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16/07/1956 | CJUE | N°8-55

CJUE | CJUE, Arrêt de la Cour du 16 juillet 1956., Fédération Charbonnière de Belgique contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier., 16/07/1956, 8-55


Avis juridique important

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61955J0008

Arrêt de la Cour du 16 juillet 1956. - Fédération Charbonnière de Belgique contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier. - Affaire 8-55.
Recueil de jurisprudence
édition française page 00201
édition néerlandaise page 00211

édition allemande page 00199
édition italienne page 00197
édition spéciale angl...

Avis juridique important

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61955J0008

Arrêt de la Cour du 16 juillet 1956. - Fédération Charbonnière de Belgique contre Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier. - Affaire 8-55.
Recueil de jurisprudence
édition française page 00201
édition néerlandaise page 00211
édition allemande page 00199
édition italienne page 00197
édition spéciale anglaise page 00245
édition spéciale danoise page 00027
édition spéciale grecque page 00035
édition spéciale portugaise page 00043
édition spéciale espagnole page 00001

Sommaire
Parties
Objet du litige
Motifs de l'arrêt
Dispositif

Mots clés

1 . PROCEDURE - RECOURS EN ANNULATION - DECISIONS DE LA HAUTE AUTORITE - CARACTERE GENERAL OU INDIVIDUEL

( TRAITE , ARTICLE 33 ; CONVENTION , PARAGRAPHE 26 )

2 . PROCEDURE - LETTRE ADRESSEE PAR LA HAUTE AUTORITE - CARACTERE DE DECISION

( TRAITE , ARTICLE 14 )

3 . PROCEDURE - RECOURS EN ANNULATION - DECISION GENERALE - ENTREPRISES - RECEVABILITE LIMITEE AU MOYEN TIRE DU DETOURNEMENT DE POUVOIR

( TRAITE , ARTICLE 33 )

4 . PERIODE TRANSITOIRE - CHARBON BELGE - COUTS DE PRODUCTION PREVISIBLES

( CONVENTION , PARAGRAPHE 26 )

Sommaire

1 . LA DECISION NO 22-55 , PRISE DANS LE CADRE D ' UN REGIME SPECIAL PREVU PAR LE PARAGRAPHE 26 DE LA CONVENTION POUR LE CAS DE LA BELGIQUE , POUR LA DUREE DE LA PERIODE DE TRANSITION ET APPLICABLE , SUIVANT DES MODALITES CONCRETES SI DETAILLEES ET SI VARIEES SOIENT-ELLES , A LA TOTALITE DES ENTREPRISES ET A TOUTES LES TRANSACTIONS TOMBANT SOUS LE REGIME VISE , A LE CARACTERE D ' UNE DECISION GENERALE . - LE FAIT QUE LA REQUERANTE GROUPE DANS UNE SEULE ASSOCIATION TOUTES LES ENTREPRISES VISEES PAR
LA DECISION ATTAQUEE NE PREJUDICIE PAS , EN L ' ESPECE , AU CARACTERE GENERAL DE CELLE-CI . - LA LIMITATION TERRITORIALE DU CHAMP D ' APPLICATION DE LA DECISION ATTAQUEE N ' IMPLIQUE AUCUNE SPECIFICATION INDIVIDUELLE ; LES CONSEQUENCES CONCRETES D ' UNE DECISION GENERALE NE PREJUDICIENT PAS AU CARACTERE GENERAL DE CELLE-CI . - LE CARACTERE GENERAL OU INDIVIDUEL D ' UNE DECISION DOIT ETRE DEGAGE D ' APRES DES CRITERES OBJECTIFS ; IL NE DEPEND PAS DE SA FORME MAIS DE SA PORTEE .

2 . LE PASSAGE DE LA LETTRE DU 28 MAI 1955 DE LA HAUTE AUTORITE DETERMINANT , DE MANIERE NON EQUIVOQUE , L ' ATTITUDE QUE CETTE DERNIERE DECIDE DE PRENDRE AU CAS OU SE TROUVERAIENT REALISEES CERTAINES CONDITIONS PRECISEES DANS LA MEME LETTRE , A LE CARACTERE D ' UNE DECISION AU SENS DE L ' ARTICLE 14 DU TRAITE .

