La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/1959 | CJUE | N°14-59

CJUE | CJUE, Conclusions de l'avocat général Lagrange présentées le 19 octobre 1959., Société des fonderies de Pont-à-Mousson contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier., 19/10/1959, 14-59


Conclusions de l'avocat général

M. MAURICE LAGRANGE

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

Cette affaire vous met aux prises, pour la première fois, avec l'annexe I au traité relative à la définition des expressions «charbon» et «acier». C'est un véritable problème de frontières qui vous est soumis, problème dont les aspects juridiques et économiques sont largement pénétrés, sinon dominés, par des aspects de haute technicité.

La «Société des fonderies de Pont-à-Mousson» exploite quatre usines de fonderie dont une seule, ce

lle qui est située à Pont-à-Mousson, et qui est d'ailleurs la plus importante, utilise le procédé ...

Conclusions de l'avocat général

M. MAURICE LAGRANGE

Monsieur le Président, Messieurs les Juges,

Cette affaire vous met aux prises, pour la première fois, avec l'annexe I au traité relative à la définition des expressions «charbon» et «acier». C'est un véritable problème de frontières qui vous est soumis, problème dont les aspects juridiques et économiques sont largement pénétrés, sinon dominés, par des aspects de haute technicité.

La «Société des fonderies de Pont-à-Mousson» exploite quatre usines de fonderie dont une seule, celle qui est située à Pont-à-Mousson, et qui est d'ailleurs la plus importante, utilise le procédé dit «de première fusion», lequel, grâce à la proximité immédiate des mines de fer du bassin lorrain, lui permet de couler immédiatement en moulages la fonte liquide produite aux hauts fourneaux, au lieu de procéder, comme c'est le cas le plus habituel, par refusion au cubilot de fonte solide et de
ferrailles. Les ferrailles utilisées concurremment avec le minerai de fer pour la production de cette fonte liquide, et dont l'adjonction est nécessaire pour abaisser la teneur en phosphore du lit de fusion, sont-elles soumises ou non à la taxe de péréquation perçue sur les entreprises de la Communauté consommatrices de ferraille pour permettre le fonctionnement du mécanisme de péréquation des ferrailles importées des pays tiers institué par la Haute Autorité? Tel est l'objet du litige.

Du 1er avril 1954, date d'entrée en vigueur de la décision 22-54 instituant le premier mécanisme obligatoire de péréquation des ferrailles, au 1er décembre 1956, la société a régulièrement payé ses contributions de péréquation, de même qu'elle avait toujours acquitté le prélèvement général de l'article 50. Mais, le 19 avril 1957, la société informa la Haute Autorité qu'elle estimait n'être pas soumise au prélèvement de péréquation des ferrailles utilisées pour la production des fontes liquides
transformées directement en canalisations et en moulages de fonte dans l'usine de Pont-à-Mousson. Par lettre du 24 janvier 1959, la Haute Autorité a refusé d'admettre ce point de vue. C'est ce refus, considéré comme une décision de la Haute Autorité, que la société a attaqué devant vous par un recours en annulation fondé sur l'article 33.

La première question, que la Haute Autorité se borne d'ailleurs à signaler à votre attention, sans opposer une véritable fin de non-recevoir, est précisément celle de savoir si la lettre du 24 janvier 1959 a le caractère d'une décision, au sens de l'article 14 du traité, susceptible de recours en vertu de l'article 33.

L'affirmative ne nous paraît faire aucun doute, si l'on se réfère à votre jurisprudence, notamment à l'arrêt 32-58, «Société nouvelle des usines de Pontlieue-Aciéries du Temple», du 17 juillet 1959. Il résulte, en effet, de cette jurisprudence que, pour l'application des décisions instituant le mécanisme de péréquation des ferrailles importées, il est loisible à une entreprise de s'adresser à tout moment à la Haute Autorité (et même directement aux organismes de Bruxelles) pour faire trancher une
difficulté relative à l'existence ou au montant de la contribution de péréquation réclamée à cette entreprise, sans attendre la décision finale de recouvrement, formant titre exécutoire, prise au titre de l'article 92. Tel est bien le cas.

Nous en arrivons à l'examen des deux moyens soulevés, le premier tiré de ce que la fonte liquide utilisée par l'usine de Pont-à-Mousson n'est pas un produit de l'annexe I et le second, de caractère subsidiaire, fondé sur le caractère discriminatoire, et donc illégal, que présenterait, en tout état de cause, la soumission à la contribution de péréquation des ferrailles entrant dans la production de cette fonte liquide, même si l'on admettait que celle-ci est un produit de l'annexe I.

