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12/11/1981 | CJUE | N°151/80

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 12 novembre 1981., Jacques de Hoe contre Commission des Communautés européennes., 12/11/1981, 151/80


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERHARD REISCHL

PRÉSENTÉES LE12 NOVEMBRE 1981 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le requérant dans la procédure que nous devons examiner aujoud'hui est entré au service de la Commission Euratom en août 1960 — après avoir exercé la profession d'architecte indépendant de 1957 à 1960 — avec un traitement correspondant au grade A 7/2. Il a d'abord été affecté au Centre de recherche nucléaire Ispra où il a dirigé, jusqu'en 1970, une unité administrative. En 1963, il a été n

ommé fonctionnaire au grade A 6/1 et, avec effet au 1o octobre 1970, il a été muté à la direction généra...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERHARD REISCHL

PRÉSENTÉES LE12 NOVEMBRE 1981 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le requérant dans la procédure que nous devons examiner aujoud'hui est entré au service de la Commission Euratom en août 1960 — après avoir exercé la profession d'architecte indépendant de 1957 à 1960 — avec un traitement correspondant au grade A 7/2. Il a d'abord été affecté au Centre de recherche nucléaire Ispra où il a dirigé, jusqu'en 1970, une unité administrative. En 1963, il a été nommé fonctionnaire au grade A 6/1 et, avec effet au 1o octobre 1970, il a été muté à la direction générale
«Développement» de la Commission unique des trois Communautés 3ui avait été instituée entre-temps. Il y a l'abord exercé ses fonctions à la division «Opérations techniques» de la direction «Fonds européen pour le développement». Avec effet au 9 mars 1971, il a été affecté, au sein de la même direction, à la division III («Construction, industrie, agriculture, infrastructure générale») et — après une promotion au grade A 4/3 en 1974 — il a été muté en juin 1975 à la division V («Urbanisme et
équipements sociaux») de la direction C où il dirige le secteur Afrique occidentale, Afrique centrale, Pacifique et Maghreb et où il a remplacé le chef de division en cas d'absence de ce dernier.

Dès 1975, il a participé au concours interne COM/716/75 qui visait à pourvoir au poste de chef de la division C 5. Sa candidature n'a pas été retenue mais il a été inscrit sur la liste d'aptitude.

En mai 1979, ce poste A 3 à la direction «Projets» a fait l'objet d'un nouveau concours (COM/161/79). En ce qui concerne la description des attributions afférentes à ce poste et les qualifications requises à cet égard, nous renvoyons d'abord à l'annexe I au mémoire en défense; il conviendra d'y revenir par la suite dans un autre contexte. Outre le requérant, quelques autres candidats introduisirent leur candidature au poste faisant l'objet de l'avis de vacance. Dans une note du directeur général de
la direction générale «Développement» du 1o juin 1979, il fut constaté que seul le requérant et le candidat L. remplissaient les conditions requises mais qu'en raison de son expérience, il convenait de donner la préférence au candidat L. pour la nomination.

Cet autre candidat a été au service de l'Association européenne pour la coopération de 1973 à 1976 en qualité de contrôleur du Fonds européen pour le développement en République Centrafricaine. Avec effet au 1o juin 1976, il a été engagé par la Commission, pour une durée de 2 ans, comme agent temporaire au grade A 3/2 et affecté à la direction générale VIII, direction B, comme chef de la division «Afrique occidentale». Après avoir participé à un concours interne, il a été, par décision du 23 janvier
1979, nommé fonctionnaire stagiaire au grade A 3/3 et, avec effet au 1er janvier 1979, son affectation a été maintenue au poste précité.

C'est également ce candidat qui a été effectivement choisi ensuite dans le cadre de l'avis de vacance COM/161/79. A l'issue de la réunion de la Commission du 13 juin 1979, il a été nommé, par décision du président de la Commission du 10 juillet 1979, chef de la division C 5 («Urbanisme et équipements sociaux»), avec effet au 1er juillet 1979. Sa titularisation est intervenue par décision du 11 novembre 1979, avec effet au 1er octobre 1979.

