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24/01/1980 | CJUE | N°73/79

CJUE | CJUE, Conclusions jointes de l'Avocat général Mayras présentées le 24 janvier 1980., Commission des Communautés européennes contre République italienne., 24/01/1980, 73/79


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 24 JANVIER 1980

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Nous nous permettrons de conclure à la fois sur les affaires 72 et 73/79, qui posent des questions — pour la plupart — étroitement connexes.

Nous nous excusons d'autre part de devoir consacrer d'arides développements techniques et financiers, indispensables cependant à la bonne compréhension de ces affaires.

I —

Le 6 mars 1979, lors de la procédure orale sur l'affaire ICAP, sur laquelle

vous avez statué par arrêt du 28 mars suivant, l'agent de la Commission exposait que cette institution ava...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 24 JANVIER 1980

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Nous nous permettrons de conclure à la fois sur les affaires 72 et 73/79, qui posent des questions — pour la plupart — étroitement connexes.

Nous nous excusons d'autre part de devoir consacrer d'arides développements techniques et financiers, indispensables cependant à la bonne compréhension de ces affaires.

I —

Le 6 mars 1979, lors de la procédure orale sur l'affaire ICAP, sur laquelle vous avez statué par arrêt du 28 mars suivant, l'agent de la Commission exposait que cette institution avait décidé, à la fin du mois de janvier 1979, de saisir la Cour de justice sur la base de l'article 169 du traité de deux manquements distincts de la République italienne aux obligations qui lui incombent en vertu du traité.

En premier lieu, la Commission estimait que cet État avait violé l'article 95 du traité en soumettant le sucre importé et le sucre de production nationale à la taxe parafiscale («sovraprezzo») instituée clans le cadre de la réglementation italienne de commercialisation du sucre, étant donné que le produit de cette taxe perçue au profit de la Caisse de péréquation du sucre (Cassa Conguaglio Zucchero) était employée, au détriment du sucre importé des autres États membres, à réduire les charges
supportées par le produit national.

La Commission rappelait que, cinq années auparavant, elle avait, par lettre du 4 décembre 1974 (no 74/31908), ouvert une procédure en manquement contre la République italienne en raison de la violation de l'article 95 du traité que constituait, à ses yeux, le système du «sovraprezzo» édicté par la décision («provvedimento») du Comité interministériel des prix (CIP) no 1195 du 22 juin 1968 pour financer les aides autorisées par l'article 34 du règlement du Conseil no 1009/67 du 18 décembre 1967,
premier règlement portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre. À la suite de l'entrée en vigueur, à compter du 1er juillet 1975, de l'article 38 du règlement no 3330/74 qui a été substitué au règlement no 1009/67, ce «sovraprezzo» a été fixé, pour la campagne 1975-1976, à 5600 lires par 100 kg de sucre par la décision CIP no 14/1975, point 5, et, pour la campagne 1976-1977, à 7000 lires par 100 kg paila décision CIP no 20/1976, point 4.

Au titre du second manquement, la Commission estimait que la République italienne avait violé certaines dispositions du règlement no 3330/74 du Conseil du 19 décembre 1974, portant organisation commune des marchés dans le secteur du sucre, en accordant aux producteurs nationaux certaines aides supérieures à celles autorisées par la réglementation communautaire.

La Cour serait, ajoutait l'agent de la Commission, saisie de ces deux manquements avant Pâques 1979. Cela a finalement été fait, pour la première infraction, par requête no 73/79, enregistrée au greffe le 2 mai, et, pour la seconde, par requête no 72/79, enregistrée le même jour.

II —

Dès lors l'agent de la Commission précisait que les services de cette institution étaient en train de préparer, pour la fin du mois d'avril 1979, le. texte de la décision visée à l'article 93, paragraphe 2, du traité concernant le mode de financement des aides d'adaptation autorisées par l'article 38 du règlement no 3330/74 ainsi que certaines aides octroyées par le gouvernement italien pour le sucre produit au-delà de la quantité de base attribuée à l'Italie (1400000 tonnes de sucre blanc) pour la
campagne 1978-1979.

Rappelons que, par dérogation aux articles 92 à 94 du traité, rendus applicables au secteur du sucre par l'article 36 du règlement no 1009/67, puis par l'article 41 du règlement no 3330/74, l'article 38 de ce dernier règlement, prenant le relais de l'article 34 du règlement précédent, autorisait, à titre temporaire pendant cinq campagnes, l'octroi d'aides d'adaptation d'un montant de 5,9 unités de compte par tonne de betteraves de production nationale d'une teneur en sucre de 16 %. Le point 3 de la
décision CIP no 18/1975 avait converti ce montant en 5056,30 lires par tonne, épuisant ainsi, selon la Commission, l'autorisation accordée à la République italienne.

Le montant de ces aides a été porté à 9,9 unités de compte par tonne de betteraves pour la campagne 1976-1977 en vertu du règlement du Conseil no 1487/76 du 22 juin 1976. En outre, pendant la même campagne, la République italienne était autorisée à octroyer, pour ladite campagne, une aide supplémentaire à la production. Cette aide s'appliquait à la quantité de sucre blanc ne dépassant pas le quota maximal, dans la limite de 100000 tonnes.

