Avis juridique important
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61958J0042
Arrêt de la Cour du 17 juillet 1959. - Société des aciers fins de l'Est (S.A.F.E.) contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier. - Affaire 42/58.
Recueil de jurisprudence
édition française page 00381
édition néerlandaise page 00413
édition allemande page 00401
édition italienne page 00377
édition spéciale anglaise page 00183
édition spéciale danoise page 00147
édition spéciale grecque page 00345
édition spéciale portugaise page 00347
Sommaire
Parties
Objet du litige
Motifs de l'arrêt
Décisions sur les dépenses
Dispositif
Mots clés
1 . PROCEDURE JUDICIAIRE - RECOURS EN ANNULATION - DELAI DE RECOURS - INCERTITUDE QUANT A LA DATE DE NOTIFICATION
( TRAITE INSTITUANT LA C.E.C.A . , ART . 33 , AL . 3 ; REGLEMENT DE LA COUR DE JUSTICE DE LA C.E.C.A . , ART . 85 , PARAGRAPHES 1 ET 2 )
2 . RECOURS EN ANNULATION - DEFINITION DE LA DECISION - CRITERES APPLICABLES POUR LA QUALIFICATION JURIDIQUE D ' UNE MESURE DE LA HAUTE AUTORITE - PORTEE DE DECLARATIONS EMANANT D ' AGENTS DE LA HAUTE AUTORITE - DISTINCTION ENTRE DECISION ET INSTRUCTION INTERNE DE SERVICE
( TRAITE INSTITUANT LA C.E.C.A . , ART . 33 )
3 . RECOURS EN ANNULATION - EXCEPTION D ' ILLEGALITE - CONTROLE DES PRINCIPES ETABLIS PAR UNE INSTRUCTION INTERNE DE SERVICE
( TRAITE INSTITUANT LA C.E.C.A . , ART . 33 )
4 . MECANISMES FINANCIERS - PRELEVEMENT DE PEREQUATION SUR LA FERRAILLE D ' ACHAT - DEFINITION DES TERMES " RESSOURCES PROPRES " ET " FERRAILLES D ' ACHAT " - FOURNITURES DE FERRAILLES A L ' INTERIEUR D ' UN CONSORTIUM D ' ENTREPRISES ( CONCENTRATION ) - LEGALITE DE L ' IMPOSITION DE CES FERRAILLES AU TITRE DU PRELEVEMENT - LEGALITE DE L ' EXONERATION DES " RESSOURCES PROPRES "
( TRAITE INSTITUANT LA C.E.C.A . , ART . 2 , AL . 2 , 3B , 4B , 53 , 59 , 60 , PARAGRAPHES 1 , 67 , 80 AINSI QUE L ' ANNEXE II B , AL . 2 ; DECISION NO 2-57 DE LA HAUTE AUTORITE , ART . 2 ET 4 ; LETTRE DE LA HAUTE AUTORITE DU 18 DECEMBRE 1957 A L ' O.C.C.F . , J . O . DU 1ER FEVRIER 1958 , PP . 45 ET SUIV . )
5 . DISCRIMINATION - DEFINITION - MESURES ET INTERVENTIONS SUSCEPTIBLES DE FAUSSER LE JEU DE LA CONCURRENCE
( TRAITE INSTITUANT LA C.E.C.A . , ART . 2 , AL . 2 , 3B , 4B , 60 ET 67 )
6 . PRODUCTIVITE - DEFINITION - INTERVENTIONS DE LA HAUTE AUTORITE - ENTENTES ET CONCENTRATIONS - CONCURRENCE
( TRAITE INSTITUANT LA C.E.C.A . , ART . 67 )
Sommaire
1 . S ' IL EST ETABLI A QUELLE DATE LA HAUTE AUTORITE A EXPEDIE UNE LETTRE PAR LAQUELLE ELLE NOTIFIAIT UNE DECISION A L ' INTERESSE , MAIS SI , D ' AUTRE PART , IL Y A INCERTITUDE SUR LA DATE A LAQUELLE LA LETTRE EST PARVENUE AU DESTINATAIRE , UN RECOURS CONTRE LA DECISION EST CONSIDERE COMME TARDIF DU MOMENT QUE , D ' APRES LES FAITS , IL SEMBLE EXCLU QUE LA LETTRE SOIT PARVENUE ASSEZ TARDIVEMENT POUR QUE LE DELAI DE RECOURS AIT ETE RESPECTE .
( CF . CEPENDANT , SOMMAIRE DE L ' ARRET 32-33/58 DU 6 JUILLET 1959 , NO 1 )
* / 658J0032 /*
* / 658J0033 /*
2 . A ) L ' APPRECIATION JURIDIQUE D ' UNE MESURE DE LA HAUTE AUTORITE DEPEND AVANT TOUT DE SON OBJET ET DE SON CONTENU .
B ) LORSQUE LA HAUTE AUTORITE ADRESSE UNE LETTRE A UN ORGANISME AUXILIAIRE PAR ELLE CHARGE DE L ' EXECUTION DE CERTAINES TACHES PRECISES , EN LUI COMMUNIQUANT CERTAINS PRINCIPES GENERAUX ET NOTAMMENT EN LE CHARGEANT DE CONTINUER UNE CERTAINE PRATIQUE SUIVIE JUSQUE-LA , CETTE LETTRE PEUT CONSTITUER UNE SIMPLE INSTRUCTION INTERNE DE SERVICE , MEME SI ELLE A ETE PUBLIEE AU JOURNAL OFFICIEL ET SI ELLE SE REFERE AUX MESURES QUE L ' ORGANISME DOIT PRENDRE A L ' EGARD DES ENTREPRISES DE LA COMMUNAUTE .
CELA EST VRAI EN TOUT CAS S ' IL RESULTE DE LA LETTRE QUE LA HAUTE AUTORITE N ' A PAS ENTENDU PRENDRE UNE DECISION , MAIS QU ' ELLE ENTENDAIT SIMPLEMENT CONFIRMER DES PRINCIPES QU ' ELLE CROYAIT A TORT OU A RAISON POUVOIR DEDUIRE LOGIQUEMENT DE SES DECISIONS ANTERIEURES . LA CIRCONSTANCE QU ' A L ' EGARD DE TIERS UN AGENT DE LA HAUTE AUTORITE AIT QUALIFIE CETTE LETTRE DE " DECISION " NE PRIVE PAS DE VALEUR L ' AFFIRMATION CI-DESSUS .
