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27/02/1997 | CANADA | N°[1997]_1_R.C.S._411

Canada | Banque royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411 (27 février 1997)


Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411

Sa Majesté la Reine Appelante

c.

Banque Royale du Canada Intimée

Répertorié: Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp.

No du greffe: 24713.

1996: 19 juin; 1997: 27 février.

Présents: Les juges La Forest, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de l’alberta

Couronne — Priorité de rang -- Retenues sur la paye d’employés non versées par la compagnie sous séquestre -- Biens figurant dans l’inven

taire de la compagnie assujettis à un privilège fixe et à une garantie de la Loi sur les banques -- La banque avait-elle ...

Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411

Sa Majesté la Reine Appelante

c.

Banque Royale du Canada Intimée

Répertorié: Banque Royale du Canada c. Sparrow Electric Corp.

No du greffe: 24713.

1996: 19 juin; 1997: 27 février.

Présents: Les juges La Forest, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de l’alberta

Couronne — Priorité de rang -- Retenues sur la paye d’employés non versées par la compagnie sous séquestre -- Biens figurant dans l’inventaire de la compagnie assujettis à un privilège fixe et à une garantie de la Loi sur les banques -- La banque avait-elle priorité de rang sur la fiducie légale constituée en faveur de Sa Majesté relativement au produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire -- Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46, art. 427 -- Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), art. 153, 227(4), (5) -- Personal Property Security Act, S.A. 1988, ch. P‑4.05, art. 28(1).

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Banques et opérations bancaires — Garantie -- Biens figurant dans l’inventaire de la compagnie assujettis à un privilège fixe et à une garantie de la Loi sur les banques -- Retenues sur la paye d’employés non versées par la compagnie sous séquestre -- La banque avait-elle priorité de rang sur la fiducie légale constituée en faveur de Sa Majesté relativement au produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire -- Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46, art. 427 -- Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), art. 153, 227(4), (5) -- Personal Property Security Act, S.A. 1988, ch. P‑4.05, art. 28(1).

La Banque Royale a garanti un prêt consenti à Sparrow Electric au moyen d’une convention de garantie générale (CGG) portant sur les biens que Sparrow possédait alors ou qu’elle acquerrait par la suite, et au moyen d’une garantie de la Loi sur les banques (GLB) résultant d’une cession des biens figurant dans l’inventaire de l’entreprise, consentie en vertu de l’art. 427 de la Loi sur les banques. Lorsque Sparrow a éprouvé des difficultés financières, un moratoire a été conclu. Ce moratoire permettait à Sparrow de poursuivre ses activités, mais autorisait la banque, en cas de défaut de la part de Sparrow, à nommer un séquestre et à réaliser sa garantie. Un séquestre a été nommé en novembre 1992, au moment où on a découvert que Sparrow avait omis de verser les retenues sur la paye qu’elle avait effectuées et qu’elle était tenue de verser en vertu de l’art. 153 de la Loi de l’impôt sur le revenu (LIR). Il est probable que ces omissions sont survenues en 1992. En janvier 1993, le séquestre a obtenu une autorisation judiciaire de vendre des éléments d’actifs de Sparrow. Il a été ordonné qu’un montant tiré du produit de la vente et équivalant à la somme due au gouvernement fédéral soit détenu en fiducie jusqu’à ce que l’on ait décidé qui y aurait droit. La banque a revendiqué une priorité de rang fondée sur sa CGG et sa GLB, qui lui donnait droit au produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire. La demande du gouvernement fédéral était fondée sur les dispositions en matière de fiducie réputée de l’art. 227 LIR, qui créaient une fiducie légale réputée relativement aux retenues sur la paye non versées à Sa Majesté.

À la suite de la première demande de détermination de l’ordre de priorité, il a été conclu que la fiducie réputée avait priorité de rang sur la CGG. Lors d’une demande subséquente présentée par la banque en vue de faire déterminer si la GLB qu’elle détenait avait priorité de rang sur la fiducie réputée, la Cour du Banc de la Reine a statué que la fiducie réputée avait priorité de rang. La Cour d’appel a décidé que la GLB avait priorité sur la fiducie réputée. Il s’agit en l’espèce de savoir si la fiducie réputée détenue en vertu du par. 227(5) LIR a priorité de rang sur une CGG et une GLB antérieures, quant au produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire.

Arrêt (les juges La Forest, Gonthier et Cory sont dissidents): Le pourvoi est rejeté.

(1) Les paragraphes 227(4) et (5) de la Loi de l’impôt sur le revenu

Quoique l’employeur devienne, au moment d’effectuer les retenues, le fiduciaire de sommes qui, en droit, appartiennent à ses employés, le par. 227(4) LIR a pour effet de faire de Sa Majesté le bénéficiaire de cette fiducie. Une difficulté conceptuelle survient lorsque le débiteur fiscal omet de mettre de côté les sommes qui doivent être versées. L’objet du droit que Sa Majesté possède à titre bénéficiaire se confond alors avec l’ensemble de l’actif du débiteur fiscal et la créance de Sa Majesté devient alors celle d’un bénéficiaire d’une fiducie inexistante. Ce dilemme conceptuel est résolu par les par. 227(4) et (5) qui prévoient clairement et nettement que les sommes non versées sont conservées en fiducie pour Sa Majesté. En particulier, le par. 227(5) vise, en cas de liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite, à rattacher le droit que Sa Majesté détient à titre bénéficiaire aux biens que le débiteur possède alors. La fiducie n’est pas réelle, étant donné que son objet ne peut être identifié à compter de la date de création de la fiducie. Cependant, le par. 227(5) a pour effet de revitaliser la fiducie dont l’objet a perdu toute identité. L’identification de l’objet de la fiducie est donc faite après coup. La Loi confère à Sa Majesté un droit d’accès à tous les éléments d’actif, quels qu’ils soient, que l’employeur possède alors, au moyen desquels elle peut réaliser la fiducie initiale dont elle est bénéficiaire. Cette interprétation est compatible avec le régime de répartition établi par la Loi sur la faillite et l’insolvabilité.

La fiducie réputée visée au par. 227(5) profite à Sa Majesté d’une manière accessoire, en ce sens que le par. 227(5) permet de rattacher rétroactivement le droit de Sa Majesté au bien en litige donné en garantie, si la garantie concurrente s’est concrétisée après que les déductions à l’origine de la créance de Sa Majesté eurent été faites. Sur le plan conceptuel, la fiducie réputée, visée au par. 227(5), permet à la créance de Sa Majesté de s’appliquer rétroactivement et de rattacher le droit qu’elle possède en vertu du par. 227(4) au bien donné en garantie avant qu’il devienne grevé d’un privilège fixe. La même chose se produit lorsqu’un privilège légal s’applique avant la constitution d’une hypothèque sur un bien en litige donné en garantie. En l’espèce, les retenues fiscales sur la paye des employés ont été effectuées après que le privilège fixe de la banque eut grevé les biens figurant dans l’inventaire, de sorte que ce second aspect de l’application du par. 227(5) n’est pas en cause.

Il n’est pas exact de qualifier le mécanisme du par. 227(5) de moyen de «retracer l’origine d’un bien»; en fait, le sens de ce paragraphe est à l’opposé du sens traditionnel du mot «retracer», étant donné qu’il n’exige aucun lien entre l’objet de la fiducie et le fonds ou l’actif auquel on rattache cet objet. Il est plus exact de dire que le par. 227(5) constitue un «assouplissement des règles d’equity quant à l’origine d’un bien».