Ce plafond a été porté à 170000 tonnes par l'article 5 du règlement du Conseil no 1110/77 du 17 mai 1977. Toutefois, au cas où la production totale dépasserait 1400000 tonnes de sucre blanc, la République italienne était autorisée à octroyer la somme maximale de 106620000 unités de compte à appliquer à toute la production obtenue sur son territoire pendant cette campagne. Enfin, pour la campagne 1978-1979, l'article 2 du règlement du Conseil no 1396/78 du 20 juin 1978 a porté le montant de l'aide à
11 unités de compte, dont une partie pouvait être octroyée à l'industrie de transformation pour la quantité de betteraves utilisées pour la production de 1400000 tonnes de sucre blanc.

La mise en œuvre par l'Italie de ces diverses autorisations avait, avant que la Commission ne vous saisisse des présentes requêtes, suscité de la part de celle-ci les réactions suivantes:

1. Par communication effectuée conformément à l'article 93, paragraphe 2, première phrase, du traité aux intéressés autres que les États membres et publiée au Journal officiel des Communautés européennes le 17 décembre 1975, la Commission faisait savoir qu'elle avait ouvert (par lettre no S/75/32772 du 3 décembre 1975) la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'égard du point 4 de la décision no 18/1975 et du point 5, sous d), de la décision no 19/1975 du Comité interministériel
des prix.

En plus des aides octroyées en application de l'article 38 du règlement no3330/74, ces mesures prévoyaient respectivement:

— l'octroi aux betteraviers d'une aide égale à 3165,11 lires par tonne de betteraves d'une teneur en sucre de 16 %;

— l'octroi à l'industrie de transformation d'une aide de 2156,30 lires par quintal de sucre blanc produit en Italie.

Comme elle l'exposait plus en détail dans sa lettre du 3 décembre précédent, la Commission considérait que ces mesures avaient été instituées sans notification préalable, contrairement à l'article 93, paragraphe 3, du traité. Les aides qu'elles instituaient en supplément de celles prévues dans le cadre de l'organisation commune des marchés du sucre avaient une influence directe sur les coûts de production; elles tombaient donc sous le coup de l'article 92, paragraphe 1, du traité, sans pouvoir
bénéficier des exceptions prévues aux paragraphes 2 et 3 de cet article.

En conséquence, la Commission mettait tous les intéressés autres que les États membres en demeure de lui présenter leurs observations au sujet des aides susvisées dans le délai de quatre semaines à compter de la date de la publication de cette communication.

Compte tenu de l'augmentation, pour la campagne 1976-1977, de 5,9 à 9,9 unités de compte des aides d'adaptation autorisées par l'article 4 du règlement du Conseil du 22 juin 1976, la Commission (par lettre no SG(77) D/3552 du 23 mars 1977) a clos la procédure de l'article 93, paragraphe 2, qu'elle avait ouverte à l'égard des aides susvisées.

2. Par communication publiée au Journal officiel des Communautés européennes du 1er avril 1977, la Commission faisait savoir qu'elle avait ouvert (par cette même lettre no SG(77) D/3552 du 23 mars 1977) la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, à l'égard des mesures italiennes ci-après:

a) le point 3 de la décision CIP no 23/1976 du 1er octobre 1976, le point 5, sous b), de la décision CIP no 24/1976 de la même date et le point 5, sous f), de la même décision, qui appliquaient l'autorisation du Conseil en fixant comme suit les montants à octroyer pour la campagne 1976-1977:

— 6132,30 lires (soit 6, 3679 unités de compte) par tonne de betteraves d'une teneur en sucre de 16 %, utilisées pour la fabrication de 1330000 tonnes de sucre blanc (soit la quantité de base attribuée à l'Italie par l'article 38, paragraphe 2 bis, du règlement no 3330/74, majorée de 100000 tonnes); en fait, ce montant se trouvait ramené à 5832,30 lires (soit 6,0564 unités de compte) par un prélèvement de 300 lires utilisé pour financer les aides supplémentaires dont il sera question plus
loin;

— 2706,06 lires par quintal de sucre blanc, dans la même limite quantitative, soit 3,5321 unités de compte par tonne d'équivalent betteraves.

Le total constitué par 6132,30 lires (6,3679 unités de compte) et 2706,06 lires (3,5321 unités de compte) correspond à 9,9 unités de compte par tonne de betteraves, soit le montant autorisé par l'article 38, paragraphe 2 bis, premier alinéa. La lettre précitée, adressée par la Commission au gouvernement italien le 23 mars 1977, explique que, par l'effet du prélèvement de 300 lires sur les betteraviers (prévu par l'accord interprofessionnel conclu entre les fabricants de sucre et les betteraviers
pour la campagne 1976-1977), l'aide versée aux betteraviers était réduite à 6,0564 unités de compte, ce qui, en y ajoutant l'aide aux fabricants de 3,5321 unités de compte, ramenait l'ensemble à 9,5885 unités de compte. L'autorisation découlant de l'article 38, paragraphe 2 bis, premier alinéa, se trouvait épuisée pour ce qui concerne le plafonnement quantitatif de ces aides, mais non quant à leur plafonnement financier. Elles étaient bien autorisées, dans leur principe, par l'article 38,
paragraphe 2 bis, du règlement no 3330/74, complété par le règlement no 1487/76, mais la Commission estimait qu'elles n'étaient pas compatibles avec le marché commun aux termes de l'article 92 du traité en raison de leur mode de financement, assuré par la perception du «sovraprezzo» grevant le sucre commercialisé en Italie, qu'il fût d'origine nationale ou importé des autres États membres;