Le requérant a été informé de l'échec de sa candidature le 5 juillet 1979. Il a alors saisi, le 10 septembre 1979, le président de la Commission d'une réclamation tendant à l'annulation de la décision par laquelle M. L. avait été nommé chef de la division C 5. Cette réclamation a été explicitement rejetée par une décision du 27 mars 1980.

En conséquence, la Cour de justice a été saisie d'un recours dont les conclusions visent à l'annulation de la décision du 13 juin 1979 et de la décision de rejet du 27 mars 1980 de la réclamation du requérant.

Ces conclusions appellent, de notre part, les observations suivantes:

1.  A l'appui de ses conclusions, le requérant fait d'abord valoir qu'aux fins de pourvoir à l'emploi faisant l'objet de l'avis de vacance, seuls des éléments résultant de l'avis de vacance et ayant un rapport avec le poste à pourvoir pouvaient être pris en considération. Or, en l'espèce, le motif déterminant de la nomination de M. L. aurait été — à son avis — un élément «extrinsèque», à savoir des exigences résultant de la réorganisation de plusieurs divisions de la direction générale
«Développement». Le requérant se réfère à cet égard surtout à des notes des mois de février et mars 1979 (annexes 6 et 7 à la réplique) qui font clairement apparaître comment l'organigramme de la direction générale «Développement» a été modifié à l'époque. A l'appui de la pertinence de son grief, il produit par ailleurs une lettre qu'un membre de la Commission a adressée en juin 1979 au ministre belge des affaires étrangères — à la suite de son intervention en faveur du requérant — dans laquelle
il est dit que la mutation de M. L. «répondait à des exigences plus larges quant à la réorganisation de plusieurs divisions de cette direction générale». En outre, il a rappelé dans un mémoire complémentaire que la réorganisation de la direction B au sein de la direction générale «Développement» avait été achevée par une décision du 2 juillet 1980 prenant effet le 1er août 1980 et qu'à cet égard, les divisions B 2 et B 3 ainsi que la division B 1, précédemment dirigée par M. L., avaient été
supprimées parce qu'elles «n'ont guère de tâches de gestion et de coordination».

En ce qui concerne cette argumentation, on peut, à notre avis, déjà douter de la pertinence de son point de départ rigoureux selon lequel on ne saurait, aux fins de pourvoir à des emplois vacants, en aucun cas tenir compte d'éléments autres que ceux qui sont indiqués dans l'avis de vacance et qui ont un rapport avec le poste à pourvoir. A notre avis, «l'intérêt du service» que le requérant invoque dans ce contexte, n'exclut pas que des considérations liées à la réorganisation de services entrent
également en ligne de compte lorsqu'il est pourvu un emploi vacant. En tout cas, on peut le supposer lorsque seuls des candidats équivalents restent en présence à l'issue de l'examen des candidatures et que l'autorité investie du pouvoir de nomination — eu égard à l'ensemble des critères de l'avis de vacance — se trouve devant la question de savoir à quel candidat elle doit en définitive donner la préférence. C'est, semble-t-il, effectivement le cas en l'espèce et il apparaît même que le
candidat préféré au requérant possédait la meilleure aptitude, comme on peut le déduire de la note déjà citée du 1o juin 1979 du directeur général de la direction générale «Développement». Dans ces conditions, le fait que des raisons liées à la réorganisation de services aient pu également jouer un rôle dans la nomination de M. L., ne saurait justifier que l'on parle d'une méconnaissance de l'intérêt du service.

En outre, nous rappelons encore — précisément parce que les qualifications de l'autre candidat nommé à l'emploi vacant sont également litigieuses — qu'il n'apparaît pas, en vérité, que sa nomination ait eu pour motif déterminant une modification de l'organisation de la direction générale «Développement». A cet égard, il ne suffit pas, en effet, que le requérant indique que les mesures d'organisation qu'il invoque et l'avis de vacance présentent un certain lien, et qu'il serait intéressant de
noter que M. L. aurait à l'époque déjà — en tout cas pour un certain temps — été chargé de diriger en même temps la division C 5. Il ne saurait être question «d'exigences», c'est-à-dire de contraintes résultant de la réorganisation du service au regard de la personne de M. L. que s'il avait déjà été envisagé à l'époque de supprimer le poste qu'il occupait, ce qui aurait fondé la nécessité de l'affecter ailleurs. Or ce n'était nullement le cas au printemps 1979. Il n'y eut à l'époque — comme le
révèlent les notes précitées — qu'un réaménagement de divers postes A 3, à savoir, entre autres, le transfert d'un poste A3 vacant de la division B 2 à la division C 5, qui a permis de publier l'avis de vacance qui nous intéresse en l'espèce. La suppression de l'emploi occupé par M. L. n'a été, au contraire, nullement envisagée et — comme le montre la note du 1er juin 1979 — un avis de vacance a même été proposé à cet égard.