Le paragraphe 227(5) ne permet pas à Sa Majesté de faire valoir son droit à titre bénéficiaire sur un bien qui, au moment de la liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite, appartient à quelqu’un d’autre que le débiteur fiscal. Les paragraphes 227(4) et (5) visent manifestement les biens du débiteur fiscal, et il serait contraire à une jurisprudence bien établie de forcer le sens du par. 227(5) de manière à permettre l’expropriation des biens de tiers non mentionnés expressément dans la Loi.

Par conséquent, pour déterminer si Sa Majesté a droit à la priorité de rang en vertu de ces paragraphes, il faut recourir aux principes du droit des biens. Il faut examiner en profondeur la nature des droits qui sont en concurrence avec ceux de Sa Majesté, afin de déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, ces droits s’appliquent aux fonds en litige. Si l’on conclut que c’est la banque, et non Sparrow, qui est légalement propriétaire du bien donné en garantie, la fiducie réputée de Sa Majesté ne pourra grever que le droit de rachat que possède Sparrow.

La méthode de la «fiducie légale» peut être distinguée d’autres méthodes que le législateur utilise pour garantir un droit à des retenues sur la paye non versées, dont le recours à une disposition expresse de la «priorité de rang de Sa Majesté». L’application d’une telle disposition dans une situation de concurrence pour la priorité de rang peut avoir lieu sans égard à la qualité de la «garantie» qui est en concurrence avec la créance de Sa Majesté. Cette disposition transfère simplement à Sa Majesté le droit de propriété sur le bien donné en garantie sans égard aux droits de qui que ce soit qui peuvent être en concurrence avec ce droit de propriété, pourvu que l’on ait satisfait à ses exigences.

(2) La qualification des droits de la banque

Le droit de la banque sur les biens figurant dans l’inventaire de Sparrow doit être qualifié soit de privilège flottant, soit de privilège fixe et spécifique. Un privilège spécifique grève, sans plus, certains biens déterminés ou qui peuvent être déterminés. Un privilège flottant flotte au‑dessus des biens qu’il est destiné à grever, jusqu’à ce qu’il se cristallise. La cristallisation survient dès que le débiteur est en défaut, et transforme le droit en question en un privilège fixe et spécifique sur les biens figurant dans l’inventaire. L’importance cruciale de qualifier un droit de fixe ou de flottant réside dans le fait que cette qualification décrit la mesure dans laquelle on peut dire qu’un créancier possède un droit de propriété sur le bien donné en garantie. Pendant la période où un privilège sur les biens figurant dans un inventaire est flottant, le créancier ne possède aucun droit de propriété sur ces biens donnés en garantie, et une fiducie ou un privilège légal grevant ces biens pendant cette période grèvera le droit du débiteur et aura priorité de rang sur le privilège flottant subséquemment cristallisé. Cependant, une garantie qualifiée de privilège fixe et spécifique aura priorité de rang sur un privilège légal subséquent parce que tout ce que le privilège peut grever, c’est le droit de rachat que le débiteur possède sur le bien donné en garantie.

Les principes de common law n’ont pas modifié l’effet que les lois en cause peuvent avoir sur la qualification des garanties. En l’espèce, la Personal Property Security Act (PPSA) de l’Alberta et la Loi sur les banques sont déterminantes pour ce qui est de qualifier, respectivement, la CGG et la GLB de la banque. La PPSA soustrait explicitement les fiducies légales à son application et ne s’applique donc pas pour déterminer l’ordre de priorité entre une fiducie légale et une garantie. La PPSA a cependant pour effet de changer fondamentalement la qualification des garanties. De façon générale, en l’absence d’intention contraire explicite, une garantie accordée sur tous les biens meubles actuels et sur ceux acquis après la date de la convention grèvera ces biens dès la conclusion de la convention par les parties. Dès que la garantie grève un bien, la CGG devient, en droit, un privilège fixe et spécifique sur le bien donné en garantie. Pour ces motifs, la CGG de la banque intimée doit être qualifiée de privilège fixe et spécifique, assorti d’une permission d’aliéner les biens figurant dans l’inventaire en raison de la permission de vendre les biens d’inventaire grevés, que la banque a accordée à Sparrow. Ce privilège fixe a grevé les biens en cause dès la conclusion de la convention.

De même, une garantie consentie en vertu de la Loi sur les banques tient d’un privilège fixe et spécifique. Le concept du privilège fixe correspond à la notion d’un créancier qui a les droits de propriété sur le bien donné en garantie. Il est trompeur de laisser entendre que la garantie prévue par l’art. 427 tient d’un privilège flottant parce que la banque acquiert effectivement le droit de propriété. Contrairement à un privilège flottant qui peut s’appliquer à tous les biens d’une catégorie donnée que l’emprunteur détient, mais qui ne grève pas spécifiquement l’un de ces biens tant qu’il ne s’est pas cristallisé à la suite du défaut de l’emprunteur, la garantie consentie en vertu de l’art. 427 est un privilège fixe qui s’applique à chacun des biens cédés, peu importe que l’emprunteur soit en défaut ou non. Cela confère à la banque des droits beaucoup plus grands que s’il s’agissait d’une obligation à charge flottante s’appliquant aux biens de l’inventaire. Pour ce motif, la garantie que la banque détient sous forme de GLB tient d’un privilège fixe et spécifique assorti d’une permission de vendre les biens figurant dans l’inventaire.

Le concept traditionnel du privilège fixe semble incompatible avec l’idée de possession d’un droit de propriété sur des biens donnés en garantie tels que les biens d’inventaire acquis après coup qui n’existent pas encore au moment où la convention de garantie est conclue. Un privilège fixe sur tous les biens présents et futurs d’un inventaire représente un droit de propriété sur un ensemble dynamique d’éléments d’actif présents et futurs. La conception de cette forme de privilège doit évoluer en fonction des réalités contemporaines du droit commercial et, en particulier, des dispositions législatives qui ont été invoquées dans la présente affaire. En effet, le privilège fixe et spécifique confère au créancier garanti (sous réserve du droit de rachat que le débiteur possède en equity) le droit de propriété sur les biens actuels de l’inventaire du débiteur, de même que sur les biens de l’inventaire que ce dernier acquiert après coup. Le créancier garanti devient ainsi légalement propriétaire des biens de l’inventaire au fur et à mesure qu’ils entrent en la possession du débiteur.

Lorsqu’un créancier garanti détient un privilège fixe sur les biens figurant dans l’inventaire d’un débiteur, ce privilège aura en tout temps pour effet d’assurer que le créancier possède un droit de propriété sur tous les biens d’inventaire assujettis au privilège, à la condition (non applicable en l’espèce) qu’aucune retenue sur la paye n’ait été effectuée, sans être versée, avant l’application du privilège fixe. Dans le présent pourvoi, les biens figurant dans l’inventaire qui ont fait l’objet d’une vente de liquidation appartenaient en droit à la banque intimée: la banque détenait, tant en vertu de sa CGG que de sa GLB, un privilège fixe sur les biens de l’inventaire de Sparrow. Le droit que Sa Majesté possédait à titre bénéficiaire ne pouvait donc s’appliquer avant la vente qu’au droit de rachat que Sparrow détenait en equity sur les biens.

