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09/02/1984 | CJUE | N°104/83

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mancini présentées le 9 février 1984., Salvatore Cinciuolo contre Union nationale des fédérations mutualistes neutres et Institut national d'assurance maladie-invalidité., 09/02/1984, 104/83


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. G. FEDERICO MANCINI,

PRÉSENTÉES LE 99 FÉVRIER 1984 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  Dans cette affaire préjudicielle, vous êtes appelés à interpréter le règlement du Conseil n° 1408 du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2). Vous devrez, en particulier, établir si, selon l'article 51, paragraphe 1, de cette source, on doit recalculer le total d'

une pension déterminée conformément à l'article 46 lorsque le montant d'une ou de plusieurs prestation...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. G. FEDERICO MANCINI,

PRÉSENTÉES LE 99 FÉVRIER 1984 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1.  Dans cette affaire préjudicielle, vous êtes appelés à interpréter le règlement du Conseil n° 1408 du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté (JO L 149, p. 2). Vous devrez, en particulier, établir si, selon l'article 51, paragraphe 1, de cette source, on doit recalculer le total d'une pension déterminée conformément à l'article 46 lorsque le montant d'une ou de plusieurs prestations considérées
dans le calcul initial a été modifié pour qu'il soit adapté à l'augmentation du coût de la vie.

M.Salvatore Cinciuolo, demandeur dans l'affaire principale, a travaillé en Italie et en Belgique. Dans ce dernier pays, il est devenu inapte au travail le 27 janvier 1976 et, à ce titre, il a perçu les indemnités de maladie jusqu'au 31 janvier 1977. A partir du 1er février 1977, il a eu droit à l'assurance invalidité. Afin qu'il puisse bénéficier de la pension italienne, on a recouru à la réglementation communautaire. Conformément à l'article 45 du règlement cité, par conséquent, les périodes
effectivement effectuées dans les deux États membres ont été calculées pour déterminer le montant de cette prestation et le bénéfice qui lui revient en Italie en vertu de l'article 46, paragraphe 2, lettre b), lui a été liquidé pro rata temporis par l'Istituto nazionale de previdenza sociale. A son tour, l'Institut national d'assurance maladie-invalidité (ci-après INAMI) a liquidé la pension d'invalidité belge selon la réglementation nationale. En application de la règle anticumul contenue dans
l'article 70, paragraphe 2, de la loi du 9 août 1963, elle a été réduite dans la mesure correspondant au montant de la prestation italienne.

Toutefois, le 20 octobre 1976, M. Cinciuolo a obtenu une rente italienne pour maladie professionnelle, calculée sur la base d'un taux d'invalidité de 21 % et versée par l'Istituto nazionale assicurazione infortuni. Lorsqu'il en a eu connaissance, l'INAMI a décidé de reliquider la prestation d'invalidité belge (6. 11. 1980). Les comptes ont alors fait apparaître que le calcul le plus favorable à M. Cinciuolo était celui prévu par l'article 46, paragraphe 3, du règlement n° 1408/71. Conformément à
l'article 7, paragraphe 1, lettre c), du règlement du Conseil n° 574 du 21 mars 1972 (JO L 74, p. 1), la prestation belge a donc été diminuée d'une fraction de cette rente.

Ce sont les modifications subies par cette dernière qui sont à l'origine de l'affaire principale. La réglementation italienne en la matière (voir l'article 234 du texte unique sur l'assurance contre les accidents et les maladies professionnelles, approuvé par le décret présidentiel n° 1124 du 30. 6. 1965) prévoit, en effet, que les rentes d'invalidité permanente sont reliquidées tous les trois ans sur la base des variations de l'indice relatif au salaires bruts minimaux des travailleurs
agricoles, telles qu'elles sont constatées par l'Institut central de statistique. Depuis le 1er juillet 1983, la reliquidation se fait annuellement (article 3 de la loi n°251 du 10.5. 1982).

LINAMI a tenu compte des réévaluations auxquelles la rente a été soumise le 1er juillet 1977 et le 1er juillet 1980: il a donc réduit la prestation belge et demandé à M. Cinciuolo de restituer les sommes indûment perçues. Celui-ci a réagi sur le plan administratif, mais un refus lui ayant été opposé, il a introduit un recours le 31 juillet 1979 et le 5 décembre 1980 devant le tribunal du travail de Bruxelles. En effet, à son avis, les réductions opérées par l'INAMI seraient contraires à
l'article 51 du règlement n° 1408/71; tandis que l'INAMI exclut l'applicabilité de cette disposition qui concernerait uniquement les prestations de pension et non celles d'une autre nature telles que les rentes pour maladies professionnelles.

Par ordonnance du 26 mai 1983, le tribunal a sursis à statuer et, en application de l'article 177, vous a demandé d'établir: «Si l'article 51, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 1408/71, du 14 juin 1971 s'applique exclusivement aux pensions d'invalidité, de vieillesse et de survie visées à l'article 46, ou s'il s'applique aussi à des prestations de nature différente telles que les rentes d'accidents de travail ou de maladies professionnelles qui, en vertu des règles anticumul nationales, ont eu
initialement une influence sur le montant de la pension établie conformément à l'article 46 et dont les adaptations ultérieures peuvent avoir une incidence sur cette même pension. En d'autres termes, s'il faut procéder à un nouveau calcul de la pension conformément à l'article 46, en cas de modification du montant d'une rente de maladie professionnelle qui n'est pas cumulable ou est partiellement cumulable avec la pension.»