I

D'après la décision 2-57, prise sur la base de l'article 53 du traité, sont astreintes au versement des contributions de péréquation «les entreprises visées à l'article 80 du traité, consommatrices de ferraille» (art. 2 de la décision). Aux termes de l'article 80, «les entreprises, au sens du présent traité, sont celles qui exercent une activité de production dans le domaine du charbon et de l'acier à l'intérieur des territoires, etc.». L'article 81 dispose : «Les expressions “charbon” et “acier”
sont définies à l'annexe I, jointe au présent traité». L'annexe I, enfin, est ainsi rédigée dans son paragraphe premier : «les expressions “charbon” et “acier” couvrent les produits figurant sur la liste ci-après». Cette liste comprend deux parties intitulées respectivement «combustibles» et «sidérurgie» et, dans cette dernière, nous trouvons, sous la rubrique «fonte et ferro-alliages», le produit suivant : «fonte de fonderie et autres fontes brutes». Tout le litige consiste à savoir si la fonte
liquide produite par la requérante dans ses hauts fourneaux doit ou non être rangée sous cette dénomination, la seule qui puisse être en cause parmi la liste de l'annexe I. Notons (et les parties sont d'accord sur ce point) que si la réponse était négative, il en résulterait que la société échapperait non seulement au prélèvement de péréquation des ferrailles importées, mais aussi au prélèvement de l'article 50 et d'une manière générale à toutes les obligations et aussi à tous les droits découlant
du traité, puisqu'en effet elle ne serait pas en ce cas une «entreprise» au sens de l'article 80.

Messieurs, la procédure écrite très complète qui s'est déroulée dans cette affaire, les excellentes et très claires plaidoiries dont vous avez très certainement gardé le souvenir et la visite de l'usine si intéressante et si bien commentée qui avait précédé l'audience nous dispenseront de reprendre en détail, point par point, l'argumentation respective des parties. Nous voudrions seulement tenter de la résumer en essayant d'en saisir l'essentiel.

Pour la requérante, la fonte liquide de fonderie, coulée directement en moulages, ne peut être considérée comme «fonte de fonderie et autres fontes brutes». Pourquoi? Essentiellement parce que ce n'est pas un «produit». Les seuls produits fabriqués par Pont-à-Mousson, ce sont les canalisations et, pour une beaucoup plus faible part, les pièces de moulages, c'est-à-dire des produits finis qui sont exclus du traité en vertu des dispositions formelles du renvoi 5 de l'annexe I. Ce que la requérante
appelle «l'industrie de la fonderie» échappe au traité; elle ne fait pas partie de l'industrie sidérurgique. Si l'annexe I a inclus dans sa nomenclature la «fonte de fonderie et autres fontes brutes», c'est uniquement parce que ce produit constitue la matière première essentielle pour la fabrication de l'acier. Elle sert aussi, il est vrai, de matière première à l'industrie de la fonderie, mais elle ne peut alors être saisie qu'à l'état de produit brut, de «produit stable», de «produit marchand» et
non comme un «état transitoire qui ne termine même pas un cycle élémentaire de fabrication», pour reprendre diverses expressions relevées dans la plaidoirie. Et la requérante d'insister sur les différences qualitatives et quantitatives, et aussi sur les différences quant au rythme et à l'importance des coulées, qui séparent la production de la fonte brute normale coulée en gueuses ou en saumons et devenue à l'état solide un produit marchand, de la fonte liquide de Pont-à-Mousson, produite et
différenciée exclusivement en fonction des exigences du produit fini, exigences d'ailleurs variables à tout instant selon les qualifications.

Toute l'argumentation de la requérante tente de venir à l'appui de cette thèse centrale. Tout d'abord, l'expression anglaise «pig iron», qui est celle de la nomenclature de l'O.E.C.E. servant de base à l'annexe I, et qui a été traduite en français par «fonte brute», ne servirait à désigner que la fonte solide coulée en gueuses ou en saumons.

D'autre part, se livrant à une comparaison entre les rubriques de l'annexe I concernant la fonte et celles qui concernent l'acier, la requérante se demande pourquoi on n'a pas employé l'expression «acier brut», qui est celle de l'O.E.C.E., parallèlement à «fonte brute» et pourquoi, au contraire, on, a cru devoir parler d'«acier liquide coulé ou non en lingots» et préciser, par le renvoi 3, le sort des «productions d'acier coulé destinées aux moulages», pour lesquelles «l'action de la Haute Autorité
ne s'exerce que dans le cas où elles doivent être considérées comme entrant dans l'activité de l'industrie sidérurgique proprement dite».

