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11/03/1970 | CJUE | N°18-69

CJUE | CJUE, Conclusions jointes de l'Avocat général Roemer présentées le 11 mars 1970., Bernard Fournier contre Commission des Communautés européennes., 11/03/1970, 18-69


CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. KARL ROEMER,

PRÉSENTÉES LE 11 MARS 1970 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les deux affaires (affaire 18-69 et affaire 39-69) au sujet desquelles nous allons nous prononcer ont fait l'objet d'une procédure orale commune le 4 février 1970. Comme c'est un seul et même requérant qui les a intentées, nous pouvons les examiner dans des conclusions communes. Le travail en sera pour le moins facilité, parce que les faits pourront être exposés en une seule fois. Il importe à cet égard de connaît

re les circonstances suivantes.

Le requérant, de nationalité française, a fréquenté a...

CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL M. KARL ROEMER,

PRÉSENTÉES LE 11 MARS 1970 ( 1 )

Monsieur le Président,

Messieurs les Juges,

Les deux affaires (affaire 18-69 et affaire 39-69) au sujet desquelles nous allons nous prononcer ont fait l'objet d'une procédure orale commune le 4 février 1970. Comme c'est un seul et même requérant qui les a intentées, nous pouvons les examiner dans des conclusions communes. Le travail en sera pour le moins facilité, parce que les faits pourront être exposés en une seule fois. Il importe à cet égard de connaître les circonstances suivantes.

Le requérant, de nationalité française, a fréquenté avec succès l'École des sciences politiques; après avoir travaillé dans les services des Nations unies, dans l'administration française et dans les entreprises privées, il est entré le 1er septembre 1964 au service de la Commission de la Communauté économique européenne. Il a été engagé sur la base d'un contrat daté du 12 août 1964 qui a tout d'abord été conclu pour la durée de six mois. La situation juridique du requérant était celle d'un
auxiliaire, conformément au titre III du régime applicable aux autres agents des Communautés; sa rémunération était celle correspondant à la catégorie A 1-2 de l'article 63 de ce régime. Par la suite, son contrat a été prorogé à plusieurs reprises, en dernier lieu le 10 juillet 1968, avec effet jusqu'au 31 décembre 1968, et cela, en dépit de plusieurs déclarations en sens contraire. Au sujet de l'activité du requérant, nous savons, entre autres, qu'il a travaillé à la direction générale des
relations extérieures et à la direction générale des affaires industrielles. En vue d'améliorer sa situation, le requérant a, pendant plusieurs années, posé sa candidature à un grand nombre de postes vacants (notamment de grade A 5, A 4, A 3). Une fois, il s'agissait de pourvoir un poste A 4 à la direction générale VIII, il a même été inscrit par le jury sur la liste d'aptitude. Toutefois, il n'a jamais été titularisé.

Comme le requérant n'était pas satisfait de cette situation, ce qui se comprend, il s'est plaint à plusieurs reprises (par exemple dans une lettre au secrétaire général de la Commission du 17 septembre 1968 et dans une note au chef de la division «Recrutement et carrières» du 27 novembre 1968). Pour la même raison, le 19 décembre 1968, il a adressé une réclamation formelle aux membres de la Commission, conformément à l'article 90 du statut des fonctionnaires. Il demandait à être titularisé et classé
dans le grade A 4. Cette réclamation étant restée sans réponse, il a saisi la Cour, le 21 avril 1969, conformément à l'article 91. C'est ainsi qu'a été déclenché le recours 18-69. Dans cette affaire, nous avons à examiner deux sortes de conclusions: celles visant à l'annulation de la décision de rejet, considérée comme implicite à l'expiration d'un délai de deux mois après réception de la réclamation du requérant, et celles tendant à faire dire et juger qu'il doit être titularisé dans le grade A 4.

Au sujet de ce recours, il faut encore savoir que la Commission a tout d'abord demandé purement et simplement qu'il soit rejeté comme irrecevable, conformément à l'article 91 du règlement de procédure. Toutefois, la Cour ne l'a pas suivie; mais, le 17 septembre 1969, elle a décidé de joindre au fond l'exception d'irrecevabilité.

Au demeurant, déjà avant que ne soit intentée la procédure judiciaire, la situation du requérant s'était modifiée, ce qui importe pour la deuxième affaire dont la Cour a été saisie. En effet, le 23 décembre 1968, la Commission a décidé d'engager le requérant en qualité d'agent temporaire, conformément au titre II du régime applicable aux autres agents des Communautés, à compter du 1er janvier 1969 et pour une durée de trois mois. A cette occasion, il est vrai, il a seulement été classé au grade B 1.
Ce contrat a été, lui aussi, prorogé à plusieurs reprises, en dernier lieu, comme nous l'avons appris au cours de la procédure orale, jusqu'au 30 juin 1970. Le requérant exerce maintenant ses fonctions à la direction générale économie et finances.

