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13/09/1979 | CJUE | N°142/78

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 13 septembre 1979., Marcelle Berghmans, épouse Exner, contre Commission des Communautés européennes., 13/09/1979, 142/78


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 13 SEPTEMBRE 1979 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

L'affaire dans laquelle nous présentons nos conclusions aujourd'hui concerne, d'une part, le droit de la requérante à une allocation de foyer au sens de l'article 67, paragraphe 1, lettre a), du statut et de l'article 1 de l'annexe VII de celui-ci, telle qu'elle était due, entre autres, aux fonctionnaires mariés. D'autre part, die concerne l'obligation de la requérante de rembourser une allocatio

n de foyer prétendument perçue à tort durant une certaine période, cela au titre de l'article ...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 13 SEPTEMBRE 1979 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

L'affaire dans laquelle nous présentons nos conclusions aujourd'hui concerne, d'une part, le droit de la requérante à une allocation de foyer au sens de l'article 67, paragraphe 1, lettre a), du statut et de l'article 1 de l'annexe VII de celui-ci, telle qu'elle était due, entre autres, aux fonctionnaires mariés. D'autre part, die concerne l'obligation de la requérante de rembourser une allocation de foyer prétendument perçue à tort durant une certaine période, cela au titre de l'article 85 du
statut, dont les termes sont les suivants:

«Toute somme indûment perçue donne lieu à répétition si le bénéficiaire a eu connaissance de l'irrégularité du versement ou si celle-ci était si évidente qu'il ne pouvait manquer d'en avoir connaissance.»

A cet égard, il faut savoir que la requérante, qui a deux enfants d'un précédent mariage (nés en 1969 et en 1971), a épousé, le 16 février 1974, un agent d'Eurocontrol qui était classé au grade B 5, échelon 1, depuis septembre 1972 et qui, depuis décembre 1976, appartient au grade B 4. Conformément aux dispositions applicables aux agents d'Eurocontrol qui ont été conçues sur le modèle de la réglementation applicable aux agents des Communautés européennes, le mari de la requérante a obtenu à partir
du jour de son mariage, une allocation de foyer et une allocation pour deux enfants à charge; à partir de juin 1975, il a obtenu également l'allocation scolaire pour un enfant et à partir du mois de novembre 1977 l'allocation scolaire pour deux enfants.

Le 1er juin 1974, la requérante a été recrutée dans les services de la Commission en qualité de fonctionnaire stagiaire de grade C 5, échelon 3. Elle a été titularisée avec effet au 1er décembre 1974; depuis le 1er janvier 1976, elle est classée au grade C 4, échelon 2. Lors de son entrée en fonctions, il lui a été demandé, le 4 juin 1974, de remplir et de signer un questionnaire dans lequel — et cela vise l'obligation mentionnée à l'article 67, paragraphe 2, du statut de déclarer les allocations de
même nature versées par ailleurs — elle a indiqué, en réponse à la question no 18, la somme de «3840 F» correspondant, semble-t-il, aux allocations pour enfants à charge versées à son mari par Eurocontrol. Elle n'a pas fourni les «pièces justificatives» qui devaient être jointes au questionnaire en vertu d'une note en bas de page. A partir de son entrée en fonctions, elle a donc obtenu une allocation de foyer et il semble qu'on lui ait versé également une partie des allocations pour enfants à
charge, ce qui ne revêt cependant pas d'importance particulière en l'espèce.

