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30/04/1974 | CJUE | N°187-73

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Reischl présentées le 30 avril 1974., Odette Callemeyn contre État belge., 30/04/1974, 187-73


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 30 AVRIL 1974 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les questions préjudicielles posées par le tribunal du travail de Tournai, sur lesquelles il nous incombe de prendre position aujourd'hui, portent essentiellement sur l'application ratione materiae du règlement no 1408/71 concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants (JO 1971, no L 149). Le juge national demande si le régime belge des allocations pour handicapés tombe dans le champ d'application de ce

règlement.

La requérante dans la procédure pendante devant la juridiction belge, ...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. GERHARD REISCHL,

PRÉSENTÉES LE 30 AVRIL 1974 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les questions préjudicielles posées par le tribunal du travail de Tournai, sur lesquelles il nous incombe de prendre position aujourd'hui, portent essentiellement sur l'application ratione materiae du règlement no 1408/71 concernant la sécurité sociale des travailleurs migrants (JO 1971, no L 149). Le juge national demande si le régime belge des allocations pour handicapés tombe dans le champ d'application de ce règlement.

La requérante dans la procédure pendante devant la juridiction belge, Madame Callemeyn, de nationalité française, a épousé un ressortissant belge et réside en Belgique depuis 1957. Elle est âgée actuellement de 40 ans et est atteinte d'une incapacité permanente de travail de 70 %. En tant qu'ancien travailleur salarié, elle perçoit des indemnités d'invalidité au titre de la loi belge du 9 août 1963, qui régit l'assurance maladie-invalidité obligatoire. Le 9 mars 1972, Madame Callemeyn a introduit
une demande d'allocation ordinaire au titre de la loi du 27 juin 1969 relative à l'octroi d'allocations aux handicapés. Par décision notifiée à la requérante le 26 février 1973, le ministre de la prévoyance sociale a rejeté cette demande, motif pris de ce que, aux termes de la loi et de ses dispositions d'exécution, cette allocation ne peut être accordée qu'aux ressortissants belges. Si les étrangers peuvent bénéficier de cette allocation en vertu de l'accord intérimaire européen concernant les
régimes de sécurité sociale relatifs à la vieillesse, à l'invalidité et aux survivants, signé le 11 décembre 1953, Madame Callemeyn ne satisferait pas aux conditions prévues par ledit accord intérimaire quant à la durée de résidence dans le pays hôte et la date de la première constatation médicale de la maladie qui est à l'origine de l'invalidité. Le 2 mars 1973, Madame Callemeyn, qui prétend remplir les conditions prévues par l'accord intérimaire, a formé un recours contre cette décision.

Le tribunal du travail de Tournai a sursis à statuer, car il estime que l'application à la requérante de la loi organisant le régime des allocations pour handicapés résulte non pas de l'accord intérimaire du 11 décembre 1953, mais des dispositions du règlement no 1408/71 du Conseil des Communautés européennes du 14 juin 1971.

Ce tribunal pose les deux questions suivantes:

1) Le régime des allocations pour handicapés, organisé par la loi belge du 27 juin 1969, dans la mesure où il concerne des travailleurs, tombe-t-il dans le champ d'application du règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leurs familles qui se déplacent?

Autrement dit: les avantages visés à l'article 4 du règlement (CEE) no 1408/71 comprennent-ils les mesures prévues par une législation nationale octroyant des allocations aux handicapés, pour autant que ces mesures concernent les travailleurs?

2) Le règlement du Conseil no 1408/71 se substitue-t-il à l'accord intérimaire européen concernant les régimes de sécurité sociale relatifs à la vieillesse, à l'invalidité et aux survivants, signé à Paris le 11 décembre 1953 et visé à l'article 7 du règlement, dans la mesure où il est plus favorable pour l'ayant droit?