( CF . SOMMAIRE DE L ' ARRET 20-58 DU 6 JUILLET 1959 )
3 . LORSQUE LA HAUTE AUTORITE APPLIQUE DES PRINCIPES QU ' ELLE A ETABLIS DANS UNE INSTRUCTION INTERNE DE SERVICE ET QUI ONT POUR OBJET L ' INTERPRETATION D ' UNE DECISION GENERALE , LE BIEN-FONDE DE CETTE INTERPRETATION PEUT ETRE CONTROLE AU COURS D ' UN RECOURS EN ANNULATION FORME CONTRE UNE DECISION INDIVIDUELLE .
( CF . SOMMAIRE DE L ' ARRET 32-33/58 DU 6 JUILLET 1959 , NO 4 )
4 . A ) SI LA HAUTE AUTORITE CREE UN MECANISME FINANCIER POUR ASSURER UN APPROVISIONNEMENT ORDONNE DU MARCHE COMMUN EN FERRAILLE , ET SI , CE FAISANT , ELLE DISPOSE QUE LES ENTREPRISES SONT SOUMISES AU PRELEVEMENT POUR DES FERRAILLES D ' ACHAT , ALORS QUE LES RESSOURCES PROPRES EN SONT EXONEREES , LES LIVRAISONS DE FERRAILLE QU ' UNE ENTREPRISE RECOIT D ' UNE ENTREPRISE EXPLOITEE SOUS UNE AUTRE RAISON SOCIALE NE DOIVENT PAS ETRE CONSIDEREES COMME RESSOURCES PROPRES , MEME SI LES DEUX ENTREPRISES
SONT LIEES ETROITEMENT SUR LES PLANS DE L ' ADMINISTRATION , DE L ' ORGANISATION OU DES FINANCES ( " FERRAILLES DE GROUPE " ) .
B ) L ' EXONERATION DES FERRAILLES DE GROUPE SERAIT DISCRIMINATOIRE , CAR ELLE ABOUTIRAIT A CE QUE LA PRODUCTION D ' ACIER , QUI REPOSE TOTALEMENT OU EN PARTIE SUR LES FERRAILLES , DEPENDRAIT DE LA STRUCTURE JURIDIQUE OU FINANCIERE OU DE L ' ORGANISATION , SOUVENT CHANGEANTES , DES ENTENTES INDUSTRIELLES .
C ) EN REVANCHE , L ' EXONERATION DES RESSOURCES PROPRES EST LEGALE , NOTAMMENT PARCE QU ' ELLE FAVORISE UNE AUGMENTATION DE LA PRODUCTION QUI EST EXCLUSIVEMENT LE RESULTAT DES EFFORTS PARTICULIERS DES DIVERSES ENTREPRISES ET QUI EST , DE CE FAIT , CONFORME AU PRINCIPE DE LA CONCURRENCE , EN OUTRE PARCE QU ' IL RESULTE D ' UN RAISONNEMENT A MAJORE AD MINUS TIRE DE L ' ANNEXE II , B , ALINEA 2 DU TRAITE INSTITUANT LA C.E.C.A . QUE " LES FERRAILLES DE CHUTE UTILISEES DIRECTEMENT PAR LES ENTREPRISES "
DOIVENT ETRE FAVORISEES A FORTIORI LORSQU ' IL S ' AGIT D ' INTERVENTIONS INDIRECTES DE LA HAUTE AUTORITE .
( CF . SOMMAIRE DE L ' ARRET 32-33/58 DU 6 JUILLET 1959 , NO 6 )
5 . DOIVENT ETRE CONSIDEREES EN PRINCIPE COMME DISCRIMINATOIRES ET , PAR CONSEQUENT , COMME INTERDITES PAR LE TRAITE , LES MESURES OU LES INTERVENTIONS , Y COMPRIS CELLES DE LA HAUTE AUTORITE QUI SONT SUSCEPTIBLES D ' AUGMENTER CONSIDERABLEMENT LES ECARTS DANS LES COUTS DE PRODUCTION , SAUF S ' IL S ' AGIT DE MODIFICATIONS DANS LA PRODUCTIVITE , ET LORSQU ' ELLES PROVOQUENT , DE CE FAIT , DES TROUBLES SENSIBLES DANS L ' EQUILIBRE CONCURRENTIEL DES ENTREPRISES TOUCHEES , EN D ' AUTRES TERMES , LORSQU
' ELLES SERVENT OU ABOUTISSENT A FAUSSER LA CONCURRENCE DE MANIERE ARTIFICIELLE ET CONSIDERABLE .
( CF . SOMMAIRE DE L ' ARRET 32-33/58 DU 6 JUILLET 1959 , NO 7 )
6 . LA STRUCTURE GENERALE DU TRAITE ET SES PRINCIPES ESSENTIELS FONT SUPPOSER QUE L ' EXPRESSION " PRODUCTIVITE " AU SENS DE L ' ARTICLE 67 NE SE REFERE QU ' AUX RESULTATS DES EFFORTS D ' UNE ENTREPRISE EN PARTICULIER . IL FAUT NOTAMMENT L ' ENTENDRE COMME ETANT CONTRAIRE A UNE AMELIORATION DE LA SITUATION D ' UNE ENTREPRISE SUR LE PLAN DE LA CONCURRENCE QUI TIENDRAIT A DES INTERVENTIONS DE L ' AUTORITE PUBLIQUE OU A LA CREATION D ' UNE ENTENTE OU D ' UNE CONCENTRATION ; CAR , MEME LORSQU ' ILS SONT
AUTORISES OU SUSCEPTIBLES DE JOUIR D ' UNE AUTORISATION , TOUS CES PROCEDES SONT A CONSIDERER COMME DES EFFETS ARTIFICIELS SUR LA CONCURRENCE .
