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17/12/1981 | CJUE | N°278/80

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Rozès présentées le 17 décembre 1981., Chem-Tec B.H. Naujoks contre Hauptzollamt Koblenz., 17/12/1981, 278/80


CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL SIMONE ROZÈS

PRÉSENTÉES LE 17 DÉCCMBRE 1981

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Vous êtes saisis d'une demande de décision à titre préjudiciel émanant du Bundesfinanzhof. Ce renvoi se situe dans le cadre de la dernière étape d'un litige qui oppose depuis plusieurs années l'entreprise Chem-Tec B. H. Naujoks de Coblence au Hauptzollamt (bureau principal des douanes) de la même ville.

I —

Les faits sont les suivants:

1) La firme Chem-Tec importe habituellement des É

tats-Unis des bandes adhésives de différents modèles à des fins diverses, dont des bandes dites «bandes de t...

CONCLUSIONS DE MME L'AVOCAT GÉNÉRAL SIMONE ROZÈS

PRÉSENTÉES LE 17 DÉCCMBRE 1981

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Vous êtes saisis d'une demande de décision à titre préjudiciel émanant du Bundesfinanzhof. Ce renvoi se situe dans le cadre de la dernière étape d'un litige qui oppose depuis plusieurs années l'entreprise Chem-Tec B. H. Naujoks de Coblence au Hauptzollamt (bureau principal des douanes) de la même ville.

I —

Les faits sont les suivants:

1) La firme Chem-Tec importe habituellement des États-Unis des bandes adhésives de différents modèles à des fins diverses, dont des bandes dites «bandes de transfert à usage d'adhésifs» de la marque Scotch, qui portent le numéro d'article 465.

D'octobre 1973 à juillet 1974, elle a fait dédouaner et mettre en libre pratique en république fédérale d'Allemagne des bandes adhésives de ce type, d'abord présentées comme «bandes de papier à usage d'adhésifs d'une largeur inférieure à 10 cm, enduites (recouvertes) d'une colle de caoutchouc synthétique non vulcanisé», puis comme «bandes de caoutchouc synthétique non vulcanisé, autres».

Enfin, ce produit a connu, selon le terme utilisé par un des plaideurs, une véritable «odyssée» à travers différentes positions du tarif douanier commun. En résumant notablement le récit de cette «odyssée», nous nous contenterons de vous indiquer que ces bandes ont été successivement rangées par l'administration fédérale des douanes dans les sous-positions tarifaires 48.15 A (droits de douane conventionnels à l'époque: 6,5 %), 40.05 C (droits: 4%), 39.02 C XII (droits: 16,8%) et, finalement,
35.06 B (droits: 15,2 %).

Les deux premières de ces décisions de classement correspondaient aux déclarations de la société Chem-Tec au moment de l'importation des lots successifs des bandes litigieuses. Les deux dernières ont été prises par l'administration des douanes après qu'elle a fait procéder à plusieurs expertises auprès de différents organismes. La décision définitive de classement, qui est à l'origine de la procédure au principal, a été arrêtée le 14 juin 1976 par le Hauptzollamt de Coblence sur réclamation de la
société Chem-Tec à la suite de l'avis de redressement consécutif au classement dans la sous-position 39.02 C XII.

Cette décision lui paraissant erronée, l'importateur a porté le litige devant le Finanzgericht de Rhénanie-Palatinat. Celui-ci confirma la décision administrative de classement des bandes 465 sous la sous-position 35.06 B et la société Chem-Tec introduisit un recours en «Revision» auprès du Bundesfinanzhof.

2) Pour une meilleure compréhension du litige, il est important de décrire la marchandise litigieuse et son utilisation: le produit est composé d'une bande adhesive de transfert biface constituée essentiellement de polybutadiène. Il a une épaisseur de 0,05 mm et une largeur de 5 cm. Chaque couche de cette bande est isolée par une bande de papier traitée au silicone sur les deux faces, que l'on appelle «papier liner». Le tout est enroulé sur un noyau de carton.

D'après les indications fournies par la société Chem-Tec, la bande 465 est qualifiée de bande de transfert parce qu'elle ne comporte pas de «subjectile». La substance adhésive est en effet apposée directement sur le «liner». L'absence de «subjectile» permet d'obtenir une bande adhésive biface très mince que l'on utilise par exemple en papeterie pour le collage sans fin de deux feuilles de papier continu.