I — Sur la première question

Pour répondre à cette question, il faut examiner le contenu de la loi belge du 27 juin 1969 relative à l'octroi d'allocations aux handicapés. Cette loi accorde des prestations en espèces aux handicapés belges résidant en Belgique, qui

1) sont âgés de 14 ans au moins (pour l'allocation ordinaire),

2) sont atteints d'une incapacité permanente de travail d'au moins 30 %,

3) ne disposent pas de ressources excédant un montant déterminé.

Le droit à l'octroi de prestations n'est pas subordonné à des conditions de cotisation ou d'affiliation. Il n'est pas nécessaire non plus que le handicapé ait travaillé.

La loi prévoit trois genres d'allocations, à savoir l'allocation ordinaire, l'allocation complémentaire, les dispositions relatives à celle-ci complétant la condition d'âge limite pour les handicapés qui ont atteint l'âge de la pension, et l'allocation spéciale accordée à certaines catégories de handicapés, et spécialement à ceux qui sont atteints d'une incapacité de travail de 100 %. Le montant de l'allocation est fixé en fonction du pourcentage d'incapacité de travail et de la partie des
ressources qui excède un montant de base. Les fonds nécessaires sont fournis par l'État belge.

Avant de traiter de la question de savoir si une loi de ce genre répond aux conditions prévues à l'article 4 du règlement no 1408/71, nous nous proposons d'examiner brièvement si le fait que le royaume de Belgique n'a pas cité la loi du 27 juin 1969 dans la déclaration prévue à l'article 5 de ce règlement et relative aux législations et régimes visés à l'article 4, paragraphes 1 et 2, a de l'importance (JO 1973, no C 12).

Pour la situation juridique existant sous l'empire du règlement no 3, qui a été remplacé par le règlement no 1408/71, la Cour de justice a déclaré que l'applicabilité du règlement CEE à une disposition de droit interne ne saurait dépendre de la notification de celle-ci par l'État membre, puisque la thèse contraire reviendrait à subordonner l'application du droit communautaire à un acte national unilatéral (arrêt du 15 juillet 1964, Van der Veen/Bestuur van de Sociale Verzekeringsbank, affaire
100-63, Recueil, 1964, p. 1105, et arrêt du 2 décembre 1964, Dingemans/Sociale Verzekeringsbank, affaire 24-64, Recueil, 1964, p. 1259).

La même règle doit valoir dans la situation juridique créée actuellement par le règlement no 1408/71. Et si l'article 3 du règlement no 3 pouvait encore engendrer des doutes en ce qu'il disposait que «l'annexe B précise… les législations … auxquelles s'applique le règlement», le texte du règlement actuel est clair, puisque la liste des dispositions nationales notifiées n'a plus fait l'objet d'une annexe, c'est-à-dire d'un acte juridique à caractère réglementaire, mais qu'elle a été publiée dans la
partie C du Tournai officiel. Cette liste ne saurait donc être considérée juridiquement comme une législation.

Le point déterminant est donc celui de savoir si une loi comme la loi belge du 27 juin 1969 tombe dans le champ d'application du règlement no 1408/71. Pour qu'il en soit ainsi, il faut, d'une part, que la loi prévoie des prestations figurant dans la liste de l'article 4, paragraphe 1, et, d'autre part, qu'elle ne constitue pas, vu les termes de l'article 4, paragraphe 4, un régime d'assistance sociale. La disposition applicable en l'espèce est l'alinéa b) du paragraphe 1: «prestations d'invalidité,
y compris celles qui sont destinées à maintenir ou à améliorer la capacité de gain». La possibilité de qualifier de «prestation de vieillesse», au sens de l'alinéa c) du paragraphe 1, l'allocation complémentaire pour handicapés ayant atteint l'âge de la pension ne doit pas retenir notre attention, puisque le présent litige porte sur le droit à l'allocation ordinaire.

