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14/10/1982 | CJUE | N°198

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 14 octobre 1982., Fernando Micheli et autres contre Commission des Communautés européennes., 14/10/1982, 198


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 14 OCTOBRE 1982 ( 1 )

Monsieur le President,

Messieurs les Juges,

Les requérants dans les affaires jointes de fonctionnaires sur lesquelles nous prenons position dans les présentes conclusions, se trouvent tous au service de la Commission depuis, respectivement, 1977 et 1978 comme «opérateurs d'installations d'interprétation». Us ont d'abord été recrutés en qualité d'agents temporaires ou d'agents auxiliaires et, après avoir réussi au concours interne sur épreuv

es organisé en vue de constituer une réserve de recrutement de commis adjoints de la carrière C...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 14 OCTOBRE 1982 ( 1 )

Monsieur le President,

Messieurs les Juges,

Les requérants dans les affaires jointes de fonctionnaires sur lesquelles nous prenons position dans les présentes conclusions, se trouvent tous au service de la Commission depuis, respectivement, 1977 et 1978 comme «opérateurs d'installations d'interprétation». Us ont d'abord été recrutés en qualité d'agents temporaires ou d'agents auxiliaires et, après avoir réussi au concours interne sur épreuves organisé en vue de constituer une réserve de recrutement de commis adjoints de la carrière C 4/5
(COM/C/4/78), ils ont été titularisés avec effet au 1er mars 1980. Les requérants Parlante, Brocean et Lattanzio ont été classés dans le grade C5, Micheli et Labate dans le grade C4.

Déjà au cours de leur période de stage, ils ont introduit en novembre 1979 une réclamation au sens de l'article 90 du statut au motif que seul le grade et l'emploi type de commis correspondaient aux tâches qu'ils effectuaient réellement. Ces réclamations ont été rejetées par l'autorité investie du pouvoir de nomination au motif que les concours en question prévoyaient seulement le recrutement de commis adjoints de la carrière C 4/5 et non pas de commis de la carrière C 2/3. Les requérants ayant omis
d'attaquer ces décisions dans les délais prescrits, celles-ci sont devenues définitives.

Indépendamment de cette procédure, les requérants ont introduit le 25 avril 1980 une demande au sens de l'article 90, paragraphe 1, du statut, tendant à obtenir le bénéfice de l'indemnité différentielle visée à l'article 7, paragraphe 2, du statut. Après que ces demandes avaient également été rejetées en partie explicitement et en partie implicitement, les intéressés ont introduit contre ces décisions une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut. Ces réclamations ont finalement
été rejetées explicitement par lettre du 8 avril 1981 du membre de la Commission chargé des questions de personnel.

Là-dessus, les fonctionnaires intéressés ont introduit le 3 juillet 1981 leurs recours dans lesquels ils concluent à ce que la Cour annule la décision de la Commission du 8 avril 1981 et condamne la défenderesse à payer aux requérants une indemnité différentielle ou compensatoire à calculer comme étant la différence entre la rémunération touchée et la rémunération due pour la prestation de tâches de commis opérateurs d'installations d'interprétation, depuis le jour de leur entrée en service ou à
tout le moins, depuis le jour de leur nomination en qualité de fonctionnaire, et à augmenter des intérêts.

Qu'il nous soit permis d'observer, avant de nous prononcer sur le bien-fondé de ces demandes, que l'on pourrait très bien se poser la question de savoir si le recours n'est pas somme toute irrecevable parce que l'on cherche ici à obtenir en définitive par le détour de l'indemnité compensatoire prévue à l'article 7, paragraphe 2, du statut une révision de fait du classement devenu inattaquable des requérants. Mais comme la défenderesse ne soulève pas une telle exception d'irrecevabilité et que — à
tout le moins de jure — l'objectif poursuivi est différent de celui de la procédure administrative initiale, il nous paraît utile de prendre position sur le fond de l'affaire.

1.  En ce qui concerne le recours contre la décision du 8 avril 1981

a) A l'appui de ce moyen, les requérants soutiennent que la Commission viole l'article 5, paragraphe 3, du statut et le principe de l'égalité de la rémunération pour le même travail en ce qu'elle verse aux requérants une rémunération inférieure à celle que perçoivent d'autres fonctionnaires de la même institution ou d'autres institutions qui excercent les mêmes tâches.

Même s'il convient de donner raison à la Commission lorsqu'elle affirme que la disposition invoquée, aux termes de laquelle «les fonctionnaires appartenant à une même catégorie ou à un même cadre sont soumis respectivement à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrières», ne vise pas à garantir une rémunération identique aux fonctionnaires qui excercent des tâches comparables, il n'est pas contestable que ce principe d'égalité de traitement doit être respecté
également dans le droit de la fonction publique des Communautés. Comme la Cour l'a souligné à plusieurs reprises, entre autres dans l'affaire Boursin ( 2 ), le principe de la correspondance entre les fonctions exercées et le grade qui est garanti par l'article 5 du statut a en effet précisément pour but d'éviter des inégalités de traitement entre les fonctionnaires auxquels ont été valablement attribuées des tâches comparables.

