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18/09/1980 | CJUE | N°138/79.

CJUE | CJUE, Conclusions jointes de l'avocat général Reischl présentées le 18 septembre 1980., SA Roquette Frères contre Conseil des Communautés européennes., 18/09/1980, 138/79.


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 18 SEPTEMBRE 1980 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les deux affaires dans lesquelles nous allons nous prononcer aujourd'hui dans des conclusions communes — en raison du lien au fond qui existe de toute évidence entre elles — concernent une fois de plus le nouvel édulcorant qu'est l'isoglucose, lequel nous est déjà familier grâce à de nombreuses autres affaires.

En ce qui concerne les caractéristiques de ce produit, comme en ce qui concerne le ré

gime communautaire applicable en la matière, nous pouvons donc renvoyer aux arrêts et aux concl...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 18 SEPTEMBRE 1980 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les deux affaires dans lesquelles nous allons nous prononcer aujourd'hui dans des conclusions communes — en raison du lien au fond qui existe de toute évidence entre elles — concernent une fois de plus le nouvel édulcorant qu'est l'isoglucose, lequel nous est déjà familier grâce à de nombreuses autres affaires.

En ce qui concerne les caractéristiques de ce produit, comme en ce qui concerne le régime communautaire applicable en la matière, nous pouvons donc renvoyer aux arrêts et aux conclusions dans l'affaire 101/76 — Koninklijke Scholten Honig NV/Conseil et Commission, arrêt du 5 mai 1977, Recueil 1977, p. 797 —, dans les affaires 103, 125 et 145/77 — Royal Scholten Honig (Holdings) Limited/Intervention Board for Agricultural Produce, Koninklijke Scholten-Honig NV et De verenigde Zetmeelbedrijven «De
Bijenkorf» BV/Hoofdproduktschap voor Akkerbouwprodukten, Tunnel Refineries Limited/Intervention Board for Agricultural Produce, arrêts du 25 octobre 1978, Recueil 1978, pp. 1991 et 2037 — ainsi que dans les affaires 116, 124 et 143/77 — G. R. Amylum NV, Tunnel Refineries Limited et Koninklijke. Scholten Honig NV/Conseil et Commission, arrêts du 5 décembre 1979.

L'arrêt du 25 octobre 1978 (Recueil 1978, p. 2070 et suiv.) a constaté que le régime de la cotisation à la production qui a été instauré pour l'isoglucose par le règlement no 1111/77 (JO L 134 du 28 mai 1977, p. 4) traite les producteurs d'isoglucose et les producteurs de sucre de manière différente et porte donc atteinte, en l'absence de justification objective, au principe général d'égalité dont l'interdiction de discrimination, énoncée à l'article 40, paragraphe 3, du traité, constitue une
expression spécifique. Le règlement no 1111/77 n'est donc pas valide dans la mesure où ses articles 8 et 9 imposent une cotisation à la production de l'isoglucose de 5 unités de compte pour 100 kilos de matière sèche pour la période correspondant à la campagne sucrière 1977-1978.

Les institutions communautaires compétentes devaient donc combler le vide juridique résultant de cet arrêt. Le 7 mars 1979, la Commission a présenté au Conseil une proposition de modification du règlement no 1111/77. L'article 43 du traité CEE imposait de consulter à ce propos le Parlement européen. Nous devrons ultérieurement montrer en détail comment cette consultation s'est déroulée dans toutes ses particularités — parce que l'appréciation juridique de la présente espèce en dépend. Le 25 juin
1979, le Conseil a adopté le règlement no 1293/79 «modifiant le règlement (CEE) no 1111/77 établissant des dispositions communes pour l'isoglucose» (JO L 162 du 30 juin 1979, p. 10 et suiv.), lequel est entré en vigueur le 1er juillet 1979.

L'article 2 de ce règlement a abrogé, avec effet au 1er juillet 1977, les dispositions du titre II du règlement no 1111/77, c'est-à-dire le régime de la cotisation susmentionné.

L'article 3 du règlement no 1293/79 a inséré aux articles 8 et 9 du règlement no 1111/77 un régime de quotas. Ce régime devait s'appliquer à la période allant du 1er juillet 1979 au 30 juin 1980. Le Conseil devait arrêter avant le 1er janvier 1980 le régime applicable à partir du 1er juillet 1980. Bien entendu — qu'il nous soit permis de le dire dès maintenant —, tel n'a pas été le cas; au contraire, le règlement no 1592/80 du Conseil du 24 juin 1980 (JO L 160 du 26 juin 1980, p. 12) a déclaré le
régime institué par le règlement no 1293/79 applicable également à la campagne 1980-1981, qui prend fin le 30 juin 1981.

Le régime de quotas attribue un quota de base à chaque entreprise productrice d'isoglucose établie dans la Communauté. Par principe, ce quota est égal au double de la production de chaque entreprise constatée pendant la période allant du 1er novembre 1978 au 30 avril 1979. En outre, chaque entreprise ayant un quota de base se voit attribuer un quota maximal égal à son quota de base affecté d'un coefficient. Ce dernier est celui qui est fixé en vertu de l'article 25, paragraphe 2, deuxième alinéa, du
règlement no 3330/74 (JO L 359 du 31 décembre 1974, p. 1) pour la fixation du quota de sucre B, pour la période allant du 1er juillet 1979 au 30 juin 1980. En outre, l'article 9, paragraphe 3, du règlement no 1111/77 dans la version du règlement no 1293/79 prévoit que le quota de base visé au paragraphe 1 est, le cas échéant, corrigé en sorte que le quota maximal déterminé conformément au paragraphe 2 ne soit pas supérieur à 85 % ni inférieur à 65 % de la capacité technique annuelle de production de
l'entreprise en cause. Les quotas de base qui en résultent ainsi pour chaque entreprise sont indiqués en annexe II au règlement no 1293/79.

Les paragraphes 7 et 8 de ce même article 9 sont rédigés comme suit:

«7.   La quantité d'isoglucose produite pendant la période visée à l'article 8, paragraphe 1, qui

— dépasse le quota maximal de l'entreprise, ou

— a été produite par une entreprise non pourvue d'un quota de base ne peut être écoulée sur le marché

intérieur de la Communauté et doit être exportée en l'état vers les pays tiers sans application de l'article 4» (relatif à la restitution).

8.   Pour la quantité d'isoglucose produite qui dépasse le quota de base sans dépasser le quota maximal, les États membres perçoivent du fabricant d'isoglucose concerné une cotisation à la production.

Pour la période visée à l'article 8, paragraphe 1, le montant de la cotisation à la production d'isoglucose est égal à la partie de la cotisation à la production de sucre fixée pour la campagne sucrière 1979-1980 en vertu de l'article 28 du règlement (CEE) no 3330/74 restant à la charge des fabricants de sucre.»

Les entreprises Roquette Frères, dont le siège est en France (et dont le quota de base a été fixé, d'après l'annexe II au règlement no 1293/79, à 15887 tonnes) et Maizena GmbH, dont le siège est en république fédérale d'Allemagne (et dont le quota de base a été fixé, d'après l'annexe II au règlement no 1293/79, à 28000 tonnes), lesquelles produisent entre autres de l'isoglucose depuis quelques années, s'estiment lésées par ces dispositions. C'est pourquoi ces entreprises ont saisi la Cour de justice
les 31 août et 5 septembre 1979 et ont demandé à ce qu'il plaise à cette juridiction

— déclarer invalide la fixation, opérée à l'annexe II au règlement no 1111/77, du quota de production pour la requérante (affaire 138/79) et, en outre,

— annuler le règlement no 1111/77 modifié par le règlement no 1293/79, dans la mesure où, conformément à l'article 9, paragraphe 4, il impose à la requérante, à l'annexe II (voir en ce sens l'affaire 139/79), un quota de production pour l'isoglucose.

Le Conseil conclut au rejet des recours. Deux autres institutions communautaires sont également intervenues à la procédure devant la Cour de justice, à savoir, à l'appui des conclusions des requérantes, le Parlement européen et, à l'appui des conclusions du Conseil, défendeur en l'espèce, la Commission.

I — Problèmes de recevabilité

II y a lieu d'examiner la recevabilité de l'intervention du Parlement européen dans la procédure ainsi que la recevabilité des recours et d'un certain nombre de moyens invoqués à l'appui de ces recours.

1. Sur l'intervention du Parlement européen

Dans son mémoire en duplique du 10 mars 1980 et, par la suite, au cours de l'audience également, le Conseil a émis des réserves quant à la recevabilité de l'intervention du Parlement européen. Ce retard relatif s'explique par le fait que le Parlement n'a déposé sa demande eri intervention que le 24 décembre 1979, c'est-à-dire après le dépôt du mémoire en défense, et qu'il a été statué sur cette demande par ordonnance du 16 janvier 1980 — apparemment sans que les parties à la procédure aient été
entendues.

a) Selon nous, les réserves que nous venons de mentionner ne peuvent être levées en renvoyant purement et simplement à l'ordonnance précitée. Une telle ordonnance n'ouvre l'accès à la procédure que provisoirement; en revanche, c'est l'arrêt qui décide le cas échéant de la recevabilité de l'intervention, comme on peut le déduire clairement de la jurisprudence antérieure. A ce sujet, nous renvoyons à l'arrêt rendu dans l'affaire 9/61 (Gouvernement du Royaume des Pays-Bas/Haute Autorité de la CECA,
arrêt du 12 juillet 1962, Recueil 1962, p. 447).

b) Lorsqu'il s'agit d'une intervention volontaire — comme il est prévu à l'article 37 du statut de la Cour de justice — le Conseil fait dépendre le pouvoir d'intervenir à une procédure du pouvoir d'agir en justice. Les institutions communautaires ne pourraient intervenir à une procédure — ce qui correspondrait à l'idée exprimée à l'article 4, paragraphe 1, alinéa 2, du traité CEE — que si elles avaient également le pouvoir d'agir dans le contentieux considéré. Or, selon le Conseil, étant donné que
le Parlement européen ne dispose pas d'un pouvoir général d'action — ainsi que cela ressort, pour le recours en annulation, de l'article 173 du traité CEE — et qu'il n'est pas non plus partie aux procédures de l'article 177 du traité CEE, il faut considérer que l'économie générale du traité ne donne au Parlement européen aucun pouvoir général d'intervention.

Subsidiairement, au cas où il faudrait considérer que toutes les institutions communautaires sont par principe habilitées à intervenir, conformément à l'article 37 du statut de la Cour de justice, il y aurait lieu d'admettre que, à la différence de ce qui est prévu pour les autres personnes dont il est question à l'article 37, alinéa 2, c'est-à-dire en particulier pour les personnes physiques et morales de droit privé, on n'exigerait pas en vérité la justification «d'un intérêt à la solution d'un
litige soumis à la Cour». Au contraire, un tel intérêt serait présumé; mais cela ne dispenserait pas la Cour de l'obligation d'en apprécier l'existence effective. A cet égard, un intérêt au respect de la légalité ne saurait être considéré comme suffisant, parce que, d'après l'article 173 du traité CEE, il n'appartient pas au Parlement européen d'exercer une action en annulation en tant qu'instrument du contrôle de légalité. Le Conseil estime que, dans le présent litige, qui concerne un recours
déposé par des entreprises privées et tendant à l'annulation d'une décision déterminée les concernant, il ne faut pas oublier que le Parlement européen n'a pas intérêt à soutenir ce chef de la demande, de sorte que la concordance des intérêts qu'exige en soi l'intervention fait défaut. En vérité, l'intervention poursuit ici une autre finalité, à savoir la défense des droits du Parlement européen vis-à-vis d'une autre institution communautaire. Or, d'après le Conseil, lorsqu'un litige entre des
institutions communautaires se superpose à un conflit opposant des entreprises privées à des institutions communautaires, il faut considérer que l'intervention constitue un véritable recours, grâce à une utilisation détournée du droit d'intervenir.

aa) A ce sujet, il nous semble nécessaire d'indiquer tout d'abord que l'article 37 du statut de la Cour de justice ouvre de manière tout à fait générale et sans aucune restriction, non seulement aux États membres mais aussi aux institutions de la Communauté, la possibilité d'intervenir aux litiges soumis à la Cour. Il ne nous paraît pas possible de restreindre cette possibilité en invoquant l'absence du pouvoir d'agir en justice et les compétences prévues pour les institutions dans le cadre de
l'article 177 du traité CEE. Le seul fait qu'une intervention soit possible non seulement aux côtés de la partie requérante, mais également aux côtés de la partie défenderesse, va à l'encontre de cette thèse. Et surtout, une telle tentative est vouée à l'échec parce que le protocole sur le statut de la Cour e justice, qui réglemente l'intervention a, lui aussi, la même valeur juridique que les dispositions du traité, ainsi que cela ressort clairement de l'article 239 du traité CEE. Lorsque, par
conséquent, dans le statut de la Cour certaines compétences déterminées — comme l'intervention — sont définies autrement que ne le sont le droit de former un recours d'après l'article 173 du traité CEE ou que le droit de participer à une procédure au titre de l'article 177 du même traité, cela peut seulement signifier que ces compétences ont une autre portée, et donc — parce qu'aucune distinction n'est faite ici — qu'un droit d'intervention général est ouvert à toutes les institutions. D'autre
part, on ne peut pas non plus se référer à l'article 4 du traité CEE, étant donné que, par «traité» au sens de cette disposition, il faut, précisément d'après l'article 239 du traité CEE, entrendre également les dispositions du protocole sur le statut de la Cour de justice.

bb) En ce qui concerne par ailleurs l'intérêt à intervenir, nous sommes convaincus que la différence qui existe entre les alinéas 1 et 2 de l'article 37 du statut de la Cour de justice de la CEE ne consiste pas en ce que l'alinéa 2 exigerait la justification d'un intérêt à la solution d'un litige soumis à la Cour alors que l'alinéa 1 admettrait une présomption, dont la Cour de justice aurait le cas échéant à contrôler le bien-fondé. Bien plus, l'intérêt à agir n'a absolument aucune importance dans
le cas de l'alinéa 1. L'article 40 du statut — qui traite de l'interprétation d'un arrêt — fournit un argument de poids en faveur de cette interprétation: en effet, cet article prévoit qu'également les institutions qui déposent une demande en ce sens doivent y avoir intérêt.

