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02/03/2000 | CANADA | N°2000_CSC_14

Canada | Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14 (2 mars 2000)


Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] 1 R.C.S. 360

Board of Police Commissioners de la ville de Regina Appelant

c.

Regina Police Association Inc. et Greg Shotton Intimés

Répertorié: Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners

Référence neutre: 2000 CSC 14.

No du greffe: 26871.

1999: 12 novembre; 2000: 2 mars.

Présents: Les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, McLachlin, Major, Bastarache, Binnie et Arbour.

en appel de la cour d’appel de la saskatchewan<

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Droit du travail -- Compétence d’un arbitre -- Régimes législatifs concurrents -- Policier -- Affaires disciplina...

Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, [2000] 1 R.C.S. 360

Board of Police Commissioners de la ville de Regina Appelant

c.

Regina Police Association Inc. et Greg Shotton Intimés

Répertorié: Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners

Référence neutre: 2000 CSC 14.

No du greffe: 26871.

1999: 12 novembre; 2000: 2 mars.

Présents: Les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier, McLachlin, Major, Bastarache, Binnie et Arbour.

en appel de la cour d’appel de la saskatchewan

Droit du travail -- Compétence d’un arbitre -- Régimes législatifs concurrents -- Policier -- Affaires disciplinaires -- Policier ayant démissionné plutôt que de faire l’objet de procédures disciplinaires -- Retrait de la démission du policier refusé par le chef de police -- Grief déposé par le syndicat conformément à la convention collective et demande d’arbitrage -- Questions de discipline et de renvoi relevant des instances décisionnelles créées sous le régime de la Police Act, 1990 de la Saskatchewan et de son règlement d’application -- L’arbitre avait‑elle compétence pour entendre le litige? -- Application du critère établi dans l’arrêt Weber.

Un policier a démissionné plutôt que de faire l’objet d’une procédure disciplinaire. Il a par la suite retiré sa démission, mais le chef de police a refusé d’accepter le retrait. Le syndicat du policier a déposé un grief en vertu de la convention collective et a, par la suite, sollicité un arbitrage. L’arbitre a conclu qu’elle n’avait pas compétence pour statuer sur le litige puisque les questions de discipline et de renvoi de policiers étaient régies par The Police Act, 1990 de la Saskatchewan et son règlement d’application et relevaient de la compétence des instances décisionnelles créées sous le régime de ces textes législatifs. La Cour du Banc de la Reine a rejeté la demande du syndicat en annulation de cette décision, mais la Cour d’appel à la majorité a infirmé cette décision.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Le critère établi dans l’arrêt Weber est déterminant quant à la question en l’espèce et s’applique également quand il faut déterminer lequel de deux régimes législatifs concurrents devrait régir le litige. Si l’essence du litige découle expressément ou implicitement de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de la convention collective, l’arbitre a compétence exclusive pour statuer sur le litige. Pour déterminer si le litige en l’espèce résulte de la convention collective, il faut tenir compte de la nature du litige et du champ d’application de la convention collective. L’examen de la nature du litige vise à en déterminer l’essence; cette détermination s’effectue compte tenu non pas de la qualification du litige sur le plan juridique, mais du contexte factuel dans lequel il est né. La question clé est de savoir si l’essence du litige, dans son contexte factuel, est expressément ou implicitement visée par un régime législatif. Dans les circonstances de l’espèce, il faut se demander si le législateur a voulu que le litige soit régi par la convention collective ou par The Police Act, 1990 et le Règlement.

En l’espèce, l’arbitre n’avait pas compétence pour juger le litige, qui portait clairement sur la discipline. Le règlement informel de ce litige disciplinaire n’en a pas modifié l’essence. Un examen du champ d’application de la convention collective montre clairement que le litige opposant les parties ne découlait pas, expressément ou implicitement, de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de la convention collective. Le législateur voulait que The Police Act, 1990 et le Règlement constituent un code complet pour le règlement des affaires disciplinaires mettant en cause des membres du corps policier. Il s’agit d’une politique gouvernementale selon laquelle les commissions de police détiennent la responsabilité exclusive du maintien d’un corps de police efficient, et le pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires aux membres fait partie intégrante de cette responsabilité. Il n’existe aucun pouvoir discrétionnaire de choisir un autre mécanisme juridique, tel que l’arbitrage, pour poursuivre un policier relativement à une question de discipline. Par ailleurs, la convention collective ne peut pas être interprétée d’une manière qui porte atteinte au régime législatif établi dans The Police Act, 1990 et le Règlement. Les questions de compétence doivent être tranchées d’une manière qui soit conforme au régime législatif régissant les parties. Même si The Police Act, 1990 et le Règlement ne prévoient pas expressément la mesure disciplinaire qui a été prise en l’espèce, celle‑ci peut néanmoins relever implicitement du régime disciplinaire qui a été prévu, et, conformément à une interprétation libérale de la loi, la Saskatchewan Police Commission aurait compétence pour entendre le litige.

Jurisprudence

Arrêt appliqué: Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929; arrêts mentionnés: St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. c. Syndicat canadien des travailleurs du papier, section locale 219, [1986] 1 R.C.S. 704; Nouveau‑Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967; Re Proctor and Sarnia Board of Commissioners of Police (1979), 99 D.L.R. (3d) 356, inf. par [1980] 2 R.C.S. 727; Mitchell c. Board of Police Commissioners of the City of Moose Jaw, Saskatchewan Police Commission, 26 août 1992.

