introduit une réclamation selon les formes prévues et dans les délais prescrits. Il a fait valoir alors qu'il avait terminé ses études secondaires en décembre 1961 par l'examen d'entrée à l'université d'Oxford et qu'il avait commencé ses études en octobre 1962. De ce fait, l'activité exercée à partir de décembre 1965 devait, selon lui, être considérée comme expérience professionnelle.

A la suite de la décision de rejet de l'autorité investie du pouvoir de nomination, du 23 novembre 1982, le requérant a formé un recours, le 16 février 1982, en concluant à ce que la Cour annule la décision et ordonne un réexamen de l'affaire compte tenu de l'arrêt rendu. A titre subsidiaire, le requérant a demandé que les dépens soient mis à la charge de la défenderesse.

B —  Relativement aux chefs de conclusions formulés par le requérant, nous faisons les observations suivantes.

1. Quant à la recevabilité

Pour contester la recevabilité du recours, on pourrait faire valoir que, finalement, le requérant demande l'annulation de son classement initial effectué dès 1974, qui est en conséquence devenu définitif. Toutefois, comme la Cour l'a dit pour droit dans les affaires Blomefield ( 2 ) et Michael ( 3 ), la publication des critères de classement en mars 1981 doit être considérée comme un fait nouveau qui justifie une réouverture des délais prévus aux articles 90 et suivant du statut. L'autorité
investie du pouvoir de nomination a également considéré comme recevable la demande formulée par le requérant au titre de l'article 90, paragraphe 1, du statut en vue d'un reclassement. Comme le requérant a respecté les délais de réclamation et de recours prévus aux articles 90 et 91 du statut, le recours est recevable.

2. Quant au bien-fondé

La décision entreprise par laquelle la demande de reclassement rétroactif du requérant dans le grade A 6 a été rejetée, doit être annulée comme étant illégale si l'autorité investie du pouvoir de nomination s'est écartée des règles qu'elle a elle-même établies pour le décompte des années d'études et d'expérience professionnelle — dans la mesure où celles-ci sont compatibles avec le statut — au détriment du requérant.

a) Selon les règles établies, l'autorité investie du pouvoir de nomination peut classer le candidat lauréat dans le grade A 6 dès lors que celui-ci justifie d'une expérience professionnelle pertinente de huit ans au moins.

b) A l'article 2, alinéa 2, des critères de classement, il est dit ce qui suit: «L'expérience professionnelle est appréciée au regard de l'emploi à pourvoir et en prenant en considération l'activité que le candidat a exercée antérieurement à son recrutement». L'alinéa 3 du même article prévoit ce qui suit: «L'expérience professionnelle est décomptée à partir de l'obtention du premier diplôme donnant accès, conformément à l'article 5 du statut, à la catégorie dans laquelle l'emploi est à
pourvoir». En conséquence, seule est considérée comme expérience professionnelle une activité spécifique eu égard au poste à pourvoir, que l'intéressé a dû exercer effectivement entre la fin des études universitaires et le recrutement par la Commission.

Compte tenu de ces critères, le requérant peut incontestablement attester d'une expérience professionnelle de plus de huit ans au sens des critères de classement.

c) Sur le fondement du libellé de l'annexe II, point 2 a), selon lequel «.. dans le cas d'un cycle court universitaire, l'expérience professionnelle éventuelle n'est prise en compte qu'a l'issue de la quatrième année après le diplôme secondaire», le requérant soutient que son expérience professionnelle aurait dû être décomptée à partir de décembre 1965. La période écoulée entre l'examen d'entrée à l'université d'Oxford, qui est concomittant de la fin de la scolarité en décembre 1961, et le
début des études en octobre 1962 s'explique, selon les allégations du requérant, par le fait que l'examen permettant d'obtenir une bourse à Oxford, auquel le requérant a participé, n'est organisé qu'en décembre de chaque année.

En revanche, selon les déclarations de la défenderesse, le comité de classement a suivi la pratique décrite ci-dessous pour décompter l'expérience professionnelle dans le cas d'un cycle universitaire court. Pour un candidat qui directement après la fin de ses études secondaires a effectué des études d'une durée de trois ans, l'expérience professionnelle éventuelle a été décomptée à partir de la fin de la quatrième année après la fin de la scolarité comme l'annexe II, point 2a), le prévoit.
En revanche, pour les candidats qui n'ont pas commercé leurs études immédiatement après la fin des études secondaires ou qui ont interrompu leurs études universitaires, la période de quatre ans à prendre en considération comme «durée des études universitaires» au sens de l'annexe II, point 2a), a été prolongée en conséquence.

Dans le cas du requérant, dont les études ont duré d'octobre 1962 à juin 1965, le comité de classement a estimé, comme cela ressort de la décision attaquée, que l'année suivant immédiatement les études universitaires ne saurait être considérée comme expérience professionnelle et, par conséquent, il a abouti au résultat que tout au plus la période allant de juin 1966 à janvier 1974, c'est-à-dire une période de sept ans et demi, pouvait être décompté comme expérience professionnelle.

d) C'est pourquoi, la question cruciale est celle de savoir si la pratique ainsi suivie par la défenderesse est légale.