3 . SI LE TRAITE PREVOIT QUE LES ENTREPRISES PRIVEES DISPOSENT DU DROIT DE RECLAMER L ' ANNULATION D ' UNE DECISION GENERALE POUR CAUSE DE DETOURNEMENT DE POUVOIR A LEUR EGARD , C ' EST QU ' UN DROIT DE RECOURS POUR D ' AUTRES MOTIFS NE LEUR EST PAS ATTRIBUE . - LE TRAITE NE CONTIENT AUCUNE INDICATION PERMETTANT DE CONCLURE A L ' OCTROI AUX ENTREPRISES PRIVEES D ' UN DROIT AU CONTROLE DE LA " CONSTITUTIONNALITE " DES DECISIONS GENERALES , ALORS QU ' IL S ' AGIT D ' ACTES QUASI LEGISLATIFS EMANANT D
' UNE AUTORITE PUBLIQUE ET AYANT UN EFFET NORMATIF " ERGA OMNES " . - SI L ' ARTICLE 33 DU TRAITE ADMET UN DROIT DE RECOURS EN ANNULATION D ' UNE DECISION GENERALE POUR CAUSE DE DETOURNEMENT DE POUVOIR A L ' EGARD D ' UNE ENTREPRISE , IL S ' AGIT D ' UNE EXCEPTION EXPLIQUEE PAR LE FAIT QUE , DANS CE CAS , C ' EST ENCORE L ' ELEMENT INDIVIDUEL QUI PREVAUT . - POUR QUE LE RECOURS EN ANNULATION D ' UNE DECISION GENERALE SOIT RECEVABLE , IL SUFFIT QUE LA REQUERANTE ALLEGUE FORMELLEMENT UN DETOURNEMENT
DE POUVOIR A SON EGARD , TOUT EN INDIQUANT LES RAISONS DONT DECOULE , A SON AVIS , LE DETOURNEMENT DE POUVOIR ; L ' EXAMEN DU BIEN-FONDE DU MOYEN DE DETOURNEMENT DE POUVOIR AINSI ALLEGUE EST UNE QUESTION DE FOND .

4 . EN CAS DE MODIFICATION , AU COURS DE LA PERIODE DE TRANSITION , DU NIVEAU PREVISIBLE DES COUTS DE PRODUCTION DU CHARBON BELGE A LA FIN DE CETTE PERIODE , IL EST NECESSAIRE DE PROCEDER A UNE NOUVELLE EVALUATION DES PRIX QUI EN TIENNE COMPTE . DES RENSEIGNEMENTS COMPLEMENTAIRES SUR LE NIVEAU PREVISIBLE DES COUTS DE PRODUCTION PAR CATEGORIES ET PAR SORTES SONT NECESSAIRES POUR STATUER EN L ' ESPECE .

