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17/01/1980 | CJUE | N°53/79

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 17 janvier 1980., Office national des pensions des travailleurs salariés (ONPTS) contre Fioravante Damiani., 17/01/1980, 53/79


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 17 JANVIER 1980 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Aux termes de l'article 36 du règlement no 574/72 du 21 mars 1972 fixant les modalités d'application du règlement no 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans la version du règlement no 878/73 du 26 mars 1973 (JO 1972, no L 74, p. 1 et JO 1973, no L 86, p. 1), «pour bénéficier des pre

stations en vertu des articles 40 à 51 du règlement» (c'est-à-dire des prestations en matière
...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 17 JANVIER 1980 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Aux termes de l'article 36 du règlement no 574/72 du 21 mars 1972 fixant les modalités d'application du règlement no 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans la version du règlement no 878/73 du 26 mars 1973 (JO 1972, no L 74, p. 1 et JO 1973, no L 86, p. 1), «pour bénéficier des prestations en vertu des articles 40 à 51 du règlement» (c'est-à-dire des prestations en matière
d'invalidité) ... «le requérant est tenu d'adresser une demande à l'institution du lieu de résidence, selon les modalités prévues par la législation qu'applique cette institution». Selon le paragraphe 4 de ce même article, «une demande de prestations adressée à l'institution d'un État membre entraîne ... la liquidation concomitante des prestations au titre des législations de tous les États membres en cause aux conditions desquelles le requérant satisfait ...». «Les demandes de prestations sont
instruites par l'institution à laquelle elles ont été adressées ou transmises conformément aux dispositions de l'article 36 du règlement d'application». Ainsi le prévoit l'article 41 du règlement précité. Cette institution est désignée par les termes «institution d'instruction». L'article 41, paragraphe 2, édicté:

«L'institution d'instruction est tenue de notifier immédiatement à toutes les institutions en cause, au moyen d'un formulaire établi à cet effet, les demandes de prestations afin qu'elles puissent être instruites simultanément et sans délai par toutes ces institutions.»

En outre, l'article 45 de ce règlement prévoit que si l'institution d'instruction constate que le requérant a droit à prestations au titre de la législation qu'elle applique, sans qu'il soit nécessaire de tenir compte des périodes d'assurance accomplies sous la législation d'autres États membres, elle verse immédiatement ces prestations «à titre provisionnel». Enfin, il est dit à l'article 45, paragraphe 4, ce qui suit:

«L'institution tenue de verser des prestations en vertu des paragraphes 1, 2 ou 3 en informe immédiatement le requérant en attirant explicitement son attention sur le caractère provisoire et non susceptible de recours de la mesure prise à cet effet.»

Le requérant dans l'instance principale est un citoyen italien domicilié en Belgique. Après avoir exercé un emploi en Italie en qualité de travailleur pendant un certain temps, il a été mineur de fond en Belgique, sans interruption depuis 1948. Depuis février 1961, il perçoit une pension d'invalidité italienne. En outre, il bénéficie depuis 1961 d'une pension d'invalidité d'ouvrier mineur et, depuis janviei 1972, d'une pension pour maladie professionnelle, toutes deux lui étant accordées en vertu du
droit belge.

Le 10 février 1975, il introduisait une demande de pension de retraite d'ouvrier mineur auprès de l'Office national des pensions pour travailleurs salariés, partie défenderesse à l'instance principale. En réponse à cette demande, il apprenait que son droit à pension devait être pleinement reconnu, mais que la pension ne pouvait lui être payée que sous déduction de la pension d'invalidité italienne dont il bénéficiait. Une décision interviendrait à ce sujet sitôt que le montant de cette dernière
pension serait connu. La décision se faisant attendre, M. Damiani a saisi, le 25 mars 1976, le tribunal du travail de Mons d'une action en vue de faire reconnaître sont droit à une pension de retraite. Tout en reconnaissant que l'intéressé a droit à la pension sollicitée, le tribunal a rejeté la demande comme non fondée par jugement du 26 novembre 1976, motif pris de ce que la pension sollicitée ne pouvait être payée que sous déduction de la pension italienne.