Une seule explication, d'après la requérante; l'acier coulé destiné aux moulages n'est pas de l'«acier brut»; si l'on n'avait rien dit, il aurait échappé au traité, et c'est parce qu'on a voulu saisir cet acier lorsque sa production provenait d'une entreprise intégrée qu'il a été nécessaire d'abandonner la terminologie de la nomenclature de l'O.E.C.E. et de préciser, dans ce cas spécial, qu'on entendait le traiter comme le reste de l'acier produit dans l'entreprise, celui destiné à fabriquer les
produits d'acier demi-finis et finis qui figurent à la nomenclature. C'est là une exception qui s'explique par le caractère normalement accessoire dans une aciérie intégrée de la part de production d'acier allant à la fonderie; et ce qui confirme encore ce caractère exceptionnel, c'est le deuxième alinéa du renvoi 3 : «Les autres productions d'acier coulé pour moulages, telles que celles des petites et moyennes fonderies autonomes, ne sont soumises qu'à des contrôles statistiques, etc.» : c'est le
droit commun de l'acier coulé destiné aux moulages qui, n'étant pas de l'«acier brut», échappe normalement au traité.

Un argument, enfin, est tiré d'un passage de l'annexe II, relative à la ferraille, où il est dit : «Sont exclues de l'application de l'article 59 (répartition en cas de pénurie) les vieilles fontes dont la nature limite leur emploi aux industries de la fonderie échappant à la juridiction de la Communauté.» Ce texte, selon la requérante, confirme bien que l'industrie de la fonderie échappe à la Communauté. Il n'est pas question, ici pas plus qu'ailleurs, de distinction entre les fonderies de première
fusion et les fonderies de deuxième fusion. Ce n'est pas parce qu'une fonderie fabrique elle-même la fonte dont elle a besoin qu'elle fait partie de l'«industrie sidérurgique».

Vous vous rappelez comment la Haute Autorité répond à cette argumentation.

Selon elle, «fonte brute» n'est nullement synonyme de «fonte solide»; la fonte brute est celle qui est produite au haut fourneau, quelle que soit son utilisation ultérieure. Une telle production fait au plus haut point partie de l'industrie sidérurgique, et non de l'industrie de la fonderie, sans que cette situation puisse être modifiée du fait que, dans l'usine de Pont-à-Mousson, la fonte liquide sortant des hauts fourneaux est utilisée immédiatement pour la fabrication du produit fini qui échappe,
quant à lui, au traité. Au surplus, les différenciations nécessaires pour l'obtention des produits finis se font principalement aux mélangeurs, où s'opère le dosage entre la fonte ordinaire et la fonte synthétique produite aux convertisseurs, beaucoup plus qu'au haut fourneau: au haut fourneau, les dosages opérés pour obtenir les qualités les plus adaptées au résultat recherché ne sont guère plus différenciés que dans les hauts fourneaux habituels. D'autre part, la puissance des hauts fourneaux de
Pont-à-Mousson est comparable à celle de nombre de hauts fourneaux travaillant pour l'acier: ce ne sont pas de «petits» hauts fourneaux.

En second lieu, la Haute Autorité observe que l'objet de l'annexe I n'est pas de délimiter la frontière entre ce qui relève de «l'industrie sidérurgique» et ce qui n'en relève point, mais de déterminer, de manière plus ou moins empirique, la liste des produits soumis au traité. Pour diverses raisons, il a été souvent jugé opportun de soustraire au traité certains produits qui sont pourtant des produits sidérurgiques. Ainsi s'explique le renvoi 3: la production d'acier coulé pour moulages fait
incontestablement partie de l'industrie sidérurgique, mais, pour des raisons d'opportunité, il a été décidé de ne la soumettre qu'à des contrôles statistiques lorsqu'elle n'émanait pas d'une usine intégrée. Une telle décision pourrait toujours être modifiée suivant la procédure de l'article 81, alinéa 2, qui permet à la Haute Autorité de compléter la liste de l'annexe I avec l'accord unanime du Conseil. C'est donc, en définitive, pour restreindre et non pour étendre la liste des productions d'acier
brut qu'il a été nécessaire de préciser par diverses distinctions, en ce qui concerne l'acier, la nomenclature de l'O.E.C.E. Pour la fonte, rien de tel.

En ce qui concerne la terminologie, la Haute Autorité se réfère à divers documents d'où il résulte que le terme «pig iron» désigne la fonte brute au sens où elle l'entend, c'est-à-dire la matière première, quel que soit son état, solide ou liquide: brut signifie «non travaillé», et c'est pour cette raison que se trouvent tout naturellement exclues, sans qu'il ait été besoin de le dire, les fonderies de deuxième fusion, traditionnellement considérées d'ailleurs comme ne faisant pas partie de
l'industrie sidérurgique.