Les prestations d'invalidité peuvent sans doute être définies, comme le gouvernement belge l'a fait dans son mémoire, comme étant des prestations destinées à compenser la réduction ou la perte de la capacité de pourvoir à ses besoins en exerçant une activité professionnelle. Le droit à l'octroi de ces prestations est donc le corollaire de la perte d'une capacité de travail. Par contre, la condition essentielle de l'octroi des prestations aux handicapés prévues par la loi belge est l'existence d'une
affection de caractère médical. Mais lorsque cette affection entraîne une incapacité de travail, les conditions d'octroi de l'allocation pour handicapés et celles auxquelles est subordonné ordinairement le service des prestations d'invalidité se recoupent. Si on ajoute à cela que le taux de l'allocation pour handicapés est fonction du pourcentage d'incapacité de travail (article 5 de la loi), il nous paraît acquis que les prestations prévues par la loi belge sont en tout cas des prestations
d'invalidité, lorsque l'affection dont le handicapé est atteint entraîne une réduction de sa capacité de travail antérieure.

Dans son mémoire, le gouvernement belge relève qu'aux termes de la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité, le taux d'invalidité est apprécié par référence à l'exercice d'une profession déterminée, alors que, selon la loi relative à l'octroi d'allocations aux handicapés, ce taux est évalué sans référence à une profession déterminée. Cette considération ne permet pas de déduire que l'allocation pour handicapés ne constitue pas
une prestation d'invalidité, puisque la notion d'invalidité n'est pas liée à une méthode déterminée de constatation de la réduction de la capacité de travail. C'est ainsi que le droit allemand des prestations d'assurance prévoit tant la notion d'incapacité professionnelle (article 1246 de la «Rentenversicherungsordnung») que celle d'incapacité de gain (article 1247 de la RVO), les prestations accordées étant néanmoins qualifiées dans les deux cas de prestations d'invalidité.

Passons maintenant à la question de savoir si la loi belge comporte un régime d'assistance sociale et si elle est de ce fait exclue du champ d'application du règlement no 1408/71, en vertu de l'article 4, paragraphe 4. Un argument en faveur de cette thèse est que cette loi ne confère un droit à l'octroi de prestations que si les revenus du handicapé n'excèdent pas un montant déterminé; le critère de la loi est donc l'état de besoin. Toutefois, la Cour de justice s'est toujours efforcée dans sa
jurisprudence d'éviter que la protection du travailleur migrant soit mise en échec par des dispositions particulières des régimes nationaux, et de tenir compte de l'apparition de nouvelles formes de sécurité sociale qui ne sauraient être rangées dans une des catégories originaires. Nous songeons à l'arrêt Torrekens (arrêt du 7 mai 1969, affaire 28-68, Recueil, 1969, p. 125) relatif à l'allocation accordée en France aux vieux travailleurs, et surtout à l'arrêt Frilli (arrêt du 22 juin 1972, affaire
1-72, Recueil, 1972, p. 457) relatif à la loi belge sur le revenu garanti aux personnes âgées. Il est dit dans cet arrêt qu'il existe des législations qui, d'une part, garantissent un minimum de moyens d'existence à des personnes placées en dehors du système de sécurité sociale et, d'autre part, assurent un complément de revenus aux bénéficiaires de prestations de sécurité sociale insuffisantes.

