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01/04/1982 | CJUE | N°208

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Rozès présentées le 1 avril 1982., Palte & Haentjens BV contre Inspecteur der invoerrechten en accijnzen, Rotterdam., 01/04/1982, 208


CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL SIMONE ROZÈS,

PRÉSENTÉES LE 1ER AVRIL 1982

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les deux demandes de décision préjudicielle dont vous êtes saisis et qui ont été jointes par votre ordonnance du 16 septembre 1981 émanent de la Tariefcommissie et tendent à l'interprétation du tarif douanier commun aux fins du classement correct à appliquer à des grains d'avoine.

Les faits sont les suivants:

La société néerlandaise Palte & Haentjens a importé aux Pays-Bas, en avril 1977, p

our le compte de deux entreprises allemandes, deux lots d'avoine originaires d'Australie dont le classe...

CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL SIMONE ROZÈS,

PRÉSENTÉES LE 1ER AVRIL 1982

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les deux demandes de décision préjudicielle dont vous êtes saisis et qui ont été jointes par votre ordonnance du 16 septembre 1981 émanent de la Tariefcommissie et tendent à l'interprétation du tarif douanier commun aux fins du classement correct à appliquer à des grains d'avoine.

Les faits sont les suivants:

La société néerlandaise Palte & Haentjens a importé aux Pays-Bas, en avril 1977, pour le compte de deux entreprises allemandes, deux lots d'avoine originaires d'Australie dont le classement suscite un litige entre un importateur (position 10.04) et l'administration des douanes (sous-position 11.02 B I a) 2 aa)).

Selon les notes explicatives de la Nomenclature du Conseil de coopération douanière («Nomenclature de Bruxelles»), il existe deux variétés principales d'avoines: l'avoine grise ou noire et l'avoine blanche ou jaune. Qu'il s'agisse de l'une ou de l'autre de ces variétés, les grains d'avoine se présentent souvent revêtus de leur halle florale, même après battage. Ils sont également pourvus de pointes. En vue d'en faciliter l'ingestion par le bétail (notamment la volaille), on les «épointe» en rognant
les extrémités.

Un simple battage (ou vannage) ne suffit normalement pas pour épointer l'avoine, car les pointes constituent un élément du péricarpe. Or, l'élimination, même partielle, du péricarpe qu'entraîne l'épointage constitue une opération de la minoterie.

Pour épointer l'avoine, il faut donc lui faire subir un traitement supplémentaire, le mondage, qui est défini comme le passage entre des meules par les notes explicatives relatives à l'orge (no 10.03).

Le tarif douanier commun tire les conséquences de cet état de choses:

Les grains de céréales non mondés ni autrement travaillés entrent sous le chapitre 10. Les notes explicatives précitées précisent que les produits de ce chapitre peuvent être présentés en gerbes, en épis, simplement battus ou vannés. Même après un tel battage ou vannage, les pointes adhèrent encore aux grains d'avoine. Il s'agit, en somme, de céréales «brutes», telles qu'elles sont issues des travaux ordinaires de la récolte agricole. L'avoine qui répond à ces caractéristiques (no 10.04) est soumise
à un prélèvement de 13 %.

En revanche, les grains mondés (décortiqués ou pelés), même tranchés ou concassés, d'avoine épointée relèvent du no 11.02 B I a) 2 aa). Cette ouvraison supplémentaire entraîne la perception d'un prélèvement plus élevé (23 %).

Il peut arriver toutefois que, par suite du battage et des manipulations auxquelles sont soumis les grains (stockage, chargement, transport), des pointes s'en détachent naturellement, sans qu'il soit nécessaire de recourir à une opération de la minoterie.

C'est un cas limite de ce genre qui se pose dans les affaires au principal: l'importateur considère que l'avoine qu'il a présentée à la douane relève du no 10.04; celle-ci estime par contre que c'est le no 11.02 B I a) 2 aa) qui entre en ligne de compte. D'après la décision de renvoi de la juridiction néerlandaise devant laquelle l'affaire a été portée, le produit dont le classement est litigieux est constitué par des grains d'avoine qui ont été simplement battus, mais qui ont partiellement perdu
leurs pointes à la suite des manipulations dont ils ont fait l'objet. Au point de vue des proportions, la décision de renvoi indique seulement que les lots litigieux contiennent, d'une part, un grand nombre de grains épointés, sans en préciser le pourcentage, d'autre part, des grains encore munis de leurs pointes et, enfin, des pointes détachées des grains.