Quant à l'argument tiré de l'annexe II, la Haute Autorité y répond de la manière suivante: le texte parle des “vieilles fontes dont la nature limite leur emploi aux industries de la fonderie échappant à la juridiction de la Communauté”. Cela implique qu'il existe des fonderies qui échappent à la Communauté, mais ne signifie nullement pour autant que toutes les fonderies de fonte y échappent: il ne s'agit, en fait, que des fonderies de deuxième fusion, du type traditionnel et qui, pratiquement,
commercialement, — sinon techniquement — sont seules capables d'enfourner les vieilles fontes.

Que penser de cette controverse ?

Un premier point nous paraît assez clair: en ce qui concerne la terminologie, c'est la Haute Autorité qui a raison. Il est certain que, au sens de l'annexe I, “fonte brute” ne veut pas dire “fonte à l'état solide” par opposition à la fonte à l'état liquide. Le terme “brut” s'oppose ici à “travaillé” ou “élaboré”.

De quoi s'agissait-il, en effet? Comme le souligne le Rapport de la délégation française sur le Traité (p. 77), l'annexe I avait essentiellement pour objet, en dressant la liste des produits soumis au traité, de déterminer à quel stade d'élaboration des produits devait s'arrêter la liste des produits d'acier compris dans le marché commun. C'est pourquoi le “fil conducteur” en quelque sorte de l'annexe I est fondé sur la distinction entre les produits bruts, les produits demi-finis, les produits
finis et même les produits dits “finaux”. On le voit bien au no 4.300 où, de toute évidence, l'acier liquide coulé ou non en “lingots” est considéré comme un “produit brut,” ainsi qu'il résulte de l'intitulé. Notons à ce sujet que l'interprétation de la Haute Autorité du renvoi 3 nous paraît donc juste: la production d'acier liquide est une production d'acier brut, même si elle est destinée aux moulages et le renvoi 3 a pour objet de restreindre et non d'étendre la juridiction de la Communauté dans
ce domaine particulier. La rédaction de ce renvoi 3 s'explique de la manière suivante: l'acier coulé pour moulages est de l'“acier brut” ou, si l'on préfère, un “produit brut d'acier” et, comme tel, si l'on ne disait rien, serait appréhendé par le traité, mais pour des raisons d'opportunité, on estime devoir l'en exclure, au moins jusqu'à nouvel ordre, mais on entend l'exclure sauf dans un cas spécial, le cas où sa production “doit être considérée comme entrant dans l'activité de l'industrie
sidérurgique proprement dite”, ce qui, évidemment, malgré les précisions de l'alinéa suivant, n'est pas parfaitement clair. C'est donc cette exception à l'exception qui explique le type de rédaction employé, sans pour autant en faire un modèle du genre. Remarquons d'ailleurs la différence entre les termes auxquels on a recours à ce renvoi 3 et ceux des autres renvois 1, 2, 4 et 5: alors que, dans ces derniers, on dit : “Ne sont pas compris…” tels ou tels produits, le renvoi 3 dispose seulement :
“L'action de la Haute Autorité… ne s'exerce que…” dans certains cas, les productions non retenues étant néanmoins soumises à des contrôles statistiques. Ceci confirme encore que, dans la pensée — si confuse soit-elle à certains égards — des rédacteurs de l'annexe, un point demeure clair, c'est que l'acier liquide coulé ou non en lingots est de l'“acier brut”, c'est-à-dire un des “produits bruts” soumis au traité sauf disposition contraire.

Il n'existe, en définitive, aucun fondement à une distinction entre la fonte brute et la fonte liquide: la fonte brute est la fonte non travaillée, c'est-à-dire à l'état de “produit brut”. Encore faut-il, évidemment, que la fonte liquide soit ou puisse être un “produit”. Mais, à cet égard, vous savez que cela est le cas, puisque la technique actuelle permet, dans certaines conditions, le transport et la livraison de fonte à l'état liquide. Ceux d'entre vous, Messieurs, qui faisaient partie de la
Cour de la C.E.C.A. se rappellent qu'on nous avait appris ce fait au cours des débats de l'affaire “Chasse”. C'est pourquoi il a été jugé nécessaire de modifier la nomenclature douanière, certaines fontes brutes pouvant maintenant se présenter aux frontières à l'état liquide.

Mais la question qui vous est soumise n'est pas résolue pour autant, car il reste encore à savoir — et c'est là à notre sens le nœud du litige — si, dans les conditions particulières où s'exerce l'activité de l'usine de Pont-à-Mousson, la fonte liquide qui sort de ses hauts fourneaux et de ses convertisseurs peut être considérée comme un “produit” au sens de l'annexe I, ou si au contraire elle ne se trouve à ce moment que dans un “état transitoire qui ne termine même pas un cycle élémentaire de
fabrication”, selon l'heureuse formule de M. le bâtonnier Allehaut que nous avons déjà relevée.