Comme nous l'avons déjà dit, le changement de situation a donné lieu à l'introduction d'une deuxième procédure judiciaire. Il faut savoir à cet égard qu'aussi longtemps qu'il a été agent auxiliaire, le requérant n'a pas totalement épuisé le congé annuel auquel il avait droit. D'après ses calculs, il s'agit au total de 47 jours. Comme il estimait qu'il n'était pas question de reporter le congé, mais qu'au contraire les jours de congé non pris devaient donner lieu à une indemnisation, conformément à
l'article 58 du régime applicable, le 27 janvier 1969 il a adressé une demande en ce sens au chef de la division «droits individuels». Sa demande a tout d'abord été accueillie, en ce sens que le chef de la division en question a préconisé l'application de l'article 58. La division «traitement et indemnités» s'est ralliée, elle aussi, à l'opinion du requérant et a émis un ordre de paiement en ce sens. Les objections sont venues, au contraire, du contrôleur financier qui, d'après les dispositions du
règlement budgétaire, doit donner son visa pour les ordres de paiement. La conséquence a été que, le 13 mai 1969, la direction générale du personnel et de l'administration a adressé au requérant une note dans laquelle elle décidait qu'elle ne pouvait accorder une indemnisation, conformément à l'article 58 du régime applicable aux autres agents. Elle motivait sa décision sur le fait que le requérant avait la possibilité de reporter sur l'année 1969 le congé non pris, étant donné qu'il était resté
sans interruption au service de la Commission. La note contenait, cependant, une restriction: suivant les dispositions parues dans le courrier du personnel du 7 novembre 1968, il ne pouvait s'agir que de 29 jours de congé; les autres jours de congé acquis pour l'année 1967 devaient être considérés comme perdus.

C'est cet acte que vise le deuxième recours dont la Cour a été saisie le 11 août 1969: le requérant demande à la Cour d'annuler l'acte indiqué et de condamner la Commission à lui verser une indemnité pour les congés non pris, à concurrence d'un montant de 77093 FB, avec les intérêts de droit. Pour être complet, nous dirons que l'opinion de la Commission au sujet des recours introduits est qu'ils doivent être rejetés tous les deux: le premier, comme irrecevable, sinon mal fondé; le deuxième, comme
non fondé.

Il s'agit maintenant de discuter juridiquement l'objet du litige. Bien entendu, nous devrons procéder séparément, suivant les différentes conclusions. Examinons donc tout d'abord les conclusions de l'affaire 18-69.

I — Affaire 18-69

1 — Questions de recevabilité

Étant donné que la Commission persiste dans son opinion que le recours doit être rejeté comme irrecevable, il est nécessaire d'examiner a priori ce qu'il en est. Il faut distinguer plusieurs points.

a) Tout d'abord, la Commission se réfère à la disposition de l'article 38, paragraphe 1, du règlement de procédure, selon laquelle la requête doit contenir, entre autres, l'objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. A son avis, le requérant n'a pas satisfait à ces conditions.

Nous ne pouvons toutefois pas nous rallier à cette opinion, comme nous le montrerons en quelques phrases. En effet, la requête expose l'objet du litige: elle parle de régularisation de la situation du requérant et de son droit à être titularisé comme fonctionnaire. En outre, nous pouvons également estimer qu'elle contient un exposé des motifs, sous une forme sommaire (il n'est pas exigé davantage): en effet, le requérant invoque la violation de l'article 52 du régime applicable aux autres agents
et fait valoir son prétendu déclassement du fait de sa nomination dans la catégorie B. Ainsi indique-t-il pour le moins les considérations à l'aide desquelles il entend obtenir gain de cause. C'est la raison pour laquelle nous serions enclin à penser que la requête satisfait aux conditions de forme exigées par l'article 38, paragraphe 1, du règlement de procédure, bien que l'ampleur de son développement constitue incontestablement le minimum encore acceptable en procédure.

b) Par contre, la question de la pertinence des conclusions présentées est plus problématique, pertinence qui, comme la Commission le soutient à juste titre, doit également être examinée dans le cadre de la recevabilité. La Commission estime que les conclusions ne sont pas pertinentes, parce que le requérant ne peut pas exiger purement et simplement sa nomination en tant que fonctionnaire dans un certain grade. Lorsqu'il s'agit de titularisation, il importe au contraire que soit observée la
procédure de nomination prévue par le statut et il doit s'agir de pourvoir un poste vacant. En outre, il faut partir de l'idée que la Cour ne peut adresser à la Commission certaines injonctions, comme celles que le requérant exige au sujet de sa titularisation dans le grade A 4.

