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20/02/2009 | CANADA | N°2009_CSC_11

Canada | Teck Cominco Metals Ltd. c. Lloyd's Underwriters, 2009 CSC 11 (20 février 2009)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Teck Cominco Metals Ltd. c. Lloyd’s Underwriters, 2009 CSC 11, [2009] 1 R.C.S. 321

Date : 20090220

Dossier : 32116

Entre :

Teck Cominco Metals Ltd.

Appelante

et

Lloyd’s Underwriters et Seaton Insurance Company

Intimés

Et entre :

Teck Cominco Metals Ltd.

Appelante

et

Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard

Intimée

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps,

Fish, Charron et Rothstein

Motifs de jugement :

(par. 1 à 41)

La juge en chef McLachlin (avec l’accord des juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Charron et Roth...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : Teck Cominco Metals Ltd. c. Lloyd’s Underwriters, 2009 CSC 11, [2009] 1 R.C.S. 321

Date : 20090220

Dossier : 32116

Entre :

Teck Cominco Metals Ltd.

Appelante

et

Lloyd’s Underwriters et Seaton Insurance Company

Intimés

Et entre :

Teck Cominco Metals Ltd.

Appelante

et

Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard

Intimée

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Charron et Rothstein

Motifs de jugement :

(par. 1 à 41)

La juge en chef McLachlin (avec l’accord des juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Charron et Rothstein)

______________________________

Teck Cominco Metals Ltd. c. Lloyd’s Underwriters, 2009 CSC 11, [2009] 1 R.C.S. 321

Teck Cominco Metals Ltd. Appelante

c.

Lloyd’s Underwriters et Seaton Insurance Company Intiméees

- et -

Teck Cominco Metals Ltd. Appelante

c.

Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard Intimée

Répertorié : Teck Cominco Metals Ltd. c. Lloyd’s Underwriters

Référence neutre : 2009 CSC 11.

No du greffe : 32116.

2008 : 17 novembre; 2009 : 20 février.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Charron et Rothstein.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Newbury, Mackenzie et Kirkpatrick), 2007 BCCA 249, 67 B.C.L.R. (4th) 101, 279 D.L.R. (4th) 257, [2007] 7 W.W.R. 281, 240 B.C.A.C. 218, 48 C.C.L.I. (4th) 1, 28 C.E.L.R. (3d) 191, 39 C.P.C. (6th) 20, [2007] B.C.J. No. 841 (QL), 2007 CarswellBC 864, qui a confirmé une décision du juge Davies, 2006 BCSC 1276, 60 B.C.L.R. (4th) 261, [2006] 12 W.W.R. 486, 40 C.C.L.I. (4th) 182, 24 C.E.L.R. (3d) 1, 31 C.P.C. (6th) 34, [2006] B.C.J. No. 1917 (QL), 2006 CarswellBC 2083. Pourvoi rejeté.

Gordon C. Weatherill, Craig A. B. Ferris et Lisa A. Peters, pour l’appelante.

Graeme Mew et Anna Casemore, pour l’intimée Lloyd’s Underwriters.

Argumentation écrite seulement par Gary M. Nijman, pour l’intimée Seaton Insurance Company.

James H. MacMaster, Michael J. Sobkin et Christopher A. Rhone, pour l’intimée la Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard.

Version française du jugement de la Cour rendu par

[1] La Juge en chef — Teck Cominco Metals Ltd. (« Teck ») a intenté une poursuite contre la Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard (« Lombard »), Lloyd’s Underwriters (« Lloyd’s ») et Seaton Insurance Co. (« Seaton ») (collectivement appelés les « assureurs—»). Elle cherchait ainsi à être indemnisée quant à un dommage environnemental qui serait survenu aux États‑Unis, en aval de sa fonderie située en Colombie‑Britannique. L’action a été intentée dans l’État de Washington. Les assureurs ont engagé, en Colombie‑Britannique, des recours parallèles concernant la garantie d’assurance. Dans le présent pourvoi, nous sommes appelés à juger s’il y a lieu de suspendre ces procédures introduites en Colombie‑Britannique. Les tribunaux d’instance inférieure ont répondu par la négative. Je souscris à ce résultat et je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

I. Les faits

[2] Teck exploite plusieurs mines et des hauts fourneaux en Colombie‑Britannique. En 2002 et 2003, elle a avisé les assureurs de l’existence de quatre réclamations actuelles ou éventuelles concernant un dommage environnemental résultant des activités de Cominco Ltd., une société qu’elle a absorbée. Les réclamations en question ont découlé des opérations que menait Cominco sur quatre sites se trouvant en Colombie‑Britannique : Port McNeill, Pinchi Lake, Vancouver et Trail.