Pour résoudre les deux litiges dont elle est saisie, cette juridiction vous pose les questions suivantes:

1) Faut-il classer les grains d'avoine qui, après récolte, ont simplement été battus, stockés, chargés et transportés et dont les pointes se sont détachées à la suite de ces opérations, sous la position 10.04 du tarif douanier commun ou sous la sous-position B I a) 2 aa) de la position 11.02?

2) Si le produit décrit dans la question 1 doit être classé sous la sous-position B I a) 2 aa) de la position 11.02, exis-te-t-il, pour un lot de grains d'avoine de ce genre, composé en partie de grains épointés et en partie de grains non épointés, un pourcentage de grains épointés au-dessus duquel ce lot doit être classé sous la sous-position B I a) 2 aa) de la position 11.02 et au-dessous duquel il doit être classé sous la position 10.04? La circonstance que les pointes qui se sont détachées se
trouvent dans le lot influence-t-elle le classement?

3) A supposer que le mondage des grains d'avoine entraîne toujours aussi leur épointage, le mondage éliminant la balle ou le péricarpe dont la pointe constitue un élément, comment faut-il dans ces conditions délimiter entre elles les deux autres subdivisions de la sous-position Bla) 2 aa) de la position 11.02, «grains mondés d'avoine», à savoir «aa: avoine épointée» et «bb: autres»?

1.  L'élément déterminant aux fins de classement de la marchandise litigieuse nous paraît être la présence de pointes dans les lots importés, que ces pointes adhèrent encore aux grains ou qu'elles en aient été séparées.

En effet, si les grains avaient été débarrassés de leurs pointes par suite d'un mondage, celles-ci auraient été probablement éliminées des lots en cause, car on ne voit guère l'intérêt de transporter à grand prix sur une longue distance des résidus ou des déchets d'une si faible valeur.

En l'espèce, on peut déduire de la présence de pointes encore mélangées aux grains que l'épointage n'a pas été délibérément effectué, qu'il ne résulte pas d'un mondage ni d'un autre travail et qu'il constitue un effet accessoire non recherché. Ce raisonnement est confirmé par le fait que les lots comportent, outre des pointes détachées, des grains encore pourvus de leurs pointes. Il faudrait donc normalement procéder à une opération supplémentaire (encore que relativement simple puisqu'elle
s'apparente au vannage) pour séparer les pointes du grain.

La Commission explique que l'avoine en question a vraisemblablement perdu une grande partie de ses pointes lors de la récolte au moyen de moissonneuses-batteuses perfectionnées, permettant un traitement dont le tarif douanier commun ne tenait pas encore compte au moment de l'importation. Mais il n'en résulte pas que les grains aient subi un traitement autre qu'un battage ou un vannage, seule considération qui en l'état devrait être retenue.

La Commission expose en outre que les notes explicatives du tarif douanier commun, relatives à la sous-position 11.02 B I a) 2 aa), ont été amendées au mois de novembre 1980 de façon à faire également figurer sous cette sous-position «les grains d'avoine ayant exclusivement subi le battage après la récolte», qui «comportent encore leurs enveloppes (glumes) ou bractées (écales)», mais dont les «pointes sont brisées (cassées)».

Les notes explicatives du tarif douanier commun des Communautés européennes — qu'il ne faut pas confondre avec les «notes» ou les «notes complémentaires» qui figurent au tableau des droits (IIe partie de l'annexe du règlement relatif au tarif douanier commun) — ne sont, selon votre jurisprudence (Cleton, 4. 10. 1979, attendu 13, Recueil p. 3080), qu'un instrument d'interprétation de nature administrative; elles ne visent pas à se substituer aux notes explicatives arrêtées par le Conseil de
coopération douanière, mais seulement à les compléter, ainsi qu'il est expressément indiqué dans l'avertissement dont elles sont précédées. Or, les notes explicatives de la Nomenclature de Bruxelles ne comportent aucune précision du genre de celles qui auraient été arrêtées par le comité de la Nomenclature du tarif douanier commun.

En consultant la dernière mise à jour de ces notes, nous n'avons trouvé, pour la sous-position B I a) 2 aa), que le commentaire suivant:

«L'avoine épointée est constituée par des grains comportant encore leurs enveloppes ou bractées, mais dont on a éliminé les pointes. Par suite du traitement effectué, 10 % en poids environ peuvent être dépourvus de leurs enveloppes.»