Mais, si l'article 37, alinéa 1, devait être interprété en ce sens que lui aussi fait intervenir l'existence d'un intérêt à agir, nous estimons qu'on ne saurait appliquer en tout cas aux institutions de la Communauté qui sont parties intervenantes la jurisprudence — qui concernait des intervenants privés — d'après laquelle — nous renvoyons par exemple aux affaires 111/63 (Lemmerz-Werke GmbH/Haute Autorité de la CECA, arrêt du 13 juillet 1965, Recueil 1965, p. 835) et 58/64
(Grundig-Verkaufs-GmbH/Commission de la CEE, arrêt du 13 juillet 1966, Recueil 1966, p. 429) — c'est l'intérêt à la solution du litige, telle Qu'elle se dégage du dispositif de l'arrêt e la Cour de justice, qui importe, alors que l'intérêt que la partie intervenante peut avoir à ce que certains moyens aboutissent ne suffit pas. Dans le présent cas d'espèce, la validité des mesures atta3uées clépend également de la question e savoir si le Parlement européen a été correctement associé à leur
adoption. En conséquence, il est très vraisemblable que l'arrêt de la Cour de justice mentionnera le droit du Parlement européen à être consulté conformément à l'article 43 du traité CEE. Dans ces conditions, il n'est possible — quand bien même on qualiierait un litige de ce type de litige entre des institutions de la Communauté — d'interdire raisonnablement au Parlement européen d'être partie à la solution de cette question importante pour ses attributions, et, par là, de donner aussi à l'arrêt
— ce qui est également le rôle de l'intervention — une Dase plus sûre que celle qui eût pu être la sienne si le Parlement n'était pas intervenu. Un tel intérêt est suffisant aux fins de l'article 37, alinéa 1, du statut de la Cour de justice de la CEE. On ne saurait en tout cas parler ici d'une utilisation détournée du droit d'intervention — même si le Parlement européen n'a pas la possibilité de déposer un recours contre un acte qui a été adopté moyennant une prétendue violation de ses droits.

A l'encontre des réserves émises par le Conseil, l'arrêt devrait donc dire pour droit que c'est à juste titre que le Parlement européen s'est constitué partie intervenante à la présente procédure.

2. Sur la recevabilité des recours et de certains moyens

Comme vous le savez, le Conseil estime également que les recours déposés par les sociétés Roquette et Maizena sont irrecevables compte tenu de la nature juridique des dispositions attaquées. Pour le Conseil, le règlement no 1293/79 contient une réglementation générale et, en particulier, le régime des quotas qui est prévu à l'article 9 s'applique à toutes les entreprises productrices d'isoglucose, y compris à celles qui n'ont entamé leur production que lorsque le règlement avait déjà commencé de
sortir ses effets. On aurait donc affaire à un véritable règlement, ce qui serait corroboré en outre par le fait que celui-ci a été adopté en vue de modifier le règlement no 1111/77. En revanche, le Conseil estime erroné de considérer de manière isolée son annexe II, laquelle énumère les quotas de base de six entreprises. En fait, cette annexe n'a aucun contenu réglementaire autonome; elle se contente d'exprimer de manière purement déclaratoire — c'est ce qu'indiquent les termes employés à l'article
9, paragraphe 4 —, ce qui constitue une simple opération de calcul effectuée sur la base des paragraphes 1 et 3 de ce même article. Selon le Conseil, l'annexe précitée ne constitue pas une décision d'exécution relative à article 9, paragraphes 1 et 3, parce 3u'on n'a pas tenu compte, pour ce faire, e cas particuliers. Les recours sont donc irrecevables, conformément à l'article 173 du traité CEE, parce que cette disposition interdit à des personnes privées concernées d'attaquer des règlements et
parce que — cela vise en particulier l'annexe II — une condition d'ouverture du recours est l'existence d'une acte faisant grief et comportant des effets de droit. Pour le Conseil, du reste, les entreprises concernées ne sont aucunement dépourvues de protection juridique. Elles ont notamment la possibilité d'attauer l'application du règlement devant es juridictions nationales, lesquelles, de leur côté, peuvent soumettre à un contrôle, au titre de l'article 177 du traité CEE, les objections soulevées
à l'encontre de la validité des dispositions de base.

De plus, le Conseil estime nécessaire de relever en tout cas que les requérantes ont critiqué non seulement les quotas qui leur étaient attribués, mais aussi le régime des quotas en tant que tel et la manière dont ils sont calculés. A son avis, il est certain que de tels arguments, qui visent des règles générales, ne peuvent pas être considérés comme recevables. A cet effet, les requérantes ne peuvent pas se référer à l'article 184 du traité CEE, car l'exception d'illégalité d'actes généraux qui y
est prévue suppose qu'il s'agit d'actes antérieurs et cette exception ne peut être invoquée qu'à l'expiration de certains délais — ainsi que l'indique la rédaction de l'article 184.

a) A propos de cette argumentation, il convient de dire tout d'abord que la recevabilité des recours déposés au titre de l'article 173 ne peut naturellement pas dépendre de la possibilité d'attaquer une réglementation communautaire contestée, une fois qu'elle a été appliquée par des organismes nationaux, devant une juridiction nationale, ce qui pourrait éventuellement donner lieu à une procédure au titre de l'article 177 du traité CEE. Le traité ne connaît manifestement pas un tel rapport de
subsidiante entre différentes protections juridiques possibles; cela aboutirait d'ailleurs dans de nombreux cas, comme dans la présente espèce, à retarder de manière fâcheuse la solution de questions juridiques importantes. Mais nous n'avons pas non plus l'impression que c'est ce qu'a voulu dire le Conseil lorsqu'il a mentionné l'introduction possible de procédures judiciaires nationales. Sans doute a-t-il plutôt voulu dissiper l'objection selon laquelle, dans le présent cas d'espèce, les
intéressés pourraient rester dépourvus de protection juridique.

b) D'après l'article 173 du traité CEE, qui seul importe donc, lorsque des personnes privées concernées forment un recours contre des actes qui portent la dénomination de règlement, il est important de savoir si ces actes, dans la mesure où ils sont visés par la demande d'annulation, ont effectivement un caractère normatif ou s'il s'agit en réalité d'actes individuels déguisés. La jurisprudence a déjà eu maintes fois à prendre position sur ce problème de délimitation, en dernier lieu par exemple
dans les affaires 789 et 790/79 — CALPAK SpA et Società Emiliana Lavorazione Frutti SpA/Commission, arrêt du 17 juin 1980. Nous renvoyons à cet égard aux mémoires produits dans la présente procédure, qui contiennent tous les développements nécessaires.

Dans la présente affaire, nous estimons important le fait que l'annexe II au règlement no 1293/79 énumère les quotas de base, valables une année, de six entreprises nommément désignées — dont les requérantes. Il ne nous paraît pas possible de voir là une simple indication ayant valeur purement déclaratoire. Tout d'abord le libellé de l'article 9, paragraphe 4, selon lequel:

«Les quotas de base éttablis en application des pajragraplîes 1 et 3 soma fixés pour chaque emsrepńse comme indiqué à l'annexe II,» plaide à l'encontre de cette thèse, et en faveur du fait qu'il convient d'attribuer à cette annexe la qualité de décision.

Il faut également observer que, pour ces quotas, c'est la capacité de production qui importe, c'est-à-dire un critère qui nécessitait une estimation, parce que le terme admet plusieurs acceptions: c'est ce qui ressort des observations de la requérante Maizena, sur lesquelles nous reviendrons ultérieurement.

En outre, nous pensons également — et il apparaît ainsi clairement que la discussion relative à la qualification juridique de l'annexe II et à son rapport avec l'article 9 est au fond sans importance — que les paragraphes 1 à 3 de l'article précité ne présentent pas en réalité de caractère normatif. C'est d'après ces dispositions que se calculent — à savoir pour un an seulement — les quotas des entreprises qui ont effectivement produit durant la période allant du 1er novembre 1978 au 30 avril
1979; ces quotas sont, le cas échéant, corrigés en fonction des capacités techniques annuelles de production telles qu'elles existaient et telles qu'on pouvait les constater lors de l'adoption du règlement. La validité de ce régime est donc limitée à un cercle fermé et invariable d'entreprises connues avec exactitude et qui sont les entreprises énumérées à l'annexe II elle-même.

Cet état de fait se distingue manifestement de ceux des affaires mentionnées par le Conseil. Il s'agissait — comme dans l'affaire 101/76 — d'une modification du régime relatif à la restitution à la production pour une période indéterminée, à venir, de sorte que l'on pouvait parler d'effets juridiques à l'égard de catégories de personnes envisagées de manière générale et abstraite; ou bien il s'agissait — comme dans l'affaire 123/77 — de soumettre les importations d'une marchandise dans un État
membre à une autorisation et de limiter à l'avenir le nombre de ces importations; rien n'a été dit par ailleurs sur le caractère réglementaire de la mesure. Les affaires 103 à 109/78 — Société des Usines de Beauport et autres/Conseil, arrêt du 18 janvier 1979, Recueil 1979, p. 17 — portaient sur l'autorisation accordée à la France, pour trois campagnes, de diminuer les quotas de base pour les entreprises situées dans les départements d'outremer, autorisation qui ne concernait pas certaines
entreprises déterminées, mais une partie du territoire de la Communauté. Enfin, dans l'affaire 162/78 — Wagner/Commission, arrêt du 20 novembre 1979 —, l'objet de l'examen était un règlement destiné à sortir ses effets pour l'avenir, mais aussi, dans une certaine mesure, rétroactivement.

En revanche, on est tenté ici de penser au cas qui a été jugé dans l'affaire 100/74 (Société CAM SA/Commission, arrêt du 18 novembre 1975, Recueil 1975, p. 1393). Dans cette dernière affaire, la mesure attaquée visait seulement un nombre déterminé d'opérateurs identifiés en raison d'un comportement individuel qu'ils avaient eu ou étaient censés avoir eu au cours d'une période déterminée. Si dans ce cas — il s'agissait de la préfixation de la restitution accordée pour certaines exportations
déterminées à un nombre connu d'exportateurs de céréales —, la Cour a constaté que pareille mesure, même si elle fait partie d'un ensemble de dispositions à caractère normatif, concerne individuellement les sujets de droit visés en ce qu'elle affecte leur position juridique en raison d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne, nous pensons qu'on peut difficilement considérer qu'il en va autrement dans le présent cas d'espèce.