Ainsi que cela ressort de l'ordonnance de renvoi et des explications non contraires données par l'entreprise Chem-Tec, la bande adhesive 465 est utilisée de la manière suivante:

File est enlevée du rouleau et collée conjointement avec la bande de «liner» sur le papier à coller. Le «liner» est retiré juste avant l'application par pressage du deuxième papier à encoller.

Par ce pressage, les deux feuilles de papier, dans l'exemple que nous avons choisi, sont ainsi collées solidement ensemble.

C'est en raison de ces particularités techniques que le Bundesfinanzhof incline à penser que la marchandise doit être placée, comme l'a estimé le Hauptzollamt et l'a confirmé le Finanzgericht, dans la position tarifaire 35.06. Si, néanmoins, il vous demande de vous prononcer à titre préjudiciel, c'est, d'une part, en raison des difficultés de classement rencontrées par l'administration douanière allemande et, d'autre part, parce que, selon l'exposé de la société Chem-Tec, les bandes litigieuses
ne font pas l'objet d'un classement uniforme dans tous les États membres: il en serait ainsi notamment en France et aux Pays-Bas.

Remarquons toutefois que, postérieurement à l'ordonnance de renvoi, un fait nouveau est apparu. En réponse à une question que vous lui avez posée, la Commission a indiqué que, lors de la 267e session du Comité de la nomenclature du tarif douanier commun, convoqué aux fins de la classification tarifaire des bandes adhésives du type litigieux, tous les États membres se sont mis d'accord en faveur de leur classement dans la sous-position 35.06 B.

On ne saurait cependant tirer de cet élément des conclusions définitives. Comme vous l'avez dit dans votre arrêt du 15 février 1977, dans les affaires jointes 67 et 70/76 (Dittmeyer/Ham-bourg-Waltershof, attendu 4, Recueil p. 238) et comme la première chambre l'a répété dans son arrêt du 11 juillet 1980 dans l'affaire 798/79 (Hauptzollamt Köln-Rheinau/Chem-Tec, motif 11, Recueil p. 2646), «si les avis du Comité de nomenclature constituent des moyens importants pour assurer une application
uniforme du tarif douanier commun par les autorités douanières des États membres et en tant que tels peuvent être considérés comme des moyens valables pour l'interprétation du tarif, ces avis n'ont pas de force obligatoire en droit, de sorte que, le cas échéant, il y a lieu d'examiner si leur teneur est conforme aux dispositions mêmes du tarif douanier commun et n'en modifie pas la portée».

II —

La première question du Bundesfinanzhof porte sur le contenu possible de la position tarifaire 35.06. Plus précisément, elle vise à savoir si cette position peut s'appliquer à une marchandise qualifiée de «bande de papier à usage d'adhésifs» ou de «bande de caoutchouc synthétique non vulcanisé», enroulée sur une bobine comportant une bande adhesive sur ses deux faces et une bande de papier isolante (traitée au silicone) destinée à être retirée lors de l'opération de collage.

1) La position 35.06 du tarif douanier commun est ainsi libellée:

A. Colles préparées non dénommées ni comprises ailleurs:

I. Colles végétales:

...

II. autres colles.

B. Produits de toute espèce à usage de colles, conditionnés pour la vente au détail comme colles en emballages d'un poids net inférieur ou égal à 1 kg.

Cette position est la dernière des positions du chapitre 35 du tarif (Matières albuminoïdes et colles); elle a donc un caractère résiduel. L'élément commun aux marchandises visées par les deux sous-positions A et B de la position 35.06 est manifestement leur caractère adhésif, leur fonction de colle.

Étant donné la nature du produit en cause, il est tout d'abord clair que ne peuvent entrer en ligne de compte que les sous-positions 35.06 A II et 35.06 B. C'est donc par rapport à ces seules sous-positions que doit être appréciée la marchandise décrite par le juge de renvoi.