Nous n'y avons pas trouvé le nouveau paragraphe qui aurait été approuvé le 27 octobre 1980 par le comité de la Nomenclature du tarif douanier commun, dont fait état la Commission. Nous considérons donc que cette modification, de toute façon postérieure aux faits qui intéressent la juridiction nationale, n'a pas encore été publiée à ce jour.

Par conséquent, le tableau des droits actuellement en vigueur et les notes explicatives arrêtées par le Conseil de coopération douanière, qui font autorité en tant que moyen valable d'interprétation en l'absence de dispositions spécifiques du droit communautaire (même arrêt, attendu 12), n'infirment pas l'opinion selon laquelle la sous-position en cause ne saurait englober l'avoine dont les pointes ont été brisées par suite d'un effet accessoire non recherché, surtout lorsque ces pointes sont
encore mélangées avec les grains.

Cette opinion n'est pas non plus contraire au principe arrêté par vous dans d'autres affaires, selon lequel, dans l'intérêt de la sécurité juridique et pour faciliter le travail de l'administration, le classement des marchandises doit être fondé sur leurs caractéristiques et leurs propriétés objectives.

2.  Dans ces conditions, l'importance de la «teneur en pointes» des lots litigieux ne nous paraît pas tirer à conséquence. Il n'est pas allégué que les lots aient été délibérément composés par un mélange de grains épointés, de grains pourvus de leurs pointes et de pointes détachées.

Si c'était le cas, il faudrait recourir aux règles relatives aux mélanges. Selon la règle générale no 3b, «les produits mélangés ... doivent être classés d'après la matière ... qui leur confère leur caractère essentiel». Accessoirement, il faudrait avoir recours aux notes complémentaires figurant sous le chiffre 3 du chapitre 10, relatives aux mélanges de céréales.

3.  Comme l'estime la requérante au principal, la dernière question qui vous est posée est purement théorique. En effet, le prélèvement auquel sont assujettis les grains mondés d'avoine épointée est le même (23 %), que ce mondage ait simplement supprimé les pointes ou qu'il ait entraîné un dépouillement plus prononcé de la pellicule (péricarpe).

Pour le surplus, les «autres» grains visés à la subdivision bb) sont des grains épointés comme les grains de la subdivision aa), mais dont le mondage plus ou moins prononcé auquel ils ont été soumis leur confère un caractère différent des grains simplement épointés. On peut penser que l'ablation du péricarpe de ces «autres» grains mondés est plus accentuée que dans le cas des grains «mondés et épointés».

4.  Dans ses observations écrites, la Commission vous suggérait de demander les échantillons du produit litigieux à la juridiction nationale. Vous avez interrogé la Commission pour savoir si le comité de la Nomenclature du tarif douanier commun avait lui-même examiné ces échantillons avant de décider de modifier la note explicative relative à la sous-position 11.02 B I a) 2 aa).

Comme l'on sait, ce comité, institué par le règlement no 97/69 du Conseil du 16 janvier 1969, relatif aux mesures à prendre pour l'application uniforme de la Nomenclature du tarif douanier commun, est notamment chargé de résoudre les questions techniques qui se posent à propos de cas concrets. Il est évident que c'est à lui qu'il appartient en premier lieu d'ordonner éventuellement une expertise et qu'il ne doit se prononcer qu'en pleine connaissance de cause.

Or, en réponse à votre question, la Commission a indiqué que la délégation néerlandaise auprès dudit comité n'avait pas été en mesure de lui soumettre ces échantillons et que celui-ci n'avait pas non plus estimé nécessaire de se les faire présenter avant de se prononcer. Dans ces conditions, il apparaît que la juridiction nationale serait elle-même dans l'impossibilité de fournir des échantillons prélevés sur les lots litigieux et, dès lors, nous percevons mal le bien-fondé de la question
suggérée.

En réponse aux questions posées, nous concluons à ce que vous disiez pour droit:

Dans l'état actuel du droit communautaire, pour que des grains d'avoine relèvent du no 11.02 B I a) 2 aa), il faut que leur épointage résulte du mondage ou d'un autre travail et que les pointes détachées et les grains encore munis de leurs pointes aient été éliminés des lots à classer.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 208
Date de la décision : 01/04/1982
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Tariefcommissie - Pays-Bas.

TDC: avoine.

Libre circulation des marchandises

Tarif douanier commun

Union douanière


Parties
Demandeurs : Palte & Haentjens BV
Défendeurs : Inspecteur der invoerrechten en accijnzen, Rotterdam.

Composition du Tribunal
Avocat général : Rozès
Rapporteur ?: Bosco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1982:124

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