A l'encontre de la thèse, qui est évidente d'après ce qui précède, selon laquelle la mesure attaquée n'est pas véritablement un règlement — dans la mesure où il s'agit de l'article 9, paragraphes 1 à 3 —, mais seulement un faisceau de décisions individuelles, qui ne constituent une réglementation de caractère général qu'en apparence, on ne peut pas non plus invoquer par ailleurs — à l'instar du Conseil — le fait que le règlement no 1293/79 était destiné à modifier le règlement. no 1111/77, qui
est véritablement de nature réglementaire, et le fait que d'autres dispositions de l'article 9 ont de toute façon un caractère normatif, parce qu'elles doivent s'appliquer à un cercle non identifiable d'intéressés (les entreprises qui commenceraient à produire de l'isoglucose dans le courant de la campagne en cause). En réalité, un acte adopté pour modifier un règlement ne présente pas nécessairement quant à lui un caractère réglementaire dans toutes ses parties. Bien plus, dans le présent cas
d'espèce, il y a lieu de constater que le législateur communautaire, après l'invalidation partielle du règlement no 1111/77, a estimé juste de combler le vide ainsi créé pour la durée d'une année en adoptant un régime fondamentalement différent du régime précédent. Il n'est pas non plus possible de conclure du fait que le nouveau régime a constitué un cercle particulier de destinataires de normes — ceux qu'on appelle les «nouveaux venus» — que la qualification qui s'y applique doive être
automatiquement applicable au cercle, complètement différent, des entreprises déjà existantes à une date déterminée, pour lesquelles d'autres mesures ont d'ailleurs été prévues.

c) Par conséquent, s'il n'est pas possible de contester la recevabilité des recours compte tenu du caractère juridique de la mesure attaquée — ce qui, d'après toutes les particularités énumérées (prise en compte du volume individuel et de la capacité individuelle de production) implique la nécessité de considérer que les entreprises sont individuellement concernées —, il n'est pas non plus possible d'aboutir à une conclusion différente en ce qui concerne la question de savoir si elles sont
directement concernées, ce qui est également nécessaire aux termes de l'article 173.

Il suffit à cet effet que le régime ait directement fixé des quotas pour des entreprises comme les requérantes et n'ait pas exigé à cet égard d'autres mesures d'exécution, en particulier des mesures comportant une marge discrétionnaire. En revanche, la remarque faite à cet égard par le Conseil, selon laquelle les quotas n'entreraient qu'éventuellement en ligne de compte, au cas où l'entreprise dépasserait un certain volume de production, est de peu de poids. En effet, des faits difficiles à
apprécier à la date du dépôt du recours ne peuvent pas être importants. Ce qui importe au contraire, c'est que la situation juridique des requérantes a été affectée par le régime des quotas et que cela a pu se répercuter sur leurs dispositions économiques de telle manière que, pour elles, le régime des cotisations était dépassé.

d) Les autres objections qui nous intéressent encore ne concernent pas la recevabilité des recours, mais celle de certains moyens, à savoir ceux par lesquels on fait valoir que le régime des quotas est par principe tout aussi susceptible d'un recours que les critères ont été fixés pour le calcul des quotas. Nous ne pensons pas nécessaire de nous attarder longuement sur ce point.

Dans la mesure où il s'agit ici d'éléments qui sont importants pour le régime d'ensemble et dnut le caractère normatif ne saurait être mis en question, les requérantes ont i nvoque à ju ste t itre le principe selon lequel, lorsqu'un recours est déposé à l'encontre d'actes individuals, il est possible de faire valoir l'illégalité de règles générales sur la base desquelles les actes individuels ont été adoptés. Ce principe est consacré par l'article 184 du traité CEE et il est également reconnu
depuis longtemps par la jurisprudence comme un principe de portée générale, qui doit même être utilisé de manière extensive, comme la Cour l'a souligné dans l'arrêt rendu dans l'affaire 92/78 — Simmenthal SpA/Commission, arrêt du 6 mars 1979, Recueil 1979, p. 777. Ce faisant, il est erroné d'exiger — ce que fait le Conseil — que l'acte général contesté précède dans le temps l'acte individuel attaqué. Si on veut éviter des résultats absurdes en ce qui concerne des actes de caractère mixte, il est
évident qu'il faut se contenter d'un lien de dépendance logique; il doit donc être constant qu'au cas où la règle générale serait déclarée inapplicable, l'acte individuel attaqué ne saurait, lui non plus, avoir d'existence. De même, on ne saurait bien entendu pas conclure des mots liminaires de l'article 184 que l'exception d'illégalité ne serait possible qu'à l'expiration du délai qui y est cité. Il faut uniquement entendre par là que l'expiration du délai de recours est sans importance et ne
s'oppose pas à ce que soit soulevée l'exception d'illégalité. Enfin, il doit également être clair qu'il n'est pas nécessaire de justifier à cet effet d'un intérêt particulier, de même qu'il n'est pas non plus nécessaire de prouver que les dispositions contestées concernent spécifiquement les requérants — précisément parce qu'il s'agit non pas de l'annulation de la disposition générale, mais uniquement de son inapplicabilité dans le cas d'espèce.

e) En conclusion, il faut constater que les réserves émises par le Conseil à l'encontre de la recevabilité — qu'elles se rapportent aux recours ou à certains moyens — ne sont pas pertinentes et qu'en conséquence, il y a lieu d'examiner le bien-fondé des recours.

II — Sur le fond

Les requérantes ont fait valoir une série de moyens à l'encontre du régime des quotas qui a été prévu. Il apparaît opportun de faire précéder leur examen de quelques remarques générales.

1. Remarques générales sur le pouvoir discrétionnaire du Conseil et sur le caractère transitoire du régime litigieux

Pour sa défense, le Conseil a insisté sur le fait qu'il disposait d'un large pouvoir discrétionnaire dans le secteur concerné par la réglementation attaquée; il a en outre fait valoir qu'il ne s'agissait que d'un régime transitoire, qui a dû être adopté après que l'arrêt du 25 octobre 1978 eut été rendu et qui ne devait s'appliquer que jusqu'à l'entrée en vigueur d'une organisation générale du marché des édulcorants, laquelle était à l'origine prévue dès la campagne 1980-1981.

a) Sur la marge d'appréciation du Conseil

Avant tout, le Conseil a souligné que, lorsqu'il adopte des réglementations de politique économique ainsi que des mesures dans le cadre de la politique agricole, ce qui est le cas dans la présente espèce, il avait par principe un large pouvoir discrétionnaire et qu'en conséquence, le contrôle juridictionnel de ces dispositions destinées à régulariser le marché ne pouvait être que restreint et ne pouvait en tout cas pas s'exercer dans tous les détails.

Les requérantes ne rejettent pas complètement cette idée, mais elles pensent qu'elle exige d'être relativisée d'une certaine manière, précisément en l'espèce. C'est ainsi que la société requérante Maizena a soutenu le point de vue selon lequel un large pouvoir d'appréciation ne saurait par principe être accepté qu'en ce qui concerne les obligations positives résultant des objectifs énumérés à l'article 39, et que même alors il était nécessaire de rechercher en permanence à concilier ces objectifs
et, en cas de conflits éventuels, de n'accorder la priorité à un objectif que temporairement. La requérante estime en revanche qu'on ne saurait en aucun cas admettre une large marge d'appréciation en ce qui concerne le respect d'obligations négatives, parmi lesquelles elle indique en particulier le respect de l'interdiction de discrimination, l'observation du principe de proportionnalité, le respect du principe du libre exercice des activités professionnelles ainsi que l'observation du principe
énoncé à l'article 3, lettre f), du traité CEE et exigeant que la concurrence ne soit pas faussée.

Par principe, il convient de constater ici, sur la base de la jurisprudence que le Conseil a rassemblée à la page 17 de son mémoire en défense dans l'affaire 139/79, que, dans le domaine de la politique économique et pour l'exécution de la politique agricole commune, les institutions de la Communauté disposent de larges pouvoirs d'appréciation. Même lorsqu'on essaye d'intégrer largement, dès à présent, le régime de l'isoglucose dans l'organisation du marché du sucre, afin de faciliter la transition
avant son intégration définitive dans l'organisation du marché des édulcorants, le contrôle de légalité doit se limiter, d'après la jurisprudence, à constater l'existence ou non d'une erreur manifeste, d'un détournement de pouvoir ou d'un dépassement manifeste des limites du pouvoir d'appréciation (voir à ce sujet l'arrêt rendu dans l'affaire 136/77, Firma A. Racke/Hauptzollamt de Mayence, Recueil 1978, p. 1245) — et cela, contrairement à l'opinion de la société Roquette, pas seulement lorsqu'il
s'agit d'actions en responsabilité engagées au titre de l'article 215 du traité CEE.

Lorsqu'en revanche les requérantes essayent, en l'espèce, de justifier certaines restrictions à partir de points de vue bien déterminés, leurs thèses ne peuvent en aucun cas être entièrement convaincantes.

Dans la mesure où la société Roquette, partie requérante, mentionne de prétendues contradictions entre certaines constatations faites antérieurement par les institutions de la Communauté et certaines appréciations actuelles sur le développement de la production d'isoglucose ainsi que la possibilité d'un régime de quotas, il faut observer que les pronostics antérieurs relatifs au développement de la capacité de production de l'isoglucose — dans l'affaire 116/77, on a parlé de 400000 tonnes pour
l'année 1977 — supposaient le développement libre et sans entrave de ce secteur, ce qui n'est naturellement plus le cas depuis l'instauration du régime des quotas par le règlement no 1111/77. De même, si à l'époque il a été également question de l'impossibilité d'un régime de quotas, cela n'est pas en contradiction avec le régime actuellement en vigueur, car on manquait alors de périodes de référence adéquates.

La thèse soutenue par la société requérante Maizena, à savoir qu'en cas de conflit, on ne saurait accorder la priorité à un des objectifs de l'article 39 que temporairement, n'est pas plus exacte. Tel peut être parfaitement le cas également pour une durée plus longue, étant donné que la jurisprudence admet une telle conciliation des objectifs en fonction des données économiques, lesquelles ne se modifient pas obligatoirement à court terme. De même, le point de vue selon lequel l'exercice par les
institutions de la Communauté de leur pouvoir discrétionnaire serait en tout cas rigoureusement limité par les obligations négatives énumérées par la requérante ne saurait être admis sous cette forme absolue. L'arrêt rendu le 25 octobre 1978 dans l'affaire de l'isoglucose parle d'une imposition manifestement inégale, ce qui paraît aller à l'encontre d'une application stricte de l'interdiction de discrimination dans le cadre de décisions de politique économique de cette nature.

b) Sur le caractère transitoire du régime attaqué

Ainsi que nous l'avons déjà dit, le Conseil fait remarquer que le régime de l'isoglucose qu'il s'agit d'apprécier ici a dû être élaboré dans un laps de temps relativement bref, après l'arrêt rendu le 25 octobre 1978, et que ce régime n'a été conçu — comme cela ressort de l'article 8 du règlement no 1293/79 — qu'à titre de mesure transitoire jusqu'à l'entrée en vigueur d'une nouvelle organisation du marché des edulcorante, laquelle devait s'appliquer à compter du 1er juillet 1980 et aboutir à un
système autant que possible uniforme pour l'isoglucose et pour le sucre.

Nous pensons que cette considération mérite, elle aussi, l'attention.

C'est ainsi que la remarque de la société requérante Maizena, selon laquelle une durée de validité d'un an était habituelle pour les règlements agricoles et que la fixation d'un tel délai ne permettait aucunement de prouver le caractère transitoire de la mesure en question, n'a assurément aucun poids. S'il est indéniable que des règlements de cette nature sont nombreux, toutefois ils ne contiennent en général aucune règle fondamentale d'organisation du marché, mais se limitent à réglementer certains
éléments particuliers, comme les prix, qui doivent naturellement s'adapter rapidement à l'évolution de la situation économique.

De même, nous n'estimons pas pertinent l'argument selon lequel le régime des quotas de l'organisation du marché du sucre a été qualifié, lui aussi, de temporaire, mais s'applique depuis 1967 déjà. En conséquence, selon la société requérante Maizena, et compte tenu de la persistance des excédents de sucre qu'invoque le Conseil pour justifier sa mesure, il faudrait s'attendre au maintien du régime des quotas pour l'isoglucose et à la perpétuation des restrictions de la production. Pour rejeter
l'argumentation de la partie requérante à cet égard, il ne convient pas tellement de faire appel à l'observation de la Commission selon laquelle, à son avis, le régime des quotas, en soi, ne serait pas définitif, et qu'on avait au contraire l'intention d'y renoncer et d'aboutir à une réglementation satisfaisante par les prix — également pour le sucre. Plus important est le fait que le calcul des quotas dans le réglement attaqué n'est certainement pas définitif, même s'il faut prendre comme hypothèse
le maintien du principe du régime des quotas pour un avenir prévisible, ce que laisse également entendre la proposition de la Commission relative à une organisation du marché des édulcorants. Il est possible de renvoyer à cet égard à certaines déclarations qui ont été faites au stade de la préparation de la réglementation litigieuse et qui vont clairement dans ce sens: par exemple, lorsqu'on a souligné le fait que cette réglementation ne préjugeait pas le régime définitif ou bien lorsque le
commissaire Gundelach a constaté, lors de la séance du Parlement européen du 10 mai 1979, que le problème de l'isoglucose devait être résolu dans le cadre de la proposition d'une nouvelle organisation du marché des edulcorante qui devait s'appliquer pour une période de cinq ans. En outre, compte tenu de l'absence d'avis du Parlament européen, les considérants du règlement qu'il s'agit d'apprécier ici ont réservé la possibilité de prendre d'autres mesures à la suite d'un avis que pourrait rendre
ultérieurement l'Assemblée.

