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13/04/1978 | CJUE | N°25/77

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 13 avril 1978., Lucienne De Roubaix, née De Leye contre Commission des Communautés européennes., 13/04/1978, 25/77


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN-PIERRE WARNER,

PRÉSENTÉES LE 13 AVRIL 1978 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Il nous semble que le cas d'espèce n'est pas une affaire simple. Mais du moins n'existe-t-il pas de contestation sur les faits de la cause.

Madame de Roubaix, la requérante, est de nationalité belge. Elle est née en 1918 et elle est veuve.

Elle est entrée au service de l'Euratom le 1er août 1959 en tant que secrétaire, dans la catégorie C, et elle exerçait ses fonctions à l'Age

nce d'approvisionnement. Elle a été promue dans la catégorie B le 1er décembre 1961 et titularisée au grad...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL

M. JEAN-PIERRE WARNER,

PRÉSENTÉES LE 13 AVRIL 1978 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Il nous semble que le cas d'espèce n'est pas une affaire simple. Mais du moins n'existe-t-il pas de contestation sur les faits de la cause.

Madame de Roubaix, la requérante, est de nationalité belge. Elle est née en 1918 et elle est veuve.

Elle est entrée au service de l'Euratom le 1er août 1959 en tant que secrétaire, dans la catégorie C, et elle exerçait ses fonctions à l'Agence d'approvisionnement. Elle a été promue dans la catégorie B le 1er décembre 1961 et titularisée au grade B 4 le 1er janvier 1962. Le 1er octobre 1964, elle a été promue au grade B 3 puis, avec effet au 1er juillet 1968, au grade B 2. Durant toute la durée de son service, elle a exercé les fonctions de chef de bureau de l'Agence d'approvisionnement d'Euratom.
Les directeurs généraux successifs de l'Agence n'ont pu que tenir en très haute estime la manière dont elle s'est acquittée des tâches qui lui étaient confiées, tâches qui — et ce n'est pas contesté — correspondent à celles d'un assistant principal, c'est-à-dire au grade B 1.

Néanmoins, jusqu'en 1976, il n'existait pas de poste B 1 à l'Agence d'approvisionnement d'Euratom.

En 1973, le directeur général en exercice de l'Agence a demandé qu'un poste B 1 soit prévu pour l'Agence au budget de la Commission pour 1974. Dans une note du 14 juin 1973 (annexe 8 à la requête), il a motivé sa demande dans les termes suivants:

«Ce poste devrait permettre la promotion de la fonctionnaire qui, dès 1959, a permis la mise en activité administrative et commerciale de l'Agence, à une époque où l'Agence ne disposait pas, pour des raisons politiques notamment, d'un personnel suffisant ni en nombre ni en compétences.

Cette fonctionnaire est toujours responsable de toute l'organisation administrative et commerciale de l'Agence, dont le développement est lié à l'accroissement du volume de transactions qui ressort de la compétence de l'Agence et qui est lui-même lié au développement de l'énergie nucléaire.»

La «fonctionnaire» en question était évidemment la requérante.

En même temps, le directeur général demandait un poste B 3/B 2 pour permettre de transférer de la direction générale de l'énergie à l'Agence un fonctionnaire de grade B 2, M. J. J. M. Marchal, qui faisait partie du personnel de la délégation permanente aux États-Unis, à Washington, et travaillait exclusivement pour l'Agence.

Il se trouve que M. Marchal est également de nationalité belge. Il est de dix ans le cadet de la requérante et il avait deux ans et demi de moins d'ancienneté dans le grade B 2.

Les demandes du directeur général ont été rejetées.

Au titre du budget de 1975, il a demandé deux postes du grade B 1, l'un pour la requérante et l'autre pour M. Marchal. De l'avis du directeur général, la promotion de ce dernier se justifiait par le développement des relations contractuelles avec la «United States Atomic Energy Commission» et les difficultés qu'elles comportent — cf. la note du directeur général du 26 mars 1974 (annexe VII au mémoire en duplique).

Les demandes du directeur général ont été rejetées une nouvelle fois.