2) Pour l'entreprise Chem-Tec, il doit être répondu négativement à la question posée. Elle soutient que l'élément déterminant de la bande adhesive 465 réside non dans son caractère adhésif, mais dans sa présentation sous forme de bande. Sa thèse est que la bande adhesive ne sert pas comme colle («das Klebeband dient nicht als Klebstoff»), mais comme auxiliaire technique («sondern als technisches Hilfsmittel») à usage industriel, spécialement, comme on l'a dit, dans l'industrie de la papeterie.
Certes, elle ne conteste pas par là que la bande 465 ait la fonction d'un adhésif, ce qui reviendrait à nier l'évidence. Mais, si nous avons bien compris le fond de sa position, elle rejette l'assimilation du produit très élaboré qu'est le Scotch 465, se présentant de surcroît sous forme de bandes, à des colles au sens strict de ce mot, qu'elles soient liquides ou solides («Klebstoffe, Kleber oder Leime»).

Au contraire, pour l'administration douanière, c'est la qualité adhesive de la bande 465 qui justifie le classement dans la sous-position tarifaire 35.06 B et qui a motivé la décision litigieuse rendue par le Hauptzollamt de Coblence le 14 juin 1976. Le dossier révèle que ce dernier a pris sa décision en se référant notamment aux résultats des expertises de janvier 1975 et d'avril 1976 pratiquées par l'Institut technique d'examen et d'études des douanes (ZPLA) de Hambourg-Altona. Après examen,
cet Institut avait conclu que «l'ensemble de la bande adhesive» ... était «composé d'un polymère acrylique renforcé par des fibres de verre», si bien qu'il ne pouvait être considéré comme du caoutchouc synthétique au sens de la sous-position 40.05 C. Ainsi, c'est sur la base de la qualité adhésive de la bande 465 que l'administration douanière a opéré finalement son classement.

La solution du problème posé consiste donc à déterminer si la bande adhésive 465 doit être considérée d'abord comme une bande ou d'abord comme un adhésif. Si, adoptant le point de vue de la société Chem-Tec, on voit en elle essentiellement une bande, il faut répondre par la négative à la question du Bundesfinanzhof. Si, avec l'administration des douanes — dont le point de vue est également celui de la Commission — on privilégie sa qualité d'adhésif, une réponse positive s'impose.

3) Un premier élément de réponse vient de ce que, ainsi que la Commission l'a révélé à juste titre, le tarif douanier commun ne contient pas de position visant spécifiquement les bandes adhésives. Celles-ci figurent, au contraire, sous plusieurs rubriques:

— sous-position 39.01 B:

Produits de condensation, de poly-condensation et de polyaddition,...

— sous-position 39.02 B:

Produits de polymérisation et copolymérisation.

— sous-position 39.03 A:

Cellulose régénérée;...

— sous-position 48.15 A:

Autres papiers et cartons ...

— sous-position 59.11 A I:

Tissus caoutchoutés, autres que la bonneterie.

Il résulte de cette énumeration que c'est la qualité matérielle («die stoffliche Beschaffenheit»), en d'autres termes la composition de la bande adhésive, que le tarif douanier commun prend en considération pour sa classification.

En l'espèce, comme le Bundesfinanzhof le rappelle opportunément, on est en présence d'une marchandise composée qui comporte, d'une part, une bande adhesive biface et, d'autre part, une bande de papier traitée au silicone séparant les bandes adhésives. Mais, comme l'entreprise Chem-Tec l'admet elle-même, «le papier liner ne doit pas intervenir ... aux fins de la tarification». C'est donc en considération de la seule bande adhesive («Klebestreifen») proprement dite qu'il faut examiner les termes de
la position 35.06.

4) Disons dès maintenant qu'une réponse affirmative nous semble s'imposer à cette question.

La thèse opposée s'appuie sur l'emploi du terme «Leim» utilisé dans la traduction allemande des notes explicatives de la nomenclature du Conseil de coopération douanière (NCCD) sur la sous-position 35.06 B, qui effectivement ne semble pas pouvoir couvrir un produit du type de la bande 465.

Ce seul argument nous paraît inopérant face à tous ceux que l'on peut lui opposer. Le premier d'entre eux, tiré des termes de la position étudiée, suffirait déjà à l'écarter. En choisissant des formulations à portée très générale pour la position 35.06 (A. Colles préparées non dénommées ni comprises ailleurs, B. Produits de toute espèce à usage de colles,...), dans la version allemande desquelles figure au surplus le mot «Klebstoff» — qui est plus large que le terme «Leim» — il est clair en effet
que les auteurs du tarif ont eu l'intention d'inclure dans cette position toutes les substances adhésives qui n'étaient pas visées dans une autre position du chapitre 35.