[3] La réclamation la plus importante résulte du rejet de déchets — appelés les « laitiers » — dans le fleuve Columbia, adjacent à la fonderie de Teck située à Trail. Ces laitiers se seraient accumulés dans l’État de Washington, plus précisément dans le cours supérieur du fleuve Columbia et dans le lac Roosevelt. Dans le cadre d’une action intentée devant la Cour de district en 2004 (l’« action environnementale intentée aux États‑Unis »), de nombreux particuliers ainsi que l’État de Washington cherchent à faire déclarer Teck responsable, sous le régime d’une loi américaine (la Comprehensive Environmental Response, Compensation, and Liability Act, 42 U.S.C. §— 9601‑9675), d’avoir causé des dommages matériels environnementaux à la suite de la contamination.

[4] Teck soutient que les assureurs ont l’obligation de la défendre et de l’indemniser dans le cadre de l’action environnementale intentée aux États‑Unis. De 1958 à 1985, Cominco Ltd. a souscrit des polices d’assurance de responsabilité générale et complémentaire auprès des assureurs (les « polices—»). Sauf pour ce qui est des plafonds de garantie, les polices fournissent des protections similaires, chacun des assureurs devant tenir Teck indemne et à couvert de toute responsabilité lui étant imputée pour des dommages matériels causés pendant la période de garantie où que ce soit dans le monde. Teck allègue que la contamination qui serait survenue dans l’État de Washington est un risque couvert par les polices.

[5] Les assureurs soutiennent, pour divers motifs, qu’ils ne sont pas tenus d’indemniser Teck.

[6] Le montant des dommages‑intérêts dont Teck pourrait être tenue responsable dans l’action environnementale intentée aux États‑Unis n’est pas connu, mais on s’attend à ce qu’il excède les limites de couverture de chacune des polices, qui, ensemble, fournissent une couverture s’élevant à plus de 779 millions de dollars. (Voir le jugement sur les requêtes, 2006 BCSC 1276, 60 B.C.L.R. (4th) 261, par. 35 et 63, et le jugement de la Cour d'appel, 2007 BCCA 249, 67 B.C.L.R. (4th) 101, par. 16-17.)

[7] Le 23 novembre 2005, Teck a intenté une poursuite devant la Cour supérieure de l’État de Washington sollicitant le prononcé d’un jugement déclaratoire quant à la protection que lui offrent les polices à l’égard de l’action environnementale intentée aux États‑Unis (l’« action américaine relative à la garantie d’assurance »). Le même jour, Lloyd’s a intenté une poursuite devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique sollicitant le prononcé d’ordonnances déclaratoires quant à l’obligation qui lui incombe (ou l’absence d’obligation) de défendre et d’indemniser Teck par suite des réclamations actuelles ou éventuelles relatives aux quatre sites se trouvant en Colombie‑Britannique. En outre, Seaton, une partie défenderesse dans l’action intentée par Lloyd’s, a déposé une demande reconventionnelle. Par la suite, Lombard a intenté une action semblable à celle de Lloyd’s. (Les poursuites engagées par les assureurs sont collectivement appelées l’« action britanno‑colombienne relative à la garantie d’assurance—».)

[8] Les parties ont chacune eu recours à diverses procédures visant l’obtention de décisions en matière de compétence afin que la question de la garantie d’assurance soit tranchée par leur cour préférée. Ainsi, l’action américaine relative à la garantie d’assurance dont était saisie la Cour supérieure de l’État de Washington a été renvoyée à la Cour de district des États-Unis pour le district est de Washington (« Cour de district »). Par la suite, les assureurs ont déposé une requête devant cette Cour sollicitant ainsi le rejet des demandes formulées par Teck contre eux dans cette action. Quant à elle, Teck a déposé des requêtes similaires devant la Cour suprême de la Colombie‑Britannique en vue de faire suspendre l’action britanno‑colombienne relative à la garantie d’assurance.

[9] Le 1er mai 2006, le juge Suko de la Cour de district a rejeté les demandes des assureurs visant le rejet pour cause de forum non conveniens des réclamations de Teck formulées contre eux.

[10] Sur consentement des parties, la Cour de district a temporairement suspendu l’action américaine relative à la garantie d’assurance en attendant l’issue du présent pourvoi.

II. Historique judiciaire

A. Cour suprême de la Colombie‑Britannique (le juge Davies), 2006 BCSC 1276, 60 B.C.L.R. (4th) 261

[11] Le juge en cabinet a conclu que l’art. 11 de la Court Jurisdiction and Proceedings Transfer Act, S.B.C. 2003, ch. 28 (« CJPTA »), [traduction] « fait partie d’un régime légal de réparation global visant à codifier les règles applicables à la détermination des questions de compétence judiciaire en Colombie‑Britannique » (par. 102). Il a refusé de suspendre l’action britanno‑colombienne relative à la garantie d’assurance pour les motifs suivants :

· Le critère de la commodité et des coûts pour les parties et les témoins potentiels militait en faveur de la tenue d’un procès en Colombie‑Britannique plutôt que dans l’État de Washington, compte tenu : du lieu de résidence des parties et de l’endroit où elles exploitent leurs entreprises; du fait que les questions soulevées dans les actions relatives à la garantie d’assurance (divulgation, évaluation du risque et question d’interprétation des polices quant à la garantie et aux exclusions) ont peu de lien, voire aucun, avec l’État de Washington; et du fait qu’il serait plus onéreux de tenir le litige relatif à la garantie d’assurance dans l’État de Washington.

