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19/11/2004 | CANADA | N°2004_CSC_75

Canada | Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), 2004 CSC 75 (19 novembre 2004)


Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), [2004] 3 R.C.S. 575, 2004 CSC 75

Pacific National Investments Ltd. Appelante

c.

Corporation de la ville de Victoria Intimée

Répertorié : Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville)

Référence neutre : 2004 CSC 75.

No du greffe : 29759.

2004 : 15 juin; 2004 : 19 novembre.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps et Fish.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt d

e la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (2003), 223 D.L.R. (4th) 617, 11 B.C.L.R. (4th) 234, 23 C.L.R. (3d) 181, ...

Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), [2004] 3 R.C.S. 575, 2004 CSC 75

Pacific National Investments Ltd. Appelante

c.

Corporation de la ville de Victoria Intimée

Répertorié : Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville)

Référence neutre : 2004 CSC 75.

No du greffe : 29759.

2004 : 15 juin; 2004 : 19 novembre.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps et Fish.

en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (2003), 223 D.L.R. (4th) 617, 11 B.C.L.R. (4th) 234, 23 C.L.R. (3d) 181, 36 M.P.L.R. (3d) 222, 180 B.C.A.C. 104, 297 W.A.C. 104, [2003] B.C.J. No. 537 (QL), 2003 BCCA 162, qui a infirmé des jugements de la Cour suprême de la Colombie-Britannique, [2002] B.C.J. No. 1379 (QL), 2002 BCSC 41, et (2002), 217 D.L.R. (4th) 248, 20 C.L.R. (3d) 251, 32 M.P.L.R. (3d) 235, [2002] B.C.J. No. 1847 (QL), 2002 BCSC 1185. Pourvoi accueilli.

L. John Alexander, pour l’appelante.

Guy E. McDannold, pour l’intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1 Le juge Binnie — C’est la deuxième fois que nous sommes saisis de cette affaire. La première fois, le promoteur immobilier appelant, Pacific National Investments Ltd. (« PNI »), recherchait la municipalité intimée en responsabilité contractuelle au motif que celle-ci avait rompu le contrat qui les liait en modifiant, à mi-parcours des travaux, le zonage d’une partie de son bien-fonds d’une superficie de 22 acres situé dans le secteur riverain de Victoria. Par suite de cette modification, un grand nombre d’immeubles résidentiels et de locaux commerciaux, y compris des commerces de détail, dont l’aménagement dans le secteur riverain avait été autorisé, n’avaient pu être construits. Dans l’action qu’elle a intentée contre la Ville, l’appelante a soutenu qu’elle avait contracté l’obligation de réaliser des travaux et des améliorations supplémentaires d’une valeur de 1,08 million de dollars en contrepartie de l’engagement tacite de la Ville à maintenir le zonage pendant une période raisonnable afin que le projet puisse être mené à terme. Selon l’appelante, en modifiant le zonage, la Ville a contrevenu à une clause implicite du contrat qui était à la base même de l’accord intervenu entre elles. Les juges majoritaires de notre Cour ont rejeté l’action contractuelle au motif que la municipalité n’avait pas le pouvoir légal de prendre un tel engagement tacite, jugé ultra vires, et que l’inexécution ne pouvait donc fonder une action en dommages‑intérêts (voir Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), [2000] 2 R.C.S. 919, 2000 CSC 64). L’affaire a été renvoyée en première instance pour qu’il soit statué sur l’argument subsidiaire fondé sur l’enrichissement sans cause. La preuve requise était différente, et l’appelante ne pouvait espérer toucher qu’une indemnité de beaucoup inférieure, le facteur déterminant étant le gain de la Ville, et non la perte de l’appelante (comme pour l’action contractuelle). Le juge du second procès, le juge Wilson, a accueilli l’action fondée sur l’enrichissement sans cause, mais sa décision a été infirmée par la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique. Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’annuler le jugement de la Cour d’appel et de rétablir la décision du juge de première instance. En toute déférence, j’estime que, en l’espèce, la municipalité ne peut, suivant l’equity, bénéficier des travaux et des améliorations supplémentaires sans en payer le prix.

I. Faits

2 Dans les années 80, le gouvernement provincial et la ville de Victoria ont convenu de l’opportunité du réaménagement, à des fins résidentielles et commerciales, d’environ 200 acres d’un bien-fonds de la Couronne provinciale situé dans le port intérieur de Victoria. Il s’agissait des terres Songhees, qui devaient leur nom à la Première nation déplacée pour la construction du chemin de fer et le développement industriel. Le juge du premier procès, le juge Mackenzie, a conclu que [traduction] « [l]a Ville avait grand intérêt à planifier le réaménagement d’un site aussi vaste, stratégiquement situé dans le secteur portuaire, près du centre‑ville » ([1996] B.C.J. No. 2523 (QL), par. 3). La Ville désirait notamment obtenir une plus grande superficie d’espaces verts (près de 30 pour 100 au lieu des 5 pour 100 habituellement exigés), l’aménagement de routes et de sentiers et la construction d’une nouvelle digue. Ces éléments n’étaient pas nécessaires en soi au projet de PNI, mais ils devaient rendre le secteur plus fonctionnel et attrayant.

3 La province a accueilli favorablement les demandes de la Ville, tout comme l’appelante, qui a pris part pour la première fois à l’exercice de planification en 1984 en tant que partie intéressée à entreprendre un jour l’aménagement privé de la phase II du projet (22 acres). C’est l’architecte de l’appelante qui a établi ce qui devint en 1985 le plan conceptuel de l’aménagement du secteur riverain, soit bien avant que n’intervienne un accord entre la Ville et la société d’État provinciale propriétaire des terrains, British Columbia Enterprise Corporation (« BCEC »). L’intimée fait valoir que l’appelante n’a pas été partie aux négociations entre la Ville et BCEC et que, suivant une juste interprétation des faits, la province a offert les infrastructures supplémentaires à la Ville, et PNI a simplement succédé à BCEC. Le juge Mackenzie a rejeté cette thèse. Selon lui, l’appelante n’était pas une partie désintéressée, mais un promoteur immobilier désireux de réaliser un profit et ayant participé pleinement à la planification de l’aménagement, y compris aux efforts visant à intégrer les infrastructures supplémentaires demandées par la Ville (par. 23) :

[traduction] . . . je suis convaincu que, pendant toute la période considérée, la Ville et BCEC s’attendaient toutes deux à ce que BCEC vende la phase II à PNI et que, dès l’acquisition, PNI acquière les droits de BCEC et assume ses obligations relativement à la phase II.

4 Voici quelles ont été les mesures prises en vue de l’aménagement des terres Songhees :

1. La Ville et BCEC ont conclu le « Songhees Master Agreement » (« accord‑cadre ») en date du 28 août 1987. BCEC a entrepris pour sa part l’aménagement de la phase I du projet.

2. Un engagement de ne pas faire a été enregistré contre le titre de propriété pour empêcher toute construction sur le bien-fonds jusqu’à la conclusion entre l’appelante et la Ville de contrats de viabilisation appropriés et l’approbation par la Ville des plans de lotissement.

3. L’appelante a acheté à BCEC le bien-fonds de la phase II, l’acquisition étant subordonnée à l’adoption et au maintien du zonage, à l’aménagement d’espaces verts, à la conclusion d’un contrat de viabilisation entre l’appelante et la Ville, ainsi qu’à l’approbation officielle du lotissement.

