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08/07/1980 | CJUE | N°795/79

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 8 juillet 1980., Handelsmaatschappij Pesch & Co. BV contre Hoofdproduktschap voor Akkerbouwprodukten., 08/07/1980, 795/79


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 8 JUILLET 1980

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

I —  Du 19 novembre 1976 au 18 octobre 1977, la société Pesch de Voort-.huizen, Pays-Bas, a exporté au Royaume-Uni plusieurs lots d'amidon précuit de maïs, contenant 5 % de chlorure de calcium et 5 % de chlorure de magnésium. Elle achète ce produit directement chez un fabricant néerlandais et le revend ensuite, aux Pays-Bas et ailleurs, à des fabricants d'aliments pour le bétail, qui le mélangent à de la poudre de

lait écrémé ou le lactosérum pour
...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 8 JUILLET 1980

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

I —  Du 19 novembre 1976 au 18 octobre 1977, la société Pesch de Voort-.huizen, Pays-Bas, a exporté au Royaume-Uni plusieurs lots d'amidon précuit de maïs, contenant 5 % de chlorure de calcium et 5 % de chlorure de magnésium. Elle achète ce produit directement chez un fabricant néerlandais et le revend ensuite, aux Pays-Bas et ailleurs, à des fabricants d'aliments pour le bétail, qui le mélangent à de la poudre de lait écrémé ou le lactosérum pour

servir, sous le nom de «Denkavit», à l'alimentation des veaux.

Ce produit est régi par la réglementation sur les montants compensatoires monétaires, c'est-à-dire que son exportation d'un État à monnaie valorisée à destination d'un État à monnaie dépréciée et que son importation dans un État à monnaie dépréciée en provenance d'un État à monnaie valorisée ouvrent droit à l'octroi de montants compensatoires.

A sa sortie des Pays-Bas, État à monnaie forte, le produit a été classé par les autorités douanières dans la sous-position tarifaire 35.05 A. Celle-ci, qui fait partie de la section VI du tarif douanier commun («Produits des industries chimiques et des industries connexes»), chapitre 35 («Matières albuminóides; colles; enzymes»), est définie comme suit:

«Dextrine; amidons et fécules solubles ou torréfiés».

Tout en ne relevant pas de l'annexe II du traité, les marchandises tombant dans cette sous-position sont considérées par le règlement du Conseil no 1059/69 du 28 mai 1969 comme résultant de la transformation de produits agricoles et, à ce titre, sont couvertes par le régime des montants compensatoires monétaires.

En revanche, lors de son entrée au Royaume-Uni, les autorités compétentes de cet État ont estimé, suivant les constatations opérées par l'expert chimiste du gouvernement, qu'en raison de sa composition et de sa destination ce produit devait être classé dans la sous-position 23.07 B le) 1.

Celle-ci, qui fait partie de la section IV du tarif douanier commun («Produits des industries alimentaires ...»), chapitre 23 («Résidus et déchets des industries alimentaires; aliments préparés pour animaux»), est ainsi définie:

«Préparations fourragères mélassées ou sucrées; autres préparations du genre de celles utilisées dans l'alimentation des animaux:

autres (produits), contenant, isolément ou ensemble, même mélangés avec d'autres produits, de l'amidon ...

d'une teneur en poids d'amidon ... supérieure à 30 % :

ne contenant pas de produits laitiers ou d'une teneur en poids de produits laitiers inférieure à 10 %.»

Les préparations de ce type sont également couvertes par le régime des montants compensatoires au titre du «secteur des céréales», mais le taux de ces montants était inférieur de près de moitié à celui qui était applicable aux amidons solubles.

L'article 2 bis du règlement no 974/71, tel que modifié par le règlement du Conseil no 1112/73 du 30 avril 1973, prévoit que :

«lorsqu'un produit exporté d'un État membre a été importé dans un État membre devant octroyer un montant compensatoire à l'importation, l'État membre exportateur peut, en accord avec l'État membre importateur, payer le montant compensatoire qui devrait être octroyé par cet État membre importateur. Dans ce cas, aucun montant compensatoire n'est octroyé par l'État membre importateur pour les produits provenant de l'État membre en question....»

Le royaume des Pays-Bas ayant indiqué à la Commission qu'il entendait faire usage de la faculté visée ci-dessus pour ses exportations vers le Royaume-Uni, et ce dernier État membre ayant marqué son accord, les autorités néerlandaises étaient donc seules compétentes pour verser des montants compensatoires en cas d'importation au Royaume-Uni. En demandant l'accord du Royaume-Uni pour payer eux-mêmes les montants compensatoires qui auraient normalement dû être octroyés et payés au Royaume-Uni, les
Pays-Bas ont ainsi assumé le risque que les autorités douanières du premier État s'écartent du classement opéré par les douanes néerlandaises.