Cette constatation est renforcée par le fait qu'aucune note du tarif douanier ou de la nomenclature du Conseil de coopération douanière ne précise ce qu'il faut entendre par «colles» ou «produits de toute espèce à usage de colles». Au contraire, les notes explicatives du tarif douanier et celles de la NCCD comprennent des colles très diverses, comme celles préparées à partir de lichens, de gluten (colle de Vienne) (note du tarif douanier commun sur la sous-position A. I. b) ou les «préparations
spécialement élaborées pour être utilisées comme colles, consistant», par exemple, «en un mélange de plusieurs matières plastiques artificielles relevant de positions différentes du chapitre 39» (notes NCCD sur la sous-position A, point 4).

Quant à la signification des termes «produits de toute espèce à usage de colles», elle n'est explicitée ni dans les notes explicatives du tarif, ni dans celles de la NCCD, auxquelles les premières renvoient seulement «pour ce qui concerne la présentation de ces produits». Si les auteurs de ces notes n'ont pas estimé utile de préciser davantage ce qu'il faut entendre par là, c'est probablement parce que l'on peut difficilement concevoir expression plus large que «produits de toute espèce ...». A
vrai dire, il ne fait aucun doute, selon nous, que ces termes comprennent non seulement les colles traditionnelles, mais aussi un produit adhésif à usage spécifique comme celui en cause dans la présente procédure.

La première question du Bundesfinanzhof appelle donc sans conteste une réponse affirmative.

III —

La seconde question tend à déterminer si la marchandise litigieuse satisfait ou non aux termes «conditionnés pour la vente au détail (...) en emballages d'un poids net inférieur ou égal à 1 kg», caractéristiques que doit remplir un produit à usage de colle pour pouvoir être classé dans la sous-position 35.06 B. Le Bundesfinanzhof désire en particulier que vous jugiez si la marchandise litigieuse remplit ces conditions par le seul fait que la substance adhesive («Klebstoff») est appliquée, sur toute
la longueur de la bande à usage d'adhésif, sur une bande de papier qui constituerait alors son emballage ou si ces bandes doivent être placées dans des emballages spécifiques répondant à la limite de poids fixée et comporter en outre des mentions écrites indiquant qu'il s'agit de substance adhesive.

1) Dans les motifs de son ordonnance de renvoi, la haute juridiction allemande explicite cette question en se demandant, en premier lieu, «si la bande de papier, qui est enlevée lors du collage proprement dit, doit être considérée comme un emballage au sens de cette position tarifaire».

Au cours de la longue procédure concernant le classement du produit litigieux, la première réponse affirmative à cette question a été donnée, semble-t-il, par l'Institut technique d'examen et d'études des douanes de Hambourg-Altona, dans ses avis, déjà cités, de janvier 1975 et du 2 avril 1976, demandés par le bureau des douanes («Zollamt»). Selon ces avis, tels qu'ils sont rapportés dans le jugement du Finanzgericht, «la bande adhésive enroulée sur un rouleau, d'un poids inférieur à 1 kg,
devrait être considérée comme conditionnée pour la vente au détail». Étant donné les termes de la sous-position 35.06 B, cette prise de position semble impliquer que le fait pour la marchandise d'être enroulée sur un rouleau constitue à la fois l'emballage de cette marchandise et son conditionnement pour la vente au détail.

Dans son jugement du 11 novembre 1976, le Finanzgericht de Rhénanie-Palatinat répond dans le même sens, mais d'une manière plus précise, lorsqu'il indique que l'emballage de la substance adhesive consiste en ce que celle-ci «est étalée sur une bande de papier et enroulée sur un rouleau».

Au cours de la présente procédure préjudicielle, la Commission a également présenté un point de vue voisin. Elle a, certes, admis que, dans le cas présent, ce serait un artifice de considérer la bande de papier sur laquelle la substance adhesive est placée comme un emballage. Mais, pour elle, il serait tout aussi exagéré d'exiger que les bandes soient placées dans des emballages spéciaux, par exemple des cartons. Il suffirait, pour que les exigences de la sous-position tarifaire 35.06 B soient
satisfaites à cet égard, que les bandes soient «identifiables en tant que destinées à la vente directe et sans autre conditionnement aux utilisateurs».

