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05/04/1973 | CJUE | N°49-72

CJUE | CJUE, Conclusions jointes de l'Avocat général Trabucchi présentées le 5 avril 1973., Robert de Greef contre Commission des Communautés européennes., 05/04/1973, 49-72


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. ALBERTO TRABUCCHI,

PRÉSENTÉES LE 5 AVRIL 1973 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les deux affaires qui sont soumises à notre examen et à votre jugement (affaires 46-73 et 49-73) concernent un comportement illicite d'une extrême gravité. Heureusement, dans son contrôle de la mesure disciplinaire infligée par la Commission, la Cour n'a pas à scruter les détails d'une affaire qui encore «male olet» ; en vérité, les parties intéressées elles-mêmes ne contestent pas les faits. Il pourra Ã

©galement paraître étrange que, dans une affaire disciplinaire où ceux-ci revêtent une importa...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. ALBERTO TRABUCCHI,

PRÉSENTÉES LE 5 AVRIL 1973 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les deux affaires qui sont soumises à notre examen et à votre jugement (affaires 46-73 et 49-73) concernent un comportement illicite d'une extrême gravité. Heureusement, dans son contrôle de la mesure disciplinaire infligée par la Commission, la Cour n'a pas à scruter les détails d'une affaire qui encore «male olet» ; en vérité, les parties intéressées elles-mêmes ne contestent pas les faits. Il pourra également paraître étrange que, dans une affaire disciplinaire où ceux-ci revêtent une importance
prééminente, nous nous trouvions en face de deux recours dans lesquels l'exactitude matérielle des faits qui sont à la base des décisions attaquées n'est pas du tout mise en question.

Les faits sont connus et il n'est pas nécessaire de les rappeler, si ce n'est qu'à très grands traits. M. de Greef, fonctionnaire de grade D 2 qui avait été engagé comme huissier par la Commission CEE, le 25 septembre 1959, et qui avait continué à servir en cette qualité, hormis la période comprise entre une décision de licenciement du 28 juin 1963 et l'arrêt de la Cour du 1er juillet 1964, lequel avait annulé cette décision, avait, en 1971, proposé à une personne étrangère aux services de la
Commission de l'aider à la faire engager par celle-ci. A cet égard, il s'était adressé à M. Drescig, fonctionnaire de grade C 3, affecté au service télex depuis le 16 mai 1967, en lui demandant de l'aider dans son intention. Après s'être mis d'accord avec M. Drescig, M. de Greef avait donc transmis à la personne intéressée la demande de M. Drescig de lui verser 12000 francs belges pour lui faire obtenir un emploi dans les services de la Commission. M. de Greef avait ensuite combiné une rencontre
entre l'intéressée et M. Drescig et, à cette occasion, il avait versé à M. Drescig 12000 francs belges à titre de prêt, étant donné qu'à ce moment, la personne en question ne disposait pas de cette somme dont, en revanche, M. De Greef s'était muni.

Après différentes manœuvres (telles que l'envoi d'une convocation à un concours inexistant, écrite sur du papier portant l'en-tête de la Commission, avec une signature fantaisiste, puis la fixation d'un rendez-vous imaginaire avec le directeur d'un service de la Commission), M. Drescig avait réussi, par des voies détournées, à faire entrer l'intéressée dans les services de la Commission; en outre, sur l'indication de cette même personne, il était entré en contact avec une autre personne désireuse
d'obtenir un emploi à la Commission et il avait reçu d'elle la même somme de 12000 francs belges pour ses «prestations» promises.

A la suite de ces actes, la Commission a décidé, par une mesure du 14 avril 1972, de révoquer M. de Greef et M. Drescig. Ce dernier se vit, en outre, retirer ses droits à la retraite.

M. Drescig, requérant dans l'affaire no 49-72, invoque exclusivement des motifs de caractère formel: il ne conteste pas les faits qui lui sont reprochés et il ne critique même pas la décision attaquée quant au fond.