( CF . SOMMAIRE DE L ' ARRET 32-33/58 DU 6 JUILLET 1959 , NO 8 )
Parties
DANS L ' AFFAIRE
ENTRE
LA SOCIETE DES ACIERS FINS DE L ' EST ( S.A.F.E . ) ,
SOCIETE ANONYME AYANT SON SIEGE SOCIAL A PARIS ,
POUR LAQUELLE DOMICILE A ETE ELU EN L ' ETUDE DE ME GEORGES MARGUE , 6 , RUE ALPHONSE-MUNCHEN , LUXEMBOURG , PARTIE REQUERANTE ,
REPRESENTEE PAR SON DIRECTEUR GENERAL EN EXERCICE , M . EUGENE DE SEZE ,
ASSISTEE DE MES P . O . LAPIE ET JEAN DE RICHEMONT , L ' UN ET L ' AUTRE AVOCATS A LA COUR D ' APPEL DE PARIS
ET
LA HAUTE AUTORITE DE LA COMMUNAUTE EUROPEENNE DU CHARBON ET DE L ' ACIER ,
POUR LAQUELLE DOMICILE A ETE ELU A SON SIEGE , 2 , PLACE DE METZ , LUXEMBOURG , PARTIE DEFENDERESSE ,
REPRESENTEE PAR SON CONSEILLER JURIDIQUE , M . FRANS VAN HOUTEN , EN QUALITE D ' AGENT ,
ASSISTEE DE ME JEAN COUTARD , AVOCAT AU CONSEIL D ' ETAT A PARIS ,
Objet du litige
AYANT POUR OBJET DES RECOURS EN ANNULATION ET EN CARENCE ET DES EXCEPTIONS D ' ILLEGALITE FORMES CONTRE LA LETTRE DE LA DIVISION DU MARCHE DE LA HAUTE AUTORITE DU 31 JUILLET 1958 NOTIFIEE A LA REQUERANTE , CONTRE LA DECISION IMPLICITE DE REFUS PRETENDUE RESULTER DU SILENCE GARDE PAR L ' ADMINISTRATION SUR UNE DEMANDE EN DEROGATION PRESENTEE PAR LA REQUERANTE , AINSI QUE CONTRE LES LETTRES DE LA HAUTE AUTORITE DES 18 DECEMBRE 1957 ET 17 AVRIL 1958 ( JOURNAL OFFICIEL DE LA COMMUNAUTE DU 1ER FEVRIER
1958 , PP . 45 ET SUIV
Motifs de l'arrêt
P . 399
QUANT A LA RECEVABILITE
1 ) LE RECOURS CONTRE LA LETTRE DE LA DIVISION DU MARCHE DE LA HAUTE AUTORITE DU 31 JUILLET 1958 A-T-IL ETE INTRODUIT DANS LES DELAIS ?
ATTENDU QUE LA REQUERANTE N ' ATTAQUE CETTE LETTRE , QU ' ELLE QUALIFIE DE " DECISION DE SURSIS A STATUER " , QU ' " EN TANT QUE DE BESOIN " ;
- QUE , SI LA LETTRE DU 31 JUILLET 1958 CONSTITUE UNE DECISION , CE FAIT EST DETERMINANT POUR LA DECISION DE LA COUR SUR LE RECOURS EN CARENCE , PUISQUE LA REQUERANTE NE POURRAIT ALORS SOUTENIR QUE LA DEFENDERESSE N ' A PRIS AUCUNE DECISION DANS LE DELAI DE DEUX MOIS SUIVANT LA LETTRE DE LA REQUERANTE DU 23 JUILLET 1958 ; QU ' IL CONVIENT DES LORS D ' EXAMINER LA RECEVABILITE DE CE RECOURS ;
ATTENDU QUE LA DEFENDERESSE SOULEVE LE MOYEN D ' IRRECEVABILITE TIRE DE CE QUE LE RECOURS CONTRE LA LETTRE DU 31 JUILLET 1958 N ' AURAIT PAS ETE PRESENTE DANS LES DELAIS ;
- QUE LA REQUERANTE A SON SIEGE A PARIS , DONC EN FRANCE METROPOLITAINE ; QUE , DES LORS , CONFORMEMENT AUX ARTICLES 33 , ALINEA 3 , DU TRAITE C.E.C.A . ET 85 , PARAGRAPHES 1 ET 2 , DU REGLEMENT DE LA COUR DE JUSTICE DE LA C.E.C.A . , LE DELAI IMPARTI A LA REQUERANTE POUR ATTAQUER LADITE LETTRE EXPIRAIT UN MOIS ET TROIS JOURS A COMPTER DU JOUR SUIVANT LA NOTIFICATION DE CELLE-CI ;
- QUE LE RECOURS A ETE DEPOSE AU GREFFE DE LA COUR LE 20 OCTOBRE 1958 ; QUE , PAR CONSEQUENT , IL N ' A ETE INTRODUIT DANS LES DELAIS QUE SI LA LETTRE DU 31 JUILLET 1958 N ' EST PARVENUE A LA REQUERANTE QU ' AU PLUS TOT LE 17 SEPTEMBRE 1958 ;
- QUE LA REQUERANTE , INTERROGEE A CE SUJET PAR LA COUR , N ' A FOURNI AUCUNE EXPLICATION ; QUE , PAR CONTRE , LA DEFENDERESSE A DECLARE FORMELLEMENT QUE LADITE LETTRE , DANS SON REGISTRE DES SORTIES DE COURRIER , A ETE ENREGISTREE A LA DATE DU 1ER AOUT 1958 ; QUE CETTE CONSTATATION N ' A PAS ETE CONTESTEE PAR LA REQUERANTE ; QUE , CEPENDANT , LA DATE EXACTE A LAQUELLE LADITE LETTRE EST PARVENUE A LA REQUERANTE N ' A PU ETRE ETABLIE ;
P . 400
- QU ' IL PARAIT CEPENDANT EXCLU QU ' UNE LETTRE , EXPEDIEE LE 1ER AOUT 1958 DE LUXEMBOURG ET QUE LA REQUERANTE RECONNAIT AVOIR RECUE , NE SOIT PAS ARRIVEE A BOULOGNE-BILLANCOURT , OU ELLE A ETE ADRESSEE , AVANT LE 17 SEPTEMBRE 1958 ; QU ' EN CONSEQUENCE , IL EST ETABLI QUE LE RECOURS DIRIGE CONTRE LA LETTRE DU 31 JUILLET 1958 N ' A PAS ETE INTRODUIT DANS LES DELAIS ;
- QUE , DES LORS , CE RECOURS EST IRRECEVABLE .
2 ) LE RECOURS EN CARENCE EST-IL RECEVABLE ?
