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22/11/1979 | CJUE | N°37/79

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 22 novembre 1979., Anne Marty SA contre Estée Lauder SA., 22/11/1979, 37/79


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 22 NOVEMBRE 1979 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La procédure, sur laquelle nous prenons position maintenant, concerne elle aussi un système de distribution sélective dans le secteur de l'industrie de la parfumerie, comme dans les affaires jointes 253/78 et 1 à 3/79.

Le système est pratiqué par la société française Estée Lauder, qui a été fondée en 1967 et est une filiale de la société canadienne Estée Lauder Cosmetics Limited. La première

achète des produits de beauté et des parfums fabriqués en Belgique et en Grande-Bretagne et elle le...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 22 NOVEMBRE 1979 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

La procédure, sur laquelle nous prenons position maintenant, concerne elle aussi un système de distribution sélective dans le secteur de l'industrie de la parfumerie, comme dans les affaires jointes 253/78 et 1 à 3/79.

Le système est pratiqué par la société française Estée Lauder, qui a été fondée en 1967 et est une filiale de la société canadienne Estée Lauder Cosmetics Limited. La première achète des produits de beauté et des parfums fabriqués en Belgique et en Grande-Bretagne et elle les commercialise dans le marché commun par un réseau de distributeurs agréés. Pour plus de détails, on voudra bien se reporter au jugement de renvoi du Tribunal de commerce de Paris, en particulier aux pages 4 et suivante et 6 du
texte original français.

La Commission a eu connaissance de cette organisation de vente lorsque la société Estée Lauder lui a notifié, le 11 janvier 1977, le contrat type destiné aux détaillants en France et les conditions générales de vente. Par une lettre du 23 mars 1977, qui était signée par un directeur de la direction générale de la concurrence, la société a alors été informée que ces textes «peuvent être considérés, compte tenu du contexte économique dans lequel ils opèrent, comme non susceptibles d'être visés par les
règles de concurrence du traité CEE». Après que la société Estée Lauder a encore précisé, à la demande de la Commission, que dans les huit autres États membres la distribution était assurée par des filiales qui passent avec leurs détaillants des accords similaires, il lui a été signalé, par une lettre du 8 juin 1978 qui était également signée par un directeur, «qu'il a été procédé au classement de cette affaire sans autre suite».

Pour l'instance au principal, ce système de distribution, ainsi que l'attitude adoptée à son égard par la Commission, ont de l'importance pour les motifs suivants.

La demanderesse dans la procédure nationale exploite à Paris un magasin de détail dans lequel elle vend aussi du parfum. En avril 1978, elle a sommé la société Estée Lauder de lui ouvrir un compte et de l'approvisionner à l'avenir, et elle a passé simultanément une première commande. Comme la société Estée Lauder a refusé d'y donner suite, la demanderesse l'a assignée devant le Tribunal de commerce à Paris en faisant valoir que le comportement d'Estée Lauder constituait une infraction à l'ordonnance
française du 30 juin 1945, dont il a déjà été question dans les autres procédures citées tout à l'heure, et elle a demandé entre autres au tribunal de dire que la défenderesse était obligée de lui livrer et que, son refus de vente étant fautif, elle était tenue de réparer le préjudice causé.

La défenderesse a allégué pour sa défense que, d'après le droit communautaire, une organisation de vente reposant sur des critères de sélection qualitatifs et quantitatifs était licite. Les contrats destinés aux points de vente en France auraient été notifiés par elle à la Commission, en vue de bénéficier de l'exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE, après quoi la Commission aurait décidé de tolérer ce système de distribution. Comme ce dernier aurait donc ainsi été reconnu
valable par la Commission, il devrait aussi être considéré comme valable en droit interne. A titre subsidiaire, la défenderesse a fait valoir que les contrats ne contenaient que des clauses répondant aux exigences de la «circulaire Fontanet» du 30 mars 1960, relative à l'ordonnance du 30 juin 1945. Ils ne seraient donc pas critiquables non plus au regard du droit français; la société Estée Lauder ne pourrait du reste pas s'en prévaloir à l'égard de la demanderesse, notamment parce que celle-ci ne se
livre pas principalement à la vente de parfums mais surtout de vêtements.