Nous pouvons en déduire que le seul but son recours est de continuer à percevoir gratuitement son traitement jusqu'à ce que la Commission adopte à son égard une nouvelle décision, qui, compte tenu des faits commis et de la gravité de sa faute, ne pourrait vraisemblablement pas être plus douce que celle que nous examinons en ce moment.

Disons tout de suite que, dans une situation de ce genre, c'est-à-dire lorsque pratiquement la gravité des faits et la responsabilité de l'agent ne sont pas discutées, la décision attaquée ne devrait être annulée que si elle est entachée de vices de procédure ou de forme particulièrement graves. Quoi qu'il en soit, puisque le droit ne doit pas être seulement un moyen de corriger les formes sans atteindre la substance d'une justice rétributive, on devrait au moins offrir à la Commission la
possibilité d'éliminer les vices éventuels qui n'ont exercé aucune influence sur le fond de la décision, sans faire revivre, en même temps, le droit du requérant à percevoir la rémunération correspondant au poste qu'il occupait au moment du licenciement et dont il a été justement renvoyé.

La Cour a décidé de joindre à l'affaire no 49-72, dont nous avons parlé, l'affaire no 46-72, non seulement parce que l'une et l'autre mettent en cause les mêmes conditions formelles de décisions adoptées à propos d'actes illicites accomplis, au moins en partie, d'un commun accord par les deux fonctionnaires intéressés, mais aussi parce que le requérant dans l'affaire no 46-72 invoque de votre justice une peine moins grave, en estimant que la sanction différente — moins sévère — n'est pas
proportionnée à la gravité moindre des faits qui lui sont imputés.

Étant donné l'identité substantielle des moyens d'annulation de caractère formel, invoqués par les deux requérants, nous les examinerons conjointement; notre examen éclairera d'autant mieux la fonction du juge qui descend dans un domaine entièrement imprégné d'activité illicite pour voir si les droits de la défense du requérant n'ont pas été violés de quelque manière et pour s'assurer que la forme, sauvegarde de la justice, a été respectée dans ses exigences essentielles.

Il nous faut tout d'abord faire quelques brèves observations sur la recevabilité.

A cet égard, une seule question a été soulevée à propos de la partie des conclusions du recours no 46-72, qui concerne l'annulation de la décision du directeur du personnel, du 11 janvier 1972, qui a suspendu M. de Greef de ses fonctions et qui l'a en partie privé de son traitement. Sur ce point, il suffira de relever, qu'ainsi qu'il résulte de l'article 88, alinéa 4, du statut, la retenue provisoire sur la partie du traitement est étroitement liée à l'existence d'une sanction valide prise à la
suite d'une procédure disciplinaire. Nous nous bornerons donc à observer que la partie requérante a présenté inutilement une demande expresse (puisque cette demande ne sert pas à appuyer une procédure d'urgence visant à la suspension provisoire de l'exécution de l'acte attaqué) et que la Commission a insisté tout aussi inutilement pour que cette demande soit déclarée irrecevable en se fondant sur la supposition erronée qu'une décision relative aux retenues effectuées sur le traitement pourrait
demeurer valide même si la mesure disciplinaire infligée devait être définitivement annulée.

Sur le fond de l'affaire, les requérants soutiennent tout d'abord que la décision attaquée violerait l'article 87, alinéa 2, du statut et l'article 5 de la décision de la Commission du 26 février 1971, relative à l'exercice des pouvoirs dévolus par le statut des fonctionnaires à l'autorité investie du pouvoir de nomination.

L'article 87, en disposant que les sanctions, autres que l'avertissement et le blâme, sont infligées par l'autorité investie du pouvoir de nomination après accomplissement de la procédure disciplinaire prévue à l'annexe IX, indique que cette procédure est engagée à l'initiative de cette autorité, «l'intéressé ayant été préalablement entendu».