· Les questions en litige seraient vraisemblablement régies par les lois de la Colombie‑Britannique. Les lois de l’État de Washington ne seraient pas applicables pour les raisons suivantes : les victimes potentielles résidant dans l’État de Washington ne sont pas bénéficiaires des polices; les assureurs n’ont d’obligations qu’envers Teck; les conclusions de l’action relative à la garantie d’assurance concernent des sites qui se trouvent en Colombie‑Britannique; et tous les actes prétendument répréhensibles reprochés à Teck, bien qu’ils aient des incidences sur des résidants étrangers, se sont produits uniquement en Colombie‑Britannique.

· L’opportunité d’éviter la multiplicité des instances et le prononcé de décisions contradictoires par différents tribunaux suppose qu’il faut procéder à une analyse de plusieurs facteurs dans le cadre de laquelle la déclaration de compétence antérieure de la Cour de district est un facteur important, sans toutefois être déterminant.

· Une condamnation à des dommages‑intérêts par la Cour de district serait exécutoire en Colombie‑Britannique. L’exécution d’un jugement déclaratoire pourrait poser davantage problème, mais il est peu probable, en pratique, que Teck soit obligée de recourir à une procédure d’exécution pour que les assureurs s’y conforment.

· L’équité et l’efficacité du système judiciaire canadien dans son ensemble militent en faveur de la tenue du litige en Colombie‑Britannique puisqu’il serait inefficace que des contrats d’assurance soient interprétés à la lumière de plus d’un système juridique.

[12] Après avoir examiné tous les facteurs énoncés à l’art. 11 de la CJPTA, le juge en cabinet a statué que la Colombie‑Britannique était le ressort avec lequel Teck et l’objet de la poursuite relative à la garantie d’assurance (les polices) avaient les liens les plus étroits. Pour ces motifs, le 21 août 2006, il a rejeté les requêtes en suspension présentées par Teck dans le cadre de l’action britanno‑colombienne relative à la garantie d’assurance.

B. Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Newbury, Mackenzie et Kirkpatrick), 2007 BCCA 249, 67 B.C.L.R. (4th) 101

[13] La juge Newbury, qui s’exprimait au nom de la cour, a conclu que le juge en cabinet avait correctement examiné et soupesé chacun des facteurs énumérés au par. 11(2) de la CJPTA. Elle partageait le point de vue du juge Davies selon lequel le principe de courtoisie ne commandait pas de faire preuve de retenue envers le premier tribunal s’étant déclaré compétent. N’ayant relevé aucune erreur dans la conclusion du juge Davies portant que la Colombie‑Britannique était le ressort le plus approprié pour la tenue du procès relatif à la garantie d’assurance, la juge Newbury a rejeté l’appel de Teck.

III. Dispositions législatives pertinentes

[14] L’article 11 de la CJPTA est libellé comme suit—:

[traduction]

11(1) Après avoir pris en considération l’intérêt des parties à une instance et les fins de la justice, le tribunal peut refuser d’exercer sa compétence territoriale à l’égard de l’instance si, à son avis, il conviendrait mieux qu’un tribunal d’un autre État soit saisi de l’affaire.

(2) Le tribunal qui détermine si c’est lui ou un tribunal de l’extérieur de la Colombie‑Britannique qui constitue le ressort le plus approprié pour entendre l’affaire doit prendre en considération les circonstances pertinentes à l’instance, notamment :

a) le coût et la commodité pour les parties à l’instance et leurs témoins d’être entendus dans ce ressort ou dans un autre;

b) la loi à appliquer aux questions en litige;

c) l’opportunité d’éviter la multiplicité des instances;

d) l’opportunité d’éviter le prononcé de décisions contradictoires par différents tribunaux;

e) l’exécution d’un jugement éventuel;

f) l’équité et l’efficacité du système judiciaire canadien dans son ensemble.

IV. Questions en litige

[15] La seule question en litige dans le présent pourvoi est celle de savoir si l’action britanno‑colombienne relative à la garantie d’assurance devrait être suspendue compte tenu des poursuites parallèles antérieures ayant été engagées dans l’État de Washington et de la déclaration de compétence de la Cour de district. Pour résoudre cette question, nous devons nous pencher sur l’application de l’art. 11 de la CJPTA dans les cas où des poursuites ont d’abord été intentées à l’extérieur de la Colombie‑Britannique et où le tribunal étranger a refusé de suspendre l’action dont il est saisi.

[16] Nous nous pencherons ensuite sur la question de savoir si le juge en cabinet a eu raison, compte tenu des critères applicables, de rejeter la demande de Teck pour que le tribunal décline compétence et pour que l’action britanno‑colombienne relative à la garantie d’assurance soit suspendue.