Cela devrait être déterminant. En revanche, le requérant ne peut certainement pas, à notre avis, invoquer à l'appui de son premier moyen des mesures qui n'ont été arrêtées qu'environ un an plus tard, à savoir au mois de juillet 1980. Effectivement, on ne perçoit nulle part un lien entre ces mesures et la nomination qu'il s'agit d'apprécier en l'espèce; au contraire, il n'a pas pu être démontré d'une manière peremptoire que celle-ci avait fait entrer en ligne de compte des considérations qui
résultaient de la suppression du poste occupé par M. L.

Dans ce contexte, on ne peut pas non plus, à notre avis, considérer la lettre déjà mentionnée d'un commissaire du 25 juin 1979 comme une preuve étayant la thèse du requérant. A cet égard nous voulons supposer, comme le représentant de la Commission, qu'il s'agit seulement du rejet, en termes diplomatiques, d'une intervention inopportune en soi, et non pas de la divulgation du motif déterminant pour la nomination à l'emploi faisant l'objet de l'avis de vacance.

Il n'y a donc pas lieu d'annuler la décision attaquée au motif que des considérations extrinsèques auraient été déterminantes dans la nomination au poste à pourvoir.

2.  Quant au deuxième moyen, le requérant souligne que l'avis de vacance COM/161/79 exigeait comme condition pour la nomination à l'emploi vacant, une «connaissance approfondie et une expérience des problèmes économiques et techniques dans le domaine des équipements sociaux et de l'urbanisme dans les pays en voie de développement». On aurait ainsi subordonné la recevabilité des candidatures à une condition très sévère. Cela résulterait du fait que dans un avis de vacance antérieur relatif au même
poste (COM/716/75), l'adjectif «approfondie» ne figurait pas et ce, manifestement parce que l'étendue et l'importance des fonctions attachées à l'emploi auraient été à l'époque encore plus restreintes. Or, il y aurait lieu de reprocher à la Commission d'avoir supposé à tort, sur la base du dossier personnel de M. L. et de son activité professionnelle antérieure, que ce candidat satisfaisait aux exigences de l'avis de vacance. En tout cas, il conviendrait de lui opposer qu'elle n'a pas expliqué
dans quelle mesure M. L. avait rempli la condition précitée.

a) Si nous examinons, dans le cadre de ce moyen, d'abord l'aspect formel de l'insuffisance des motifs qui est mentionné en second lieu, il faut assurément donner raison à la Commission sur deux points.

Elle affirme, à juste titre — elle peut à cet égard se fonder sur une jurisprudence constante — qu'il n'est nullement nécessaire de. motiver les décisions relatives à des promotions ou à des nominations parce qu'elles ne constituent pas, à l'égard des destinataires directs, des actes faisant grief. Il est également exact au'une motivation ne fait pas défaut à la écision de rejet de la réclamation du requérant en ce sens que, d'après la jurisprudence (arrêt rendu le 30.10.1974 dans l'affaire
188/73 — Daniele Grassi/Conseil des Communautés européennes — Recueil 1974, p. 1099 et suiv.), on exige dans de tels cas une motivation sous forme d'une référence aux conditions légales auxquelles le statut surbordonne la régularité d'un tel acte. A cette fin, il suffit de prendre connaissance de cet acte juridique qui a été produit comme annexe 3 à la requête.