Lois et règlements cités

Municipal Police Discipline Regulations, 1991, R.S.S., ch. P‑15.01, Reg. 4, [mod. Sask. Reg. 76/97].

Police Act, 1990, S.S. 1990‑91, ch. P‑15.01, Partie IV, art. 60, 61, 66, 69.

Trade Union Act, R.S.S. 1978, ch. T‑17, art. 25(1) [abr. & rempl. 1994, ch. 47, art. 13(1)].

Doctrine citée

Ceyssens, Paul. Legal Aspects of Policing. Toronto: Earlscourt Legal Press, 1994 (feuilles mobiles mises à jour en juillet 1999, envoi no 8).

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan (1998), 163 D.L.R. (4th) 145, [1999] 2 W.W.R. 1, [1998] S.J. No. 553 (QL), qui a accueilli l’appel interjeté par le syndicat contre un jugement de la Cour du Banc de la Reine qui avait rejeté une demande en annulation de la décision d’un arbitre. Pourvoi accueilli.

Neil Robertson, pour l’appelant.

Merrilee Rasmussen, c.r., pour les intimés.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Bastarache —

I. Introduction

1 Le présent pourvoi concerne la compétence d’un arbitre d’entendre et de juger un grief découlant de la démission donnée par un membre du corps de police de Regina afin d’éviter de faire l’objet de procédures disciplinaires.

II. Le contexte factuel

2 Les parties se sont mises d’accord sur les faits pertinents en l’espèce. Le corps de police de Regina a engagé l’intimé Greg Shotton en janvier 1977. Il a été promu au grade de sergent le 19 avril 1995. Le 17 juillet 1996, à la suite d’événements qui ne sont pas en cause en l’espèce, des membres de la division des affaires internes de la police de Regina ont interrogé le sergent Shotton et l’ont informé qu’il serait inculpé de conduite déshonorante aux termes de The Municipal Police Discipline Regulations, 1991, R.R.S., ch. P-15.01, Reg. 4 («Règlement»). Il a par la suite été informé qu’il pouvait également faire l’objet d’une procédure de renvoi aux termes de The Police Act, 1990, S.S. 1990‑91, ch. P‑15.01 («The Police Act»).

3 Le 7 novembre 1996, le chef de police Murray Langgard a informé le sergent Shotton qu’il avait l’intention de délivrer des [traduction] «avis d’intention d’intenter des procédures disciplinaires» relativement à un chef de pratique de corruption et à un chef de conduite déshonorante, et qu’il solliciterait une ordonnance de renvoi s’il y avait déclaration de culpabilité. Le chef de police a également avisé le sergent Shotton qu’il ne ferait pas l’objet d’une action disciplinaire s’il démissionnait. Il lui a donné cinq jours pour examiner ses options, et lui a suggéré de consulter un avocat et un représentant de la Regina Police Association intimée («Syndicat»).

4 Le 12 novembre 1996, le sergent Shotton a donné sa démission par écrit au chef de police. La démission a été acceptée et, en conséquence, les avis de procédures disciplinaires n’ont pas été délivrés. Par la suite, le sergent Shotton ne s’est plus présenté au travail. Le 27 novembre 1996, il a envoyé une lettre au chef de police dans laquelle il a affirmé: [traduction] «Je retire par la présente ma lettre de démission datée du 12 novembre 1996». Le 2 décembre 1996, le chef de police lui a répondu par écrit qu’il n’acceptait par le retrait.

5 Dans une lettre envoyée au chef de police en date du 29 novembre 1996, le Syndicat a déposé un grief pour le compte du sergent Shotton. Le chef de police a entendu le grief le 23 janvier 1997 et l’a rejeté. Le Syndicat a interjeté appel de la décision devant l’appelant, le Board of Police Commissioners de la ville de Regina («Employeur»). L’Employeur a entendu l’appel et l’a rejeté. Subséquemment, le Syndicat a demandé que le grief soit soumis à l’arbitrage. Gene Anne Smith a été désignée comme l’arbitre chargée d’entendre et de juger le grief.

III. Les décisions des juridictions inférieures

6 L’Employeur a soulevé une objection préliminaire selon laquelle l’arbitre n’avait pas compétence pour statuer sur le grief parce que la question en litige n’était pas régie par la convention collective.

7 L’arbitre a examiné les dispositions pertinentes de The Police Act et de la convention collective. Elle a noté que l’article 8 de la convention collective, qui régit les griefs, prévoit que les dispositions de la convention collective relatives aux griefs ne sont pas censées être utilisées dans les cas où les dispositions de The Police Act et du Règlement s’appliquent. Abordant les dispositions de The Police Act, elle a signalé que la Partie IV de cette loi conjointement avec le Règlement prévoient un cadre procédural qui s’applique à la fois aux mesures disciplinaires et aux renvois pour manquement à la discipline, ainsi qu’aux cas d’inaptitude à exercer les fonctions de policier ou d’incompétence. Par contre, a‑t‑elle ajouté, la convention collective ne comporte aucune disposition limitant les motifs de renvoi d’un employé, et le grief ne fait intervenir directement ni l’une ni l’autre de ses dispositions.