— un montant égal à la cotisation à la production, qui serait probablement fixée à 9 unités de compte par quintal, pour les 100000 tonnes de sucre blanc susmentionnées.

b) La Commission faisait également savoir, par la même communication, qu'elle avait ouvert (par sa lettre susmentionnée au gouvernement italien du 23 mars 1977) la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité à l'égard du point 4 de la décision CÍP no 23/1976, du point 6, sous b), de la décision CIP no 24/1976 et du point 6, sous c), de la même décision, qui prévoyaient, respectivement, les aides supplémentaires suivantes:

— 4640 lires par quintal de sucre blanc (soit 6,0564 unités de compte par tonne de betteraves) pour les quantités de betteraves correspondant aux quantités de sucre de quota B, produites au-delà du plafond de 100000 tonnes autorisé par l'article 38, paragraphe 2 bis, du règlement no3330/74;

(Il s'agit en fait, comme le précise la lettre adressée au gouvernement italien, de 242227 tonnes de sucre, quantité excédant le plafond susvisé, tout en étant comprise dans le quota maximal. Cette aide devait être versée aux betteraviers avant le 20 décembre 1976 par l'intermédiaire des fabricants de sucre);

— 5681,70 lires (soit 5,9 unités de compte) par tonne de betteraves, à teneur en sucre de 16 %, utilisées pour la fabrication de sucre blanc qui serait reporté sur les campagnes suivantes (il s'agit de 30345 tonnes de sucre), montant complété par un versement de 119,82 lires (différence entre 6,0564 et 5,9 unités de compte) par quintal de sucre, toujours au profit des producteurs des betteraves utilisées pour la fabrication de ce sucre; ce versement correspondait au produit du prélèvement précité
de 300 lires. Au total, le montant octroyé à ce titre s'élevait, comme le précédent, à 6,0564 unités de compte;

— remboursement, par le canal des fabricants de sucre, aux betteraviers de la partie de la cotisation à la production, soit 60 %, restant en principe à la charge de ces derniers, pour les quantités de betteraves correspondant aux quantités de sucre de quota B, produites au-delà du plafond de 100000 tonnes autorisé par l'article 38, paragraphe 2 bis, du règlement no 3330/74.

La Commission estimait que, bien que ne dépassant pas, ni dans leur montant unitaire, ni dans le montant global des fonds qui leur seraient consacrés, le plafond financier fixé par l'article 38, paragraphe 2 bis, du règlement no 3330/74, ces aides supplémentaires profitaient à des quantités de betteraves et de sucre dépassant les plafonds fixés à cet article; elle faisait savoir qu'elle avait ouvert la procédure de l'article 93, paragraphe 2, non seulement dans la mesure où ces aides étaient
financées par le produit du «sovraprezzo», mais également quant à leur principe même. Comme dans le cas précédent, elle mettait tous les intéressés en demeure de lui présenter leurs observations au sujet de l'ensemble des aides incriminées sous l'angle de leur mode de financement et, en ce qui concerne les aides supplémentaires, au sujet de leur justification dans un délai de quatre semaines à compter du 1o avril 1977.

c) Il faut enfin mentionner deux autres aides dont la communication au Journal officiel ne parlait pas, mais qui faisaient également l'objet de la fameuse lettre du 23 mars 1977 adressée au gouvernement italien:

— au titre du point 6, sous a), de la décision CIP no 24/1976, un versement, pour le compte des betteraviers, aux fabricants de quantités de sucre reportées sur les campagnes suivantes, correspondant à 60 % du montant mensuel fixé par la réglementation communautaire en vertu du régime de compensation pour les frais de stockage;

— au titre du point 5, sous e), de la même décision, un versement aux fabricants de sucre, pour toute la production nationale, d'un montant couvrant la différence entre le taux des charges financières qu'ils supportent pour le financement de leurs frais de stockage et le taux fixé forfaitairement à cet effet pour toute la Communauté par l'article 8 du règlement no 3330/74.

Selon la Commission, la première de ces aides, bien que financée par la réserve constituée par la Caisse de péréquation au moyen du prélèvement de 300 lires, était contraire aux dispositions de l'article 31, paragraphe 2, du règlement no 3330/74, qui interdisent le remboursement des frais de stockage pendant douze mois en cas de report, ainsi qu'à l'article 2 du règlement no 748/68 du Conseil du 18 juin 1968 relatif aux règles générales pour le report d'une partie de la production de sucre à la
campagne sucrière suivante. Quant à la seconde, non seulement elle ne respectait pas le plafond fixé par la réglementation communautaire, mais elle était financée, comme du reste la première, par une charge grevant tant le sucre importé des autres États membres que le sucre national, alors qu'elle ne profitait qu'aux betteraviers et aux sucriers italiens.