4. La Ville a adopté un règlement de zonage permettant la réalisation des travaux projetés par l’appelante pour l’ensemble de la phase II, y compris les deux plans d’eau sur lesquels devaient être construites des structures de trois étages reposant sur des pieux enfoncés dans le lit du port, ou peut-être sur une plate-forme flottante, le premier étage étant réservé aux commerces de détail et aux locaux commerciaux, et les deuxième et troisième étages, aux condominiums résidentiels.

5. Dès la cession à l’appelante des droits et des obligations de BCEC, l’appelante et la Ville ont conclu, le 29 janvier 1988, le « Songhees Phase II Subdivision Servicing Agreement » (« contrat de viabilisation des lots de la phase II ») prévoyant notamment les travaux et les améliorations supplémentaires dont les parties estiment le coût à 1,08 million de dollars sur les 2,5 millions de dollars prévus au total pour la viabilisation. La prise en charge des obligations de BCEC par l’appelante était subordonnée à ce que la Ville modifie au préalable le zonage (industriel) des 22 acres pour permettre l’aménagement résidentiel et commercial projeté.

6. La Ville a enregistré un droit de passage légal contre un sentier public longeant le périmètre des ouvrages devant être construits sur les plans d’eau.

5 Après examen de la preuve, le juge du second procès, le juge Wilson, a conclu que, pour les trois parties, la réalisation des travaux et des améliorations supplémentaires était inextricablement liée au maintien du zonage permettant la construction projetée par PNI :

[traduction] . . . la clause selon laquelle la demanderesse devait fournir et mettre en place certaines infrastructures, en rapport avec l’aménagement projeté, était inextricablement liée à celle prévoyant la construction d’améliorations suivant le règlement pertinent, soit, en l’occurrence, deux immeubles de trois étages sur les plans d’eau.

((2002), 217 D.L.R. (4th) 248, par. 5)

6 En 1993, les condominiums sur terre ferme avaient été construits, étaient en voie de l’être ou étaient à tout le moins projetés. L’appelante avait déjà réalisé un profit assez considérable et elle disposait encore de terrains à vendre. Les nouveaux résidants et les autres habitants de la municipalité y trouvaient également leur compte. Ils avaient commencé à profiter de leurs nouveaux parcs, des vues dégagées et des sentiers bordant la nouvelle digue, et ce, grâce aux dépenses engagées par l’appelante à cet égard. Comme l’a fait remarquer le juge Mackenzie (par. 16) :

[traduction] La Ville avait laissé le promoteur immobilier aller de l’avant, et ce dernier lui avait conféré des avantages tangibles importants — parcs et autres aménagements — à ses frais, s’attendant à ce que l’aménagement des plans d’eau alors projeté par la Ville, BCEC et lui‑même puisse se concrétiser.

7 Cependant, lorsque l’appelante a demandé les permis de construction nécessaires à l’aménagement des deux plans d’eau — construction d’une marina, de restaurants, de boutiques, d’autres locaux commerciaux et de deux étages de condominiums résidentiels dans le port — , la collectivité locale s’est opposée à leur délivrance et le dossier est devenu un enjeu de la campagne électorale municipale alors en cours. Le nouveau conseil municipal élu a voté (sauf une voix dissidente) la modification du zonage des deux plans d’eau afin que seuls des immeubles commerciaux d’un étage puissent y être construits, éliminant ainsi les deux étages supérieurs destinés aux condominiums résidentiels. L’appelante a fait valoir que, dans ces circonstances, l’aménagement des plans d’eau n’était plus rentable.

8 Dans la déclaration qu’elle a déposée le 8 octobre 1993, l’appelante a invoqué des causes d’action en common law (rupture de contrat) et en equity (enrichissement sans cause). En ce qui concerne l’action contractuelle, elle a plaidé que l’accord-cadre comportait une clause implicite selon laquelle le zonage autorisant l’aménagement projeté serait maintenu pendant une période raisonnable. L’avocat de la Ville avait opiné que la réalisation du projet [traduction] « se ferait en plusieurs étapes sur une période de 10 à 12 ans ». Le juge Mackenzie a fait droit à la cause d’action en common law et conclu de ce fait qu’il n’était pas nécessaire de statuer sur l’allégation d’enrichissement sans cause. Cette décision a été infirmée par la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, puis par les juges majoritaires de notre Cour le 14 décembre 2000. Sous le régime du droit provincial régissant les municipalités à l’époque considérée, la Ville ne pouvait s’engager tacitement à maintenir le zonage pendant un certain nombre d’années et à payer des dommages‑intérêts si elle le modifiait. Notre Cour a ensuite renvoyé l’affaire « en première instance pour [qu’elle soit] examinée relativement à tout argument éventuel d’enrichissement sans cause » (par. 75).

II. Dispositions législatives pertinentes

9 Local Government Act, R.S.B.C. 1996, ch. 323

[traduction]

914 (1) Nul n’a droit à une indemnité pour la diminution de la valeur d’un bien‑fonds ou pour tout préjudice ou perte résultant de l’adoption d’un plan d’urbanisme ou d’un règlement en vertu de la présente section ou de la délivrance d’un permis en application de la section 9 de la présente partie.

(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas lorsque le règlement pris en vertu de la présente section prévoit qu’un bien‑fonds ne peut être utilisé qu’à des fins publiques.

Land Title Act, R.S.B.C. 1979, ch. 219

[traduction]

215. . . .

(3) Lorsqu’un acte renferme un engagement susceptible d’enregistrement en application du présent article, celui‑ci lie le bénéficiaire de l’engagement et ses successeurs même s’il n’a pas signé l’acte ni aucun autre acte d’aliénation.

III. Historique des procédures judiciaires

A. Cour suprême de la Colombie‑Britannique ((2002), 217 D.L.R. (4th) 248)

10 Le juge Wilson a fait siennes les conclusions de fait tirées lors du premier procès. Puis, compte tenu de l’issue du pourvoi interjeté devant notre Cour, il a estimé que les parties avaient agi en supposant à tort que le zonage ne serait pas modifié de façon à compromettre sensiblement le projet avant que l’appelante n’ait eu la possibilité raisonnable de mener à terme l’aménagement de la phase II en entier et, sur le plan du droit, que la Ville était légalement habilitée à prendre un engagement contractuel en ce sens. L’intimée n’aurait pu légalement exiger les travaux et les améliorations supplémentaires effectués par l’appelante. Le juge a ajouté foi à la preuve selon laquelle la valeur des travaux et des améliorations réalisés sur le fondement de l’hypothèse erronée s’élevait à 1,08 million de dollars.

11 Le juge Wilson a conclu que la Ville s’était enrichie à proportion des travaux et des améliorations supplémentaires que, n’eût été l’erreur commise, elle n’aurait jamais obtenus, l’appelante s’étant appauvrie corrélativement. Il a ensuite estimé qu’aucun motif juridique ne justifiait la Ville de conserver l’avantage sans indemniser l’appelante. Il a donc accueilli la demande et ordonné le versement à l’appelante de 1,08 million de dollars, plus l’intérêt calculé aux taux établis périodiquement par le registraire, du 1er octobre 1993 à la date du jugement, soit le 7 mai 2002.

B. Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Southin, Braidwood et Hall) ((2003), 223 D.L.R. (4th) 617)

12 S’exprimant au nom de la Cour d’appel, la juge Southin a conclu que l’allégation d’enrichissement sans cause n’était pas fondée. Elle a convenu que les critères applicables à l’enrichissement sans cause étaient l’enrichissement du défendeur, l’appauvrissement corrélatif du demandeur et l’absence de tout motif juridique de conserver l’avantage. Après les avoir appliqués aux fait de l’espèce, la juge Southin a conclu à l’absence d’appauvrissement : les travaux supplémentaires [traduction] « faisaient partie intégrante de la contrepartie versée par l’appelante pour obtenir l’avantage que lui conféraient les accords. Il n’y avait pas de véritable corrélation entre l’enrichissement et l’appauvrissement allégués, soit, dans ce dernier cas, la modification du zonage des deux plans d’eau » (par. 25). Non seulement il n’y avait pas eu d’appauvrissement, mais même s’il y en avait eu un, [traduction] « le motif juridique pour lequel l’appelante avait agi comme elle l’avait fait en 1993 résidait dans le pouvoir de modifier le zonage que lui avait conféré le législateur. Le règlement était tout aussi exécutoire que s’il avait été pris par le législateur lui‑même et il permettait de régler entièrement tout litige découlant de son application » (par. 26). En conséquence, l’appel a été accueilli, et l’action rejetée.

IV. Analyse

13 L’enrichissement sans cause est une cause d’action en equity qui offre une grande souplesse dans les réparations susceptibles d’être accordées dans différentes circonstances selon des principes fondés sur l’équité et la bonne conscience. Il ne s’agit pas pour autant d’une forme de « justice au cas par cas » (Peel (Municipalité régionale) c. Canada, [1992] 3 R.C.S. 762, p. 802) dépendante de l’humeur des juges appelés à se prononcer. Au contraire, comme notre Cour l’a rappelé récemment dans Garland c. Consumers’ Gas Co., [2004] 1 R.C.S. 629, 2004 CSC 25, en matière d’enrichissement sans cause, le tribunal doit suivre une méthode établie s’appuyant sur des principes clairs. Cependant, l’application de ces principes ne doit pas être machinale. Le juge Iacobucci a signalé qu’« il s’agit d’un recours en equity qui fait nécessairement intervenir un pouvoir discrétionnaire et des questions d’équité » (par. 44).

14 Les tribunaux de la Colombie‑Britannique ont statué que pour qu’il y ait enrichissement sans cause, trois conditions doivent être réunies : (1) enrichissement du défendeur; (2) appauvrissement corrélatif du demandeur; (3) absence de tout motif juridique justifiant l’enrichissement (Rathwell c. Rathwell, [1978] 2 R.C.S. 436, p. 455; Pettkus c. Becker, [1980] 2 R.C.S. 834, p. 848; Peter c. Beblow, [1993] 1 R.C.S. 980, p. 987; Peel, précité, p. 784; Garland, précité, par. 30).

A. Y a‑t‑il eu enrichissement de la Ville?

15 Une « analyse économique simple » s’applique pour déterminer s’il y a eu enrichissement du défendeur (Peter, précité, p. 990). L’enrichissement peut « connote[r] un avantage tangible » (Peel, précité, p. 790) ou être « négatif », par exemple en épargnant au défendeur une dépense à laquelle il aurait été tenu.

16 En l’espèce, la Ville a obtenu, entièrement aux frais de l’appelante, des routes, des espaces verts, des sentiers et une nouvelle digue d’une valeur de 1,08 million de dollars. Ces travaux et améliorations allaient au‑delà de ce que la Ville pouvait légalement exiger en application de l’art. 989 de la Municipal Act, R.S.B.C. 1979, ch. 290. Principal témoin de la Ville, M. Clive Timms a reconnu que [traduction] « le responsable de l’autorisation ne pouvait exiger [les travaux supplémentaires] dans le cadre de ce que nous avons considéré comme un simple lotissement ».

17 La Ville prétend aujourd’hui que ces travaux et améliorations supplémentaires ne constituent pas véritablement un avantage puisqu’ils ont été réalisés sur des terres qui appartenaient alors à la Couronne provinciale et que l’entretien de ces infrastructures lui coûte chaque année environ 40 000 $. La Ville ne peut sérieusement prétendre être victime de la générosité de l’appelante. Le juge du premier procès, le juge Mackenzie, a tiré la conclusion de fait que la Ville avait beaucoup insisté pour obtenir les infrastructures supplémentaires dont elle déplore aujourd’hui le coût d’entretien. Au par. 20 de ses motifs, il a relevé que [traduction] « [l]a Ville voulait un aménagement planifié avec services, parcs et autres infrastructures dont bénéficieraient gratuitement les contribuables. » La Ville avait exigé un engagement de ne pas faire empêchant toute construction jusqu’à l’approbation des plans de lotissement et la conclusion de contrats de viabilisation. C’est elle qui a insisté pour que l’appelante, en succédant à BCEC, prenne à sa charge les obligations de celle-ci relatives à la viabilisation ainsi qu’aux travaux et aux améliorations qui étaient en sus de ce qu’elle pouvait légalement exiger (le juge Mackenzie, par. 23). À cet égard, un commentaire pertinent figure à la p. 12 de l’ouvrage intitulé Restatement of the Law of Restitution : Quasi Contracts and Constructive Trusts (1937) : [traduction] « [u]ne personne confère un avantage à une autre lorsqu’elle [. . .] fournit des services qui sont utiles à l’autre personne ou dont celle-ci a fait la demande » (je souligne).

18 La Ville prétend que les travaux et les améliorations supplémentaires [traduction] « peuvent bénéficier à PNI à titre de promoteur immobilier ou à la collectivité, mais qu’ils ne bénéficient pas à la Corporation de la ville de Victoria » (souligné dans l’original). Or, c’est la Ville qui, dans l’accord conclu avec l’appelante, s’est attribué la propriété des « infrastructures » où qu’elles soient construites. L’alinéa 11c) du contrat de viabilisation des lots de la phase II en date du 29 janvier 1988 prévoit en effet :

[traduction] À l’exception de celles qui sont destinées aux services publics, les infrastructures sont et demeurent l’entière propriété de la Ville dès leur acceptation écrite par l’ingénieur de la Ville. [Je souligne.]

19 Il y a lieu de rejeter l’argument que formule aujourd’hui la Ville, savoir que les travaux et les améliorations supplémentaires qu’elle a exigés ne constituent pas un enrichissement, mais une sorte de fardeau.

B. Y a-t-il eu appauvrissement corrélatif de l’appelante?

20 L’analyse économique simple révèle que l’appelante s’est appauvrie corrélativement de 1,08 million de dollars. L’appelante a dû contribuer financièrement à la mise en place des infrastructures et fournir les espaces verts supplémentaires à même les terres qu’elle avait acquises. Aucune autre personne physique ou morale n’a contribué à l’enrichissement. Dans ces circonstances, comme l’a dit le juge Cory dans l’arrêt Peter, précité, p. 1012, « j’aurais cru qu’un enrichissement donnerait presque invariablement lieu à un appauvrissement correspondant de la personne qui a contribué à l’enrichissement. »

21 La Ville fait valoir que l’appelante a réalisé un profit considérable sans même avoir aménagé les deux plans d’eau. Soit, mais ça n’a rien à voir. Il ne s’agit pas de savoir si, en général, le promoteur immobilier a vu son projet couronné de succès, mais bien s’il a subi un désavantage corrélatif à l’enrichissement de la Ville. Sauf obligation légale de le faire, l’appelante n’a pas à subventionner les infrastructures de la ville par prélèvement sur ses profits provenant d’autres parties du projet. La portée du contrat de viabilisation à cet égard doit être examinée à la troisième étape.