Le procès-verbal d'une réunion de la Commission du 8 janvier 1975 fait apparaître que, lors de cette séance, celle-ci a pris acte d'une déclaration de l'un de ses vice-présidents, M. Simonet, qui était alors responsable du domaine de l'énergie et en particulier de l'Agence d'approvisionnement d'Euratom, dans les termes suivants:

«M. Simonet souligne les mérites tout particuliers de M. Joseph Marchal, fonctionnaire de la categorie B, membre de la délégation de la Commission aux États-Unis, qu'il s'est acquis dans le domaine de la conclusion au nom de l'Agence d'approvisionnement d'Euratom de contrats d'enrichissement de l'uranium. Il souhaite que la Commission ne manque pas de tenir compte des mérites de ce fonctionnaire, lorsque l'occasion s'en présentera.»

Dans une note du 25 mars 1975, adressée au directeur général du personnel et de l'administration (annexe VIII à la duplique), le directeur général de l'Agence a présenté ses demandes au titre du budget de 1976. Il a fait observer qu'il procédait de la sorte avec l'accord du Cabinet du vice-président Simonet. Au nombre de ces demandes, l'une était relative à un poste B 1. A cet égard, le directeur général écrivait ce qui suit:

«Le poste B 1 est destiné à affecter au budget de l'Agence le poste — (B 3/B 2) actuellement occupé par M. Joseph Marchal — détaché à la délégation de Washington par la DG XVII: en effet, les travaux exécutés par le titulaire de ce poste le sont pratiquement au bénéfice exclusif de l'Agence.

En outre, le niveau de responsabilité qu'impliquent ces travaux ainsi que le développement des relations contractuelles avec “The Energy Research and Development Administration”, l'industrie privée, et leur complexité, justifient pleinement la création d'un poste B 1. Monsieur Simonet, d'ailleurs, a demandé que la Commission tienne compte des mérites de M. Joseph Marchal “lorsque l'occasion s'en présentera”.»

En définitive, un tel poste a été accordé au titre du budget de 1976 et, au printemps de 1976, la Commission publiait un avis de vacance COM/267/76 le concernant.

Pour ce qui intéresse l'espèce, l'avis de vacance était libellé dans les termes suivants:

«Service dont l'Iles emploi(s) relève(nt):

I — Relations extérieures — Délégation de la Commission des Communautés européennes aux États-Unis — Agence d'approvisionnement d'Euratom

  Lieu d'affectation: Washington

  Nature des fonctions: Assistant principal

Effectuer, sur la base de directives générales du chef de la délégation, des travaux de bureau particulièrement difficiles et complexes, à savoir:

— liaison avec les autorités et les fournisseurs américains en ce qui concerne les contrats de fourniture de combustibles nucléaires conclus par l'Agence d'approvisionnement;

— transmission d'informations et exécution de tâches de routine ou autres se rapportant à la gestion des contrats sur instructions de l'Agence;

— information de l'Agence d'approvisionnement de l'évolution affectant l'approvisionnement en combustibles nucléaires aux États-Unis.

  Qualifications requises:

— connaissances du niveau de l'enseignement secondaire sanctionnées par un diplôme ou expérience professionnelle d'un niveau équivalent;

— connaissance approfondie du secteur industriel des combustibles nucléaires:

— expérience approfondie en matière commerciale souhaitée;

— expérience approfondie appropriée à la fonction.»

A ces informations faisait suite une note sur les connaissances linguistiques exigées des candidats à ce poste.

En réponse à cet avis de vacance, trois fonctionnaires ont posé leur candidature, à savoir la requérante et M. Marchal, chacun d'eux ayant évidemment assez d'ancienneté dans le grade B 2 pour être promu à ce poste, et un fonctionnaire B 1 de la direction générale de l'énergie, qui pouvait prétendre à un transfert.

Les mérites respectifs des candidats ont fait l'objet d'une note du 16 juin 1976, rédigée par un fonctionnaire de la direction générale des relations extérieures (annexe V au mémoire en défense). Il n'est pas surprenant que celui-ci ait conclu que M. Marchal était le candidat le plus qualifié pour le poste et celui-ci y fut ultérieurement nommé.