Un contrôle effectué en 1976 a été l'occasion de constater que la requérante n'avait pas modifié sa déclaration relative aux allocations pour enfants à charge versées par Eurocontrol, bien que ces allocations aient été augmentées avec effet au 1er juillet 1974. Elle a donc été priée de signaler les modifications intervenues. Elle a obtempéré à cette demande en fournissant un certificat sur les allocations pour enfants à charge établi par Eurocontrol le 30 septembre 1976. En même temps,
l'administration de la Commission a pris contact avec Eurocontrol et a ainsi appris, par une lettre du 21 octobre 1976, que le mari de la requérante percevait une allocation de foyer, une allocation pour enfants à charge et une allocation scolaire d'Eurocontrol. Comme le mari de la requérante percevait d'Eurocontrol des montants plus élevés que ceux perçus par la requérante au titre du droit communautaire, l'administration de la Commission a été amenée à supprimer à la requérante, à partir de
décembre 1976, l'allocation de foyer ainsi que l'allocation pour enfants à charge partielle qui lui était octroyée, ce qui n'est évidemment d'abord apparu que sur la fiche de traitement. Par lettre du 24 février 1977, la requérante a alors demandé des explications au sujet de la diminution du montant de sa rémunération. Elles lui ont été fournies par une note du 4 mars 1977. La requérante a demandé des explications complémentaires par une lettre du 15 mars 1977, et par une lettre de rappel du
20 avril 1977. Là-dessus, dans une note du 18 mai 1977, la Commission, se référant à l'article 67, paragraphe 2, du statut, a expliqué que l'allocation de foyer et les allocations pour enfants à charge avaient été supprimées avec effet au 1er décembre 1976, parce que les allocations de même nature versées par Eurocontrol à son mari étaient d'un montant égal ou supérieur. En outre, la Commission a fait savoir dans cette note que la requérante était tenue au remboursement des allocations de foyer qui
lui avaient été versées. A cet égard, la note a fait état de la date du 1er janvier 1975, probablement parce que l'administration de la Commission avait mal interprété une lettre d'Eurocontrol du 21 octobre 1976, et que ce n'est qu'à la suite d'une lettre d'Eurocontrol du 10 octobre 1977 qu'elle a su clairement que le mari de la requérante avait déjà perçu une allocation de foyer à partir du 1er février 1974.

La requérante a introduit une réclamation, enregistrée le 22 juillet 1977, contre cette décision, le formulaire de transmission joint à la réclamation mentionnant en objet «récupération de sommes indûment touchées». Une note du chef de la division «Traitements, pensions, missions et indemnités diverses» du 23 août 1977 apportait au sujet de la demande de remboursement mentionnée les précisions suivantes, à savoir que la requérante était redevable du montant de 22218 F. En outre, cette note fixait
les modalités de la récupération de cette somme, qui devait, semble-t-il, s'achever en mars 1978.

En réponse à sa réclamation, la requérante a reçu une décision expresse, signée par un membre de la Commission, et qui, pour cause de maladie, ne lui est parvenue que le 20 mars 1978. La décision soulignait que c'était à bon droit que la Commission avait demandé le remboursement de l'allocation de foyer, parce que la requérante avait omis de déclarer que son époux percevait également une allocation de foyer. A la suite de cette décision, le 19 juin 1978, la requérante a formé un recour de justice en
concluant à ce que celle-ci

1. déclare que la requérante a droit au paiement de l'allocation de foyer ainsi qu'au rappel de cette allocation depuis la date à laquelle le versement en a été interrompu,

2. dise nulle la décision de la Commission du 6 février 1978,

3. condamne la Commission au paiement de 22218 F majorés des intérêts normaux depuis le 15 juillet 1977,

4. à titre subsidiaire, dise qu'il n'y a pas lieu d'appliquer l'article 85 du statut.

La Commission estime que, dans la mesure où ils concernent le droit à l'allocation de foyer, les chefs de demandes ne sont pas recevables et qu'en tout état de cause il convient de les rejeter comme non fondés.

Ce litige appelle de notre part les observations suivantes.

1. Le droit à l'allocation de foyer

A cet égard, la Commission a soutenu que le recours est irrecevable parce qu'il n'a pas été précédé, ainsi que l'article 91 du statut le prescrit, d'une réclamation concernant la décision de ne plus octroyer l'allocation de foyer. Si on estime que la réclamation de la requérante s'étendait également à question, il convient de le moins qu'elle n'a pas été introduite en temps utile, ce qui entraîne également l'irrecevabilité du recours.

En nous fondant sur différents arrêts rendus dans des litiges opposant la Communauté et ses agents (affaires 126/75, 34 et 92/76, Robert Giry/Commission, arrêt du 27. 10. 1977, Recueil 1977, p. 1937; affaire 95/76, Herbert Bruns/Commission, arrêt du 15. 12. 1977, Recueil 1977, p. 2401; affaire 122/77, Augusta Agneessens et autres/ Commission, arrêt du 26. 10. 1978, Recueil 1978, p. 2085), nous nous permettrons, en dépit de sévères objections sur le plan de la logique, d'éluder provisoirement la
question de la recevabilité pour examiner immédiatement si le recours de la requérante semble fondé.

