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25/09/1975 | CJUE | N°24-75

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Warner présentées le 25 septembre 1975., Teresa et Silvana Petroni contre Office national des pensions pour travailleurs salariés (ONPTS), Bruxelles., 25/09/1975, 24-75


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JEAN-PIERRE WARNER,

PRÉSENTÉES LE 25 SEPTEMBRE 1975 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Vous vous rappelez peut-être que le 14 juin 1971 le Conseil a arrêté le règlement (CEE) no 1408/71 «relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté», lequel a remplacé l'ancien règlement no 3.

La question sur laquelle vous devez vous prononcer en l'espèce consiste en substance à sav

oir si une disposition particulière du règlement no 1408/71, à savoir l'article 46, paragraphe 3, est compa...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. JEAN-PIERRE WARNER,

PRÉSENTÉES LE 25 SEPTEMBRE 1975 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Vous vous rappelez peut-être que le 14 juin 1971 le Conseil a arrêté le règlement (CEE) no 1408/71 «relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté», lequel a remplacé l'ancien règlement no 3.

La question sur laquelle vous devez vous prononcer en l'espèce consiste en substance à savoir si une disposition particulière du règlement no 1408/71, à savoir l'article 46, paragraphe 3, est compatible avec l'article 51 du traité CEE ou s'il est totalement ou partiellement incompatible avec ce dernier.

Il est certain, selon nous, que les raisons justifiant la présence de l'article 46, paragraphe 3, dans le règlement sont contenues dans les septième et huitième considérants de celui-ci qui sont libellés comme suit:

«Considérant que les règles de coordination prises pour l'application des dispositions de l'article 51 du traité doivent assurer aux travailleurs qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté les droits et avantages acquis, sans qu'elles puissent entraîner des cumuls injustifiés;

Considérant que dans ce but, en matière de prestations d'invalidité, de vieillesse et de décès (pensions), les intéressés doivent pouvoir bénéficier de l'ensemble des prestations aquises dans les différents États membres dans la limite — nécessaire pour éviter des cumuls injustifiés, résultant notamment de la superposition de périodes d'assurance et de périodes assimilées — du plus élevé des montants de prestations qui serait dû par l'un de ces États si le travailleur y avait accompli toute sa
carrière» (JO no L 149 du 5 juillet 1971, p. 2).

L'objectif de l'article 46, paragraphe 3, ou, en tout cas, l'un des objectifs poursuivis par cette disposition est de limiter le montant total de la pension de vieillesse que peut percevoir une personne qui a relevé du régime de sécurité sociale d'un ou de plusieurs États membres, au montant auquel elle aurait eu droit si toutes les périodes d'assurance qu'elle a accomplies sous les régimes de ces États membres l'avaient été dans l'État membre dont la législation lui aurait accordé la pension la
plus élevée.

Il ressort aussi clairement des extraits des procès-verbaux des séances du Conseil, dont certains sont annexés aux observations que celui-ci a présentées au cours de la présente instance, qu'en élaborant les dispositions du règlement no 1408/71, le Conseil avait bien présente à l'esprit l'interprétation de l'article 51 du traité telle qu'elle a été adoptée dans les décisions rendues par votre juridiction et qu'il a tenté de lui donner effet. Ainsi, la question dont il s'agit consiste en un certain
sens à déterminer dans quelle mesure le Conseil a réussi dans cette entreprise.

Vous vous souviendrez que dans nos conclusions sur l'affaire 191-73, Niemann contre «Bundesversicherungsanstalt» (Recueil 1974, p. 581), nous avons relevé les principales décisions pertinentes rendues par votre Cour et résumé ce que nous estimions être leurs conséquences. Il n'est pas dans nos intentions de vous importuner en répétant ce que nous avions dit alors. Aussi bien la République italienne que le Conseil ont considéré dans leurs observations sur la présente affaire, que ce résumé, tel qu'il
a été complété par l'arrêt rendu par votre Cour dans l'affaire Niemann, traduisait correctement l'état du droit. Nous nous bornerons à faire de même sans oublier naturellement que dans la mesure où elles gravitaient autour de l'interprétation du règlement no 3 et non pas autour de celle de l'article 51, ces décisions ne sont pas directement pertinentes. En effet, les dispositions du règlement no 1408/71 diffèrent à certains égards de celles du règlement no 3.