A notre sens, cette conception est incompatible avec les termes clairs de la position analysée, qui comprennent le mot «emballage ...» et, dès lors, avec la règle générale no 1 pour l'interprétation de la nomenclature du tarif douanier commun, suivant laquelle la classification est «déterminée légalement d'après les termes des positions». Certes, ces termes sont susceptibles d'interprétation, en particulier à l'aide des notes explicatives du tarif et, subsidiairement, des notes explicatives de la
nomenclature du Conseil de coopération douanière. Toutefois, on ne saurait en donner une interprétation si large qu'elle aboutirait à vider de leur sens certains d'entre eux.

C'est précisément ce à quoi conduit l'interprétation avancée par la Commission. Pour la motiver, celle-ci s'appuie principalement sur les notes explicatives de la nomenclature du Conseil de coopération douanière relative à la sous-position 35.06 B. Mais, on ne saurait mettre sur le même plan «la simple bande de papier enroulée autour d'une plaquette de colle d'os», mentionnée dans ces notes, qui est un véritable emballage, même s'il est sommaire, et le papier interstitiel en cause ici, qui
remplit une tout autre fonction, comme la société Chem-Tec l'a exposé sans être contredite.

Ces bandes de papier traitées au silicone, ces «liners», constituent en effet des éléments indispensables à la fabrication et à l'utilisation des bandes litigieuses. Comme on l'a dit, celles-ci, comme d'ailleurs toutes les bandes adhésives bifaces, sont appliquées par enroulement sur un noyau de carton. Pour éviter que les différentes couches adhésives ne collent ensemble — ce qui les rendrait inutilisables —, il est nécessaire de les séparer par ces bandes en papier. Celles-ci permettent ainsi
tant le déroulement de la bande adhésive du rouleau que son application sur la marchandise à coller.

La constatation que le «liner» constitue le support nécessaire de la bande proprement adhesive ne peut pas être écartée par le fait qu'il est enlevé lors du collage. Ceci prouve seulement que le papier ne fait pas partie intégrante du produit litigieux, qui est la seule substance adhesive, mais est insuffisant pour conclure qu'il s'agit d'un emballage. Ce n'est pas parce qu'un élément, indispensable à l'utilisation d'un produit, est retiré lors de cette utilisation qu'il constitue pour autant
l'emballage de ce produit.

Nous sommes donc incliné à répondre à la première partie de la deuxième question posée par la haute juridiction financière allemande que les bandes à usage d'adhésifs en cause doivent être placées dans des emballages spécifiques répondant à la limite de poids fixée par les termes de la sous-position 35.06 B.

2) A titre subsidiaire, le Bundesfinanzhof demande «si ces emballages doivent comporter, pour pouvoir être considérés comme des conditionnements pour la vente au détail, des mentions quelconques indiquant qu'il s'agit de colle».

Les notes explicatives de la nomenclature du Conseil de coopération douanière sur la sous-position 35.06 B prévoient:

«Lorsqu'il s'agit de produits pouvant servir à d'autres fins que celles de colles (la dextrine ou la méthylcellulose en granules, par exemple), leur classement dans la présente rubrique ne peut être envisagé que si leur emballage de vente au détail comporte des mentions impliquant que ces produits sont destinés à être vendus comme colles.»

Il en résulte — et cette conclusion paraît conforme au bon sens — qu'a contrario, si un produit ne peut servir qu'en tant que substance adhésive, il n'est pas nécessaire de mentionner son usage.

En l'espèce, dans l'hypothèse où le produit litigieux peut servir à d'autres usages que celui de substance adhésive et s'il n'est pas mentionné sur son emballage qu'il s'agit d'une substance adhesive, la deuxième condition nécessaire pour qu'il puisse être classé dans la sous-position 35.06 B, celle du «conditionnement pour la vente au détail», n'est à coup sûr pas remplie. En revanche, dans les autres hypothèses (le produit peut servir à d'autres usages que celui de substance adhésive et porte
sur son emballage qu'il est destiné à cet usage, ou bien le produit ne peut servir qu'en tant que substance adhesive et il porte ou non la mention qu'il en constitue une), il nous semble nécessaire d'envisager à d'autres égards encore s'il est bien conditionné pour la vente au détail.