Pour ce faire, il convient d'abord de s'attacher à l'article 67 du statut dont les paragraphes 1 et 2 sont libellés dans les termes suivants:

«1.   Les allocations familiales comprennent:

a) l'allocation de foyer égale à 5 % du traitement de base …

b) l'allocation pour enfant à charge …

c) l'allocation scolaire.

2.   Les fonctionnaires bénéficiaires des allocations familiales visées au présent article sont tenus de déclarer les allocations de même nature versées par ailleurs, ces allocations vernant en déduction de celles payées en vertu des articles 1, 2 et 3 de l'annexe VII».

En outre, la solution du litige dépend de l'article 1 de l'annexe VII du statut qui prévoit ce qui suit:

«1.   L'allocation de foyer est fixée à 5 % du traitement de base du fonctionnaire …

2.   A droit à l'allocation de foyer:

a) le fonctionnaire marié,

b) …

c) …

3.   Dans le cas où son conjoint exerce une activité professionnelle lucrative donnant lieu à des revenus professionnels supérieurs à 250000 FB par an, avant déduction de l'impôt (cette somme figure dans la version du statut d'avril 1977), le fonctionnaire ayant droit à l'allocation de foyer ne bénéficie pas de cette allocation, sauf décision spéciale de l'autorité investie du pouvoir de nomination. Toutefois, le bénéfice de l'allocation est maintenu dans tous les cas lorsque les conjoints ont un ou
plusieurs enfants à charge.

4.   Lorsque, en vertu des dispositions ci-dessus, deux conjoints employés au service des Communautés ont tous deux droit à l'allocation de foyer, celle-ci n'est versée qu'au conjoint dont le traitement de base est le plus élevé».

A l'origine, la requérante a soutenu que l'article 67, paragraphe 2, du statut ne concerne que les allocations que le fonctionnaire perçoit lui-même. Elle a renoncé à cette opinion dans la réplique, probablement parce qu'elle a admis qu'elle était indéfendable après que la Commission eut attiré l'attention sur la modification de la version française du statut par le règlement no 1473/72 (JO no L 160, du 16. 7. 1972, p. 1), sur le sens et l'objectif de la disposition ainsi que sur les attendus nos 11
et 17 de l'arrêt du 13 octobre 1977 dans l'affaire 106/76 (Francine Gelders-Deboeck/Commission, Recueil 1977, p. 1634). C'est pourquoi il ne reste plus qu'à vérifier à présent ce que vaut l'avis de la requérante selon lequel, s'il est vrai que l'article 67, paragraphe 2, du statut exprime certes un principe général, toutefois la règle spéciale de l'annexe VII, qui prescrit les modalités du versement, a la priorité. Or, de l'avis de la requérante, il découle de cette dernière règle que le droit à
l'allocation de foyer existe en toute hypothèse lorsque les conjoints ont un ou plusieurs enfants à charge et que l'interdiction de cumul n'est limitée qu'aux situations dans lesquelles les deux conjoints sont au service des Communautés.

Permettez-nous de dire immédiatement que cette opinion nous semble tout à fait insoutenable.

A cet égard il n'est besoin que de renvoyer aux arrêts rendus dans les affaires 106/76 et 14/77 (Gerarda Emer-van den Branden/Commission, arrêt du 13. 10. 1977, Recueil 1977, p. 1683), dans lesquels il est dit que l'objet évident du paragraphe 2 de l'article 67 est d'éviter qu'un couple perçoive deux fois des allocations familiales pour les mêmes enfants dès lors qu'il s'agit d'allocations de même nature servies dans le même but. Comme en l'espèce c'est de toute façon l'article 67, paragraphe 2, qui
est en cause et qu'au regard de l'objectif visé par la réglementation, aucune autre règle ne saurait être applicable à d'autres allocations, les considérations de ces arrêts doivent revêtir une portée réellement générale.