2.  La question que vous pose le juge belge a donc pour objet l'article 51 du règlement n° 1408/71. Cette règle, intitulée «revalorisation et nouveau calcul des prestations», figure au chapitre 3 («vieillesse et décès (pensions)»); mais, pour des raisons d'analogie évidentes, elle s'applique également au secteur — invalidité — réglementé par la section 2 du chapitre 2. Elle dispose: «1. Si, en raison de l'augmentation du coût de la vie ..., les prestations des États concernés sont modifiées d'un
pourcentage ou montant déterminé ... ce pourcentage doit être appliqué directement aux prestations établies conformément aux dispositions de l'article 46 sans qu'il y ait lieu de procéder à un nouveau calcul ... 2. Par contre, en cas de modification du mode d'établissement ou des règles de calcul des prestations, un nouveau calcul est effectué conformément aux dispositions de l'article 46.»

Vous vous êtes déjà occupés de l'article 51 dans l'arrêt du 2 février 1982, affaire 7/81, Sinatra/FNROM (Recueil 1982, p. 137), en affirmant que son but est de simplifier les procédures de liquidation des prestations. En particulier, vous avez exclu la nécessité d'un nouveau calcul «lorsque les adaptations des prestations procèdent d'événements étrangers à la situation individuelle de l'assuré» (attendu n° 10). Il faut dire, toutefois, qu'il existe une différence entre notre affaire et celle de
l'arrêt cité. M. Sinatra bénéficiait de prestations ayant la même nature (pensions d'invalidité). M. Cinciuolo bénéficie également d'un avantage — la rente pour maladie professionnelle — qui n'a aucune affinité avec la pension.

Comme nous l'avons dit, c'est sur cette différence qu'insiste l'INAMI. A son avis, l'article 51 s'applique uniquement aux prestations homogènes. Deux arguments le prouveraient. La règle — diton — fait exclusivement référence à l'article 46, où sont pris en considération des prestations de même nature, tandis qu'elle ignore l'article 12 en vertu duquel la nature des prestations est sans importance aux fins des règles anticumul et on peut tenir compte également des revenus qui découlent
d'activités professionnelles. Ensuite, il y a lieu de considérer que, si des prestations de nature différente et, en particulier, des revenus professionnels pouvaient se cumuler avec une pension d'invalidité, les difficultés de calcul pour l'application de l'article 51 deviendraient insurmontables.

Cette thèse ne nous persuade pas. Nous observons tout d'abord que l'article 51 ne distingue pas les prestations selon leur nature. Il se limite à exiger que la modification concerne «des prestations des Etats concernés ... établies conformément à l'article 46». Or, il est tout à fait évident que la rente pour maladies professionnelles est une prestation d'assurance: tant il est vrai que l'article 4, paragraphe 1, lettre e), du règlement n° 1408/71 la prévoit expressément.

Mais examinons de plus près les arguments de l'INAMI. Au sujet du premier, il parait évident que la référence faite par l'article 51 à l'article 46 englobe ce dernier dans son intégralité. Elle implique donc son paragraphe 3 selon lequel des prestations de nature diverse dans la mesure où elles sont prévues pailes règles anticumul des articles 12, du règlement n° 1408/71 et 7 du règlement n° 574/72 entrent également dans le calcul de la pension. Du reste, comme nous l'avons dit, c'est
précisément sur cette base que le 6 novembre 1980, l'INAMI a tenu compte de la rente italienne pour maladie professionnelle en réduisant proportionnellement la pension belge d'invalidité.

Quant au second argument, nous ne dirions pas que le parallèle établi par l'INAMI entre cette rente et les revenus de nature professionnelle est pertinent. Il est douteux, tout d'abord que, lorsqu'il fait allusion à la modification des «prestations des États», l'article 51 se réfère également aux variations dont ces revenus sont susceptibles. Admettons tout de même que, par le biais de l'article 12, ils aient eu une influence sur le calcul d'une prestation établie conformément à l'article 46: il
ne nous semble pas que, même dans ce cas limite, les difficultés dont parle l'INAMI soient vraiment insurmontables. En effet, deux hypothèses peuvent se présenter. Dans la première, la modification des revenus professionnels dépend de facteurs externes, comme un coût de la vie plus élevé: selon la jurisprudence Sinatra, l'article 51 interdira que l'on procède à un nouveau calcul. Dans la seconde, le même phénomène découle d'une circonstance tenant à la personne de l'assuré: par exemple, une
amélioration ou une aggravation de son état de santé. Toujours selon la jurisprudence Sinatra, l'organisme d'assurance devra recalculer la prestation.

Il est évident que ces observations s'appliquent a fortiori aux avantages qu'il n'est pas possible de considérer comme des pensions, mais qui sont différents des revenus professionnels.

3.  En conclusion, nous vous suggérons de répondre de la manière suivante à la question formulée par la neuvième chambre du tribunal du travail de Bruxelles par ordonnance du 26 mai 1983, en application de l'article 177 du traité CEE:

«L'article 51, paragraphe 1, du règlement du Conseil n° 1408/71 du 14 juin 1971 s'applique également à des prestations différentes des pensions, telles que la rente pour accident du travail ou pour maladie professionnelle, si ces avantages ont eu initialement une incidence sur le montant de la prestation en conformité de l'article 46 ou si leurs adaptations ultérieures dépendent d'événements étrangers à la personne de l'assuré.»

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( 1 ) Traduit de ľitalien


Synthèse
Numéro d'arrêt : 104/83
Date de la décision : 09/02/1984
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Bruxelles - Belgique.

Sécurité sociale - Nouveau calcul des prestations.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Salvatore Cinciuolo
Défendeurs : Union nationale des fédérations mutualistes neutres et Institut national d'assurance maladie-invalidité.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mancini
Rapporteur ?: Due

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1984:57

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