Mais, dans la mesure où le requérant soutient — cette clarification ressort de la réplique — qu'il ne résulte pas des documents produits par la Commission dans quelle mesure elle pouvait supposer que M. L. possédait la qualification requise de la «connaissance approfondie» au sens de l'avis de vacance, c'est-à-dire qu'une motivation interne, qui est indispensable à toute décision administrative, fait défaut, il suffit sans doute de lui opposer qu'il n'a pas clairement établi l'existence d'un
tel principe formel du droit — le point de savoir si les conditions précitées étaient effectivement remplies est une question différente qu'il conviendra d'examiner plus tard. Nous pouvons donc constater, sans autres développements, que l'annulation de la décision attaquée ne saurait certainement pas intervenir en raison d'une quelconque insuffisance de motivation mais qu'elle pourrait tout au plus être envisagée si les conditions objectives permettant de faire figurer le candidat nommé parmi
les candidats admissibles avaient effectivement fait défaut.

b) Avant d'aborder cette question fondamentale du procès, quelques clarifications au regard des arguments avancés par les parties nous paraissent utiles.

aa) La Commission a fondé sa défense principalement sur la jurisprudence en vertu de laquelle l'autorité investie du l'ouvoir de nomination dispose d'un très arge pouvoir d'appréciation pour comparer les mérites dans des procédures de promotion, et d'après laquelle des jugements de valeur, qui peuvent intervenir dans le cadre d'une telle appréciation souveraine, ne peuvent être censurés Slue sur la base du grief de l'erreur manieste. Elle a également critiqué le fait que le requérant ait
isolé un élément de l'avis de vacance et concentré sur celui-ci son argumentation. Or, il y aurait lieu, au contraire, d'observer qu'il était nécessaire de comparer les candidats au regard de toutes les conditions de l'avis de vacance. Puisqu'il y aurait lieu, par ailleurs, de partir de l'idée que l'aptitude à la direction, les qualités de management et l'expérience acquise dans les divers secteurs revêtent une importance particulière pour l'emploi à pourvoir, il serait difficile de
contester que M. L. est plus apte que le requérant à occuper ce poste.

A cet égard, il convient effectivement d'observer — le requérant n'a pas manqué de le relever dans sa réplique — que la Commission a ainsi, en tout cas partiellement, répondu à côté des arguments du requérant. En vérité, le problème ne réside pas dans le fait que lors d'une comparaison des mérites, ceux de M. L. auraient, à tort, bénéficié d'une meilleure appréciation; la question litigieuse est plutôt celle de savoir si M. L. remplissait, somme toute, l'une des conditions de l'avis de
vacance et s'il pouvait donc être admis parmi ceux dont les mérites devaient être comparés.

Sous un certain angle, toutefois, l'argumentation de la Commission mérite néanmoins d'être prise en considération. Même s'il est certain que la jurisprudence relative à l'article 45 du sutut des fonctionnaire ne saurait en fait être invoquée, on peut assurément se référer à l'un de ses principes: l'appréciation de la auestion de savoir si un candidat possède es connaissances approfondies au sens de l'avis de vacance, c'est-à-dire des connaissances d'une qualité particulière, constitue
sans aucun doute aussi un jugement de valeur. La Cour n'est certainement pas en mesure de la vérifier dans tous les détails mais il y a lieu de partir, à cet égard aussi, d'un pouvoir d'appréciation et de limiter en conséquence le contrôle juridictionnel à la question de savoir si l'on peut parler d'une erreur manifeste.

D'autre part, la Commission a, à notre avis, également raison d'affirmer qu'aux fins du contrôle de l'appréciation des candidats, il faut tenir compte à propos de l'aspect privilégié par le requérant, du fait que l'avis de vacance a, par ailleurs, fixé une série d'autres conditions. Ainsi, il n'était pas nécessaire d'appliquer, en ce qui concerne la condition examinée par le requérant, un critère exagérément sévère, précisément parce que d'autres aspects — tels que l'aptitude à la
direction et l'aptitude à participer à des négociations — prédominent dans la direction de la division C 5; la condition concernant la «connaissance approfondie» pouvait au contraire, d'après l'interprétation souveraine des qualifications requises par l'avis de vacance qui est réservée à l'autorité investie du pouvoir de nomination, être comprise en ce sens que des connaissances solides dans le omaine précité étaient suffisantes.