Pour permettre à chaque institution de faire face à la nécessité de décentraliser une partie des tâches attribuées à l'autorité investie du pouvoir de nomination, le statut prévoit, en son article 2, que chaque institution détermine les autorités qui exercent ces pouvoirs en son sein.

Cette exigence se pose avec une acuité particulière, dans une institution comme la Commission, qui possède un personnel nombreux. C'est pourquoi, celle-ci, par décision du 26 février 1971, a effectué la répartition des pouvoirs qui lui sont attribués par le statut, en les énumérant d'une façon détaillée et exhaustive et en indiquant chaque fois l'institution compétente pour les exercer. Le principe qui a inspiré la Commission, lorsqu'elle a effectué cette répartition, a évidemment consisté à
conserver pour elle les pouvoirs qu'elle estime particulièrement importants et délicats, et à répartir les autres entre les membres de la Commission compétents pour les questions administratives, ou le directeur général du personnel et de l'administration, ou le directeur général adjoint pour les fonctionnaires résidant à Luxembourg, ou le directeur du personnel ou encore les chefs de division de cette direction générale, selon l'importance des fonctions réparties.

L'article 5 de cette décision, en se référant à l'article 87, alinéa 2, du statut et spécialement à l'audition préalable et à l'introduction de la procédure disciplinaire, attribue l'exercice de ces compétences au directeur du personnel, en ce qui concerne les fonctionnaires des catégories C et D qui ne résident pas à Luxembourg.

En l'espèce, à l'égard des requérants, fonctionnaires entrant dans ces deux catégories, c'est le chef de la division des droits individuels qui, sur demande du directeur du personnel du 22 décembre 1971, a procédé à l'audition préalable prévue par l'article 87, alinéa 2, du statut. Les requérants soutiennent que le directeur du personnel n'avait pas le pouvoir de déléguer à un autre fonctionnaire de grade inférieur la compétence qui lui est attribuée directement par la Commission; que, d'autre part,
cette dernière serait elle-même tenue, jusqu'à décision contraire, de respecter les règles qu'elle a adoptées à cet égard et que, pour cette raison, la procédure serait viciée à la base, ce qui rendrait illégale la décision à laquelle elle a abouti.

Sur ce point, la défense de la défenderesse ne paraît pas acceptable. Elle soutient en substance que, du moment que l'article 87, alinéa 2, ne réserve pas exclusivement à l'autorité investie du pouvoir de nomination, l'exercice du pouvoir d'entendre les intéressés, l'article 5 de la décision citée de la Commission, en désignant le directeur du personnel comme autorité compétente pour procéder à cette audition, ne voudrait pas dire qu'il doit y procéder en personne.

Toutefois, il nous paraît difficile d'admettre comme règle générale que, dans les cas où le statut ne désigne pas expressément l'autorité compétente pour exercer une fonction spécifique — et pour cette seule raison —, cette compétence pourrait être régulièrement exercée par d'autres fonctionnaires que le fonctionnaire compétent aurait chargés de cette tâche, même quand l'autorité investie du pouvoir de nomination a désigné expressément le fonctionnaire compétent.

En désignant un fonctionnaire, non pas nominativement, mais sur la base du poste qu'il occupe, comme autorité compétente pour exercer une fonction déterminée, la Commission a exercé le pouvoir discrétionnaire que l'article 2 du statut lui confère d'une façon générale et elle l'a fait par un acte de portée normative qui constitue également une autolimitation. Cela ne signifie pas du tout qu'elle a également transféré aux fonctionnaires qu'elle a désignés, le pouvoir de subdéléguer l'exercice de la
fonction qui lui est confiée.