Au sujet de cette argumentation, nous voudrions tout d'abord faire remarquer que nous n'approuvons pas la thèse de la Commission qui exclut de façon pour ainsi dire catégorique la possibilité pour la Cour d'adresser des injonctions à la Commission. Nous l'avons déjà réaffirmé à plusieurs reprises, également dans d'autres affaires. Toutefois, nous n'avons pas besoin maintenant de nous attarder là-dessus, car le point de vue de la Commission sur la pertinence de l'argumentation exposée dans la
requête nous paraît au reste convaincant; partant, le recours, pour anticiper sur les conclusions, doit effectivement être rejeté comme irrecevable.

Pour motiver cette constatation, nous devons, il est vrai, remonter plus loin que ne l'a fait la Commission. Suivant une juste conception, la demande doit être exposée de façon pertinente dans la requête elle-même ou tout au moins dans un mémoire qui doit parvenir à la Cour dans le délai imparti pour le dépôt du recours. A notre avis, cela ressort du fait que l'article 38, paragraphe 1, du règlement de procédure, qui exige un exposé pertinent des motifs, ne figure pas à l'article 38,
paragraphe 7, parmi les dispositions dont l'inobservation peut être rattrapée par une invitation du greffier à opérer une régularisation. En outre, l'article 19 du protocole sur le statut de la Cour de justice, c'est-à-dire la disposition qui traite également de l'observation de certaines formalités après l'expiration du délai de recours, ne joue pas, lui non plus, en l'occurrence. Par conséquent, il s'agit d'examiner quelles sont les pièces qui ont été déposées à l'intérieur du délai de recours
et dans quelle mesure elles contribuent à rendre pertinentes les conclusions.

En fait, ces recherches ne présentent en l'espèce aucune difficulté. L'élément de base déterminant est la réclamation formelle que le requérant a adressée à la Commission le 19 décembre 1968 et le fait que cette réclamation est restée sans réponse. Compte tenu du délai de distance applicable au requérant, qui a son domicile en Belgique, nous en déduisons que le délai pour introduire un recours visant l'objet de la réclamation est venu à expiration le 21 avril 1969. Or, comme nous devons le
constater sans plus, à l'expiration de ce délai, le requérant n'avait présenté que son tout premier mémoire rédigé de façon tout à fait succincte; par contre, le mémoire ampliatif n'est parvenu à la Cour que le 6 mai 1969. Dans ces conditions, c'est seulement le contenu du premier mémoire qui peut revêtir de l'importance pour la question de savoir si les motifs de la requête sont pertinents. Quant à la façon dont se présente ce contenu, nous en avons déjà parlé: sur le fond, le requérant se
limite à invoquer la violation de l'article 52 du régime applicable aux autres agents, c'est-à-dire la disposition qui fixe la durée maximum des contrats conclus avec des agents auxiliaires, et il fait valoir qu'en tant que fonctionnaire temporaire il a fait l'objet d'un déclassement, puisque précisément il a seulement été classé dans la catégorie B. Si nous nous demandons, comme l'a fait la Commission, s'il faut voir là une motivation pertinente du droit du requérant à être titularisé dans le
grade A 4, la réponse peut difficilement être positive. En effet, le statut prévoit des procédures particulières pour la nomination en qualité de fonctionnaire (par exemple, l'accomplissement d'un stage) et l'idée de base (article 4) est qu'une telle nomination ne peut avoir lieu qu'afin de pourvoir un poste vacant. C'est une telle argumentation que devrait par conséquent contenir une requête à l'aide de laquelle un agent contractuel s'efforce d'obtenir sa nomination en qualité de fonctionnaire.
Par contre, l'inobservation de la disposition qui fixe une durée maximum pour les rapports contractuels avec des agents auxiliaires est sans importance pour ce qui est du droit à nomination, de même que l'argument selon lequel, en sa qualité d'agent temporaire, le requérant se trouve dans une situation plus défavorable que celle qui était la sienne lorsqu'il exerçait les fonctions d'agent auxiliaire.