C. Existe-t-il un motif juridique justifiant le refus d’indemniser l’appelante?

22 Ce volet du critère de l’enrichissement sans cause est le plus important. Comme l’a fait observer la juge McLachlin dans l’arrêt Peter, précité, p. 990 :

C’est à cette étape que le tribunal doit vérifier si l’enrichissement et le désavantage, moralement neutres en soi, sont « injustes ».

23 Vu l’exigence d’un « motif juridique », « injustes » ou « sans cause » renvoie au droit et au raisonnement juridique, et non à une conscience morale à géométrie variable susceptible d’être trop subjective; voir L. Smith, « The Mystery of “Juristic Reason” » (2000), 12 S.C.L.R. (2d) 211, p. 219. Cette troisième étape a été, dans une certaine mesure, redéfinie et reformulée dans l’arrêt Garland, précité, par. 44 à 46. Elle se scinde désormais en deux. Dans un premier temps, le demandeur (en l’occurrence l’appelante) doit démontrer qu’aucun motif juridique appartenant à une catégorie établie ne justifie le refus de l’indemniser. Les catégories établies sont le contrat, la disposition légale, l’intention libérale et « les autres obligations valides imposées par la common law, l’equity ou la loi » (Garland, par. 44). D’autres catégories peuvent s’ajouter au fil du temps (par. 46). S’il prouve qu’aucun motif appartenant à ces catégories bien circonscrites ne justifie le défendeur de refuser de l’indemniser, le demandeur (en l’occurrence l’appelante) aura alors établi l’enrichissement sans cause prima facie. Il aura prouvé l’existence [traduction] « d’un motif concret d’annuler l’enrichissement du défendeur » (Smith, loc. cit., p. 244).

24 Bien que cette formulation oblige le demandeur à prouver l’inexistence de quelque chose, sa tâche est rendue possible par le nombre limité des catégories, et ce n’est que justice qu’il lui incombe d’établir les éléments essentiels de sa cause d’action.

25 Dans un deuxième temps, il appartient au défendeur (en l’occurrence la Ville intimée) de réfuter la preuve prima facie en avançant un autre motif valable de refuser l’indemnisation. S’il ne le fait pas de manière convaincante, il y a lieu d’annuler le transfert de richesse. Suivant l’arrêt Garland, c’est à cette étape que le tribunal doit tenir compte des attentes raisonnables des parties et des considérations d’intérêt public. Le juge Iacobucci a toutefois ajouté au par. 46 :

Il faut comprendre ici que ce domaine est en évolution et que d’autres précisions et innovations résulteront d’affaires ultérieures.

26 Le juge du second procès a été on ne peut plus clair en ce qui concerne l’absence de motif juridique valable en l’espèce (par. 17) :

[traduction] Aucun motif juridique ne justifie la Ville de conserver les avantages sans indemniser la demanderesse. Je crois que la conscience morale le lui défend.

27 Je me penche à présent sur la question de savoir si l’appelante a démontré que les catégories établies ne s’appliquent pas.

(1) Première étape : les catégories établies

a) Contrat

28 Habituellement, l’existence d’un contrat comme celui qu’ont signé les parties au présent pourvoi suffit à elle seule à sceller l’issue d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause. La Ville invoque l’existence de quatre contrats : (i) la convention d’achat entre l’appelante et BCEC; (ii) le contrat de viabilisation des lots; (iii) la convention de prise en charge; (iv) l’accord‑cadre. Nul doute qu’il était loisible aux parties de contracter pour l’aménagement du bien-fonds de 22 acres et que le projet n’aurait pu voir le jour si l’appelante n’avait pas fourni à la Ville les travaux et les améliorations appropriés. Or, la ville a exigé davantage que ce que prévoyait l’art. 989 de la Municipal Act et, en échange, comme l’a conclu le juge du premier procès, elle a pris un engagement implicite qu’elle n’avait pas le pouvoir de prendre relativement au zonage. Les conventions relatives à l’aménagement conféraient aux parties des obligations parfaitement valides dont elles se sont acquittées, mais nous devons maintenant nous pencher sur les travaux et les améliorations supplémentaires exigés par la Ville et fournis par l’appelante en contrepartie de l’assurance que le zonage serait maintenu. Dans le cadre du premier pourvoi, notre Cour a fait droit à l’argument de la Ville selon lequel cette assurance était ultra vires de ses pouvoirs et, partant, ne pouvait faire naître une cause d’action fondée sur l’inexécution de contrat. Pourtant, la Ville invoque aujourd’hui les éléments mêmes du contrat dont elle a établi le caractère ultra vires (infrastructures supplémentaires contre maintien du zonage) comme motif juridique justifiant la conservation d’améliorations d’une valeur de 1,08 millions de dollars [traduction] « sans qu’il en coûte un sou aux contribuables » (le juge Mackenzie, par. 20). Vu les faits de l’espèce, la Ville ne peut à mon sens opposer à l’allégation de l’appelante les conventions dont les éléments pertinents découlaient de ses exigences ultra vires.

29 Le juge de première instance a conclu que les travaux et les améliorations « supplémentaires » en contrepartie desquels avait été pris l’engagement ultra vires relatif au zonage étaient clairement distincts et identifiables. Leur coût s’élevait à 1,08 million de dollars. Il n’est donc pas difficile de distinguer entre ce à quoi la Ville avait légitimement droit et ce qui était ultra vires.

30 L’appelante a exécuté les conventions et ne cherche plus à faire appliquer les dispositions ultra vires. La question est de savoir si, en equity, il faut tenir compte de la nature ultra vires de la demande de la Ville, qui est à l’origine des démêlés juridiques subséquents, pour déterminer si le contrat dont cette demande constitue un élément central fait échec à l’action de l’appelante fondée sur l’enrichissement sans cause.

31 En règle générale, il n’appartient évidemment pas au tribunal de réécrire le contrat à la place des parties ni de soustraire l’une d’elles aux conséquences d’un engagement pris à la légère. Tel n’est pas l’objet du présent pourvoi. La question qui se pose plus précisément en l’espèce est de savoir si la Ville pouvait prétendre, dans le cadre du premier pourvoi, que la doctrine de l’ultra vires la soustrayait à toute obligation contractuelle relative au zonage (qu’elle avait contractée, selon le juge de première instance, sur le fondement d’une erreur commune), puis avoir gain de cause dans le présent pourvoi, toujours dans la même affaire (mais relativement à une autre cause d’action), en affirmant que le contrat en question constitue un motif juridique la justifiant de conserver les travaux et les améliorations supplémentaires sans en payer le prix. À mon avis, la victoire de la Ville en 2000 a fait tomber le motif juridique (les dispositions contractuelles) sur lequel elle s’appuie principalement aujourd’hui, et ce, pour deux raisons. Premièrement, en equity, l’appelante n’a pas à écarter toutes les conventions conclues avec la Ville. Il lui suffit d’isoler les dispositions liées à la demande ultra vires et de montrer pourquoi la Ville ne devrait pas être admise à les invoquer pour réfuter l’enrichissement sans cause. Deuxièmement, le juge de première instance a conclu que les accords ultra vires reposaient sur une erreur commune aux deux parties. Tout comme l’appelante, la Ville a supposé qu’elle était légalement habilitée à prendre un engagement en matière de zonage, ce qui n’était pas le cas. L’erreur commune est importante pour ce qui est du recouvrement du coût des travaux et des améliorations supplémentaires par l’appelante. La situation aurait été différente si nous avions été uniquement en présence d’une opération ultra vires, sans que ne s’y ajoute l’erreur commune, et l’issue n’aurait pas nécessairement été la même.