S'il convient donc de se rallier au point de vue du Conseil, selon lequel le caractère manifestement transitoire des mesures prises demande que des critères moins stricts soient appliqués lorsqu'on procède à un examen juridique de ces mesures sous l'angle du principe de proportionnalité, il faut encore remarquer à cet égard que l'opinion de la société requérante Maizena, selon laquelle la seule mesure transitoire appropriée eût été de renoncer à un régime de quotas pour l'isoglucose et d'attendre
pour réglementer ce marché l'adoption d'une organisation de marché définitive pour les edulcorante, n'apparaît absolument pas défendable. Après la suppression du régime de cotisations au 1er juillet 1977, et en particulier parce que la Commission ne jugeait pas possible un autre régime de cotisations efficace, cela eût signifié que la production d'isoglucose aurait pu se développer sans entrave pendant des années et que les excédents sur le marché des edulcorante, lesquels sont considérables et
occasionnent des coûts élevés, auraient eu toute latitude d'augmenter. D'autre part, il n'y a pas seulement lieu de souligner — comme la Commission l'a fait — qu'il apparaît nécessairement absurde et peu judicieux économiquement d'autoriser dans un premier temps une telle évolution et de réagir ensuite en adoptant des mesures destinées à freiner la production, éventuellement de manière drastique. Il faut également considérer que cela pouvait autoriser les fabricants de sucre, auxquels s'appliquent
des restrictions dont les répercussions sur le marché, en particulier sur les prix, profitent aux fabricants d'isoglucose, à faire état d'une discrimination à leur détriment. En outre, il faut rappeler que la jurisprudence relative aux précédentes affaires d'isoglucose a clairement mis en évidence le fait que des mesures restrictives pour l'isoglucose sont tout à fait acceptables — et cela manifestement avec effet immédiat — et que la justification donnée à cet égard peut sans doute être comprise en
ce sens que, pour l'isoglucose, la réglementation appropriée est celle qui se rapprocherait le plus possible de l'organisation du marché du sucre.

2. Sur la violation de formés substantielles

Lorsque nous nous tournons maintenant vers les différents moyens invoqués par les requérantes, il faut tout d'abord examiner le grief selon lequel la réglementation attaquée a été adoptée sans que le Parlement européen ait été consulté à cet effet, comme le prévoit l'article 43 du traité CEE.

Le 13 mars 1979, le Conseil a décidé, conformément à l'article 43 du traité CEE, de consulter le Parlement européen sur une proposition de règlement modifiant les dispositions du règlement no 1111/77 déclarées invalides par la Cour, proposition que lui avait soumise la Commission le 7 mars 1979. Dans sa lettre du 19 mars 1979, qui saisissait le Parlement européen d'une demande d'avis, le Conseil déclarait entre autres ce qui suit:

«Cette proposition tient compte de la situation résultant de l'arrêt de la Cour de justice du 25 octobre 1978 en attendant le nouveau régime pour le marché des édulcorants qui doit être mis en vigueur à partir du 1er juillet 1980. La présente proposition ne préjuge pas ce nouveau régime. Le règlement devant être appliqué à partir du 1er juillet 1979, le Conseil attacherait du prix à ce que le Parlement européen veuille bien rendre son avis sur cette proposition au cours de sa session d'avril.»

Sur la base de cette lettre, communiquée au Parlement le 22 mars 1979, le président de l'Assemblée a désigné la commission de l'agriculture comme commission compétente au fond et il a saisi pour avis la Commission des budgets, conformément aux articles 22 et 38 du règlement du Parlement européen.

Dès le 22 mars 1979, la commission de l'agriculture a nommé M. Tolman rapporteur; elle a procédé à l'examen du projet de règlement no 1293/79 au cours de ses séances des 4 et 5 avril et du 9 mai 1979 et elle a adopté le 9 mai 1979 la résolution contenue dans le rapport de M. Tolman, après que la commission des budgets eut fait parvenir son avis le 10 avril 1979. Dans sa résolution, la commission de l'agriculture a proposé deux modifications au projet de règlement

— elle a rejeté la fixation d'un quota maximum à côté du quota de base, étant donné que, dans le domaine de la production d'isoglucose et contrairement à ce qui se passe dans le cas du sucre, un quota maximum ne joue aucun rôle utile,

— elle a rejeté l'augmentation spéciale de 10 % du quota de base proposée par la Commission car, en pratique, cette mesure aurait eu des conséquences indésirables pour les producteurs d'isoglucose.

Elle a enfin insisté pour que la Commission modifie sa proposition en ce sens.

Lors de sa séance du 11 mai 1979, le Parlement a procédé à l'examen du rapport de M. Tolman, ainsi que du projet de résolution approuvé par la commission de l'agriculture.

Au cours des débats, le vice-président de la Commission, M. Gundelach, a pris position contre ce projet de résolution, en se référant à l'arrêt de la Cour de justice.

Avant le vote sur le projet de résolution, le 12 mai 1979, M. Hughes, membre du Parlement, a demandé si le rapport de la Commission de l'agriculture tenait bien compte de la situation juridique créée par l'arrêt de la Cour de justice. Le commissaire Giolitti a déclaré à ce sujet qu'il n'avait rien à ajouter aux précisions que son collègue, M. Gundelach, avait fournies la veille. Mise aux voix, la proposition de résolution a été rejetée par le Parlement et, conformément à l'article 22 du règlement,
elle a été renvoyée à la Commission de l'agriculture pour réexamen.

Le 1er mars 1979, le bureau du Parlement a décidé de ne pas prévoir de périodes de sessions supplémentaires entre la session de mai et la séance constitutive du Parlement élu au suffrage universel direct, le 17 juillet 1979. Il a toutefois ajouté à sa résolution les considérations suivantes:

«(le bureau) estime toutefois qu'au cas où le Conseil et la Commission jugeraient nécessaire de prévoir une période de session supplémentaire, ils pourront, conformément aux dispositions de l'article 1, paragraphe 4, du règlement, demander une convocation du Parlement; il est entendu qu'une telle session serait uniquement consacrée à l'examen de rapports établis à la suite de consultations urgentes;»

Cette position a été confirmée par le bureau du Parlement lors de sa séance du 10 mai 1979.

Le 25 juin 1979, le Conseil a adopté le règlement no 1293/79 sans avoir reçu du Parlement européen l'avis exigé par l'article 43 du traité CEE.

Les requérantes et le Parlement européen estiment que la consultation du Parlement européen, qui est obligatoirement prévue à l'article 43, paragraphe 2, du traité CEE, constitue une forme substantielle au sens de l'article 173 du traité CEE, dont la violation, en tant que violation du traité, a nécessairement pour conséquence l'annulation du règlement adopté. Le Conseil, quant à lui, concède il est vrai que la consultation du Parlement européen constitue une forme substantielle au sens de l'article
173 du traité CEE; toutefois, il pense qu'il reste à la Cour de justice un certain pouvoir d'appréciation, lorsqu'elle examine les circonstances particulières à chaque cas d'espèce, pour trancher la question de savoir si la violation de cette forme substantielle doit nécessairement entraîner la nullité du règlement. Selon le Conseil, il faut notamment tenir compte du fait qu'il n'est pas lié par un avis éventuel du Parlement européen. La Commission, qui est intervenue au côté du Conseil, se rallie à
cette opinion et, à titre subsidiaire, elle suggère de considérer comme provisoirement applicable le règlement au titre de l'article 174, alinéa 2, du traité CEE.

A notre avis, on né saurait contester — ce que le Conseil ne fait pas lui non plus -— que la consultation du Parlement européen, prévue de manière impérative à l'article 43, paragraphe 2, du traité CEE, constitue une forme substantielle au sens de l'article 173 du traité CEE. A ce sujet, il faut tenir compte en particulier du fait que les compétences consultatives du Parlement européen représentent actuellement le principal moyen d'associer les peuples de la Communauté à l'élaboration des actes
juridiques communautaires. On ne peut absolument pas comparer la consultation du Parlement européen dans le cadre de la procédure législative communautaire à la consultation, qui est connue de manière générale dans les droits internes des Etats membres, de certaines personnes intéressées ou parties à une procédure administrative. En soi, les parlements des États membres participent de manière décisive à la législation en raison des constitutions démocratiques de ces États. Si les traités eux-mêmes
réduisent la participation du Parlement européen à la législation communautaire à une simple compétence consultative, cette participation des peuples des États membres au processus législatif, qui est restreinte et limitée à certains cas particuliers, ne doit pas être de plus rendue pratiquement sans effet du fait qu'elle peut être complètement écartée sans conséquence de droit. Pour cette seule raison, nous partageons l'opinion des requérantes et du Parlement européen selon laquelle une disposition
juridique adoptée sans la consultation du Parlement européen, prévue de manière impérative, est nulle. Le fait que l'avis du Parlement européen ne peut être rendu que par décision prise en assemblée plénière ne fait aucun doute, tant d'après le règlement du Parlement européen que d'après le droit parlementaire des États membres.

Le Conseil a alors soutenu, en particulier au cours de la procédure orale, que, par son propre comportement, le Parlement aurait rendu impossible, dans le présent cas d'espèce, une consultation dans les délais et, partant, qu'il serait déchu en l'espèce de son droit de participer au processus normatif. Sur ce point, il faut répondre au Conseil qu'ayant présenté de toute façon déjà assez tard son projet de règlement au Parlement européen, il n'a pas fait usage de la possibilité que lui ouvrait
l'article 14 du règlement de l'Assemblée de déposer une demande de discussion d'urgence. Au contraire, dans la lettre par laquelle il a saisi le Parlement européen d'une demande de consultation, il a demandé à ce que le Parlement européen rende son avis sur cette proposition au cours de sa session d'avril en indiquant seulement que celle-ci devait être mise en vigueur à partir du 1er juillet 1979. Lorsque, par la suite, au cours de la dernière séance ordinaire du Parlement européen, le 12 mai 1979,
l'Assemblée plénière n'a pu rendre son avis sur le projet de règlement, c'était au Conseil — lequel, comme nous l'avons entendu, est également représenté au bureau du Parlement — qu'il appartenait de demander une session extraordinaire du Parlement européen en invoquant l'urgence de l'affaire. Le Parlement lui-même n'avait aucune raison de fixer la date d'une telle session, car il pouvait considérer, d'après la pratique suivie jusqu'alors par le Conseil, que ce dernier adopterait également le
règlement en question de manière rétroactive. On ne saurait donc parler, dans le présent cas d'espèce, d'une «déchéance» du droit du Parlement européen de participer au processus normatif.

En résumé, nous arrivons donc à la conclusion que le règlement no 1292/79 du Conseil modifiant le règlement (CEE) no 1111/77 établissant des dispositions communes pour l'isoglucose (JO L 162 du 30 juin 1979, p. 10 et suiv.) est nul pour violation de l'article 43, paragraphe 2, du traité CEE. Conformément à l'article 174, alinéa 1, du traité CEE, il y a donc lieu de déclarer nulles et non avenues les dispositions du règlement qui sont attaquées dans la présente procédure. Toutefois, nous suggérons
avec la Commission d'indiquer, conformément à l'article 174, alinéa 2, du traité CEE, que ces dispositions continuent à produire effet pour la durée de validité du règlement no 1293/79. Nous avons d'autant moins de scrupules à faire une telle suggestion que, au point 53 de sa résolution du 26 mars 1980 (JO C 97 du 21 avril 1980, p. 33 et suiv.), par laquelle il a donné son avis sur la proposition de règlement du Conseil portant organisation commune des marchés dans les secteurs du sucre et de
l'isoglucose (JO C 60 du 10 mars 1980, p. 3), le Parlement s'est prononcé en faveur de l'alignement du régime de l'isoglucose sur la réglementation du sucre. Mais, étant donné que, pour juger si les effets dudit règlement doivent être considérés comme définitifs, il ne semble pas devoir être sans importance de savoir si les dispositions attaquées pourraient peut-être être nulles également pour d'autres motifs, nous allons examiner maintenant les autres moyens invoqués.