A cette époque, la série des rapports périodiques qu'impose l'article 43 du Statut des fonctionnaires était à jour en ce qui concerne M. Marchal, mais le dernier rapport de cette nature concernant la requérante couvrait la période du 1er juillet 1971 au 30 juin 1973. Aucun rapport n'avait été établi à son sujet pour la période du 1er juillet 1973 au 30 juin 1975.

Le 31 juillet 1976, la requérante a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires. Dans cette réclamation, elle soulignait que l'intérêt du service imposait qu'elle-même soit promue au grade B 1 et que le poste de grade B 2 soit «libéré» pour la direction générale de l'énergie à laquelle il appartenait, bien qu'il fût occupé par M. Marchal à Washington. La requérante affirmait que l'intérêt du service n'exigeait cependant pas la promotion de M.
Marchal au grade B 1. Comme un poste B 1 avait été accordé à l'Agence d'approvisionnement, un exercice adéquat de ses compétences par l'autorité investie du pouvoir de nomination aurait logiquement amené celle-ci à promouvoir la requérante à ce poste et, ce faisant, à libérer son poste B 2 pour M. Marchal lequel, à son tour, aurait libéré son poste B 2 pour la direction générale de l'énergie. Elle demandait qu'il fût agi de la sorte.

N'ayant pas reçu de réponse à cette réclamation, la requérante a introduit la présente action devant votre Cour le 22 février 1977. Dans sa requête, elle conclut à l'annulation de l'avis de vacance COM/267/76 ainsi qu'à l'annulation de la décision de ne pas retenir sa candidature au poste faisant l'objet de cet avis de vacance, de même qu'à l'annulation de la décision de nommer M. Marchal à ce poste et de la décision implicite de rejet de sa réclamation.

Tels sont, dans leurs grandes lignes, les faits qui importent en l'espèce. Néanmoins, on peut y ajouter un élément supplémentaire. En matière de promotion d'une carrière à une autre dans les catégories B et C, la Commission a adopté une nouvelle procédure, applicable à partir de 1977 (cf. annexe IX au mémoire en duplique). Au titre de cette procédure, le directeur général de l'Agence d'approvisionnement d'Euratom recommandait la requérante pour une promotion au grade B 1. Toutefois, sa suggestion
n'a pas été retenue. Ce rejet fait l'objet d'une seconde action formée par la requérante, l'affaire 25/78, qui est pendante devant la deuxième chambre.

La Commission soutient qu'en l'espèce, la requête est irrecevable en ce qu'elle attaque la validité de l'avis de vacance. A l'appui de cette allégation, la Commission avance deux arguments que nous estimons tous deux mal fondés.

Le premier de ces arguments est que la publication d'un avis de vacance ne constitue pas un acte susceptible de faire grief à qui que soit, de sorte qu'il n'est pas possible de l'attaquer devant votre Cour. Ce qui est tout à fait inexact: voir l'affaire 79/74, Küster/Parlement, Recueil 1975, p. 725, dans laquelle la Cour a jugé en sens contraire.

En second lieu, la Commission soutient qu'en réalité, la requérante ne conteste pas tant l'avis de vacance lui-même que la décision d'affecter le poste nouvellement créé aux services établis à Washington. La Commission estime que cette décision a été prise dans le cadre du pouvoir discrétionnaire dont elle disposé pour organiser ses services comme elle l'entend et que, en conséquence, elle ne saurait être contestée par un fonctionnaire — allégation à l'appui de laquelle la Commission cite les
affaires jointes 109/63 et 13/64, Muller/Commission, Recueil 1964, p. 1292 à la page 1319 ([1964] E.C.R. p. 663 à la page 676). Or, dans cette affaire, il s'agissait d'une décision se rapportant non pas à un poste particulier, mais à l'adoption par la Commission d'une règle générale — à savoir la règle selon laquelle, dans toute division ou service où un seul emploi de catégorie A est prévu, la suppléance du titulaire de cet emploi est assurée par le titulaire d'un emploi de categorie A d'une autre
division ou service.