bb) Il est ainsi également clairement apparu — et cela nous amène à la deuxième clarification concernant le point de vue du requérant — que le deuxième point de départ choisi par le requérant, tel qu'il a été précisé dans son mémoire complémentaire, ne résiste certainement pas à l'examen. Comme on le sait, il y érige en quelque sorte son propre niveau de connaissances en critère obligatoire et déclare que, parce qu'un fonctionnaire A 4 a traité au sein de la division C 5 un grand nombre de
projets importants, il y a lieu de supposer que le chef de cette division doit disposer à tout le moins du même niveau de connaissances et d'expérience. A notre avis, cela n'est nullement obligatoire et nous paraît, au contraire, même douteux parce que cela aboutirait pour l'autorité investie du pouvoir de nomination à une restriction insupportable et inutile des possibilités de choix. En réalité, on ne peut pas exiger du chef d'une unité administrative qu'il possède toutes les
connaissances et l'expérience de ses collaborateurs mais il importe seulement qu'il possède dans le secteur qu'il est appelé à diriger une connaissance suffisamment solide pour lui permettre de diriger, de contrôler et de coordonner d'une manière utile ses collaborateurs.

cc) D'emblée il est donc clair que le contrôle à effectuer dans le cadre du moyen présentement examiné peut être limité à la question de savoir si les éléments d'appréciation invoqués par la Commission suffisent à démontrer que dans le cas du fonctionnaire nommé, on a pu, à juste titre, supposer qu'il possédait une connaissance approfondie et l'expérience des problèmes économiques et techniques dans le domaine des équipements sociaux et de l'urbanisme dans les pays en voie de développement,
ou si le contrôle de ces éléments, aux fins duquel la Cour n'a évidemment pas à entrer dans tous les détails, fait apparaître qu'une appréciation positive n'est pas fondée, voire qu'il y a lieu de constater une erreur manifeste.

c) A cet égard, la Commission s'est surtout référée à deux documents qui nous renseignent sur l'activité de M. L. au sein des bureaux d'architectes à Rotterdam et à Rome au cours de la période de 1962 à 1973, c'est-à-dire avant qu'il n'entre au service de l'Association européenne pour la coopération (annexes 7 et 8 au mémoire en défense). Elle rappelle, en outre, que la grande expérience que M. L. y a acquise dans le domaine en cause, tant au cours des années 1973 à 1976 comme contrôleur délégué
de la Commission en République Centrafricaine que par la suite également dans ses fonctions de chef de la division B de la direction générale «Développement», a pu être complétée et approfondie.

Nous avons à cet égard l'impression — permettez-nous de le dire immédiatement — que cela fait assurément apparaître une base solide pour une appréciation positive du candidat nommé et qu'en tout état de cause, les observations critiques du requérant sur ce point n'ont révélé aucune erreur manifeste.

aa) Le grief principal du requérant vise, comme vous le savez — selon le poids accordé par la Commission aux éléments d'appréciation — l'activité de M. L. dans le secteur privé. Il estime, à cet égard, qu'il ne convient d'accorder à l'expérience acquise dans ce secteur qu'une valeur relative parce qu'elle serait ancienne.

Cela nous semble toutefois erroné eu égard aux périodes entrant en ligne de compte et compte tenu de l'absence d'indications selon lesquelles le domaine qui nous intéresse ici aurait connu entretemps de profonds changements. En outre, il importe de noter que M. L. a ensuite exercé ses activités non pas dans un domaine tout à fait différent mais dans des fonctions qui étaient certainement de nature à entretenir et à étendre l'expérience acquise.

Le requérant s'efforce par ailleurs de mettre en doute la valeur de l'expérience acquise par M. L. dans le secteur privé en précisant, d'une part, que les équipements sociaux dans les domaines de la santé, de l'habitat social et de l'éducation se situent clairement au centre de l'action de la division C 5 — parce qu'ils font, en effet, l'objet de 95 % de tous les projets — et en y opposant ce qui résultait des documents invoqués par la Commission quant à la participation antérieure de M.
L. à des projets qui avaient trait aux pays en voie de développement. Le candidat nommé n'aurait ainsi pris part qu'à un nombre restreint de projets qui n'auraient, de surcroît, concerné qu'un petit nombre de pays alors que la division C 5 est compétente pour 60 à 80 pays en voie de développement. Il serait également clair que parmi le petit nombre de projets, six seulement relevaient du domaine «équipements sociaux et urbanisme» alors qu'aucun ne concernait le domaine «santé et habitat
social» et que quatre projets du domaine «éducation» ne se limitaient qu'à un secteur restreint de ce dernier.