ATTENDU QUE LA DEFENDERESSE NE SOULEVE PAS D ' OBJECTIONS QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS EN CARENCE , EN CE QU ' ELLE ADMET QU ' AUCUNE DECISION N ' EST INTERVENUE DANS LE DELAI DE DEUX MOIS PREVU A L ' ARTICLE 35 , ALINEA 3 , DU TRAITE C.E.C.A . ; QUE , CEPENDANT , CETTE QUESTION DOIT ETRE EXAMINEE D ' OFFICE PAR LA COUR ;
ATTENDU QU ' A SA LETTRE DU 23 JUILLET 1958 PAR LAQUELLE LA REQUERANTE A SAISI LA HAUTE AUTORITE D ' UNE DEMANDE EN DEROGATION , ELLE N ' A RECU D ' AUTRE REPONSE QU ' UNE LETTRE DU DIRECTEUR DE LA DIVISION DU MARCHE DE LA HAUTE AUTORITE DATEE DU 31 JUILLET 1958 ET DECLARANT QUE LA QUESTION ETAIT " MISE A L ' ETUDE " ; QUE CETTE LETTRE NE CONSTITUE PAS UNE DECISION AU SENS DU TRAITE ;
- QU ' IL Y A DONC DECISION IMPLICITE DE REJET , CONFORMEMENT A L ' ARTICLE 35 PRECITE ; QUE LE RECOURS INTENTE CONTRE CETTE DECISION A ETE MANIFESTEMENT PRESENTE DANS LES DELAIS ;
- QUE LE RECOURS EN CARENCE EST DONC RECEVABLE .
QUANT AU FOND
1 ) LA REQUERANTE PEUT-ELLE SOULEVER UNE EXCEPTION D ' ILLEGALITE CONTRE LES LETTRES DE LA HAUTE AUTORITE DES 18 DECEMBRE 1957 ET 17 AVRIL 1958 ?
ATTENDU QUE SELON LA JURISPRUDENCE CONSTANTE DE LA COUR , L ' ENTREPRISE QUI ATTAQUE UNE DECISION INDIVIDUELLE EST HABILITEE A SOULEVER L ' EXCEPTION D ' ILLEGALITE CONTRE LES DECISIONS GENERALES QUI EN CONSTITUENT LA BASE ;
P . 401
- QUE LES PARTIES SONT D ' ACCORD SUR LE FAIT QUE LA DECISION IMPLICITE DE REJET RESULTANT DU SILENCE DE PLUS DE DEUX MOIS QUE LA HAUTE AUTORITE A GARDE AU SUJET DE LA LETTRE DE LA REQUERANTE DU 23 JUILLET 1958 , EST BASEE SUR LES PRINCIPES ENONCES DANS LES LETTRES PRECITEES DE LA HAUTE AUTORITE ; QU ' EN EFFET IL EN EST MANIFESTEMENT AINSI ; QU ' IL CONVIENT DONC D ' EXAMINER SI CES LETTRES CONSTITUENT DES DECISIONS .
A ) LA LETTRE DU 18 DECEMBRE 1957 CONSTITUE-T-ELLE UNE DECISION ?
ATTENDU QUE LA LETTRE DE LA HAUTE AUTORITE EN DATE DU 18 DECEMBRE 1957 ENONCE UN PRINCIPE GENERAL EN TANT QU ' ELLE SE RAPPORTE A LA DEFINITION DE LA NOTION DE " RESSOURCES PROPRES " EN MATIERE DE FERRAILLE ;
- QUE CETTE LETTRE A ETE PUBLIEE AU JOURNAL OFFICIEL DE LA COMMUNAUTE LE 1ER FEVRIER 1958 ET PORTEE AINSI A LA CONNAISSANCE DE TOUTES LES ENTREPRISES DE LA COMMUNAUTE ;
- QU ' ELLE A ETE QUALIFIEE DE " DECISION " PAR LA DIVISION DU MARCHE , DANS UNE LETTRE EN DATE DU 19 FEVRIER 1958 , EN REPONSE A UNE DEMANDE FORMELLE DE LA " DEUTSCHE SCHROTTVERBRAUCHER-GEMEINSCHAFT " , ADRESSEE A LA HAUTE AUTORITE LE 6 FEVRIER 1958 ;
ATTENDU CEPENDANT QUE , CONTRAIREMENT A L ' ARGUMENTATION DE LA PARTIE REQUERANTE , CETTE LETTRE DU 18 DECEMBRE 1957 NE SAURAIT ETRE CONSIDEREE A BON DROIT COMME UNE DECISION AU SENS DU TRAITE ;
ATTENDU , EN EFFET , QUE S ' IL EST EXACT QUE CETTE LETTRE DU 18 DECEMBRE 1957 FAISAIT SUITE A UNE DEMANDE DE L ' O.C.C.F . TENDANT A CE QUE , FAUTE D ' UNANIMITE DES MEMBRES DE CET ORGANISME SUR LE SENS DES TERMES " RESSOURCES PROPRES " , LA HAUTE AUTORITE DEFINISSE CETTE NOTION CONFORMEMENT A L ' ARTICLE 15 , ALINEA 2 , DE LA DECISION 2-57 , LA HAUTE AUTORITE A NEANMOINS REPONDU QUE LE PROBLEME AINSI EXPOSE PAR L ' O.C.C.F . " ETAIT MAL POSE " , ETANT DONNE QUE CET ORGANISME " DES LE DEBUT . . .