A supposer que la Commission ait pris la décision en cause en l'espèce dans le cadre de l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont elle se prévaut, nous croyons néanmoins qu'en droit, si cette décision viole une disposition quelconque du statut des fonctionnaires ou constitue un détournement de pouvoir faisant grief à la requérante, celle-ci peut demander l'annulation de l'avis de vacance en tant que manifestation extérieure de la décision (cf. affaires 18 et 35/65, Gutmann/Commission, Recueil 1966,
p. 149, aux pages 169 à 171, [1966] E.C.R. 103 aux pages 117 et 118 et affaire 17/68, Reinarz/Commission, Recueil 1969, p. 61 à la page 69.

Aussi passerons-nous maintenant à l'examen du fond de l'affaire.

A cet égard, la requérante a formulé ses conclusions de manière quelque peu singulière en ce qu'elle a declaré se fonder sur un seul moyen et qu'ensuite elle en énumère trois, qui sont les suivants:

(1) violation de l'article 7, paragraphe 1, du statut en ce que l'Autorité investie du pouvoir de nomination n'a pas agi «dans le seul intérêt du service»,

(2) détournement de pouvoir en ce que l'Autorité investie du pouvoir de nomination a exercé ses pouvoirs dans le but illicite d'assurer la promotion de M. Marchal, et

(3) violation de l'article 45, paragraphe 1, du statut en ce qu'au moment de l'examen comparatif des mérites des candidats au poste en cause, le dernier rapport périodique de notation de la requérante n'était pas disponible.

Il nous semble qu'en réalité le premier et le deuxième moyen constituent deux manières d'exprimer le même grief et nous proposons de les examiner conjointement en premier lieu.

Tout comme dans sa réclamation administrative, la requérante a fondé son recours sur le fait que, si un seul poste de la catégorie B 1 pouvait être mis à la disposition de l'Agence d'approvisionnement, il aurait dû lui être attribué, à elle qui, durant dix-sept ans, avait exercé les fonctions d'un fonctionnaire du grade B 1, était beaucoup plus âgée que M. Marchal et comptait plus d'ancienneté que ce dernier dans le grade B 2. La circonstance que le poste ait, en fait, été attribué à M. Marchal doit
être attribuée à une méconnaissance de l'intérêt du service ou à un détournement de pouvoir consistant en ce que le poste avait été réservé à son profit.

Nous croyons que telle qu'elle est ainsi présentée, l'affaire est indéfendable.

Votre Cour a jugé que bien qu'en vertu de l'article 7, paragraphe 1, l'administration ne peut exiger d'un fonctionnaire qu'il remplisse des tâches d'un niveau supérieur à son grade, si ce n'est à titre provisoire, la circonstance que celui-ci accepte de le faire, parce que cela peut constituer un élément susceptible d'être retenu en vue d'une promotion ne donne pas à l'intéressé le droit d'être reclassé: cf. affaire 28/72, Tontodonati/Commission, Recueil 1973, p. 779 (8e attendu) et affaire 189/73,
Van Reenen/Commission, Recueil 1975, p. 455 (6e attendu). Au cours des débats oraux, on s'est fondé de part et d'autre sur la jurisprudence antérieure de l'affaire 77/70, Prelle/Commission, Recueil 1971, p. 561, mais, à notre avis, cette jurisprudence est équivoque aux fins de l'espèce.

Il faut se rappeler qu'à l'époque qui importe en l'espèce, le directeur général de l'Agence d'approvisionnement, lequel était de toute évidence fort favorablement disposé envers la requérante (cela ressort non pas seulement des documents que nous avons cités, mais également des rapports de notation périodiques de l'intéressée — annexes 6 et 7 à la requête, annexe I au mémoire en défense —), a demandé par deux fois, au cours de deux années consécutives, un poste du grade B 1 pour la requérante et
que, par deux fois, sa demande a été rejetée. La Commission nous a dit — et nous pouvons le croire aisément — que, dans le climat d'austérité qui régnait au moment de la préparation du budget de 1976 dans toutes les institutions de la Communauté, il aurait été vain d'essayer d'obtenir deux postes B 1 pour un service aussi petit que l'Agence d'approvisionnement. Il eût été possible, en effet, qu'aucun des deux postes ne fût accordé. Ainsi, même en dehors de toute intervention de M. Simonet, le
directeur général aurait dû décider qui, des deux fonctionnaires méritants pour lesquels il avait demandé un poste B 1 l'année précédente, remplissait les tâches les plus complexes. C'était bien sûr, dans chaque cas, la nature des fonctions afférentes au poste et non l'âge, l'ancienneté, la durée de service ou les mérites personnels du titulaire actuel du poste, dont il devait tenir compte à cette fin.

