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13/12/1979 | CJUE | N°95/79

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Mayras présentées le 13 décembre 1979., Procureur du Roi contre Charles Kefer et Louis Delmelle., 13/12/1979, 95/79


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 13 DÉCEMBRE 1979

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les deux renvois préjudiciels dont vous êtes saisis ont une origine identique; ils ont trait à deux procédures engagées, en Belgique, contre deux détaillants en viande, prévenus d'avoir pratiqué des prix de vente aux consommateurs non conformes aux prescriptions de l'arrêté ministériel du 27 mars 1975, ultérieurement modifié par l'arrêté ministériel du 14 juillet 1976.

Ces deux affaires vous ont été

respectivement soumises par la cinquième chambre (affaire 95/79) et par la quatrième chambre (affair...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. HENRI MAYRAS,

PRÉSENTÉES LE 13 DÉCEMBRE 1979

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les deux renvois préjudiciels dont vous êtes saisis ont une origine identique; ils ont trait à deux procédures engagées, en Belgique, contre deux détaillants en viande, prévenus d'avoir pratiqué des prix de vente aux consommateurs non conformes aux prescriptions de l'arrêté ministériel du 27 mars 1975, ultérieurement modifié par l'arrêté ministériel du 14 juillet 1976.

Ces deux affaires vous ont été respectivement soumises par la cinquième chambre (affaire 95/79) et par la quatrième chambre (affaire 96/79) du tribunal de première instance de Namur — le juge unique étant chaque fois le même — statuant sur l'opposition formée par les deux prévenus contre les jugements par défaut prononcés par la cinquième chambre dudit tribunal respectivement le 6 novembre 1978 et le 21 mars 1979.

Bien que ces deux affaires fassent l'objet de deux demandes séparées et que les prévenus au principal soient défendus par deux conseils distincts, vous avez décidé, le 3 octobre 1979, qu'étant connexes par leur objet il y avait lieu de les joindre aux fins de la procédure orale et de l'arrêt. Nous conclurons donc en une seule fois à leur sujet.

L'une et l'autre portent sur l'interprétation qu'il convient de donner au règlement no 805/68 du Conseil du 27 juin 1968, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande bovine, et notamment — nous citons la décision de renvoi — «article 5, 3, 1: article 6, 1, a et b, et des règlements ayant établi le prix de base de la viande bovine, plus particulièrement les règlements tels que rendus exécutoires par les règlements no 1652/72 du 31 juillet 1972, no 1192/73 du 8 mai 1973, no
667/74 du 28 mars 1974».

Toutefois, la première affaire (jugement du 7 mai 1979) porte en outre sur l'interprétation qu'il convient de donner au règlement no 121/67 du Conseil du 13 juin 1967, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la viande porcine, notamment — nous citons — «article 3, 4, 1: article 5, 1, alinéa 2, et des règlements ayant établi le prix de base de la viande porcine, plus particulièrement les règlements rendus exécutoires par les règlements no 2305/71 du 29 octobre 1971, no 1351/73 du
15 mai 1973, no 1133/74 du 29 avril 1974».

Concernant ce premier point, il convient de noter que le juge de renvoi a, dans la deuxième affaire (jugement du 30 mai 1979), d'ores et déjà «statué par dispositions nouvelles» que l'arrêté ministériel du 27 mars 1975, en ce qu'il définit à son article 3 le montant à ne pas dépasser par les détaillants de viande porcine, «est contraire aux objectifs du marché commun agricole et entrave ainsi les échanges communautaires» et a, en conséquence, sur base de l'article 107 de la Constitution, déclaré
«cet arrêté ministériel comme étant contraire à l'article 39 du traité de Rome et au règlement no 121/67 de la Commission».

On peut sérieusement se demander, dans ces conditions, si l'interprétation que sollicite ce juge de la réglementation communautaire dans le secteur de la viande porcine lui est encore nécessaire au sens de l'article 177, paragraphe 2, du traité de Rome, pour rendre son jugement dans la première affaire et s'il n'a pas, au moins implicitement, retiré sa demande touchant ce point.

Nous n'entrerons pas, cependant, plus avant dans l'examen de l'opportunité de débattre à nouveau de l'interprétation de la réglementation communautaire dans ce secteur. Il n'est de toute façon pas inutile de se pencher une fois encore sur ce problème puisque les juridictions nationales statuant en considération de votre arrêt Dechmann du 29 juin 1978 (Recueil p. 1574 et suivantes), arrêt qui portait précisément sur ce point, sont parvenues à des décisions diamétralement opposées.

En effet, alors que le tribunal de première instance de Neufchâteau (chambre correctionnelle composée d'un juge unique) a jugé, le 17 mai 1979, sur la base de la réponse que vous aviez donnée à la question qu'il avait posée dans l'affaire Dechmann, par un jugement à première vue assez solidement motivé, que la marge commerciale fixée par l'arrêté ministériel du 27 mars 1975n'entravait pas les échanges intracommunautaires de viande porcine et, en conséquence, a maintenu la prévention, le tribunal de
première instance de Namur (quatrième chambre composée d'un juge unique) a jugé, au contraire, le 30 mai 1979, de manière quelque peu sommaire, qu'il résultait de votre arrêt Dechmann que «la prévention n'est pas restée établie en ce qui concerne les prix des viandes porcines», ajoutant qu'il «adoptait entièrement» votre arrêt Dechmann. Ainsi, rarement une jurisprudence aura-t-elle recueilli une telle unanimité puisque tous — juridictions, prévenus et gouvernement — s'y rallient entièrement, tout en
en tirant des applications parfaitement contradictoires.