AVAIT IMPLICITEMENT ADOPTE LA NOTION DE RESSOURCES PROPRES SUIVANT LA VALEUR SEMANTIQUE DU TERME " ET QUE CE CRITERE DEVAIT ETRE MAINTENU ;
- QU ' IL S ' ENSUIT QUE LA HAUTE AUTORITE N ' ENTENDAIT PAS PRENDRE UNE DECISION , COMME ELLE Y ETAIT FORMELLEMENT INVITEE , MAIS BIEN SIMPLEMENT REAFFIRMER DES PRINCIPES DONT ELLE ESTIMAIT , A TORT OU A RAISON , QU ' ILS SE DEGAGEAIENT LOGIQUEMENT DE LA DECISION DE BASE 2-57 ;
P . 402
ATTENDU QUE CETTE CONSTATATION TROUVE UNE CONFIRMATION DANS LE FAIT QU ' UNE MODIFICATION DE LA DECISION 2-57 AURAIT NECESSITE , AUX TERMES DE L ' ARTICLE 53 B DU TRAITE , L ' AVIS CONFORME PREALABLE DU CONSEIL DE MINISTRES STATUANT A L ' UNANIMITE , CONDITION QUI N ' A PAS ETE REMPLIE EN L ' ESPECE ; QUE , PAR AILLEURS , RIEN NE PERMET DE SUPPOSER QUE LA HAUTE AUTORITE AURAIT SCIEMMENT VIOLE CETTE PRESCRIPTION IMPERATIVE ;
ATTENDU QUE CES CONSIDERATIONS NE SONT PAS INFIRMEES PAR LE FAIT QUE , REPONDANT A UNE DEMANDE FORMELLE DE LA " DEUTSCHE SCHROTTVERBRAUCHERGEMEINSCHAFT " , ADRESSEE EN DATE DU 6 FEVRIER 1958 A LA HAUTE AUTORITE , LA DIVISION DU MARCHE A REPONDU PAR LETTRE DU 19 FEVRIER 1958 QUE LA LETTRE DU 18 DECEMBRE 1957 ETAIT BIEN UNE " DECISION " ;
- QU ' EN EFFET , CETTE REPONSE DE LA DIVISION DU MARCHE EXPRIME , DE PAR SON TEXTE MEME , L ' OPINION D ' UN FONCTIONNAIRE DE LA HAUTE AUTORITE ET NE TRADUIT PAS NECESSAIREMENT , EN L ' ESPECE ET A ELLE SEULE , LES INTENTIONS DE CELLE-CI ;
ATTENDU TOUTEFOIS QUE LES DIVERS ELEMENTS SUBJECTIFS , CI-DESSUS EXPOSES , NE SAURAIENT , A EUX SEULS , ETRE DECISIFS POUR DETERMINER LA NATURE DE LA LETTRE DU 18 DECEMBRE 1957 EN CAUSE , LA NATURE D ' UN ACTE DEPENDANT AVANT TOUT DE SON OBJET ET DE SON CONTENU ;
ATTENDU QUE LADITE LETTRE SE PRESENTE COMME ETANT UNE DIRECTIVE D ' ORDRE INTERNE ADRESSEE PAR UN SUPERIEUR HIERARCHIQUE A DES SERVICES QUI RELEVENT DE SA COMPETENCE ET DESTINEE A ORIENTER L ' ACTIVITE DE CES DERNIERS ;
- QUE SI DONC CETTE LETTRE A PU FAIRE NAITRE DES OBLIGATIONS IMMEDIATES , CE NE PEUT ETRE QUE DANS LE CHEF DE L ' ORGANISME DESTINATAIRE ET NON PAS DANS CELUI DES ENTREPRISES CONSOMMATRICES DE FERRAILLE , CETTE SITUATION ETANT CORROBOREE , AU SURPLUS , PAR LE FAIT QUE CETTE LETTRE DATEE DU 18 DECEMBRE 1957 , N ' A ETE PUBLIEE AU JOURNAL OFFICIEL DE LA COMMUNAUTE QUE LE 1ER FEVRIER 1958 ;
- QUE , DES LORS , LA LETTRE DU 18 DECEMBRE 1957 N ' EST PAS UNE DECISION AU SENS DU TRAITE .
P . 403
B ) LA LETTRE DU 17 AVRIL 1958 CONSTITUE-T-ELLE UNE DECISION ?
ATTENDU QUE , D ' UNE MANIERE GENERALE , LES CONSIDERATIONS DEVELOPPEES CI-DESSUS AU SUJET DE LA LETTRE DU 18 DECEMBRE 1957 SONT EGALEMENT VALABLES POUR LA LETTRE DU 17 AVRIL 1958 ;
- QUE , SUR UN PLAN PARTICULIER , CELLE-CI EST DESTINEE UNIQUEMENT A EXPLIQUER A L ' O.C.C.F . LES RAISONS POUR LESQUELLES LA HAUTE AUTORITE , PAR LA LETTRE DU 18 DECEMBRE , AVAIT APPROUVE LES DEROGATIONS ACCORDEES A DEUX ENTREPRISES DETERMINEES , LES ATELIERS DE CELLES-CI ETANT " INTEGRES LOCALEMENT AVEC UN OU PLUSIEURS ATELIERS NE LEUR APPARTENANT PAS ET DANS LESQUELS DE LA FERRAILLE EST RECUPEREE " ; QUE LA LETTRE NE POSE DONC PAS UN PRINCIPE NOUVEAU , MAIS SE BORNE A AFFIRMER EXPLICITEMENT UN
PRINCIPE QU ' IMPLICITEMENT L ' ADMINISTRATION AVAIT DEJA APPLIQUE DANS LA MISE EN OEUVRE DE LA DECISION 2-57 ;
- QUE , DES LORS , LA LETTRE DU 17 AVRIL 1958 NE CONSTITUE PAS UNE DECISION AU SENS DU TRAITE .
2 ) LA COUR PEUT-ELLE EXAMINER LA LEGALITE DES PRINCIPES ENONCES DANS LES LETTRES DES 18 DECEMBRE 1957 ET 17 AVRIL 1958 ?
ATTENDU QUE , DES L ' INSTANT QUE LES PRINCIPES ENONCES DANS LES SUSDITES LETTRES FURENT APPLIQUES PAR L ' ADMINISTRATION , ILS SE SITUAIENT DANS LE CADRE DE L ' INTERPRETATION ET DE L ' APPLICATION DE LA DECISION 2-57 ;
- QUE L ' INTERPRETATION DE LA HAUTE AUTORITE AFFECTE LES DROITS DE LA REQUERANTE A PARTIR DU MOMENT OU LES SERVICES , AUXQUELS LES LETTRES DES 18 DECEMBRE 1957 ET 17 AVRIL 1958 ETAIENT ADRESSEES , APPLIQUENT CETTE INTERPRETATION A SON EGARD ;
- QUE , DES LORS , IL Y A LIEU D ' EXAMINER SI L ' INTERPRETATION DE LA DECISION 2-57 , TELLE QU ' ELLE RESSORT DES LETTRES DES 18 DECEMBRE 1957 ET 17 AVRIL 1958 , EST LEGALE .
3 ) EST-IL LEGAL DE SOUMETTRE LA FERRAILLE DE GROUPE A LA PEREQUATION ?