Pour des raisons de simplicité, nous vous suggérons ci-après de ne pas tenir compte du cas dans lequel une personne est ou a été soumise au régime de sécurité sociale d'un État membre dans lequel le droit à une pension de retraite est fonction de l'assujettissement à ce régime «au moment de la réalisation du risque», quelle que soit la durée des périodes d'assurance accomplies. La présente affaire n'a pas trait à un tel cas.

Cela étant admis, on peut dire qu'une personne qui a été soumise au régime de sécurité sociale de deux ou de plusieurs États membres peut se trouver, dans l'une des quatre hypothèses suivantes en ce qui concerne ses droits à une pension de retraite:

1) Elle peut prétendre à une pension dans cet État sans recourir à la totalisation envisagée par l'article 51 et trouver qu'elle ne peut obtenir des prestations plus importantes par l'application à sa situation des procédés de totalisation et de proratisation; ou

2) elle peut avoir droit à une pension dans cet État sans recourir à la totalisation mais y prétendre à une pension plus importante par voie de totalisation et de proratisation; ou

3) elle ne peut avoir droit à une pension dans cet État que par voie de totalisation et de proratisation; ou

4) elle peut n'avoir droit à aucune pension dans cet État même si les procédés de la totalisation et de la proratisation sont appliqués à sa situation.

Il est possible, à notre avis, de ne pas tenir compte de la quatrième hypothèse pour les besoins de la présente affaire.

Les dispositions du règlement no 1408/71, applicables en l'espèce et en particulier les articles 45 et 46, prennent en considération les trois premiers cas.

C'est ainsi que l'article 45, paragraphe 1, stipule que:

«L'institution d'un État membre dont la législation subordonne l'acquisition, le maintien ou le recouvrement du droit aux prestations à l'accomplissement de périodes d'assurance tient compte, dans la mesure nécessaire, des périodes d'assurance accomplies sous la législation de tout État membre comme s'il s'agissait de périodes accomplies sous la législation qu'elle applique»(JO no L 149 du 5 juillet 1971, p. 2).

Il est certain, selon nous, que les mots «dans la mesure nécessaire» ont été introduits dans cette disposition afin d'exclure la totalisation et la proratisation dans le cas d'une personne se trouvant, dans un État membre déterminé, dans la première des quatre hypothèses décrites ci-dessus.

L'article 46 est consacré à la liquidation des prestations.

Le paragraphe 1 de cette disposition vise le cas d'une personne qui a droit à une pension dans l'État membre intéressé sans recourir à la totalisation, c'est-à-dire d'une personne qui se trouve soit dans la première, soit dans la seconde des hypothèses décrites. Il dispose en ce sens que cette personne est «prima facie» habilitée à percevoir la pension la plus élevée, que ce soit celle établie par référence à la législation de ce seul État membre (premier cas) ou la pension établie par application
des procédés de la totalisation et de la proratisation (deuxième cas). Nous disons «prima facie» en raison de l'existence de l'article 46, paragraphe 3, que nous examinerons plus tard.

Le paragraphe 2 de l'article 46 envisage le cas d'une personne qui ne peut obtenir une pension de l'État membre intéressé que par voie de totalisation et de proratisation, c'est-à-dire d'une personne se trouvant dans la troisième hypothèse décrite. Il dispose en ce sens que dans ce cas, il y a lieu d'appliquer ces méthodes. Afin de rendre intelligibles les développements qui vont suivre, nous devons indiquer que, ce faisant, l'article 46 prévoit en son paragraphe 2 (a) la liquidation du «montant de
la prestation à laquelle l'intéressé pourrait prétendre si toutes les périodes d'asssurance accomplies sous les législations des États membres auxquelles il a été assujetti avaient été accomplies dans l'État en cause» et désigne ce montant «montant théorique de la prestation».

L'article 46, paragraphe 3, est libellé comme suit:

«L'intéressé a droit, dans la limite du plus élevé des montants théoriques de prestations calculées selon les dispositions du paragraphe 2, alinéa a), à la somme des prestations calculées conformément aux dispositions des paragraphes 1 et 2.

Pour autant que le montant visé à l'alinéa précédent soit dépassé, chaque institution qui applique le paragraphe 1 corrige sa prestation d'un montant correspondant au rapport entre le montant de la prestation considérée et la somme des prestations déterminées selon les dispositions du paragraphe 1» (JO no L 149 du 5 juillet 1971, p. 2).