Pour prendre parti, il faut d'abord essayer de bien comprendre l'esprit dans lequel les auteurs du traité ont entendu tracer la frontière de l'intégration partielle qu'ils réalisaient. L'idée de base nous paraît se trouver dans l'article 80 du traité : “Les entreprises, au sens du présent traité, sont celles qui exercent une activité de production dans le domaine du charbon et de l'acier”, lequel est défini par ailleurs. “Activité de production”, c'est une notion à la fois industrielle et
économique, non commerciale. On ne cherche pas à saisir, comme par exemple en matière d'impôt sur le chiffre d'affaires, la vente des produits, transformés ou non, mais leur production, c'est-à-dire tout ce qui, depuis l'extraction de la matière première jusqu'au stade de finition où l'on considère qu'il convient de s'arrêter, englobe le cycle total d'élaboration du produit le plus évolué.

Dans une pareille conception, qui se rapprocherait plutôt, sur le terrain fiscal, d'un système de taxe à la valeur ajoutée, il est évident qu'il ne faut attacher qu'un intérêt réduit au cycle commercial que suit cette élaboration, et, notamment, au phénomène de l'intégration. Que chaque stade d'élaboration se traduise par une vente, ou, à l'opposé (et nous savons que cela existe), qu'une même entreprise se charge de toute la filière, depuis par exemple l'extraction du minerai de fer et du charbon
jusqu'à la fabrication des rails et du fil de machine, tous les stades d'élaboration sont saisis par le traité, qu'il s'agisse du prélèvement de l'article 50 ou de l'exercice de n'importe quelle compétence de la Haute Autorité. Bien entendu, chaque produit n'est saisi qu'une fois et, lorsque, par exemple pour le prélèvement, la compétence de la Haute Autorité s'exerce eu égard à la valeur du tonnage produit, des précautions sont prises pour ne frapper que la valeur “ajoutée”, mais pour la frapper
dans tous les cas: c'est le système, vous le savez, des décisions prises pour l'application de l'article 50. Il ne peut être question que, sous prétexte d'intégration, et quels que soient les mérites de celle-ci (qui sont d'ailleurs en général incontestés au moins sur le plan technique), une partie du cycle de production, correspondant à une “valeur ajoutée”, échappe au traité. Et cela reste vrai même dans le cas où le passage d'un stade à un autre coïncide avec la “sortie”, si l'on peut dire, d'un
produit du champ d'application du traité, autrement dit si l'intégration se trouve en quelque sorte “à cheval” entre le domaine du traité et celui qui lui échappe: la proximité de la frontière ne peut être un motif d'exonération, sous peine de rétrécir arbitrairement le champ d'application du traité. Une telle situation est-elle de nature à entraîner des distorsions ou des discriminations interdites? C'est ce que nous examinerons dans un instant, à propos du second moyen; mais ce qui est certain,
c'est qu'elle ne peut être de nature à permettre à l'entreprise intégrée d'échapper au traité pour la partie de sa production qui y est par sa nature soumise.

Dès lors, il n'est pas nécessaire, dans un cas comme celui de Pont-à-Mousson, d'être en présence d'un “produit marchand” exactement conditionné comme il devait l'être pour la vente et que la société devrait être considérée comme se livrant à elle-même. Il suffit (mais il faut) que ce soit un “produit” qui, par ses qualités physiques et chimiques, par son procédé de fabrication et aussi par sa destination relève de l'une des rubriques de l'annexe I.

Or, Messieurs, il semble bien qu'il en soit ainsi dans l'espèce.

Sans parler des cubilots qui ne jouent qu'un rôle d'appoint, et dont l'activité n'est pas en litige, la matière première de l'usine de Pont-à-Mousson est la fonte produite aux hauts fourneaux. Si nous avons bien compris les explications qui nous ont été fournies lors de la visite de l'usine, deux des quatre hauts fourneaux actuellement en service fabriquent de la fonte Cleveland de moulage qui est transportée directement aux mélangeurs. Deux autres sont affectés à la production de fonte
semi-phosphoreuse; la fonte est d'abord envoyée aux convertisseurs où, grâce à une oxydation qui la transforme en acier, puis à une recarburation, elle devient une “fonte extrêmement pure et peu phosphoreuse dite fonte hématite synthétique” (p. 2 du document imprimé qui nous a été remis à l'usine). Dans cet état, elle parvient aux mélangeurs où elle retrouve la fonte Cleveland, et c'est ce mélange qui est envoyé aux appareils de centrifugation, ces appareils si impressionnants pour un profane, où
vous avez vu vraiment la fonte devenir une canalisation. Le mélange provient pour 55 % de la fonte Cleveland et pour 45 % de la fonte semi-phosphoreuse de moulage.