Or, contrairement au point de vue défendu par les requérants, il ne saurait être question d'une violation de cette interdiction de discrimination dans tout cas d'inégalité de traitement. Ainsi que la Cour l'a toujours clairement indiqué, on ne peut, au contraire, conclure à l'existence d'une violation du principe de l'égalité de traitement que lorsque la différenciation n'est pas objectivement justifiée.

Or, en dépit d'une même qualification pour une activité déterminée, un traitement différent peut être justifié notamment pour des raisons liées à la qualité et à la quantité du travail. On ne saurait donc critiquer le fait que les opérateurs d'installations d'interprétation qui, comme c'est le cas à la Commission à Luxembourg, constituent une petite équipe de six fonctionnaires et sont donc appelés, le cas échéant, à se remplacer mutuellement, soient placés du point de vue de la rémunération
dans une meilleure situation que certains fonctionnaires affectés à la Commission à Bruxelles qui dispose, après tout, pour les tâches correspondantes, de vingt-deux fonctionnaires.

C'est par ailleurs également sous cet angle qu'il convient d'apprécier la comparaison établie par les requérants avec les techniciens qu'emploie le Parlement. Il est ici aussi évident que le domaine différent des tâches, eu égard, en particulier, à l'importance de l'installation d'interprétation, peut justifier un traitement différent des techniciens. En outre, les exigences différentes se reflètent également dans les conditions de recrutement.

Ainsi, dans son avis de concours COM/C/4/78 pour la constitution d'une réserve de recrutement de commis adjoints, la Commission n'exige que des connaissances en radiotechnique alors que le Parlement exige dan; un avis de concours général correspondant (PE 75/C — JO C 249 du 20. 10. 1978, p. 8) pour des commis de grade C3 un diplôme technique en matière de radioélectricité.

Enfin, il ne résulte pas non plus de la comparaison établie par les requérants avec des fonctionnaires du même service à Bruxelles que la Commission, en leur accordant un classement supérieur, a porté atteinte au principe qui prescrit une même rémunération pour les mêmes tâches. Dans ce contexte, il importe peu de savoir si en dépit d'une description identique des fonctions, ces fonctionnaires exercent néanmoins effectivement des tâches comportant des exigences supérieures puisqu'une
rémunération différente et en tout cas objectivement justifiée par l'ancienneté et l'âge différent et, partant, Par l'expénence professionnelle qui en résulte. L'examen de la liste produite par la Commission et concernant le personnel qu'elle emploie en qualité d'opérateurs d'installations d'interprétation fait clairement apparaître que la Commission a tenu compte de ces critères. Ainsi, l'ancienneté des service moyenne des techniciens du grade C 5 est de cinq ans, celle des techniciens de
grade C 4 de six ans, celle des fonctionnaires C 2 de dix-huit ans et celle des fonctionnaires C 1 de dix-huit ans et demi. L'âge des techniciens C 5 est, pour citer un autre exemple, inférieur à trente ans, alors que l'âge des fonctionnaires C 1 dépasse quarante ans. Si, en définitive, les fonctionnaires jeunes et ayant peu d'ancienneté étaient d'emblée classés comme les fonctionnaires plus anciens auxquels sont confiées des tâches comparables, l'avancement à l'intérieur d'une même catégorie
serait exclu.

b) A l'appui de leurs demandes, les requérants soutiennent par ailleurs que le caractère erroné de la décision par laquelle la Commission a refusé de leur accorder une indemnité différentielle résulterait également de la description des fonctions et attributions que comportent les emplois types, adoptée en application de l'article 5, paragraphe 4, du statut et publiée au «Courrier du personnel» no 272 du 4 septembre 1973.

Il ressortirait de cette description que les tâches d'un opérateur d'installations d'interprétation ne peuvent être exercées que par un commis de grade C 2/C 3 et non pas par un commis adjoint de grade C 4/5.

Or, le fait que cet argument ne résiste pas non plus à l'examen découle déjà de la circonstance que, comme le montre clairement le mot «notamment» qui précède les diverses dénominations de fonctions, cette description revêt un caractère non pas exclusif mais simplement exemplaire. Si la thèse des requérants était fondée, cela aurait en outre pour conséquence qu'une activité déterminée ne pourrait toujours être exercée que par des fonctionnaires appartenant à un même grade. L'examen de ladite
description des fonctions fait cependant clairement apparaître que les mêmes tâches peuvent être exercées par des fonctionnaires qui appartiennent à des grades différents, seule la nature des diplômes ou l'étendue de l'expérience professionnelle étant à cet égard déterminantes pour le classement différent.

c) Il est enfin reproché à la Commission que le refus d'accorder une indemnité différentielle viole l'article 7, paragraphe 2, du sutut ainsi que le principe d'équité et le devoir d'assistance.