Cependant, pour éviter les abus, un certain contrôle est exercé par l'État membre importateur. Selon les dispositions de l'article 11 du règlement de la Commission no 1380/75 du 29 mai 1975 (dans la version du règlement no 1498/76 de la Commission du 25 juin 1976), prises en application de l'article 2 bis du règlement no 974/71, ce versement est surbordonné à la production de la preuve que le produit a été déclaré dans le pays d'importation, c'est-à-dire à la production de l'exemplaire de
contrôle qui doit contenir les indications prescrites par l'article 11, paragraphe 2, alinéa 2, du règlement no 1380/75, dont l'objet est de confirmer que la marchandise a bien atteint la destination prévue.

Toujours aux termes du paragraphe 2 de l'article 11 du règlement no 1380/75, la preuve en question devait être rapportée par la production de l'exemplaire de contrôle visé à l'article 1 du règlement no 2315/69. Celui-ci comportait une case spéciale qui devait être remplie en précisant si les marchandises étaient destinées à sortir du territoire géographique de la Communauté ou à être mises à la consommation dans un État membre. Le bureau de douane compétent de l'État membre de destination
devait, pour sa part, indiquer dans la case prévue à cet effet si la marchandise avait bien été utilisée ou acheminée conformément aux indications de l'opérateur.

Avec effet du 1er juillet 1977, aux termes de l'article 10 du règlement de la Commission no 223/77 du 22 décembre 1976, portant dispositions d'application ainsi que mesures de simplification du régime de transit communautaire:

«lorsque l'application d'une mesure communautaire arrêtée en matière d'importation ou d'exportation de marchandises ou leur circulation à l'intérieur de la Communauté est subordonnée à la preuve que les marchandises qui en font l'objet ont reçu l'utilisation et/ou la destination prévue ou prescrite par cette mesure, ladite preuve est fournie par la production de l'exemplaire de contrôle T no 5.»

Le modèle de cet exemplaire de contrôle figure à l'annexe VI dudit règlement.

A compter du 1er septembre 1977, l'article 10 du règlement no 1380/75 a été complété, en vertu du règlement no 1556/77 de la Commission du 11 juillet 1977, par un article 10 bis dont le paragraphe 4 est ainsi rédigé:

«si, au moment de l'accomplissement des formalités douanières de mise à la consommation du produit, les autorités compétentes classent celui-ci dans une position ou sous-position tarifaire différente de celle mentionnée dans le document de transit, elles en informent le bureau de douane de départ en précisant la position ou la sous-position retenue.»

Le 3 février 1977, la douane anglaise a retourné certains exemplaires de contrôle à la douane néerlandaise en attestant que les formalités douanières avaient été accomplies et en précisant les dates auxquelles la marchandise avait été mise à la consommation au Royaume-Uni, mais en mentionnant également son point de vue divergent quant à son classement.

Conformément à la conception de la douane anglaise, l'organisme chargé aux Pays-Bas de la mise en oeuvre de la politique agricole commune (Hoofproduktschap voor Akkerbouwprodukten) a versé à la société Pesch les montants compensatoires sur la base de la sous-position 35.05 A à la sortie des Pays-Bas et sur la base de la sous-position 23.07 B I c) 1 à l'importation au Royaume-Uni.

Le 19 janvier 1978, cette entreprise a présenté une réclamation qui est restée sans succès et le litige porté devant le College van Beroep voor het Bedrijfsleven vous a été renvoyé pour que vous statuiez à titre préjudiciel tant sur le conflit de compétence aux fins de classement tarifaire que sur le classement proprement dit.

Le gouvernement du Royaume-Uni a fait usage de la possibilité de déposer devant la Cour des observations écrites en vertu de l'article 20 du statut de la Cour.

II —  Tout en admettant que les autorités néerlandaises étaient contraintes de défendre le point de vue anglais, différent du leur, la requérante au principal affirme que l'importateur anglais ne pouvait contester directement le classement adopté par la douane anglaise et qu'il devait laisser à l'exportateur néerlandais le soin d'intenter une action contre les autorités néerlandaises.

Quant au fond, elle fait valoir qu'il résulte de la «logique» du système agrimonétaire qu'un seul et même produit ne saurait être classé dans des positions tarifaires différentes dans l'Etat membre exportateur et dans l'État membre importateur.

Nous pensons, comme elle, qu'il y a lieu d'assurer dans toute la mesure du possible une application uniforme du régime des montants compensatoires et d'éviter des irrégularités.

Nous aborderons toutefois, en premier lieu, le problème du classement tarifaire, c'est-à-dire la seconde question qui vous est posée, encore qu'il s'agisse davantage d'une question de fait ou d'application à un cas concret dont la solution relève au premier chef du Comité de la nomenclature du tarif douanier commun institué par le règlement no 97/69 du Conseil du 16 janvier 1969 relatif aux mesures à prendre pour l'application uniforme de la nomenclature du tarif douanier commun.