8 L’arbitre a conclu qu’il n’était aucunement dans l’intention du législateur, en ce qui concerne la prestation de services policiers en Saskatchewan, que l’arbitrage sous le régime de la convention collective constitue le mode exclusif de règlement des litiges liés à l’emploi. À son avis, le législateur voulait clairement que la discipline et le renvoi motivé d’un policier soient traités conformément aux critères et procédures établies dans The Police Act et le Règlement. Elle a donc conclu que les dispositions de la convention collective relatives aux griefs et à l’arbitrage ne s’appliquent pas à de telles causes, et que le tribunal approprié et exclusif pour statuer sur de tels litiges est prévu dans la loi, qui prescrit qu’une audience doit être tenue soit devant le chef, un agent d’audition indépendant ou la Saskatchewan Police Commission («Commission»). L’arbitre a noté que chacune de ces instances décisionnelles possède des compétences spécialisées dans les affaires relatives à la police.

9 L’arbitre s’est penchée sur l’essence du grief dont elle était saisie pour déterminer s’il était visé par la convention collective ou par les dispositions de The Police Act et du Règlement. Elle a rejeté la prétention du Syndicat selon laquelle le litige ne portait pas sur la discipline ou un renvoi, mais bien sur la validité de la démission du sergent Shotton. Elle a mis l’accent sur le fait que la démission dont la validité était en cause a été donnée dans un contexte disciplinaire. Une décision quant à la validité de la démission nécessiterait une évaluation de l’état d’esprit du sergent Shotton et du caractère raisonnable de sa décision de donner sa démission. Elle exigerait également une évaluation de la légitimité des mesures prises par le chef de police compte tenu de la procédure que la loi prescrit de suivre dans les affaires disciplinaires. L’arbitre a conclu que, pour effectuer ces évaluations, il fallait tenir compte de la validité, de la teneur et de la gravité des accusations d’infraction à la discipline examinées, ainsi que de la légitimité des mesures prises par le chef de police. Il s’agissait toutefois de questions de procédure interne, ce qui relève clairement de la compétence des instances décisionnelles prévues dans The Police Act et le Règlement. À son avis, les questions soulevées n’étaient pas régies par la convention collective et n’étaient pas arbitrables. Elle a donc refusé d’entendre le grief.

10 Le juge Kyle de la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan a rejeté la demande du Syndicat sollicitant une ordonnance qui aurait annulé la décision de l’arbitre. Il a souscrit entièrement aux motifs de l’arbitre.

11 Le juge Jackson, s’exprimant au nom des juges majoritaires de la Cour d’appel de la Saskatchewan, n’a pas accepté l’analyse de l’arbitre et a accueilli l’appel du Syndicat, concluant que l’arbitre avait compétence pour entendre et juger le grief en application de la convention collective: (1998), 163 D.L.R. (4th) 145.

12 Selon le juge Jackson, l’appel portait principalement sur la détermination des moyens de juger de la validité de la démission du sergent Shotton. À son avis, le problème principal de la conclusion de l’arbitre était que The Police Act ne prévoyait aucun mécanisme d’évaluation de la validité de la démission du sergent Shotton. Elle a examiné les dispositions de The Police Act et conclu que, suivant le sens ordinaire de la loi, le sergent Shotton n’avait aucun droit d’appel devant un agent d’audition. Elle a noté que seules les personnes accusées d’infractions à la discipline ou ayant fait l’objet d’une ordonnance de renvoi, de rétrogradation, de suspension, ou d’une autre mesure, pour cause d’inaptitude ou d’incompétence, assortie des motifs écrits de la décision du chef, pouvaient porter leur cause devant un agent d’audition. Le sergent Shotton n’a pas été inculpé d’une infraction à la discipline. Elle a également conclu que rien ne prouvait que le chef de police avait pris une ordonnance qu’il avait par la suite communiquée par écrit au sergent Shotton.

13 Le juge Jackson a conclu que la compétence d’un agent d’audition ou de la Commission repose en particulier sur les mesures prises en vertu des dispositions législatives. À son avis, lorsque les mesures que prend un chef de police ne sont pas prévues dans les dispositions législatives, The Police Act ne peut pas s’appliquer, malgré le fait que les affaires disciplinaires et la plupart des affaires de renvoi sont exclusivement régies par The Police Act.

14 Le juge Jackson s’est ensuite demandée si l’arbitre ou les tribunaux devraient exercer leur compétence dans l’affaire. Elle a conclu que la jurisprudence de notre Cour confirmait que l’arbitrage constituait le mode approprié de règlement des litiges qui découlent des relations du travail. Comme la question de la validité de la démission du sergent Shotton est survenue dans le contexte de l’emploi, la procédure de règlement des griefs prévue dans la convention collective était préférable au mode judiciaire de règlement des différends. La décision de l’arbitre a été annulée.

15 Le juge Vancise, dissident, n’a pas perçu la question soumise en appel de la même façon que les juges majoritaires. La question fondamentale, à son avis, portait sur la compétence de l’arbitre d’entendre le litige, et non pas sur le recours que pouvait intenter le sergent Shotton. La question centrale était donc de savoir si le litige entre les parties découlait de l’application, de l’interprétation, de l’administration ou de l’inexécution de la convention collective. Le juge Vancise a souligné que ce n’est pas la qualification de l’affaire sur le plan juridique, mais la réponse à la question de savoir si les faits du litige sont visés par la convention collective, qui est déterminante dans la présente affaire. Il a également fait ressortir que deux régimes régissent les membres du corps de police: la convention collective régit les conditions d’emploi dans tous les litiges, à l’exception de ceux relatifs à la discipline, alors que The Police Act régit tous les litiges relatifs à la discipline, y compris les renvois.