(3) La thèse de la permission

Les juges Sopinka, McLachlin, Iacobucci et Major: Les garanties ou sûretés que l’intimée possède en vertu de la Loi sur les banques et de la PPSA ont priorité de rang sur la fiducie réputée qui prend naissance en faveur de Sa Majesté en vertu du par. 227(4) LIR. Bien que les garanties en vertu de la Loi sur les banques et de la PPSA soient assujetties à une permission de vendre, cette permission est loin d’avoir une portée assez large pour englober l’exécution d’obligations fiscales. Une permission de vendre des biens figurant dans un inventaire permet tout au plus d’exécuter les obligations directement rattachées à la vente réelle de ces biens.

La thèse de la permission veut que, bien que la garantie qu’une banque possède sur les biens figurant dans l’inventaire d’un débiteur soit fixe et spécifique, elle soit assujettie à la permission qu’a le débiteur d’aliéner ces biens dans le cours normal de ses affaires. Cela signifie que les droits que la banque peut faire valoir sur les biens figurant dans l’inventaire doivent, en conséquence, céder le pas aux dettes contractées dans le cours normal des affaires. En théorie, un créancier qui a accordé la permission de vendre les biens figurant dans un inventaire a, de ce fait, consenti à ce que sa garantie soit assujettie à d’autres obligations pouvant prendre naissance «dans le cours normal des affaires». La permission est donc censée fournir la preuve de l’intention de l’intimée d’accepter moins qu’une garantie intégrale sur les biens de l’inventaire.

La permission ne prouve rien de tel. La vente potentielle des biens figurant dans l’inventaire n’équivaut pas à une restriction réelle de la garantie. Il existe une différence considérable entre affirmer, d’une part, que si un débiteur vend des biens de son inventaire et en utilise le produit pour rembourser une dette envers un tiers, ce tiers accepte alors ce produit libre de toute garantie, et affirmer, d’autre part, que puisqu’un tiers pourrait accepter le produit de la vente libre de toute garantie, le produit n’est grevé d’aucune garantie opposable à ce tiers. La permission de vendre les biens figurant dans un inventaire dans le cours normal des affaires est une condition du premier genre. La conséquence (l’extinction de la garantie) ne s’ensuit que si la condition préalable (la vente des biens figurant dans l’inventaire et l’utilisation du produit en découlant pour exécuter une obligation envers un tiers) est remplie. La garantie sur les biens figurant dans l’inventaire ne disparaît que si le débiteur vend réellement ces biens et utilise le produit de la vente pour rembourser une dette envers un tiers.

Conformément au par. 28(1) PPSA, la vente des biens figurant dans un inventaire a pour effet de conférer à l’acquéreur un droit libre de toute charge sur ces biens, et à la partie qui a donné la permission de vendre, une garantie permanente sur le produit de la vente. Ce n’est que si le débiteur utilise ensuite le produit pour s’acquitter d’une obligation envers un tiers que ce produit sera soustrait à la garantie que la partie qui a donné la permission de vendre possède sur celui‑ci. Par conséquent, la convention de garantie assortie d’une permission de vendre crée un droit défectible, mais l’événement qui provoque l’extinction du droit est la vente réelle des biens figurant dans l’inventaire, suivie de l’utilisation réelle du produit en découlant pour exécuter une obligation envers un tiers.

En soi, le par. 28(1) PPSA n’oblige pas nécessairement à rejeter l’interprétation large de la permission de vendre. Toutefois il convient, dans la présente affaire, d’invoquer la maxime expressio unius est exclusio alterius pour compléter l’argument. La Loi prévoit que l’aliénation de biens figurant dans un inventaire a certaines conséquences sur la garantie, et elle prévoit, notamment, l’extinction de la garantie si le débiteur vend réellement ces biens et utilise le produit de la vente pour exécuter une obligation envers un tiers. Fait révélateur, la Loi ne prévoit pas d’autres événements susceptibles d’entraîner l’extinction. La Loi est exhaustive et exclut toute autre interprétation de la permission de vendre.

Du fait que les biens figurant dans l’inventaire en question n’ont pas été vendus conformément à la permission donnée, cette permission n’a pu, en l’espèce, avoir aucun effet sur la garantie de l’intimée. Il n’importe pas de savoir ce que le débiteur aurait pu faire de la permission. S’il en était autrement, la permission de vendre les biens d’un inventaire ferait perdre tout son sens à la CGG de l’intimée.

On pourrait soutenir que la fiducie réputée s’applique en présumant l’existence d’une vente réelle des biens figurant dans l’inventaire. Si cela était exact, il importerait peu que les biens figurant dans l’inventaire n’aient pas été réellement vendus conformément à la permission donnée. Toutefois, la présomption n’est pas un moyen de supprimer une garantie existante. Elle permet plutôt de retourner en arrière pour chercher un élément d’actif qui, au moment où l’impôt est devenu exigible, n’était pas assujetti à une garantie opposée. La disposition en matière de fiducie réputée ne peut s’appliquer que s’il est préalablement déterminé qu’il existe des éléments d’actifs libres de toute charge qui peuvent faire l’objet d’une fiducie réputée. Dans le présent pourvoi, les biens figurant dans l’inventaire étaient grevés par la CGG.

L’engagement à payer tous les impôts, que le débiteur a pris dans la CGG, ne fait pas partie de la permission donnée et n’est qu’un engagement à respecter la loi. Il n’ajoute rien au par. 153(1) LIR et ne prescrit pas non plus l’issue d’une lutte pour obtenir la priorité de rang.

Un certain nombre de considérations de principe appuient cette conclusion. L’innovation judiciaire dans ce domaine risque de susciter une incertitude juridique. Les financiers de biens figurant dans un inventaire devraient se prémunir contre le risque qu’une réclamation opposée fasse obstacle à leur garantie. Il se peut aussi réellement que la reconnaissance d’une thèse générale de la permission réduise à néant le privilège constitué, en vertu de la PPSA, sur les biens figurant dans un inventaire. Le législateur peut, s’il le souhaite, intervenir et accorder la priorité absolue à la fiducie réputée. Cependant, en l’absence de termes clairs en ce sens, la CGG de la banque doit l’emporter.

Les juges La Forest, Gonthier et Cory (dissidents): La question cruciale, en l’espèce, est celle de la portée de la permission contractuelle en cause. En particulier, si le consentement de la banque comprenait le droit de vendre les biens de l’inventaire pour payer les salaires, alors ce consentement comprenait nécessairement le droit de vendre ces mêmes biens pour verser les retenues sur la paye. Le droit de Sa Majesté pourrait alors s’appliquer au produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire et, ainsi, avoir priorité sur le droit de la banque.

Dans le contexte du régime législatif en cause dans le présent pourvoi, la thèse de la permission constitue une exception à la règle générale voulant qu’au moment de la «liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite», le droit de Sa Majesté ne puisse pas grever des biens qui sont la propriété d’un créancier garanti. Si, au moment où les retenues ont été effectuées, un créancier garanti a consenti à ce que les biens qui lui ont été donnés en garantie servent à verser les retenues exigées par la loi qui font l’objet de la fiducie réputée, ce créancier s’est assujetti aux obligations légales relatives à ces retenues. En conséquence, dans la présente affaire, au moment où les retenues sur la paye qui sont en cause ont été effectuées, la banque avait permis la vente des biens figurant dans l’inventaire pour payer les salaires (et ainsi les retenues sur la paye), et le par. 227(5) peut donc s’appliquer aux biens qui figuraient dans l’inventaire de la banque au moment de la mise sous séquestre.