A ) ATTENDU QU ' AUX TERMES DE L ' ARTICLE 2 DE LA DECISION 2-57 , " LES ENTREPRISES VISEES A L ' ARTICLE 80 DU TRAITE , CONSOMMATRICES DE FERRAILLE , SONT ASTREINTES AU VERSEMENT DE CONTRIBUTIONS " DE PEREQUATION ;
P . 404
- QU ' EN VERTU DE L ' ARTICLE 4 DE LA MEME DECISION , CES CONTRIBUTIONS SONT CALCULEES SUR LA BASE DES RECEPTIONS " DE FERRAILLE D ' ACHAT " , ALORS QUE LES " RESSOURCES PROPRES " SONT EXEMPTES DE PEREQUATION ;
- QUE LES LIVRAISONS DE FERRAILLE A LA REQUERANTE , EFFECTUEES PAR LA " REGIE RENAULT " , CONSTITUENT DES ACHATS , PUISQU ' IL Y A ACCORD SUR LE TRANSFERT DE LA PROPRIETE CONTRE UN PRIX ;
- QUE , DE CE FAIT , SELON LE TEXTE DE LA DECISION 2-57 , CES FERRAILLES SONT SOUMISES A LA PEREQUATION ; QUE LA REQUERANTE DEMANDE UNE EXEMPTION , ESTIMANT QUE LA FERRAILLE DE GROUPE DEVRAIT ETRE ASSIMILEE AUX RESSOURCES PROPRES ; QU ' IL FAUT DONC EXAMINER SI CETTE ASSIMILATION SE JUSTIFIE .
B ) ATTENDU QUE LA HAUTE AUTORITE INTERPRETE LA NOTION DE " RESSOURCES PROPRES " , AINSI QU ' IL APPERT A LA LECTURE DE LA LETTRE DU 18 DECEMBRE 1957 , EN CE SENS QUE SEULES LES FERRAILLES RECUPEREES PAR UNE ENTREPRISE DANS SES PROPRES ETABLISSEMENTS PORTANT LA MEME RAISON SOCIALE SONT CONSIDEREES COMME " RESSOURCES PROPRES " , ALORS QUE LES FERRAILLES FOURNIES PAR UN ATELIER EXPLOITE SOUS UNE AUTRE RAISON SOCIALE SONT CONSIDEREES COMME FERRAILLES D ' ACHAT MEME DANS LE CAS OU IL EXISTE D ' ETROITS
LIENS FINANCIERS OU ADMINISTRATIFS ENTRE LE FOURNISSEUR ET L ' UTILISATEUR .
C ) ATTENDU CEPENDANT QU ' IL FAUT EXAMINER SI L ' IMPOSITION DE LA FERRAILLE DE GROUPE - ET L ' EXEMPTION DES CHUTES PROPRES - EST COMPATIBLE AVEC LES BUTS DU MECANISME FINANCIER QU ' EST LE SYSTEME DE PEREQUATION ;
I ) ATTENDU QUE SELON LA REQUERANTE AUCUN MOTIF VALABLE NE PERMET DE SOUMETTRE LA FERRAILLE DE GROUPE AU SYSTEME DE PEREQUATION , PARCE QUE LES OPERATIONS ENTRE LES DIFFERENTES SOCIETES AFFILIEES SE PASSENT EN DEHORS DU MARCHE DE LA FERRAILLE ET N ' EXERCENT - DE CE FAIT - AUCUNE INFLUENCE SUR L ' EVOLUTION DES PRIX ;
- QUE , SELON LA REQUERANTE , LE BUT DE LA PEREQUATION CONSISTE A MAINTENIR LES PRIX DE LA FERRAILLE A UN NIVEAU RAISONNABLE , DE SORTE QU ' IL FAUT EXEMPTER DE LA PEREQUATION TOUT TRANSFERT DE FERRAILLE NON SUSCEPTIBLE D ' AVOIR DES REPERCUSSIONS SUR LE NIVEAU DES PRIX ;
P . 405
ATTENDU QU ' EN EFFET , LE BUT DE LA PEREQUATION CONSISTE A MAINTENIR LES PRIX DE FERRAILLE A UN NIVEAU ACCEPTABLE ; QUE , CEPENDANT , LA HAUTE AUTORITE , EN VUE D ' ATTEINDRE CET OBJECTIF , A INSTITUE UN MECANISME FINANCIER , DONT LE PRINCIPE EST DE FAIRE SUPPORTER PAR L ' ENSEMBLE DES CONSOMMATEURS DE FERRAILLE L ' EXCEDENT DE PRIX DE LA FERRAILLE IMPORTEE ;
- QUE , PARTANT , CE N ' EST PAS LA PARTICIPATION AU MARCHE DE FERRAILLE QUI DONNE LIEU AU PRELEVEMENT DE PEREQUATION MAIS LA CONSOMMATION DE FERRAILLE ;
- QUE LES CONSOMMATEURS SONT DONC ASTREINTS AU VERSEMENT DE CONTRIBUTIONS DE PEREQUATION EN VUE DE FINANCER LE FONDS DE PEREQUATION ;
- QUE , PAR CONSEQUENT , CE GRIEF DE LA REQUERANTE DOIT ETRE REJETE .
II ) ATTENDU CEPENDANT QUE LA DECISION 2-57 PREVOIT UNE DISTINCTION ENTRE LA FERRAILLE D ' ACHAT ET LES RESSOURCES PROPRES , CE QUI CONSTITUE , EN CE QUI CONCERNE CES DERNIERES , UNE EXCEPTION A LA REGLE GENERALE MENTIONNEE CI-DESSUS ;
- QU ' IL FAUT DONC EXAMINER SI L ' EXONERATION DES " RESSOURCES PROPRES " EST LEGALE ;
- QUE CETTE EXCEPTION A TRAIT EN PREMIER LIEU AUX CHUTES PROVENANT DE LA PRODUCTION DE L ' ACIER PAR LES ENTREPRISES SOUMISES A LA JURIDICTION DE LA COMMUNAUTE ;
- QUE CES CHUTES NE SAURAIENT ETRE SOUMISES AUX CONTRIBUTIONS DE PEREQUATION QU ' AU RISQUE D ' IMPOSER DEUX FOIS LA MEME QUANTITE DE FERRAILLE , IMPOSITION QUI SERAIT MANIFESTEMENT INJUSTE .