3. Sur la violation des principes du droit de la concurrence en liaison avec les dispositions des articles 39 à 46 du traité CEE

Le premier moyen relatif à l'économie des mesures attaquées vise les règles structurelles de l'organisation de la concurrence et a été développé pour l'essentiel par la société requérante Maizena: Celle-ci part de l'idée que, conformément à l'article 38, paragraphe 2, du traité CEE, les dispositions en matière agricole n'ont la prééminence sur les dispositions générales du traité qu'en cas de divergence. Dans cette optique, le principe de la libre concurrence, duquel découle la nécessité d'une
concurrence effective, donc de structures permettant le jeu de la concurrence, et d'un libre accès au marché, s'applique également au domaine agricole. On peut le déduire, notamment parce que l'article 3, f), n'y est pas cité, de l'article 42 du traité CEE; en outre, le règlement no 26 du 4 avril 1962 (JO 1962, p. 993), qui pose le principe d'une application des règles de la concurrence dans le domaine agricole, va dans le même sens; de plus — en ce qui concerne en particulier 1 isoglucose —, le
fait que, d'après l'article 16 du règlement no 1111/77, les articles 92 à 94 du traité sont applicables à la production et au commerce de l'isoglucose est aussi intéressant à cet égard. Selon la société Maizena, les institutions communautaires sont donc tenues, lorsqu'elles adoptent des dispositions dans le domaine agricole, de ne pas aménager des structures de concurrence plus restrictives que ce qui est nécessaire aux fins de l'article 39. Les mesures attaquées n'ont pas tenu compte de cette
nécessité. La société Maizena estime que, parmi les objectifs énumérés à l'article 39, seul celui de la stabilisation du marché est pris en considération. Or, les mesures qui ont été prises ne sont pas nécessaires à cet effet, parce qu'il n'y a pas d'excédents d'isoglucose et que ce produit n'exerce qu'une influence insignifiante sur le marché du sucre. En tout cas, de l'avis de la société Maizena, il faut admettre qu'eu égard au principe de la libre concurrence, l'économie du règlement est plus
restrictive que ce qui est nécessaire aux fins de l'objectif précité. Ce qui est important à cet égard, c'est que le régime des quotas pour l'isoglucose ait empêché ce produit d'accéder au marché au stade initial de sa production et ait ainsi entravé son développement ultérieur. Elle estime que, de cette manière, on ne touche pas à la position du sucre sur le marché et on réserve pratiquement le marché à ce produit. En outre, toujours selon la société Maizena, il importe, en ce qui concerne le
maintien d'un noyau de concurrence, que les quotas prévus ne puissent pas être cédés ni modifiés et soient en outre calculés de manière à consolider la situation dominante, sur le marché, d'un producteur, l'entreprise belge Amylum.

A l'instar de la Commission toutefois, nous estimons que cette argumentation est erronée, non seulement dès le départ, mais aussi par la suite.

a) Lorsque la société requérante Maizena invoque l'article 3 f) du traité pour qualifier le principe (du libre jeu) de la concurrence, de principe de base du traité, qui lie le législateur également dans le domaine agricole, elle méconnaît le fait que cette disposition n'a pas de portée autonome, mais a fait l'objet d'aménagements concrets dans les articles 85 et suivants — ce qu'indique la phrase liminaire de l'article 3. Elle oublie également que l'article 3 d) parle — en la mettant à tout le
moins sur le même plan — de l'instauration d'une politique commune dans le domaine de l'agriculture. Or, l'importance qui revient au domaine cité en dernier lieu ressort de l'article 38, paragraphe 2, du traité. Cette disposition confirme la primauté des dispositions relatives à l'agriculture et fait clairement apparaître que les objectifs généraux du traité ne s'appliquent dans ce domaine qu'à certaines conditions, en d'autres termes qu'ils doivent céder le pas devant les mesures adoptées en vue
de la poursuite des objectifs cités à l'article 39. L'arrêt rendu le 13 mai 1971 dans les affaires 41 à 44/70 (NV International Fruit Company et autres, Commission, Recueil 1971, p. 411) est significatif à cet égard — et cela précisément compte tenu des problèmes qui se posent ici —; la Cour a souligné clairement dans cet arrêt que le traité accorde à la réalisation de l'objectif cité à l'article 3 d) une importance toute particulière.

Du reste, l'article 42 du traité, va, lui aussi, dans le sens d'une relativisation des principes de la concurrence dans le domaine agricole, ces principes n'ayant qu'une importance subsidiaire et ne pouvant en aucun cas être considérés comme des normes obligatoires pour le législateur communautaire. En outre, la priorité donnée aux objectifs cités à l'article 39 peut être déduite des dispositions — qui ne sont d'ailleurs pas destinées aux institutions communautaires — du règlement no 26 et de ses
considérants qui mentionnent l'établissement d'un régime de concurrence adapté au développement de la politique agricole commune. De plus, il est possible de renvoyer dans ce contexte à l'article 40 du traité CEE, qui prévoit des formes d'organisation déterminées et dispose de manière générale que l'organisation communautaire sous une des formes prévues au paragraphe 2 peut comporter toutes les mesures nécessaires pour atteindre les. objectifs définis à l'article 39.

Ainsi donc, il n'est pas possible de prime abord de considérer que le principe de la libre concurrence dans le domaine agricole a l'importance et la signification que la requérante lui accorde dans son argumentation.

b) C'est à juste titre que la Commission critique en outre l'amalgame effectué par la requérante entre le principe de proportionnalité d'une part et les principes du droit de la concurrence et l'exercice des compétences communautaires dans le domaine agricole d'autre part. Le principe de proportionnalité s'applique seulement aux mesures qui imposent à des particuliers une charge, et il faut considérer à ce sujet que les principes de concurrence ne font pas partie des principes garantissant la
liberté et le patrimoine des individus. En outre, il convient de remarquer dès à présent — parce qu'il est question des objectifs cités à l'article 39 — que les mesures litigieuses ne concernent pas uniquement la stabilisation du marché et qu'il est en tout cas erroné — en raison du caractère interchangeable (de l'isoglucose) et du sucre liquide — de considérer le marché de l'isoglucose séparément du marché des édulcorante en général. En réalité, d'autres objectifs cités à l'article 39 entrent
également en ligne de compte pour le régime de l'isoglucose: assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, dans la mesure où elle cultive la betterave à sucre, et garantir la sécurité des approvisionnements. Nous reviendrons encore là-dessus en détails dans un autre contexte.

c) Mais même à supposer que, dans le domaine agricole également, il soit nécessaire de garantir en tout cas un noyau d'économie concurrentielle et que là non plus, il ne soit pas possible de supprimer complètement le principe du libre accès au marché — bien que l'existence d'un tel principe ne puisse être prouvée —, un examen plus attentif montre que la réglementation attaquée remplit parfaitement ces conditions minimales.

aa) Il n'est pas douteux que le régime des quotas institué pour l'isoglucose donne accès au marché des édulcorante et permet également certaines possibilités de développement, notamment par le calcul des quotas B. Il faut rappeler à ce sujet qu'en 1978, la production d'isoglucose était seulement de 117732 tonnes, le total des quotas de base de 138819 tonnes et le quota maximal total (l'addition de l'isoglucose A et B) de 176994 tonnes. Il a donc été suffisamment tenu compte de ce que la
production se trouvait au stade initial de développement et était éventuellement freinée par des règles administratives comme la cotisation à la production instituée par le règlement no 1111/77 ou les interdictions d'utilisation qui existent en Italie dans des domaines essentiels et qui étaient également appliquées en France jusqu'au mois d'août 1979. En outre, le régime en question ne devait s'appliquer que pendant un an. On voit difficilement comment un accroissement considérable eût été
possible pendant une période aussi courte, que ce soit par l'amélioration des méthodes de production ou par la conquête de nouveaux clients, lesquels devaient d'abord se familiariser encore avec le produit. C'est ce que confirmera du reste par la suite le volume de production de la campagne écoulée qui a été connu entre-temps et sur lequel nous reviendrons.

bb) On ne peut certainement pas dire non plus que le régime des quotas ne permet pratiquement aucune concurrence entre les producteurs d'isoglucose. La concurrence est bien entendu possible à l'intérieur des quotas dans le domaine des prix, des autres conditions de vente ou de fa qualité — c'est ce qui a déjà été établi par la jurisprudence pour le marché du sucre. A cet effet, lorsqu'il s'agit d'un régime prévu pour une durée d'un an seulement, il n'est pas non plus nécessaire d'adopter une
réglementation plus souple permettant la cession des quotas et leur modification. Le fait que les sociétés requérantes n'ont obtenu respectivement que 20 et 15 % des quotas tandis qu'un autre producteur (la société Amylum) disposait de 40 % du fait de son volume de production antérieur plus élevé ne semble pas non plus devoir éliminer la concurrence. Au total, on n'arrive pas encore à un ordre de grandeur qui permettrait de dominer complètement le marché des édulcorants.

Dans l'immédiat, il n'apparaît pas très important de savoir si, en outre, la concurrence est possible en dehors des quotas, dans le secteur de l'isoglucose C, qui doit être exporté. En fait, elle ne semble pas devoir être complètement exclue, même s'il faut admettre qu'il existe ici certaines entraves telles que les obstacles aux importations qui sont le fait de quelques pays voisins, ou le régime des quotas institué par la Commission dans le règlement no 1630/79 (JO L 190 du 28 juillet 1979,
p. 38), qui ne permet une exportation qu'après l'épuisement des quotas A et B. Toujours est-il que les institutions communautaires — en ce qui concerne les problèmes techniques de transport et de stockage — pouvaient se référer au commerce extérieur effectif des sociétés Amylum et Roquette, et — abstraction faite des chiffres d'exportation cités à la page 26 du mémoire en réplique dans l'affaire 139/79 — il faut rappeler la possibilité, soulignée par la Commission, du régime de
perfectionnement actif, lequel n'est soumis à aucune restriction.

ce) Enfin, il est également difficile de soutenir que le régime des quotas a pour effet de placer l'isoglucose dans une situation sans issue par rapport au sucre, parce que la part qui lui est réservée sur le marché du sucre n'est que de 1,4 %. En l'occurrence, il n'importe pas tellement de savoir si l'isoglucose bénéficie effectivement d'un avantage en ce qui concerne les coûts de production. On sait que les requérantes le contestent au motif que, dans ses calculs, la Commission se serait basée
sur un taux de rendement trop bas pour les fabricants de sucre et n'aurait pas tenu compte non plus, lorsqu'elle a évalué les produits dérivés dans l'industrie de l'isoglucose, des coûts de production particuliers y afférents. Ce qui est essentiel au contraire, c'est qu'on aboutit à un pourcentage du marché considérablement plus élevé si on se limite au maché du sucre liquide avec un volume de 700000 tonnes en chiffres ronds, et cela même si on considère ce marché au sens large, c'est-à-dire
si on tient compte de ce que l'industrie des boissons utilise du sucre cristallisé liquéfié en grande quantité — apparemment 1,3 million de tonnes pour les boissons non alcoolisées. Si on pense en outre que l'isoglucose constitue une partie de la production d'amidon dans le cadre de puissants groupes financiers, et si on examine la capacité concurrentielle des différentes entreprises, on peut difficilement mettre en doute le fait qu'un certain minimum de concurrence reste assuré, également
par rapport au sucre, même s'il est certain que les quotas de base moyens des différents fabricants de sucre sont beaucoup plus importants.

d) Les moyens avancés en invoquant avant tout les articles 2 et 3, f) du traité ainsi que les principes structurels de la concurrence ne peuvent donc certainement pas aboutir à l'annulation du régime des quotas.

4. Sur la violation du principe de proportionnalité

Les requérantes déduisent en outre du principe de proportionnalité une série d'arguments à l'encontre du régime des quotas instauré pour l'insoglucose. D'après ce principe, déjà traité à de nombreuses reprises dans la jurisprudence, des mesures qui imposent une charge doivent être en rapport adéquat avec le but recherché. Des interventions administratives ne doivent pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but auquel on tend, et ne sont donc pas défendables si d'autres mesures
moins restrictives suffisent.

A ce sujet, les requérantes ont soutenu avant tout qu'un régime de quotas était le plus sévère de tous les moyens susceptibles d'être envisagés, car il s'accompagne de restrictions de la concurrence et porte atteinte au libre exercice d'une activité économique. A cet égard, le fait que le quota maximal soit limité à 85 % de la capacité de production annuelle, qui sert aussi au calcul du quota de base, est particulièrement grave; en effet, cette restriction empêche une production rationnelle, parce
qu'il n'est pas possible en pratique de produire de l'isoglucose C. En outre, les requérantes allèguent que si on apprécie ce régime en fonction du but poursuivi, qui est de stabiliser le marché et d'éviter l'accroissement du déséquilibre sur le marché du sucre, la mesure ne se prête que de manière limitée à cet effet, parce que l'isoglucose n'a pas l'influence redoutée au début, mais seulement une influence insignifiante sur le marché du sucre avec ses excédents. Enfin, toujours selon les
requérantes, si on ne perd pas de vue le fait que le problème du déséquilibre dans le secteur du sucre proprement dit a été lui-même provoqué par des mesures communautaires de fixation des prix et des quotas de sucre, lesquelles visaient exclusivement l'objectif cité à l'article 39, b) — le relèvement du revenu de la population agricole —, force est de conclure que la diminution en particulier des quotas de sucre pouvait constituer une mesure moins radicale.