Toujours selon l'agent de la Commission dans l'affaire ICAP, le mode de financement du «sovraprezzo» constituait l'infraction la plus grave et si la décision finale que devait arrêter la Commission au titre de l'article 93, paragraphe 2, était négative, tout le système s'écroulerait.

III —

Force est de constater que la Commission ne paraît plus attacher la même importance à cet aspect des choses et qu'elle a changé son angle d'attaque pour en revenir à celui qu'elle avait choisi cinq ans plus tôt: elle estime qu'elle pourra faire régler le problème en recourant à la procédure de l'article 169 et que cela la dispensera de poursuivre la procédure de l'article 93, paragraphe 2. Elle vous demande à cet effet de déclarer:

1) qu'en octroyant aux fabricants de sucre une aide couvrant la différence entre le montant des charges financières qu'ils supportent pour leurs frais de stockage et celui retenu par la réglementation communautaire pour calculer le remboursement de ces frais, et qu'en versant aux fabricants des quantités de sucre reportées un montant correspondant à 60 % du montant mensuel fixé par la Communauté au titre du régime de compensation des frais de stockage, la République italienne a violé les articles 8
et 31, paragraphe 2, du règlement no 3330/74 (affaire 72/79), et

2) qu'en frappant le sucre de production nationale et le sucre importé des autres États membres d'une imposition intérieure appréhendant ces deux produits selon les mêmes critères, mais affectée au financement d'aides profitant au seul sucre national, de sorte que la charge fiscale grevant ce dernier se trouve partiellement neutralisée, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 95 du traité (affaire 73/79).

Comme nous l'avons dit «in limine», ces deux affaires sont étroitement connexes, tant par leur genèse que par les arguments juridiques invoqués; les mesures critiquées par la Commission sont contenues dans la même réglementation nationale et la correspondance précontentieuse échangée entre les parties faisait état aussi bien des problèmes relatifs au financement du stockage du sucre que de la taxe instituée à cet effet. Ce n'est qu'au stade de l'avis motivé que la Commission a scindé les deux
affaires. Toutes deux posent la même question préalable de recevabilité. C'est pour tenir compte de cette étroite imbrication et pour éviter des redites que nous nous sommes permis, en vue d'une bonne administration de la justice, de présenter en une seule fois nos conclusions.

IV —

Il convient au préalable d'examiner une importante question de principe qui se pose à propos de l'exception d'irrecevabilité soulevée par le gouvernement de la République italienne contre ces deux requêtes.

Ce gouvernement soutient que, puisque les mesures nationales incriminées constituent des aides, comme la Commission l'aurait elle-même reconnu, et que les deux requêtes mettent en cause l'ensemble du régime italien des aides d'adaptation à la production sucrière, la procédure de l'article 93, qui a du reste été entamée par la Commission par ses lettres (no S/75/032772) du 3 décembre 1975, (SG(77)D/3552) et (SG(77)D/3554) du 23 mars 1977, puis, de nouveau, par lettre du 3 juillet 1979, devrait être
poursuivie et menée à son terme avant de recourir à la procédure de l'article 169. Cette thèse rejoint ainsi le point de vue que le gouvernement français a soutenu dans ses observations sous l'affaire 104/79, Foglia. Déclarer qu'un régime national d'aides est, à raison de ses modalités fiscales ou parafiscales, contraire à l'article 95 du traité conduirait en fait à vider complètement de leur substance les articles 92 et 93 du traité, qui permettent de relever certaines aides, compte tenu de leurs
aspects économiques et sociaux, de l'interdiction de l'article 92. Or, ces articles instituent un système d'examen et de surveillance des régimes d'aides étatiques. Ils permettent d'appréhender plus spécifiquement une violation éventuelle des principes communautaires fondamentaux dans la matière. Les préoccupations particulières qui sont à l'origine de tels régimes ont conduit les auteurs du traité à instaurer une procédure spéciale, permettant notamment aux États membres de faire valoir leurs
intérêts légitimes auprès de la Commission et, éventuellement, auprès du Conseil qui peut décider à l'unanimité que l'aide doit être considérée comme compatible avec le traité; la demande adressée par l'État membre au Conseil suspend en effet pendant trois mois la procédure décrite à l'article 93, paragraphe 2, si celle-ci a été ouverte par la Commission. Si la Commission estime néanmoins, au terme des discussions avec l'État membre intéressé, que l'aide n'est pas justifiée, elle décide que celui-ci
doit la supprimer ou la modifier dans le délai qu'elle détermine. Ce n'est qu'ensuite que la Cour peut être saisie par la Commission ou par tout autre État intéressé (article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa). Admettre que, par la suite, la Commission ait pu changer d'avis reviendrait à priver un État membre des garanties de procédure auxquelles il peut légitimement prétendre.

La jurisprudence élaborée jusqu'ici fournit plusieurs arguments qui vont dans le sens du caractère subsidiaire du rôle joué par l'article 169 par rapport à l'article 93 en matière d'aides étatiques.