Nous disposons de nombreux éléments de preuve quant à la nature des fonctions de M. Marchal, non seulement par les notes auxquelles nous avons fait référence, mais également grâce à ses rapports de notation périodiques (annexes II, III et IV au mémoire en défense). A la lumière de ces preuves, il nous semble qu'il était tout à fait loisible au directeur général d'estimer que les fonctions de l'intéressé, non seulement correspondaient à celles d'un fonctionnaire du grade B 1, mais étaient également
plus complexes que les fonctions de chef de bureau de l'Agence, bien que celles-ci étaient également du niveau B 1.

Rien ne permet de penser que le directeur général et, à sa suite, la Commission n'ont pas adopté cette position honnêtement, abstraction faite de l'intervention personnelle de M. Simonet en faveur de M. Marchal et du fait que cette intervention est mentionnée dans la note du directeur général du 25 mars 1975. C'est l'existence de ces circonstances qui, selon nous, complique l'affaire. Mais, après quelque hésitation, nous sommes arrivé à la conclusion qu'elles n'ont pas une portée suffisante pour
vicier la décision d'affecter le poste aux services établis à Washington; et, à notre avis, si cette décision était valide, les termes de l'avis de vacance ne sauraient être contestés.

Nous aborderons à présent l'examen du moyen tiré de l'article 45, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires.

Dans l'affaire 29/74, De Dapper/Parlement, Recueil 1975, p. 35, la Cour, suivant en cela sa jurisprudence antérieure (que nous avons trouvée aux pages 44 et 45), a annule des nominations faites par voie de promotion dans un cas où les derniers rapports périodiques de certains candidats, mais non de tous, avaient été établis au moment de l'examen comparatif des mérites des candidats en présence. La Cour a jugé que cette procédure ne satisfait pas aux exigences de l'article 45. Dans l'affaire 61/75,
Geist/Commission, Recueil 1977, p. 1419, la Cour a souligné de nouveau combien il est important que les institutions de la Communauté remplissent strictement l'obligation que leur impose l'article 43 du statut des fonctionnaires, à savoir de veiller à ce que les rapports de notation de leurs fonctionnaires soient établis aux dates prévues. Les faits de la cause étaient tels qu'ils n'y avait aucune décision susceptible d'être annulée, mais la Cour a accordé des dommages et intérêts substantiels au
requérant dont les rapports étaient en retard, bien que celui-ci ne pouvait démontrer avoir subi un préjudice matériel de ce fait.

Dans quelle mesure la requérante eût-elle été fondée à obtenir ici des dommages et intérêts sur la base de cette jurisprudence? C'est là une question qu'il n'est point nécessaire de trancher. Elle n'en a pas demandé — très vraisemblablement parce qu'elle se sent beaucoup plus touchée dans son amour-propre que lésée financièrement. Le seul problème est donc de savoir si le fait que le dernier rapport de notation n'avait pas été rédigé au moment de l'examen comparatif des mérites des candidats pour la
promotion au poste nouvellement créé, doit entraîner comme conséquence l'annulation de la nomination de M. Marchal à ce poste.

En première analyse, l'affaire De Dapper/Parlement constitue un précédent, net, qui permet de répondre de manière affirmative à cette question. Néanmoins, certains arrêts de la Cour établissent que, en règle générale, un fonctionnaire qui conteste la validité d'une décision administrative, ne peut invoquer une irrégularité dans la procédure ayant conduit à l'adoption de cette décision, à moins qu'il ne puisse démontrer que, en l'absence de cette irrégularité, il aurait pu se trouver dans une
situation plus favorable. Nous avons cité les antécédents jurisprudentiels existant à cet égard dans nos conclusions relatives à l'affaire 90/74, Deboeck/Commission, Recueil 1975, p. 1123 (aux pages 1141 et 1142), et le principe a été réaffirmé depuis lors dans l'arrêt rendu dans cette affaire même (11e à 15e attendus) et, plus récemment, dans l'affaire 9/76, Morello/Commission, Recueil 1976, p. 1415 (11e attendu). Dans la jurisprudence antérieure, c'est l'affaire 115/73, Serio/Commission, Recueil
1974, p. 341, qui présente, selon nous, une similitude particulière avec le cas d'espèce, affaire dans laquelle la Cour a refusé d'annuler un concours au motif que les qualifications d'un candidat non retenu n'avaient pas toutes été portées à la connaissance de l'autorité investie du pouvoir de nomination, parce qu'il n'apparaissait pas que les qualifications omises étaient de nature à emporter une décision en sa faveur (7e attendu).