Cet ensemble de questions appelle dans le détail les remarques suivantes:

a) Il faut souligner dès le départ — et ceci infirme l'ensemble de l'argumentation qui intéresse le cas d'espèce — que les quotas maximaux fixés pour l'isoglucose dans la Communauté pour la campagne 1979-1980 n'ont pas été épuisés, pas même par les requérantes. Le quota maximal total pour la Communauté était de 177000 tonnes, mais la production effective n'a été que de 166000 tonnes. Pour un quota maximal, d'environ 37000 tonnes, la requérante Maizena n'a produit que 32000 tonnes en chiffres ronds
et la société requérante Roquette 19625 tonnes pour un quota maximal de 20256 tonnes. La société requérante Roquette, dont la production a été très voisine de son quota maximal, n'a pas non plus pu prouver que ses produits ont fait l'objet d'une demande supplémentaire et sérieuse, ce qui aurait abouti à un accroissement de sa production si celui-ci avait été juridiquement possible. Cette seule raison suffit à montrer que le Conseil n'a pas adopté de mesure imposant une charge excessive.

Au demeurant, pour la société requérante Maizena, les quotas ont été fixés de manière incorrecte, semble-t-il, parce que, lorsqu'elle a déclaré sa capacité de production, cette société a déjà procédé à une déduction pour interruption de production due aux périodes de congés, aux jours fériés et aux travaux de réparation nécessaires, ce qui n'était pas justifié, d'après la définition du terme capacité annuelle de production, retenue par le Conseil. En conséquence, si, pour la société requérante
Maizena, on se base sur la capacité technique annuelle de production qui se montait apparemment, sans les interruptions de travail, à 46335 tonnes, qui, multipliées par 85 % donnent 39401 tonnes, l'application de l'article 9, paragraphe 2, aurait abouti à la fixation d'un quota de base de 28882 tonnes au lieu de 28000 tonnes ainsi qu'à celle d'un quota maximal de 36825 tonnes au lieu de 35700 tonnes. C'est donc à juste titre, à tout le moins sur ce point, que l'annexe II au règlement no 1293/79
est contestée, et il n'y a pas défaut d'intérêt à cet égard — bien que le quota maximal fixé n'ait pas été atteint — parce que la production effective a dépassé le quota de base et qu'en conséquence des cotisations à la production ont dû être versées.

b) Il faut également approuver le Conseil et la Commission lorsqu'ils affirment qu'on ne saurait dire a priori qu'un régime de quotas doit être considéré comme la mesure la plus drastique. La question de savoir quelle est, parmi plusieurs interventions envisageables dans e domaine de l'isoglucose, celle qui mérite cette qualification dépend assurément de la façon dont elle se présente dans le détail et des circonstances concrètes. Toujours est-il que, pour le présent cas d'espèce, il est
significatif que d'autres fabricants d'isoglucose, qui ont violemment attaqué le régime des cotisations précédemment en vigueur — lequel n'a pas été contesté par les actuelles requérantes — peuvent apparemment s'accommoder du régime des quotas.

Au demeurant, il y a lieu de faire brièvement remarquer ce qui suit à propos du droit invoqué par les requérantes au libre exercice d'une activité économique ainsi que sur la question de savoir si le régime es quotas les a empêchées de produire de façon rationnelle:

aa) Il ressort de la jurisprudence que le droit au libre exercice d'une activité professionnelle ne constitue pas une prérogative absolue au sens d'une limitation des interventions de l'administration; certaines restrictions doivent être acceptées dans l'intérêt public. Le droit en question est limité par les objectifs d'intérêt général poursuivis par la Communauté; nous renvoyons à cet égard aux arrêts du 14 mai 1974 dans l'affaire 4/73 (Nold/Commission, Recueil 1974, p. 491) et du 13 décembre
1979 dans l'affaire 44/79 (Hauer/Land de Rhénanie-Palatinat). En l'espèce, le régime des quotas n'empêche pas l'accès à une activité au sens de libre choix d'une profession, tout à fait indépendamment de ce que cette activité ne constitue qu'un des nombreux secteurs de l'industrie de l'amidon. Dans ce contexte, il est certainement intéressant de noter la mention faite par le Conseil de l'article 36 de la loi allemande sur le lait et son interdiction d'imiter le lait et les produits laitiers à
des fins alimentaires, ainsi que l'arrêt rendu à cet effet le 28 février 1977 par le Bundesverfassungsgericht (1 BvR 260/75). Cet arrêt qualifie l'interdiction précitée de réglementation légale de l'exercice d'une activité professionnelle, justifiée par des motifs d'intérêt général, objectifs et raisonnables — maintien de la rentabilité de l'agriculture. Il ne faut pas oublier en l'occurrence que le régime qu'il s'agit d'apprécier ici ne va absolument pas aussi loin.

bb) En ce qui concerne d'autre part le problème de l'entrave apportée à une production rationnelle, parce qu'il n'est pas possible de produire en pratique de l'isoglucose C, nous avons déjà dû constater dans un autre contexte qu'il était difficile d'admettre que pour des raisons techniques et économiques l'exportation de ce produit était complètement exclue. Mais, dans la mesure où on a fait valoir qu'une entrave résulte du fait que, d'après le règlement no 1630/79 de la Commission, des
certificats à l'exportation ne devaient être accordés qu'après l'expiration des quotas A et B, il ne faut pas oublier que la présente procédure ne concerne que l'appréciation du règlement no 1293/79 du Conseil, lequel ne prévoit pas de telles limitations.

c) Il faut en outre répliquer aux sociétés requérantes qu'elles n'ont pas défini correctement les objectifs de la mesure litigieuse, objectifs qui sont décisifs pour apprécier la légalité de la mesure au regard du principe de proportionnalité.

En fait, il ne s'agit pas seulement et il ne s'agit pas au premier chef du désir de stabiliser le marché, c'est-à-dire de demander aux producteurs d'isoglucose de contribuer à décharger le marché du sucre de ses excédents. Si on considère le régime dans son contexte global — le règlement no 1111/77, qui a été modifié par le règlement no 1293/79, se réfère clairement à l'organisation du marché du sucre instituée par le règlement no 3330/74 —, il apparaît nettement que l'objectif prioritaire est la
protection de l'agriculture et l'assurance d'un niveau de vie équitable pour les betteraviers et que l'objectif qui consiste à garantir la sécurité des approvisionnements joue lui aussi un rôle. Il est donc correct de se demander si ces objectifs seraient menacés si des mesures efficaces n'étaient pas prises à temps dans le secteur de l'isoglucose.

A cet égard, il ne faut pas oublier l'évolution qu'a connue en rait la production d'isoglucose: amorcée dans la Communauté en 1974/75, la production est passée de 70000 tonnes en 1976 à 81000 tonnes en 1976-1977, à 103000 tonnes pour la campagne 1977-1978 et à 139000 tonnes en chiffres ronds pour la campagne 1978-1979. Lorsque la mesure attaquée était en cours d'élaboration, il existait dans plusieurs États membres des projets visant à créer de nouvelles capacités de production considérables, de
sorte qu'il fallait s'attendre par principe à un nouveau développement rapide de la production. L'industrie de l'isoglucose elle-même avait déjà admis qu'il y aurait en 1980 une capacité de production de 1 million de tonnes. Aux Etats-Unis et au Japon, la part de marché de l'isoglucose est de 13 %. Nous rappellerons en outre l'observation faite pendant la procédure, selon laquelle pour couvrir les besoins communautaires en coca-cola, il faudrait doubler les quotas maximaux de tous les
producteurs. Il y avait donc bel et bien lieu de supposer que, si la production pouvait se développer librement après la suppression du régime des cotisations, I'isoglucose conquerrait une part considérable du marché des edulcorants, dont il faudrait nécessairement tenir compte et, partant, grossirait les excédents très importants qui existaient à l'époque et qui existeront encore dans un avenir prévisible. Cela aurait certainement eu — la Commission parle à cette occasion également d'un risque
de pression politique — des répercussions sur l'organisation du marché du sucre dans le sens d'une restriction considérable de la culture de betteraves due à la diminution des quotas et des prix. Il aurait donc fallu s'attendre — étant donné que l'isoglucose ne profite à l'agriculture que de façon marginale — à une dégradation sensible des revenus de la partie de la population agricole qui pratique la culture de la betterave et pour laquelle on ne voit à l'heure actuelle aucune production de
remplacement qui soit raisonnable et qui ne concerne pas de même des domaines excédentaires. Cela n'aurait pas garanti non plus de la même manière la sécurité des approvisionnements que l'organisation du marché du sucre garantissait, même pendant les périodes de pénurie , car il ne faut pas oublier qu'actuellement — aucune modification n'est en vue — l'isoglucose est fabriqué principalement à partir de maïs importé.

Dans cette optique — ici, il y a lieu encore une fois de rappeler également que, d'après la jurisprudence, la conciliation des objectifs énumérés à l'article 39 est une question relevant du pouvoir d'appréciation —, nous pensons qu'on ne saurait qualifier d'erroné et d'excessif le fait de faire face à une menace d'aggravation de la situation excédentaire qui existe sur le marché du sucre, non seulement par des mesures prises dans le secteur du sucre, mais encore par des mesures d'accompagnement
prises dans le secteur d'un produit de substitution, d'autant plus que ces mesures n'ont fait que freiner le développement de ce produit — sans attaquer ses positions actuelles.

d) Si, après toutes ces remarques, il n'y a certainement pas lieu de parler d'une violation du principe de proportionnalité, il n'est plus nécessaire de nous étendre longuement sur un certain nombre d'autres arguments que les sociétés requérantes ont avancés également dans ce contexte.

aa) Ainsi est-il manifeste que les dispositions litigieuses n'ont pas été adoptées au mépris de l'objectif cité à l'article 39 d) (garantie de la sécurité des approvisionnements). Lorsque les requérantes disent à cet égard que l'isoglucose a une valeur qu'il ne faut pas sous-estimer en cas de crises structurelles du marché du sucre, on peut leur répliquer que ces considérations n'ont pas joué, à juste titre, lors de l'adoption de mesures dont la durée de validité était d'un an et à une époque à
laquelle il existait sur le marché du sucre des excédents considérables — dont il était prévisible qu'ils subsisteraient.

bb) Lorsque les requérantes font valoir que la situation excédentaire a été provoquée par la politique suivie par la Communauté dans le secteur du sucre et que, pour cette raison, on est tenté de penser à des mesures moins drastiques dans le secteur du sucre, leur argumentation est déjà erronée au départ. En réalité, la politique communautaire ne conduit pas à des excédents de sucre chroniques; au contraire, le régime des quotas a fait ses preuves dans l'ensemble et il a conduit à des limitations
effectives de la production, ce qui est attesté par le fait que, dans les années 1974 à 1976, la production s'est située à un niveau satisfaisant par rapport à la consommation. La réapparition récente des excédents précités s'explique en grande partie par es obligations qu'a la Communauté d'importer du sucre ACP, mais aussi par un recul inattendu de la consommation et par un accroissement des rendements à l'hectare.

D'autre part, il ne faut pas oublier que des mesures restrictives ont été effectivement prises dans le secteur du sucre également. C'est ainsi que les quotas maximaux pour la campagne 1978-1979 ont été diminués et que les prix d'intervention n'ont été augmentés que très récemment, dans une proportion si faible (2 %) qu'elle entraîne une diminution des revenus, parce qu'une telle augmentation ne correspond pas à l'évolution inflationniste des coûts. Mais les arguments importants de politique
agricole qui ont été cités, à savoir ceux qui allaient dans le sens de l'article 39 b) ont certainement milité contre des mesures allant encore plus loin, qui seraient nécessaires si l'on devait renoncer provisoirement à des interventions dans le secteur de l'isoglucose. A ce sujet, le fait que le quota B dans le secteur du sucre a la fonction particulière de promouvoir la spécialisation régionale, fonction qui manque sûrement en ce qui concerne l'isoglucose, joue également un rôle; son
calcul peut donc précisément revêtir de l'importance pour les agriculteurs qui sont au seuil de la rentabilité. Pour ce qui est des quotas de sucre A, dont la i minution a également été envisagée par les requérantes, le principe de la confiance légitime plaide contre une modification Drutale et drastique avant l'expiration du régime qui, à l'origine, a été mis en place pour une période plus longue.

ce) Enfin, en ce qui concerne également les modalités du calcul des quotas pour l'isoglucose, il n'y a pas lieu de reconnaître que le principe de proportionnalité pourrait être violé.