Dans le cadre de son appréciation de ces faits, le tribunal saisi est arrivé à la conclusion que l'article 85 du traité CEE était applicable aux contrats conclus par Estée Lauder. En ce qui concerne la lettre de la Commission du 23 juillet 1977 (ou plutôt sans doute, la lettre du 23 mars 1977), le tribunal a exprimé l'avis qu'elle paraissait s'apparenter à une attestation négative, et non à une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE. Or, une attestation négative
constituerait une décision de la Commission, dont le respect s'impose aux juridictions nationales en raison de la primauté du droit communautaire sur les lois nationales.

Pour clarifier ce point, et aussi dans l'optique de l'engagement d'une procédure au sens de l'article 9 du règlement no 17, de même que de son déroulement et de sa clôture, le tribunal a, par jugement du 28 février 1979, suspendu la procédure et déféré, en application de l'article 177 du traité CEE, les questions préjudicielles suivantes:

«1. La lettre du 23 juillet 1977 (vingt-trois juillet mil neuf cent soixante dix-sept) de la Commission des Communautés européennes, qui ne compone pas les mots «attestation négative» et paraît avoir été délivrée sans qu'ait été effectuée la publicité prévue par le règlement no 17, cons-titue-t-elle une attestation négative?

2. Dans l'affirmative, la lettre du vingt-trois juillet mil neuf cent soixante dix-sept constitue-t-elle une décision de la Commission, opposable aux tiers et s'imposant aux juridictions des États membres de la Communauté?

3. En cas de réponse negative à la première ou à la deuxième question, y a-t-il eu engagement de la procédure au sens de l'article 9.3 du règlement no 17 et quelles sont les autorités actuellement compétentes pour appliquer l'article 85.1 du traité?»

Ces questions appellent selon nous les observations suivantes.

1.  Il faut commencer, nous semble-t-il, par l'examen de la question de savoir si la lettre dont s'agit représente bien une décision de la Commission.

Cette dernière s'est prononcée par la négative, et cela en se référant notamment à la jurisprudence de la Cour sur la notion de décision. D'après celle-ci, il faudrait d'abord qu'il s'agisse d'un acte destiné à produire des effets juridiques (affaire 54/65, Compagnie des Forges de Châtillon, Commentry et Neuves-Maisons/Haute Autorité de la CECA, arrêt du 16. 6. 1966, Recueil 1966, p. 265). Dans les affaires 23, 24 et 52/63 (Usines Émile Henricot et deux autres requérantes/Haute Autorité de la
CECA, arrêt du 5. 12. 1963, Recueil 1963, p. 439), la Cour aurait pareillement retenu comme critère que l'acte doit apparaître destiné à accorder aux destinataires des droits ou à leur imposer des obligations, et dans les affaires 8 à 11/66 (Société anonyme Cimenteries CBR et autres/Commission, arrêt du 15. 3. 1967, Recueil 1967, p. 93), elle aurait jugé décisif que l'acte compone des effets juridiques affectant les intérêts de certaines entreprises et s'imposant obligatoirement à elles. De
plus, pour être une décision, l'acte devrait clôturer la procédure administrative interne et constituer une manifestation définitive de volonté (affaires 54/65, 23, 24 et 52/63). Enfin, il faudrait qu'il apparaisse comme un acte émanant de l'organe compétent et que sa forme extérieure permette de l'identifier comme étant une décision. C'est ainsi que, d'après l'arrêt dans les affaires 23, 24 et 52/63, il serait nécessaire que les intéressés puissent identifier la nature d'un acte à sa forme
extérieure, et surtout qu'ils puissent reconnaître qu'il s'agit d'une décision du collège compétent, ce qui exigerait selon des dispositions CECA la signature d'un membre de la Haute Autorité.

Pour la Commission, la lettre qui est ici en cause ne répond manifestement pas à ces conditions. Son seul effet serait que la Commission ne peut plus, sauf éléments nouveaux, intervenir en vertu de l'article 85, paragraphe 1; en revanche, il ne pourrait pas être parlé d'une atteinte portée aux intérêts du destinataire, puisque la société Estée Lauder peut se prévaloir à tout moment de sa notification du système de distribution. Enfin il serait important de noter — et la Commission renvoie à ce
sujet à l'arrêt dans l'affaire 71/74 (Nederlandse Vereniging voor Fruit en Groentenimporthandel et Nederlandse Bond van Grossiers in Zuidvruchten en ander Geïmponeerd Fruit/Commission, arrêt du 15. 5. 1975, Recueil 1975, p. 563) — que la lettre était seulement signée par un directeur de la direction générale de la concurrence, et que d'après le règlement intérieur de la Commission une telle personne n'est pas compétente pour prendre des décisions au sens de l'article 2 du règlement no 17; au
surplus, la lettre ne donnait pas à penser qu'elle contenait une déclaration engageant la Commission ou qu'elle concrétisait un acte décisif de celle-ci.