V. Analyse

A. Le test de l’art. 11 est‑il supplanté par un test fondé sur le principe de la courtoisie?

[17] Teck fait valoir que lorsqu’un tribunal étranger s’est déclaré compétent dans une instance parallèle, le test multifactoriel usuel énoncé à l’art. 11 de la CJPTA doit céder le pas à un « test fondé sur le principe de la courtoisie » qui respecte la décision du tribunal étranger de s’attribuer compétence.

[18] À l’appui de cette approche, Teck soutient qu’il faut distinguer les cas où le tribunal étranger serait le forum approprié de ceux où un tribunal étranger s’est effectivement déclaré compétent. On peut affirmer qu’un tribunal étranger s’est déclaré compétent lorsqu’il a été appelé à décliner compétence quant à un litige et qu’il a refusé de le faire, jugeant être la juridiction appropriée pour connaître du litige. Selon Teck, lorsqu’un tribunal étranger s’est déclaré compétent sur le fondement de facteurs s’apparentant à ceux qui sont énoncés à l’art. 11 de la CJPTA, cette disposition ne s’applique pas et le tribunal peut décliner compétence simplement du fait de la déclaration de compétence du tribunal étranger et de la courtoisie, qui commande que le tribunal national reconnaisse cette déclaration de compétence antérieure.

[19] Une variante plus modérée de cet argument consisterait à dire que la déclaration de compétence d’un tribunal étranger est un facteur d’une importance capitale pour juger du caractère approprié du forum national (forum conveniens) et que, comme la Cour de district s’est formellement déclarée compétente, les tribunaux de la Colombie‑Britannique sont forcés de suspendre les poursuites parallèles intentées dans cette province.

[20] Je vais examiner chacun de ces arguments à tour de rôle.

[21] Le premier argument consiste à dire que l’art. 11 de la CJPTA ne s’applique pas lorsqu’un tribunal étranger s’est déclaré compétent. Je ne peux souscrire à ce point de vue. La CJPTA met en place un régime exhaustif qui s’applique dans tous les cas où une suspension de procédure est sollicitée au motif que l’action devrait être instruite dans un autre ressort (forum non conveniens). Selon ce régime, il faut, dans tous les cas, y compris lorsqu’un juge étranger s’est déclaré compétent dans une instance parallèle, que chacun des facteurs énumérés à l’art. 11 soit pris en compte pour déterminer s’il est justifié d’ordonner le sursis. Ainsi, il faut tenir compte de l’opportunité d’éviter la multiplicité des instances. La déclaration de compétence antérieure par un tribunal étranger ne fait pas pour autant obstacle à l’examen prévu à l’art. 11.

[22] L’article 11 de la CJPTA visait à codifier la règle du forum non conveniens et non à la compléter. La CJPTA est le fruit du travail de la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada. Dans ses observations préliminaires, cette dernière a exposé les principaux objectifs de la loi proposée, soit notamment celui de « [r]endre les règles relatives à la compétence des tribunaux au Canada conformes aux principes établis par la Cour suprême du Canada dans les arrêts Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077 et Amchem Products Inc. c. Colombie‑Britannique (Workers’ Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897 » (Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada — Stratégie du droit commercial (feuilles mobiles), p. 3). En outre, les rédacteurs de la loi type ont confirmé dans leurs observations se rapportant à l’art. 9 de la version française de la CJPTA qu’ils ont proposée (art. 11 dans la version anglaise) que cette disposition visait à codifier la règle du forum non conveniens de la common law :

9.1 L’article 9 vise à codifier la règle relative au tribunal plus commode et plus approprié, qui a été confirmée en 1993 par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Amchem Products Inc. c. Colombie‑Britannique (W.C.B.). La formulation du paragraphe 9(1) est tirée de l’affaire Amchem et des décisions antérieures sur lesquelles elle est fondée. Les facteurs énumérés au paragraphe 9(2), qui concernent le pouvoir discrétionnaire du tribunal, sont tous des facteurs qui ont déjà été expressément ou implicitement pris en considération par les tribunaux. [p. 11]

L’article 11 de la CJPTA codifie donc entièrement la règle du forum non conveniens de la common law. Il n’admet aucune exception.

[23] Selon Teck, le test multifactoriel usuel énoncé à l’art. 11 de la CJPTA doit céder le pas à un « test fondé sur le principe de la courtoisie » lorsqu’un tribunal s’est formellement déclaré compétent. Dans la mesure où cet argument suppose que les tribunaux qui appliquent le critère habituel ne font pas preuve de la courtoisie voulue envers les tribunaux étrangers, il faut le rejeter. L’article 11 de la CJPTA est, en soi, une approche fondée sur la courtoisie. Comme nous le verrons, le renvoi automatique au premier tribunal qui s’est déclaré compétent n’équivaut pas nécessairement à de la courtoisie. Ainsi, l’argument de Teck selon lequel l’art. 11 ne s’applique pas lorsqu’un tribunal étranger s’est déjà déclaré compétent à l’égard du litige ne peut être retenu.