Ainsi apparaît clairement la distinction entre: 1) La fonte brute de fonderie produite aux hauts fourneaux, et, pour partie, aux convertisseurs; 2) Les opérations de mélange qui précèdent la centrifugation. Or il paraît bien certain que l'essentiel de l'originalité de la fabrication de Pont-à-Mousson se concrétise dans la seconde de ces opérations, c'est-à-dire l'utilisation à bon escient de la fonte synthétique qui “permet tout d'abord de contrôler à tous moments la composition de la fonte liquide
de fonderie qui provient des hauts fourneaux” et “permet également d'abaisser la teneur en phosphore de cette fonte liquide” (même document). Nous ne parlons pas, bien entendu, de la centrifugation qui est l'opération de fonderie proprement dite. C'est l'intervention de la fonte synthétique qui permet l'abaissement de la teneur en phosphore dans des conditions telles que, convenablement mélangée ensuite à la fonte Cleveland, il soit possible d'obtenir à tout moment le dosage exact convenant aux
qualités exigées des divers produits finis: là commence l'industrie de fonderie qui échappe au traité. Mais la fonte qui sort des hauts fourneaux et des convertisseurs, et qui constitue la matière première de cette industrie, est bien de la fonte brute de fonderie.

Il suffit d'ailleurs de consulter une mercuriale quelconque pour s'en rendre compte. Référons-nous, par exemple, au no 40 de l'Usine nouvelle, du 1er octobre 1959. Nous y voyons, à la page 83, dans la partie consacrée aux prix des produits sidérurgiques, sous la rubrique “fontes brutes”, la fonte Cleveland de moulage (teneur en phosphore de 1 à 1,4) et la fonte semi-phosphoreuse de moulage (teneur en phosphore : 0,7 à 1). Viennent ensuite les fontes d'affinage, c'est-à-dire celles destinées à la
fabrication de l'acier, et, enfin, les fontes hématites (teneur en phosphore égale ou inférieure à 0,12) qui comprennent également des fontes de moulage et des fontes d'affinage. On voit ici, entre parenthèses, que la distinction entre “fonte pour la fabrication de l'acier” et “fonte de fonderie”, c'est-à-dire entre la fonte d'affinage et la fonte de moulage n'est point arbitraire et correspond à une réalité, ce qui prouve que les auteurs de l'annexe I ont sensiblement débordé la notion chimique
d'acier pour prendre largement en considération, d'une manière assez empirique d'ailleurs, la notion d'industrie sidérurgique, c'est-à-dire l'industrie du fer.

Sans doute, ainsi que l'a justement observé la Haute Autorité, la production de la fonte brute elle-même est-elle influencée dans une certaine mesure par la qualification des produits à obtenir, c'est-àdire que la charge au haut fourneau pourra être dosée en fonction de cet objet; mais c'est là un phénomène normal: lorsqu'un industriel quelconque préfère fabriquer lui-même tel produit de base dont il a besoin, plutôt que de l'acheter au dehors, il en profite évidemment pour donner à ce produit des
qualités exactement adaptées à sa fabrication. Dans l'espèce, nous l'avons vu, les différenciations exigées par les qualifications des produits à obtenir se font essentiellement au stade ultérieur. Quant à l'abaissement de la teneur en phosphore réalisé déjà au haut fourneau, par l'emploi de la ferraille, c'est un procédé tout à fait normal et qui n'a nullement pour effet d'ôter à la fonte qui en résulte la qualité de fonte brute: nous savons d'ailleurs que, grâce au mélange de fonte synthétique, la
société a réussi, pour économiser la ferraille, à diminuer largement la mise au mille de cette matière au haut fourneau.

Donc la fonte qui sort des hauts fourneaux et des convertisseurs de Pont-à-Mousson nous paraît bien être pour partie de la fonte Cleveland de moulage, pour partie de la fonte semi-phosphoreuse de moulage. Ces deux types de fonte, même lorsque, comme en l'espèce, le second acquiert en raison de sa pureté le caractère de “fonte hématite de moulage”, doivent incontestablement être rangés sous la rubrique “fonte de fonderie et autres fontes brutes” de l'annexe I, et le cycle de fabrication permet de les
différencier suffisamment pour qu'on soit obligé de reconnaître que la “Société de Pont-à-Mousson” exerce une activité de production dans ce domaine. Elle est donc bien une entreprise au sens de l'article 80.

II

Nos explications seront beaucoup plus brèves en ce qui concerne le deuxième moyen.

En admettant même, nous dit-on, que la société requérante puisse être légalement considérée comme une entreprise relevant du traité pour sa production de fonte liquide, elle ne pouvait pas, en tout cas, être soumise aux contributions de péréquation. En l'assujettissant à ces contributions, la Haute Autorité a, en effet, commis une discrimination et lui a imposé une charge spéciale au regard des entreprises directement concurrentes.