Quant à la défenderesse dans l'instance au principal, elle soutient que ses intérêts ont certainement été affectés par la lettre en question. En outre elle aurait pu déduire, comme d'autres entreprises, du Cinquième Rapport de la Commission sur la politique de concurrence, que la Commission avait voulu donner «une solution globale et uniforme valable pour l'ensemble de l'industrie de la parfumerie», ce qui aurait permis de conclure que la Commission elle-même avait pris une décision. Le fait que
des fonctionnaires de la Commission ont commis certaines erreurs de forme dans la transmission d'un tel acte ne saurait pas revêtir une importance décisive.

En ce qui concerne cette controverse, il n'est sans doute pas nécessaire de trancher maintenant si la communication faite à la société Estée Lauder peut être analysée comme une décision d'après son contenu. Nous voudrions toutefois observer à ce sujet que cela ne nous semble pas devoir être exclu. Pour la notion matérielle de décision il devrait en effet suffire qu'une déclaration entraîne des effets juridiques — ce qui est certainement le cas pour la constatation, qui lie la Commission, selon
laquelle les règles de concurrence du traité CEE n'interviennent pas —, tandis que l'existence ou non d'une atteinte à des intérêts ne devrait pas être déterminante.

Ce qui importe bien davantage est d'abord le fait que, d'après son règlement intérieur (JO no 47 du 11. 7. 1967, p. 1), seule la Commission est compétente pour prendre des décisions formelles dans le domaine du droit de la concurrence (attestations négatives, constatation d'une violation de l'article 85, paragraphe 1, octroi ou refus d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3). Ce règlement ne prévoit pas de délégation de pouvoirs à un membre de la Commission, ni à plus forte raison
à des fonctionnaires de la Commission. Une telle possibilité a seulement été introduite par décision du 23 juillet 1975 (JO no L 199 du 30. 7. 1975, p. 43) et encore, seulement pour des «mesures de gestion et d'administration». Importante est d'autre part la description, non contestée, que la Commission a donnée des événements qui ont conduit à la lettre qui nous intéresse ici, comme à celles qu'il faut apprécier dans les affaires préjudicielles 253/78 et 1 à 3/79. C'est ainsi que, conformément
à ce que nous avons déjà signalé dans ces autres procédures, après la notification d'un grand nombre d'accords relatifs à des systèmes de distribution sélective dans l'industrie de la parfumerie, il a été décidé, en raison de l'existence de certaines clauses entravant les échanges interétatiques, d'engager une procédure à l'encontre de trois entreprises, mais non contre la société Estée Lauder, et d'adresser à celles-là une communication de griefs. A cette fin, un acte du membre de la Commission
compétent pour les questions de concurrence suffisait apparemment. Au cours de la procédure administrative ont alors eu lieu des négociations entre les services de la Commission et les entreprises concernées, lesquelles ont abouti à ce que les clauses incriminées soient supprimées. Sur ce point il n'y a toutefois pas eu, par exemple, une décision de la Commission, c'est-à-dire une manifestation de volonté, par le collège des membres de la Commission, d'apprécier ces événements d'une certaine
manière. Eu égard aux lenteurs d'une procédure formelle — qui exige la publication de la demande conformément à l'article 19 du règlement no 17 et la consultation du Comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes — et compte tenu de la nécessité de concentrer les activités de la direction générale de la concurrence, où le personnel n'est précisément pas très nombreux, sur des affaires de concurrence plus importantes, on a renoncé à délivrer des attestations négatives
formelles et on s'est contenté d'une appréciation par le commissaire compétent pour les questions de concurrence. Son analyse a alors été appliquée à tous les cas similaires et elle a fait l'objet de communications aux entreprises, lesquelles ont été signées par le directeur général de la concurrence ou par un directeur de cette direction générale.

Force nous est donc de faire la constatation décisive qu'il n'y a absolument pas eu d'actes de la Commission même qui répondraient à la notion d'attestations négatives. Au surplus, pour le cas où cela aurait de l'importance, il est aussi possible de dire, à notre avis, qu'un tel sentiment n'a pas non plus été suscité. Le Cinquième Rapport de la Commission sur la politique de concurrence, auquel la société Estée Lauder a renvoyé, parle en effet uniquement d'une conception globale de la Commission
pour le secteur de l'industrie de la parfumerie, et non pas par conséquent d'une appréciation de cas individuels qui, à supposer qu'un schéma général ait été arrêté par la Commission même, aurait encore dû s'inscrire de toute manière dans le cadre de cette solution générale. En outre, ce rapport indique clairement que des décisions formelles n'étaient pas envisagées.