(i) La conséquence de la demande ultra vires

32 Dans bien des cas, il ne fait aucun doute que les municipalités formulent des demandes qu’elles ne sont pas, à strictement parler, autorisées à faire et que les promoteurs s’y plient parce qu’ils obtiennent en fin de compte le zonage voulu. Nul ne prétend que ces accords devraient normalement être écartés sur le fondement de l’enrichissement sans cause. La présente espèce est particulière. Comme l’a souligné le juge Mackenzie à l’issue du premier procès (par. 17) :

[traduction] Bref, toutes les parties se sont trompées. Quelles sont les conséquences juridiques de cet imbroglio?

Ce à quoi le juge Wilson, qui a présidé le second procès, a ajouté un peu sombrement (par. 4) :

[traduction] La demanderesse a fait fi de l’exhortation « ne mettez point votre foi dans les princes », et elle doit maintenant en subir les conséquences.

33 Si, à l’instar du juge de première instance, l’on reconnaît que le problème découle en l’espèce de la demande de travaux et d’améliorations auxquels la Ville n’avait pas droit, une solution possible serait de retrancher des conventions intervenues l’échange de promesses ayant fait suite à la demande ultra vires initiale.

34 Il est vrai — et nul ne s’en étonnera — que ces conventions commerciales sont complexes et ne se prêtent guère au remaniement par voie de suppression. Nous sommes cependant appelés à statuer sur une cause d’action en equity, et l’equity s’intéresse au fond et non à la forme. Rappelons que l’une des caractéristiques de la doctrine de l’enrichissement sans cause est la souplesse dans les réparations susceptibles d’être accordées. En l’espèce, les données du problème qui appelle réparation sont clairement établies. L’intimée bénéficie d’améliorations d’une valeur de 1,08 million de dollars, et il a été statué qu’elles résultaient d’exigences ultra vires. La réparation demandée consiste simplement à annuler le transfert de richesse injustifié en ordonnant à l’appelante de payer le prix des améliorations.

35 La Ville cherche à bénéficier d’un avantage injustifié aux dépens de l’appelante. La doctrine de l’enrichissement sans cause aurait bien peu d’utilité si elle n’était pas assez souple, en matière de réparations, pour permettre l’annulation d’un enrichissement qui, selon un juge de première instance expérimenté, est manifestement injuste. Je ne ferais pas droit à un moyen de défense fondé sur la forme plutôt que sur la teneur des documents contractuels.

(ii) L’erreur commune

36 Le juge Wilson a tiré la conclusion de fait que les conventions étaient intervenues entre la Ville et l’appelante en raison d’une erreur commune quant au pouvoir légal de la Ville. Voici ce qu’il a dit (par. 34) :

[traduction] J’ai déjà conclu que chacune des parties s’était appuyée sur des faits dont l’inexactitude a été établie [dans le pourvoi antérieur].

37 L’« erreur » résidait dans la croyance que la Ville avait le pouvoir d’exiger par contrat des travaux et des améliorations supplémentaires en contrepartie de ce qui a été assimilé à une obligation contractuelle implicite de maintenir le zonage pendant une période raisonnable, soit de 10 à 12 ans, pour permettre le parachèvement du projet de l’appelante. L’erreur n’était pas entièrement déraisonnable, car lors du premier pourvoi, notre Cour a rendu un jugement partagé (4 juges contre 3) à ce sujet.

38 La Ville nie aujourd’hui s’être méprise, faisant valoir qu’elle savait dès le début qu’elle ne pouvait respecter sa part du marché. Or, au vu des faits de l’espèce, le juge de première instance a rejeté cette thèse, comme je l’ai indiqué précédemment.

39 Il appert donc que la Ville et l’appelante ont toutes deux conclu une convention relative aux travaux et aux améliorations supplémentaires sur le fondement d’une erreur de droit quant à son caractère exécutoire. Comme l’a écrit le vice‑chancelier Bacon en 1881, [traduction] « il est indéniable que les cours d’equity ont toujours accordé réparation contre l’erreur commise de bonne foi en matière contractuelle [. . .] lorsque l’omission de la corriger aurait conféré un avantage indu à l’une ou l’autre partie » (Burrow c. Scammell (1881), 19 Ch. D. 175, p. 182). Pareille erreur compromet l’existence du motif juridique sur lequel s’appuie la Ville. Le juge La Forest a d’ailleurs fait remarquer dans l’arrêt Air Canada c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161, p. 1200 :

Cette analyse a amené le juge Dickson [dans Hydro Electric Commission of Nepean c. Ontario Hydro, [1982] 1 R.C.S. 347] à conclure que, étant donné la façon dont le droit en matière de restitution ou d’enrichissement [sans cause] (ou, comme le soulignait le juge Dickson, « injustifié ») a évolué devant les tribunaux, la distinction entre les erreurs de fait et les erreurs de droit ne servait plus à rien. Le juge Dickson était d’avis de l’abolir et de permettre le recouvrement dans tous les cas d’enrichissement aux dépens du demandeur, quand l’erreur avait occasionné l’enrichissement et quand le paiement n’avait pas été effectué en vue de compromettre une réclamation légitime, sous réserve évidemment des moyens de défense ou des raisons d’équité qui permettraient de refuser le recouvrement, dont par exemple un changement de situation ou une fin de non‑recevoir. [Je souligne.]

Voir aussi Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1133, p. 1157.

40 La juge Southin de la Cour d’appel a reconnu (au par. 24) que l’existence du contrat de viabilisation des lots de la phase II constituait un motif juridique valable de refuser le recouvrement, car

[traduction] aucun élément de cette [preuve] ne permet de conclure que l’opération initiale se serait concrétisée si [l’appelante] avait affirmé qu’elle ne ferait que ce qui pouvait être légalement exigé d’un propriétaire foncier suivant l’art. 989 de la Loi.

41 Soit, mais il demeure que l’accord conclu par la Ville et l’appelante avait un fondement que notre Cour a jugé ultra vires. La Ville n’aurait peut‑être pas conclu d’accord sur un autre fondement, et l’appelante n’aurait assurément pas entrepris les travaux et les améliorations supplémentaires sans la garantie contractuelle qu’elle pensait avoir obtenue relativement au zonage. Or, l’accord est intervenu par suite d’une erreur de droit commune, les travaux et les améliorations supplémentaires ont été réalisés et il s’agit désormais de savoir qui doit en assumer le coût.