Messieurs, une remarque préalable doit être faite. Il est certain — et il n'est d'ailleurs pas contesté — que l'assujettissement de Pont-à-Mousson au mécanisme de péréquation, dès lors qu'on admet qu'elle est une “entreprise” au sens de l'article 80, est strictement conforme aux décisions de base prises en vertu de l'article 53, notamment à la décision 2-57, celle-ci visant, vous le savez, toutes les entreprises consommatrices de ferrailles d'achat, sous les seules exceptions prévues à l'article 10,
parmi lesquelles figure l'exemption concernant les fonderies d'acier intégrées.

Des lors, c'est en réalité la légalité même des décisions de base qui est en cause. Or la requérante n'invoque à aucun moment cette illégalité. Sans doute la Cour de la C.E.C.A. a-t-elle admis dans les arrêts “Chasse” et “Meroni” le droit pour les entreprises de soulever l'exception d'illégalité à l'égard précisément des décisions prises pour l'institution du mécanisme de péréquation des ferrailles, mais, dans ces affaires, l'exception était expressément soulevée. Peut-on admettre qu'elle le soit
implicitement, par la présentation de moyens tirés directement de la violation du traité à l'appui d'un recours formé seulement contre des décisions d'application des décisions de base? Il est permis d'avoir un doute à ce sujet, en raison surtout de l'extrême gravité que présente toute déclaration d'illégalité lorsqu'elle s'applique, comme en l'espèce, à des décisions qui ne peuvent être prises qu'avec l'avis conforme à l'unanimité du Conseil: la nécessité — morale sinon juridique — de prendre une
nouvelle décision, conforme à l'arrêt de la Cour, et recueillant l'unanimité exigée, risque de se heurter dans bien des cas à de sérieuses difficultés.

En l'espèce, toutefois, l'illégalité implicitement prétendue aurait un caractère négatif: elle consisterait en ce que les décisions de base n'ont pas prévu d'exception au profit des fonderies de première fusion telles que Pont-à-Mousson. Or c'est exactement ce que soutient la requérante, qui n'avait pas à invoquer — et ne pouvait pas invoquer — la violation d'une disposition particulière de la décision. Dans ces conditions, nous pensons que, dans le cas présent, il est possible de passer outre à
l'objection.

Au fond, la discrimination du chef des conditions de concurrence est invoquée à trois points de vue.

Tout d'abord, la concurrence entre les fonderies de fonte de première fusion et les fonderies d'acier intégrées, qui ont été exemptées par la décision 2-57.

Sur ce point, la Haute Autorité affirme qu'il n'y a pas en réalité de position concurrentielle entre les fonderies de fonte et les fonderies d'acier, qui ne fabriquent pas les mêmes produits: en somme, il n'y aurait pas de concurrence entre les “tuyaux” de fonte et les “tube” d'acier. En tout cas, la requérante n'insiste pas à cet égard. En réalité, l'exemption des fonderies d'acier a été surtout invoquée pour montrer que, grâce à elle, les fonderies intégrées de fonte étaient les seules à être
soumises à la péréquation, puisque les fonderies d'acier se trouvaient y échapper, les unes en vertu du renvoi 3 de l'annexe I, les autres en vertu de la disposition d'exemption spéciale de l'article 10 de la décision 2-57. Mais il s'agit là d'un argument sans portée juridique, car, d'une part, l'exemption prévue dans un cas n'est pas un motif qui crée un titre à une exemption visant un autre cas, et, d'autre part, la requérante ne conteste pas la légalité de l'exemption accordée. Nous retrouvons
ici une situation quelque peu analogue à celle que vous avez rencontrée dans les affaires de chutes propres.

Deuxième atteinte à la concurrence: celle qui oppose Pont-à-Mousson aux fonderies de fonte de deuxième fusion.

Sur ce point, les explications fournies tant dans la procédure écrite qu'à l'audience ont été très complètes, et nous pensons qu'il est inutile d'y revenir en détail. Les fonderies de deuxième fusion n'ont pas à supporter le prélèvement de péréquation sur les ferrailles qu'elles utilisent, tout en profitant des prix plus modérés de la ferraille intérieure qu'entraîne le fonctionnement du mécanisme. C'est là évidemment un avantage, mais qui est dû au fait que ces fonderies sont hors traité: effet de
l'intégration partielle. En revanche, les foutes neuves qu'elles achètent ont subi, pour la part de ferraille entrant dans leur composition, le prélèvement de péréquation. Il est vrai qu'on discute de l'importance de ces fontes neuves, qui, sans doute, est variable. Quant aux vieilles fontes, elles n'ont pas subi le prélèvement, pour la raison bien simple qu'il n'existe pas de mécanisme de péréquation pour les vieilles fontes, mais que ce soit pour cette raison ou pour une autre, le fait est
qu'elles sont fort chères: ce point n'est pas contesté. On discute, enfin, sur le cas des fonderies de fonte de deuxième fusion qui utiliseraient en quantités importantes, voire exclusivement, de la ferraille d'acier. Il en existe, mais, dit la Haute Autorité, les produits ainsi fabriqués seraient de qualité inférieure.