— Sur le plan des principes, il n'y a certainement pas lieu de contester le fait que le calcul de ce quota soit rattaché à une période de référence, ce qui apparaît au contraire judicieux. Une telle façon de procéder est d'ailleurs habituelle en droit communautaire, également pour d'autres domaines — par exemple dans les régimes des pêcheries ou lors de la fixation de quotas d'importation — et constitue certainement, du point de vue objectif, un moyen approprié lorsqu'il s'agit de freiner le
développement d'une activité déterminée. En ce qui concerne le choix concret de la période de référence également, on peut difficilement parler d'une faute d'appréciation. Lorsque les requérantes font valoir à cet égard qu'à cette époque, elles n'étaient pas encore en mesure de produire librement parce que des restrictions à l'utilisation de l'isoglucose étaient en vigueur dans un certain nombre d'États membres et parce que, même après l'arrêt du 25 octobre 1978, l'incertitude régnait
encore en ce qui concerne le régime de l'isoglucose qui serait susceptible de s'appliquer et lorsqu'elles font valoir que la période de référence est en outre trop courte, parce que la production d'isoglucose est sujette à des variations saisonnières, il faut constater tout d'abord que les requérantes n'ont rien produit pour étayer leur affirmation selon laquelle elles auraient dû limiter leur production en raison du régime de cotisations précédemment appliquable et qu'il est certain — en
tout cas après que l'arrêt précité eut été rendu — qu'une cotisation du montant primitivement prévu n'était plus légale. D'autre part, il est hors de doute que la période de référence commençant en novembre 1978 — c'est ce que montre l'accroissement rapide de la production — doit être considérée comme la periods la plus favorable pour les requérantes et que le choix d'une période de référence plus longue aurait abouti à un résultat plus défavorable, en raison du démarrage tardif de la
production de l'isoglucose dans la Communauté.

— Pareillement, le calcul des quotas en fonction des périodes de référence ne peut pas, lui non plus, donner prise à la critique. Il suffit à cet égard d'indiquer que, pendant la campagne 1978-1979, les requérantes ont produit effectivement 17350 tonnes pour la société Roquette et 31092 pour la société Maizena, alors que leurs quotas maximaux s'élevaient respectivement à 20256 et 35700 tonnes, ce qui aurait permis une certaine extension de la production. Dans la mesure où les requérantes
déplorent en outre l'absence d'une certaine flexibilité dans le régime des quotas, il faut cependant remarquer que celle-ci ne devait pas apparaître indispensable pour un régime limité à un an.

— Enfin, il n'y a rien à redire non plus à la prise en compte prévue de la capacité annuelle de production. En réalité, la limitation qui en est résultée n'est pas intervenue, comme le pensent les requérantes, compte tenu d'un avantage revenant à l'isoglucose à concurrence de 15 % du prix d'intervention pour le sucre, dont il a été question lors de précédentes affaires. Au contraire, cette partie de la réglementation a avant tout pour fonction de compenser certaines contingences de la
production antérieure, c'est-à-dire d'empêcher que ne soient favorisées les entreprises qui ont commencé leur production plus tôt et qui l'ont déveoppée plus largement. En outre, nous avons déjà montré qu'une production rationnelle n'était aucunement exclue du fait de ces dispositions.

Mais, lorsque la société requérante Roquette fait également valoir dans ce contexte que le régime aboutit à désavantager les entreprises qui se sont montrées prudentes dans le développement de eurs capacités de production et qu'il empêche — parce qu'il ne tient compte que des capacités existantes — que des projets visant à étendre la capacité (de production) tels que ceux qui existaient en ce qui la concerne sur la base d'une décision du conseil d'administration de décembre 1978 soient pris en
compte, on peut lui réprondre à juste titre que de telles considérations avaient difficilement leur place dans une réglementation qu'il fallait adopter rapidement et qui était valable un an, abstraction faite de ce qu'ainsi — parce qu'il aurait fallu tenir compte des motifs à la base des dispositions internes des entreprises — la réglementation aurait ouvert la voie à des éléments de spéculation, voire d'arbitraire.

e) Au total, on peut donc dire — sans préjudice des remarques sur le calcul du quota applicable pour la société Maizena — que le régime litigieux ne peut certainement pas non plus être mis en échec en invoquant le principe de proportionnalité.

5. Sur la violation du prìncipe de l'égalité de traitement

Il reste encore à examiner le grief selon lequel la mesure attaquée porte également atteinte à l'interdiction de discrimination entre les producteurs, qui est énoncée à l'article 40, paragraphe 3, du traité CEE et à propos de laquelle il est établi qu'elle correspond à un principe général du droit qui s'impose également en droit communautaire. Il s'agit à cet égard de savoir si les fabricants d'isoglucose ont fait l'objet d'une discrimination par rapport aux fabricants de sucre et si on peut parler
d'une discrimination entre les parties requérantes et les autres fabricants d'isoglucose.

a) En ce qui concerne d'abord la prétendue discrimination par rapport aux fabricants de sucre, les requérantes font valoir que le régime attaqué aboutit à un déséquilibre dans la concurrence et empêche la part respective du marché de se déterminer par rapport aux efforts faits sur le plan de la compétitivité. Pour le sucre, le régime des quotas a été défini à partir de conditions qui n'existent pas dans le cas de l'isoglucose, parce que ce secteur a, en effet, connu depuis toujours des interventions
des administrations nationales; il y a cependant lieu de constater que le régime du sucre n'a vu le jour qu'après une activité de production de plusieurs décennies qui a permis d'atteindre une pleine productivité, alors qu'un régime correspondant a été institué pour l'isoglucose dès le stade initial de la production, ce qui a eu pour conséquence de priver ce produit d'une possibilité de développement. En outre, es requérantes font valoir que pour le sucre une période de référence de cinq ans
était applicable, que dès le départ les quotas se sont situés au-dessus du volume de production normal et qu'ils ont été encore augmentés par le règlement no 3330/74; pour l'isoglucose, en revanche, la production est avant tout limitée selon la capacité annuelle. De plus, le régime du sucre présente une certaine flexibilité que le régime de l'isoglucose ne comporte pas: les quotas peuvent être cédés, ils peuvent être réduits et utilisés à d'autres fins par les États membres. Surtout,
contrairement au sucre, l'isoglucose ne bénéficie pas d'avantages compensateurs tels que la garantie de vente et les possibilités d'exportation. Étant donné que tous ces éléments qui contribuent à l'inégalité de traitement ne trouvent pas de justification objective, les représentants estiment qu'il y a effectivement lieu de parler de iscrimination.

aa) La considération mentionnée en premier lieu dissimule de toute évidence la prétention de voir laisser provisoirement le champ libre à la production d'isoglucose afin qu'elle puisse conquérir, par le jeu de la concurrence, une juste part du marché. Ce point de vue avait déjà dû être rejeté dans un précédent contexte. A cet égard, il y a lieu de rappeler que les fabricants d'isoglucose exercent leur activité dans un domaine dans lequel la réglementation communautaire a créé, au moyen de
contraintes sévères imposées à l'industrie du sucre, des conditions de vente avantageuses qui bénéficient en tout état de cause à l'isoglucose: le prix de l'isoglucose, comme vous le savez, s'oriente sur celui du sucre. Compte tenu des restrictions à la production applicables au sucre et des excédents qui existent néanmoins pour ce produit, les fabricants d'isoglucose ne pouvaient donc pas s'attendre à ce que leur produit de substitution, qui contribue à l'accroissement des excédents, puisse
accéder librement au marché. En outre, il est manifestement erroné de supposer que le régime contesté a pour finalité de figer les conditions de concurrence. Comme nous l'avons vu, il permet parfaitement une certaine possibilité de développement de l'isoglucose. ïl ne faut pas non plus oublier qu'il ne s'agit que d'un régime transitoire d'un an qui ne préjuge pas du régime définitif.

Il est donc difficile de critiquer valablement le régime des quotas prévu par le règlemerat ao 1293/79, en invoquant les condooms de coiscoainrencie en liaison avec le principe de l'égalité de traitement. A cet égard on peut ici laisser ouverte la question de savoir si le régime pouvait être également maintenu sans modifications pendant plusieurs années ou s'il doit être amélioré d'une manière appropriée — le cas échéant même au détriment du secteur sucrier — après l'expiration de la durée de
validité de l'organisation du marché du sucre actuellement en vigueur, laquelle, pour diverses raisons que nous avons déjà indiquées, ne pouvait pas être modifiée de façon brusque et radicale.

bb) Les requérantes invoquent une discrimination, d'une part, parce qu'on a institué pour l'isoglucose un régime de quotas qui correspond en substance à celui du marché du sucre. Des situations différentes seraient à tort traitées de manière identique.

Sur ce moyen, nous nous bornerons à dire ici qu'il est erroné de supposer que le régime des quotas du sucre ne peut s'expliquer que par le passé. Au contraire, il a actuellement pour fonction d'endiguer la surproduction à laquelle — comme d'autres procédures nous l'ont montré — le choix du niveau des prix communautaires aurait indéniablement abouti dès l'instauration de l'organisation commune des marchés. Mais, comme l'isoglucose produit des effets dans le même sens, on ne saurait par
principe contester le fait qu'il ait donné lieu à une réglementation qui s'inspire de l'organisation du marché du sucre et sans les avantages de laquelle une production rentable d'isoglucose ne serait probablement même pas possible.

Au reste, nous serons amené à montrer par la suite — nous nous bornerons ici à citer le mot clé «préférence communautaire» utilisé dans l'arrêt 116/77 (G. R. Amylum NV/Conseil et Commission, rendu le 5 décembre 1979) — que le fait d'avoir établi la réglementation de l'isoglucose sur le modèle de celle applicable au sucre ne saurait être considéré comme une discrimination en dépit de différences indéniables dans les positions de départ. A cet égard, il n'est pas possible de retenir l'argument
selon lequel la préférence communautaire au détriment du maïs produirait son effet dès la perception du prélèvement et ne pourrait donc pas jouer de nouveau. Le prélèvement constitue en effet une mesure de protection du marché du maïs et des céréales et n'a aucun rapport avec le fait qu'une certaine priorité puisse être accordée à un produit agricole parmi d'autres dans le cadre du traitement dont il fait l'objet dans une organisation commune des marchés: les organes communautaires parlent à
juste titre ici, à la lumière de l'arrêt rendu dans l'affaire 166/78 — (gouvernement de la République italienne/Conseil, rendu le 12 juillet 1979, Recueil 1979, p. 2575) — d'une option dans le cadre d'un large pouvoir discrétionnaire.

ce) Dans la mesure où les requérantes invoquent par ailleurs une discrimination au regard d'un certain nombre de différences déjà relevées dans les régimes applicables à l'isoglucose, d'une part, et au sucre, d'autre part, c'est-à-dire du fait du traitement inégal de situations identiques, il convient de faire tout d'abord les remarques suivantes:

— Manifestement il n'était pas possible, lors du choix et de la fixation de la période de référence applicable, de procéder pour l'isoglucose de la même manière que pour le sucre où il s'agissait de la production moyenne de plusieurs années. Cela, pour la simple raison que la production d'isoglucose dans la Communauté n'a commencé qu'à partir de 1974-1975 et s'est développée lentement, de sorte qu'une moyenne portant sur plusieurs années aurait certainement constitué un critère défavorable
pour les requérantes et d'autres producteurs. Même s'il faut d'autre part également reconnaître que certains effets négatifs ont pu encore se produire pendant la période de référence effectivement choisie pour l'isoglucose, il n'en demeure pas moins certain que la période choisie doit être considérée comme la plus favorable de toutes celles qui entraient en ligne de compte.

— Quant au calcul des quotas, force est de reconnaître incontestablement que, lors de l'institution de l'organisation commune du marché, il était plus avantageux pour le sucre; en effet, la production de référence s'élevait à 5,95 millions de tonnes et les quotas de base pour la campagne 1968-1969 atteignaient 6,48 millions de tonnes auxquels s'ajoutaient encore des quotas B à concurrence de 35 % des quotas de base. En outre, il y a lieu d'admettre non seulement que les quotas pour la
campagne 1974-1975 ont été augmentés par le règlement no 330/74, mais également que le régime comporte, contrairement à celui de l'isoglucose, une certaine flexibilité parce qu'il prévoit que les quotas peuvent être cédés et qu'ils peuvent être réduits pour être attribués à d'autres entreprises.