Dans ces conditions, si, comme nous l'estimons indispensable, nous tenons seulement compte du contenu de la première requête, nous ne pouvons que constater en fait que les motifs ne sont pas exposés de façon pertinente et qu'en conséquence le recours doit être rejeté comme irrecevable.

c) Un troisième point qui doit être examiné dans le cadre de la recevabilité est la demande du requérant visant à obtenir l'annulation de son classement au grade B 1. La Commission estime cette demande irrecevable, parce que la requête elle-même ne contient aucune demande en ce sens, mais parle seulement de l'annulation de la décision implicite de rejet, par laquelle la demande du requérant visant à être nommé fonctionnaire de grade A 4 a été rejetée.

Sur ce point également, nous devons approuver la Commission. En effet, il est certain que le requérant n'a pas attaqué dans le délai voulu le contrat par lequel il a été engagé en qualité d'agent temporaire et classé dans le grade B 1. En conséquence, son classement en tant qu'agent contractuel ne peut certes pas faire l'objet d'un contrôle dans le cadre de la procédure actuelle. La question du classement du requérant ne pourrait tout au plus faire l'objet d'un contrôle juridictionnel que si sa
demande en vue d'obtenir sa titularisation dans le grade A 4 venait à être examinée. Or, comme nous l'avons montré précédemment, cela reste exclu du fait que les motifs de la requête ne sont pas suffisamment pertinents.

En résume, au sujet du recours 18-69, il faut donc constater que, conformément aux conclusions de la Commission, il doit être rejeté comme irrecevable.

2 — Au fond

Comme nous l'avons fait dans d'autres affaires, nous ne voulons toutefois pas nous contenter des considérations qui précèdent, mais nous aborderons encore, tout au moins à titre subsidiaire, le fond. Là-dessus, nos remarques pourront, à vrai dire, être très brèves si nous nous en tenons à ce qui a déjà été dit lorsque nous avons examiné si la prétention du requérant à être titularisé, prétention qui s'appuie sur la violation de l'article 52 du régime applicable aux autres agents, était pertinente.
En effet, comme dans d'autres affaires qui avaient pour objet des rapports contractuels nés durant la période antérieure au statut et dans lesquelles il a fallu rejeter la thèse de la stabilité des rapports juridiques (affaires 43, 45, 48-59, Recueil, VI-1960, p. 987), force est de constater que même le fait d'avoir travaillé pendant des années en qualité d'auxiliaire, ce qui est en soi contraire au statut, ne donne pas droit à la titularisation. Si même pour les agents temporaires (art. 8 du régime
applicable) il est fait renvoi aux règles de nomination du statut, il est évident qu'en l'absence d'une disposition divergente, il ne peut en être autrement pour les agents auxiliaires. Par conséquent, c'est le formalisme établi dans le but de rendre objective la procédure d'engagement qui empêche notamment le requérant de faire aboutir sa prétention.

La demande pourrait tout au plus avoir quelques chances de succès si l'argumentation que le requérant a fait valoir dans le mémoire ampliatif pouvait être prise en considération. Lors de l'examen de la pertinence, nous avons déjà montré que cette possibilité soulevait des objections considérables, compte tenu de l'inobservation du délai de recours et compte tenu de l'article 42 du règlement de procédure. Toutefois, laissons pour un moment ces objections de côté et examinons dans quelle mesure cette
argumentation complémentaire est valable. Comme vous le savez, le requérant fait valoir qu'il a reçu l'assurance, pour ainsi dire, de sa titularisation. Trois éléments importent à cet égard: une note de la direction générale des affaires industrielles du 3 avril 1968, une note du secrétariat général de la Commission du 18 décembre 1968 et une lettre de la direction générale du personnel et de l'administration du 20 janvier 1969. Or, un examen plus approfondi montre qu'aucun de ces actes ne constitue
une base susceptible de fonder la prétention du requérant, et cela pas même si, contrairement à ce que prévoit le statut, nous admettons l'existence de promesses de nomination dotées d'effets obligatoires, c'est-à-dire dont l'exécution peut être poursuivie en justice. La première de ces notes doit être éliminée en tant que base susceptible d'appuyer la prétention du requérant, du seul fait de son auteur, un chef de division. Au demeurant, il est seulement question dans cette note d'un «test» auquel
le requérant a été soumis, ainsi que d'une titularisation éventuelle; elle ne dit pas que l'issue favorable du test était la condition exclusive pour la nomination. Il en va de même pour la note du 18 décembre 1968. Il est vrai qu'elle parle de procédures de nomination qui étaient en cours pour des agents auxiliaires (entre autres, le requérant); néanmoins, il n'est pas possible d'y voir une promesse absolue de nomination, mais tout au plus l'indice de tentatives faites en vue de nommer des
fonctionnaires en fonction des postes vacants et compte tenu des dispositions du statut. C'est en ce sens que va notamment l'instruction du président de la Commission, mentionnée dans une lettre de la direction générale du personnel et de l'administration du 23 juillet 1968, en vue d'attirer l'attention des agents auxiliaires sur les avis de vacance de postes et les possibilités de candidatures correspondantes. Enfin, il en va de même de la lettre de la direction générale du personnel et de
l'administration du 20 janvier 1969 par laquelle le requérant a obtenu son contrat en qualité d'agent temporaire. En effet, il est difficile de déduire des termes «dans l'attente d'une décision concernant votre nomination comme fonctionnaire» que la nomination en question était absolument certaine. Au demeurant, il faudrait remarquer à ce sujet qu'il s'agissait tout au plus d'une nomination dans le grade B 1 et qu'il n'est donc absolument pas possible de prouver de cette façon l'existence d'un droit
du requérant à être nommé dans le grade A 4, comme il le fait valoir. Par conséquent, même si l'argumentation exposée par le requérant dans son mémoire ampliatif pouvait entrer en considération, ce que nous n'estimons pas possible, elle ne pourrait pas contribuer à faire aboutir la demande. Dans ces conditions, il n'est pas nécessaire de s'étendre davantage sur la question, fortement contestée elle aussi, de savoir quel serait le grade susceptible d'entrer en ligne de compte pour la titularisation
du requérant.