Le facteur déterminant dans l’argument de la «permission de vendre» est la conclusion que cette permission a été accordée quant à l’utilisation du produit de la vente des biens en litige donnés en garantie. Bien que les permissions soient souvent données sous la forme d’un «droit de vendre dans le cours normal des affaires», c’est la permission quant à l’utilisation du produit qui doit être au centre de l’examen, et non pas nécessairement les circonstances de la vente. Dans la présente affaire, Sparrow avait la permission de vendre les biens de l’inventaire dans le cours normal de ses affaires et d’«utiliser» le produit de cette vente.

La permission de vendre les biens de l’inventaire dans le cours normal des affaires comprenait nécessairement, en l’espèce, la permission de les vendre pour payer les salaires et verser les retenues sur la paye dans le cours des affaires de Sparrow. Lorsque, comme c’est le cas ici, le créancier garanti détient une garantie sur la majorité des éléments d’actif du débiteur, la garantie applicable aux biens de l’inventaire doit permettre au débiteur de vendre ces biens et d’utiliser le produit pour les fins générales de son entreprise, y compris pour payer les salaires. La portée de la permission peut être déterminée soit à partir des termes mêmes de la convention de garantie, soit à partir de la nature de la convention et de la conduite des parties. Il s’agit en l’espèce d’une permission de vendre les biens de l’inventaire dans le «cours normal de[s] affaires [de Sparrow] [. . .] et [. . .] [d’]utiliser [le produit]», qui fait en sorte qu’elle inclut le droit d’utiliser le produit pour payer les salaires. La permission de vendre les biens d’un inventaire peut, dans certaines circonstances, être limitée de manière à ne pas inclure le droit d’utiliser le produit pour payer des salaires.

Le véritable critère pour déterminer si la permission de vendre les biens figurant dans un inventaire inclut le droit de payer les salaires est une question d’interprétation de l’arrangement contractuel intervenu entre les parties. L’attention ne doit pas tant porter sur les circonstances de la vente des biens de l’inventaire que sur l’utilisation permise du produit de la vente de ces biens. Lorsque la permission a une portée limitée, il se peut qu’elle n’inclue pas le droit d’utiliser le produit de la vente pour payer les salaires. Toutefois, l’expression de restrictions quant à l’utilisation du produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire ne saurait prévaloir si l’arrangement entre les parties est de nature à permettre, en pratique, au débiteur d’utiliser le produit de cette vente dans le cours de ses affaires. Le critère devrait consister à déterminer si le débiteur était libre d’utiliser ces fonds dans le cours normal des affaires, au lieu d’être obligé de les verser au créancier garanti.

La CGG accordait expressément à Sparrow la permission de vendre les biens de l’inventaire dans le cours de ses affaires et d’utiliser le produit dont elle disposerait; la GLB comportait implicitement la même permission. Bien qu’il soit vrai que la CGG comportait une clause de produit en fiducie, cette clause ne peut pas avoir pour effet de limiter la portée de la permission alors que l’arrangement réel intervenu entre les parties voulait, comme cela a été précisé, que Sparrow puisse utiliser le produit de la vente des biens de l’inventaire dans le cours de ses affaires. Dans cette affaire, la banque n’était pas un petit financier de biens d’inventaire, qui exigeait que Sparrow lui verse immédiatement le produit de la vente des biens de l’inventaire. Au contraire, la banque était un gros bailleur de fonds qui permettait à Sparrow d’utiliser le produit de la vente des biens de l’inventaire pour maintenir la viabilité de son entreprise. Aux termes de la permission ici en cause, la banque permettait à Sparrow de vendre les biens de l’inventaire pour payer des salaires et, nécessairement, pour verser des retenues sur la paye.

La fiducie réputée dont bénéficie l’appelante en vertu du par. 227(5) doit avoir priorité de rang sur les garanties que la banque détient sur les biens en litige donnés en garantie. Le fonds en fiducie constitué des retenues effectuées, bien que sans objet identifié au moment de sa constitution, est capable de viser après coup les biens faisant l’objet de cette fiducie. Ce résultat n’est pas écarté relativement à la GLB en raison du par. 428(1) de la Loi sur les banques. Bien que le par. 428(1) garantisse le droit de propriété de la banque intimée sur les biens en litige donnés en garantie, la banque a néanmoins accepté d’être dépouillée de ce droit. Une telle renonciation à la priorité de rang fait en sorte que le par. 428(1) n’est d’aucun secours à la banque.

En plus d’offrir un élément de certitude dans les litiges opposant des garanties consensuelles et des garanties non consensuelles, la thèse de la permission assure l’équité en droit commercial. La banque est essentiellement disposée à accepter les bénéfices du non‑versement par Sparrow des retenues légales sur la paye, et elle a permis que les biens qui lui avaient été donnés en garantie soient utilisés pour verser ces retenues, mais elle refuse d’assumer le fardeau de l’acte illégal accompli par Sparrow au moment de sa mise sous séquestre. Ce devrait être une politique de la loi que la banque intimée soit tenue responsable des obligations légales auxquelles Sparrow a manqué. La thèse de la permission garantit ce résultat dans les circonstances appropriées.

La thèse de la permission ne va pas jusqu’à signifier que toute créance ultérieure devrait avoir préséance sur la CGG parce qu’il se pourrait que chacune des créances concurrentes ait été acquittée sur le produit d’une vente hypothétique des biens figurant dans l’inventaire. Le consentement au paiement de salaires est une condition nécessaire, mais non suffisante. Ce consentement même n’amène pas à conclure que c’est l’intérêt de Sa Majesté qui doit prévaloir. Ce qui importe, c’est que la banque a consenti au paiement de salaires comportant des retenues, sur des biens figurant dans l’inventaire qui, au moment des retenues et une fois les salaires réellement payés, étaient réputés par la loi être retranchés du patrimoine du débiteur. La nature exceptionnelle des dispositions législatives applicables aux retenues sur la paye, et le consentement de la banque aux retenues, contribuent au succès de la demande fondée sur le par. 227(5) en l’espèce. De cette façon, la thèse de la permission est circonscrite en ce qui concerne sa capacité de faire obstacle à des garanties antérieures.

En outre, la thèse de la permission appliquée dans le présent cas ne compromet pas l’intégrité du droit commercial. Elle s’applique de manière restreinte, de concert avec des dispositions législatives exceptionnelles, de façon à actualiser des obligations légalement exécutées. Elle ne crée pas d’incertitude dans les opérations commerciales.

Jurisprudence

Citée par le juge Iacobucci

Arrêts mentionnés: R. in Right of B.C. c. F.B.D.B., [1988] 1 W.W.R. 1; Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N.; Banque Toronto-Dominion c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963.

