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23/10/1975 | CJUE | N°22-75

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 23 octobre 1975., Berthold Küster contre Parlement européen., 23/10/1975, 22-75


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 23 OCTOBRE 1975 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le recours sur lequel nous nous prononçons aujourd'hui constitue en quelque sorte la suite de l'affaire 79-74. En ce qui concerne les faits, nous pouvons donc nous borner à quelques observations.

Les deux procédures remontent à la décision prise par le Parlement européen de pourvoir, au sein de sa direction générale «Commissions et délégations interparlementaires», à un emploi de grade A 3 et d'

exiger pour ce poste, entre autres qualifications, des connaissances approfondies de la langue an...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 23 OCTOBRE 1975 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Le recours sur lequel nous nous prononçons aujourd'hui constitue en quelque sorte la suite de l'affaire 79-74. En ce qui concerne les faits, nous pouvons donc nous borner à quelques observations.

Les deux procédures remontent à la décision prise par le Parlement européen de pourvoir, au sein de sa direction générale «Commissions et délégations interparlementaires», à un emploi de grade A 3 et d'exiger pour ce poste, entre autres qualifications, des connaissances approfondies de la langue anglaise.

Cette condition a déterminé M. Küster, qui est fonctionnaire de grade A 4 au Parlement européen, à former sans plus attendre un recours contre le premier acte de la procédure destinée à pourvoir à cet emploi, c'est-à-dire contre l'avis de vacance no 1059; tel était l'objet de l'affaire 79-74. Nous savons à présent que ce recours n'a pas abouti. Dans son arrêt du 19 juin 1975, la chambre a expressément déclaré justifiées les exigences linguistiques requises, parce qu'elles répondaient à un intérêt du
service.

Dès avant la fin de cette procédure judiciaire, le Parlement a engagé la deuxième phase de la procédure de recrutement — la première consistant, comme vous le savez, selon l'article 29 du statut du personnel, dans l'examen des possibilités de promotion et de mutation — et il a publié l'avis de concours interne A/50.

M. Küster a participé à ce concours, mais dans le même temps, après avoir introduit sans succès une réclamation contre l'ouverture de cette procédure, il a de nouveau saisi la Cour de justice en formant le présent recours. Selon lui, la procédure de concours interne A/50 ne pouvait pas être ouverte. C'est ce que, dans les conclusions de sa requête, il vous demande de déclarer.

Il faut encore noter que la procédure de concours interne incriminée est actuellement clôturée. Au terme de celle-ci, M. Küster a certes été inscrit par le jury d'examen sur la liste d'aptitude, mais c'est un autre candidat, non pas, comme le requérant l'a initialement supposé, un ressortissant britannique ou irlandais, mais un fonctionnaire de nationalité néerlandaise qui a été nommé.

Avant d'entamer l'appréciation juridique de la présente affaire, il nous faut signaler que les points qui sont à l'origine du litige ne subsistent qu'en partie.

Compte tenu de l'arrêt rendu dans l'affaire 79-74, le Parlement, partie défenderesse, a abandonné ses moyens d'irrecevabilité. C'est manifestement à bon droit qu'il y a renoncé, car sa thèse initiale selon laquelle un seul recours aurait suffi pour permettre au requérant de faire valoir son point de vue n'était pas soutenable, puisque le grief tiré de la violation de l'article 29, paragraphe 1, lettre a), du statut du personnel ne pouvait être invoqué que dans le second recours actuel.

Egalement à la suite de l'arrêt 79-74, et tout aussi à propos, le requérant a, lui aussi, renoncé à faire valoir une partie de ses moyens initiaux. En effet, si la critique dirigée contre l'exigence de connaissances approfondies de la langue anglaise a été jugée non fondée en ce qui concerne la première phase de la procédure d'occupation du poste en question, il doit évidemment en être de même pour le stade suivant, celui de la procédure de concours interne.

Il s'ensuit que nous ne devons plus examiner que deux griefs: d'une part, le moyen tiré de la violation de l'article 29, paragraphe 1, lettre a), du statut du personnel et, d'autre part, le moyen tiré d'un détournement de pouvoir.