Par contre, il est nécessaire de dire encore un mot des critiques faites par le requérant au sujet du traitement réservé à ses candidatures aux postes vacants ayant fait l'objet d'un avis de concours. Il nous semble opportun de faire ici une remarque, bien que le requérant n'ait pas demandé l'annulation de la nomination d'autres fonctionnaires dans le cadre des avis de concours en question et bien que, de ce point de vue, ses critiques puissent être considérées a priori comme sans aucune valeur pour
la demande qu'il s'agit d'examiner maintenant. Ce qui est déterminant, ce sont les explications qui nous ont été fournies par la Commission. D'après celles-ci, parmi les nombreux avis de concours pour lesquels le requérant a fait acte de candidature, huit seulement ont fait l'objet d'une procédure de concours interne. Les autres postes, par contre, ont été pourvus par voie de promotion ou de mutation, c'est-à-dire sans qu'il ait été nécessaire de prendre en considération la candidature du requérant.
Dans les cas où il y a eu un concours, dans sept cas le jury a estimé que le requérant ne remplissait pas les conditions requises dans l'avis de concours. Dans un seul cas, nous l'avons déjà mentionné, son nom a figuré, avec celui d'un autre candidat, à la deuxième place sur la liste d'aptitude; toutefois, la Commission a affecté à ce poste un candidat ayant mieux réussi et figurant à la première place. Le requérant n'a pas été en mesure d'opposer des arguments substantiels à ces explications. De
même, son assertion qu'il avait prévu le résultat des procédures tendant à pourvoir des postes vacants, dès avant qu'elles ne se terminent, parce que ces procédures visaient chaque fois un certain candidat, ne doit pas, elle non plus, entrer en ligne de compte, et cela, notamment, parce que les prédictions ont porté en majeure partie sur des postes A 3, c'est-à-dire des cas qui n'avaient aucun rapport avec le cas du requérant. Par conséquent, nous ne pouvons que constater que les critiques du
requérant relatives à l'affectation de postes vacants ayant fait l'objet d'un avis de concours ne peuvent pas non plus contribuer à faire aboutir sa demande.

Somme toute, nous pouvons donc résumer comme suit le résultat auquel a abouti notre examen du premier recours: en premier lieu, nous estimons qu'il doit être rejeté comme irrecevable parce que les motifs invoqués à son appui ne sont pas pertinents. Mais, au cas où, compte tenu de l'argumentation exposée dans le mémoire ampliatif, le recours serait déclaré recevable, il devrait néanmoins être rejeté comme non fondé.