Dans l'affaire République française/Commission, vous avez jugé, par arrêt du 25 juin 1970 (Recueil 1970, p. 494-495), «que cette disposition (article 93, paragraphe 2), prenant en considération le lien qui peut exister entre l'aide pratiquée par un État membre et son mode de financement, au moyen de ressources de cet État, ne permet clone pas à la Commission d'isoler l'aide proprement dite de son mode de financement et d'ignorer si, associé à l'aide ..., il rend l'ensemble incompatible avec le
marché commun»; «lorsqu'une aide est financée par une imposition frappant certaines entreprises ou certaines productions, la Commission est tenue d'examiner non seulement si son mode de financement est conforme à l'article 95 du traité, mais encore si, combiné avec l'aide qu'il alimente, il est compatible avec les exigences des articles 92 et 93».

Dans l'affaire Lorenz, vous avez rappelé, par votre arrêt du 11 décembre 1973 (Recueil 1973, p. 1481, attendu no 5), «que l'objectif poursuivi par le paragraphe 3 de l'article 93, qui est de prévenir la mise en vigueur d'aides contraires au traité, implique que cette interdiction produise déjà ses effets pendant tout le cours de la phase préliminaire»; «que, si cette phase doit procurer à la Commission un délai utile, cette dernière doit, cependant, faire diligence et tenir compte de l'intérêt des
États membres à être fixés rapidement dans des domaines où la nécessité d'intervenir peut revêtir un caractère d'urgence en raison de l'effet que ces États membres attendent des mesures d'encouragement projetées»; «que (la Commission) ne saurait, cependant, être considérée comme agissant avec la diligence voulue si elle omettait de prendre position dans un délai raisonnable», que vous avez fixé à deux mois.

Vous avez de même jugé par cet arrêt (Recueil 1973, p. 1482, attendu no 5) qu'une «aide mise à exécution, dans le silence de la Commission, au-delà du délai nécessaire à son premier examen, sera alors soumise comme aide existante aux dispositions des paragraphes 1 et 2 de l'article 93».

En admettant que les mesures italiennes eussent été dispensées, au sens de l'article 94, de la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 3, ou qu'elles fussent devenues des «aides existantes» relevant des paragraphes 1 et 2 de l'article 93, la procédure normale eût consisté en ce que la Commission décidât alors, si elle estimait qu'elles n'étaient pas compatibles avec le marché commun, que l'Italie devait les supprimer dans un délai déterminé. Dans ce cas, si l'Italie ne s'était pas conformée à
cette décision, la Commission, indépendamment des articles 169 et 170, pouvait saisir directement la Cour.

Dans l'affaire République italienne/Commission, vous avez reconnu, par votre arrêt du 2 juillet 1974 (Recueil p. 717), que la procédure de l'article 169 était plus complexe que celle de l'article 93 et que cette dernière disposition permettait à la Commission, lorsqu'elle constate qu'une aide a été instituée ou modifiée en méconnaissance du paragraphe 3 de cet article et qu'elle est incompatible avec le marché commun aux termes de l'article 92, «de décider que l'État intéressé doit la supprimer ou
la modifier, sans être tenue d'impartir un délai».

Dans l'affaire Iannelli enfin, maintes fois rappelée au cours des procédures orales, vous avez jugé, par votre arrêt du 22 mars 1977 (Recueil p. 571 et suivantes), «qu'une interprétation à ce point extensive de l'article 30 qu'elle assimilerait, en tant que telle, une aide, au sens de l'article 92, à une restriction quantitative visée à l'article 30, aurait pour effet d'altérer la portée des articles 92 et 93 du traité et de porter atteinte au système de distribution de compétences que le traité a
visé en instaurant la procédure d'examen permanent décrite à l'article 93» (attendu no 12); «que des modalités d'une aide qui contreviendraient à des dispositions particulières du traité, autres que les articles 92 et 93, peuvent être à ce point indissolublement liées à l'objet de l'aide qu'il ne serait pas possible de les apprécier isolément, de sorte que leur effet sutia compatibilité ou l'incompatibilité de l'aide dans son ensemble doit alors nécessairement être apprécié à travers la procédure de
l'article 93.»

En regard de cette jurisprudence, on peut citer votre arrêt Hansen du 10 octobre 1978 (Recueil 1978, p. 1801 et suivantes), dans lequel vous avez estimé, sans autre justification que celle tirée du fait que l'article 37 est fondé sur le même principe que l'article 95, à savoir l'élimination de toute restriction dans les échanges entre États membres, qu'il apparaissait «préférable d'examiner le problème soulevé par la juridiction nationale (régime fiscal allemand des alcools), en première ligne, sous
l'angle de vue de la règle fiscale de l'article 95, en raison de son caractère général, et non de l'article 37, spécifique au régime des monopoles nationaux».

Vous avez ajouté «qu'il apparaît également préférable d'examiner la question posée par la juridiction nationale sous l'angle de l'article 95, plutôt qu'au regard des dispositions relatives aux aides des articles 92 à 94, alors que ces dernières dispositions reposent, elles aussi, sur la même idée fondamentale que l'article 95 ...».

Quant au fond, vous avez jugé que des aides fiscales sont possibles, mais que, «selon les exigences de l'article 95, de tels régimes de faveur doivent cependant être étendus, sans discrimination, aux alcools originaires d'autres États membres».