L'intéressé a interjeté appel de ce jugement devant la cour du travail de Mons en janvier 1977. Alors que cette procédure était pendante, une décision de l'Office lui fut communiquée en mai 1977, à la suite de laquelle il reçut, à partir du 1er mars 1975, une pension à titre provisionnel — manifestement à concurrence de la différence entre le montant plein de la pension belge et celui de la pension d'invalidité italienne. A cette occasion, il était précisé formellement que cette décision n'était pas
susceptible de recours, en vertu de l'article 45, paragraphe 4, du règlement no 574/72. Cela étant, M. Damiani modifia ses conclusions en appel en demandant que l'office soit condamné à payer les intérêts judiciaires à partir de la date à laquelle ses droits à pension avaient été reconnus. La procédure d'appel s'est conclue par un arrêt du 13 janvier 1978 par lequel il a été jugé qu'une action, en l'absence d'une mesure au titre de l'article 45, paragraphe 1, du règlement no 574/72, est en principe
possible, parce qu'il se déduit de cette disposition une obligation au paiement immédiat de prestations à titre provisionnel à compter de la date à laquelle l'institution compétente a connaissance de tous les éléments nécessaires. L'autorité judiciaire peut ici se substituer à l'autorité administrative, lors même que la teneur de la mesure administrative ne saurait, au titre de l'article 45, paragraphe 4, faire l'objet d'un recours. L'appel a toutefois été déclaré non fondé en tant qu'il visait la
constatation d'une obligation de payer, et cela en raison de la décision du 16 mai 1977. En outre, la juridiction d'appel a constaté que l'intéressé a droit aux intérêts judiciaires par application des règles du droit belge, motif pris de ce que l'article 45, paragraphe 1, du règlement no 574/72 prévoit un paiement immédiat, alors qu'une décision de cette nature n'a pas été prise. Les intérêts judiciaires sont dus, selon l'arrêt de la cour du travail, sur les montants des prestations allouées à
titre provisionnel, mais à partir seulement du moment de la date d'introduction du recours en justice, soit à partir du 25 mars 1976.

L'office s'est pourvu en cassation. Il a fait valoir tout d'abord que l'article 45, paragraphe 1, du règlement no 574/72 n'était pas applicable dans le cas de l'intéressé. En raison de la pension d'invalidité italienne dont il bénéficie, M. Damiani n'aurait pas de droit à prestations au titre de la législation belge, étant donné que l'article 25, alinéa 1, de l'arrêté royal no 50, du 24 octobre 1967, édicté:

«Sauf dans les cas et sous les conditions déterminées par le Roi, la pension de retraite et la pension de survie ne sont payables que si le bénéficiaire n'exerce pas d'activité professionnelle et s'il ne jouit pas d'une indemnité pour cause de maladie, d'invalidité ou de chômage involontaire par application d'une législation de sécurité sociale belge ou étrangère.»

Les paiements à titre provisionnel consentis par la décision du 16 mai 1977 ne représenteraient donc rien d'autre qu'une «simple tolérance administrative». Quant aux intérêts judiciaires, ils ne seraient applicables en aucun cas en vertu du droit belge. Enfin, l'article 45, paragraphe 4, du règlement no 574/72 précité exclut en fait toute condamnation au paiement d'une pension à titre provisionnel et, partant, toute condamnation au paiement d'intérêts judiciaires.

Par arrêt du 19 mars 1979, la Cour de cassation a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour de justice la question suivante à titre préjudiciel, conformément à l'article 177 du traité CEE:

«Lorsque l'institution d'instruction visée à l'article 45, paragraphe 1, du règlement no 574/72 du 21 mars 1972 du Conseil des Communautés européennes fixant les modalités d'application du règlement (CEE) no 1408/71 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, constate que le requérant a droit à prestations au titre de la législation qu'elle applique sans qu'il soit nécessaire de tenir compte des
périodes d'assurance accomplies sous la législation d'autres Etats membres et qu'elle ne verse pas immédiatement ces prestations à titre provisionnel et lorsque, après que le requérant l'ait citée devant la juridiction nationale compétente pour obtenir une décision à titre provisoire, l'institution d'instruction décide d'allouer ces presta- tions à titre provisionnel à partir d'une date antérieure à la citation, les dispositions de l'article 45, paragraphes 1 et 4, du règlement précité,
s'opposent-elles à ce que la juridiction saisie alloue, sur la demande du requérant par application du droit national, des intérêts judiciaires sur le montant des prestations dues à titre provisionnel, depuis la date de la citation en justice?»

Sur cette question nous prenons position comme suit.