Or, abstraction faite de ce que le requérant n'évoque que l'un des deux documents produits par la Commission alors qu'il passe le second sous silence, il y a lieu de lui opposer qu'une telle approche quantitative doit, déjà par principe, être considérée comme erronée. En outre, on ne saurait négliger le fait que le document produit ne mentionne que les projets les plus importants, c'est-à-dire qu'il ne comporte pas d'énumération exhaustive, et que M. L. a pu — pour ce qui est du nombre de
pays concernés — acquérir, en tout cas au cours de son activité ultérieure, une expérience supplémentaire utile.

bb) Par ailleurs, nous ne pouvons pas non plus partager le point de vue du requérant selon lequel la Commission aurait, à tort, tenu compte dans l'appréciation du candidat nommé de l'activité que celui-ci a exercée de 1973 à 1976 comme contrôleur délégué en République Centrafricaine et ensuite comme chef de division à la Commission.

D'une part, il se peut certes que l'élaboration de projets — comme cela résulte de la description des activités de la division C 5 — intervienne à Bruxelles et qu'en général, leur réalisation soit également contrôlée depuis là-bas. On peut cependant supposer à bon droit qu'un contrôleur délégué, qui — comme la Commission l'a assuré d'une manière convaincante — n'est pas seulement appelé à assumer des tâches d'exécution subordonnées mais doit être considéré comme une sorte d'ambassadeur
investi de larges et importantes compétences, peut à cet égard également être tout à fait en mesure d'acquérir, au regard d'un grand nombre de projets, des connaissances utiles au sens de l'avis de vacance entrant en ligne de compte en l'espèce. A ce propos, nous pouvons certainement nous dispenser d'entrer dans le détail de l'argumentation en partie bien mesquine du requérant sur le niveau de certains projets réalisés entre 1973 et 1976 en République Centrafricaine et des critiques qu'il
a exprimées à cet égard.

En ce qui concerne, d'autre part, les fonctions de M. L. comme chef de la division B 1, on peut certes simplement partir de l'idée que d'après les descriptions des fonaions faites au cours de la procédure, il s'est occupé à ce titre d'une manière moins intensive de projets que l'activité au sein de la division C 5 ne le permet. Mais, étant donné que, contrairement à ce que prétend le requérant, la division B 1 ne se borne pas simplement à enregistrer les projets — d'ailleurs, dans son
mémoire complémentaire, il indique également que les descriptifs et les estimations financières sont, à tout le moins partiellement, établis en commun par les divisions B 1 et C 5 — et puis — qu'il n'a pas non plus été possible de contester qu'en sa qualité de chef de division, M. L. a, depuis 1976, participé à une série de sessions importantes et effectué des voyages dans presque tous les pays en voie de développement pour lesquels la division est compétente, il ne nous parait pas
concevable que cela n'aurait permis d'acquérir aucune expérience utile et solide, notamment en ce qui concerne le champ d'action de la division C 5.

d) Le deuxième moyen n'est donc pas non plus couronné de succès parce que nous n'avons pas pu, dans l'ensemble, acquérir la conviction que la Commission avait considéré à tort que le candidat remplissait les conditions énoncées dans l'avis de vacance.