Il ressort d'une simple lecture de cette disposition que le deuxième alinéa peut s'appliquer à une personne qui a accompli des périodes d'assurance dans deux États membres soit

i) que le paragraphe 1 de l'article 46 s'applique dans ces deux États, soit

ii) que le paragraphe 1 s'applique dans l'un de ces États et le paragraphe 2 dans l'autre.

Comme il a été relevé au cours de l'audience, cet alinéa ne s'applique pas lorsque le paragraphe 2 est applicable dans les deux États membres, pour la raison que, dès lors, le montant total des prestations auxquelles a droit l'intéressé ne peut en aucun cas dépasser «le plus élevé des montants théoriques de prestations».

De nouveau, il ressort d'une simple lecture de cet alinéa que, lorsque le paragraphe 1 s'applique à l'intéressé dans les deux États membres, chacun d'eux est obligé de réduire proportionnellement le montant de sa pension dans l'hypothèse et dans la mesure où le total des deux pensions auxquelles il a droit prima facie dans ces États dépasse «le plus élevé des montants théoriques de prestations». Toujours selon cet alinéa, lorsque le paragraphe 1 s'applique dans l'un des États membres et le
paragraphe 2 dans l'autre, l'État membre dans lequel le paragraphe 1 s'applique est obligé de réduire le montant de la pension à laquelle l'intéressé a droit prima facie dans cet État, dans la mesure éventuelle où le total des deux pensions excède «le plus élevé des montants théoriques de prestations»; il n'impose aucune réduction sur le montant de la pension à laquelle l'intéressé a droit dans l'État membre dans lequel le paragraphe 2 s'applique.

C'est cette interprétation simple que les organismes de sécurité sociale belge et italien intéressés par la présente affaire ont donnée à l'article 46, paragraphe 3.

Les faits de la présente affaire sont les suivants:

Le défunt Raffaele Petroni, qui était Italien, a travaillé comme mineur en Belgique de 1949 à 1951, de 1955 à 1959 et de 1964 à 1972. Il avait travaillé en Italie en 1937, de 1942 à 1945 et de 1960 à 1961. Il semble qu'il ait été chômeur pour le reste de sa vie active. Il a atteint l'âge de la retraite le 26 décembre 1972.

Sur la base des périodes de travail qu'il avait accomplies en Belgique, le droit à une pension de vieillesse de 34358 francs belges par an a été reconnu à M. Petroni, en vertu de la législation belge applicable, considérée isolément. Si la totalisation et la proratisation avaient été appliquées en Belgique à sa situation, il aurait eu droit dans ce pays à une pension s'élevant seulement à 32450 francs belges. Il se trouvait donc, en Belgique, dans la première des quatre hypothèses que nous avons
décrites tout à l'heure. En Italie, il se trouvait dans la troisième hypothèse. Les périodes de travail qu'il avait accomplies en Italie ne suffisaient pas en elles-mêmes à lui ouvrir le droit à une pension italienne. Mais la totalisation de ces périodes et celles accomplies en Belgique ainsi que la proratisation lui donnaient droit en Italie à une pension de 251420 lires par an. Toutefois, le total constitué par sa pension belge de 34358 francs et par sa pension italienne dépassait le «plus élevé
des montants théoriques de prestations». Appliquant ou entendant appliquer l'article 46, paragraphe 3, l'organisme belge a en conséquence réduit sa pension belge à concurrence du dépassement et l'a ramenée à 26247 francs. Sa pension italienne n'a pas été réduite.

M. Petroni est décédé le 4 janvier 1974. Le 1er mars 1974, sa veuve, en sa qualité d'ayant cause, a introduit une action devant le tribunal du travail de Bruxelles contre l'organisme belge de sécurité sociale compétent, l'Office national des pensions paur travailleurs salariés («ONPTS»). A l'appui de son action, elle a fait valoir pour autant que cela nous intéresse présentement ici, le fait que l'article 46, paragraphe 3, était incompatible avec l'article 51 du traité CEE et que l'article 46,
paragraphe 3, était incompatible avec l'article 51 du traité CEE et que M. Petroni avait droit à sa pension belge de 34358 francs, à l'exclusion de toute réduction.

Mme Petroni est décédée à son tour le 4 septembre 1974. Le 24 février 1975, le tribunal du travail de Bruxelles a rendu une ordonnance par laquelle il autorisait les filles de M. et de Mme Petroni à reprendre contre l'ONPTS l'instance dont il était saisi et demandait à votre Cour, de trancher à titre préjudiciel, deux questions, en application de l'article 177 du traité CEE.