42 La juge Southin a également fait sienne la thèse de la Ville selon laquelle [traduction] « l’appauvrissement allégué par l’appelante, c’est‑à‑dire les travaux supplémentaires, faisait partie intégrante de la contrepartie versée par elle pour obtenir l’avantage que lui conféraient les accords » (par. 25). Dans cette optique, « l’avantage » s’entendait de l’acquisition du bien-fonds de 22 acres et de l’approbation du plan de lotissement. En toute déférence, j’estime que cette interprétation va à l’encontre des conclusions de fait tirées par le juge de première instance quant à la « contrepartie » dont la Ville et l’appelante avaient convenu, soit le maintien du zonage pendant une période raisonnable afin que le projet puisse être mené à terme. Comme je l’ai indiqué précédemment, les travaux et les améliorations « supplémentaires » ont été jugés distincts de ceux qu’exigeait la loi.

43 Pour ces motifs, je conclus que l’appelante a réfuté l’argument que les dispositions contractuelles constituent un motif juridique justifiant la Ville de conserver les travaux et les améliorations supplémentaires sans en payer le prix.

b) Disposition légale

44 La demande de l’appelante doit de toute évidence être rejetée si la loi autorise la Ville à conserver, sans payer quoi que ce soit, l’enrichissement de 1,08 million de dollars (Peter, précité, p. 1018; Renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 R.C.S. 445, p. 476).

45 La Ville invoque l’art. 914 de la Local Government Act, qui prévoit que nul n’a droit à une indemnité pour la [traduction] « diminution de la valeur d’un bien‑fonds ou pour tout préjudice ou perte résultant de l’adoption d’un plan d’urbanisme ou d’un règlement en vertu de la présente section ou de la délivrance d’un permis en application de la section 9 de la présente partie ». La Ville prétend que la perte alléguée par l’appelante découle de la modification du zonage et, partant, qu’elle est irrécouvrable du fait de la loi.

46 À mon sens, l’allégation considérée en l’espèce ne s’appuie pas sur [traduction] « l’adoption d’un plan d’urbanisme ou d’un règlement [de zonage] ». Même si, dans le premier pourvoi, l’appelante a allégué que la modification du zonage des plans d’eau avait contrevenu à une clause implicite du contrat, cette prétention a été rejetée, et les pertes subies par l’appelante par suite de cette modification ne sont désormais plus en cause. Les éléments constitutifs de l’enrichissement sans cause ont été réunis une fois que l’appelante a réalisé les travaux et les améliorations supplémentaires, croyant à tort que le contrat conclu avec la Ville à cet égard était exécutoire. L’erreur a permis à la Ville d’avoir gain de cause en appel du premier procès.

47 La Ville s’appuie en outre sur le par. 215(3) de la Land Title Act, selon lequel l’engagement de ne pas faire obligeait l’appelante à effectuer les travaux [traduction] « même [si le bénéficiaire de l’engagement n’avait] pas signé l’acte ». Cela revient à dire que l’enregistrement de l’engagement permettait à la Ville de faire indirectement ce qui, directement, aurait été ultra vires, et de dénaturer ainsi l’intention du législateur de limiter le pouvoir d’une municipalité, même lorsque celle‑ci ne respecte pas sa part du marché en invoquant la doctrine de l’ultra vires. Je ne retiendrais pas l’argument de la Ville fondé sur l’art. 215. Le juge du deuxième procès, le juge Wilson, a statué au par. 5 de ses motifs que l’obligation de l’appelante était [traduction] « inextricablement liée » aux autres dispositions des accords, y compris la promesse ultra vires de la Ville de maintenir le zonage. L’appelante ne nie pas son obligation découlant de l’engagement de ne pas faire ou des accords sous‑jacents. Elle maintient que, dans les circonstances, les accords étant entachés d’une erreur, ils ne peuvent être invoqués par la Ville comme motif juridique de conserver les travaux et les améliorations sans en payer le prix. Je suis de cet avis.

c) Intention libérale

48 La Ville fait valoir qu’il est courant qu’un promoteur immobilier offre une « rallonge » à ce que la municipalité peut exiger en échange d’une autorisation relative au zonage et au lotissement. Cela est vrai. Chacun obtient ce qu’il veut et va de l’avant. Mais leur accord ne repose pas sur une erreur commune. Et, en l’espèce, l’appelante n’a pas obtenu ce que la Ville s’était engagée à lui donner. Au premier procès, le juge Mackenzie, dont les conclusions ont été reprises par le juge Wilson lors du second procès, a catégoriquement rejeté l’idée que l’appelante ait eu une intention libérale (par. 29) :

[traduction] Qualifier de désintéressées les dépenses engagées pour l’aménagement d’espaces verts et la viabilisation fait totalement fi de la réalité. PNI exploitait une entreprise. Elle a négocié des conditions d’acquisition avec BCEC et un contrat de viabilisation avec la Ville en ayant des attentes précises quant aux lots qu’elle acquerrait, au zonage de chaque lot et à l’ampleur de l’aménagement qui y serait autorisé. Elle a pris des engagements par écrit dans des accords synallagmatiques qu’elle jugeait exécutoires. Ses visées étaient commerciales, et non philanthropiques.

49 L’appelante n’a pas offert de « rallonge » pour obtenir une chose qu’elle avait déjà. Elle l’a fait en contrepartie d’un engagement tacite que la Ville a pu en fin de compte répudier.

d) Autres obligations valides imposées par la common law, l’equity ou la loi

50 La juge Southin a tenu les propos suivants (par. 26) :

[traduction] Quoi qu’il en soit, le motif juridique pour lequel l’appelante a agi comme elle l’a fait en 1993 réside dans le pouvoir de modifier le zonage que lui avait conféré le législateur. Le règlement est tout aussi exécutoire que s’il avait été pris par le législateur lui‑même et il permet de régler entièrement tout litige découlant de son application.

51 En toute déférence, cet argument présuppose que l’allégation d’enrichissement sans cause « découle » de la modification de zonage. Or, tel n’est pas son fondement. Elle tire sa source de l’obtention par la Ville, aux frais de l’appelante, de travaux et d’améliorations supplémentaires d’une valeur de 1,08 million de dollars auxquels elle n’a pas légitimement droit vu le jugement déclarant qu’elle n’était aucunement habilitée à faire ce qu’elle s’était engagée à faire.

52 La Ville prétend en outre que la contraindre à payer les travaux et les améliorations supplémentaires « entraverait indirectement » l’exercice de son pouvoir législatif. Ce n’est pas le cas. L’appelante n’a jamais contesté la validité de la modification du zonage. Elle ne demande plus de dommages‑intérêts pour rupture de contrat, notamment pour le manque à gagner afférent au projet qu’elle n’a pu mener à terme. Désormais, seul le coût des travaux et des améliorations supplémentaires est en cause. L’accent est mis non pas sur la perte de l’appelante, mais bien sur l’enrichissement de la Ville. Le pouvoir de modifier le zonage dans l’intérêt public ne met pas la Ville à l’abri d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause.