Dans ce contexte, il convient de considérer en faveur du requérant que la décision prise dans son cas ne découle pas directement du texte de l'annexe II, point 2a), alinéa 2. Il est également vrai que la pratique administrative du comité de classement, que l'annexe II récapitule, entraîne en principe comme conséquence que l'administration a un pouvoir discrétionnaire lié.

Par ailleurs, comme la Cour l'a souligné dans les arrêts dans les affaires Blomefield ( 4 ) et Michael ( 5 ), de telles règles administratives ne sont pas susceptibles de déroger à des règles obligatoires du statut. En conséquence, elles ne sauraient être interprétées que conformément au statut.

Néanmoins, le statut vise à garantir à tous les fonctionnaires un traitement égal dans des conditions identiques. C'est ainsi que l'article 5, paragraphe 3, du statut auquel les critères de classement renvoient entre autres expressément prévoit que «les fonctionnaires appartenant à une même catégorie ... sont soumis respectivement à des conditions identiques ...»

Comme il ressort également des considérants des critères de classement, ceux-ci visent «à garantir aux fonctionnaires appartenant à une même catégorie ... des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière». C'est en particulier cet objectif que vise à satisfaire le souci du comité de classement exprimé à l'annexe II, point 2a), alinéa 1, en ce qu'il tend à réduire de cinq à deux ans l'écart de l'expérience professionnelle pouvant être prise en compte, écart dû aux
différences dans la durée des études universitaires dans les États membres.

Comme en l'espèce la défenderesse a décompté l'expérience professionnelle du requérant selon ce principe, il n'y a pas lieu de formuler des objections.

En revanche, on irait à l'encontre de l'objectif de la réglementation adoptée si, conformément aux souhaits du requérant, on tenait également compte de la période d'attente allant de décembre 1961 à octobre 1962 en tant que période de formation. Comme la défenderesse l'a observé à bon droit, une telle façon de procéder entraînerait comme conséquence que l'expérience professionnelle prise en compte soit augmentée de périodes qui ne sauraient être considérées ni comme formation universitaire
ni comme expérience professionnelle pertinente et dont la durée dépendrait tout à fait des circonstances de chaque cas particulier. Néanmoins, cette méthode conduirait à désavantager tous les autres candidats pour lesquels on ne tient compte que de la durée effective des études universitaires et de l'expérience professionnelle.

e) Pour sa défense, le requérant a fait valoir que cette pratique le désavantage parce qu'il avait été contraint d'accepter le délai allant de décembre 1961 à octobre 1962 pour obtenir une bourse d'études. Toutefois, selon les considérations qui précèdent, il convient d'estimer que seule la durée effective de formation et/ou d'expérience professionnelle doivent être prises en considération lors du classement. C'est pourquoi il n'importe pas que le délai d'attente entre la fin des études
secondaires en décembre 1961 et le début des études universitaires en octobre 1962 ait été inévitable pour le requérant. En tout cas, il ne serait pas compatible avec l'objectif du statut de tenir compte d'une telle période.

f) Selon le calcul effectué par la défenderesse — qu'il ne convient pas de mettre en cause —, le requérant ne peut pas prouver qu'il remplit la condition d'une expérience professionnelle de huit ans au moins exigée pour le classement dans le grade A 6. Cela suffit pour motiver un rejet du recours comme non fondé. En conséquence, il n'y a plus lieu d'examiner l'autre question soulevée par la Commission, visant à déterminer si le requérant aurait eu un droit à être classé dans le grade en cause
s'il avait pu attester de l'expérience professionnelle nécessaire.

3. Quant aux dépens

Dans le cas d'une telle solution, les articles 69, paragraphe 2, et 70 du règlement de procédure prévoient qu'en principe chaque partie supporte ses propres frais. Toutefois, le requérant a demandé, à titre subsidiaire, sur le fondement de l'arrêt dans l'affaire Michael ( 6 ), que la Cour s'écarte de cette règle sur les dépens. Nous ne voyons cependant aucune raison à cela, le requérant devant accepter de se voir reprocher que la demande formulée, fondée sur une partie non claire du texte,
apparaissait comme incompatible avec la lettre d'autres parties des critères de classement et avec l'objectif du statut.

C —  En résumé, nous proposons donc que le recours soit rejeté et que chacune des parties soit condamnée à supporter ses propres dépens.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.

( 2 ) Arrêt du 1. 12. 1983, dans l'affaire 190/82, Adam P. H. Blomefield /Commission des Communautés européennes, Recueil 1983, p. 3981.

( 3 ) Arrêt du 1. 12. 1983, dans l'affaire 343/82, Christos Michael /Commission des Communautés européennes, Recueil 1983, p. 4023.

( 4 ) Arrêt du 1. 12. 1983, dans l'affaire 190/82, Adam P. H. Blomefietd /Commission drs Communautés europennes, Recueil 1983, p. 3981.

( 5 ) Arrêt du 1. 12. 1983, dans l'affaire 343/82, Chrisios Michael /Commission des Communautés européennes, Recueil 1983, p. 4023.

( 6 ) Arrêt du 1. 12. 1983, dans l'affaire 343/82, Christos Michael /Commission des Communautés européennes, Recueil 1983, p. 4023.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25/83
Date de la décision : 23/02/1984
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire - Reclassement.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Adam Buick
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lenz
Rapporteur ?: Kakouris

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1984:75

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