La première question consiste a déterminer si l'article 46, paragraphe 3, est compatible avec l'article 51 du traité. La seconde question ne se pose que s'il est répondu par l'affirmative à là première.

Vous vous souvenez qu'à l'audience devant votre Cour, le représentant de l'ONPTS a allégué que le tribunal du travail avait eu tort d'autoriser la reprise de l'instance par les filles de M. et de Mme Petroni et également, si nous avons bien compris son argumentation, que le véritable défendeur aurait dû être l'organisme italien de sécurité sociale intéressé, car c'était à cet organisme qu'incombait, en vertu du règlement (CEE) no 574/72 du Conseil, la tâche de liquider les pensions revenant à M.
Petroni, aussi bien en Belgique qu'en Italie: l'ONPTS n'aurait fait que mettre en œuvre la liquidation entreprise par cette institution. Messieurs, ces arguments sont d'une telle nature, que selon nous, la Cour n'a pas compétence pour en connaître dans le cadre d'un renvoi comme celui-ci et nous ne les examinerons pas plus longtemps.

Nous irons directement a la question essentielle.

La réponse nous semble évidente. Le canevas constitué par toutes les décisions de votre Cour auxquelles nous avons renvoyé, y compris la décision rendue dans l'affaire Niemann, comporte en filigrane le principe selon lequel si l'article 51 du traité habilite et même oblige le Conseil à adopter «dans le domaine de la sécurité sociale les mesures nécessaires pour l'établissement de la libre circulation des travailleurs», cette disposition ne permet cependant pas au Conseil (aussi longtemps en tout cas
qu'il n'établit pas un régime de sécurité sociale au niveau communautaire ni n'assure, à tout le moins, l'harmonisation des systèmes nationaux divergents) d'édicter des normes réduisant les droits dont chacun dispose en vertu du régime de sécurité sociale d'un État membre, indépendamment du droit communautaire. En bref, l'article 51 habilite et oblige le Conseil à conférer des droits aux travailleurs migrants mais ne lui permet pas, tant que subsistent des régimes nationaux différents, de priver ces
travailleurs des droits dont ils jouissent en vertu des normes nationales.

Le Conseil est naturellement habilité, dans la mesure où il édicte des règles conférant aux travailleurs migrants des droits dont ils n'auraient pas disposé autrement, à insérer dans ses règlements des dispositions tendant à assurer que ces règlements n'aient pas pour résultat un cumul injustifié de prestations. En d'autres termes, l'article 46, paragraphe 3, est valide dans la mesure où il limite des droits conférés par le droit communautaire et qui n'auraient pas existé en l'absence de ce droit
mais nul dans la mesure où il tend à réduire des droits accordés par les droits nationaux et qui existent indépendamment du droit communautaire.

Selon nous, la conséquence est la suivante:

1) dans la première hypothèse décrite ci-dessus, c'est-à-dire dans le cas où une personne a droit à une pension en vertu de la législation d'un État membre considérée isolément et ne peut prétendre dans cet État à aucune prestation par application à son cas d'une disposition quelconque de droit communautaire (ce qui est la situation dans laquelle M. Petroni se trouvait en Belgique), l'article 46, paragraphe 3, ne saurait être applicable;

2) dans la seconde de ces hypothèses, c'est-à-dire dans le cas où une personne a droit à une pension en vertu de la législation d'un État membre considérée isolément mais à une pension revalorisée si les procédés de totalisation et de proratisation prévus par le droit communautaire lui sont appliques, l'article 46, paragraphe 3, peut être appliqué, à concurrence de la différence existant entre le montant de la pension revalorisée et le montant de la pension due au titre de la seule législation
nationale; et

3) dans la troisième hypothèse, c'est-à-dire dans le cas où une personne a droit à une pension dans un État membre seulement si le droit communautaire intervient (ce qui était la situation de M. Petroni en Italie), le Conseil avait la possibilité de disposer que le montant de la pension devait être réduit dans la mesure où son versement aurait pour effet de porter le total des droits à pension de cette personne au-delà du plus élevé de ses «montants théoriques de prestations». Toutefois (sous
réserve d'un argument avancé par le Conseil devant votre Cour et que nous examinerons bientôt), le Conseil n'a pas usé de cette faculté.