Malgré tous nos efforts, nous ne pouvons nous convaincre en l'espèce que si le rapport de notation de la requérante pour la période 1973-1975 avait pu être joint à son dossier au moment de l'examen comparatif des mérites des candidats, cela aurait changé en quoi que ce soit le résultat de la procédure en cause. Les rapports de notation antérieurs de la requérante étaient très flatteurs et il n'était guère possible que le rapport manquant le fût encore plus. Et de fait, lorsqu'il a été produit
finalement, nous avons pu constater qu'il ne l'était pas (cf. annexe I au mémoire en défense). L'avocat de la requérante a souligné que ce rapport indiquait que certaines tâches qu'elle exécutait auparavant avaient été transférées, en 1974, à un fonctionnaire de la catégorie A, recruté à cet effet, et qu'il y était encore dit que «ce transfert ne doit en aucun cas être interprété comme un désaveu des capacités de Madame De Roubaix». Mais il nous semble évident qu'au nombre des qualifications
essentielles requises pour la nomination au poste de Washington figurait l'expérience de traiter avec des agences et des firmes américaines fournissant des combustibles nucléaires. M. Marchal possède cette expérience, alors que la requérante ne l'a pas. Il est possible que la requérante aurait pu l'acquérir ainsi que M. Marchal a dû le faire (cf. annexe II au mémoire en défense), mais il ne pouvait être dans l'intérêt du service que la Commission tente une expérience sur ce point, alors que M.
Marchal exécute manifestement les tâches qui lui sont confiées à la satisfaction de tous.

En définitive, bien que nous éprouvions beaucoup de sympathie pour la requérante, nous ne pensons pas qu'elle puisse aboutir dans son action.

Il nous reste à examiner la question des dépens. L'effet combiné des articles 69 et 70 du règlement de procédure de la Cour impose, sauf erreur de notre part, que dans les recours de fonctionnaires dans lesquels le requérant succombe, chaque partie soit en principe condamnée à supporter ses propres frais. Néanmoins, si le requérant a contraint l'institution défenderesse à engager des frais de façon frustratoire ou vexatoire, la Cour peut le condamner aux dépens. Si la défenderesse, même gagnante
quant au résultat obtenu, a succombé sur certains moyens, la Cour peut la condamner à supporter certains frais exposés par le requérant, indépendamment de la question de savoir si sa manière de conduire l'affaire a été frustratoire ou vexatoire.

Dans l'affaire 54/77, Herpels/Commission (arrêt du 9 mars 1978 non encore publié au Recueil), la Cour a eu à connaître d'une situation dans laquelle, dans un recours de fonctionnaire, une des conclusions du requérant était vexatoire alors que, d'autre part, la défenderesse, qui a gagné en définitive, avait été déboutée de certaines exceptions qu'elle avait soulevées quant à la recevabilité de l'action. La Cour a compensé ces deux éléments et condamné chacune des deux parties à supporter ses propres
dépens.

En l'espèce, nous estimons qu'aucune des conclusions de la requérante ne revêtait un caractère vexatoire mais que, si vous vous ralliez à notre avis, les objections que la Commission a formulées quant à la recevabilité de l'action étaient mal fondées.

Telle est la raison pour laquelle vous pourriez estimer qu'il est équitable de condamner la Commission à payer (disons) un tiers des frais exposés par la requérante.

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( 1 ) Traduit de l'anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 25/77
Date de la décision : 13/04/1978
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Fonctionnaire - Promotion.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Lucienne De Roubaix, née De Leye
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Warner
Rapporteur ?: O'Keeffe

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1978:82

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