La lettre visée dans la première question du tribunal de renvoi ne doit donc pas être analysée comme une décision ou comme la notification d'une décision, mais seulement comme une communication administrative signalant que les services de la Commission ne voient pas de motif d'intervenir en vertu de l'article 85, paragraphe 1. Dans cette appréciation, il ne peut pas non plus s'agir d'une attestation négative au sens de l'article 2 du règlement no 17, comme le montre du reste le fait que la
dénomination «attestation négative» a été évitée, qu'on n'a pas choisi la forme usuelle pour les attestations négatives, qu'il n'y a pas eu de publication conformément à l'article 21 du règlement no 17, et que la communication n'est pas non plus comprise dans la liste des décisions qui est annexée au Cinquième Rapport sur la politique de concurrence. Du point de vue des entreprises concernées, qui veulent pouvoir organiser leurs activités commerciales sur une base solide, cette façon de procéder
peut assurément ne pas paraître très satisfaisante. Cet aspect ne doit toutefois pas être approfondi ici, pas plus que la question de savoir si, après la notification d'un accord, les entreprises ne disposent pas de moyens appropriés pour amener la Commission à arrêter une décision formelle.

2.  Après cette réponse donnée à la première question, il n'est plus nécessaire en fait d'examiner encore la deuxième, puisque celle-ci est seulement posée pour le cas où la lettre en question doit être considérée comme une décision. Deux brèves remarques nous paraissent néanmoins s'imposer.

a) C'est pertinemment que le tribunal de renvoi part de l'idée que le système de distribution de la société Estée Lauder n'a pas bénéficié d'une exemption au titre de l'article 85, paragraphe 3, du traité CEE. Nous pouvons renvoyer à ce sujet aux considérations développées dans les affaires 253/78 et 1 à 3/79; puisque la Commission s'est efforcée d'aboutir à une solution globale et uniforme pour toute l'industrie de la parfumerie, elles s'appliquent en effet aussi au cas d'Estée Lauder. En
outre, cette opinion trouve un appui dans les termes de la lettre qui est en cause dans la présente affaire. Le passage de cette lettre, qui déclare que les accords passés avec les détaillants en France «peuvent être considérés, compte tenu du contexte économique dans lequel ils opèrent, comme non susceptibles d'être visés par les règles de concurrence du traité CEE», exprime avec une clareté suffisante que les contrats en question ne tombent pas sous le coup de l'article 85, paragraphe 1. Il
s'agit donc tout au plus d'une prise de position similaire à celle contenue dans une attestation régative au sens de l'article 2 du règlement no 17, laquelle indique elle aussi seulement que pour la Commission, d'après les éléments dont elle a connaissance, il n'y a pas lieu d'intervenir à l'égard d'un accord, en vertu de l'article 85, paragraphe 1.

b) La Commission a pareillement raison lorsqu'elle souligne que même une décision formelle d'attestation négative n'est pas, en règle générale, opposable aux tiers et qu'elle ne s'impose pas aux juridictions nationales. De fait, de telles attestations expriment seulement, comme nous l'avons déjà dit et comme il ressort aussi du sixième considérant du règlement no 17, que pour la Commission, d'après les éléments dont elle a connaissance, il n'y a pas lieu d'intervenir. Elles n'expriment donc pas
une appréciation définitive, ni en particulier une prise de position qui relèverait de la compétence exclusive de la Commission. Comme l'article 85, paragraphe 1, est directement applicable, ainsi que la Cour l'a déjà jugé à diverses reprises, si bien que les particuliers peuvent s'en prévaloir devant les tribunaux nationaux et en tirer des droits, et comme les juridictions nationales peuvent aussi disposer éventuellement d'autres informations sur les particularités du cas de l'espèce, elles
sont naturellement tenues de se faire une opinion propre, en fonction des éléments dont elles ont connaissance, sur l'applicabilité de l'article 85, paragraphe 1, à certains accords.

Comme dans la présente espèce il n'existe toutefois même pas une attestation négative, c'est-à-dire une décision qui s'imposerait d'une quelconque manière — car le renseignement donné pourrait tout au plus avoir de l'importance pour une action en responsabilité pour raute de service —, il peut être constaté sans plus qu'un pareil acte, qui de surcroît n'a pas été publié, ne saurait pas être opposé à des tiers ou aux tribunaux nationaux.