[24] Subsidiairement, Teck soutient que, si l’art. 11 s’applique, la déclaration de compétence par le tribunal étranger est un facteur dominant et déterminant dans le contexte de l’analyse fondée sur cette disposition. Cet argument doit également être rejeté.

[25] Premièrement, s’il avait voulu que la déclaration de compétence d’un tribunal étranger soit un facteur qui l’emporte sur tous les autres, on peut supposer que le législateur l’aurait précisé en termes exprès. Or, l’opportunité d’éviter la multiplicité des instances fait simplement partie de l’énumération, au même titre que les autres facteurs. En conséquence, il est permis de penser que l’existence d’une instance à l’étranger n’est qu’un facteur, parmi plusieurs, devant être pris en compte dans l’analyse relative au forum non conveniens.

[26] Deuxièmement, la jurisprudence ne va pas dans le sens de cette prétention. Teck soutient que les arrêts 472900 B.C. Ltd. c. Thrifty Canada, Ltd. (1998), 168 D.L.R. (4th) 602 (C.A.C.‑B.), Westec Aerospace Inc. c. Raytheon Aircraft Co., 1999 BCCA 243, 67 B.C.L.R. (3d) 278, et Ingenium Technologies Corp. c. McGraw‑Hill Cos., 2005 BCCA 358, 49 B.C.L.R. (4th) 120, appuient la thèse voulant qu’une déclaration de compétence antérieure soit un facteur d’une importance primordiale. Dans Thrifty, la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a refusé de suspendre l’instance dont elle était saisie parce qu’un tribunal ontarien s’était antérieurement déclaré compétent à l’égard d’une poursuite parallèle. La Cour d’appel a accueilli le pourvoi ayant conclu que le juge en cabinet avait commis une erreur en n’accordant aucun poids au fait que les parties avaient expressément convenu que le contrat serait interprété conformément aux lois de l’Ontario et avaient convenu d’acquiescer à la compétence du tribunal de ce ressort. En définitive, ce sont les divers liens avec l’Ontario, et non la simple déclaration de compétence antérieure du tribunal ontarien, qui ont amené la Cour d’appel à suspendre l’instance devant le tribunal de la Colombie‑Britannique.

[27] Dans Westec, la défenderesse a entamé une poursuite au Kansas. Peu de temps après, la demanderesse a intenté une action en Colombie‑Britannique. Pour juger s’il y avait lieu de suspendre l’action intentée en Colombie‑Britannique, la Cour d’appel a pris en compte un grand nombre de facteurs, dont les suivants : le lieu d’incorporation des sociétés, leur lieu d’affaires, l’endroit où se trouvaient les actifs ainsi que les renseignements relatifs à la formation et à l’exécution du contrat. (Dans cette affaire, contrairement à l’affaire Thrifty, le tribunal étranger ne s’était pas déclaré compétent.) La Cour d’appel a conclu que les deux forums avaient un [traduction] « lien réel et substantiel avec le litige » (par. 46) et a décidé en définitive de suspendre l’action intentée en Colombie‑Britannique parce que la demanderesse n’avait pas établi qu’il y aurait perte d’un avantage juridique si l’instance était suspendue.

[28] Teck s’appuie enfin sur l’arrêt Ingenium, dans lequel la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique a examiné la décision de la juge en cabinet de refuser de surseoir à une action intentée en Colombie‑Britannique en présence d’une déclaration expresse de compétence de la Cour de district des États‑Unis pour le district sud de New York à l’égard d’une poursuite parallèle intentée à New York. La Cour d’appel a conclu que la juge en cabinet avait eu raison de décider que [traduction] « l’existence d’une instance parallèle ne supplante pas tous les autres facteurs » (par. 9). La Cour d’appel a toutefois accueilli le pourvoi parce que la juge en cabinet avait commis une erreur en n’accordant aucune importance au fait que la Cour de district des États‑Unis pour le district sud de New York s’était expressément déclarée compétente. Je ne suis pas d’avis que cet arrêt établit un nouveau critère pour choisir le tribunal approprié dans les cas où un tribunal étranger s’est déjà déclaré compétent dans une instance parallèle.

[29] Enfin, les considérations de politique générale ne justifient pas qu’on fasse de la déclaration de compétence antérieure d’un tribunal étranger un facteur dominant et déterminant dans l’analyse relative au forum non conveniens. Adopter cette approche aurait pour effet d’encourager un système, axé sur la date du dépôt, incitant les deux parties à se dépêcher d’entamer une poursuite dans le ressort qu’elles estiment leur être le plus favorable et à retarder celle intentée dans l’autre ressort pour s’assurer d’obtenir la première déclaration de compétence dans le ressort qu’elles préfèrent. Les questions de forme, comme celle du temps que mettra un juge à se déclarer compétent à l’égard d’une instance, pourraient avoir un effet déterminant. En somme, cette approche ferait prévaloir des considérations ayant peu ou rien à voir avec la question de savoir quel ressort est plus commode et plus approprié pour entendre une action. Un tel résultat n’est pas souhaitable et n’est pas compatible avec le libellé et l’objet de l’art. 11 dont il a été question précédemment.