Il faut porter au crédit de l'ONPTS et du Conseil le fait qu'ils n'ont pas fait valoir, au cours des débats, un argument qui aurait pu leur venir à l'esprit et selon lequel il serait indifférent pour un retraité que la réduction du total de ses droits à pension, destinée à limiter ceux-ci au niveau du plus élevé de ses «montants théoriques de prestations», intervienne par voie de réduction de ses droits à pension dans tel pays plutôt que dans tel autre. Dans une Communauté qui serait dotée d'une
monnaie unique ou dont toutes les monnaies resteraient, comme des serpents bien sages, sur leurs positions respectives, cet argument pourrait être pertinent dans une certaine mesure. Mais naturellement, dans la situation actuelle, l'acquisition de droits à pension dans un pays, sur la base du droit communautaire, ne compense pas nécessairement la perte dans un autre État de droits équivalents à l'origine.

Le principal argument invoqué en faveur de l'ONPTS et du Conseil, dans le but de convaincre votre juridiction que l'article 46, paragraphe 3, était valide dans toutes ses dispositions, tendait à établir que l'article 46, considéré dans son ensemble, créait un nouvel ensemble de droits remplaçant tous ceux qui auraient pu avoir été conférés par les législations des États membres et que le Conseil avait donc la possibilité de restreindre. Selon nous, Messieurs, cette thèse est erronée. Dans la mesure
où une personne a droit à une pension sur la base du droit national, considéré isolément, l'article 46 ne lui confère pas à vrai dire un nouveau droit. Prétendre lui conférer un nouveau droit puis prévoir la réduction de ce droit à un montant inférieur à celui dont il bénéficie en vertu du droit national, n'est rien d'autre que tendre à édicter des normes supprimant dans cette mesure les droits détenus en vertu du droit national, ce que ne permet précisément pas l'article 51 du traité.

Le Conseil a invoqué un argument subsidiaire concernant non pas la validité, mais l'interprétation de l'article 46, paragraphe 3. Il a en effet soutenu que dans des conditions telles que celles de la présente affaire, lorsque l'article 46, paragraphe 1, est applicable dans un État membre et l'article 46, paragraphe 2, dans l'autre, l'article 46, paragraphe 3, ne pourrait s'appliquer dans le premier parce qu'il n'y aurait alors aucun «rapport» pertinent tel que celui visé par le deuxième alinéa de
cette disposition. Le Conseil est allé jusqu'à prétendre que, dans ces conditions, la réduction éventuelle prescrite par l'article 46, paragraphe 3, devrait être effectuée sur la pension à laquelle l'intéressé avait droit en vertu de l'article 46, paragraphe 2. Répondant à une question que nous avons posée lors de l'audience, le représentant du Conseil a accepté de considérer que cette allégation impliquait, au regard de la présente affaire, que c'était la pension italienne de M. Petroni qui aurait
dû être réduite, et non pas sa pension belge.

Selon nous, Messieurs, cette thèse devrait être écartée pour la simple raison que le libellé de l'article 46, paragraphe 3, ne saurait être dénaturé en ce sens. En outre, cette thèse n'offre pas de solution satisfaisante au problème posé par l'article 46, paragraphe 3, dans le cas d'une personne qui a droit à des pensions en vertu de l'article 46, paragraphe 1, dans deux États membres mais ne peut prétendre à une pension sur la base de l'article 46, paragraphe 2, dans aucun de ces États.

Nous estimons en conséquence qu'il y a lieu de répondre à la première question posée à votre juridiction par le tribunal du travail de Bruxelles en disant pour droit que l'article 46, paragraphe 3, du règlement no 1408/71 du Conseil est nul dans la mesure où il stipule une réduction du montant de la pension de retraite à laquelle une personne a droit dans un État membre indépendamment du droit communautaire.

La deuxième question posée par le tribunal du travail de Bruxelles a deux branches. La première consiste à savoir si, à tout le moins, un cumul de prestations peut véritablement se présenter lorsque, comme en l'espèce, les périodes accomplies par une personne dans des États membres différents ne se superposent pas. Le deuxième a trait au fait que, lorsqu'il travaillait en Belgique, M. Petroni relevait du régime spécial de sécurité sociale applicable aux mineurs. Mais, si vous partagez notre point de
vue sur la réponse à apporter à la première question, aucune des deux branches de la seconde question n'appelle une réponse.

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( 1 ) Traduit de l'anglais.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 24-75
Date de la décision : 25/09/1975
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Bruxelles - Belgique.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Teresa et Silvana Petroni
Défendeurs : Office national des pensions pour travailleurs salariés (ONPTS), Bruxelles.

Composition du Tribunal
Avocat général : Warner
Rapporteur ?: Monaco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1975:115

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