(2) Deuxième étape : attentes raisonnables des parties et considérations d’intérêt public

53 À la deuxième étape de l’analyse relative à l’existence d’un « motif juridique », il incombe à la Ville de démontrer que faire droit à l’action fondée sur l’enrichissement sans cause irait à l’encontre des attentes raisonnables des parties. Elle ne l’a pas fait. Le juge Wilson a conclu au contraire que, en ce qui concerne les travaux et les améliorations supplémentaires, ni la Ville ni l’appelante ne s’attendaient à ce qu’il s’agisse d’un don. Toutes deux s’attendaient raisonnablement à ce que leur coût soit prélevé sur les profits tirés de la partie du projet de l’appelante qui n’a pu voir le jour à cause de la modification du zonage. La Ville ne s’attendait pas à ce que les travaux et les améliorations supplémentaires ne lui coûtent rien, mais il s’est avéré que la contrepartie convenue (l’assurance que le zonage serait maintenu) outrepassait ses pouvoirs. La Ville est maintenant propriétaire des infrastructures, et il est compatible avec les attentes raisonnables des parties qu’elle en paie le coût à l’appelante.

54 La Ville prétend que, en l’espèce, l’octroi d’une réparation fondée sur l’equity irait à l’encontre de l’intérêt public.

55 Premièrement, une telle réparation ne serait pas contraire à l’intention du législateur de rendre inexécutoire un engagement relatif au zonage. En effet, la Ville a modifié le zonage des lots en question et il a été décidé qu’elle pouvait le faire sans verser de dommages‑intérêts pour rupture de contrat. C’est une autre question que de savoir si elle devrait supporter le coût des avantages qu’elle a demandés et qui lui ont été conférés.

56 Deuxièmement, personne ne prétend que la Ville ou l’appelante a conclu les conventions dans un dessein illégitime. Au contraire, lors du premier procès, le juge Mackenzie a estimé que les [traduction] « conventions interdépendantes offraient aux parties un moyen innovateur de réaliser leurs objectifs divergents en rattachant des obligations à chaque composante » (par. 26). Il a signalé que les engagements contractuels jugés en fin de compte ultra vires visaient, pour reprendre les termes employés par l’avocat de la Ville, [traduction] « à faciliter la modification inhabituelle du zonage d’un vaste secteur non aménagé et non loti » (par. 26). Nul ne conteste que le réaménagement projeté était censé servir au mieux l’intérêt général de la municipalité.

57 Troisièmement, je ne suis pas persuadé qu’il serait dans l’intérêt public qu’une municipalité prenne un engagement relatif à l’aménagement, puis non seulement s’y dérobe et le conteste au motif qu’il est illégal et outrepasse ses pouvoirs, mais profite d’un avantage financier aux dépens d’un cocontractant de bonne foi. C’est précisément à ce type d’injustice que vise à remédier la doctrine de l’enrichissement sans cause.

58 La Ville n’a pas invoqué d’autres considérations d’intérêt public faisant obstacle au recouvrement en l’espèce. Elle a insisté pour obtenir les travaux et les améliorations dont elle est désormais propriétaire sur les terres Songhees. Elle doit en payer le coût. L’enrichissement sans cause s’applique à une municipalité comme à toute personne physique ou morale.

V. Dispositif

59 Je suis donc d’avis d’accueillir le pourvoi, d’annuler la décision de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique et de rétablir le jugement de première instance ordonnant à la ville intimée de verser 1,08 million de dollars à l’appelante. Cette somme portera intérêt aux taux établis périodiquement par le registraire à compter du 1er octobre 1993 jusqu’à la date du présent jugement. L’appelante a droit aux dépens en première instance (devant le juge Wilson) et en appel de ce jugement devant la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, ainsi qu’aux dépens du présent pourvoi devant notre Cour.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l’appelante : Cox, Taylor, Victoria.

Procureurs de l’intimée : Staples McDannold Stewart, Victoria.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli et le jugement de première instance est rétabli. La Ville ne pouvait, suivant l’equity, bénéficier des travaux et des améliorations supplémentaires réalisés par le promoteur sans en payer le prix

Analyses

Droit municipal - Zonage - Aménagement foncier - Enrichissement sans cause - Poursuite du promoteur immobilier contre la municipalité pour enrichissement sans cause à la suite d’une modification du zonage des lots - La municipalité peut‑elle conserver sans en payer le prix les améliorations que le promoteur a apportées à ces lots?.

Enrichissement sans cause - Aménagement foncier - Municipalités - Poursuite du promoteur immobilier contre la municipalité pour enrichissement sans cause à la suite d’une modification du zonage des lots - La municipalité peut‑elle conserver sans en payer le prix les améliorations que le promoteur a apportées à ces lots? - Les conditions de l’enrichissement sans cause sont‑elles réunies?.

Dans les années 80, le gouvernement provincial et la Ville intimée ont convenu de l’opportunité du réaménagement, à des fins résidentielles et commerciales, d’environ 200 acres d’un bien‑fonds de la Couronne provinciale situé dans le port intérieur de la municipalité. Relativement à la phase II du projet, après que la société d’État provinciale propriétaire des terrains eut cédé ses droits et ses obligations au promoteur immobilier appelant, la Ville et le promoteur ont conclu un accord prévoyant notamment que ce dernier construirait des routes et une nouvelle digue et aménagerait des espaces verts et des sentiers. Ces travaux et améliorations ont été menés à terme et leur coût est estimé à 1,08 million de dollars. La prise en charge des obligations de la société d’État par le promoteur était subordonnée à ce que la Ville modifie au préalable le zonage industriel des 22 acres pour permettre l’aménagement résidentiel et commercial projeté. Cependant, lorsque l’appelante a demandé les permis de construction nécessaires à l’aménagement de ses deux plans d’eau, le conseil municipal a modifié le zonage de ceux‑ci afin que seuls des immeubles commerciaux d’un étage puissent y être construits, éliminant ainsi les deux étages supérieurs destinés aux condominiums résidentiels. Le promoteur a poursuivi la Ville en responsabilité contractuelle et, subsidiairement, pour enrichissement sans cause. Finalement, notre Cour a rejeté l’action contractuelle au motif que, sous le régime du droit provincial régissant les municipalités à l’époque considérée, la Ville n’avait pas le pouvoir de s’engager tacitement à maintenir le zonage pendant une période raisonnable afin que le projet puisse être mené à terme, et que l’inexécution ne pouvait donc fonder une action en dommages‑intérêts. L’affaire a été renvoyée en première instance pour qu’il soit statué sur l’argument subsidiaire. Le juge de première instance a accueilli l’action fondée sur l’enrichissement sans cause et ordonné à la Ville de payer 1,08 million de dollars au promoteur. La Cour d’appel a infirmé cette décision.

Arrêt : Le pourvoi est accueilli et le jugement de première instance est rétabli. La Ville ne pouvait, suivant l’equity, bénéficier des travaux et des améliorations supplémentaires réalisés par le promoteur sans en payer le prix.

L’enrichissement sans cause est une cause d’action en equity qui offre une grande souplesse dans les réparations susceptibles d’être accordées dans différentes circonstances selon des principes fondés sur l’équité et la bonne conscience. En l’espèce, la Ville a obtenu, entièrement aux frais du promoteur, des routes, des espaces verts, des sentiers et une nouvelle digue d’une valeur de 1,08 million de dollars. Ces travaux et améliorations allaient au‑delà de ce que la Ville pouvait légalement exiger en application de la Municipal Act. Le promoteur, qui a été débouté dans sa poursuite pour rupture de contrat, ne conteste plus la validité de la modification du zonage. Il ne demande plus de dommages‑intérêts pour inexécution de contrat, notamment pour le manque à gagner afférent au projet qu’il n’a pu mener à terme. Seul le coût des travaux et des améliorations supplémentaires est en cause. L’accent est mis non pas sur la perte du promoteur, mais bien sur l’enrichissement de la Ville. Le pouvoir de modifier le zonage dans l’intérêt public ne met pas la Ville à l’abri d’une action fondée sur l’enrichissement sans cause.