[30] En outre, l’importance des différences d’approche adoptées à l’échelle internationale quant à la compétence milite aussi en faveur du rejet de la thèse préconisée par Teck. Il faut établir une distinction entre les situations où prévaut une approche uniforme et commune quant à la compétence (p. ex. dans les litiges interprovinciaux) de celles où, comme en l’espèce, il n’en est rien. Dans ces derniers cas, en acceptant aveuglément la déclaration de compétence antérieure d’un tribunal étranger, un tribunal national court le risque de décliner compétence en faveur d’un ressort qui n’est pas plus approprié. Une démarche globale — dans le cadre de laquelle le souci d’éviter la multiplicité des instances est un facteur qui doit être considéré parmi d’autres — est davantage compatible avec l’objectif de résoudre équitablement la question du forum non conveniens tout en faisant preuve de courtoisie à l’égard des tribunaux étrangers.

[31] Pour les motifs qui précèdent, je conclus, d’une part, que l’art. 11 de la CJPTA s’applique aux requêtes demandant aux tribunaux de la Colombie‑Britannique de décliner compétence et, d’autre part, que la déclaration de compétence antérieure par la Cour de district n’est qu’un facteur à considérer parmi d’autres.

B. Compte tenu des principes applicables, le juge en cabinet a‑t‑il commis une erreur en permettant que l’action britanno‑colombienne relative à la garantie d’assurance suive son cours?

[32] Comme nous l’avons vu, le juge en cabinet a rejeté les requêtes de Teck visant à obtenir la suspension de l’action britanno‑colombienne relative à la garantie d’assurance. Pour arriver à cette conclusion, il a soigneusement examiné chacun des facteurs devant être pris en compte en application du par. 11(2) de la CJPTA, à savoir : le coût et la commodité pour les parties à l’instance et leurs témoins d’être entendus dans ce ressort ou dans un autre (al. 11(2)a)); la loi à appliquer aux questions en litige (al. 11(2)b)); l’opportunité d’éviter la multiplicité des instances (al. 11(2)c)); l’opportunité d’éviter le prononcé de décisions contradictoires par différents tribunaux (al. 11(2)d)); l’exécution d’un jugement éventuel (al. 11(2)e)); l’équité et l’efficacité du système judiciaire canadien dans son ensemble (al. 11(2)f)).

[33] Devant notre Cour, Teck a fait valoir que le juge en cabinet a commis une erreur en ne tenant pas compte du fait que c’est à l’égard d’une demande de dommages‑intérêts présentée dans l’État de Washington qu’elle cherchait à se prévaloir de la protection offerte par les polices. Selon elle, il faut respecter la déclaration de compétence de la Cour de district parce que les questions soulevées dans l’action environnementale par des citoyens de l’État de Washington sur le fondement de la législation américaine peuvent avoir des incidences sur la question de la garantie d’assurance dans l’action visée par le présent pourvoi.

[34] Cette observation pose problème parce que le juge en cabinet a soigneusement considéré ces arguments et l’ensemble de la preuve qui lui a été soumise. C’est au terme de cet examen qu’il a conclu que les principales questions soulevées dans les actions relatives à la garantie d’assurance (divulgation, évaluation du risque et interprétation des polices) militaient en faveur de la Colombie‑Britannique et que les questions liées à la garantie d’assurance étant à juste titre soulevée dans l’action environnementale intentée aux États‑Unis ne portaient pas à conséquence.

[35] Il était conscient du fait que le dommage environnemental s’était produit dans l’État de Washington, mais il a jugé que ce fait, à lui seul, ne permettait pas de conclure que des lois étrangères devraient régir l’action relative à la garantie d’assurance. Au contraire, il a conclu qu’il ne serait pas raisonnable d’appliquer les lois de l’État de Washington notamment parce que les actes répréhensibles reprochés à Teck n’auraient été commis qu’au Canada, parce que l’action concernait d’autres sites se trouvant en Colombie‑Britannique sans lien aucun avec l’État de Washington et parce que les résidants de l’État de Washington ne sont pas bénéficiaires des polices.

[36] Le juge en cabinet était également conscient du fait que, dans l’examen d’une demande fondée sur le forum non conveniens, les tribunaux devraient s’efforcer d’éviter les situations où deux ressorts sont susceptibles d’avoir à traiter d’un litige portant sur le même sujet. Certes, il a conclu que la déclaration de compétence antérieure de la Cour de district était un facteur d’une grande importance. Il a toutefois jugé que ce facteur ne saurait prévaloir compte tenu du fait que la Colombie‑Britannique était le forum ayant les liens les plus étroits avec Teck et avec les polices et que l’État de Washington, un ressort ayant tout au plus un lien ténu avec les parties et les polices, n’était pas un forum approprié.