Citée par le juge Gonthier (dissident)

Royal Bank c. Sparrow Electric Corp., Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, Edmonton, 24 novembre 1993, inédit; R. in Right of B.C. c. F.B.D.B., [1988] 1 W.W.R. 1; Dauphin Plains Credit Union Ltd. c. Xyloid Industries Ltd., [1980] 1 R.C.S. 1182; Banque de Montréal c. Hall, [1990] 1 R.C.S. 121; Commission des relations de travail c. Avco Financial Services Realty Ltd., [1979] 2 R.C.S. 699; Royal Bank of Canada c. G.M. Homes Inc. (1984), 52 C.B.R. (N.S.) 244; Roynat Inc. c. Ja‑Sha Trucking & Leasing Ltd., [1992] 2 W.W.R. 641; Ford Motor Co. of Canada Ltd. c. Manning Mercury Sales Ltd. (Trustee of), [1994] 6 W.W.R. 372; National Bank of Canada c. Director of Employment Standards (1986), 5 P.P.S.A.C. 326; Abraham c. Coopers & Lybrand Ltd. (1993), 13 O.R. (3d) 649; Armstrong c. Coopers & Lybrand Ltd. (1986), 53 O.R. (2d) 468, conf. par (1987), 61 O.R. (2d) 129, autorisation de pourvoi refusée, sub nom. National Bank of Canada c. Armstrong, [1988] 1 R.C.S. xii; Manitoba (Minister of Labour) c. Omega Autobody Ltd. (Receiver of) (1989), 59 D.L.R. (4th) 34; Re Deslauriers Construction Products Ltd., [1970] 3 O.R. 599; Pembina on the Red Development Corp. Ltd. c. Triman Industries Ltd. (1991), 85 D.L.R. (4th) 29; Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N.; Banque Toronto-Dominion c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963; Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103; Illingworth c. Houldsworth, [1904] A.C. 355; Re Urman (1983), 44 O.R. (2d) 248; North Sky Trading Inc. (Bankrupt), Re (1994), 158 A.R. 117; Royal Bank of Canada c. Workmen's Compensation Board of Nova Scotia, [1936] R.C.S. 560; C.I.B.C. c. Klymchuk (1990), 74 Alta. L.R. (2d) 232.

Lois et règlements cités

Loi de 1971 sur l’assurance-chômage, S.C. 1970‑71‑72, ch. 48.

Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), art. 153(1)a), (3), 224(1.2) [aj. 1987, ch. 46, art. 66; mod. 1990, ch. 34, art. 1], (1.3) [aj. 1987, ch. 46, art. 66], 227(4), (5).

Loi des banques, S.R.C. 1927, ch. 12, art. 88.

Loi sur l’assurance-chômage, L.R.C. (1985), ch. U‑1, art. 57(2), (3).

Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B‑3, art. 67 [mod. 1992, ch. 27, art. 33].

Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46, art. 425(1) «effects, denrées ou marchandises», 427(1), (2), 428(1), 434(2), 435(2).

Loi sur les banques, L.R.C. (1985), ch. B-1, art. 2(1), 178, 179(1), 185(2), 186(2).

Loi sur les sûretés mobilières, L.R.O. 1990, ch. P.10.

Personal Property Security Act, S.A. 1988, ch. P‑4.05, art. 4a), 10(1), 12(1), 13(1), 28(1).

Personal Property Security Act, S.B.C. 1989, ch. 36.

Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑8, art. 24(3), (4).

Régime de pensions du Canada, S.C. 1964‑65, ch. 51, art. 24(3), (4).

Régime de pensions du Canada, S.R.C. 1970, ch. C‑5.

Workmen's Compensation Act, R.S.N.S. 1923, ch. 129, art. 79(2).

Doctrine citée

Cuming, Ronald C. C. «Commercial Law -- Floating Charges and Fixed Charges of After‑Acquired Property: The Queen in the Right of British Columbia v. Federal Business Development Bank» (1988), 67 R. du B. can. 506.

Cuming, Ronald C. C., and Roderick J. Wood. Alberta Personal Property Security Act Handbook, 2nd ed. Toronto: Carswell, 1993.

Cuming, Ronald C. C., and Roderick J. Wood. British Columbia Personal Property Security Handbook, 2nd ed. Toronto: Carswell, 1993.

Moull, William D. «Security Under Sections 177 and 178 of the Bank Act» (1986), 65 R. du B. can. 242.

Waters, D. W. M. Law of Trusts in Canada, 2nd ed. Toronto: Carswell, 1984.

Wood, Roderick J. «The Floating Charge in Canada» (1989), 27 Alta. L. Rev. 191.

Wood, Roderick J. «Revenue Canada's Deemed Trust Extends Its Tentacles: Royal Bank of Canada v. Sparrow Electric Corp.» (1995), 10 B.F.L.R. 429.

Wood, Roderick J., and Michael I. Wylie. «Non‑Consensual Security Interests in Personal Property» (1992), 30 Alta. L. Rev. 1055.

Ziegel, Jacob S. «Symposium: Recent and Prospective Developments in the Personal Property Security Law Area» (1985), 10 Can Bus. L.J. 131.

Ziegel, Jacob S., Benjamin Geva and R. C. C. Cuming. Commercial and Consumer Transactions, Rev. 2nd ed. Toronto: Emond Montgomery, 1990.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta (1995), 28 Alta. L.R. (3d) 153, 165 A.R. 132, 89 W.A.C. 132, [1995] 6 W.W.R. 718, 33 C.B.R. (3d) 34, 10 P.P.S.A.C. (2d) 1, qui a accueilli un appel interjeté contre des jugements du juge Agrios (1993), 19 Alta. L.R. (3d) 183, 10 P.P.S.A.C. (2d) 1, à la p. 3, [1995] 1 C.T.C. 101, et (1994), 21 Alta. L.R. (3d) 275, 156 A.R. 187, [1994] 9 W.W.R. 338. Pourvoi rejeté, les juges La Forest, Gonthier et Cory sont dissidents.

Edward R. Sojonky, c.r., et Michael J. Lema, pour l’appelante.

Ray C. Rutman, pour l’intimée.

//Le juge Gonthier//

Version française des motifs des juges La Forest, Gonthier et Cory rendus par

1 Le juge Gonthier (dissident) — Il s’agit, en l’espèce, de déterminer l’ordre de priorité entre une fiducie légale réputée et diverses garanties ou sûretés relativement au produit de la liquidation des biens figurant dans un inventaire. Plus particulièrement, il nous faut déterminer l’ordre de priorité d’une fiducie réputée de Sa Majesté, constituée en vertu des par. 227(4) et (5) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (ci‑après «LIR»), lesquels paragraphes s’appliquent en l’espèce en raison du détournement de retenues sur la paye non versées qui appartiennent légalement à Sa Majesté. À l’encontre de cette demande, la Banque Royale du Canada fait valoir qu’elle a priorité tant en vertu d’une convention de garantie générale (ou contrat de sûreté générale) que d’une cession de biens figurant dans un inventaire, consentie en vertu de l’art. 427 de la Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46.

I -- Les faits

2 La débitrice, Sparrow Electric Corporation (ci‑après «Sparrow»), exploitait une entreprise d’entrepreneur électricien en Alberta. L’entreprise était de taille importante et comptait 200 à 300 employés. Pour financer l’exploitation de son entreprise, Sparrow a emprunté des sommes importantes à l’intimée la Banque Royale du Canada (ci‑après la «banque»). Pour garantir les sommes prêtées, la banque a obtenu de Sparrow diverses formes de garantie portant sur la plupart des éléments d’actif utilisés dans l’entreprise de Sparrow. En l’espèce, il importe de souligner que la banque bénéficiait d’une convention de garantie générale portant sur tous les biens meubles que Sparrow possédait alors ou qu’elle acquerrait par la suite, de même que d’une cession des biens figurant dans l’inventaire de l’entreprise, consentie en vertu de l’art. 178 (maintenant l’art. 427) de la Loi sur les banques, L.R.C. (1985), ch. B-1.