Un élément également important est que, dans ses termes, l'article 67, paragraphe 2, contient un principe applicable à tous les cas, que ne limite aucune sorte de réserve: En revanche, il n'est pas possible de se fonder sur l'article 1 de l'annexe VII, en particulier sur son paragraphe 3, en tant que disposition spéciale qui prime la règle générale de l'article 67 pour les cas qu'il vise. Ce qui est déterminant à cet égard c'est que l'article 1, paragraphe 3, mentionné ne contient en réalité aucune
règle anti-cumul, c'est-à-dire que son domaine d'application est différent de celui de l'article 67 du statut: dans l'hypothèse où les revenus du conjoint du fonctionnaire dépassent une certaine limite, il prévoit la perte de l'allocation de foyer indépendamment du fait que le conjoint perçoit une telle allocation, et celle-ci est uniquement maintenue lorsque les conjoints ont des enfants. Il n'est donc pas possible d'en déduire qu'en toute hypothèse un couple ayant des enfants peut percevoir deux
fois l'allocation de foyer.

Cette interprétation entraînerait d'ailleurs — et cela constitue un autre point de vue important — des résultats tout à fait inéquitables eu égard à l'article 1, paragraphe 4, de l'annexe VII du statut, qui précise la règle anti-cumul pour le cas où les deux conjoints sont employés au service des Communautés. On ne voit vraiment pas pourquoi dans une telle hypothèse seul un conjoint perçoit une allocation de foyer alors que, si le conjoint exerce une activité professionnelle à l'extérieur des
Communautés, l'allocation peut aisément être perçue deux fois. En vérité, le but précisément visé par l'article 67, et cela découle des deux arrêts cités, n'est pas d'épargner certaines dépenses au budget communautaire; il s'agit plutôt, parce que le sens de l'allocation de foyer est manifestement d'accorder une compensation pour les dépenses plus élevées qu'exige un ménage plus grand, de ne verser en principe l'allocation de foyer qu'une fois, à concurrence de son montant le plus élevé, lorsqu'il
existe un double droit à allocation.

Mais comme en l'espèce il n'est pas contesté que le mari de la requérante perçoit une allocation de même nature — les dispositions applicables à Eurocontrol copient fidèlement le droit communautaire — et comme l'allocation de foyer servie au mari est plus élevée que l'allocation due à la requérante parce que son traitement de base est supérieur, on ne peut que conclure qu'en vertu de l'article 67, paragraphe 2, du statut, c'est à bon droit que l'allocation de foyer a été refusée à la requérante.

Les chefs de demandes formulés sur ce point doivent donc assurément être rejetés. Il en résulte que, selon la jurisprudence citée au départ, il n'est pas nécessaire d'examiner la question de savoir s'ils auraient été recevables.

Toutefois, nous ferons observer au moins brièvement que l'argumentation avancée par la Commission à cet égard nous semble plus convaincante que les moyens de défense de la requérante et que l'on peut en conséquence avoir des doutes sur la recevabilité du recours quant à la nécessité d'une réclamation préalable et, au cas où la réclamation concernerait également le droit à l'allocation de foyer, quant au respect des délais prévus à cet égard.

2. Le deuxième problème soulevé dans ce litige, auquel nous nous consacrons à présent, concerne la répétition de l'indu fondée sur l'article 85 du statut qui, si nous ne nous méprenons pas, ne concerne qu'une partie de l'allocation de foyer servie à la requérante depuis son entrée en fonctions. Comme à cet égard aucune objection n'a été présentée quant à la recevabilité et comme aucun argument en ce sens ne semble devoir être soulevé d'office, nous pouvons en toute tranquillité passer directement à
l'examen du bien-fondé des chefs de demandes qui ont été formulés sur ce point.

La requérante soutient que les conditions qui doivent être remplies pour demander une répétition de l'indu en vertu de l'article 85 du statut ne sont pas remplies. Elle estime que l'on ne peut pas parler d'une irrégularité manifeste du versement parce que la situation juridique découlant du statut, c'est-à-dire des dispositions combinées de l'article 67, paragraphe 2, et de l'annexe VII, n'est pas absolument claire. Il n'est donc pas possible d'invoquer à son encontre la mauvaise foi, mais il
convient plutôt de parler d'une erreur excusable. Il convient de considérer en l'occurrence à quelle catégorie elle appartient, quel est son niveau d'études et qu'en tant que femme mariée ayant des enfants en âge scolaire elle n'a le temps d'étudier ni le statut ni les communications de l'administration s'y rapportant. En outre, avant son entrée en fonctions, elle était employée dans l'industrie privée belge; selon le droit de la sécurité sociale belge qui s'y applique, les «allocations
familiales» ne désignent que des allocations pour enfants à charge. De surcroît, son interprétation, c'est-à-dire le droit à l'allocation de foyer malgré le versement d'une allocation de même nature à son mari, a été corroborée par les entretiens qu'elle a eus avec des fonctionnaires de la Commission lors de son recrutement.