[37] Je ne relève aucune erreur dans les motifs ou dans la conclusion du juge en cabinet. Il a tenu compte de tous les facteurs pertinents énumérés à l’art. 11 de la CJPTA. Ces facteurs appuient sa décision de refuser de suspendre l’action britanno‑colombienne relative à la garantie d’assurance.

[38] Teck soutient qu’un refus de suspendre l’action britanno‑colombienne relative à la garantie d’assurance place les parties dans la situation difficile d’avoir à répondre dans deux ressorts différents à des procédures qui concernent la garantie d’assurance. Bien que je sois consciente des difficultés que soulève l’existence de recours parallèles, le souci d’éviter une telle situation ne peut éclipser l’objectif de la règle du forum non conveniens qui consiste à « faire en sorte, si possible, que le procès soit instruit dans le ressort qui a les liens les plus étroits avec le litige et les parties » (Amchem Products Inc. c. Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897, p. 912).

[39] Teck soutient également que permettre à l’action britanno‑colombienne relative à la garantie d’assurance de suivre son cours en Colombie‑Britannique soulève des problèmes quant à l’exécution d’un éventuel jugement dans l’action américaine relative à la garantie d’assurance. Normalement, si l’instance devant la Cour de district (qui est temporairement suspendue en attendant l’issue du présent pourvoi) devait arriver à son terme en premier, le jugement de cette cour serait exécutoire au Canada. Le tribunal de la Colombie‑Britannique serait‑il tenu de reconnaître le jugement, ce qui reviendrait dans les faits à annuler l’action intentée en Colombie‑Britannique? Ou la reconnaissance du jugement étranger serait‑elle impossible parce qu’un litige portant sur le même sujet est en cours en Colombie‑Britannique? Le professeur Black et M. Swan envisagent trois approches à cet égard : (1) une course à l’issue de laquelle prévaut le jugement rendu en premier; (2) une préférence absolue pour l’instance locale ou (3) un moyen terme consistant à adopter, à titre de règle générale, le jugement rendu en premier tout en prévoyant des moyens de s’opposer à son exécution dans certaines circonstances : V. Black et J. Swan, « Concurrent Judicial Jurisdiction : A Race to the Court House or to Judgment? » (2008), 46 Rev. can. dr. comm. 292.

[40] Je n’entends pas répondre à cette question puisqu’elle n’a pas été pleinement débattue devant les tribunaux d’instance inférieure et devant notre Cour et qu’il n’est pas nécessaire de la résoudre pour trancher le pourvoi. Comme je l’ai déjà signalé, le juge en cabinet a considéré la question de l’exécution et il a conclu qu’il était peu probable que Teck ait à recourir à une procédure d’exécution contre les assureurs.

VI. Conclusion

[41] Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens en faveur des intimés.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante : Lawson Lundell, Vancouver.

Procureurs de l’intimée Lloyd’s Underwriters : Nicholl, Paskell‑Mede, Toronto.

Procureurs de l’intimée Seaton Insurance Company : Alexander Holburn Beaudin & Lang, Vancouver.

Procureurs de l’intimée la Compagnie canadienne d’assurances générales Lombard : Branch, MacMaster, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : 2009 CSC 11 ?
Date de la décision : 20/02/2009
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit international privé - Choix du tribunal - Forum conveniens - Une compagnie minière a causé de la pollution au Canada, mais le dommage environnemental serait survenu aux États‑Unis - Une action environnementale a été intentée contre la compagnie devant une cour américaine - La compagnie poursuit les assureurs devant cette cour pour être indemnisée quant au dommage environnemental - Les assureurs ont intenté des recours parallèles en Colombie‑Britannique - La cour américaine s’est déclarée compétente - Les recours intentés en Colombie‑Britannique devraient‑ils être suspendus compte tenu de la déclaration de compétence antérieure? - Court Jurisdiction and Proceedings Transfer Act, S.B.C. 2003, ch. 28, art. 11.

Teck a intenté une poursuite aux États-Unis contre ses assureurs par laquelle elle cherche à être indemnisée quant à un dommage environnemental qui serait survenu aux États‑Unis, en aval de sa fonderie située en Colombie‑Britannique. Les assureurs ont engagé des recours parallèles en Colombie‑Britannique sollicitant le prononcé d’ordonnances déclaratoires quant à l’obligation qui leur incombe (ou l’absence d’obligation) de défendre et d’indemniser Teck. Les parties ont chacune eu recours à diverses procédures visant l’obtention de décisions en matière de compétence afin que la question de la garantie d’assurance soit tranchée par leur cour préférée : les assureurs ont déposé une requête devant la Cour de district des États‑Unis sollicitant ainsi le rejet des demandes formulées par Teck contre eux, et Teck a déposé des requêtes similaires en Colombie‑Britannique en vue de faire suspendre les recours intentés dans cette province. La Cour de district a rejeté les demandes des assureurs visant le rejet pour cause de forum non conveniens des réclamations de Teck formulées contre eux. La Cour suprême de la Colombie‑Britannique a rejeté les requêtes en suspension présentées par Teck. La Cour d’appel a confirmé cette décision.