Vous avez ainsi rappelé que la compatibilité des aides doit être examinée sous l'angle de l'article 95 (comme du reste de toutes les autres dispositions du traité), mais vous n'avez nullement exclu que l'examen d'un régime d'aides relève de la procédure des articles 92 et 93, ce qui priverait les États membres des garanties que nous avons rappelées. En réalité, cet arrêt ne dispense pas la Commission de respecter les termes de ces articles. Au contraire, lorsqu'elle se trouve en présence d'une aide,
la Commission doit recourir à la procédure de l'article 93 et, parmi les arguments qu'elle peut invoquer pour mettre en demeure l'État membre de renoncer à l'aide en question, figure l'incompatibilité éventuelle de l'aide avec l'article 95.

La répugnance dont témoigne votre second arrêt Hansen du 13 mars 1979 à appréhender les régimes d'aides nationaux s'explique par la considération que (no 9) «ces dispositions (de l'article 37, d'une part, et des articles 92 et 93, d'autre part) tablent sur des conditions d'application distinctes, spécifiques aux deux ordres de mesures étatiques qu'elles ont, respectivement, pour objet de régler, et diffèrent au surplus par leurs conséquences juridiques, en ce sens surtout que la mise en œuvre des
articles 92 et 93 fait une large place à l'intervention de la Commission, alors que l'article 37 est destiné à trouver une application directe».

Le critère qui vous a déterminés, dans cette affaire, à examiner les questions posées sous l'angle de l'article 37, plutôt que sous celui des articles 92 et 93, est donc le fait que cet article est «destiné à trouver une application directe».

Ce critère ne peut jouer dans les présentes affaires puisque tant la mise en œuvre des articles 92 et 93 que celle de l'article 169 font une large place à l'intervention de la Commission. Il serait même plus exact de dire que l'article 169 ne peut être mis en œuvre que par la Commission, tandis que, dans certaines conditions, l'article 93. crée des droits directs au profit des particuliers et que, si le critère de l'application directe devait être retenu, les dispositions des articles 92 et 93
devraient être considérées comme plus «spécifiques» que celles de l'article 169.

Sous la rubrique «Considérations préliminaires sur la portée des questions posées», vous avez enfin reconnu, dans votre arrêt Pigs and Bacon Commission du 26 juin 1979 (affaire 177/78) que «l'article 38, paragraphe 2, du traité assurait la ‘préséance’ aux dispositions spécifiques prises dans le cadre de la politique agricole commune par rapport aux dispositions générales du traité relatives à l'établissement du marché commun». Mais cette constatation ne fait que nous ramener au point de départ
puisque l'article 41 du règlement de base dispose que, «sous réserve de dispositions contraires du présent règlement, les articles 92, 93 et 94 du traité sont applicables à la production et au commerce des produits visés à l'article 1er paragraphe 1».

Un rapprochement entre, d'une part, l'article 95 du traité et, d'autre part, les articles 92 et 93 montre que ces dispositions poursuivent un objet identique, consistant à éviter que les deux ordres d'intervention de l'Etat membre — par l'action d'une discrimination fiscale ou par l'octroi d'aides — aient pour effet de fausser les conditions de concurrence sur le marché commun ou de créer des discriminations à charge de la production ou du commerce d'autres États membres. Cependant, ces dispositions
mettent en jeu des conditions d'application distinctes, spécifiques aux deux ordres de mesures étatiques qu'elles ont, respectivement, pour objet de régler, et diffèrent au surplus par leurs conséquences juridiques, en ce sens surtout que la mise en œuvre des articles 92 et 93 est beaucoup plus efficace que l'interprétation rendue par la Cour sur renvoi préjudiciel ou une constatation de manquement effectuée sur la base de l'article 169.

En effet, la mesure nationale n'étant pas soustraite à l'application des dispositions des articles 92 et suivants, une violation de celles-ci met d'emblée l'État membre concerné en position d'infraction et le fait, pour la Commission, d'ouvrir la procédure de l'article 92 a pour effet d'empêcher d'emblée l'application de la mesure nationale, tandis que la constatation éventuellement adoptée par la Cour en vertu de l'article 169 ne fait disparaître l'infraction constatée que pour le futur. Le fait
d'engager la procédure de l'article 93 a pour effet que l'État membre ne peut, en attendant, appliquer l'aide et que, s'il le fait, il se trouve automatiquement en infraction, ainsi que vous l'avez jugé le 21 mai 1977 dans l'affaire Commission/Royaume-Uni (Recueil 1977, p. 921). Mais ceci suppose naturellement que la Commission poursuive activement la procédure de l'article 93 et n'attende pas indéfiniment pour adopter une décision définitive. Si l'on donne par contre la préférence à la procédure de
l'article 169, l'octroi de l'aide ne peut cesser qu'après la constatation du manquement par la Cour et après que l'État membre ait donné suite à cette constatation (article 171), tandis que, sans préjuger du fond, la procédure de l'article 93 permet de «bloquer» l'aide sur le champ.