Examinons, sur la base des critères dégagés dans l'arrêt précité, si la loi beige relative aux allocations pour handicapés fait partie des dispositions ayant la double fonction décrite dans cet arrêt. Il faut relever tout d'abord que cette loi, comme la loi sur le revenu garanti aux personnes âgées, ne prévoit aucune condition d'activité professionnelle, d'affiliation ou de cotisation, mais qu'elle exige, outre l'existence d'une infirmité, celle d'un certain état de besoin. Elle présente en cela
certaines caractéristiques d'un régime d'assistance. D'un autre côté, la loi dont s'agit revêt aussi certaines caractéristiques d'un régime de sécurité sociale en ce qu'elle confère au handicapé une position légalement définie et elle lui reconnaît un droit qui peut faire l'objet d'un recours devant les juridictions du travail. A l'inverse, elle ne prévoit pas d'appréciation individuelle, en d'autres termes l'exercice par l'autorité d'un certain pouvoir d'appréciation, élément qui caractérise
l'assistance selon l'arrêt de la Cour dans l'affaire Frilli. On peut donc considérer que l'allocation pour handicapés, du moins dans la mesure où il s'agit de travailleurs ou assimilés, fait partie du domaine de la sécurité sociale au sens de l'article 51 du traité et des dispositions prises pour son exécution, comme par exemple le règlement no 1408/71, puisqu'elle sert à assurer un complément de revenus à ceux qui bénéficient d'une rente d'invalidité insuffisante. Il n'y a pas lieu d'examiner si la
loi doit être qualifiée différemment lorsqu'il s'agit d'autres catégories de handicapés.

Nous relèverons en outre que la fonction de complément du régime de sécurité sociale doit être considérée objectivement, avec cette conséquence que l'intention du législateur belge, sur laquelle le représentant du gouvernement belge a tant insisté, à savoir créer un régime d'assistance sociale, ne saurait avoir une importance déterminante.

Compte tenu de ce qui précède, il nous paraît évident que les prestations accordées par les lois d'un État membre, telle que la loi litigieuse, doivent être considérées comme des prestations d'invalidité en ce qui concerne les travailleurs d'autres États membres auxquels l'État en cause verse également une rente d'invalidité.

Permettez-nous toutefois d'étayer encore d'une considération supplémentaire l'allégation que la loi belge ne constitue pas un simple régime d'assistance sociale. Nous partageons l'opinion soutenue par notre collègue M. Mayras dans les conclusions fondamentales qu'il a présentées dans l'affaire Frilli, que le caractère subsidiaire est une des caractéristiques essentielles de l'assistance sociale (aide). Or, les prestations prévues par la loi belge ne sont pas purement subsidiaires. Selon l'article 4,
paragraphe 5, de cette loi, combiné avec l'article 25 de l'arrêté royal du 17 novembre 1969, il n'est pas tenu compte en effet, pour évaleur les ressources propres, des prestations d'assistance publique, c'est-à-dire des avantages alloués par les commissions d'assistance publique évoquées par le représentant de l'État belge dans son plaidoyer, ni des rentes alimentaires dues par des membres de la famille.

De plus, les prestations allouées en application de la loi du 9 août 1963 instituant et organisant un régime d'assurance obligatoire contre la maladie et l'invalidité ne sont pas déduites du montant de l'allocation. Il s'agit là d'une différence par rapport à la loi sur le revenu garanti, qui dispose que le revenu garanti est diminué du montant des prestations allouées au titre d'une assurance vieillesse obligatoire.

Certes, la possibilité de cumuler des allocations et des prestations d'assurance obligatoire n'est pas illimitée. Ainsi l'article 231 de l'arrêté royal du 4 novembre 1963 (modifié par les arrêtés royaux du 16 décembre 1969 et du 30 novembre 1972) prévoit-il, en ce qui concerne l'imputation des indemnités d'invalidité, que le montant de base de ces indemnités, majoré de 25 ou de 50 % selon le cas, est diminué du montant de l'allocation ordinaire ou complémentaire. Le montant global des prestations
liquidées au handicapé au titre de l'assurance et de l'allocation cumulées est donc supérieur au montant de l'indemnité qui lui serait allouée au seul titre de l'assurance obligatoire, ce qui confirme une fois de plus que les prestations prévues par la loi belge ne présentent pas le caractère subsidiaire de l'assistance sociale.