Arrêt : Le pourvoi est rejeté.

La Court Jurisdiction and Proceedings Transfer Act de la Colombie‑Britannique met en place un régime exhaustif qui s’applique dans tous les cas où une suspension de procédure est sollicitée au motif que l’action devrait être instruite dans un autre ressort (forum non conveniens). Selon ce régime, il faut, dans tous les cas, y compris lorsqu’un juge étranger s’est déclaré compétent dans une instance parallèle, que chacun des facteurs énumérés à l’art. 11 soit pris en compte pour déterminer s’il est justifié d’ordonner le sursis des procédures. Ainsi, il faut tenir compte de l’opportunité d’éviter la multiplicité des instances. L’article 11 codifie entièrement la règle du forum non conveniens de la common law. Il n’admet aucune exception. [21‑22]

La déclaration de compétence antérieure par un tribunal étranger ne fait pas obstacle à l’examen prévu à l’art. 11. Le test multifactoriel usuel énoncé à l’art. 11 n’a pas à céder le pas à un « test fondé sur le principe de la courtoisie » lorsqu’un tribunal étranger s’est formellement déclaré compétent. L’article 11 est, en soi, une approche fondée sur la courtoisie faisant preuve du respect voulu à l’égard des tribunaux étrangers. Le renvoi automatique au premier tribunal qui s’est déclaré compétent n’équivaut pas nécessairement à de la courtoisie. La déclaration de compétence par le tribunal étranger n’est pas non plus un facteur dominant et déterminant dans le contexte de l’analyse fondée sur l’art. 11. L’opportunité d’éviter la multiplicité des instances n’est qu’un facteur, parmi plusieurs, devant être pris en compte. En outre, la jurisprudence et les considérations de politique générale ne justifient pas une conclusion selon laquelle la déclaration de compétence antérieure d’un tribunal étranger est un facteur dominant et déterminant dans l’analyse relative au forum non conveniens. Adopter cette approche aurait pour effet d’encourager un système axé sur la date du dépôt où prévaudraient des considérations ayant peu ou rien à voir avec la question de savoir quel ressort est plus commode et plus approprié pour entendre une action. Finalement, les approches diffèrent à l’échelle internationale quant à la compétence : il faut établir une distinction entre les situations où prévaut une approche uniforme et commune quant à la compétence comme dans les litiges interprovinciaux de celles où il n’en est rien. En acceptant aveuglément la déclaration de compétence antérieure d’un tribunal étranger, un tribunal national court le risque de décliner compétence en faveur d’un ressort qui n’est pas plus approprié. Une démarche globale — dans le cadre de laquelle le souci d’éviter la multiplicité des instances est un facteur qui doit être considéré parmi d’autres — est davantage compatible avec l’objectif de résoudre équitablement la question du forum non conveniens tout en faisant preuve de courtoisie à l’égard des tribunaux étrangers. [21] [23‑25] [29-30]

En l’espèce, le juge en cabinet a soigneusement examiné chacun des facteurs mentionnés à l’art. 11 et n’a pas commis d’erreur en rejetant les requêtes de Teck visant la suspension des procédures intentées en Colombie‑Britannique. Même si les tribunaux devraient s’efforcer d’éviter les recours parallèles, ce souci ne peut éclipser l’objectif de la règle du forum non conveniens qui consiste à faire en sorte, si possible, que le procès soit instruit dans le ressort qui a les liens les plus étroits avec le litige et les parties. [32] [38]


Parties
Demandeurs : Teck Cominco Metals Ltd.
Défendeurs : Lloyd's Underwriters

Références :

Jurisprudence
Distinction d’avec les arrêts : 472900 B.C. Ltd. c. Thrifty Canada, Ltd. (1998), 168 D.L.R. (4th) 602
Westec Aerospace Inc. c. Raytheon Aircraft Co., 1999 BCCA 243, 67 B.C.L.R. (3d) 278
Ingenium Technologies Corp. c. McGraw‑Hill Cos., 2005 BCCA 358, 49 B.C.L.R. (4th) 120
Amchem Products Inc. c. Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897.
Lois et règlements cités
Comprehensive Environmental Response, Compensation, and Liability Act, 42 U.S.C. §§ 9601‑9675.
Court Jurisdiction and Proceedings Transfer Act, S.B.C. 2003, ch. 28, art. 11.
Doctrine citée
Black, Vaughan, and John Swan. « Concurrent Judicial Jurisdiction : A Race to the Court House or to Judgment? » (2008), 46 Rev. can. dr. comm. 292.
Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada. Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada — Stratégie du droit commercial. Ottawa : La Conférence, 2005 (feuilles mobiles mises à jour 2008).

Proposition de citation de la décision: Teck Cominco Metals Ltd. c. Lloyd's Underwriters, 2009 CSC 11 (20 février 2009)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2009-02-20;2009.csc.11 ?
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