Parties

DANS L ' AFFAIRE

ENTRE

LA FEDERATION CHARBONNIERE DE BELGIQUE ,

ELISANT DOMICILE A LUXEMBOURG , 6 , RUE HENRI HEINE , PARTIE REQUERANTE ,

REPRESENTEE PAR MESSIEURS LOUIS DEHASSE ET LEON CANIVET ,

ASSISTEE DE MAITRE PAUL TSCHOFFEN , AVOCAT A LA COUR D ' APPEL DE LIEGE ,

ET DE MAITRE HENRI SIMONT , AVOCAT A LA COUR DE CASSATION DE BELGIQUE , PROFESSEUR A L ' UNIVERSITE LIBRE DE BRUXELLES ,

ET

LA HAUTE AUTORITE DE LA COMMUNAUTE EUROPEENNE DU CHARBON ET DE L ' ACIER ,

ELISANT DOMICILE EN SES BUREAUX 2 , PLACE DE METZ , LUXEMBOURG , PARTIE DEFENDERESSE ,

REPRESENTEE PAR SON CONSEILLER JURIDIQUE , MONSIEUR WALTER MUCH , EN QUALITE D ' AGENT ,

ASSISTEE DE MAITRE G . VAN HECKE , AVOCAT A LA COUR D ' APPEL DE BRUXELLES , PROFESSEUR A L ' UNIVERSITE DE LOUVAIN ,

Objet du litige

AYANT POUR OBJET LE RECOURS EN ANNULATION FORME CONTRE LA DECISION DE LA HAUTE AUTORITE NO 22-55 EN DATE DU 28 MAI 1955 ET CONTRE CERTAINES DECISIONS DE LA HAUTE AUTORITE RESULTANT DE LA LETTRE ADRESSEE PAR CELLE-CI LE 28 MAI 1955 AU GOUVERNEMENT DU ROYAUME DE BELGIQUE RELATIVE A L ' AMENAGEMENT DU SYSTEME DE PEREQUATION ( JOURNAL OFFICIEL DE LA COMMUNAUTE DU 31 MAI 1955 , PAGES 753-758 ) ,

Motifs de l'arrêt

P . 223

A - QUANT A LA RECEVABILITE DU RECOURS

LE RECOURS TEND A L ' ANNULATION :

1 ) DE LA DECISION DE LA HAUTE AUTORITE NO 22-55 , DU 28 MAI 1955 , ET DU BAREME Y ANNEXE , PUBLIES AU JOURNAL OFFICIEL DE LA COMMUNAUTE DU 31 MAI 1955 EN TANT QU ' ILS FIXENT DES PRIX EN BAISSE POUR CERTAINES SORTES DE CHARBON .

2 ) DES DECISIONS CONTENUES DANS LA LETTRE ADRESSEE PAR LA HAUTE AUTORITE AU GOUVERNEMENT BELGE EN DATE DU 28 MAI 1955 ET DANS LE TABLEAU DES TAUX DE PEREQUATION JOINT A CETTE LETTRE :

A ) EN TANT QU ' UNE DISCRIMINATION ENTRE PRODUCTEURS DE SORTES IDENTIQUES DE CHARBON EST ETABLIE PAR LE RETRAIT OU LA REDUCTION DE LA PEREQUATION DANS LE CAS DE CERTAINS CHARBONNAGES ,

B ) EN TANT QU ' AUX TERMES DE LADITE LETTRE LES VERSEMENTS DE PEREQUATION SERONT OU POURRONT ETRE RETIRES A CERTAINES ENTREPRISES , MOTIF PRIS DE CE QU ' ELLES NE REALISERAIENT PAS L ' EFFORT DE REEQUIPEMENT JUGE POSSIBLE ET NECESSAIRE OU REFUSERAIENT D ' EFFECTUER LES CESSIONS OU ECHANGES DE GISEMENTS JUGES INDISPENSABLES A UN MEILLEUR AMENAGEMENT DE CHAMPS D ' EXPLOITATION .

EN CE QUI CONCERNE LA DECISION NO 22-55 , LA REQUERANTE PRETEND QUE CELLE-CI EST UNE DECISION INDIVIDUELLE ; LA DEFENDERESSE SOUTIENT AU CONTRAIRE QU ' IL S ' AGIT D ' UNE DECISION GENERALE . POUR LA REQUERANTE , LE CARACTERE INDIVIDUEL DE LA DECISION SE DEDUIT DU FAIT QUE , EN RAISON DU LIEN INDISSOLUBLE ENTRE LA PEREQUATION ET LA FIXATION DES PRIX , LES EFFETS DU BAREME DES PRIX SONT DIFFERENTS POUR LES TROIS CHARBONNAGES DE LA CAMPINE ET POUR LES AUTRES MINES BELGES DANS LA MESURE OU LA
PEREQUATION ACCORDEE AUX TROIS CHARBONNAGES N ' EST PAS LA MEME QUE CELLE QUE RECOIVENT LES AUTRES MINES .