16 Le juge Vancise a conclu que, compte tenu des décisions de notre Cour dans St. Anne Nackawic Pulp & Paper Co. c. Syndicat canadien des travailleurs du papier, section locale 219, [1986] 1 R.C.S. 704, Weber c. Ontario Hydro, [1995] 2 R.C.S. 929, et Nouveau‑Brunswick c. O’Leary, [1995] 2 R.C.S. 967, il y avait deux étapes pour déterminer si l’arbitre avait compétence pour entendre et juger le grief du sergent Shotton. La première étape consistait à préciser l’essence du litige dans le contexte des faits. La seconde consistait à déterminer si le litige était visé par la convention collective. Il était d’avis qu’il portait clairement sur la discipline. Il y avait eu une enquête interne qui a mené à une recommandation pour que soient portées des accusations. Il y avait eu un avis d’intention d’intenter des procédures disciplinaires. L’affaire a ensuite été réglée de manière informelle par suite d’une démission. Le règlement informel de ce litige disciplinaire n’en a pas modifié l’essence; autrement dit, il n’a pas changé une affaire disciplinaire en une affaire relative à l’emploi.

17 Selon le juge Vancise, The Police Act et le Règlement établissaient un code complet régissant l’enquête relative aux procédures disciplinaires et au règlement de celles‑ci. Il n’y avait aucune procédure correspondante dans la convention collective. Il a donc déterminé que l’arbitre n’avait pas compétence pour examiner le litige.

18 En toute déférence, je suis en désaccord avec les motifs des juges majoritaires de la Cour d’appel. Je souscris sur le fond aux motifs de dissidence du juge Vancise. L’arbitre a eu raison de conclure qu’elle n’avait pas compétence pour entendre le litige.

IV. Les dispositions législatives applicables

19 The Police Act, 1990, S.S. 1990-91, ch. P-15.01

[traduction]

60(1) Lorsqu’à son avis, un membre:

a) a été déclaré coupable d’une infraction susceptible de le rendre inapte à exercer les fonctions de policier en application de l’une ou l’autre des lois suivantes:

(i) le Code criminel (Canada), dans sa version modifiée;

(ii) toute autre loi fédérale;

(iii) toute loi;

b) s’est conduit d’une manière qui, malgré les efforts déployés pour y remédier, le rend inapte à exercer les fonctions de policier ou incompétent à cet égard;

le chef peut, pour des motifs d’inaptitude ou d’incompétence:

c) ordonner son renvoi;

d) ordonner sa rétrogradation;

e) ordonner sa suspension avec ou sans salaire pendant une période d’au plus 60 jours;

f) lui imposer une période de probation ou le soumettre à une surveillance stricte;

g) lui ordonner de consulter un service de counseling, de subir un traitement ou de recevoir une formation;

h) le réprimander;

i) prendre toute ordonnance qu’il estime juste;

j) lui infliger une combinaison des sanctions mentionnées aux alinéas c) à i).

(2) Lorsqu’il a rendu une ordonnance aux termes du paragraphe (1), le chef avise immédiatement le membre par écrit du fondement de sa décision.

(3) Lorsque la convention collective prévoit une procédure applicable à la cessation des services d’un membre pour des motifs autres que ceux qui sont visés par la présente partie, la cessation des services s’effectue conformément à la procédure et aux motifs prévus dans la convention collective.

61(1) Dans les 30 jours de la transmission de l’avis d’une décision du chef rendue en application de l’article 60, le membre peut interjeter appel de la décision devant un agent d’audition.

66 Dans les 30 jours de la transmission d’une décision rendue en application de l’article 65, le membre ou le chef peut demander à la commission l’autorisation d’interjeter appel de la décision en application de l’article 69.

69(1) Toute personne ayant le droit de demander l’autorisation d’interjeter appel devant la commission doit signifier à celle‑ci un avis de demande d’autorisation d’appel de tout ou partie de la décision.

. . .

(4) La commission accorde l’autorisation d’appel dans l’un ou l’autre des cas suivants:

a) l’enquêteur demande l’autorisation d’interjeter appel en son propre nom ou au nom du plaignant;

b) la décision touchant le membre ou le chef qui interjette appel inflige l’une ou l’autre des sanctions suivantes:

(i) un renvoi,

(ii) une rétrogradation;

c) la commission a des préoccupations au sujet de la rigueur ou de l’impartialité de l’enquête ou de l’audience après avoir examiné à la fois:

(i) l’avis de demande,

(ii) le dossier,

(iii) tout autre renseignement qu’elle estime nécessaire;

d) de l’avis de la commission, la mesure disciplinaire infligée ne peut pas être comparée aux mesures disciplinaires infligées dans des procédures semblables;

e) il existe un autre motif d’appel que la commission estime approprié.