La Commission en revanche, retient surtout le fait que, lors de son entrée en fonction, la requérante n'a pas correctement rempli le questionnaire mentionné dans l'exposé des faits de l'espèce — malgré la question précise qui lui était posée, elle n'a pas déclaré l'allocation de foyer à son mari par Eurocontrol — et le fait qu'elle n'a pas non plus fourni de pièces justificatives qui, comme par exemple la fiche de traitement de son mari, auraient permis de voir immédiatement que celui-ci
percevait une allocation de foyer. De plus, la requérante n'a pas non plus fourni les données exactes par la suite, bien que la disposition de l'article 67, paragraphe 2, du statut lui ait été rappelée régulièrement, par exemple dans une communication au personnel du 13 octobre 1975. Telles sont les raisons pour lesquelles elle ne peut en aucune manière faire valoir sa bonne foi pour échapper à l'obligation de remboursement.

Lors de l'examen de ce point du litige, il ne nous semble pas nécessaire d'étudier tous les aspects concevables de l'article 85 du statut. La jurisprudence (affaire 36/72, François Meganck/Commission, arrêt du 30. 5. 1973, Recueil 1973, p. 527 et affaire 71/72, Annemarie Kuhl/Conseil, arrêt du 27. 6. 1973, Recueil 1973, p. 705) a déjà souligné qu'il y a lieu d'examiner les circonstances dans lesquelles un versement a été effectué et que, à cet égard, une déclaration tardive d'un changement
intervenu dans la situation familiale exclut la bonne foi. Nous estimons également pertinent l'avis exprimé par l'avocat général Mayras dans ses conclusions dans l'affaire 71/72, selon lequel, en ce qui concerne l'article 85, il n'importe pas seulement que le bénéficiaire ait eu connaissance de l'irrégularité du versement ou que l'irrégularité soit évidente, mais il est également important que le fonctionnaire tenu à la répétition ait provoqué, par une déclaration inexacte ou par l'absence de
déclaration, l'erreur de l'administration qui a conduit au versement.

En conséquence, c'est à bon droit que la requérante se voit reprocher le fait que, dans le questionnaire à remplir lors de l'entrée en fonctions, elle n'a indiqué que l'allocation pour enfants à charge versée au mari en réponse à la rubrique «veuillez préciser ci-dessous les allocations familiales que vous percevez par ailleurs» et que, contrairement à ce qui était demandé expressément dans le formulaire, elle n'a pas non plus fourni de pièces justificatives.

Par contre, la requérante ne peut pas faire valoir qu'auparavant elle était employée dans le secteur privé et que, selon le droit national de la sécurité sociale, la notion d'«allocations familiales» qui s'y applique une signification plus restreinte. En fait, il s'agissait d'une allocation versée à son mari — qu'elle a sans doute questionné — par Eurocontrol et, à cet égard, ainsi que nous l'avons déjà mentionné, c'est un système conçu sur le modèle du droit communautaire, dans lequel la notion
d'«allocations familiales» s'étend à l'allocation de foyer, qui est applicable.

De même, la requérante ne peut pas non plus se fonder sur une conversation qu'elle a eue avec un fonctionnaire de la catégorie B lors de son entrée en fonctions et aux termes de laquelle les allocations versées par Eurocontrol ne devraient pas être prises en considération parce que Eurocontrol n'est pas une institution des Communautés — la Commission a contesté ce fait après s'être informée auprès de ce fonctionnaire. En effet — et c'est pourquoi il n'a pas été nécessaire d'entendre ledit
fonctionnaire comme témoin —, cette conversation ne devait en aucune manière être entendue en ce sens que la requérante était exemptée de faire toute déclaration à cet égard dans le questionnaire: quoi qu'il en soit en effet, elle a quand même mentionné l'allocation pour enfants à charge également servie par Eurocontrol.