SANS NIER QUE LES EFFETS DU BAREME DES PRIX VARIERONT DANS LA MESURE OU LA PEREQUATION VARIE ELLE-MEME , LA COUR REJETTE LA THESE DE LA REQUERANTE SELON LAQUELLE CES VARIATIONS DES EFFETS DU BAREME DES PRIX CONDITIONNENT LA QUALIFICATION DE LA DECISION NO 22-55 . EN EFFET , CETTE DECISION A ETE PRISE DANS LE CADRE D ' UN REGIME SPECIAL PREVU PAR LE PARAGRAPHE 26 DE LA CONVENTION POUR LE CAS DE LA BELGIQUE , POUR LA DUREE DE LA PERIODE DE TRANSITION , ET APPLICABLE , SUIVANT DES MODALITES CONCRETES ,
SI DETAILLEES ET SI VARIEES SOIENT-ELLES , A LA TOTALITE DES ENTREPRISES ET A TOUTES LES TRANSACTIONS TOMBANT SOUS LE REGIME VISE .

P . 224

DANS LE CADRE DE CE REGIME , LA DECISION VISE LES ENTREPRISES EN RAISON DE LEUR SEULE CARACTERISTIQUE D ' ETRE PRODUCTRICES DE CHARBON , ET SANS AUCUNE SPECIFICATION . AU CAS OU UN GISEMENT NOUVEAU VIENDRAIT A ETRE DECOUVERT EN BELGIQUE , SON EXPLOITANT SERAIT TENU DE VENDRE AUX PRIX FIXES PAR LA DECISION . D ' AUTRE PART , LA LIMITATION TERRITORIALE N ' IMPLIQUE AUCUNE SPECIFICATION INDIVIDUELLE ET SE JUSTIFIE DU FAIT QUE L ' INDUSTRIE BELGE A BESOIN DE LA PEREQUATION .

LE FAIT QUE LA DECISION NO 22-55 COMPORTE UNE REGLEMENTATION DETAILLEE ET CONCRETE , APPLICABLE A DES SITUATIONS DIFFERENTES , N ' EST PAS EN CONTRADICTION AVEC LE CARACTERE GENERAL DE LA DECISION . EN EFFET , LE TRAITE DANS SON ARTICLE 50 , PARAGRAPHE 2 , DIT QUE LES CONDITIONS D ' ASSIETTE ET DE PERCEPTION DU PRELEVEMENT SONT FIXEES PAR UNE DECISION GENERALE DE LA HAUTE AUTORITE , CE QUI DEMONTRE QUE LES CONSEQUENCES CONCRETES DETAILLEES ET VARIEES D ' UNE DECISION GENERALE NE PREJUDICIENT PAS DU
CARACTERE GENERAL DE CELLE-CI .

LE FAIT QUE L ' ASSOCIATION REQUERANTE GROUPE TOUTES LES ENTREPRISES VISEES PAR LA DECISION - ET SEULEMENT CELLES-LA - NE CONDUIT PAS NON PLUS A UN RESULTAT DIFFERENT . CAR S ' IL EN ETAIT AUTREMENT , IL FAUDRAIT DENIER LE CARACTERE GENERAL MEME A UNE DECISION APPLICABLE A TOUTES LES ENTREPRISES DE LA COMMUNAUTE DANS L ' HYPOTHESE OU ELLES SE GROUPERAIENT DANS UNE SEULE ET MEME ASSOCIATION . LA NATURE INDIVIDUELLE OU GENERALE D ' UNE DECISION DOIT ETRE DEGAGEE D ' APRES DES CRITERES OBJECTIFS , DE
MANIERE QU ' IL NE SOIT PAS POSSIBLE DE PROCEDER A DES DISTINCTIONS SELON QUE LE REQUERANT EST UNE ASSOCIATION OU UNE ENTREPRISE .

QUANT AUX DECISIONS CONTENUES DANS LA LETTRE DU 28 MAI 1955 , LES PARTIES ESTIMENT QUE LA PREMIERE , RELATIVE A LA REDUCTION ET AU RETRAIT DE LA PEREQUATION , A UN CARACTERE INDIVIDUEL , ET QUE LA SECONDE , RELATIVE A LA MENACE DE RETIRER LA PEREQUATION , A UN CARACTERE GENERAL ; SUR CE POINT , LA COUR SE RALLIE A LA POSITION DES PARTIES .

