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18/02/1982 | CJUE | N°16/81

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général VerLoren van Themaat présentées le 18 février 1982., Agata Alaimo contre Commission des Communautés européennes., 18/02/1982, 16/81


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT,

PRÉSENTÉES LE 18 FÉVRIER 1982 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Introduction

Au Journal officiel des Communautés européennes no C 225 du 4 septembre 1980 a été publié, à la page 8, un avis de concours général COM/LA/315 pour la constitution d'une réserve de recrutement de traducteurs de langue principale allemande, anglaise, française, italienne ou néerlandaise. Au point B.l, la condition relative à la limite d'âge était libellée

comme suit: «Les candidats doivent être nés après le 15 octobre 1948. La limite d'âge ne s'applique pas au...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. PIETER VERLOREN VAN THEMAAT,

PRÉSENTÉES LE 18 FÉVRIER 1982 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

1. Introduction

Au Journal officiel des Communautés européennes no C 225 du 4 septembre 1980 a été publié, à la page 8, un avis de concours général COM/LA/315 pour la constitution d'une réserve de recrutement de traducteurs de langue principale allemande, anglaise, française, italienne ou néerlandaise. Au point B.l, la condition relative à la limite d'âge était libellée comme suit: «Les candidats doivent être nés après le 15 octobre 1948. La limite d'âge ne s'applique pas aux candidats qui, au 15 octobre 1980,
sont, depuis au moins un an, fonctionnaires ou agents des Communautés européennes.»

Mme Alaimo, qui est née en 1942 et qui travaille depuis le 1er décembre 1976 au Centre européen pour le développement de la formation professionnelle, a posé sa candidature à ce concours. Par lettre du 7 novembre 1980, M. Yves Desbois, chef de la division «Recrutement» de la Commission, l'a toutefois informée que le jury du concours avait rejeté sa candidature en raison de son âge. Ce rejet comporte implicitement le refus d'appliquer à la requérante l'exception prévue, en ce qui concerne la limite
d'âge, en faveur des personnes qui travaillent aux Communautés européennes. Contre ce rejet, Mme Alaimo a formé un recours. La recevabilité de celui-ci n'est pas contestée par la Commission.

Le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle a été créé par le Conseil par le règlement no 337/75 du 10 février 1975 (JO 1975, L 39, p. 1) sur la base de l'article 235 du traité CEE. D'après les considérants de ce règlement, le Centre a pour tâche d'assister la Commission dans l'exécution de l'article 118 du traité, même s'il s'agit d'un organisme distinct des services de la Commission. Le règlement no 1859/76 du Conseil du 29 juin 1976 (JO 1976, L 215, p. 1) fixe le
régime qui est applicable au personnel du Centre.

2. Les moyens invoqués

L'annexe III au statut, qui s'intitule «Procédure de concours», déclare entre autres à l'article 1 :

«1. L'avis de concours est arrêté par l'autorité investie du pouvoir de nomination, après consultation de la Commission paritaire.

Il doit spécifier:

a) ...

...

g) éventuellement, la limite d'âge ainsi que le report de la limite d'âge applicable aux agents en fonctions depuis au minimum un an.»

La terme «agents» que nous avons souligné ci-dessus, n'est pas suivi d'une formule comme «de la Communauté» ou «des institutions». Dans les avis de concours, la Commission ajoute toutefois toujours «des Communautés européennes».

La requérante est d'avis qu'en sa qualité d'agent du Centre, elle fait partie des «fonctionnaires ou agents des Communautés européennes». A l'appui de son point de vue, elle fait valoir les moyens suivants :

1) Le Centre est un organisme de droit communautaire, car il a été créé par un règlement basé sur l'article 235 du traité et il remplit une tâche communautaire, à savoir une des missions que l'article 118 du traité a confiées à la Commission.

2) D'après le préambule du règlement qui l'a créé (dernier considérant), le Centre a été institué «dans le cadre des Communautés».

3) Le personnel du Centre accomplit une tâche communautaire et il est soumis à des dispositions particulières, qui ont fait l'objet des règlements nos 1859/76 et 1237/80. La première partie de ce troisième moyen est en fait une répétition du premier.

A ces moyens, la requérante en ajoute encore trois, «pour le cas où les autres ne seraient pas suffisants»:

4) L'article 16 du règlement portant création du Centre dispose que le protocole sur les privilèges et immunités est applicable au Centre, tandis que l'article 55 du règlement no 1859/76 déclare les articles 12 à 16 de ce protocole applicables au personnel du Centre.

5) L'article 55, alinéa 1 et l'article 56 du règlement no 1859/76 déclarent applicable, à la rémunération du personnel du Centre, le régime fiscal communautaire.

6) D'après l'article 44 du règlement no 1859/76, la Cour de justice est compétente pour statuer sur tout litige entre le Centre et un membre de son personnel.

Enfin, la requérante expose encore deux autres considérations:

1) Le préambule du règlement no 1237/80, modifiant le règlement no 1859/76 (JO 1980, L 127, p. 1), exprime l'idée qu'il est opportun d'aligner certaines dispositions du régime applicable au personnel du Centre sur celles applicables aux fonctionnaires des Communautés. Pourquoi réaliser cet alignement, se demande la requérante, si les membres du personnel du Centre ne font pas partie du personnel des Communautés?