En ce qui concerne la prétendue méconnaissance de l'article 29, paragraphe 1, lettre a), du statut du personnel, le requérant fait valoir que sa vocation à la promotion a été reconnue à diverses reprises et qu'il a aussi été inscrit sur la liste d'aptitude établie au terme du concours interne A/50. Selon lui, il avait donc incontestablement un certain droit à être promu, ce dont l'article 29 du statut du personnel imposait, à son avis, de tenir compte. Et d'ajouter que les circonstances de l'espèce
permettent au contraire de penser que la possibilité de pourvoir à l'emploi en question par voie de promotion n'avait même pas été examinée, que le Parlement, en tout cas, n'a pu donner aucune raison objective à l'appui du fait que les chances de promotion du requérant n'avaient pas été prises en considération.

Le requérant a déjà formulé un grief identique dans l'affaire 23-74. Dans nos conclusions sur cette affaire, nous avons expliqué dans quel sens l'article 29, paragraphe 1, lettre a), du statut du personnel devait être entendu. Nous maintenons notre point de vue à ce sujet. Entre-temps, la chambre s'est prononcée, elle aussi, sur cette question et l'arrêt qu'elle a rendu dans cette affaire permet clairement d'affirmer que lorsqu'il existe plusieurs personnes ayant vocation à la promotion, l'autorité
investie du pouvoir de nomination peut parfaitement aboutir à la conclusion que, dans l'intérêt du service et de l'objectivité, il est opportun d'organiser un concours interne.

Il nous semble que cette affirmation permet déjà de rejeter le moyen que nous examinons actuellement.

Le Parlement s'est en effet référé explicitement pour sa défense à ce motif de l'arrêt. Nous pouvons donc partir de l'idée que les faits qui sont à la base du présent recours sont analogues à ceux de l'affaire 23-74, c'est-à-dire que pour occuper l'emploi déclaré vacant, il existait apparemment plusieurs candidats ayant vocation à la promotion. Si cela est exact, il n'est effectivement pas possible de critiquer l'attitude — qu'il faut au contraire qualifier d'opportune — du Parlement qui, au lieu de
pourvoir au poste en question dans le cadre de la première phase prévue par le statut, a ouvert une procédure de concours, afin de soumettre plusieurs candidats à un examen objectif.

Dans le cas où cette considération ne serait pas jugée suffisante, compte tenu par exemple du fait que le Parlement ne nous a pas informé en détail sur le nombre et les qualités des candidats, la pertinence d'une autre observation peut difficilement être mise en doute. Il s'agit de l'argument avancé par le Parlement qui a fait valoir que l'examen des possibilités de promotion au sens de l'article 29, paragraphe 1, lettre a), n'avait pas donné de résultats satisfaisants. En fait, nous ne pouvons pas
oublier qu'en cas d'occupation d'un emploi par voie de promotion, les exigences liées à ce poste jouent également un rôle. En l'espèce, l'avis de vacance exigeait des connaissances approfondies de la langue anglaise. Dans ces conditions, il n'est pas étonnant, compte tenu de tout ce que nous avons appris, qu'il n'ait pas été possible de constater, dès le stade de la procédure de promotion, c'est-à-dire sur la base de l'acte de candidature et du dossier personnel du requérant, que ce dernier
remplissait cette condition. Dans la requête introductive de la présente instance, il n'est en effet question, en ce qui concerne le requérant, que d'une «bonne connaissance active et passive de l'anglais» (p. 2), ainsi que d'une «connaissance assez étendue de la langue anglaise» (p. 5). Les déclarations faites à ce sujet par le requérant dans le cadre de l'affaire précédente 79-74 vont dans le même sens. A la page 2 de la requête, nous lisons : «L'avis de concours 1059 avait prévu l'occupation du
poste par promotion ou mutation, n'ignorant pas un instant qu'il ne pouvait y avoir aucun candidat entrant en ligne de compte pour une mutation ou une promotion, qui remplirait la condition relative à une connaissance approfondie de la langue anglaise». A la page 4 de la réplique figure, à la suite de la constatation du fait que le requérant possède une «bonne connaissance de l'anglais», la question suivante : «Pourrait-il soutenir que cette connaissance est approfondie, tant qu'il ne présente pas
un diplôme universitaire d'étude de la langue ?» — Tout aussi probants sont les termes réservés, employés par le requérant dans son acte de candidature du 2 avril 1974 et les indications émanant de lui, contenues dans le rapport de notation au sens de l'article 43 du statut du personnel, du 5 décembre 1973. L'acte de candidature précise simplement que le requérant a pratiqué verbalement et par écrit, depuis 1959, toutes les langues qu'il connaît, c'est-à-dire toutes les langues officielles à
l'exception du danois, et dans les observations qu'il a formulées au bas du rapport établi à son sujet en application de l'article 43 du statut du personnel, le requérant déclare uniquement, en ce qui concerne les autres langues officielles, c'est-à-dire les langues autres que le danois et le français, que dans le cadre de ses activités, il a eu l'occasion de les utiliser depuis 1959.