Ainsi, tant du point de vue des garanties qu'elle offre aux États membres que de celui de l'efficacité et de la certitude du droit, la procédure de l'article 93, correctement appliquée, présente plusieurs avantages: elle aboutit à une décision immédiatement exécutoire de la Commission fixant de façon précise en quoi et à partir de quelle date l'aide est illégale; la Commission prend ainsi toutes ses responsabilités, tandis qu'en recourant à l'article 169 elle s'en décharge sur la Cour. Accepter la
thèse de la Commission reviendrait à «légaliser» provisoirement l'aide accordée par l'État membre et à justifier sa carence à poursuivre activement la procédure de l'article 93.

Après ces considérations, que nous estimons peut-être sévères pour la Commission, mais indispensables, nous ne vous proposerons cependant pas d'accueillir l'exception d'irrecevabilité soulevée par le gouvernement italien. Cette position ne se fonde pas, en définitive, sur la circonstance que, comme le prétend la Commission, indépendamment des finalités économiques globales et de la technique de financement du «sovraprezzo», l'incidence de la composante fiscale de cette taxe sur la libre circulation
du sucre est évidente: si tel était le cas, on serait en droit de se demander pourquoi elle a attendu le moment où la révision du règlement de base dans le secteur du sucre est déjà en chantier, à échéance du printemps 1980, pour introduire les présentes procédures en manquement, alors qu'elle avait à sa disposition la procédure, beaucoup plus efficace, de l'article 93. Mais il n'est de toute manière que temps de clarifier une situation qui aura pratiquement duré, sans interruption, du 1o juillet
1968 au 1er juillet 1980, alors que — différence essentielle par rapport au régime de l'alcool éthylique d'origine agricole dont il était question dans les affaires Hansen —, il existe depuis longtemps une organisation commune du marché du sucre. C'est sous le bénéfice de ces observations que nous prendrons position en termes brefs sur le fond.

V —

Le premier manquement reproché à l'Italie vise l'affectation du produit du «sovraprezzo» au financement d'aides au stockage non autorisées par la réglementation communautaire.

1. L'indemnité compensatrice pour frais de stockage accordée aux producteurs de sucre sur la base du point 5, sous e), des décisions CIP no 24/1976 et no 37/1977 ainsi que du point 5, sous f), desdites décisions est calculée mensuellement en fonction des variations des charges financières effectivement supportées par les entreprises; elle ne respecte donc pas le principe du caractère forfaitaire et uniforme du remboursement de ces frais pour toute la Communauté. L'objectif communautaire poursuivi,
qui est d'éviter le recours généralisé et immédiat à l'intervention et, ainsi, de stabiliser le marché, ne peut être réalisé que par les moyens prévus par l'article 8 du règlement no 3330/74 dans la version du règlement no 1487/76. Les frais de magasinage dus à l'absence de recours à l'intervention ne peuvent être remboursés que selon les modalités prévues à cet article. Les frais de stockage en raison du report font l'objet de l'article 31. Pour autant que la mesure italienne aille au-delà de
cet objectif, elle n'est certainement pas conforme à cet article.

Le fait que le bénéfice de cette mesure ait été étendu par décision CIP du 26 mai 1978 au sucre importé des autres Etats membres à partir de la campagne 1978-1979 et la suppression de son caractère jusqu'alors discriminatoire ne changent rien à la situation antérieure.

2. Le point 6, sous a), des décisions CIP no 24/1976 et no 37/1977, qui prévoit la compensation partielle des frais de stockage encourus au titre du report, a pour but d'autoriser la Caisse de péréquation à gérer, pour le compte des betteraviers, un fonds de réserve constitué au moyen des sommes attribuées à ces producteurs.

À la différence des frais de stockage qui font l'objet d'un remboursement dont les modalités sont fixées forfaitairement pour toute la Communauté, le remboursement des frais de report ne fait l'objet que de règles générales (règlement no 748/68, dans la version modifiée par le règlement no 2829/71 du 24 décembre 1971). Selon l'article 2 de ce règlement, le producteur de sucre peut exiger du betteravier le remboursement des frais de stockage au titre du report sur la base d'un contrat et dans les
limites fixées par les institutions communautaires.

Par conséquent, les modalités de ce remboursement doivent faire l'objet d'arrangements contractuels; la seule intervention des pouvoirs publics qui soit prévue est celle des institutions communautaires.

Dans la réalité, l'objectif de l'accord interprofessionnel italien et son caractère subordonné par rapport aux décisions du CIP résultent clairement de sa disposition finale selon laquelle:

«le présent accord entre en vigueur au moment de l'adoption des mesures CIP nécessaires qui, à compter du 1er juilett 1976 et sur toute la production de sucre de la campagne 1976, fixent le montant exact à attribuer mensuellement à l'industrie sucrière italienne au titre de la différence entre le taux d'intérêts qu'elle a supporté effectivement et celui qui est fixé par la Communauté économique européenne.»

L'iiomologation de l'accord interprofessionnel aux points 6, sous a), des décisions no 24/1976 et no 37/1977 constitue donc une immixtion irreguliere des autorités italiennes en faveur des producteurs de sucre reporté.