2) Dans une résolution du 19 septembre 1980, le Parlement européen (JO 1980, C 265, p. 93) a insisté pour que soit améliorée la mobilité d'emploi entre le Centre et les institutions des Communautés.

La Commission estime que la qualification «fonctionnaire ou agent des Communautés» ne se rapporte pas au personnel du Centre. Elle tire cette conclusion des considérations suivantes:

1) Le Centre n'est pas une «institution» de la Communauté, mais un organisme distinct, créé sur la base de l'article 235 du traité.

2) Le Centre a une personnalité juridique propre (règlement no 337/75, article 1).

3) Le recrutement du personnel du Centre ne comporte pas les mêmes garanties que le recrutement du personnel des «institutions».

4) Dans le mémoire en duplique, la Commission a renvoyé à l'article 29, alinéa 1 c), du statut. Pour ce qui a de l'importance ici, cette disposition est libellée comme suit:

«1. En vue de pourvoir aux vacances d'emploi dans une institution, l'autorité investie du pouvoir de nomination [examine]:

a) ...

b) ...

c) les demandes de transfert de fonctionnaires d'autres institutions des trois Communautés européennes.»

D'une manière plus générale, il peut être déduit des mémoires de la Commission que celle-ci est d'avis que le personnel des organismes créés en vertu de l'article 235 du traité se trouve dans une situation tout à fait distincte de celle du personnel régulier des Communautés.

3. Les questions juridiques

3.1. Le présent litige soulève deux questions juridiques connexes. Premièrement, il y a lieu de déterminer ce qu'il faut entendre, à l'article 1, alinéa 1 g), de l'annexe III au statut par «agents», c'est-à-dire quel est le champ d'application personnel du statut. Deuxièmement, il y a lieu de déterminer comment il faut entendre l'expression «des Communautés européennes», que la Commission utilise dans les avis de concours. Les six moyens invoqués par la requérante entreront en ligne de compte lors
de l'examen de ces deux questions.

3.2. D'après l'article 1 du statut, les règles de ce dernier s'appliquent aux «institutions des Communautés» et aux organismes qui sont assimilés à celles-ci en vertu de la disposition expresse contenue dans la dernière phrase de cet article, comme le Comité économique et social et la Cour des comptes. Les autres dispositions du statut contiennent également chaque fois, comme point de référence, le mot «institutions». Ce terme est précisé, pour ce qui a de l'importance ici, à l'article 4 du traité
CEE, dans la convention relative à certaines institutions communes aux Communautés européennes et dans le traité instituant un Conseil unique et une Commission unique aux Communautés européennes.

L'article 1 du statut comporte une disposition expresse d'assimilation en ce qui concerne le Comité économique et social et la Cour des comptes. Il peut en être déduit que pour d'autres organismes, qui ne sont pas des institutions de la Communauté, une telle disposition d'assimilation est également nécessaire. Ainsi, l'article 1 du statut ne cite pas la Banque européenne d'investissement, laquelle a son propre règlement du personnel. Parmi ces autres organismes, il faut spécialement penser en
outre aux organismes créés sur la base de l'article 235 du traité, parmi lesquels figure notamment le Centre. Compte tenu de ce système du statut en ce qui concerne son champ d'application personnel, il est manifeste que le mot «agents» utilisé à l'article 1, alinéa 1 g), de l'annexe III au statut doit également être interprété en ce sens.

A propos des trois premiers moyens de la requérante, il est dès lors possible de dire ceci. Le premier argument de la requérante, c'est-à-dire celui qui consiste à dire que le Centre est un organisme de droit communautaire et qu'il remplit une tâche communautaire, ne dit rien en soi sur le champ d'application personnel du statut. Ce critère s'applique tout autant à la Banque européenne d'investissement, à laquelle le statut ne s'applique manifestement pas, comme nous l'avons indiqué.

Le même raisonnement peut être suivi pour le deuxième moyen de la requérante, celui selon lequel le Centre a été institué «dans le cadre des Communautés». Le troisième moyen, à savoir le régime particulier établi par les règlements nos 1839/76 et 1237/80, peut même être utilisé comme argument à l'applui du fait que l'article 1 du statut et l'article 1, alinéa 1 g), de l'annexe III concernent uniquement les institutions et les organismes explicitement assimilés.

3.3. Ces considérations permettent déjà de dire, selon nous, que l'article 1, alinéa 1 g), de l'annexe III au statut se rapporte uniquement aux organismes cités à l'article 1 du statut, et non pas, par conséquent, au Centre.

Une complication résulte toutefois du fait que la Commission a parlé, dans l'avis de concours en question, «... des Communautés européennes». Il est vrai qu'il apparaît de son mémoire que par cette formule elle a voulu dire la même chose que l'article 1 du statut, mais il existe de bons motifs pour penser que cette expression peut, ou doit même, être interprétée dans un sens plus large.