Dans ces conditions, il n'est vraiment pas étonnant que malgré la vocation établie du requérant à être promu, l'autorité investie du pouvoir de nomination du Parlement n'ait pas voulu le promouvoir au poste vacant en se fondant exclusivement sur les documents établis à son sujet qui figuraient dans son dossier personnel, mais qu'elle ait au contraire préféré organiser un concours qui permettrait précisément de contrôler aussi, au cours d'une épreuve orale, ses connaissances linguistiques.

Il n'est donc absolument pas possible de soutenir que l'ouverture de la procédure de concours interne doit être annulée pour violation de l'article 29, paragraphe 1, lettre a), du statut du personnel.

Quant à l'autre grief que nous devons encore examiner, à savoir le moyen tiré d'un détournement de pouvoir, deux éléments que le requérant souhaitait voir retenus comme des indices en ce sens doivent être écartés, compte tenu de l'arrêt rendu dans l'affaire 79-74. Il s'agit, d'une part, du fait que l'avis de vacance relatif au poste à pourvoir exigeait des connaissances approfondies de la langue anglaise et, d'autre part, des prétendues déclarations d'un haut fonctionnaire du Parlement qui aurait
affirmé que l'emploi était réservé à un ressortissant britannique.

Pour étayer sa thèse, il ne reste donc au requérant que deux arguments. Le premier consiste à dire qu'il n'a pas été retenu pour un poste de grade A 3, alors que les rapports établis à son sujet conformément à l'article 43 du statut du personnel étaient favorables et que son nom a été inscrit à trois reprises, lors de procédures de concours, sur la liste d'aptitude. Selon le second argument, il serait significatif que, s'il est vrai que l'avis de vacance prévoyait une épreuve orale portant sur les
connaissances linguistiques et les autres qualifications requises pour être nommé à l'emploi en question, dix points au maximum pouvaient être accordés pour les «connaissances linguistiques», alors que les notes maximales prévues pour les titres et pour les autres connaissances étaient respectivement égales à 40 et à 30 points.

En ce qui concerne le premier de ces arguments, il nous suffit au fond de renvoyer aux arrêts qui ont déclaré que l'absence de décision favorable au requérant dans le cadre de la procédure de promotion ne pouvait pas être critiquée, et de relever que le requérant n'a pas été retenu au terme de la procédure de concours, parce que la préférence a été donnée à des candidats ayant obtenu de meilleures notes. Ces circonstances ne constituent manifestement pas des indices d'un détournement de pouvoir.

Quant au second point, le Parlement s'est référé en particulier à l'arrêt rendu dans l'affaire 23-74 selon lequel, dans un cas comme celui de la présente espèce, un détournement de pouvoir ne peut être allégué que si les critères sur la base desquels le concours a été organisé ont eu pour effet de désavantager arbitrairement certains candidats. Il existe donc en cette matière un pouvoir d'appréciation considérable et il est constant qu'il n'y a eu abus que si la preuve de l'effet susvisé est
apportée. Tel n'est pas le cas en l'espèce, selon nous. En tout cas, il ne nous paraît pas manifestement erroné d'accorder une plus grande importance, dans le cadre d'une procédure de concours, aux titres et aux connaissances spécifiques des candidats plutôt qu'à leurs connaissances linguistiques.

Le grief tiré d'un détournement de pouvoir ne saurait donc pas, lui non plus, faire aboutir le recours.

En résumé, nous ne pouvons donc que vous proposer de rejeter le recours comme non fondé et de régler les dépens conformément à l'article 70 du règlement de procédure, selon l'usage dans des cas de ce genre.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 22-75
Date de la décision : 23/10/1975
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Berthold Küster
Défendeurs : Parlement européen.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: Monaco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1975:134

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