Pour l'entreprise Chem-Tec, le produit litigieux ne répond pas à cette condition pour la simple raison qu'il est seulement destiné à un usage industriel. Ses principaux acheteurs sont, nous a-t-elle expliqué, des entreprises de papeterie et peuvent être aussi des firmes des secteurs de l'industrie électrique et de la machine-outil. Peut-on toutefois conclure ipso facto que la bande 465, dans son conditionnement présent, ne saurait être vendue au détail? Nous sommes pleinement d'accord sur ce
point avec le Finanzgericht de Rhénanie-Palatinat, pour lequel, ce qui est déterminant, c'est «de savoir si la marchandise est importée dans un conditionnement dans lequel elle se prête à la vente au détail — indépendamment du but effectif pour lequel elle est importée».

Un autre argument en ce sens qui mérite d'être retenu a été avancé par la Commission. Si nous ne pouvons marquer notre accord sur l'interprétation du terme «emballage» qu'elle tire des notes explicatives de la nomenclature du Conseil de coopération douanière, nous estimons avec elle, en revanche, qu'il découle de ces notes que les termes «conditionnées pour la vente au détail» doivent être interprétés de manière large. Ceci ressort, d'une part, du caractère hétérogène des emballages énumérés dans
cette note et considérés comme emballages de vente au détail (flacons ou pots de verre, boîtes ou tubes métalliques, boîtes de carton, sacs de papier) et, d'autre part, du caractère indicatif de cette liste, que prouve l'emploi des termes «généralement» et «etc ...». Comme l'indique la Commission, il en résulte que sont à considérer comme «conditionnées pour la vente au détail» les marchandises qui sont identifiables comme destinées à la vente directe et sans autre conditionnement aux
utilisateurs.

Quant au point de savoir si les bandes 465 importées par la société Chem-Tec d'octobre 1973 à juillet 1974 répondent à ces critères, c'est là, suivant votre jurisprudence constante, une question de fait que le Bundesfinanzhof, en tant que juridiction nationale, a seul compétence pour trancher (par exemple, 28. 3. 1979, Biegi/Hauptzollamt Bochum, affaire 158/78, attendu 17, Recueil p. 1121; 31. 3. 1979, Galster/Hauptzollamt Ham-bourg-Jonas, affaire 183/78, motif 15, Recueil p. 2011).

En conclusion, nous vous proposons de dire pour droit:

1) La position tarifaire 35.06 du tarif douanier commun doit être interprétée en ce sens qu'elle vise également une marchandise qualifiée de «bande de papier à usage d'adhésifs» ou de «bande de caoutchouc synthétique non vulcanisé» enroulée sur une bobine, qui se compose d'une bande adhésive sur ses deux faces et d'une bande de papier (traitée au silicone) séparant les bandes adhésives embobinées et qui est utilisée de manière telle que la bande de papier doit être enlevée de la bande adhésive
biface au moment du collage.

2) Pareille marchandise ne satisfait pas aux exigences formulées par les termes «conditionnées pour la vente au détail (...) en emballages d'un poids net inférieur ou égal à 1 kg» de la sous-position 35.06 B par le seul fait que la substance adhésive est appliquée, sur toute la longueur de la bande à usage d'adhésifs, sur une bande de papier, celle-ci ne pouvant être considérée comme un emballage. A la condition qu'elle soit placée dans un emballage spécifique répondant à la limite de poids fixée,
elle doit en outre être identifiable comme destinée à la vente directe et sans autre conditionnement aux utilisateurs.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 278/80
Date de la décision : 17/12/1981
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Bundesfinanzhof - Allemagne.

Tarif douanier commun - Bande adhésive ou colle.

Union douanière

Libre circulation des marchandises

Tarif douanier commun


Parties
Demandeurs : Chem-Tec B.H. Naujoks
Défendeurs : Hauptzollamt Koblenz.

Composition du Tribunal
Avocat général : Rozès
Rapporteur ?: Due

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1981:313

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