Tout comme'le jugement du 17 mai 1979 du tribunal de Neufchâteau, il ne serait pas étonnant que les deux jugements de renvoi du tribunal de Namur soient également frappés d'appel et il n'est pas exclu que vous soyiez à nouveau saisis du problème de l'interprétation de la réglementation communautaire dans le secteur de la viande porcine au niveau soit de l'appel, soit de la cassation.

Nous avions estimé, le 1er juin 1978 (Recueil p. 1595), que: «la détermination unilatérale, par un État membre, du prix de vente au consommateur de la viande porcine par le blocage de la marge commerciale est incompatible avec le règlement no 121/67 portant organisation commune des marchés dans le secteur considéré, dès lors qu'elle met en danger les objectifs ou le fonctionnement de cette organisation, en particulier le régime de prix qu'elle institue».

Vous avez dit pour droit (Recueil p. 1586) que «le règlement no 121/67 doit être interprété comme ne s'opposant pas à la fixation unilatérale, par un État membre, d'une marge commerciale maximale pour la vente au détail de la viande porcine, calculée essentiellement à partir des prix d'achat, tels que pratiqués aux stades antérieurs de commercialisation, et variant en fonction de l'évolution de ces prix, pourvu que la marge soit fixée à un niveau qui n'entrave pas les échanges intracommunautaires».

En présence des résultats auxquels cette jurisprudence a donné lieu, nous serions tenté, pour notre part, essentiellement pour les raisons de certitude du droit, particulièrement nécessaire en matière pénale ou correctionnelle, que nous avions exposées dans nos conclusions du 20 septembre dernier sur les affaires Danis et autres, de dire qu'«au regard d'une réglementation du type de l'arrêté ministériel en cause, le règlement no 121/67 du Conseil et les règlements ayant établi le prix de base de la
viande porcine ne confèrent aux détaillants de cette viande aucun droit que les juridictions nationales puissent utilement sauvegarder».

Cependant, dans ces mêmes affaires, vous venez de dire pour droit, le 6 novembre dernier, qu'une réglementation nationale de contrôle des prix s'appliquant aux produits régis par une organisation commune des marchés «est incompatible avec ladite organisation dans la mesure où, s'appliquant aux prix aux stades ultérieurs de la distribution, elle met ... en danger les objectifs ou le fonctionnement de cette même organisation», formule que nous avions nousmême employée dans nos conclusions sur
l'affaire Dechmann.

En l'état actuel de votre jurisprudence, nous ne pensons donc pas pouvoir reprendre la conclusion que nous avions proposée dans les affaires Danis et autres et nous nous en remettons à votre sagesse pour la formulation des termes de la réponse.

Le juge national devra toutefois tenir compte de la circonstance que le moment où se situent les faits du litige au principal est différent de celui de l'affaire Dechmann: alors que celle-ci portait sur une période en 1975, l'affaire dont il est saisi porte sur le 13 avril 1977. Il devra également se reporter à la réponse que la Commission a fournie aux questions que vous lui aviez posées par communication du 13 avril 1978 (p. 9 et 10), réponse qui ne porte toutefois pas sur les campagnes 1977-1978
et 1978-1979.

En ce qui concerne l'interprétation de la réglementation communautaire dans le secteur de la viande bovine, nos explications seront brèves.

Il s'agit en effet d'une organisation encore plus «structurée» que l'organisation du marché porcin et la réglementation communautaire dans ce secteur laisse encore moins de place à l'intervention des autorités nationales.

Le juge national devra tenir compte des indications de fait fournies par la Commission, seule à même de donner tous éléments utiles, en ce qui concerne les prix d'orientation (qui ne se rapportent toutefois qu'aux six États membres originaires), les prix moyens sur les marchés les plus représentatifs et les échanges intracommunautaires et avec les pays tiers de gros bovins (animaux et viandes).

Ce juge devra également tenir compte de la circonstance que le moment où se situent les faits du litige dont il est saisi est différent de celui de l'affaire Dechmann; alors que celle-ci portait sur une période en 1975, l'affaire 96/79 porte sur le mois d'avril 1977.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 95/79
Date de la décision : 13/12/1979
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demandes de décision préjudicielle: Tribunal de première instance de Namur - Belgique.

Mesures nationales de blocage de prix agricoles.

Agriculture et Pêche

Viande bovine

Viande de porc


Parties
Demandeurs : Procureur du Roi
Défendeurs : Charles Kefer et Louis Delmelle.

Composition du Tribunal
Avocat général : Mayras
Rapporteur ?: Bosco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1979:293

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