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20/03/1980 | CJUE | N°107/79

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 20 mars 1980., Lily Schuerer contre Commission des Communautés européennes., 20/03/1980, 107/79


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN-PIERRE WARNER,

PRÉSENTÉES LE 20 MARS 1980 ( 1 )

Monsiettr le Président,

Messieurs les Juges,

Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire, dans cette affaire, de prendre le temps de délibérer sur nos conclusions.

Vous connaissez bien, Messieurs, les faits de l'affaire, de sorte qu'il n'est pas utile que nous les rappelions.

Nous proposons de laisser de côté pour l'instant les problèmes soulevés quant à la suffisance des motifs indiqués par le directeur du personnel de la Co

mmission à l'appui de sa décision du 14 août 1978; en ce qui concerne la recevabilité du recours dans la...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN-PIERRE WARNER,

PRÉSENTÉES LE 20 MARS 1980 ( 1 )

Monsiettr le Président,

Messieurs les Juges,

Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire, dans cette affaire, de prendre le temps de délibérer sur nos conclusions.

Vous connaissez bien, Messieurs, les faits de l'affaire, de sorte qu'il n'est pas utile que nous les rappelions.

Nous proposons de laisser de côté pour l'instant les problèmes soulevés quant à la suffisance des motifs indiqués par le directeur du personnel de la Commission à l'appui de sa décision du 14 août 1978; en ce qui concerne la recevabilité du recours dans la mesure où il vise la décision du 3 avril 1979; et en ce qui concerne la suffisance des motifs invoqués à l'appui de cette dernière décision.

Le problème essentiel entre Mlle Schuerer et la Commission est de savoir si, comme elle le soutient, son invalidité a été causée par l'accident qu'elle a subi le 26 octobre 1976 ou par la poussière qu'elle a inhalée à cause de l'installation défectueuse de climatisation dans son bureau ou par une combinaison de ces facteurs, ou si, comme l'affirme la Commission, elle était due à ce que l'article 78 du statut du personnel appelle «une autre cause».

A notre avis, ce problème ne relève pas de la compétence de la Cour. Cela parce qu'à notre avis, les dispositions entrant en ligne de compte du statut du personnel (en particulier l'article 78 et l'article 13 de l'annexe VIII) font de la commission d'invalidité le juge de la cause ou des causes de l'invalidité d'un fonctionnaire dans la mesure où cela constitue une question médicale. Le fait qu'il en soit ainsi nous paraît être nécessairement inhérent au libellé de ces articles et, en outre, nous
semble résulter de ce qui a été affirmé par la Cour dans l'affaire 29/71 Vellozzi/Commission (Recueil 1972, p. 513), en particulier aux 8e et 15e attendus de l'arrêt. Par ailleurs, l'arrêt rendu par la Cour dans les affaires 42 et 62/74, la deuxième affaire Vellozzi (Recueil 1975, p. 871) montre que, lorsqu'une commission d'invalidité a valablement statué sur une question dont elle est saisie, sa décision est définitive à moins qu'un élément nouveau n'intervienne. Nous ne pensons pas que les avis
exprimés par d'autres médecins, même eminents, selon lesquels la Commission s'est trompée ou a pu se tromper, tels que les avis des docteurs Stein, Lcquime et Schußlcr produits au nom de Mlle Schuerer dans l'espèce présente, constituent un tel élément nouveau.

Aussi, à notre avis, la Cour ne pourrait intervenir dans la présente affaire que s'il était démontré soit que la décision du directeur du personnel, en tant qu'autorité investie du pouvoir de nomination, en accordant à Mlle Schuerer une pension d'invalidité au taux inférieur, était incompatible avec les conclusions de la commission d'invalidité, soit que ces contusions elles-mêmes étaient, pour une raison quelconque, telles qu'on ne pouvait s'y fier. Dans ce dernier cas, la procédure correcte, selon
nous, consisterait pour la Cour à écarter ces conclusions et à ordonner la réunion d'une nouvelle commission d'invalidité. Il ne s'agirait pas pour la Cour de nommer une «super» commission médicale ou une commission médicale «d'appel» telle qu'on l'a suggéré au nom de Mlle Schuerer. Il n'existe aucune base juridique à cet égard, ni dans le statut du personnel ni ailleurs. A notre avis, cela ne saurait se faire dans le cadre de l'exercice du pouvoir de la Cour d'ordonner des mesures d'instruction
parce que l'objet des mesures d'instruction est de permettre à la Cour de statuer sur des questions de fait contestées et, comme nous l'avons déjà dit, nous ne pensons pas qu'il appartienne à la Cour de justice de statuer sur la question de fait litigieuse en l'espèce. Si elle le faisait, elle agirait comme une juridiction d'appel de la commission d'invalidité, ce qu'elle n'est certainement pas.

La décision du directeur du personnel était-elle alors incompatible avec les conclusions de la commission d'invalidité? Il a été soutenu au nom de Mlle Schuerer qu'elle l'était parce que la commission d'invalidité avait affirmé que l'invalidité de la requérante pouvait avoir été causée par son accident et qu'on aurait dû lui accorder le bénéfice du doute. Nous ne pensons pas que cela soit exact du point juridique. A notre avis, pour qu'un fonctionnaire ait droit à une pension d'invalidité au taux
supérieur, il faut, dans la mesure où cela dépend de faits médicaux, que la commission d'invalidité ait formellement constaté que l'invalidité du fonctionnaire est due à l'une des causes mentionnées au deuxième paragraphe de l'article 78. A notre avis, la commission d'invalidité n'a pas besoin d'être convaincue de ces faits au-delà de tout doute éventuel, mais elle doit en être convaincue, à tout le moins, au regard des probabilités. Ici aussi l'arrêt rendu par la Cour dans la première affaire
Vellozzi entre en ligne de compte.