Or, d'une part, on ne saurait à cet égard négliger les différences existant dans les positions de départ. Tant la campagne de 1968-1969 que celle de 1974-1975 ont été marquées par une certaine pénurie de sucre — dans la période citée en dernier lieu, apparemment parce que les États ACP n'ont pas pu livrer comme prévu, —, ce qui a incité à soutenir la production communautaire. En 1979, au contraire, lors de l'adoption du régime de l'isoglucose, il existait une situation excédentaire qui ne
tolérait certainement pas le même libéralisme mais exigeait plutôt des mesures, restrictives. D'autre part — et cela concerne la limitation de a production d'isoglucose en fonction des capacités de production —, il convient de tenir compte du fait que cette mesure avait pour fonction essentielle de corriger l'incidence de la cotisation à la production sur l'activité de production et d'établir un certain équilibre dans la production d'isoglucose. De telles considérations n'auraient,
semble-t-il, pas été justifiées dans le secteur du sucre.

Pour ce qui est, au reste, de la flexibilité dont le régime d'isoglucose est dépourvu, il a été souligné à juste titre que le règlement no 3331/74, déterminant en l'occurrence, constitue une mesure spécifiquement adaptée aux besoins du secteur betteravier; ce secteur comporte un grand nombre de producteurs de betteraves et de fabriques de sucre, et il y a lieu de prendre les précautions qui s'imposent aux fins des ajustements régionaux nécessaires en fonction des objectifs de l'article 39.
A cet égard, la situation des intérêts en présence dans le secteur de l'isoglucose, qui ne compte que six fabricants dans la Communauté est différente. En outre, il ne s'agit dans le cas du régime de l'isoglucose que d'une mesure transitoire applicable à une seule campagne. Compte tenu d'une telle limitation dans le temps, il n'était pas nécessaire d'envisager dès le départ une certaine flexibilité. Si elle devait s'avérer nécessaire par la suite, il en sera sans doute tenu compte, puisque
les organes communautaires ont effectivement assuré au cour de la procédure que les problèmes découlant de situations en évolution seraient dûment pris en compte dans le cadre d'un régime applicable à plus long terme.

— Enfin — en ce qui concerne l'absence d'une garantie de prix et d'une garantie de vente ainsi que le problème de la restitution à l'exportation —, les trois considérations suivantes revêtent de l'importance pour la question de l'égalité de traitement:

des restitutions à l'exportation sont également prévues pour l'isoglucose, pour autant qu'il s'agisse aussi de produits de transformation, et il ne nous semble guère convaincant d'alléguer l'absence de toute possibilité d'exportation — dans la mesure, en tout cas, où il s'agit du régime examiné en l'espèce. La Commission a d'ailleurs assuré qu'elle était disposée à étendre le cas échéant le régime des restitutions. Au reste, nous avons appris, au sujet de la remarque critique faite dans ce
contexte par la requérante Maizena selon laquelle une teneur minimum de 41 % en fructose s'applique aux fins de la restitution à l'exportation alors qu'une teneur de 10 % en isoglucose est également prise en considération dans le cadre du régime des quotas, que le premier pourcentage correspondait à la concentration que l'on rencontre normalement dans le commerce, tandis que le second pourcentage avait été fixé pour empêcher d'éventuelles tentatives de tourner la réglementation; on ne peut
donc pas dire qu'il s'agit là d'une exigence rendant les exportations plus difficiles.

L'isoglucose bénéficie ensuite aussi d'une sorte de garantie des prix — du moins indirectement. En effet, — comme d'autres procédures nous l'ont appris — son prix s'oriente en fonction du prix d'intervention du sucre et bénéficie ainsi du régime de prix avantageux applicable pour ce dernier produit.

Si, d'autre part, une garantie de vente fait défaut pour l'isoglucose, il faut tenir compte du fait que l'isoglucose ne connaît pas d'excédents et apparemment pas non plus de difficultés d'écoulement. Il convient de ne pas oublier non plus que le sucre liquide, auquel l'isoglucose est surtout comparable, ne bénéficie également que de garanties indirectes, parce que les prix d'intervention s'appliquent au sucre cristallisé. Les institutions communautaires ont, en outre, rappelé à juste titre
que l'intervention se limite aux produits susceptibles de stockage, c'est-à-dire dans le cas de l'isoglucose aux matières premières, dans le cas des betteraves au produit final qu'est le sucre. Par ailleurs, elles ont souligné que les garanties de prix et de vente sont en réalité destinées aux producteurs de betteraves. L'organisation du marché suppose en effet — l'intervention ne s'applique qu'au sucre produit à partir de betteraves ou de cannes à sucre récoltées à l'intérieur de la
Communauté — que la garantie de prix soit répercutée sur les producteurs de betteraves, alors qu'on ne saurait supposer que les avantages dont bénéficient les fabricants d'isoglucose profitent aux producteurs de maïs de la Communauté.

dd) Il faut enfin reconnaître encore — ce qui est en définitive déterminant dans le contexte actuel — que, dans la mesure où on peut parler de différences qui ne s'expliquent pas entièrement par des différences objectives dans la situation de départ, la différenciation constatée est parfaitement justifiable.

A cet égard, nous songeons dans une moindre mesure à l'affirmation selon laquelle les fabricants d'isoglucose bénéficieraient, par rapport aux fabricants de sucre, d'avantages dans les coûts de production. En effet, les calculs effectués sur ce point par la Commission ont été contestés dans le détail par les requérantes sans que la procédure ait permis de parvenir à une clarification définitive de cet aspect.

Nous songeons plutôt à l'idée de la préférence communautaire que nous avons déjà mentionnée et qui, d'après la jurisprudence, a été, à juste titre, prise en considération au profit des producteurs de betteraves sucrières. En outre, l'isoglucose qui est actuellement et sera, sans doute, dans un avenir plus ou moins rapproché, fabriqué essentiellement à partir de maïs importé — parce qu'aucune modification fondamentale n'est perceptible — bénéficie d'avantages dont il faut tenir compte dans
l'appréciation de la situation d'ensemble.

C'est ainsi qu'il ne faut pas nécessairement payer un prix uniforme pour le maïs, dans la mesure où il est importé. Le fait que l'isoglucose soit produit sans interruption pendant toute l'année et que l'approvisionnement en matières premières puisse être entièrement planifié en fonction des besoins des fabricants et de leurs calculs des coûts, revêt également de l'importance. Par ailleurs, les fabricants d'isoglucose peuvent choisir au mieux leur lieu d'établissement. Surtout, ils tirent
encore un avantage des quotas B qui leur sont alloués, d'une part, parce que ceux-ci donnent lieu à une cotisation moins élevée que celle qui est applicable au secteur du sucre et, d'autre part, parce qu'ils ne jouent à vrai dire aucun rôle dans le cadre du régime de l'isoglucose.

En revanche, dans le cas des fabricants de sucre, il faut tenir compte du fait que les contrats de livraison passés avec les producteurs de betteraves qui bénéficient de prix minima sont conclus avant l'ensemencement et que les accords par branches doivent inclure la clause aux termes de laquelle la totalité de la production de betteraves doit être enlevée, ce qui aboutit à restreindre considérablement la liberté des transactions commerciales. Il importe également de constater qu'il existe
une certaine contrainte dans le choix du lieu d'établissement et que la période de transformation se concentre sur une partie de l'année; à cet égard, on peut difficilement faire valoir que cette situation est entièrement compensée par le fait que l'isoglucose n'est pas de la même manière susceptible de stockage. Enfin, les fabricants de sucre sont soumis à une obligation de stockage minimum — que les fabricants d'isoglucose ne connaissent pas — et qui constitue certainement, elle aussi, une
charge considérable.

ee) L'ensemble de ces considérations permet, à notre avis, de constater qu'il ne peut pas être question d'une inégalité de traitement illégale et discriminatoire des fabricants d'isoglucose par rapport aux fabricants de sucre.

b) Au sujet de l'inégalité de traitement entre les requérantes et les autres fabricants d'isoglucose, il faut d'abord rappeler que ce grief s'appuie en substance sur l'affirmation selon laquelle on aurait fixé des quotas qui ne reflètent pas la concurrence potentielle et qui ne peuvent pas être modifiés par le jeu de la concurrence. On aurait appliqué à cet égard une période de référence qui, après une période de production de seulement trois ans, devrait être considérée comme arbitraire, notamment
parce qu'elle désavantage les entreprises opérant avec prudence. En outre, il ne serait pas justifié de partir de capacités de production qui constituent le résultat de décisions internes fortuites. Dans le cas de la société requérante Roquette, le résultat aurait été qu'elle n'a pas pu profiter de la suppression de l'interdiction d'utilisation dont l'isoglucose était frappé en France, suppression qui avait été décidée avec effet au mois d'août 1979, précisément au regard des enzymes utilisés par
la société Roquette.

Nous avons cependant l'impression qu'en définitive, ces arguments ne résistent pas, eux non plus, à l'examen.

Tout d'abord, il y a lieu de souligner également dans ce contexte le fait que le régime des quotas applicable à l'isoglucose a dû être élaboré assez rapidement et que sa durée de validité était limitée à une campagne. Il est clair que, dans ces conditions — à la différence, peut-être, de ce qui est concevable lors de l'élaboration du régime définitif —, il n'a pas été possible de traiter dans le détail des aspects aussi problématiques que la concurrence potentielle ou les plans d'investissement
dont on peut, au reste, considérer en principe qu'ils comportent le risque d'arbitraire, dans la mesure où il s'agit à cet égard de spéculations.

Les institutions communautaires avancent aussi à juste titre, à notre avis, le point de vue selon lequel la période de référence n'a pas été choisie arbitrairement, mais avec circonspection de façon à limiter autant que possible les effets restrictifs sur la production. Ici comme en ce qui concerne les capacités de production devant entrer en ligne de compte, on a utilisé des données parfaitement objectives qui ont évolué en fonction d'une situation juridique indentique pour tous les intéressés;
en effet, l'appel à la modération dans la production d'isoglucose, lancé par la Communauté et qui a été évoqué au cours de la procédure, s'adressait avec la même insistance à toutes les entreprises. Dans la mesure où il existe effectivement des différences, on peut tout au plus parler de cas fortuits dans la mesure où les dispositions commerciales différentes adoptées par les entreprises peuvent être qualifiées de fortuites. A notre avis, le principe de l'égalité de traitement n'a pas, en tout
cas, pour fonction de maintenir un équilibre dans ce contexte et d'éviter un prétendu désavantage aux entreprises qui opèrent avec prudence. Enfin, lorsque la requérante Roquette a encore évoqué l'interdiction d'utilisation de l'isoglucose appliquée antérieurement en France et son abrogation avec effet au mois d'août 1979, il a été souligné à juste titre à cet égard qu'aucun motif ne justifiait que l'on en tienne particulièrement compte au profit de la requérante Roquette, puisqu'il n'y avait pas
lieu de considérer le marché français comme son domaine réservé. Il s'agit là, en effet, d'un élément dont il convient de tenir compte de la même manière pour toutes les entreprises et il est, au reste, intéressant de noter à cet égard que la requérante Roquette a exporté l'essentiel de sa production, même après le mois d'août 1979: il semble que d'autres marchés étaient plus intéressants pour elle.

c) En conséquence, il est dans l'ensemble bien établi que le régime des quotas attaqué ne peut pas non plus être mis en cause en invoquant l'interdiction de discrimination.

III — En résumé, nous sommes amenés à constater que les recours formés par Roquette et Maizena sont donc recevables et fondés pour violation de l'article 43, paragraphe 2, du traité CEE par le règlement no 1293/79. Par conséquent, nous proposons de déclarer nulles et non avenues les dispositions contestées du règlement no 1293/79, mais de les considérer comme définitives, en application de l'article 174, paragraphe 2 du traité CEE, pour la durée de validité du règlement no 1293/79, sous réserve que
l'annexe II du règlement précité soit rectifiée en tenant compte de la capacité technique annuelle effective de la requérante Maizena.

Nous concluons, par ailleurs, à ce que les frais des parties requérantes et du Parlement européen soient mis à la charge du Conseil. En tant que partie intervenante à l'appui du Conseil, la Commission doit supporter ses propres frais.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 138/79.
Date de la décision : 18/09/1980
Type de recours : Recours en annulation - fondé

Analyses

Affaire 138/79.

Maizena GmbH contre Conseil des Communautés européennes.

Affaire 139/79.

Isoglucose - Quotas de production.

Sucre

Agriculture et Pêche


Parties
Demandeurs : SA Roquette Frères
Défendeurs : Conseil des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: Mackenzie Stuart

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1980:213

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