3 En 1992, la banque s’est rendu compte que Sparrow éprouvait des difficultés financières. À deux reprises, les 5 août et 30 septembre 1992, la banque a écrit à la direction de Sparrow pour lui signaler son défaut de remplir les obligations de son emprunt. Le 16 octobre 1992, pour donner à Sparrow le temps de remédier à la situation, la banque et Sparrow ont conclu un «moratoire». Ce moratoire permettait à Sparrow de poursuivre ses activités à la condition que, dans le cas où sa situation ne s’améliorerait pas, la banque puisse nommer un séquestre et réaliser sa garantie.

4 La situation financière de Sparrow ne s’étant pas améliorée, la banque a, le 19 novembre 1992, nommé un séquestre qui prendrait le contrôle de l’entreprise de Sparrow, et, le 8 décembre 1992, elle a présenté avec succès une pétition en faillite contre Sparrow. L’ordonnance de séquestre conférait au séquestre le pouvoir, notamment, d’exploiter l’entreprise de Sparrow, s’il le jugeait nécessaire. Le séquestre a effectivement exploité l’entreprise de Sparrow pendant un certain temps, en recourant aux services d’environ 200 employés pour remplir les obligations contractuelles de Sparrow. Ces employés ont été licenciés le 15 janvier 1993.

5 Outre son défaut de remplir les obligations de son emprunt, qui a mené inévitablement à sa faillite et à sa mise sous séquestre, Sparrow a manqué à d’autres obligations en tentant de rester en affaires. Elle a omis, en particulier, de verser des retenues sur la paye qu’elle était tenue de verser en vertu de l’art. 153 LIR. Bien que le dossier n’en révèle pas la date exacte, il semble que la première de ces omissions ait pu se produire dès le 7 août 1992. Compte tenu du montant des retenues sur la paye dues en date du 7 août, et du nombre moyen d’employés inscrits sur la liste de paye de Sparrow, nous pouvons conclure que les retenues sur la paye qui sont à l’origine de la demande de Sa Majesté ont vraisemblablement été effectuées en 1992. De toute façon, au moment de sa mise sous séquestre, Sparrow devait à l’appelante («Sa Majesté»), outre les montants considérables dûs à la banque, la somme de 625 990,86 $ pour le non‑versement de retenues d’impôt sur le revenu effectuées sur la paye.

6 Le 12 janvier 1993, le séquestre a demandé à la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta l’autorisation de vendre divers éléments d’actif de Sparrow, notamment les biens figurant dans son inventaire qui font l’objet du présent pourvoi. Le 15 janvier 1993, le juge Wilson a autorisé à la fois la vente des éléments d’actif et le versement du produit de la vente à la banque à titre de remboursement partiel du montant qu’elle réclamait, mais il a ordonné qu’un montant égal à celui réclamé par Sa Majesté pour les retenues sur la paye non versées soit détenu en fiducie jusqu’à ce que l’on ait décidé qui aurait droit à cette partie du produit de la vente. Quelque temps plus tard, les éléments d’actif ont été vendus et la somme de 625 990,86 $ a été mise de côté. On a statué, au cours de procédures judiciaires, que le montant détenu est entièrement constitué du produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire (Royal Bank c. Sparrow Electric Corp., Cour du Banc de la Reine de l’Alberta, Edmonton, 24 novembre 1993, inédit). Cette décision n’est pas en cause devant nous.

7 Actuellement, les fonds détenus, qui proviennent du produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire, sont suffisants pour satisfaire à la demande de Sa Majesté, ou pour rembourser une partie des sommes dues à la banque. La détermination de l’ordre de priorité, en l’espèce, sera donc décisive quant à savoir quelle partie a droit à la totalité des fonds contestés.

II -- Les intérêts opposés

8 Pour des raisons de commodité, je vais commencer par exposer les moyens invoqués par la banque et par Sa Majesté à l’appui de leur droit au produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire.

(A) La banque

9 La banque intimée invoque deux garanties distinctes à l’appui de sa demande de reconnaissance de son droit aux fonds contestés. Elle allègue, premièrement, que sa convention de garantie générale («CGG»), signée le 25 février 1992 et opposable conformément à la Personal Property Security Act de l’Alberta, S.A. 1988, ch. P‑4.05 («PPSA»), doit avoir priorité. Par cette convention, Sparrow a cédé en garantie à la banque tous les biens meubles qu’elle possédait alors ou qu’elle acquerrait par la suite, y compris [traduction] «tous les biens figurant dans l’inventaire, quels qu’ils soient et où qu’ils soient» (sous‑al. 1a)(i)). De plus, la clause 7 de cette convention prévoyait que le produit du bien donné en garantie, reçu par Sparrow, serait détenu en fiducie pour la banque. Cependant, il importe de noter, en l’espèce, que la clause 4 de la CGG comportait deux engagements explicites, à savoir:

[traduction] Pour toute la durée de la présente convention de garantie, le débiteur prend l’engagement et convient:

a) de protéger le bien donné en garantie contre les réclamations et les revendications de toute autre partie qui prétendrait avoir un droit sur ce bien; de le garder libre de toute charge [. . .]; toujours à la condition qu’à moins d’être en défaut le débiteur puisse, dans le cours normal de ses affaires, vendre ou louer les biens figurant dans l’inventaire et, sous réserve de la clause 7 des présentes, utiliser les sommes d’argent dont il dispose,

. . .

e) de payer tous les impôts, tarifs, redevances, cotisations et autres sommes de toute nature qui peuvent être légalement perçues, cotisées ou imposées à l’égard du débiteur ou d’un bien donné en garantie, lorsque ces sommes sont dues et exigibles; [Je souligne.]

De plus, dans la convention de crédit conclue avec la banque le 22 janvier 1992, Sparrow avait pris l’engagement suivant:

[traduction]

(3) elle paiera promptement, lorsqu’ils seront dus, toutes les taxes d’affaires, impôts sur le revenu et autres taxes perçues à bon droit sur ses affaires et ses biens et versera toutes les retenues légales sur le salaire des employés, lorsqu’elles seront dues; [Je souligne.]

10 La banque allègue, deuxièmement, que la garantie de la Loi sur les banques («GLB») lui donne droit à la priorité de rang quant au produit des biens figurant dans l’inventaire. Cette garantie a été consentie à deux occasions, soit les 29 janvier et 12 décembre 1990. Aux termes de la cession générale, Sparrow a notamment cédé à la banque [traduction] «tous les biens figurant dans l’inventaire, [et] articles de commerce» à titre de garantie permanente du paiement de ses emprunts à la banque. De plus, dans la convention relative aux prêts et aux avances de fonds, Sparrow a donné en garantie tant les biens figurant dans son inventaire que le produit de leur vente. Au moment où ces instruments ont été signés, l’art. 178 de la Loi sur les banques, L.R.C. (1985), ch. B‑1, était en vigueur. Cependant, le 1er juin 1992, cette loi a été remplacée par la Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46. Les dispositions pertinentes de ces deux lois sont identiques. Cependant, étant donné que les faits à l’origine de la présente affaire sont survenus pendant que cette dernière loi était en vigueur, je renverrai aux dispositions de cette nouvelle loi pour les fins du présent pourvoi. C’est pourquoi la demande de garantie que la banque a adressée en vertu de la GLB qu’elle possède est fondée sur l’art. 427 (auparavant l’art. 178) de la Loi sur les banques, qui prévoit que:

427. (1) La banque peut consentir des prêts ou avances de fonds:

a) à tout acheteur, expéditeur ou marchand en gros ou au détail de produits agricoles, aquicoles, forestiers, des carrières, des mines ou aquatiques ou d’effets, denrées ou marchandises fabriqués ou autrement obtenus, moyennant garantie portant sur ces produits ou sur ces effets, denrées ou marchandises ainsi que sur les effets, denrées ou marchandises servant à leur emballage;

. . .