The Trade Union Act, R.S.S. 1978, ch. T‑17

[traduction]

25(1) Tout différend qui surgit entre les parties à une convention collective, entre les personnes liées par celle‑ci ou entre les personnes pour le compte desquelles elle a été conclue, et qui porte sur le sens, l'application ou une inexécution alléguée de cette convention, y compris la question de savoir si une affaire est arbitrable, doit être réglé par voie d’arbitrage après que toutes les procédures de règlement des griefs établies dans la convention collective ont été épuisées.

V. La convention collective

[traduction]

20 ARTICLE 8 -- GRIEFS ET LITIGES

Les dispositions du présent article ne sont pas censées être utilisées dans les cas où les dispositions de la Police Act de la Saskatchewan et de son règlement d’application s’appliquent.

. . .

ARTICLE 9 -- CESSATION DES SERVICES

a) (i) Indépendamment de sa période de rémunération et de la manière dont il est payé, tout employé permanent a le droit, sous réserve de l’article 8 susmentionné, de recevoir un préavis écrit de deux (2) semaines selon lequel ses services ne sont plus requis et, en contrepartie, tout employé est tenu de donner un préavis de deux (2) semaines de son intention de mettre fin à son emploi auprès du Conseil.

. . .

b) L’employé civil qui, de l’avis du chef de police, a une conduite telle qu’un renvoi est justifié ne doit pas être renvoyé; il doit plutôt être suspendu jusqu’à son renvoi et la suspension doit être confirmée par écrit. Immédiatement après la suspension, le chef de police doit en aviser l’Association et le Board of Police Commissioners et indiquer, par écrit, les motifs de la suspension et du renvoi à venir. Sur réception de cet avis, l’Association peut interjeter appel devant le Conseil contre la suspension et le renvoi à venir, conformément aux procédures établies à l’article 8 de la présente Convention.

VI. Analyse

21 Il s’agit en l’espèce de déterminer si le litige opposant le sergent Shotton et l’Employeur relève de la convention collective. Dans l’affirmative, l’arbitre avait compétence pour entendre et juger le litige et elle a eu tort de refuser de le faire. L’arrêt Weber, précité, de notre Cour énonce le critère pour répondre à cette question.

22 Dans Weber, notre Cour a été appelée à déterminer dans quels cas un régime législatif prévoyant l’arbitrage exécutoire de tous les différends relatifs à une convention collective empêche les employés et les employeurs liés par cette convention de régler leurs différends devant les tribunaux. Le juge McLachlin, au nom de la majorité, a accepté le modèle de la compétence exclusive pour déterminer quel est le tribunal approprié pour régler un différend qui survient dans un contexte d’emploi. Suivant le modèle de la compétence exclusive, si un différend qui oppose les parties découle de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de leur convention collective, le demandeur doit avoir recours à l’arbitrage, à défaut de règlement mutuellement convenu. Aucun autre tribunal n’a le pouvoir d’entendre une action relativement à ce litige: voir Weber, précité, aux par. 50 à 54.

23 En acceptant le modèle de la compétence exclusive, le juge McLachlin a rejeté le modèle de la concomitance, selon lequel l’action reconnue en common law ou par la loi peut être entendue par un tribunal, peu importe qu’elle se pose dans le contexte des relations du travail. Conformément à ce modèle, la convention collective ne peut pas déposséder un tribunal de sa compétence traditionnelle. Le juge McLachlin a également rejeté le modèle du chevauchement de compétence. Selon ce modèle, les tribunaux peuvent conserver leur compétence quant aux questions qui débordent l’objet traditionnel du droit du travail, même si les faits du litige découlent de la convention collective. Le raisonnement suivi pour rejeter ces deux modèles a été énoncé par le juge Estey, au nom de la Cour, dans St. Anne Nackawic, précité, aux pp. 718 et 719, et adopté par le juge McLachlin dans Weber, précité, au par. 41:

La convention collective établit les grands paramètres du rapport qui existe entre l’employeur et ses employés. Ce rapport est ajusté d’une manière appropriée par l’arbitrage et, en général, ce serait bouleverser et le rapport et le régime législatif dont il découle que de conclure que les questions visées et régies par la convention collective peuvent néanmoins faire l’objet d’actions devant les tribunaux en common law. [. . .] L’attitude plus moderne consiste à considérer que les lois en matière de relations de travail prévoient un code régissant tous les aspects des relations de travail et que l’on porterait atteinte à l’économie de la loi en permettant aux parties à une convention collective ou aux employés pour le compte desquels elle a été négociée, d’avoir recours aux tribunaux ordinaires qui sont dans les circonstances une juridiction faisant double emploi à laquelle la législature n’a pas attribué ces tâches.

Par conséquent, pour déterminer si elle a compétence pour entendre un litige, l’instance décisionnelle doit se conformer à l’intention du législateur énoncée dans le ou les textes législatifs régissant les parties.

24 Bien que le juge McLachlin ait adopté le modèle de la compétence exclusive, elle a souligné que l’existence d’une relation d’emploi en soi n’accorde pas à l’arbitre la compétence d’entendre et de juger un litige. Seuls les litiges qui résultent expressément ou implicitement de la convention collective échappent aux tribunaux: voir Weber, au par. 54.