En effet, si vous étiez amenés à dire pour droit qu'une marchandise du type du produit en cause doit être classée — comme nous le pensons — dans telle position à l'exclusion de toute autre (nous nous abstiendrons naturellement de rechercher si elle ne relève pas d'une autre sous-position que 35.05 A ou 23.07 BI c) 1, la réponse que vous donneriez lierait, au moins dans le cas d'espèce, tant la douane anglaise que la douane néerlandaise: s'il n'était déjà tenu par le classement opéré par l'État
membre importateur, l'État membre exportateur le serait par votre interprétation. Bien plus, s'il paraît exclu qu'aucun montant compensatoire positif ne soit dû — et sur ce point la rédaction de la première question nous semble incompréhensible — l'État exportateur devrait éventuellement récupérer la compensation indûment versée.

La requérante au principal soutient que la marchandise litigieuse, qui est de l'«amidon soluble» additionné de certains ingrédients, tout en constituant un produit de base servant à l'alimentation des veaux, ne peut, à raison même de ses additifs, être utilisée directement et ne saurait donc être considérée comme un «produit fourrager». Subsidiairement, elle admet qu'à la lumière de votre jurisprudence Milchfutter du 4 juillet 1978 (Recueil p. 1597) il s'agit en l'espèce d'un cas limite et que
de bons arguments pourraient être avancés «tant pour soutenir que pour réfuter l'application de la sous-position 23.07 B I c) 1», et elle s'en remet volontiers à votre sagesse.

Le gouvernement du Royaume-Uni estime que seule la sous-position 23.07 B I c) 1 entre en ligne de compte; les composants calcium et magnésium conféreraient au produit en cause — qu'il ait été transformé ou non par précuisson — sa caractéristique essentielle d'ingrédient pour l'alimentation des animaux. Cette opinion serait confortée par la note explicative C du Conseil de coopération douanière relative à la position 23.07.

La Commission considère que, du fait même qu'elle n'est pas composée uniquement d'amidon soluble mais contient des additifs qui la destinent spécifiquement à l'alimentation des veaux (renseignement communiqué téléphoniquement par la douane anglaise), la marchandise en cause constitue un produit fourrager au sens de la sous-position 23.07 B Ic)l. Elle remarque en outre que, à la suite d'une enquête, l'administration néerlandaise classe depuis février 1979 le produit dans la position 23.07.
Mais, à l'oral, la requérante s'est inscrite en faux contre cette assertion.

Pour notre part, nous ne pensons pas qu'un mélange de ce genre tire nécessairement son caractère essentiel de la composante amidon: en effet, selon les propres dires de la requérante au principal, sa consommation directe par les veaux provoquerait irrémédiablement leur mort à raison de sa forte concentration en calcium et en magnésium. Ce sont donc ces ingrédients qui lui confèrent son caractère essentiel.

Pour qu'une préparation relève de la sous-position 23.07 B I c) 1, il est nécessaire que sa teneur en poids d'amidon soit au moins supérieure à 30 % : tout dépassement ultérieur reste en principe sans effet sur son classement. A cet égard, nous ne saisissons pas la portée de l'argument selon lequel, à raison de la composante agricole du produit, il faudrait retenir le classement entraînant la perception à l'importation des pays tiers ou le versement à l'exportation vers ces pays du montant
compensatoire le plus élevé.

Si l'incidence sur le prix du produit concerné de l'application du montant compensatoire au prix du produit de base dont il dépend et entrant effectivement dans sa composition a été mal calculée — compte tenu éventuellement du versement d'une restitution à la production —, c'est là un autre problème qui ne saurait être résolu par le biais du classement tarifaire.

Enfin, il n'est pas dit que, pour être classé sous cette position, le produit doive pouvoir être utilisé tel quel, sans aucune addition, pour alimenter les animaux: il suffit qu'il soit utilisé dans l'alimentation des animaux.

Il ressort des considérations qui précèdent qu'un produit du type de la marchandise litigieuse ne relève pas de la sous-position tarifaire 35.05 A, appliquée par l'État membre exportateur. Le classement dans la sous-position 23.07 B I c) 1 s'avérant donc justifié au regard du tarif douanier commun, la première question posée est privée d'objet.

Nous concluons à ce que vous disiez pour droit que :

— sans préjudice de l'avis du Comité de la nomenclature du tarif douanier commun, un produit composé à raison de 90 % d'amidon de maïs, du 5 % de chlorure de calcium et de 5 % de chlorure de magnésium, ayan subi un traitement par échauffement et utilisé comme préparation dan: l'alimentation des animaux, relève de la sous-position 23.07 B I c) 1 du tarif douanier commun.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 795/79
Date de la décision : 08/07/1980
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: College van Beroep voor het Bedrijfsleven - Pays-Bas.

Montants compensatoires monétaires: préparations fourragères.

Union douanière

Libre circulation des marchandises

Tarif douanier commun

Mesures monétaires en agriculture

Agriculture et Pêche

Aliments des animaux

Céréales


Parties
Demandeurs : Handelsmaatschappij Pesch & Co. BV
Défendeurs : Hoofdproduktschap voor Akkerbouwprodukten.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mayras
Rapporteur ?: Bosco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1980:182

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