P . 225

AU COURS DE LA PROCEDURE ORALE , LA PARTIE DEFENDERESSE A POSE LA QUESTION DE SAVOIR S ' IL EST PERMIS DE CONSIDERER CETTE DERNIERE DECLARATION COMME ETANT UNE DECISION SUSCEPTIBLE DE FORMER L ' OBJET D ' UN RECOURS EN ANNULATION CONFORMEMENT A L ' ARTICLE 33 DU TRAITE . OR , DANS SA LETTRE DU 28 MAI 1955 , LA HAUTE AUTORITE A RECONNU QUE L ' AIDE DE PEREQUATION DOIT OBLIGATOIREMENT ETRE ACCOMPAGNEE D ' UN ENSEMBLE DE MESURES INCOMBANT AU GOUVERNEMENT BELGE ; ELLE ESTIME EN OUTRE QUE LE GOUVERNEMENT
BELGE DEVRAIT APPLIQUER QUATRE MESURES , INDIQUEES SOUS A ) , B ) , C ) ET D ) . L ' ENONCE DE D ) FAIT DONC PARTIE DE L ' ENSEMBLE DES MESURES QUE LE GOUVERNEMENT BELGE SERAIT OBLIGE DE PRENDRE , LE CAS ECHEANT . LA HAUTE AUTORITE A DETERMINE AINSI , DE MANIERE NON EQUIVOQUE , L ' ATTITUDE QU ' ELLE DECIDE DES A PRESENT DE PRENDRE AU CAS OU LES CONDITIONS INDIQUEES SOUS 2 , D ) DE LA LETTRE SE TROUVERAIENT REALISEES . EN D ' AUTRES TERMES , ELLE A ETABLI UNE REGLE SUSCEPTIBLE D ' ETRE APPLIQUEE ,
LE CAS ECHEANT . IL FAUT DONC Y VOIR UNE DECISION AU SENS DE L ' ARTICLE 14 DU TRAITE .

LE CARACTERE INDIVIDUEL OU GENERAL DE CHACUNE DES DECISIONS AYANT ETE ETABLI , LA REQUERANTE EST EN DROIT DE DEMANDER L ' ANNULATION DE LA REDUCTION ET DU RETRAIT DE LA PEREQUATION - DECISION INDIVIDUELLE CONTENUE DANS LA LETTRE DU 28 MAI 1955 - EN INVOQUANT TOUS LES MOYENS VISES A L ' ARTICLE 33 DU TRAITE ; ELLE EST EN DROIT DE FORMER UN RECOURS EN ANNULATION DES DEUX AUTRES DECISIONS , DANS LA MESURE OU ELLE ESTIME CELLES-CI ENTACHEES DE DETOURNEMENT DE POUVOIR A SON EGARD , CES DECISIONS ETANT
GENERALES .

POUR QUE LE RECOURS EN ANNULATION D ' UNE DECISION GENERALE SOIT RECEVABLE , IL SUFFIT QUE LA PARTIE REQUERANTE ALLEGUE FORMELLEMENT UN DETOURNEMENT DE POUVOIR A SON EGARD , TOUT EN INDIQUANT D ' UNE FACON PERTINENTE LES RAISONS DONT DECOULE , A SON AVIS , CE DETOURNEMENT DE POUVOIR .

LE RECOURS REPOND AUX CONDITIONS SUSMENTIONNEES ET EST , DES LORS , RECEVABLE .

CEPENDANT , L ' OPINION DES PARTIES DIFFERE SUR LA PORTEE EXACTE DE L ' ARTICLE 33 DU TRAITE QUANT A L ' ADMISSIBILITE DE CERTAINS MOYENS INVOQUES PAR LA REQUERANTE A L ' ENCONTRE DES DECISIONS GENERALES .

LA DEFENDERESSE PRETEND QU ' UNE ENTREPRISE NE PEUT INVOQUER LE MOYEN DE DETOURNEMENT DE POUVOIR A SON EGARD QUE SI LA HAUTE AUTORITE A CAMOUFLE SOUS L ' APPARENCE D ' UNE MESURE REGLEMENTAIRE ET GENERALE UNE DECISION INDIVIDUELLE " A L ' EGARD " DE CETTE ENTREPRISE .