25 Pour déterminer si un litige résulte de la convention collective, nous devons donc tenir compte de deux aspects: la nature du litige et le champ d’application de la convention collective. L’examen de la nature du litige vise à en déterminer l’essence. Cette détermination s’effectue compte tenu non pas de la façon dont les questions juridiques peuvent être formulées, mais des faits entourant le litige qui oppose les parties: voir Weber, précité, au par. 43. Après en avoir examiné le contexte factuel, l’instance décisionnelle doit tout simplement déterminer si l’essence du litige concerne une matière visée par la convention collective. Après avoir établi l’essence du litige, l’instance décisionnelle doit examiner les dispositions de la convention collective afin de déterminer si elle prévoit des situations factuelles de ce genre. Il est clair qu’il n’est pas nécessaire que la convention collective prévoie l’objet du litige de façon explicite. Si l’essence du litige découle expressément ou implicitement de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de la convention collective, l’arbitre a compétence exclusive pour statuer sur le litige: voir, par exemple, Weber, au par. 54; Nouveau‑Brunswick c. O’Leary, précité, au par. 6.

26 Avant d’analyser le champ d’application de la convention collective, il importe de reconnaître que, dans l’arrêt Weber, notre Cour a été appelée à choisir qui des arbitres ou des tribunaux a compétence pour entendre le litige. En l’espèce, The Police Act et le Règlement forment un autre régime législatif qui régit également les rapports entre les parties. Comme je l’ai mentionné précédemment, le modèle de la compétence exclusive a été adopté afin de garantir que l’attribution de compétence à une instance décisionnelle que n’avait pas envisagée le législateur ne porte pas atteinte au régime législatif en cause. Il faut donc se demander si le législateur a voulu que le présent litige soit régi par la convention collective ou par The Police Act et le Règlement. Lorsque ni l’arbitre ni la Commission n’ont compétence pour entendre le litige, les tribunaux possèdent une compétence résiduelle pour régler le litige. Tout comme le juge Vancise, j’estime que le modèle décrit dans Weber s’applique quand il faut déterminer lequel de deux régimes législatifs concurrents devrait régir le litige.

27 En vertu du par. 25(1) de The Trade Union Act, tout différend qui surgit entre les parties à une convention collective et qui porte sur le sens, l'application ou l’inexécution alléguée de cette convention doit être réglé par voie d’arbitrage. Par ailleurs, l’article 8 de la convention collective précise que les litiges visés par The Police Act et le Règlement ne sont pas arbitrables. Il s’agit donc de déterminer si l’essence du litige opposant le sergent Shotton et l’appelant relève de la convention collective ou si elle est visée par le régime législatif établi dans The Police Act et le Règlement.

28 Le Syndicat prétend que l’essence du litige en l’espèce n’est pas disciplinaire. Il soutient que, dans la présente affaire, un agent allègue qu’il a donné sa démission sous la contrainte, dans des circonstances dans lesquelles il n’était pas en mesure de bien exercer son jugement. Il maintient que la question en l’espèce est qualifiée à bon droit de litige opposant les parties quant à la validité d’une démission. Une démission peut uniquement résulter d’une relation d’emploi. Le Syndicat fonde cette allégation sur l’article 9 de la convention collective, qui prévoit qu’un préavis doit être donné dans le cas où l’employé ou l’employeur met fin à la relation d’emploi.

29 En toute déférence, je ne suis pas d’accord avec l’interprétation que le Syndicat donne à l’essence du litige en l’espèce. Pour déterminer l’essence du litige, nous devons examiner le contexte factuel dans lequel il est né, et non pas sa qualification sur le plan juridique. Je conviens avec le juge Vancise que, selon l’exposé conjoint des faits, le présent litige porte clairement sur la discipline. Le litige a commencé quand le sergent Shotton a été informé qu’il serait inculpé de conduite déshonorante aux termes du Règlement. Il a également été avisé que le chef de police avait l’intention d’intenter des procédures disciplinaires en vue de son renvoi. Quelque temps après, le chef de police a informé le sergent Shotton que des ordonnances disciplinaires seraient signées si on donnait suite aux avis d’intention d’intenter des procédures disciplinaires. C’est dans ce contexte factuel que le sergent Shotton s’est vu offrir la possibilité de démissionner plutôt que de faire l’objet de mesures disciplinaires. Je conviens avec le juge Vancise que le règlement informel de cette affaire disciplinaire n’en a pas modifié l’essence.

30 Je passe maintenant à l’examen de la convention collective afin de déterminer si le litige est visé par ses dispositions. Pour examiner cette question, nous devons garder à l’esprit que le législateur voulait que les membres du corps de police de Regina soient régis par deux régimes distincts, soit la convention collective, ainsi que The Police Act et le Règlement. Pour déterminer si le litige est arbitrable, nous ne pouvons pas interpréter la convention collective d’une manière qui porterait atteinte au régime législatif établi dans The Police Act et le Règlement. Les dispositions de la convention collective doivent donc être interprétées eu égard au régime établi dans The Police Act et le Règlement. Cela est reconnu à l’article 8 de la convention collective même, dans lequel il est précisé que la convention collective n’est pas censée être utilisée dans les cas où les dispositions de The Police Act et du Règlement s’appliquent. L’article 9 de la convention collective porte sur la cessation des services, mais prévoit uniquement les exigences de préavis en cas de renvoi ou de retraite d’employés permanents, de renvoi d’employés civils et de remplacement de l’ensemble du corps de police. La convention collective ne régit pas le renvoi motivé. En outre, elle ne comporte aucune disposition prévoyant l’examen et le règlement d’affaires disciplinaires mettant en cause des membres du corps policier.