D ) ATTENDU QUE LES DEVELOPPEMENTS QUI PRECEDENT SE TROUVENT CONFIRMES PAR LA NOTION DE DISCRIMINATION TELLE QU ' ELLE RESSORT NOTAMMENT DES ARTICLES 2 , ALINEA 2 , 3 B , 60 ET 67 DU TRAITE ;
I ) QU ' EN PARTANT DES DISPOSITIONS SUSMENTIONNEES , ON PEUT CONSIDERER EN PRINCIPE POUR DISCRIMINATOIRE ET , PAR CONSEQUENT , INTERDITE PAR LE TRAITE NOTAMMENT TOUTE ACTION OU INTERVENTION , MEME EMANANT DE LA HAUTE AUTORITE , QUI SERAIT DE NATURE A ELARGIR SUBSTANTIELLEMENT , AUTREMENT QUE PAR VARIATION DES RENDEMENTS , LES DIFFERENCES DE COUTS DE PRODUCTION ET A PROVOQUER AINSI UN DESEQUILIBRE SENSIBLE DANS LA SITUATION CONCURRENTIELLE DES ENTREPRISES INTERESSEES ;
P . 406
- QU ' EN D ' AUTRES TERMES TOUTE INTERVENTION AYANT POUR BUT OU POUR EFFET DE FAUSSER ARTIFICIELLEMENT ET SUBSTANTIELLEMENT LE JEU DE LA CONCURRENCE DOIT ETRE CONSIDEREE COMME DISCRIMINATOIRE ET INCOMPATIBLE AVEC LE TRAITE , TANDIS QU ' ON NE PEUT PAS CONSIDERER COMME DISCRIMINATOIRES LES MESURES QUI TIENNENT COMPTE DE L ' ORGANISATION INTERNE D ' UNE ENTREPRISE ET DE L ' UTILISATION PAR ELLE DE SES PROPRES RESSOURCES ;
ATTENDU QUE L ' UTILISATION DES CHUTES PROPRES PAR UNE ENTREPRISE PRODUCTRICE D ' ACIER ET UTILISATRICE DE FERRAILLE REMET DANS LE CYCLE DE PRODUCTION UN DE SES SOUS-PRODUITS ;
- QUE , PAR LA , ELLE PRESENTE MANIFESTEMENT DANS LE PROCESSUS DE PRODUCTION DE L ' ACIER A PARTIR DE LA FERRAILLE UNE AUGMENTATION DE LA QUANTITE D ' ACIER TIREE DE LA MEME QUANTITE DE FERRAILLE QUI A DEJA ETE SOUMISE A LA PEREQUATION , DONC UNE AUGMENTATION ACQUISE DES RENDEMENTS ;
- QU ' UNE INTERVENTION ENCOURAGEANT CES MESURES INTERNES D ' ECONOMIE , LOIN DE FAUSSER LE JEU DE LA CONCURRENCE , FAVORISE BIEN AU CONTRAIRE LES VARIATIONS DU RENDEMENT DANS LE SENS D ' UNE PLUS GRANDE PRODUCTIVITE , PAR UNE FORME DE CONCURRENCE QUALIFIEE EN ALLEMAND DE LEISTUNGSWETTBEWERB ; QUE PAREILLE INTERVENTION EST DONC CONFORME AU TRAITE ;
ATTENDU QU ' AU SURPLUS IL RESULTE DE L ' ANNEXE II AU TRAITE C.E.C.A . , LIT . B , ALINEA 2 , " QUE LES FERRAILLES DE CHUTE UTILISEES DIRECTEMENT PAR LES ENTREPRISES " JOUISSENT D ' UN TRAITEMENT PRIVILEGIE MEME DANS LE CAS DE L ' INTERVENTION DIRECTE PREVUE A L ' ARTICLE 59 DU TRAITE , QU ' IL EN DOIT ETRE AINSI A FORTIORI LORSQU ' IL S ' AGIT DE L ' APPLICATION DE MESURES D ' INTERVENTION INDIRECTES TELLES QUE CELLES VISEES PAR L ' ARTICLE 53 ;
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ATTENDU QU ' IL RESULTE DE TOUT CE QUI PRECEDE QUE L ' EXEMPTION DES RESSOURCES PROPRES N ' EST PAS DISCRIMINATOIRE ET , DES LORS , EST LEGITIME .
II ) ATTENDU QUE L ' ASSIMILATION DES FERRAILLES DE GROUPE AUX CHUTES PROPRES DEBORDERAIT LE SENS ET LA RAISON DE L ' EXEMPTION ET CONSTITUERAIT UN AVANTAGE DISCRIMINATOIRE A L ' EGARD DES AUTRES ENTREPRISES ;
- QUE L ' ABAISSEMENT DU COUT DE PRODUCTION CONSECUTIF A UNE EXONERATION DES FERRAILLES DE GROUPE SERAIT DE NATURE A ELARGIR SUBSTANTIELLEMENT , SELON LES TERMES MEMES DE L ' ARTICLE 67 DU TRAITE , LES DIFFERENCES DE COUT DE PRODUCTION ENTRE CES ENTREPRISES ET CELLES QUI PRODUISENT EGALEMENT DE L ' ACIER A PARTIR DE LA FERRAILLE MAIS QUI NE SONT PAS INTEGREES A UNE ENTREPRISE PRODUCTRICE DE CETTE MATIERE PREMIERE ;
- QUE CET ELARGISSEMENT DES DIFFERENCES DES COUTS DE PRODUCTION NE RESULTERAIT PAS DE VARIATIONS DES RENDEMENTS , MAIS SERAIT L ' EFFET DES LIENS CONTINGENTS , GEOGRAPHIQUES , ADMINISTRATIFS OU FINANCIERS , QUI SONT A LA BASE DE LA NOTION DE " GROUPE " ; QU ' EN EFFET , ON DOIT DEGAGER DE L ' ECONOMIE DU TRAITE ET DE SES PRINCIPES FONDAMENTAUX QUE LE TERME " RENDEMENT " NE SE REFERE QU ' AU RESULTAT DES EFFORTS DEPLOYES PAR UNE ENTREPRISE ; QU ' IL FAUT L ' ENTENDRE NOTAMMENT PAR OPPOSITION A TOUTE
AMELIORATION DE LA SITUATION CONCURRENTIELLE D ' UNE ENTREPRISE QUI SERAIT DUE , SOIT A DES INTERVENTIONS DES POUVOIRS PUBLICS , SOIT A LA REALISATION D ' UNE ENTENTE OU D ' UNE CONCENTRATION , PUISQUE TOUTES CES OPERATIONS , MEME LICITES OU SUSCEPTIBLES D ' AUTORISATION , MODIFIENT ARTIFICIELLEMENT LE JEU NORMAL DE LA CONCURRENCE .