P . 226

CETTE THESE DOIT ETRE REJETEE ; EN EFFET , UNE DECISION INDIVIDUELLE CAMOUFLEE RESTE UNE DECISION INDIVIDUELLE , LE CARACTERE D ' UNE DECISION NE DEPENDANT PAS DE SA FORME MAIS DE SA PORTEE . EN OUTRE , UNE TELLE INTERPRETATION DE L ' ARTICLE 33 ET NOTAMMENT CELLE DES MOTS " A LEUR EGARD " NE SAURAIT ETRE RETENUE , L ' EXPRESSION " A LEUR EGARD " N ' AYANT D ' AUTRE SENS QUE CELUI DES MOTS QUI L ' EXPRIMENT , A SAVOIR QU ' IL S ' AGIT D ' UNE ENTREPRISE QUI EST L ' OBJET OU TOUT AU MOINS LA VICTIME
DU DETOURNEMENT DE POUVOIR QU ' ELLE ALLEGUE . LA COUR ESTIME QUE L ' ARTICLE 33 DIT CLAIREMENT QUE LES ASSOCIATIONS ET LES ENTREPRISES PEUVENT ATTAQUER NON SEULEMENT DES DECISIONS INDIVIDUELLES MAIS AUSSI DES DECISIONS GENERALES AU SENS PROPRE DU TERME .

EN ORDRE SUBSIDIAIRE , LA DEFENDERESSE SOUTIENT QUE LES MOYENS QUE LA REQUERANTE EST EN DROIT D ' INVOQUER SONT LIMITES AU SEUL MOYEN DE DETOURNEMENT DE POUVOIR , TOUS LES AUTRES MOYENS DEVANT ETRE ECARTES . LA PARTIE REQUERANTE , AU CONTRAIRE , ESTIME NON SEULEMENT QU ' ELLE EST EN DROIT D ' INVOQUER TOUS LES MOYENS D ' ANNULATION POURVU QU ' ELLE ALLEGUE D ' UNE MANIERE MOTIVEE UN DETOURNEMENT DE POUVOIR , MAIS ENCORE QU ' ELLE PEUT FAIRE LA PREUVE DES AUTRES VICES POUR ETAYER LE DETOURNEMENT DE
POUVOIR ; A SON AVIS , LE TRAITE ETABLIRAIT UN SYSTEME JURIDIQUE OU LES ENTREPRISES PRIVEES NE DISPOSENT , POUR ETRE RECEVABLE , QUE DU SEUL MOYEN DE DETOURNEMENT DE POUVOIR A LEUR EGARD ; IL SERAIT ILLOGIQUE , POUR CE MOTIF , DE NE CONFERER A CE MOYEN QU ' UN CARACTERE EXCEPTIONNEL ET SUBSIDIAIRE .

CETTE THESE DOIT ETRE REJETEE ; SI LE TRAITE PREVOIT QUE LES ENTREPRISES PRIVEES DISPOSENT DU DROIT DE RECLAMER L ' ANNULATION D ' UNE DECISION GENERALE POUR CAUSE DE DETOURNEMENT DE POUVOIR A LEUR EGARD , C ' EST QU ' UN DROIT DE RECOURS POUR D ' AUTRES MOTIFS NE LEUR EST PAS ATTRIBUE .

SI LA THESE DE LA REQUERANTE ETAIT EXACTE , LES ENTREPRISES AURAIENT UN DROIT DE RECOURS AUSSI COMPLET QUE CELUI DES ETATS ET DU CONSEIL , ET IL SERAIT INEXPLICABLE QUE L ' ARTICLE 33 , AU LIEU D ' ASSIMILER TOUT SIMPLEMENT LES RECOURS DES ENTREPRISES A CEUX DES ETATS OU DU CONSEIL , AIT INTRODUIT UNE DISTINCTION TRES NETTE ENTRE LES DECISIONS INDIVIDUELLES ET LES DECISIONS GENERALES , TOUT EN LIMITANT , DANS LE CAS DES ENTREPRISES , L ' ANNULATION DES DECISIONS GENERALES AU MOYEN DE DETOURNEMENT DE
POUVOIR A LEUR EGARD . L ' INCISE " DANS LES MEMES CONDITIONS " NE SAURAIT ETRE INTERPRETEE COMME SIGNIFIANT QUE LES ENTREPRISES , APRES AVOIR ETABLI UN CAS DE DETOURNEMENT DE POUVOIR A LEUR EGARD , SERAIENT EN DROIT D ' INVOQUER EN OUTRE LES AUTRES MOYENS D ' ANNULATION , CAR , LORSQUE LE DETOURNEMENT DE POUVOIR EST ETABLI A LEUR EGARD , L ' ANNULATION DE LA DECISION EN CAUSE EST ACQUISE SANS DEVOIR ETRE PRONONCEE A NOUVEAU POUR D ' AUTRES MOTIFS .