Dans leur effet pratique, ces accords interprofessionnels comportent, pour le sucre reporté, un remboursement fixé d'autorité, correspondant à 60 % du montant mensuel communautaire non remboursé pour frais de stockage pour toute la production de sucre excédentaire ne bénéficiant pas de ce remboursement.

Ainsi, une partie des aides d'adaptation attribuées et réservées aux betteraviers est autoritairement prélevée sur le fonds ainsi constitué et géré par la Caisse de péréquation. Les mesures en question répartissent entre tous les producteurs de betteraves, que leurs produits soient ou non utilisés pour la production de sucre reporté, des sommes affectées par la Caisse au financement du remboursement en question. Du point de vue communautaire, les facilités et garanties (ressources d'État)
supplémentaires qui en découlent pour les producteurs de sucre sont contraires à l'esprit des articles 8 et 31, paragraphe 2, du règlement de base.

VI —

Le second manquement reproché à l'Italie vise le «sovraprezzo», sur la légalité duquel nous avions émis de sérieuses réserves les 16 et 17 juin 1975 dans nos conclusions sur les affaires de concurrence «sucre» (Recueil 1975, p. 2078).

Rappelons que le «sovraprezzo» est une taxe sur le sucre blanc mis à la consommation en Italie, que ce sucre soit importé ou produit en Italie. Son produit, versé à la Cassa Conguaglio Zucchero, instituée pour effectuer les opérations de péréquation liées à l'insertion de l'économie sucrière italienne dans l'organisation commune des marchés dans ce secteur, est destiné au financement des aides d'adaptation octroyées aux sucriers et aux betteraviers italiens par l'article 38 du règlement no 3330/74,
même s'il sert également à financer d'autres mesures d'adaptation au profit non seulement des sucriers, mais aussi des betteraviers. S'il n'est pas douteux que le règlement de base permette à l'Italie l'octroi d'aides, encore faut-il que le mode de financement de celles-ci soit conforme à l'article 95 du traité ou, comme le dit l'article 93, paragraphe 2, «que cette aide ne soit pas appliquée de façon abusive».

Même si, dans sa technique, le «sovra-prezzo» constitue une mesure de péréquation entre le coût du sucre produit en Italie et celui du sucre importé, il s'agit d'une imposition de nature fiscale ou parafiscale. De même, le fait qu'il soit calculé sur la quantité mise à la consommation et qu'en définitive il pèse sur le consommateur, un peu comme une taxe sur la valeur ajoutée, ne change rien à la situation. La circonstance que cette «péréquation» soit conditionnée par le système du prix de vente
maximal en vigueur en

Italie n'est pas non plus déterminante. Par votre arrêt Tasca du 26 février 1976 (Recueil 1976, p. 292), vous avez vousmêmes émis de sérieuses réserves sur la légalité, au regard du droit communautaire, du système des prix maximaux à la consommation du sucre en Italie: un régime illégal ne saurait justifier une mesure nécessaire au fonctionnement d'un tel régime.

En aucun cas, la réglementation communautaire ne comporte l'autorisation de financer ces aides, ne serait-ce qu'en partie, par la voie d'une imposition parafiscale pesant également sur les sucres importés qui, eux, ne bénéficient pas de ces aides. L'absence de discrimination entre sucre importé et sucre national n'est qu'apparente puisque le produit de la taxe va à la Caisse qui n'en fait profiter que le sucre national.

Nous vous proposerons donc d'accueillir les deux requêtes de la Commission. Toutefois, compte tenu des ambiguïtés qui ont subsisté tant au cours de la phase administrative que de la phase contentieuse de la procédure et de la carence dont l'institution a fait preuve sur le terrain des articles 92 et 93, nous estimons qu'il y aurait lieu de compenser les dépens, qui n'ont d'ailleurs qu'une valeur symbolique dans ce type d'affaire.

Sans préjuger des décisions qui pourraient être arrêtées au titre de l'article 93, nous concluons à ce que vous déclariez que:

1) l'octroi aux fabricants italiens de sucre d'un montant couvrant la différence entre le montant des charges qu'ils supportent effectivement au titre du stockage de sucre et le montant du remboursement prévu par le règlement no 3330/74, ainsi que le versement aux fabricants du sucre italien faisant l'objet d'un report d'un montant correspondant à 60 % du montant mensuel fixé par la réglementation communautaire en matière de remboursement de frais de stockage sont contraires aux articles 8 et 31,
paragraphe 2, de cette réglementation;

2) en tant qu'il frappe uniformément le sucre italien et le sucre importé des autres États membres, alors qu'il est affecté au financement d'aides profitant au seul sucre national, le «sovraprezzo» est contraire à l'article 95, paragraphe 1, du traité.

Nous concluons également à la compensation des dépens.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 73/79
Date de la décision : 24/01/1980
Type de recours : Recours en constatation de manquement - fondé

Analyses

Frais de stockage de sucre.

Affaire 72/79.

Impositions intérieures: "sovraprezzo".

Aides accordées par les États

Impositions intérieures

Sucre

Fiscalité

Agriculture et Pêche

Concurrence


Parties
Demandeurs : Commission des Communautés européennes
Défendeurs : République italienne.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mayras
Rapporteur ?: Koopmans

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1980:24

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