(2) La remise à la banque d’un document lui accordant, en vertu du présent article, une garantie sur des biens dont le donneur de garantie:

a) soit est propriétaire au moment de la remise du document,

b) soit devient propriétaire avant l’abandon de la garantie par la banque, que ces biens existent ou non au moment de cette remise,

confère à la banque, en ce qui concerne les biens visés, les droits et pouvoirs suivants:

c) s’il s’agit d’une garantie donnée soit en vertu des alinéas (1)a), b), g), h), i), j) ou o), soit en vertu des alinéas (1)c) ou m) et portant sur du matériel aquicole mobilier, soit en vertu des alinéas (1)d) ou n) et portant sur du matériel agricole mobilier, soit en vertu de l’alinéa (1)p) et portant sur du matériel sylvicole mobilier, les mêmes droits que si la banque avait acquis un récépissé d’entrepôt ou un connaissement visant ces biens;

. . .

Tous les biens, à l’égard desquels les droits sont dévolus à la banque sous le régime du présent article, sont, pour l’application de la présente loi, des biens affectés à la garantie. [Je souligne.]

Le paragraphe 425(1) (qui, auparavant, faisait partie du par. 2(1)) prévoit que:

425. (1) . . .

«effets, denrées ou marchandises» Tout objet de commerce, et plus particulièrement les produits agricoles et aquicoles, les produits de la forêt, des carrières et des mines et les produits aquatiques. [Je souligne.]

Et le paragraphe 435(2) (auparavant le par. 186(2)) se lit ainsi:

435. . . .

(2) Tout récépissé d’entrepôt ou connaissement confère à la banque qui l’a acquis, en vertu du paragraphe (1), à compter de la date de l’acquisition:

a) les droit et titre de propriété que le précédent détenteur ou propriétaire avait sur le récépissé d’entrepôt ou le connaissement et sur des effets, denrées ou marchandises qu’il vise;

b) les droit et titre qu’avait la personne, qui les a cédés à la banque, sur les effets, denrées ou marchandises qui y sont mentionnés, si le récépissé d’entrepôt ou le connaissement est fait directement en faveur de la banque, au lieu de l’être en faveur de leur précédent détenteur ou propriétaire.

11 De plus, l’intimée a attiré l’attention de la Cour sur le par. 428(1) (auparavant le par. 179(1)), qui, soutenait‑elle, avait une incidence sur le rang de la GLB de la banque dans l’ordre de priorité:

428. (1) Tous les droits de la banque sur les biens mentionnés ou visés dans un récépissé d’entrepôt ou un connaissement qu’elle a acquis ou détient, ainsi que ses droits sur les biens affectés à une garantie reçue en vertu de l’article 427, et qui équivalent aux droits découlant d’un récépissé d’entrepôt ou un connaissement visant ces biens priment, sous réserve du paragraphe 427(4) et des paragraphes (3) à (6) du présent article, tous les droits subséquemment acquis sur ces biens, ainsi que la créance de tout vendeur impayé. [Je souligne.]

Enfin, le par. 434(2) (auparavant le par. 185(2)) se lit ainsi:

434. . . .

(2) Aucune charte, loi ou règle de droit ne doit s’interpréter comme ayant été destinée à interdire ou comme interdisant à la banque d’acquérir et de détenir le titre absolu de propriété des biens immeubles grevés d’une hypothèque, quelle qu’en soit la valeur, ou d’exercer le droit découlant d’une hypothèque consentie en sa faveur ou détenue par elle, lui conférant l’autorisation ou lui permettant de vendre ou de transférer les biens grevés. [Je souligne.]

12 Même si aucune disposition de la GLB ne permettait explicitement à Sparrow de vendre les biens figurant dans son inventaire, la banque intimée a concédé qu’en pratique les parties avaient cette permission. De toute façon, j’aurais cru que, dès qu’une permission de vendre les biens d’un inventaire a été accordée en vertu de la GLB, il serait impossible d’accorder une permission plus restreinte d’aliéner le même bien donné en garantie en vertu des dispositions de la GLB.

(B) L’intérêt de Sa Majesté

13 La demande de Sa Majesté est fondée sur les dispositions en matière de fiducie réputée de l’art. 227 LIR. L’alinéa 153(1)a) de cette loi exige que les employeurs prélèvent sur le chèque de paye de leurs employés des sommes au titre de l’impôt du bénéficiaire ou du dépositaire pour l’année, et qu’ils les versent au receveur général:

153. (1) Toute personne qui verse au cours d’une année d’imposition l’un des montants suivants:

a) un traitement, un salaire ou autre rémunération;

. . .

doit en déduire ou en retenir la somme qui peut être prescrite et doit, au moment qui peut être fixé par règlement, remettre cette somme au receveur général au titre de l’impôt du bénéficiaire ou du dépositaire, selon le cas, pour l’année . . . [Je souligne.]

Ces sommes sont réputées être détenues en fiducie pour Sa Majesté en vertu des par. 227(4) et (5) LIR, dont voici le texte:

227. . . .

(4) Toute personne qui déduit ou retient un montant quelconque en vertu de la présente loi est réputée retenir le montant ainsi déduit ou retenu en fiducie pour Sa Majesté.

(5) Malgré la Loi sur la faillite, en cas de liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite d’une personne, un montant égal à l’un ou l’autre des montants suivants est considéré comme tenu séparé et ne formant pas partie du patrimoine visé par la liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite, que ce montant ait été ou non, en fait, tenu séparé des propres fonds de la personne ou des éléments du patrimoine:

a) le montant réputé, selon le paragraphe (4), être détenu en fiducie pour Sa Majesté;

Le 15 juin 1994, ces dispositions ont été abrogées et remplacées par un nouveau par. 227(4): L.C. 1994, ch. 21, par. 104(1). Cependant, étant donné que cette modification ne s’appliquait pas au moment où sont survenus les faits à l’origine du présent pourvoi, je ne fais aucun commentaire sur l’application du nouveau par. 227(4) à la présente affaire.

III -- Les juridictions inférieures

Cour du Banc de la Reine de l’Alberta (1993), 19 Alta. L.R. (3d) 183

14 La première demande de détermination de l’ordre de priorité quant au produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire opposait la réclamation de la banque fondée sur la CGG et celle fondée sur la fiducie réputée de Sa Majesté. Le juge Agrios a statué que la fiducie réputée avait priorité de rang sur la CGG. En définissant la fiducie légale, le juge Agrios conclut, à la p. 189, qu’elle s’applique à [traduction] «tous les biens qui restent» à la suite d’une faillite. En ce qui concerne la garantie découlant de la CGG, le juge Agrios était d’avis qu’elle prenait la forme d’un privilège fixe sur les biens de l’inventaire, assorti d’une permission de vendre dans le cours normal des affaires. Toutefois, le juge en chambre n’avait pas à la qualifier ainsi pour arriver à sa décision étant donné qu’il a fini par affirmer, à la p. 188: [traduction] «[q]ue le privilège soit flottant ou fixe, s’il y a capacité d’aliéner un élément d’actif comme les biens figurant dans un inventaire, cet élément d’actif devient alors exposé aux activités normales rattachées à l’exploitation d’une entreprise». Se fondant sur la décision du juge McLachlin (maintenant juge de notre Cour) dans l’arrêt R. in Right of B.C. c. F.B.D.B., [1988] 1 W.W.R. 1 (C.A.C.‑B.) (ci‑après «FBDB»), le juge Agrios a conclu que le remboursement de dettes garanties par des privilèges légaux était une activité normale rattachée à la vente des biens d’un inventaire. La vente des biens figurant dans l’inventaire permettait donc à la fiducie légale de s’appliquer.