Enfin, la requérante ne peut pas non plus faire valoir le fait qu'elle n'a pas réagi aux indications figurant régulièrement dans le Courrier du personnel comme, par exemple, dans celui du 13 octobre 1975, parce qu'elle était convaincue que celles-ci ne la concernaient pas. En effet, ces rappels font clairement mention d'une interdiction de cumul avec des allocations familiales perçues par ailleurs et, selon le texte non équivoque de l'article 67 du statut, il ne fait aucun doute que l'allocation
de foyer en fait partie.

En conséquence on ne peut à vrai dire que constate que c'est à bon droit que l'article 85 du statut a été appliqué à l'allocation de foyer versée à la requérante.

Néanmoins, nous devons encore souligner un point qui a été soulevé en particulier lors de l'audience. Il est en effet remarquable que l'incorrection manifeste qui a accompagné la remise du questionnaire mentionné déjà plusieurs fois n'a entraîné aucune réaction de la part de l'administration. Or, si l'administration avait informé immédiatement la requérante qu'elle devait fournir des pièces justificatives et si, par la suite, elle les avait sans doute obtenues, il est presque certain que
l'allocation de foyer n'aurait pas été servie à la requérante. On peut donc parler d'une erreur de l'administration, d'une sorte de faute concomitante de sa part, et, à notre avis, il n'est pas possible de ne pas en tenir compte également dans un cas comme celui de l'espèce. Certes, cette circonstance ne saurait rendre entièrement caduque la répétition de l'indu; elle ne pourrait aboutir qu'à une limitation de celle-ci. Toutefois, pour quelques motifs que ce soit, il nous semble que ces
circonstances ont déjà été prises en considération puisque, si nous ne nous méprenons pas, la répétition de l'indu n'est pas demandée pour toute la période en cause, mais seulement pour une partie de celle-ci.

Telle est la raison pour laquelle, en conclusion, nous constaterons que la répétition de l'indu, telle qu'elle a été décidée, n'appelle aucune objection et qu'en conséquence les chefs de demandes qui s'y rapportent doivent également être rejetés.

3. Après ces considérations, il convient de dire encore un mot des dépens. De l'avis de la requérante, la Commission devrait être condamnée en tout ou en partie aux dépens parce que la requérante était de bonne foi, c'est-à-dire qu'elle a estimé, sans qu'on puisse lui imputer une faute, qu'elle avait droit à l'allocation de foyer malgré le versement d'une allocation analogue à son mari par Eurocontrol.

Après les considérations que nous avons émises quant au fait que la requérante avait rempli incomplètement le questionnaire et quant au fait qu'elle n'avait présenté aucune pièce justificative, il est difficile de nous rallier à cette opinion.

Il est tout au plus possible de se demander si l'argumentation avancée par la requérante, selon laquelle elle a été confirmée dans son interprétation par certains fonctionnaires de l'administration et ainsi a également été conduite à former un recours sans aucune chance de succès, revêt une certaine importance ici. Nous n'admettrons pas non plus cet argument. Dans la mesure où la requérante fait valoir une déclaration prétendument faite au printemps 1977 par Mme Nicora, il n'importe pas seulement
qu'il se soit agi en l'occurrence d'un fonctionnaire subordonné; il importe en outre que ce qui a été dit aurait seulement été, et la Commission conteste également cela après s'être informée auprès du fonctionnaire mentionné, que la requérante n'avait pas droit à l'allocation de foyer parce qu'Eurocontrol devait être considéré comme une institution de la Communauté. Dans la mesure où la requérante a fait valoir en outre qu'après l'introduction de sa réclamation, le fonctionnaire M. Campey avait
corroboré son interprétation lors d'une conversation, nous avons été éclairé par l'audition de ce fonctionnaire au début de l'audience. Il convient en conséquence de considérer qu'il n'a pas porté une telle appréciation et que, probablement parce que la conversation s'est tenue en français, il s'est agi plutôt d'un malentendu.

Comme enfin il n'est apparu aucun autre motif justifiant une décision différente, les dépens ne peuvent être liquidés que sur la base de l'article 70 du règlement de procédure.

4.  Nous proposons donc de rejeter la demande sur tous les points et de dire que chaque partie supportera ses propres frais.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 142/78
Date de la décision : 13/09/1979
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé, Recours de fonctionnaires - fondé

Analyses

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Marcelle Berghmans, épouse Exner,
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: Touffait

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1979:206

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