1. Il convient tout d'abord d'approfondir quelques objections que le requérant au principal a soulevées sur la recevabilité ou l'utilité de la demande préjudicielle.

a) Il souligne tout d'abord qu'il a fait valoir divers moyens devant la Cour de cassation à l'appui de son pourvoi et, en particulier, des moyens qui ne concernent que le droit national. Au cas où cela lui permettrait d'avoir gain de cause — ce que la Cour de cassation n'a toutefois pas examiné —, la demande préjudicielle se révélerait inutile. Autrement dit, il n'aurait pas été opportun de soulever les questions formulées dans l'arrêt de renvoi.

Nous pourrons être très bref au sujet de cette exception relative à l'intérêt du renvoi aux fins de la décision à rendre. La Cour de justice a déjà précisé à plusieurs reprises qu'elle ne s'immisçait pas par principe dans les considérations des tribunaux nationaux à cet égard. L'ordre dans lequel les questions de droit sont soulevées dans le cadre d'une instance nationale est exclusivement l'affaire de la juridiction interne. Aussi ne nous est-il pas possible de considérer le renvoi
irrecevable au motif que l'instance au principal peut être tranchée le cas échéant sans que que réponse soit donnée aux questions soulevées sous l'angle du droit communautaire. Il ne semble en aucun cas permis de renvoyer la demande préjudicielle à la juridiction dont elle émane en invitant celle-ci à clarifier tout d'abord certaines questions regardant exclusivement le droit national, puisqu'il est imaginable que cela a déjà été fait tacitement, comme semble l'indiquer le fait que des
problèmes de droit communautaire ont été qualifiés comme nécessitant une solution.

b) Le requérant au principal a objecté en outre que la question posée remonte à une erreur de droit, étant donné qu'elle procède de l'idée que l'article 45, paragraphe 1, du règlement no 574/72 produit effet dans le cas d'espèce. En réalité, cela ne saurait toutefois être considéré comme impératif. En effet, le requérant au principal, parce qu'il touche une pension d'invalidité étrangère, sur la base de l'article 25 de l'arrêt royal no 50, du 24 octobre 1967, précité, n'aurait pas droit à une
pension de vieillesse. La décision qui a néanmoins été prise le 16 mai 1977, ne saurait être considérée que comme une «simple tolérance administrative», étant donné qu'elle a été adoptée sur la base d'une instruction du ministre de la prévoyance sociale du 26 mai 1972, dénuée de base légale.

A ce sujet, il suffit en soi de constater que l'exception a trait à l'interprétation et à l'application correctes du droit national sur lesquelles la Cour de justice ne peut, par principe, s'exprimer. D'autre part, il est également permis de douter, comme l'a dit l'agent de la Commission au cours des débats oraux, que le sens de la disposition belge soit effectivement d'exclure toute pension de vieillesse en cas d'octroi d'une pension d'invalidité étrangère de montant réduit, pension qui,
selon le droit en vigueur — comme cela semble être le cas en Italie —, ne peut être convertie en rente-vieillesse et de supposer qu'en vue d'éviter de parvenir à un résultat aussi inéquitable, la disposition ordonne seulement de réduire la pension de vieillesse belge à concurrence du montant des rentes d'invalidité étrangères. Quoi qu'il en soit, la défenderesse a effectivement pris une décision accordant la pension à titre provisionnel et, dans cette décision, elle s'est même effectivement
référée à l'article 45, paragraphe 4, du règlement no 574/72, ce qui suppose en fait que les conditions de l'article 45, paragraphe 1, sont ici remplies. De plus, il est sans doute permis de supposer que la Cour de cassation, précisément parce qu'elle a soulevé la question d'interprétation du droit communautaire formulée dans l'arrêt de renvoi, est d'avis que le requérant au principal a droit au paiement immédiat de certaines prestations déterminées à titre provisionnel, en vertu de l'article
45, paragraphe 1, du règlement no 574/72.

Il ne fait donc aucun doute que rien ne s'oppose de manière contraignante à l'examen de la question posée.

2. Cette question, à la discussion de laquelle nous allons passer maintenant, nous amène tout d'abord à examiner si les prestations à verser conformément à l'article 45, paragraphe 1, du règlement no 574/72 peuvent être réclamées en justice, étant donné que cette faculté est la condition préalable de l'allocation éventuelle d'intérêts judiciaires.

La défenderesse paraît en douter, parce que l'article 45, paragraphe 4, indique que les mesures à prendre en exécution du paragraphe 1 de cet article revêtent un caractère provisionnel et ne sauraient faire l'objet d'un recours.