II — Affaire 39-69

1 — Questions de recevabilité

Pour ce qui est du deuxième recours, dont nous nous occuperons maintenant, la Commission n'a pas soulevé d'exceptions au sujet de sa recevabilité. Toutefois, cela ne nous autorise pas à passer sans plus à l'examen du fond; il s'agit plutôt de voir si des exceptions de recevabilité peuvent être soulevées d'office. C'est en effet ce qui semble être le cas, eu égard à la demande d'annulation. Il s'agit en l'occurrence, nous le rappelons, d'une décision du directeur général du personnel et de
l'administration et non pas d'une décision de la Commission, pas même, en l'absence d'une demande conformément à l'article 90 du statut des fonctionnaires, d'une décision implicite de ce collège. La question essentielle est donc de savoir si, dans le domaine en question (c'est-à-dire pour l'examen de droits à congé), le directeur général du personnel et de l'administration pouvait assumer les fonctions de l'autorité investie du pouvoir de nomination au sens de l'article 2 du statut; car c'est
seulement dans ce cas que sa déclaration peut être considérée comme un acte doté d'effets obligatoires, susceptible d'être attaqué devant la Cour. Si, pour répondre à cette question, nous examinons la décision adoptée par la Commission le 6 juillet 1967 qui définit les pouvoirs de l'autorité investie du pouvoir de nomination et prévoit de nombreuses délégations, la réponse est tout à fait claire. Aucun des nombreux cas de délégation qui font l'objet d'une description détaillée ne prévoit que le
directeur général du personnel et de l'administration peut exercer les pouvoirs de l'autorité investie du pouvoir de nomination dans le domaine en question. Dans ces conditions, nous estimons que la décision attaquée par le requérant ne constitue pas encore un acte doté d'effets définitivement obligatoires. Il s'ensuit que la demande d'annulation concernant la décision en question doit être rejetée comme irrecevable.

2 — Au fond

Les conclusions négatives auxquelles nous a amené l'examen sur la recevabilité ne nous empêcheront toutefois pas, en l'espèce également, d'examiner le bien-fondé du recours. Cet examen s'impose au demeurant pour la seule raison que le recours contient également une demande visant à faire condamner la Commission à payer au requérant une certaine somme d'argent; cette demande ne pose pas de problèmes de recevabilité, conformément à l'article 91 du statut, et d'ailleurs, soulève presque les mêmes
problèmes que la demande d'annulation.

La question décisive au tond est de savoir si, pour le congé non pris au cours des années 1967 et 1968 (il s'agit au total de 47 jours), le requérant peut, après l'expiration du contrat en vertu duquel il exerçait les fonctions d'agent auxiliaire, demander une indemnisation en argent, conformément à l'article 58 du régime applicable ou si, étant donné que son rapport d'emploi s'est poursuivi (bien que sur une base différente), le congé en question peut seulement être reporté sur l'année 1969 et
cela, au demeurant, seulement dans la mesure où le prévoient les dispositions parues au courrier du personnel du 7 novembre 1968, c'est-à-dire compte tenu des 29 jours de congé pour l'année 1968. Cet exposé de l'objet du litige laisse déjà apparaître que la question débattue au cours de la procédure administrative, qui était de savoir si le requérant avait été réellement empêché pour des raisons de service de prendre le congé qui lui revenait avant le 31 décembre 1968, est maintenant sans
importance. En effet, les explications non équivoques de la Commission ne laissent plus de doute sur ce point. Dans ces conditions, il est inutile d'examiner si vraiment le comportement du chef de l'unité administrative à laquelle a appartenu le requérant jusqu'au 31 décembre 1968 était contradictoire, comme le prétend le requérant.

Au sujet des motifs du deuxième recours, nous examinerons tout d'abord si la mesure attaquée, c'est-à-dire l'acte du directeur général du personnel et de l'administration du 13 mai 1969, abroge à tort une décision antérieure ayant admis le droit du requérant à une indemnisation. A ce sujet, nous devons rappeler un élément qui ressort de l'exposé des faits: à la demande du requérant et après une proposition favorable du chef de la division «droits individuels», un ordre de paiement a été
effectivement donné le 28 mars 1969 par le chef de la division «traitements et indemnités». Toutefois, comme la Commission l'a expliqué, il serait erroné d'appliquer à cet ordre de paiement les principes relatifs à la révocation d'actes administratifs créateurs de droits. La portée véritable de l'ordre de paiement ressort du règlement budgétaire du 30 juillet 1968. Aux termes de son article 39, de tels actes doivent être préalablement munis d'un visa délivré par le fonctionnaire chargé du contrôle
financier. En l'absence de visa, ils ne peuvent donc pas déployer d'effets juridiques définitifs. Comme nous le savons, ce visa a été refusé en l'espèce et, à la suite de ce refus, le 13 mai 1969, est intervenue la décision de la direction générale du personnel et de l'administration, qui s'est ralliée à une partie des motifs invoqués par le contrôleur financier; c'est-à-dire qu'elle a refusé le paiement d'une indemnisation conformément à l'article 58 du régime applicable, du fait que le requérant
était resté au service de la Commission. Dans ces conditions, eu égard déjà au régime prévu par le règlement budgétaire, il ne peut être question, en l'espèce, de révocation d'une décision antérieure ayant créé des droits individuels.