Une remarque encore à propos des observations verbales du représentant du gouvernement belge. Celui-ci a déclaré craindre que l'application du règlement CEE à la loi belge relative aux allocations pour handicapés ne modifie, ne «bouleverse», a-t-il dit, la philosophie de la législation belge. Il a sans doute voulu faire allusion de la sorte au passage de l'arrêt Frilli dont il peut se déduire que la protection que les règlements communautaires permettent d'accorder aux travailleurs migrants ne doit
pas entraîner un bouleversement du système de la législation nationale en cause.

A l'instar de la représentante de la Commission, nous ne voyons pas, Messieurs, comment cette conséquence pourrait résulter du fait qu'un groupe de travailleurs étrangers se voient accorder en pratique, comme leurs collègues belges, le bénéfice d'une majoration des prestations qui leur sont allouées au titre de l'assurance invalidité obligatoire. En ce qui concerne la possibilité évoquée par le représentant du gouvernement belge, que l'État belge pourrait se voir empêché d'étendre à l'avenir le
bénéfice de la législation sociale à d'autres groupes de personnes socialement défavorisées, nous nous limiterons à dire qu'il vous incombe en l'espèce d'appliquer le droit, sans tenir compte de considérations financières de cet ordre. Au reste, nous avons pleine confiance dans les institutions législatives belges; elles n'en poursuivront pas moins leurs efforts pour aménager la législation sociale belge dans le sens les traités de Rome et de l'établissement progressif d'une politique sociale
communautaire.

En ce qui concerne la question soulevée par le gouvernement italien, de savoir si les prestations prévues par la loi belge constituent des avantages sociaux au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement no 1612/68 (JO 1968, no L 257), il nous est avis que les prestations de sécurité sociale sont régies plutôt par le règlement no 1408/71, de sorte qu'il n'est pas nécessaire, comme dans l'affaire Frilli d'ailleurs, d'examiner le règlement no 1612/68. Nous inclinons toutefois à croire que, même si
on estimait que les prestations prévues par la loi belge ne relèvent pas du règlement no 1408/71, il faudrait en tout cas les considérer comme des aventages sociaux au sens du règlement relatif à la libre circulation des travailleurs.

II — Sur la seconde question

Celle-ci concerne la relation existant entre le règlement no 1408/71 et l'accord intérimaire européen concernant les régimes de sécurité sociale relatifs à la vieillesse, à l'invalidité et aux survivants, signé à Paris le 11 décembre 1953.

Permettez-moi d'anticiper sur la réponse; celle-ci ne fait en effet aucun doute et toutes les observations qui vous ont été présentées, de même que le tribunal de renvoi, sont unanimes sur la teneur qu'il convient de lui donner.

L'application de l'accord intérimaire, auquel se réfère l'article 7, paragraphe 1, du règlement no 1408/71, ne peut avoir pour effet de défavoriser un travailleur ressortissant d'un État membre.

Cela résulte dès l'abord d'une étude comparative des objectifs du règlement d'une part, de l'accord intérimaire d'autre part. Alors que le règlement vise à coordonner par son application les régimes nationaux de sécurité sociale, l'accord se limite essentiellement à garantir l'admission des ressortissants des parties contractantes, dans chaque État signataire, au bénéfice de certains types de prestations dans les mêmes conditions que les nationaux (article 2) et à leur accorder, grâce en quelque
sorte à une clause de traitement le plus favorable, le bénéfice de la convention de sécurité sociale la plus favorable conclue entre n'importe quels États parties à l'accord (article 3). L'article 5 révèle d'ailleurs également que l'accord ne vise qu'à éviter les discriminations. Celui-ci ne fait donc pas obstacle à ce que des dispositions nationales ou des conventions plus favorables soient appliquées à l'ayant droit.

Pour motiver l'application du règlement no 1408/71, on pourrait alléguer, comme l'ont fait le gouvernement italien et la juridiction nationale, le fait que l'article 5 de l'accord intérimaire renvoie aux dispositions et conventions plus favorables. Cet argument ne saurait être retenu à notre avis, parce que les règlements communautaires ne constituent ni des dispositions nationales, ni des conventions internationales. De plus, admettre que le règlement ne s'applique, dans les domaines régis
également par l'accord intérimaire, que pour autant qu'il existe une disposition de renvoi de cette nature, reviendrait à imputer aux auteurs du règlement une technique législative pour le moins particulière.