Sur un plan général, la thèse de la Commission nous paraît inacceptable parce qu'elle n'est pas conforme à l'objectif que la décision considérée s'est fixé en effectuant la répartition des compétences. Admettre comme règle générale que les fonctionnaires ont le pouvoir de subdéléguer leurs compétences dans les cas où le statut ne les attribue pas expressément à l'autorité investie du pouvoir de nomination, d'une part, serait contraire à un principe général admis, selon lequel «delegatus delegare non
potest», et, d'autre part, conduirait à des conséquences inacceptables. Où devrait s'arrêter son application? La Commission ne nous indique aucun critère. Même en ce qui concerne la répartition interne des compétences des institutions, nous n'estimons pas possible d'admettre des critères qui ne satisferaient pas à l'exigence de certitude du droit.

Rappelons qu'une thèse analogue à celle que nous critiquons ici a été soutenue par la défenderesse dans l'affaire no 48-70 (Bernardi contre Parlement européen) à propos du pouvoir de nomination ad intérim, pour lequel, l'article 7, paragraphe 2, du statut ne désigne pas expressément l'autorité compétente. La Cour n'a pas admis cette thèse; en revanche, elle a attribué une valeur décisive et exclusive à la désignation de l'autorité compétente à cet égard, effectuée par une décision générale du bureau
du Parlement, sur la base de l'article 2 du statut.

Cela ne signifie cependant pas qu'en l'espèce, le motif d'illégalité invoqué par les requérants soit fondé.

Bien que nous estimions que les règles relatives à la compétence, même interne, des institutions communautaires, surtout en matière disciplinaire, doivent être considérées comme étant d'interprétation stricte, des considérations d'ordre logique et pratique imposent de distinguer nettement entre les manifestations de volonté de l'organisme, qui constituent l'expression de pouvoirs délibérants impliquant des jugements de valeur et donc l'existence d'une certaine marge de pouvoir discrétionnaire, et
les activités matérielles préparatoires exercées dans le cadre de la procédure administrative. Les premières ne peuvent pas être déléguées par les divers fonctionnaires auxquels leur exercice a été confié, parce qu'elles ont pour effet d'engager l'institution; en revanche, les activités de simple exécution ne doivent pas nécessairement être remplies par le titulaire de l'institution auquel elles sont confiées, même si elles doivent toujours être exercées sous sa responsabilité.

Cette distinction conduit à admettre qu'un fonctionnaire désigné par l'autorité investie du pouvoir de nomination pour adopter une décision peut confier à l'un de ses subordonnés suffisamment qualifié, l'accomplissement d'une simple activité matérielle, ayant un caractère préparatoire par rapport à la décision elle-même. Cette possibilité répond aux exigences qui se posent dans la réalité de la vie de toute administration sans conduire, d'autre part, à une confusion dangereuse sur la répartition des
compétences de décision.

En l'espèce, le directeur du personnel, qui était compétent pour adopter la décision d'engager une procédure disciplinaire à l'égard des requérants, a délégué l'accomplissement d'une phase préparatoire à ladite décision, c'est-à-dire l'audition préalable des intéressés, au chef de la «division des droits individuels», qui, étant donné ses fonctions, doit être considéré comme parfaitement apte à accomplir la tâche qui lui était confiée. Les tâches du chef de division se sont limitées à informer les
intéressés des résultats auxquels étaient parvenues les institutions, qui avaient rédigé les rapports établis à leur égard, et à rédiger le procès-verbal de leurs déclarations, lequel a été ensuite soumis à l'autorité compétente pour décider de l'ouverture de la procédure disciplinaire. Nous observerons, en outre, que cette délégation d'une fonction non décisoire (et qui, en l'espèce, s'est traduite par des actes purement recognitifs) à un fonctionnaire autre que celui indiqué dans la décision de la
Commission du 26 février 1971, ne pourra pas porter préjudice aux fonctionnaires intéressés, qui, en particulier au cours de la procédure disciplinaire, ont les plus larges possibilités de faire valoir leur point de vue, même à l'égard du procès-verbal de leur audition préalable puis de corriger et compléter leurs déclarations.