En premier lieu, l'article 16 du règlement no 337/75, portant création du Centre, déclare applicable à celui-ci le protocole sur les privilèges et immunités. Comme le titre complet est «Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes», il y a là un argument pour compter le Centre parmi ces dernières. Cet argument est renforcé par la considération suivante. Le préambule du protocole ainsi que son article 22 déclarent que ses règles s'appliquent également à la Banque
européenne d'investissement. Il peut en être déduit que, comme l'article 4 du traité CEE de même que la Convention et le traité concernant la fusion des institutions ne citent pas cet organisme, il doit également exister une disposition distincte d'assimilation pour déclarer le protocole applicable au Centre. Bien que le protocole ne prévoie pas une pareille possibilité d'extension, le Conseil a inscrit une disposition en ce sens audit article 16 du règlement portant création du Centre, arrêté
sur la base de l'article 235 du traité, en partant à l'évidence de l'idée, ce faisant, que le Centre relève lui aussi des «Communautés européennes». Encore un appui supplémentaire à cet argument peut être trouvé dans votre arrêt dans l'affaire 110/75 (Mills/Banque d'investissement, Recueil 1976, p. 955). D'après le 13e attendu de cet arrêt («de ce fait»), l'applicabilité du protocole à la Banque d'investissement a été utilisée par votre Cour comme argument principal pour faire entrer cet
organisme sous la notion de «Communauté» au sens de l'article 179 du traité. En outre, le règlement no 1859/76 déclare explicitement applicable au Centre le chapitre V du protocole (articles 12 à 16), qui s'intitule «Fonctionnaires et agents des Communautés européennes».

En deuxième lieu, le règlement no 260/68 du Conseil du 29 février 1968, portant fixation des conditions et de la procédure d'application de l'impôt établi au profit des Communautés européennes, a été déclaré applicable au Centre. L'article 12 de ce règlement cite lui aussi la Banque européenne d'investissement séparément et il ne prévoit pas de possibilité explicite d'extension. Néanmoins, en se prévalant de l'article 235 du traité, le Conseil a également placé le Centre dans le champ
d'application de ce règlement.

En troisième lieu, l'article 44 du règlement no 1859/76 déclare la Cour de justice compétente pour statuer sur les litiges entre le Centre et son personnel. En vertu de l'article 179 du traité, la Cour «est compétente pour statuer sur tout litige entre la Communauté et ses agents dans les limites et conditions déterminées au statut ou résultant du régime applicable à ces derniers». Les parties de cette disposition que nous avons soulignées indiquent de nouveau que le Centre est censé entrer
dans la notion de «Communauté» au sens de cet article.

4. Conclusion

En résumé, nous pensons par conséquent que le Centre entre dans la notion de «Communauté» ou de «Communautés européennes», telle qu'elle est utilisée à l'article 179 du traité, dans le protocole et dans les règlements cités. L'utilisation de ces termes dans l'avis de concours pouvait donc susciter chez la requérante le sentiment qu'elle aussi était susceptible de relever de l'article 1, alinéa 1 g), de l'annexe III au statut.

Ce comportement de la Commission ou tout autre moyen ou argument invoqué par la requérante ne constitue toutefois pas un motif de reconnaître à la disposition statutaire en cause un champ d'application personnel différent de celui qui dérive de l'article 1 du statut. En conséquence, l'article 1, alinéa 1 g), de l'annexe III au statut ne peut pas être considéré comme se rapportant aux agents du Centre. En raison des espérances suscitées chez la requérante par son avis trompeur, la Commission devrait
toutefois, à notre avis, être condamnée à l'ensemble des dépens, en application de la première phrase de l'article 69, paragraphe 3, du règlement de procédure. Les arguments de poids qui plaident en faveur d'une interprétation des termes que la Commission a utilisés dans son avis, considérés en soi, dans le sens que leur a donné la requérante, constituent une raison de plus d'analyser ces espérances suscitées comme un motif exceptionnel au sens de la disposition précitée. Le fait qu'une analyse
complète de l'affaire montre qu'une modification du statut serait toutefois nécessaire, malheureusement, pour pouvoir faire droit aux arguments invoqués par la requérante, et qui sont partiellement très solides, ne change rien à cette conclusion sur la répartition des dépens. A notre avis, seule une modification du statut permettrait en effet, entre autres, d'établir clairement jusqu'à quel point on veut étendre le régime préférentiel, que l'article 1, paragraphe 1, sous g), de l'annexe III au
statut accorde aux «agents», aux «institutions paracommunautaires» de natures très différentes qui ont été créées, depuis l'établissement du statut dans sa version actuelle, sur le fondement juridique de dispositions diverses.

C'est pourquoi nous concluons:

1) au rejet du recours;

2) à la condamnation de la Commission aux dépens, y compris à ceux de la requérante.

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( 1 ) Traduit du néerlandais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 16/81
Date de la décision : 18/02/1982
Type de recours : Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Fonctionnaires: qualité d'agent des Communautés.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Agata Alaimo
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : VerLoren van Themaat
Rapporteur ?: Bosco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1982:66

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