En vérité, la légalité de la mesure attaquée est fonction, en premier lieu, de l'interprétation de l'article 58 du régime applicable aux autres agents, c'est-à-dire de l'interprétation de la disposition aux termes de laquelle «si les exigences de service n'ont pas permis l'octroi à l'agent du congé prévu à l'alinéa précédent pendant la durée de son engagement, les jours de congé non pris sont rémunérés comme jours de service effectif». Si nous nous efforçons d'interpréter cette disposition, nous ne
devons pas, à vrai dire, attacher une trop grosse importance à son texte ni à une comparaison avec d'autres dispositions, contrairement à ce que pense le requérant. Nous pensons notamment qu'il n'est pas possible de tirer aucune considération décisive des termes «pendant la durée de son engagement», pas plus que de la constatation que les dispositions relatives aux fonctionnaires ou aux agents temporaires (annexe V, articles 1 et 4), utilisent une formule différente, à savoir les termes «cessation
des fonctions». De même, il faudrait se garder de surévaluer l'argument a contrario que le requérant essaie de tirer du fait que l'annexe VIII, article 3, prévoit expressément, pour le calcul des annuités, la prise en compte de la durée des services accomplis dans les conditions fixées par le régime applicable aux autres agents. Même si l'article 58 du régime applicable ne parle pas en termes aussi clairs et explicites de la continuité du rapport d'emploi, il n'est toutefois pas impossible d'aboutir
à une telle interprétation, compte tenu de l'esprit et du but de cette disposition.

En effet, nous estimons, avec la Commission, qu'il est juste de centrer le débat sur la fonction d'une réglementation des congés et, à partir de là, de trouver une solution pour le cas où le droit à congé n'a pu être épuisé pendant une certaine année. L'élément de base est donc la constatation que le but de la réglementation des congés est de donner à l'agent l'occasion de se reposer et d'accumuler de nouvelles forces pour la poursuite de son travail. Si nous partons de cette idée, nous devons
considérer que la solution qui consiste à reporter le congé dans le cas où celui-ci n'a pu être pris pendant une certaine année pour des raisons de service constitue la solution de remplacement la plus appropriée, et cela notamment parce qu'elle semble également être la règle en droit interne. Si nous nous rallions à cette thèse, il nous faut en outre, pour un cas comme le cas d'espèce, admettre comme un élément déterminant la constatation que l'activité auprès de la Commission n'a pas été
interrompue et que le requérant peut bénéficier, quoique avec retard, de son droit à congé, conformément à sa fonction véritable. Par contre, le changement de statut ne revêt aucune importance particulière. En effet, nous parvenons ainsi à admettre une certaine continuité du rapport d'emploi. Or, nous pouvons d'autant plus nous rallier à cette opinion, également dans le cadre de l'article 58 du régime applicable aux autres agents, qu'elle se situe tout à fait dans la ligne de ce que la jurisprudence
concernant les agents auxiliaires a déjà estimé juste (au sujet, notamment, de leur participation à des procédures de concours internes). Nous pouvons donc tenir pour bien établi, et c'est là une première conclusion importante, que seule la cessation définitive des fonctions auprès de la Communauté donne un droit à une indemnisation en argent pour le congé qui n'a pas été pris et qu'il est juste d'exclure l'application de l'article 58 du régime applicable pour le cas du requérant qui est resté sans
interruption au service de la Commission.

Cependant, le requérant ne se sent pas seulement lésé du fait du refus d'une indemnisation pécuniaire, mais aussi du fait que, dans l'acte attaqué, seul le congé pour l'année 1968 a été reporté sur l'année suivante, alors que le congé acquis pendant l'année 1967 a été déclaré perdu en application de la réglementation publiée au courrier du personnel du 7 novembre 1968. Voyons donc si nous pouvons suivre la Commission sur ce point également.