Le point de vue soutenu par la Commission que l'article 7, paragraphe 1, du règlement no 1408/71 sert à établir que celui-ci est applicable aux ressortissants de pays tiers en raison de la clause d'égalité de traitement prévue par l'accord intérimaire ne nous paraît pas non plus entièrement convaincant. Comment un règlement communautaire pourrait-il régir les droits de personnes qui ne sont absolument pas soumises au pouvoir réglementaire de la Communauté? Il est vrai que ce point de vue peut
s'expliquer par la genèse du règlement no 3, prédécesseur du règlement no 1408/71, qui reproduit à cet égard les dispositions du précité, puisque ce règlement no 3 avait été conçu avant l'entrée en vigueur des traités de Rome comme convention de droit international conclue entre les États membres de la CECA.

A notre avis, la relation existant entre le règlement no 1408/71 et l'accord intérimaire ne doit pas être établie définitivement dans le cadre du présent litige.

Une comparaison entre les termes employés respectivement à l'article 7, paragraphe 1:

«Le présent règlement ne porte pas atteinte aux obligations découlant» des conventions et accords suivants

et à l'article 7, paragraphe 2:

«Nonobstant les dispositions de l'article 6, restent applicables»

montre que les accords ou conventions cités au paragraphe 1 ne sauraient en tout cas se substituer au règlement. Il n'est pas nécessaire de trancher la question de savoir si le terme «obligations» figurant au paragraphe 1 vise les obligations envers les États tiers, parties contractantes à la convention ou à l'accord, ou les obligations vis-à-vis des ressortissants des États membres de la Communauté. En effet, même si ce mot vise la position juridique des ressortissants des États membres, les termes
«le présent règlement ne porte pas atteinte aux obligations» montrent à suffisance que le renvoi aux conventions ou accords internationaux ne saurait avoir d'effet dans la mesure où le règlement impose aux États membres des obligations et, partant, confère aux travailleurs et assimilés des droits plus larges que lesdits accords ou conventions.

Cette interprétation est d'ailleurs conforme à l'objectif fondamental de l'article 51 du traité CEE, sur lequel la Cour de justice a mis l'accent, à de nombreuses reprises, à savoir créer les conditions les plus favorables pour assurer la libre circulation des travailleurs de la Communauté.

III — Pour conclure, nous vous proposons de répondre de la façon suivante aux questions posées:

1. Les dispositions légales ou réglementaires générales d'un État membre, qui prévoient l'octroi d'allocations en espèces aux handicapés qui résident habituellement sur le territoire de cet État, doivent être considérées, en ce qui concerne les travailleurs au sens du règlement no 1408/71 qui bénéficient dans cet État membre, du fait de leur infirmité, de prestations au titre d'une assurance invalidité obligatoire, comme des prestations d'invalidité au sens de l'article 4, paragraphe 1, b), du
règlement no 1408/71.

2. Lorsque le règlement no 1408/71 prévoit pour les ayants droit ressortissants d'un État membre un régime plus favorable, il n'y a pas lieu d'appliquer l'accord intérimaire européen concernant les régimes de sécurité sociale relatifs à la vieillesse, à l'invalidité et aux survivants, signé à Paris le 11 décembre 1953.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 187-73
Date de la décision : 30/04/1974
Type de recours : Recours préjudiciel

Analyses

Demande de décision préjudicielle: Tribunal du travail de Tournai - Belgique.

Sécurité sociale des travailleurs migrants


Parties
Demandeurs : Odette Callemeyn
Défendeurs : État belge.

Composition du Tribunal
Avocat général : Reischl
Rapporteur ?: Monaco

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1974:44

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