Comme la Cour l'a précisé à plusieurs reprises, entre autres dans les affaires Küster ( 3 ) et Lampe ( 4 ), l'application de cette disposition exige cependant une décision explicite de l'autorité investie du pouvoir de nomination parce qu'elle confère aux fonctionnaires un droit à des prestations déterminées de l'administration. Indépendamment du fait que les requérants n'exercent pas, comme nous l'avons vu, des fonctions supérieures à celles qui peuvent été exigées de fonctionnaires de leur
grade, une telle «mission» explicite fait en tout cas défaut en l'espèce. En outre, comme nous pouvons le déduire de l'arrêt rendu dans l'affaire Prelle ( 5 ), l'application de cette disposition suppose que les activités exercées par intérim se distinguent sensiblement de celles qui sont inhérentes au propre emploi du fonctionnaire. Or cela ne saurait être retenu en l'espèce — en admettant que les autres conditions soient remplies.

Compte tenu, enfin, de la situation juridique que nous venons de décrire, nous ne voyons pas en quoi la Commission aurait violé le principe d'équité et son devoir de solliciter de l'assistance en refusant d'accorder une indemnité différentielle.

2.  Quant à la demande de dommages et intérêts

Indépendamment des moyens précités, les requérants soutiennent que la Commission aurait commis deux fautes dans l'organisation de son service et qu'elle serait donc débitrice de l'indemnité différentielle réclamée ou d'une compensation au titre de l'indemnisation. Il y aurait lieu de lui faire grief, d'une part, d'avoir sous-estimé l'importance effective des tâches et des responsabilités confiées aux requérants et, d'autre part, d'avoir employé aucun commis de grade C 3 en qualité d'opérateur
d'installations d'interprétation. En conséquence, les requérants, dont le supérieur hiéarchique est un fonctionnaire de grade B 1, auraient en réalité dû exercer les fonctions d'un commis.

Or, il convient d'opposer à cet argument que, comme la Cour l'a souligné dans une jurisprudence constante, chaque institution établit de manière autonome son tableau des effectifs et dispose dans l'organisation de ses services d'un large pouvoir d'appréciation. Étant donné que les requérants ne sont pas parvenus à démontrer que leurs tâches actuelles ne correspondent pas à celles d'un commis adjoint classé dans un grade de la carrière C 4/5, on ne peut, à cet égard, reprocher à la Commission
aucun détournement de pouvoir.

Comme nous l'avons déjà montré, les mêmes tâches peuvent en outre être exercées par des fonctionnaires qui appartiennent à des grades différents d'une carrière. En particulier, le statut ne comporte aucun indice permettant de supposer que l'attribution d'un grade quelconque dépend de la question de savoir si le grade immédiatement supérieur est ou non occupé. On ne saurait, en tout état de cause, comme le pensent les requérants, déduire le contraire de l'arrêt rendu par la Cour dans l'affaire
Klaer ( 6 ) où il s'agissait de savoir si un fonctionnaire de grade Al pouvait être placé sous l'autorité d'un autre fonctionnaire de ce grade. Sur la base de la description des fonctions faite par la Haute Autorité, la Cour s'est bornée à constater à cet égard que le titulaire d'un emploi est en principe placé sous l'autorité du fonctionnaire dont la carrière est immédiatement supérieure à la sienne.

Hormis ces réflexions juridiques, il reste, au demeurant, à constater que, comme nous l'avons appris, la Commission emploie sept opérateurs d'installations d'interprétation de grade C 2 qui relèvent de la carrière C 2/3 — commis.

3.  Comme l'ensemble des moyens avancés par les requérants s'avère donc non fondé, nous proposons à la Cour de rejeter le recours et de statuer sur les dépens en application de l'article 70 du règlement de procédure.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.

( 2 ) Arrêt rendu le 17 décembre 1964 dans l'affaire 102/63, Jacques Boursin/Haute autorité de la CECA, Recueil 1964, p. 1471.

( 3 ) Arrêt rendu le 12 mars 1975 dans l'affaire 23/74, Berthold Küster/Pariement europeen, Recueil 1975, p. 353.

( 4 ) Arret rendu le 9 juillet 1970 dans l'affaire 35/69, Heru Lampe, veuve Grosz/Commission des Communautés européennes. Recueil 1970, p. 609.

( 5 ) Arrèi du 16 decembre 1970 rendu dans l'affaire 5/7C, Maurice Prelle/Commission des Communautes européennes, ReĽuc.l 1971, p. 1075.

( 6 ) Arret du 15 décembre 1965 rendu dans l'affaire 15/65, berner Klaer/Haute Autorité de la CECA, Recueil 1965, p. 1295.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 198
Date de la décision : 14/10/1982
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaires - Indemnité différentielle.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Fernando Micheli et autres
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: O'Keeffe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1982:353

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