31 Comme le juge Vancise l’a indiqué de façon détaillée dans sa dissidence, The Police Act et le Règlement traitent expressément des questions procédurales soulevées aux étapes d’enquête, de décision et d’appel d’une procédure disciplinaire. Les dispositions détaillées du régime législatif qui régit les affaires disciplinaires indiquent clairement que le législateur voulait que The Police Act et le Règlement constituent un code complet pour le règlement des affaires disciplinaires mettant en cause des membres du corps policier. Cela reflète une politique gouvernementale légitime selon laquelle les commissions de police doivent avoir la responsabilité exclusive du maintien d’un corps de police efficient dans la collectivité. Le pouvoir d’imposer des mesures disciplinaires aux membres du corps policier fait partie intégrante de ce rôle. Par conséquent, il n’existe aucun pouvoir discrétionnaire de choisir un autre mécanisme juridique, tel que l’arbitrage, pour poursuivre un policier relativement à une affaire disciplinaire: voir, par exemple, Re Proctor and Sarnia Board of Commissioners of Police (1979), 99 D.L.R. (3d) 356 (C.A. Ont.), à la p. 371 (le juge Wilson, dissidente), décision de la majorité infirmée, [1980] 2 R.C.S. 727; P. Ceyssens, Legal Aspects of Policing (feuilles mobiles), à la p. 5‑2. En règle générale, quand les deux parties en conviennent, la démission est un moyen acceptable de régler un litige relevant d’une question de discipline. Toutefois, s’il est impossible d’en venir à une entente, les deux parties au litige doivent recourir aux procédures disciplinaires prévues dans la convention collective ou dans les mesures législatives régissant leurs relations du travail, ou dans les deux. Ces procédures sont censées être globales, de façon à assurer un degré de certitude et d’équité quand les parties ne parviennent pas à une entente négociée.

32 Ayant examiné le champ d’application de la convention collective ainsi que de The Police Act et du Règlement, il est clair que le litige opposant le sergent Shotton et l’employeur ne découlait pas, expressément ou implicitement, de l’interprétation, de l’application, de l’administration ou de l’inexécution de la convention collective. Le litige était essentiellement disciplinaire, et le législateur a voulu que de tels litiges soient régis par The Police Act et le Règlement. En conséquence, je conviens avec le juge Vancise que l’arbitre n’avait pas compétence pour entendre et juger la présente affaire.

33 Le juge Jackson, s’exprimant au nom de la Cour d’appel à la majorité, a conclu que le litige en l’espèce devait être régi par la convention collective parce que The Police Act ne permettait pas au sergent Shotton de déposer une plainte. À son avis, le chef de police n’avait pas pris d’ordonnance visant le renvoi du sergent Shotton et ne lui avait pas donné les motifs écrits de sa décision. Selon elle, les art. 60 et 61 de The Police Act prévoient que ces conditions doivent être remplies avant qu’un agent d’audition et ensuite la Commission puissent entendre un appel. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de trancher la question dans le cadre du présent pourvoi, en toute déférence, je ne suis pas d’accord avec son interprétation de The Police Act dans le contexte du présent litige.

34 Le raisonnement qui sous‑tend le modèle adopté dans l’arrêt Weber, précité, pour déterminer l’instance décisionnelle compétente, était fondé, en partie, sur la reconnaissance que le fait de permettre que des litiges soient entendus par un tribunal autre que celui que prévoit un régime législatif complet destiné à régir tous les aspects des rapports entre les parties dans le cadre des relations du travail porterait atteinte à ce régime: voir, par exemple, St. Anne Nackawic, précité, à la p. 721; Weber, précité, au par. 46. Conformément à ce raisonnement, le juge McLachlin a préconisé une interprétation plus libérale du régime régissant le rapport entre les parties, soulignant qu’un litige pouvait découler expressément ou implicitement de ce régime. Même si le régime législatif en question dans l’arrêt Weber était la Loi sur les relations de travail, L.R.O. 1990, ch. L.2, le même raisonnement s’applique à mon avis dans la présente affaire. En l’espèce, le législateur a démontré l’intention d’assujettir toutes les questions de discipline à The Police Act et au Règlement. Il a tenté d’établir un régime complet pour l’examen et le règlement de ces litiges. En conséquence, nous devons éviter de donner aux dispositions des interprétations formalistes qui priveraient la Commission de sa compétence alors que le législateur a clairement voulu qu’elle entende le litige.

35 Dans Weber, le juge McLachlin a souligné qu’un arbitre devait entendre les litiges qui résultent expressément ou implicitement de la convention collective. Un arbitre peut donc connaître d’un litige même lorsque le contexte factuel de celui‑ci s’étend au‑delà de ce que prévoit expressément la convention collective et comprend ce qui y est implicitement prévu. C’est la réponse à la question de savoir si l’objet du litige est expressément ou implicitement régi par la convention collective qui est déterminante. Comme je l’ai mentionné précédemment, ce modèle s’applique également pour déterminer si la Commission est compétente pour entendre le litige en l’espèce. Par conséquent, même si The Police Act et le Règlement ne prévoient pas expressément le type de mesure disciplinaire qui a été prise en l’espèce, celle‑ci peut néanmoins relever implicitement du régime disciplinaire qu’a prévu le législateur.