Le grief concernant la violation des droits de la défense se rattache lui aussi aux faits que nous venons d'élucider et il doit donc être rejeté. En effet, il ressort du rapport relatif à l'audition des requérants effectuée par M. De Groote, que celui-ci a surtout exposé aux deux intéressés, reçus séparément, le contenu et les conclusions auxquelles étaient parvenues les institutions administratives qui avaient enquêté sur leur compte. Chacun des deux intéressés a donc eu la possibilité de présenter
ses observations quant au fond, ce qu'il a fait. Tout cela a été ponctuellement exposé dans le rapport présenté par M. De Groote au directeur du personnel, et c'est sur la base du procès-verbal, non contesté, comme tel, que le directeur a décidé d'engager la procédure disciplinaire à l'égard des deux requérants.

Cette manière de procéder paraît parfaitement conforme à des critères de bonne administration et n'est pas de nature à nuire à la possibilité de défense et de débat contradictoire, qui devait être garantie au cours de la procédure disciplinaire ouverte ultérieurement.

En outre, le requérant dans l'affaire no 46-72 invoque séparément le grief d'appréciation erronée des faits en se référant aux termes «d'extorsion» et «d'escroquerie» qui avaient été employés dans la première phase de la procédure disciplinaire engagée contre lui.

Le fait que, dans un premier stade de cette procédure, il ait été fait usage, dans les documents qui le concernent, de termes de qualification du comportement des intéressés (repris dans le rapport du «bureau de sécurité» et introduits dans ledit procès-verbal) qui ne sont pas parfaitement propres à qualifier juridiquement leur manière d'agir, n'entraîne pour eux aucun préjudice, du moment que le texte de la décision, qui a clos la procédure engagée contre eux n'est pas lié à ces termes qui ne
figuraient même pas dans l'avis du conseil de discipline.

D'autre part, la gravité de l'acte illicite commis ne découle certainement pas de la qualification terminologique employée dans la description des faits: ce sont ces derniers qui comptent, dans leur existence et leurs effets. Il est donc évident qu'une appréciation éventuellement inexacte des faits imputés, au début de la procédure disciplinaire, ne pourrait aucunement entacher la validité de la décision finale, du moment que celle-ci se fonde sur des éléments de fait exacts et sur des appréciations
correctes. D'autre part, une des fonctions de la procédure disciplinaire est de vérifier la matérialité et d'évaluer correctement les faits en raison desquels l'autorité compétente décide d'engager cette procédure.

Nous devons donc conclure au rejet des griefs allégués par les requérants, en ce qui concerne tant l'article 5 de la décision et l'article 87, alinéa 2, du statut du personnel, que les droits de la défense des fonctionnaires, touchant l'application, à leur égard, de l'article 87.

Les requérants invoquent encore une violation des articles 8 et 9 de l'annexe IX au statut, motif pris que l'avis du conseil de discipline est signé par son président, ce qui conduirait à penser que celui-ci aurait participé aux décisions du conseil lui-même, contrairement au principe établi par l'article 8, alinéa 1. Cette disposition, si on la Ut conjointement avec l'article 9, ferait apparaître que le statut a voulu distinguer nettement entre le président et les membres du conseil de discipline.
En particulier, il résulterait de ces textes que l'avis du conseil de discipline ne doit pas être signé par le président

Il ne ressort pas du procès-verbal de la délibération du conseil de discipline, du 7 mars 1972, que le président ait pris part à la décision. Les membres du conseil ont adopté à l'unanimité leurs décisions concernant les sanctions à appliquer aux requérants et il était de toute manière hors de question qu'une intervention du président soit nécessaire à la formation de la volonté de l'organe disciplinaire.

La signature du président au bas de l'avis du conseil témoigne seulement de sa participation à la procédure et ne constitue nullement une preuve de l'irrégularité invoquée par les requérants ; d'autre part, même si cette irrégularité s'était produite, cela ne suffirait pas pour invalider la décision adoptée ultérieurement par l'autorité investie du pouvoir de nomination.