Nous croyons cependant que la Commission et le requérant au principal ont raison lorsqu'ils réfutent ce point de vue. Une interprétation correcte de cette disposition ne peut, en effet, s'obtenir qu'en tenant compte de l'ensemble du contexte de la réglementation, en tenant compte aussi du sens et du but de l'article 45 considéré en son entier et en ne perdant pas de vue, en outre, les principes généraux du droit qui importent dans de telles relations juridiques.

Il est parfaitement clair qu'en ce cas, c'est-à-dire lorsque les droits d'une personne au titre des assurances sociales se déterminent par référence à la législation de plusieurs États membres et qu'il est nécessaire que les institutions compétentes de plusieurs États membres interviennent en la matière, la détermination définitive des droits à prestations nécessite parfois un laps de temps important. D'autre part, on ne saurait attendre du titulaire de ces droits qui a généralement un besoin
urgent des prestations, qu'il patiente pendant un temps plus ou moins long. Aussi — comme le requérant au principal l'a souligné à juste titre — diverses dispositions du règlement no 574/72 (les articles 41 et 50, outre l'article 45) font-elles obligation aux institutions compétentes de procéder à un examen accéléré des dossiers. C'est aussi la raison pour laquelle l'article 45, paragraphe 1, prévoit notamment le paiement immédiat de prestations, lesquelles peuvent être accordées sans que la
situation soit complètement clarifiée — soit les prestations qui peuvent être demandées selon le droit de l'institution d'instruction, «sans qu'il soit nécessaire de tenir compte des périodes d'assurance accomplies sous la législation d'autres États membres». Cette disposition montre clairement qu'il y a ici non pas pouvoir discrétionnaire, mais au contraire obligation d'octroyer des prestations à titre provisionnel. Cela peut se déduire du contenu précis de la disposition: ce qui est déterminé,
c'est l'institution compétente pour l'octroi des prestations, le moment auquel les prestations sont versées («immédiatement», après que les constatations nécessaires ont été opérées) et le montant à verser. Cela découle aussi de l'emploi du présent de l'indicatif dans le libellé de cette disposition, temps qui est d'un emploi fréquent dans les dispositions législatives. Le libellé de l'article 45, paragraphe 4, le corrobore également puisqu'il parle explicitement de l'institution tenue de verser
des prestations. Or, s'il ne fait nul doute que l'article 45, paragraphe 1, prévoit une obligation correspondant naturellement à un droit du bénéficiaire des prestations, il faut également supposer qu'un tel droit existe (même s'il n'est pas formellement question d'un droit de recours dans les dispositions de droit communautaire). Il y a en effet lieu ici à application du principe de droit selon lequel dès qu'un ordre juridique a créé un droit, il doit également exister une possibilité de faire
respecter celui-ci efficacement.

On ne saurait donc déduire du membre de phrase de Particle 43, paragraphe 4, précédemment cité («caractère ... non susceptible de recours de la mesure») que toute possibilité de recours est exclue lors même que le droit que l'intéressé tire du paragraphe 1 n'est pas respecté, si ce n'est avec retard, c'est-à-dire lorsque cette disposition n'est pas appliquée correctement. Une telle disposition qui est contraire aux principes généraux du droit que nous venons de citer, doit, au contraire, être
interprétée de manière stricte et doit donc être rapportée exclusivement au caractère provisoire des mesures effectivement prises, lesquelles peuvent l'être sans que l'examen nécessaire ait été entièrement accompli. Il faudrait donc déduire en tout état de cause de l'article 45, paragraphe 4, que cette disposition exclut les conflits portant sur des questions pour lesquelles il n'existe pas encore de mesures pouvant faire l'objet d'un recours, parce que les mesures provisoires sont prises sans
préjudice des solutions définitives qui seront retenues.

Dans la mesure où la question posée par la Cour de cassation comporte également, à titre de corollaire, celle de savoir si, en cas d'application non correcte de l'article 45, paragraphe 1, du règlement no 574/72, un recours peut être formé qui constitue la condition de l'allocation d'intérêts judiciaires, la réponse doit être entièrement affirmative. Point n'est besoin que nous nous arrêtions sur la nature du droit de recours en droit interne. C'est l'affaire des tribunaux nationaux qui, le cas
échéant, en l'absence de règles particulières, peuvent recourir aux principes généraux de la Constitution ou raisonner par analogie.