3.  Par un troisième moyen, le requérant fait enfin valoir que la nomination au poste vacant, pour laquelle — d'après les documents produits par la Commission — il ne s'agissait plus que de savoir s'il y avait lieu de nommer le requérant ou M. L., aurait en tout cas été viciée parce que cette comparaison des candidats avait été effectuée en l'absence du rapport de notation du requérant établi conformément aux dispositions de l'article 43 du statut dès fonctionnaires pour la période de 1975 à 1977,
c'est-à-dire le dernier rapport sur le requérant existant à cette époque. A cet égard, il n'y aurait pas seulement lieu de rappeler que de tels rapports — selon la jurisprudence — constituent des éléments essentiels pour toutes les décisions concernant la carrière. Il ne serait pas douteux, non plus, que la prise en considération du rapport précité aurait pu aisément aboutir à un résultat différent. En effet, il comporterait, d'une part, non seulement une notation très favorable qui — en raison
d'une modification des critères intervenue entre-temps — constituerait une amélioration par comparaison avec des rapports antérieurs; mais, d'autre part, il porterait, en particulier, également sur la période au cours de laquelle les fonctions du requérant auraient été élargies et pendant laquelle ses responsabilités se seraient accrues parce qu'il avait été chargé de remplacer le cher dé division en cas d'absence.

Il est exact, dans ce contexte, qu'au moment où la décision attaquée a été arrêtée, le rapport établi sur le requérant pour la période de 1975 à 1977 par l'autorité investie du pouvoir de nomination n'a pas été produit. L'explication est fournie par une note du directeur général de la direction générale «Développement» du 15 septembre 1980. Aux termes de celle-ci, le rapport a été établi le 5 décembre 1977 et soumis au requérant. Celui-ci ne l'a cependant pas accepté et sollicité, par une lettre
du 15 décembre 1977, une entrevue avec le notateur. Après qu'elle avait eu lieu, le rapport fut modifié et de nouveau transmis au requérant. Mais le requérant n'était toujours pas d'accord avec ses termes et ce, en raison d'une phrase dans l'appréciation générale qu'il considérait comme susceptible de malentendus alors que, de l'avis du notateur, elle ne contenait rien de négatif. Il a, de ce fait, conservé ce rapport — toujours pas définitif — de sorte qu'à la date de l'adoption de la décision
attaquée, il n'a effectivement pas figuré — il n'a été produit qu'avec la réplique au cours de la présente procédure — dans le dossier individuel du requérant.

De l'avis de la Commission, on ne saurait cependant tirer un motif d'annulation de cette circonstance. A cet égard elle renvoie, d'une part, au fait qu'en vertu des dispositions générales d'exécution de l'article 43 qu'elle a arrêtées, le requérant était tenu de restituer dans un délai de huit jours trois exemplaires du rapport dont il a fait l'objet. S'il a manqué à cette règle, il doit imputer à son propre comportement irrégulier le fait que le rapport n'ait pas pu être pris en considération
aux fins de la procédure de nomination qui nous intéresse ici. D'autre part, la Commission estime que la non prise en compte du rapport n'a pas pu faire grief au requérant. Manifestement, en effet, il ne serait pas seulement moins favorable que des rapports précédents figurant au dossier individuel du requérant; il serait également clair que le choix de la Commission — comme le montre la note précitée du directeur général du 1er juin 1979 ainsi que la réponse de la Commission à la réclamation —
a été déterminé par le fait que M. L. possédait une plus grande expérience des problèmes africains, notamment sous l'aspect politique.

De l'avis du requérant, la non restitution du rapport ne constitue pas une violation de ses obligations puisque — abstraction faite de ce que le rapport ne lui aurait pas été notifié officiellement — il y aurait lieu de supposer — comme le fait apparaître une comparaison des nouvelles dispositions générales d'exécution de l'article 43 avec celles qui étaient précédemment en vigueur — qu'à l'époque, la restitution n'était subordonnée à aucun délai obligatoire mais simplement à des «délais
d'ordre». En tout état de cause, aux termes des règles du statut des fonctionnaires, l'obligation de l'autorité investie du pouvoir de nomination d'établir des rapports et d'en tenir compte dans le cadre des décisions affectant les carrières, prévaut dans ce domaine. Il aurait pu être satisfait à cette obligation puisque les dispositions du «guide de notation» prévoient que le rapport devient définitif lorsqu'il n'a pas fait l'objet d'une réclamation dans le délai prescrit. Le notateur aurait pu
simplement constater l'expiration du délai précité et donner ensuite, par confirmation, sa version définitive au rapport. Mais on ne saurait assurément partir de l'idée que le fait d'avoir omis de tenir compte du rapport n'aurait pas fait grief en ce que le rapport pour les années 1975 à 1977 aurait été moins favorable que les précédents qui figuraient au dossier individuel du requérant puisqu'une comparaison à cet égard fait apparaître le contraire, à tout le moins en ce qui concerne
l'essentiel du contenu du rapport.