36 Un examen des art. 60, 61, 66 et 69 de The Police Act montre clairement que le législateur voulait que les agents d’audition et, s’il y a lieu, la Commission, entendent tous les appels découlant du renvoi de membres du corps de police. À mon avis, le fait qu’un membre puisse ne pas faire l’objet d’une ordonnance de renvoi n’est pas suffisant pour priver la Commission de sa compétence. En outre, le fait que le chef de police a pu ne pas se conformer à l’exigence procédurale selon laquelle il doit motiver sa décision par écrit n’est pas suffisant pour priver la Commission de sa compétence. L’essence du litige est demeurée disciplinaire, même si le chef de police ne s’est pas conformé au régime exprès en infligeant une sanction. Bien qu’il ne soit pas nécessaire en l’espèce de décider si le refus du chef de police d’accepter que le sergent Shotton retire sa démission équivalait à un renvoi, The Police Act doit être interprétée de façon libérale afin de garantir que toutes les formes de renvoi, y compris les congédiements déguisés, puissent faire l’objet d’un appel devant l’instance décisionnelle désignée par le législateur. Dans Weber, précité, le juge McLachlin a résumé ainsi le comportement de l’employeur, au par. 73:

Les actions qu’on lui impute [à Hydro] portaient directement sur une pratique expressément assujettie à la procédure de grief. Certains aspects du comportement allégué peuvent peut-être s’être étendus au-delà de ce que les parties avaient envisagé, mais l’essence de la conduite ne s’en trouve pas modifiée.

À mon avis, dans la présente affaire, les actions du chef de police portaient directement sur les procédures disciplinaires prévues dans The Police Act.

37 Comme l’a noté l’arbitre dans sa décision, la Commission a déjà exercé sa compétence pour statuer sur la légitimité de mesures disciplinaires qui n’étaient pas conformes aux exigences procédurales que prévoit le régime législatif quant aux mesures disciplinaires ou aux renvois. Dans Mitchell c. Board of Police Commissioners of the City of Moose Jaw, une décision qu’elle a rendue le 26 août 1992, la Commission a été appelée à accorder l’autorisation d’interjeter appel du renvoi d’un chef de police. L’employeur avait renvoyé le chef de police sans motifs. L’employeur a prétendu qu’il ne s’agissait pas d’un renvoi mais d’une cessation de services conformément à un contrat de travail, et qu’il n’existait donc aucun droit d’appel devant la Commission. La Commission est arrivée à la conclusion que, à moins que la loi n’impose une conclusion contraire, une audience était requise chaque fois qu’un policier a pu être renvoyé. Elle a donc conclu qu’elle avait compétence pour statuer sur le litige.

38 À mon avis, la Commission a le pouvoir de reconnaître sa compétence en l’espèce. Si le sergent Shotton demande l’autorisation d’interjeter appel, j’estime que, conformément à une interprétation libérale des art. 60 et 61 de The Police Act et au modèle énoncé dans Weber, précité, la Commission a compétence pour entendre son appel. Il est clair que le litige en l’espèce était de nature disciplinaire. La Commission pourrait donc décider que le règlement informel de l’affaire disciplinaire équivalait à un congédiement déguisé. À mon avis, bien que la loi ne prévoie pas expressément ce type de mesure disciplinaire, celle‑ci relève implicitement du régime législatif. Une politique gouvernementale légitime se dégage du régime législatif complet, savoir que les commissions de police ont la responsabilité exclusive de maintenir un corps de police efficient au sein de la collectivité. Il est donc compatible avec cette politique que la Commission entende et juge les appels des affaires disciplinaires qui sont expressément ou implicitement visées par le régime législatif.

39 En résumé, le raisonnement qui sous‑tend l’arrêt Weber, précité, est que les questions de compétence doivent être tranchées d’une manière qui soit conforme au régime législatif régissant les parties. Cette logique s’applique, qu’il s’agisse de choisir entre un tribunal et une instance décisionnelle créée par la loi ou entre deux organismes créés par la loi. La question clé dans chaque cas est de savoir si l’essence du litige, dans son contexte factuel, est expressément ou implicitement visée par un régime législatif. Pour statuer sur cette question, il convient de donner à la loi une interprétation libérale de façon à ce que l’attribution de compétence à une instance que n’avait pas envisagée le législateur ne porte pas atteinte au régime.

40 La seule question en litige dans le présent pourvoi est de savoir si l’arbitre avait la compétence pour entendre et juger le litige opposant le sergent Shotton et l’Employeur. À mon avis, l’arbitre a eu raison de décider qu’elle n’avait pas compétence pour entendre le présent litige. Les juges majoritaires de la Cour d’appel ont commis une erreur en infirmant cette décision.

41 Je suis donc d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureur de l’appelant: Le City Solicitor’s Office, Regina.

Procureurs des intimés: Wilson Rasmussen, Regina.


Synthèse
Référence neutre : 2000 CSC 14 ?
Date de la décision : 02/03/2000

Parties
Demandeurs : Regina Police Assn. Inc.
Défendeurs : Regina (Ville) Board of Police Commissioners
Proposition de citation de la décision: Regina Police Assn. Inc. c. Regina (Ville) Board of Police Commissioners, 2000 CSC 14 (2 mars 2000)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2000-03-02;2000.csc.14 ?
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