3. En ce qui concerne, enfin, la question de savoir si dans l'hypothèse d'un paiement différé des prestations à titre provisionnel et de l'introduction de ce chef d'une procédure judiciaire devant les tribunaux nationaux, l'article 45 du règlement no 574/72 exclut l'allocation d'intérêts judiciaires, conformément aux règles du droit national et à compter de la date d'introduction du recours, il faut admettre que le droit communautaire ne dit rien de précis à ce sujet.

Cela ne saurait toutefois étre déterminant, comme la Commission l'a fait observer à juste titre. Ce qui est déterminant, en réalité, c'est que le droit communautaire consent un droit à prestations à titre provisionnel pouvant être invoqué en justice. La protection juridique nécessaire à cet effet doit être assurée par les juridictions nationales; le droit national est dès lors important pour son organisation et doit notamment veiller à sa mise en oeuvre efficace. Il peut parfaitement prévoir
l'allocation d'intérêts judiciaires, lesquels sont destinés à compenser une diminution du pouvoir d'achat en cas de versement différé des prestations. Par conséquent, il convient de dire que l'allocation d'intérêts judiciaires dans le cadre de l'article 45 du règlement no 574/72 se fait selon le droit national, que le règlement ne les exclut aucunement, que leur octroi n'est rien d'autre qu'une application aussi efficace que possible du règlement communautaire.

Ce n'est pas sans raison que la Commission s'est référée dans ce contexte à l'arrêt dans l'affaire 35/74 (arrêt du 12 novembre 1974, Alliance nationale des mutualités chrétiennes et Institut national d'assurance maladie-invalidité /Thomas Rzepa, Recueil 1974, p. 1241 et suiv.), lequel avait trait à l'article 34, paragraphe 3, du règlement no 4 (remplacé par le règlement no 574/72). Dans cet arrêt, la Cour a affirmé, à propos du problème similaire de la prescription en cas de remboursement
d'avances, qu'en l'état actuel du droit, cette question se résout conformément au droit national de la sécurité sociale.

C'est vainement, en revanche, que la défenderesse au principal fait valoir que les intérêts judiciaires ne sont prévus ni par l'arrêté royal du 24 octobre 1967 ni par les règlements d'exécution de celui-ci et que l'application de l'article 1153 du code civil à des obligations autres que celles de droit civil est contestée. C'est vainement aussi que l'on soutient qu'il peut être déduit de l'article 45, paragraphe 4, du règlement no 574/72 qu'il n'y a pas moyen d'obtenir par la voie judiciaire une
modification du montant des prestations allouées à titre provisionnel. En ce qui concerne cette dernière thèse, nous observerons qu'il ne nous appartient pas d'examiner des problèmes de droit national dans le cadre d'une procédure au titre de l'article 177. Nous pouvons nous contenter de constater que le droit communautaire n'exclut pas, en tout état de cause, l'allocation d'intérêts judiciaires et laisser tout le reste au juge national, lequel doit préciser les possibilités qui existent ici
selon son ordre juridique national. D'autre part, l'interprétation de l'article 45, paragraphe 4, préconisée par la défenderesse au principal, paraît être trop étroite. Selon nous, l'exclusion du recours ne signifie pas qu'il n'y aurait pas moyen d'obtenir, par la voie judiciaire, l'application correcte de l'article 45, paragraphe 1. Or, si l'on comprend le droit de recours dans ce sens plus large qui vient d'être précisé, celui-ci englobe aussi assurément la question de savoir à partir de quand
l'obligation de payer existe en vertu de cette disposition et si les désavantages découlant de l'application non correcte de la disposition pour le titulaire du droit ne doivent pas être compensés par les moyens du droit national, lesquels incluent aussi les intérêts judiciaires.

4. En conséquence, nous estimons qu'il doit être répondu à la question posée en disant que l'article 45, paragraphe 3, du règlement no 574/72 n'exclut pas qu'un tribunal national, saisi d'une action du chef d'exécution non correcte des obligations découlant de l'article 45, paragraphe 1, condamne l'institution compétente défenderesse, en vertu du droit national, au paiement d'intérêts judiciaires calculés sur le montant que celle-ci est tenue de payer à titre provisionnel.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 53/79
Date de la décision : 17/01/1980
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Cour de cassation - Belgique.

Sécurité sociale - Prestation à titre provisionnel.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Office national des pensions des travailleurs salariés (ONPTS)
Défendeurs : Fioravante Damiani.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: Mackenzie Stuart

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1980:14

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