Quant à la crédibilité des conclusions de la commission d'invalidité, il est admis au nom de Mlle Schuerer que la commission d'invalidité s'est acquittée de sa tâche avec soin. Ce qui est contesté au nom de la requérante, c'est la manière dont les conclusions de la Commission ont été exprimées. C'est l'aspect de l'affaire qui nous a le plus préoccupé. Nous ne doutons pas du fait que, dans leur version originale, ces conclusions aient été excessivement succinctes et, partant, obscures. Il eût été
plus approprié que le directeur du personnel demande immédiatement une clarification de leur signification avant d'arrêter sa décision, au lieu de créer la situation dans laquelle leur clarification a dû être demandée plus tard pour permettre l'examen de la réclamation formelle de Mlle Schuerer. Il nous semble cependant manifeste que si le directeur du personnel avait disposé de l'explication que la commission d'invalidité a donnée plus tard de ses conclusions, sa décision aurait été la même.

Nous avons également été troublé par le fait que la manière dont la commission

d'invalidité a exprimé ses conclusions impliquait qu'elle se prononce sur la notion de «maladie professionnelle» dans l'article 78. Ce n'est pas là une question médicale mais une question de droit. Il eût mieux valu que la commission d'invalidité se borne à déclarer que l'invalidité de Mlle Schuerer n'était pas due au fait qu'elle avait inhalé de la poussière. Les termes des conclusions de la commission pourraient signifier que selon son point de vue l'invalidité de la requérante était imputable à
une maladie résultant de ce qu'elle avait inhalé de la poussière, mais qu'une telle maladie ne constituait pas une maladie «professionnelle».- Mais il nous semble clair, à la lumière de l'explication ultérieure de la Commission, que tel n'était pas le point de vue qu'elle a retenu.

Nous considérons donc que les conclusions de la commission d'invalidité n'étaient pas viciées au point d'invalider les décisions qui étaient fondées sur celles-ci. En disant cela, nous ne négligeons pas le problème soulevé quant au point de savoir si la chute de Mlle Schuerer qui s'est produite le 26 octobre 1976 a ou non entraîné le heurt de sa poitrine contre le bord de la marche. Cela constitue évidemment une question de fait que la Cour pourrait trancher après avoir entendu la déposition de
témoins, y compris celle de Mlle Schuerer elle-même, de toute personne qui était présente lorsqu'elle est tombée et de celles auxquelles elle a parlé immédiatement après. Mais nous ne pensons pas que la solution de cette question par la Cour de justice puisse aboutir à écarter les conclusions de la commission d'invalidité, ne fût-ce que parce que la requérante a eu largement la possibilité de décrire sa chute aux membres de la commission, en outre, à une époque où elle avait encore des événements un
souvenir beaucoup plus précis.

Nous en venons aux problèmes mineurs.

Le moyen invoqué au nom de Mlle Schuerer pour soutenir que la décision du directeur du personnel reposait sur des motifs insuffisants est en substance qu'il n'a pas expliqué pourquoi il considérait le deuxième paragraphe de l'article 78 comme inapplicable en l'espèce. Cela ne nous semble pas pertinent. Lorsqu'elle arrête une décision, une autorité n'est pas tenue, en général, d'expliquer pourquoi elle n'adopte pas une décision différente. En outre, les conclusions de la commission d'invalidité ne
fournissaient aucune base permettant de considérer que le deuxième paragraphe de l'article 78 était applicable, et une copie de ces conclusions a été communiquée à Mlle Schuerer en même temps que la décision officielle.

Nous n'absorberons pas votre temps, Messieurs, par une discussion du problème soulevé par la Commission à l'égard de la recevabilité du recours dans la mesure où il vise la décision du 3 avril 1979. Nous nous bornerons à dire qu'il nous semblerait difficile de penser que cette décision était purement confirmative alors qu'elle était en fait fondée sur l'explication donnée par la commission d'invalidité sur ses conclusions originaires.

La motivation de cette décision a été critiquée au nom de Mlle Schuerer sur la base de motifs présentant un trait commun, à savoir que la Commission avait l'obligation d'indiquer ce qui constituait, à son avis, la cause de l'invalidité de la requérante. Nous ne pensons pas que la Commission était soumise à une telle obligation. Au contraire, elle avait le droit — et était, en fait, tenue — d'accepter à cet égard le point de vue de la commission d'invalidité. Mlle Schuerer disposait déjà d'une copie
des conclusions originaires de la commission et une copie de son explication de ces conclusions était jointe en annexe à la décision.

Nous concluons donc au rejet de ce recours avec les conséquences habituelles en ce qui concerne les dépens.

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( 1 ) Traduit de l'anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 107/79
Date de la décision : 20/03/1980
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Pension d'invalidité.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Lily Schuerer
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Warner
Rapporteur ?: O'Keeffe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1980:91

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