P . 227

CES CONSIDERATIONS CONTREDISENT NETTEMENT L ' ILLOGISME DE LA REQUERANTE FAISANT SUPPOSER QU ' IL FAUT SUBORDONNER L ' INTERPRETATION DU TRAITE AU DESIR D ' OUVRIR AUX ENTREPRISES PRIVEES UN DROIT DE RECOURS PRATIQUEMENT IDENTIQUE A CELUI DES ETATS ET DU CONSEIL . UN TEL VOEU PEUT SE COMPRENDRE , MAIS LE TRAITE NE CONTIENT AUCUNE INDICATION PERMETTANT DE CONCLURE A L ' OCTROI AUX ENTREPRISES PRIVEES D ' UN TEL DROIT AU CONTROLE DE LA " CONSTITUTIONNALITE " DES DECISIONS GENERALES , C ' EST-A- DIRE
DE LEUR CONFORMITE AVEC LE TRAITE , ALORS QU ' IL S ' AGIT D ' ACTES QUASI LEGISLATIFS EMANANT D ' UNE AUTORITE PUBLIQUE ET AYANT UN EFFET NORMATIF " ERGA OMNES " . IL EST VRAI QUE L ' ARTICLE 33 ADMET UN DROIT DE RECOURS EN ANNULATION D ' UNE DECISION GENERALE POUR CAUSE DE DETOURNEMENT DE POUVOIR A L ' EGARD D ' UNE ENTREPRISE , MAIS IL S ' AGIT D ' UNE EXCEPTION EXPLIQUEE PAR LE FAIT QUE DANS CE CAS C ' EST ENCORE L ' ELEMENT INDIVIDUEL QUI PREVAUT .

LA REQUERANTE N ' EST DONC RECEVABLE A INVOQUER CONTRE LES DECISIONS GENERALES QUE LE SEUL MOYEN DE DETOURNEMENT DE POUVOIR A SON EGARD ; EN CE QUI CONCERNE LA DECISION INDIVIDUELLE , LES PARTIES ETANT D ' ACCORD SUR CETTE QUALIFICATION , LA REQUERANTE EST RECEVABLE A SE FONDER SUR TOUS LES MOYENS INDIQUES A L ' ALINEA 1ER DE L ' ARTICLE 33 .

B - QUANT AU FOND

AVANT D ' EXAMINER LES QUESTIONS RELATIVES A LA DECISION NO 22-55 , NOTAMMENT CELLES DE SAVOIR SI LA HAUTE AUTORITE DISPOSE DU POUVOIR DE FIXER LES PRIX DE VENTE , AINSI QUE LES GRIEFS RELATIFS A LA LETTRE DU 28 MAI 1955 , IL CONVIENT DE PROCEDER D ' ABORD A L ' ANALYSE DE LA DETERMINATION DU NIVEAU DES COUTS DE PRODUCTION PREVISIBLES .

P . 228

QUANT A L ' EVALUATION DE CE NIVEAU , LA REQUERANTE A SOUTENU EN PREMIER LIEU QUE LA HAUTE AUTORITE N ' EST PAS EN DROIT DE MODIFIER L ' EVALUATION INITIALE DES COUTS DE PRODUCTION PREVISIBLES , PARCE QU ' IL S ' AGIT DE LA FIXATION D ' UN " PALIER D ' ATTENTE " , A DETERMINER AU DEBUT DE LA PERIODE DE TRANSITION ET DEVANT RESTER IMMUABLE , SAUF RECTIFICATION ETABLIE D ' UN COMMUN ACCORD .