E ) ATTENDU QU ' IL SERAIT MANIFESTEMENT CONTRAIRE AUX EXIGENCES DU TRAITE QU ' A LA SUITE D ' UNE INTERVENTION DE LA HAUTE AUTORITE LE COUT DE PRODUCTION DE L ' ACIER , FABRIQUE EN TOUT OU EN PARTIE A PARTIR DE LA FERRAILLE , DEPENDIT DE LA STRUCTURE JURIDIQUE , ADMINISTRATIVE OU FINANCIERE DES GROUPES INDUSTRIELS ;
- QUE LES VARIATIONS , INTERVENUES DANS LA STRUCTURE JURIDIQUE DU GROUPE DONT LES REQUERANTES INVOQUENT L ' EXISTENCE , EN MARQUENT L ' ARBITRAIRE ET LA MOBILITE ET EMPECHENT D ' Y VOIR UN FACTEUR SPECIFIQUE DU RENDEMENT DE L ' ENTREPRISE PRODUCTRICE D ' ACIER .
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F ) ATTENDU QUE , POUR TOUTES CES RAISONS , SI L ' EXONERATION DES CHUTES PROPRES EST COMPATIBLE AVEC LES DISPOSITIONS DU TRAITE , CELLES DES FERRAILLES DE GROUPE SERAIT GENERATRICE DE DISCRIMINATIONS INTERDITES PAR L ' ARTICLE 4 DU TRAITE ;
- QUE , DE CE FAIT , ELLE DOIT ETRE ELLE-MEME TENUE POUR INTERDITE PAR LE TRAITE , SANS QU ' IL SOIT NECESSAIRE , EN L ' ESPECE , DE TRANCHER LA QUESTION DE SAVOIR SI LA FERRAILLE , PROVENANT D ' UNE ENTREPRISE QUI N ' EST PAS PRODUCTRICE D ' ACIER ET , PARTANT , NON SOUMISE A LA JURIDICTION DE LA COMMUNAUTE , DEVRAIT , POUR CETTE RAISON , NE PAS ETRE EXEMPTE DE LA PEREQUATION , MEME SI ELLE FORME GROUPE AVEC L ' ENTREPRISE UTILISATRICE DE FERRAILLE OU EST EXPLOITEE SOUS LA MEME RAISON SOCIALE ;
ATTENDU QU ' IL RESULTE DES CONSIDERATIONS PRECEDENTES QUE LA DEFENDERESSE A AGI LEGALEMENT EN APPLIQUANT LE PRINCIPE SELON LEQUEL LA FERRAILLE DITE DE GROUPE DOIT ETRE CONSIDEREE COMME FERRAILLE D ' ACHAT ET , PARTANT , SOUMISE A PEREQUATION ET EN REAFFIRMANT LEDIT PRINCIPE DANS SA LETTRE DU 18 DECEMBRE 1957 .
4 ) DE L ' ARGUMENT TIRE DES EXONERATIONS DEJA ACCORDEES
ATTENDU QUE LA REQUERANTE A ALLEGUE PAR AILLEURS QUE LA HAUTE AUTORITE A EXONERE CERTAINES ENTREPRISES POUR AUTANT QU ' ELLES CONSOMMENT DE LA FERRAILLE EN PROVENANCE D ' ATELIERS QUI , SANS PORTER LA MEME RAISON SOCIALE QUE LES ATELIERS CONSOMMATEURS , SONT " INTEGRES LOCALEMENT " AVEC CES DERNIERS ;
- QUE , CEPENDANT , LA REQUERANTE N ' A PAS SOULEVE LA QUESTION DE SAVOIR SI CES EXONERATIONS SONT COMPATIBLES AVEC LE BUT ET L ' ECONOMIE DU SYSTEME DE PEREQUATION ;
- QUE , CETTE QUESTION NE SAURAIT D ' AILLEURS ETRE TRANCHEE DANS LE CADRE DU PRESENT LITIGE ;
- QUE , MEME SI LA HAUTE AUTORITE OU SES SERVICES AVAIENT , DANS CERTAINS CAS , DONNE UNE INTERPRETATION TROP LARGE DE LA NOTION DE CHUTES PROPRES , CE FAIT NE SAURAIT JUSTIFIER L ' OCTROI D ' UNE EXONERATION DU PRELEVEMENT DANS D ' AUTRES CAS PLUS OU MOINS COMPARABLES , CET OCTROI ETANT CONTRAIRE AUX PRINCIPES MEMES DU SYSTEME DE PEREQUATION ;
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- QUE , POUR CES MOTIFS , LA DEMANDE EN DEROGATION PRESENTEE PAR LA REQUERANTE N ' ETANT PAS FONDEE , SON RECOURS EN CARENCE CONTRE LA DECISION IMPLICITE DE REJET DOIT ETRE REJETE .
Décisions sur les dépenses
ATTENDU QU ' AUX TERMES DE L ' ARTICLE 60 , PARAGRAPHE PREMIER , DU REGLEMENT DE LA COUR DE JUSTICE DE LA C.E.C.A . , TOUTE PARTIE QUI SUCCOMBE DOIT ETRE CONDAMNEE AUX DEPENS ;
- QU ' EN L ' ESPECE LA REQUERANTE A SUCCOMBE SUR TOUS LES CHEFS DE SA REQUETE ;
- QU ' ELLE DOIT DONC SUPPORTER LES DEPENS DU LITIGE ;
Dispositif
LA COUR
REJETANT TOUTES AUTRES CONCLUSIONS PLUS AMPLES OU CONTRAIRES , DECLARE ET ARRETE :
1 ) LE RECOURS DIRIGE CONTRE LA DECISION IMPLICITE DE REJET RESULTANT DU SILENCE DE PLUS DE DEUX MOIS GARDE PAR LA DEFENDERESSE SUR LA LETTRE DE LA REQUERANTE DU 23 JUILLET 1958 , EST REJETE COMME NON FONDE .
2 ) LE RECOURS DIRIGE CONTRE LA LETTRE DE LA DIVISION DU MARCHE DE LA HAUTE AUTORITE DU 31 JUILLET 1958 EST REJETE COMME IRRECEVABLE .
3 ) LA REQUERANTE EST CONDAMNEE AUX DEPENS DE L ' INSTANCE .