Pour qu’il y ait enrichissement sans cause, trois conditions doivent être réunies : (1) l’enrichissement du défendeur; (2) l’appauvrissement corrélatif du demandeur; (3) l’absence de tout motif juridique justifiant l’enrichissement. L’examen relatif au motif juridique comporte deux étapes. Dans un premier temps, le demandeur doit démontrer qu’aucun motif juridique appartenant à une catégorie établie ne justifie le refus de l’indemniser. Pour l’heure, les catégories établies sont le contrat, la disposition légale, l’intention libérale et « les autres obligations valides imposées par la common law, l’equity ou la loi ». Dans un deuxième temps, il appartient au défendeur de réfuter la preuve prima facie en avançant un autre motif valable de refuser l’indemnisation. En l’espèce, le promoteur allègue à juste titre l’enrichissement sans cause. En raison de ses exigences ultra vires, la Ville a obtenu aux frais du promoteur des routes, des espaces verts et des sentiers supplémentaires, ainsi qu’une nouvelle digue, le promoteur s’est appauvri corrélativement de 1,08 million de dollars et aucun motif juridique ne justifiait l’enrichissement.

Le juge de première instance a conclu que les travaux et les améliorations supplémentaires en contrepartie desquels avait été pris l’engagement ultra vires relatif au zonage étaient clairement distincts et identifiables. Leur coût s’élevait à 1,08 million de dollars. Il n’est pas difficile de distinguer entre ce à quoi la Ville avait légitimement droit et ce qui était ultra vires. Le promoteur n’a pas à écarter toutes les conventions conclues avec la Ville. Il lui suffit d’isoler les dispositions liées à la demande ultra vires et de montrer pourquoi la Ville ne devrait pas être admise à les invoquer pour réfuter l’enrichissement sans cause. De plus, le juge de première instance a conclu que les accords ultra vires reposaient sur une erreur commune aux deux parties. Tout comme le promoteur, la Ville a supposé qu’elle était légalement habilitée à prendre un engagement en matière de zonage, ce qui n’était pas le cas. L’erreur commune est importante pour ce qui est du recouvrement du coût des travaux et des améliorations supplémentaires par le promoteur. La situation aurait été différente si nous avions été uniquement en présence d’une opération ultra vires, sans que ne s’y ajoute l’erreur commune, et l’issue n’aurait pas nécessairement été la même.

L’equity s’intéresse au fond et non à la forme. L’une des caractéristiques de la doctrine de l’enrichissement sans cause est la souplesse dans les réparations susceptibles d’être accordées. En l’espèce, les données du problème qui appelle réparation sont clairement établies. La Ville bénéficie d’améliorations d’une valeur de 1,08 million de dollars, et il a été statué qu’elles résultaient d’exigences ultra vires. La réparation demandée consiste simplement à annuler le transfert de richesse injustifié en ordonnant le paiement du prix des améliorations au promoteur.

L’article 914 de la Local Government Act et le par. 215(3) de la Land Title Act n’autorisent pas la Ville à conserver les travaux et les améliorations supplémentaires sans les payer. L’allégation considérée en l’espèce ne s’appuie pas sur « l’adoption d’un plan d’urbanisme ou d’un règlement [de zonage] ». Même si, dans le premier pourvoi, le promoteur a allégué que la modification du zonage des plans d’eau avait contrevenu à une clause implicite du contrat, cette prétention a été rejetée, et les pertes que lui a infligées cette modification ne sont désormais plus en cause. Les éléments constitutifs de l’enrichissement sans cause ont été réunis une fois que le promoteur a réalisé les travaux et les améliorations supplémentaires, les parties croyant à tort que le contrat conclu avec la Ville à cet égard était exécutoire.

En ce qui concerne les travaux et les améliorations supplémentaires, ni la Ville ni le promoteur ne s’attendaient à ce qu’il s’agisse d’un don. Le promoteur n’a pas offert de « rallonge » pour obtenir une chose qu’il avait déjà. Il l’a fait en contrepartie d’un engagement tacite que la Ville a pu en fin de compte répudier. Les parties s’attendaient raisonnablement à ce que le coût des travaux et des améliorations soit prélevé sur les profits tirés des volets du projet de la phase II que le promoteur n’a pu mener à terme à cause de la municipalité. La Ville est maintenant propriétaire des infrastructures, et il est compatible avec les attentes raisonnables des parties qu’elle en paie le coût au promoteur.

En l’espèce, une réparation fondée sur l’equity ne serait pas contraire à l’intention du législateur de rendre inexécutoire un engagement relatif au zonage. En effet, la Ville a modifié le zonage des lots en question et il a été décidé qu’elle pouvait le faire sans verser de dommages‑intérêts pour rupture de contrat. C’est une autre question que de savoir si elle devrait supporter le coût des avantages qu’elle a demandés et qui lui ont été conférés.

La Ville n’a pas démontré qu’il serait dans l’intérêt public de permettre à une municipalité de prendre un engagement relatif à l’aménagement, puis non seulement de le contester au motif qu’il est illégal et outrepasse ses pouvoirs, mais de profiter d’un avantage financier aux dépens d’un cocontractant de bonne foi.


Parties
Demandeurs : Pacific National Investments Ltd.
Défendeurs : Victoria (Ville)

Références :

Jurisprudence
Arrêts appliqués : Peel (Municipalité régionale) c. Canada, [1992] 3 R.C.S. 762
Garland c. Consumers’ Gas Co., [2004] 1 R.C.S. 629, 2004 CSC 25
Rathwell c. Rathwell, [1978] 2 R.C.S. 436
Pettkus c. Becker, [1980] 2 R.C.S. 834
Peter c. Beblow, [1993] 1 R.C.S. 980
arrêts mentionnés : Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), [2000] 2 R.C.S. 919, 2000 CSC 64
Burrow c. Scammell (1881), 19 Ch. D. 175
Air Canada c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1161
Lignes aériennes Canadien Pacifique Ltée c. Colombie‑Britannique, [1989] 1 R.C.S. 1133
Renvoi relatif à la taxe sur les produits et services, [1992] 2 R.C.S. 445.
Lois et règlements cités
Land Title Act, R.S.B.C. 1979, ch. 219, art. 215.
Local Government Act, R.S.B.C. 1996, ch. 323, art. 914.
Municipal Act, R.S.B.C. 1979, ch. 290, art. 989 [aj. 1985, ch. 79, art. 8].
Doctrine citée
American Law Institute. Restatement of the Law of Restitution : Quasi Contracts and Constructive Trusts, as Adopted and Promulgated by the American Law Institute, at Washington, D.C., May 8, 1936. St. Paul, Minn. : American Law Institute Publishers, 1937.
Smith, Lionel. « The Mystery of “Juristic Reason” » (2000), 12 S.C.L.R. (2d) 211.

Proposition de citation de la décision: Pacific National Investments Ltd. c. Victoria (Ville), 2004 CSC 75 (19 novembre 2004)


Origine de la décision
Date de la décision : 19/11/2004
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : 2004 CSC 75 ?
Numéro d'affaire : 29759
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2004-11-19;2004.csc.75 ?
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