Le requérant dans l'affaire no 46-72 reproche à la décision attaquée de lui avoir infligé une sanction disproportionnée par rapport à la gravité de ses fautes. Tout en ne contestant pas les faits qui lui sont reprochés, il en donne une interprétation qui tend à diminuer la gravité de sa faute. Il cherche à dissocier son comportement de celui de M. Drescig, tant en ce qui concerne le but poursuivi que les effets, en soutenant qu'il avait agi exclusivement dans l'intérêt de Mlle Oger et qu'il n'avait
personnellement tiré aucun avantage pécuniaire de son acte.

Sur cette base, il estime que la sanction qui lui est infligée serait excessive par rapport à la gravité relative de sa faute, compte tenu de la sanction infligée à M. Drescig pour une faute beaucoup plus grave.

Il n'apparaît pas que M. de Greef ait voulu, par cette critique, faire valoir le moyen de détournement de pouvoir. Faute d'une qualification juridique par l'intéressé, la Cour peut néanmoins définir elle-même celui des moyens de recours prévus par le traité sous lequel le vice invoqué par le requérant doit être classé, à la lumière des arguments que celui-ci a développés. Nous estimons plutôt qu'ici, le requérant a simplement voulu demander à la Cour de procéder «ex aequo et bono» à une réduction de
la sanction qui lui est infligée.

Quoi qu'il en soit, en l'absence d'un élément quelconque, susceptible de faire apparaître l'existence d'un détournement de pouvoir au détriment du requérant, et en dehors des cas dans lesquels il existe une disproportion grave et manifeste entre le fait reproché et la sanction infligée, il n'est pas possible de contrôler l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont l'autorité administrative dispose dans l'application de la gravité de la sanction correspondant à la faute du fonctionnaire.

Il est vrai que le requérant reproche à défenderesse d'avoir mal apprécié certains faits en ne tenant pas compte de ce qu'il n'avait tiré aucun bénéfice, comme il n'en avait d'ailleurs pas eu l'intention, de la somme versée par la personne intéressée en vue d'obtenir un poste dans les services de la Commission. Mais cette remarque est tout à fait dénuée de fondement parce que, d'une part, il n'apparaît pas que la décision attaquée contienne des appréciations erronées à cet égard et parce que,
d'autre part, il est exact que le fait que M. de Greef ait participé activement et sur sa propre initiative, même sans en tirer un profit pécuniaire, à une série d'actes ayant une fin nettement illicite et de nature à nuire à la réputation de l'institution dont il dépendait, constitue une faute grave, susceptible de justifier amplement la sanction infligée.

Nous disions au début que la Cour n'a pas eu à constater les faits inconvenants de cette affaire. Nous n'entendons donc pas nous immiscer dans les divers intérêts que les parties ont poursuivis, en réalisant leur plan commun contraire aux exigences de dignité et d'honnêtété auxquelles doivent satisfaire les fonctionnaires des institutions européennes. La coparticipation nécessaire pour atteindre un résultat délibérément voulu par l'une et l'autre partie ne paraît pas douteuse. Dans ces
circonstances, la Cour ne doit pas contrôler le caractère adéquat des mesures adoptées et si la Commission a estimé devoir appliquer des sanctions moins graves à M. de Greef, elle n'aura aucune remarque à faire sur ce point; mais elle ne pourra pas davantage imposer ultérieurement une différenciation entre les coresponsables de ce trafic illicite.

Nous concluons donc au rejet des deux recours.

Les dépens seront réglés conformément aux dispositions du règlement de procédure applicables en cas de recours de fonctionnaires rejetés par la Cour.

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( 1 ) Traduit de l'italien.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 49-72
Date de la décision : 05/04/1973
Type de recours : Recours de fonctionnaires - non fondé

Analyses

Affaire 46-72.

Giuseppe Drescig contre Commission des Communautés européennes.

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Robert de Greef
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Trabucchi
Rapporteur ?: Pescatore

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1973:41

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