Dans l'appréciation de ce point litigieux, nous sommes également amenés à partager le point de vue de la Commission.

A ce propos, il n'y a pas lieu d'entrer dans le détail de la question de savoir comment doivent être appréciés les délais déterminants applicables à la restitution de rapports en vertu de l'ancienne réglementation relative à l'article 43 et s'il ne s'agissait effectivement que de «délais d'ordre» dont l'inobservation ne devait pas être considérée comme une violation des obligations du fonctionnaire — ce qui semble, après tout, se heurter à certaines des formulations du «guide de notation»
applicable à l'époque. En revanche, l'arrêt rendu le 13 juillet 1972 dans l'affaire 90/71 — Giorgio Bernardi/Parlement européen (Recueil 1972, p. 603), dont les faits étaient comparables et qui concernait une situation juridique correspondant à celle de l'espèce présente, revêt de l'importance pour la réponse. Dans cet arrêt, la Cour, se ralliant aux conclusions de l'avocat général qui avait évoqué les obligations de loyauté et de coopération du fonctionnaire intéressé, a constaté que la non
prise en considération d'un rapport lors de l'examen comparatif des mérites de plusieurs candidats ayant vocation à la promotion n'entrait pas en ligne de compte lorsqu'elle est la conséquence du comportement du fonctionnaire intéressé; lorsqu'il retient un rapport — ce qui avait été le cas, à l'époque, pendant quatre mois — il ne saurait donc invoquer l'irrégularité de la procédure de promotion. A notre avis, il convient de ne pas s'écarter de ce principe. Le requérant doit donc admettre qu'on
lui rétorque — et à cet égard, il importe manifestement peu de savoir si le rapport en question lui a ou non été notifié officiellement — que, sachant que le dernier rapport dont il avait fait l'objet pouvait être déterminant pour sa candidature, il devait veiller à verser en temps utile son rapport à son dossier, et, s'étant abstenu de le faire, il ne saurait en aucun cas obtenir ultérieurement l'annulation de la procédure de nomination à laquelle il a participé en invoquant des irrégularités
imputables à son propre comportement.

Partant, il n'est en fait plus nécessaire d'examiner davantage d'autres arguments et notamment la question difficile de savoir si le rapport dont il n'a pas été tenu compte est effectivement moins favorable que les rapports précédents du requérant. Nous ajouterons enfin — et cela s'oppose également à la pertinence du troisième moyen — qu'il est effectivement permis de penser que même si le rapport dont il s'agit ici avait été pris en considération, cela n'aurait très probablement pas entraîné un
résultat différent, c'est-à-dire que l'irrégularité invoquée par le requérant est sans importance pour la procédure. A cet égard on peut, d'une part — ce qui ne constitue pas une immixtion inadmissible dans le pouvoir d'appréciation réservé à l'administration —, renvoyer à la note du directeur général de la direction générale «Développement» du 1er juin 1979 qui était destinée à préparer la décision attaquée et aux termes de laquelle il y avait lieu de donner la préférence au candidat L. en
raison de son «feeling politique» nécessaire pour diriger la division C 5. D'autre part, il faut relever à ce propos l'intérêt que présente la décision explicite de rejet adressée au requérant dans laquelle il est souligné qu'il aurait été déterminant pour la Commission que M. L., en raison de son expérience acquise en qualité de délégué de la Commission en République Centrafricaine puis en qualité de chef de la division B 1, était apparu plus apte à diriger une unité administrative appelée à
nouer des contacts réguliers avec de hauts responsables des pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

4.  Nous ne pouvons donc que proposer à la Cour de rejeter le recours comme non fondé et de statuer sur les dépens en application de l'article 70 du règlement de procédure.

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( 1 ) Traduit de l'allemand


Synthèse
Numéro d'arrêt : 151/80
Date de la décision : 12/11/1981
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire - Annulation d'une nomination.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Jacques de Hoe
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: O'Keeffe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1981:268

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