CETTE THESE DE LA PARTIE REQUERANTE DOIT ETRE REJETEE PARCE QUE LE PARAGRAPHE 26 DE LA CONVENTION STIPULE QUE LA MESURE DE L ' ABAISSEMENT INEVITABLE DES PRIX BELGES EST DETERMINE PAR LE NIVEAU DES COUTS DE PRODUCTION PREVISIBLES A LA FIN DE LA PERIODE DE TRANSITION . IL S ' ENSUIT QU ' EN CAS DE MODIFICATION DE NIVEAU PREVISIBLE DES COUTS DE PRODUCTION , IL EST NECESSAIRE DE PROCEDER A UNE NOUVELLE EVALUATION QUI EN TIENT COMPTE .

EN SECOND LIEU , LES PARTIES SONT CONTROVERSEES EN DROIT QUANT A LA METHODE A SUIVRE POUR EVALUER LE NIVEAU DES COUTS DE PRODUCTION PREVISIBLES . LA COUR ESTIME QU ' AVANT DE STATUER IL FAUT ETABLIR QUEL ETAIT LE NIVEAU CONSTITUANT RAISONNABLEMENT " LES ENVIRONS DES COUTS DE PRODUCTION A LA FIN DE LA PERIODE DE TRANSITION " SUR LA BASE DES PREVISIONS QUE LES FAITS ET CIRCONSTANCES , CONNUS AU MOMENT DE CETTE EVALUATION , PERMETTAIENT D ' ETABLIR POUR CHACUNE DES SORTES ET CATEGORIES DE CHARBON .

LES REPONSES DONNEES PAR LES PARTIES AUX QUESTIONS POSEES PAR LE JUGE RAPPORTEUR NE SUFFISENT PAS A CETTE FIN .

LES PARTIES AYANT DECLARE DANS LEUR REPONSE COMMUNE QU ' UNE TELLE SPECIFICATION NE POUVAIT ETRE SOUMISE A LA COUR DANS LES DELAIS IMPARTIS , IL Y A LIEU DE LEUR ACCORDER UN NOUVEAU DELAI DANS CE BUT .

Dispositif

LA COUR

REJETANT TOUTES AUTRES CONCLUSIONS PLUS AMPLES OU CONTRAIRES , DECLARE ET ARRETE :

1 ) LE RECOURS EST RECEVABLE ;

2 ) LES DEBATS ORAUX SONT REOUVERTS . ILS PORTERONT EXCLUSIVEMENT SUR LE NIVEAU , PAR SORTES ET CATEGORIES , DES COUTS DE PRODUCTION PREVISIBLES DES CHARBONS BELGES A LA FIN DE LA PERIODE DE TRANSITION , ET LEUR PLACE RELATIVEMENT AUX PRIX FIXES PAR LA DECISION NO 22-55 ;

3 ) LA DATE A LAQUELLE LES PARTIES AURONT A DEPOSER AU GREFFE DE LA COUR LES RENSEIGNEMENTS ET SPECIFICATIONS SUPPLEMENTAIRES INDIQUES AU PRESENT ARRET EST FIXEE AU 1ER SEPTEMBRE 1956 ET LES DEBATS ORAUX SONT FIXES AU 20 SEPTEMBRE 1956 A 10 H . 30 .

4 ) LES DEPENS SONT RESERVES .


Synthèse
Numéro d'arrêt : 8-55
Date de la décision : 16/07/1956
Type de recours : Recours en annulation - décision interlocutoire

Analyses

Prix

Combustibles - charbon au sens large

Dispositions financières CECA

Matières CECA


Parties
Demandeurs : Fédération Charbonnière de Belgique
Défendeurs : Haute Autorité de la Communauté européenne du charbon et de l'acier.

Composition du Tribunal
Avocat général : Lagrange
Rapporteur ?: Van Kleffens

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2022
Fonds documentaire ?: http: publications.europa.eu
Identifiant ECLI : ECLI:EU:C:1956:7

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