Au sujet de la réglementation à laquelle recourt la Commission, il pourrait s'agir (nous ne disposons pas de plus de précisions) d'une disposition d'application concernant le droit du personnel des Communautés, droit qui ne traite que de façon incomplète la question du report du droit au congé, à l'article 4 de l'annexe V du statut. Pour autant qu'il s'agit d'apprécier le cas d'espèce, la phrase suivante est décisive : «Le report total ne pourra cependant excéder le droit de congé acquis par le
fonctionnaire au cours de l'année écoulée .» Du point de vue du fond, on ne peut rien objecter à l'encontre de cette disposition ni de son application à des agents contractuels, car des principes analogues sont également en vigueur dans le droit interne des fonctionnaires, c'est-à-dire dans le domaine juridique auquel il faut faire appel, lorsque le droit du personnel des Communautés présente des lacunes. Nous renvoyons à ce sujet au droit des fonctionnaires applicable en Allemagne, aux termes
duquel le droit à congé devient caduc lorsque le fonctionnaire ne demande pas à en bénéficier avant le 30 septembre de l'année suivante au plus tard ( 2 ). Le droit français semble, lui aussi, obéir au principe suivant lequel un congé qui n'est pas pris en temps voulu est perdu et que son report sur l'année suivante ne peut avoir lieu qu'à l'aide d'une autorisation exceptionnelle ( 3 ). Néanmoins, on peut se demander si la direction générale du personnel et de l'administration de la Commission
pouvait, en l'espèce, se référer à la réglementation citée. Si, comme le prévoit celle-ci, le requérant avait voulu sauvegarder ses droits, il aurait été contraint de prendre le congé auquel il avait encore droit pour l'année 1967 immédiatement après la publication de la réglementation en question, en novembre 1968. Il n'est toutefois pas certain que cela ait été possible, d'autant plus que la Commission a expressément déclaré au cours de la procédure que, pour des raisons de service, le requérant
n'avait pu prendre son congé en 1968. Indépendamment de cela, il pouvait également sembler injuste d'exiger de lui qu'il prenne un congé prolongé peu de temps avant la fin de l'année 1968, pour ainsi dire du jour au lendemain. Donc même si aucun agent ne peut partir de l'idée qu'il pourra faire valoir en permanence d'anciens droits à congé, nous serions enclin à admettre l'existence pour le supérieur hiérarchique d'un devoir d'assistance consistant à attirer en temps voulu l'attention des agents sur
le risque auquel ils s'exposent de perdre leurs droits et à leur donner suffisamment d'occasions d'éviter ces risques. Nous serions en outre enclin à en déduire que la réglementation publiée au courrier du personnel du 7 novembre 1968 satisfait difficilement à cette condition pour les droits à congé acquis au cours de l'année 1967. Dans ces conditions, il n'est pas possible de l'appliquer au cas du requérant et il est donc en même temps bien établi que l'ensemble de ses droits à congé pour les
années 1967 et 1968 devait être reporté sur l'année 1969. Le deuxième recours serait donc fondé, en partie tout au moins, si, comme nous l'avons déjà indiqué, il ne devait pas être considéré comme irrecevable en ce qui concerne la demande d'annulation qu'il contient.

3 — Résumé

Après les considérations qui précèdent, nous pouvons définir comme suit le résultat global de notre examen.

Dans l'affaire 18-69, les motifs communiqués avant l'expiration du délai de recours et destinés à l'étayer ne sont pas suffisamment pertinents. Pour cette raison, le recours doit être rejeté comme irrecevable. Nous avons également démontré qu'au demeurant il ne serait pas fondé.

Dans l'affaire 39-69, la demande d'annulation doit être rejetée comme irrecevable, en l'absence d'un acte attaquable. Au cas où elle serait considérée comme recevable, le recours serait fondé, dans la mesure où l'acte attaqué ne prévoit le report sur l'année 1969 que du congé auquel le requérant avait droit pour l'année 1968. La demande tendant à faire condamner la Commission au versement d'une indemnisation conformément à l'article 58 du régime applicable aux autres agents doit, au contraire, être
rejetée comme non fondée.

En ce qui concerne les dépens, y compris ceux de la procédure incidente sur l'exception soulevée conformément à l'article 91 du règlement de procédure, il nous semble possible, étant donné que l'acte attaqué dans l'affaire 39-69 pouvait apparaître comme une décision, de condamner la Commission à supporter la moitié des dépens à la charge du requérant.

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( 1 ) Traduit de l'allemand.

( 2 ) Plog-Wiedow, Kommentar zum Bundesbeamtengesetz, paragraphe 89, note 9.

( 3 ) Plantey, Traité pratique de la fonction publique, no 1480.


Synthèse
Numéro d'arrêt : 18-69
Date de la décision : 11/03/1970
Type de recours : Recours de fonctionnaires - irrecevable, Recours de fonctionnaires - fondé, Recours en responsabilité - fondé

Analyses

Statut des fonctionnaires et régime des autres agents


Parties
Demandeurs : Bernard Fournier
Défendeurs : Commission des Communautés européennes.

Composition du Tribunal
Avocat général : Roemer
Rapporteur ?: Mertens de Wilmars

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1970:16

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