3.  La troisième question, qu'il nous reste à examiner, n'exige pas de longs développements non plus.

a) En rapport avec sa première partie, il suffit de renvoyer, d'une part, à l'arrêt dans l'affaire 48/72 (SA Brasserie de Haecht contre consorts Wilkin Janssen, arrêt du 6. 2. 1973, Recueil 1973, p. 77), dont il découle que l'engagement d'une procédure au sens des articles 2, 3 et 6 du règlement no 17 suppose un acte d'autorité de la Commission, manifestant sa volonté de procéder à une décision en vertu des articles précités. D'autre part, il est intéressant de noter la déclaration expresse de
la Commission, qui a affirmé n'avoir engagé à aucun moment une procédure au sens de l'article 9, paragraphe 3, du règlement no 17 à l'égard de la défenderesse au principal. En réalité, aucune communication pareille, pourtant sans doute nécessaire dans un tel cas, ne semble effectivement avoir jamais été adressée à la défenderesse. Pour le reste, il paraît clair que la communication de griefs à trois autres entreprises ne peut pas être jugée suffisante sous ce rapport, même s'il est certain
que la Commission a voulu faire de ces cas des cas tests pour tout le secteur économique.

b) Pour la deuxième partie de la troisième question, il peut être renvoyé à l'arrêt dans l'affaire 127/73 (Belgische Radio en Televisie et Société belge des auteurs, compositeurs et éditeurs/SV SABAM et NV Fonior, arrêt du 30. 1. 1974, Recueil 1974, p. 51, et arrêt du 21. 3. 1974, Recueil 1974, p. 313), où il a été jugé qu'après l'engagement d'une procédure par la Commission les autorités des États membres perdent la compétence d'intervenir, en vertu de l'article 85, paragraphe 1, contre le même
comportement et que la notion d'autorités englobe aussi les juridictions qui sont spécialement chargées d'appliquer la législation nationale sur la concurrence. Mais cet arrêt a aussi souligné que la compétence des tribunaux nationaux pour appliquer le droit communautaire dérive de l'effet direct de l'article 85, paragraphe 1, et que la compétence d'appliquer cette dernière disposition ne saurait leur être déniée en invoquant l'article 9 du règlement no 17. Il est donc clair, et seule cette
constatation devrait présenter de l'intérêt pour l'instance au principal, que lorsque la Commission n'a pas engagé de procédure et lorsque l'application directe de l'article 85, paragraphe 1, est invoquée dans une procédure nationale, les tribunaux nationaux sont en tout cas compétents pour appliquer cette disposition.

En ce qui concerne finalement les problèmes spécifiques de l'application de l'article 85, paragraphe 1, à un cas comme celui de l'espèce, nous nous permettons de renvoyer aux considérations que nous avons exposées dans nos conclusions 253/78 et 1 à 3/79. Pour la présente affaire il y a seulement lieu de signaler encore comme particularité que la notification des accords prévus par la défenderesse au principal, dont la société n'a été fondée qu'en 1967, a donc été effectuée bien sûr après
cette date, si bien que nous n'avons pas affaire à des accords appelés anciens et que la jurisprudence qui a été développée au sujet de ces derniers ne joue pas ici.

4.  En conclusion, la demande du Tribunal de commerce de Paris pourrait donc recevoir la réponse suivante:

a) La lettre qui a été adressée à la défenderesse au principal en date du 23 mars 1977 ne représente pas une attestation négative au sens de l'article 2 du règlement no 17.

b) Cette prise de position, qui était signée par un directeur de la Direction générale de la concurrence et qui ne reposait sur aucune décision de la Commission, ne peut pas être opposée à des tiers et ne s'impose pas aux juridictions des États membres.

c) Une procédure au sens de l'article 9, paragraphe 3, du règlement no 17 n'a pas été engagée à l'égard de la défenderesse au principal. Les tribunaux des États membres sont aussi compétents pour appliquer l'article 85, paragraphe 1.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 37/79
Date de la décision : 22/11/1979
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal de commerce de Paris - France.

Concurrence - Parfums.

Contrats d'exclusivité

Ententes

Concurrence


Parties
Demandeurs : Anne Marty SA
Défendeurs : Estée Lauder SA.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: Mackenzie Stuart

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1979:263

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