Messieurs, toute cette discussion montre l'impossibilité de parvenir à des comparaisons exactes et générales et, en définitive, rien ne fait apparaître l'existence, au préjudice des fonderies de première fusion, et du seul fait du prélèvement de péréquation, d'une véritable charge spéciale portant une atteinte à la concurrence entre ces fonderies et celles de deuxième fusion.

Il en est de même (troisième catégorie d'entreprises concurrentes) à l'égard des fabrications concurrentes en amiante-ciment, béton et plastique, qui échappent au traité. Il s'agit, sans doute, ici d'une concurrence réelle, spécialement dans le domaine des canalisations, mais d'une concurrence entre des industries différentes: l'une du fer, les autres du ciment ou des matières plastiques qui ne connaissent évidemment pas les problèmes de ferraille. D'autre part, la péréquation des ferrailles a eu
pour objet, et on ne conteste pas qu'elle a eu pour résultat, d'abaisser le prix de la ferraille au-dessous de ce qu'il aurait été sans l'institution du mécanisme. La Haute Autorité affirme que, malgré la charge de la contribution, Pont-à-Mousson a en définitive bénéficié de l'existence de ce mécanisme. La requérante fait remarquer que la charge de la péréquation est plus lourde pour elle que pour les producteurs d'acier, en raison de l'absence de chutes propres. “Chasse” avait déjà avancé pour sa
fonte hématite un argument semblable, que la Cour n'a pas retenu. En tout cas, il serait nécessaire d'établir, non pas seulement que la charge de la péréquation s'est trouvée plus élevée pour les fonderies de première fusion que le bénéfice qu'elles en ont retiré du fait de l'abaissement relatif des prix qui en est résulté, mais, encore, que cette charge nette a placé ces fonderies dans une position telle que les conditions normales de la concurrence s'en seraient trouvées faussées d'une manière
sensible et arbitrairement, ce qui n'est nullement établi.

Encore faut-il observer qu'une telle solution ne reposerait que sur des principes d'équité, non sur une méconnaissance de telle ou telle disposition du traité. L'article 67 ne vise que l'action des États, non celle de la Haute Autorité. Quant à l'article 3, alinéa g, c'est à tort que la Haute Autorité l'invoque. En effet, ce texte interdit à la Communauté de protéger arbitrairement les industries relevant de sa juridiction. Or, en l'espèce, la requérante ne réclame nullement une protection contre
les industries concurrentes hors traité; elle se plaint seulement d'une discrimination opérée ou d'une charge spéciale créée par la Haute Autorité à son détriment et qui la mettrait dans une position concurrentielle défavorable à l'égard des industries en question.

A cet égard, il semble que la seule base légale qu'il soit possible de trouver est l'article 3 d'après lequel les institutions de la Communauté ne doivent exercer leur action que dans l'«intérêt commun». La Cour a admis la discussion sur ce terrain dans l'arrêt Chasse (Rec. IV, p. 189). Il s'agit en somme du principe général d'après lequel l'autorité publique ne doit pas agir avec arbitraire. Or, on ne peut raisonnablement prétendre qu'en soumettant les fonderies de première fusion au mécanisme de
péréquation, ou, plus précisément, en s'abstenant de prévoir une exception au régime général de péréquation des ferrailles en faveur d'une activité qui, si le premier moyen n'est pas admis, est bien une activité de production dans le domaine du traité, la Haute Autorité ait agi avec arbitraire. Le régime de péréquation, vous avez eu l'occasion de le constater bien des fois, repose essentiellement sur la solidarité de tous les consommateurs de ferraille, ce qui implique une généralisation aussi
complète que possible. Aucun motif ne nous paraît de nature à justifier l'existence d'une obligation juridique pour la Haute Autorité de consentir une exception dans le cas, si particulier qu'il soit à certains égards, qui vous est soumis.

Nous concluons :

— au rejet de la requête, et à ce que les dépens soient supportés par la «Société des fonderies de Pont-à-Mousson».


Synthèse
Numéro d'arrêt : 14-59
Date de la décision : 19/10/1959
Type de recours : Recours en annulation - non fondé

Analyses

Sidérurgie - acier au sens large

Dispositions financières CECA

Matières CECA

Péréquation de ferrailles


Parties
Demandeurs : Société des fonderies de Pont-à-Mousson
Défendeurs : Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lagrange
Rapporteur ?: Riese

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1959:23

Source

Voir la source

Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award