Cour du Banc de la Reine de l’Alberta (1994), 21 Alta. L.R. (3d) 275

15 La banque a, par la suite, demandé de déterminer si la GLB qu’elle détenait relativement aux biens figurant dans l’inventaire de Sparrow avait priorité de rang sur la fiducie réputée de Sa Majesté. Pour des motifs essentiellement similaires, le juge Agrios a statué que la fiducie réputée avait, encore là, priorité de rang. Que la GLB ait pu être qualifiée de privilège fixe assorti d’une permission de vendre, ou encore de privilège flottant, la vente des biens figurant dans l’inventaire assujettissait le droit de la banque sur ces biens aux [traduction] «activités normales des affaires» (à la p. 283). Et, selon le juge Agrios, le paiement des salaires et le versement des retenues faisaient partie de ces activités. Étant donné que le produit de cette vente était sujet à la fiducie réputée, tout droit que la banque pouvait avoir ne pouvait pas s’appliquer à ce produit, étant donné qu’il n’appartenait plus à Sparrow.

Cour d’appel de l’Alberta (1995), 28 Alta. L.R. (3d) 153

16 Les deux décisions du juge Agrios ont été portées en appel devant la Cour d’appel de l’Alberta, où l’ordre de priorité de la CGG et de la GLB a été en cause. Toutefois, la Cour d’appel a décidé, à l’unanimité, de statuer sur l’appel uniquement en fonction du fait que la GLB avait priorité de rang sur la fiducie légale, et elle n’a entendu aucune plaidoirie ni statué sur la priorité de rang de la CGG.

17 La Cour d’appel est partie du principe que la GLB était un privilège fixe et spécifique qui transférait le titre de propriété à la banque, et non pas un privilège flottant sur les biens figurant dans un inventaire. Elle a invoqué, à l’appui de cette proposition, deux arrêts de notre Cour qui, selon elle, la liaient, à savoir Dauphin Plains Credit Union Ltd. c. Xyloid Industries Ltd., [1980] 1 R.C.S. 1182, et Banque de Montréal c. Hall, [1990] 1 R.C.S. 121. La cour était d’avis que, puisque la demande de Sa Majesté découlait de la signature de la GLB, la fiducie réputée était dépourvue d’objet. De plus, la cour a rejeté l’argument selon lequel les biens figurant dans l’inventaire faisaient l’objet d’une permission de vendre qui donnerait à Sa Majesté l’occasion de faire valoir son droit. La Cour d’appel a conclu que l’arrêt FBDB, précité, sur lequel s’était appuyé le juge Agrios, pouvait faire l’objet d’une distinction du fait que le lien de proximité qu’on y trouvait entre la vente des biens figurant dans l’inventaire et la fiducie légale n’existait pas dans l’affaire dont elle était saisie. Par contre, dans la présente affaire, la cour a conclu à l’absence de lien conceptuel ou probant entre la vente des biens figurant dans l’inventaire et les retenues sur la paye. De toute façon, la cour a conclu que toute permission de vendre les biens figurant dans l’inventaire ne valait que tant qu’il n’y aurait pas défaut et qu’étant donné que la vente en l’espèce avait eu lieu bien après le défaut de Sparrow, la permission ne devait donc plus être valide à l’époque pertinente. Pour ces motifs, la Cour d’appel a conclu que la GLB avait priorité de rang sur la fiducie réputée de Sa Majesté.

IV -- Les questions en litige

18 Il y a deux questions à trancher en l’espèce: (1) celle de savoir si, d’après les faits de la présente affaire, la fiducie réputée que Sa Majesté détient en vertu du par. 227(5) LIR a priorité de rang sur une CGG antérieure, quant au produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire, et (2), celle de savoir si, d’après les faits de la présente affaire, la fiducie réputée que Sa Majesté détient en vertu du par. 227(5) LIR a priorité de rang sur une GLB antérieure, quant au produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire.

V -- Analyse

(A) Introduction

19 Les recueils de jurisprudence regorgent de cas où il est question de demandes opposées relatives à des privilèges légaux et à des fiducies réputées, comme celle dont il est question à l’art. 227 LIR, et à des garanties consensuelles antérieures: Dauphin Plains Credit Union Ltd. c. Xyloid Industries Ltd., précité; Commission des relations de travail c. Avco Financial Services Realty Ltd., [1979] 2 R.C.S. 699; Royal Bank of Canada c. G.M. Homes Inc. (1984), 52 C.B.R. (N.S.) 244 (C.A. Sask.); Roynat Inc. c. Ja‑Sha Trucking & Leasing Ltd., [1992] 2 W.W.R. 641 (C.A. Man.); FBDB, précité; Ford Motor Co. of Canada Ltd. c. Manning Mercury Sales Ltd. (Trustee of), [1994] 6 W.W.R. 372 (B.R. Sask.); National Bank of Canada c. Director of Employment Standards (1986), 5 P.P.S.A.C. 326 (C. div. Ont.); Abraham c. Coopers & Lybrand Ltd. (1993), 13 O.R. (3d) 649 (Div. gén.) (en appel); Armstrong c. Coopers & Lybrand Ltd. (1986), 53 O.R. (2d) 468 (H.C.), conf. par (1987), 61 O.R. (2d) 129 (C.A.), autorisation de pourvoi refusée, sub nom. National Bank of Canada c. Armstrong, [1988] 1 R.C.S. xii. L’omniprésence de ce dilemme juridique devant nos tribunaux témoigne, du moins en partie, du caractère généralisé de la situation de fait malheureuse à laquelle devaient parer ces fiducies et privilèges légaux. Les fiducies ou privilèges réputés sont des moyens auxquels les législateurs ont souvent recours pour recouvrer des sommes qui auraient dû leur être versées, mais qui ont été illégalement détournées par un débiteur qui a, par la suite, éprouvé des difficultés financières et s’est vu forcé de liquider son entreprise; voir, par exemple, le Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C‑8, par. 23(3) et (4), la Loi sur l’assurance‑chômage, L.R.C. (1985), ch. U‑1, par. 57(2) et (3), et la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.), par. 227(4) et (5). En fait, il est peut‑être plus exact de supposer que cette sorte de détournement de fonds publics indique souvent que l’entreprise d’un débiteur est déjà aux prises avec des difficultés financières lorsque celui‑ci omet de faire les versements requis par la loi, afin d’accroître artificiellement son fonds de roulement.

20 En même temps que les législateurs ont cherché à préserver l’intégrité financière de corps publics au moyen de fiducies et de privilèges légaux, ils ont toutefois aussi tenté de protéger les garanties des établissements de crédit privés qui traitent avec des entreprises canadiennes. Par exemple, la Loi sur les banques a, de tout temps, assuré la protection des biens donnés en garantie aux établissements bancaires. La disposition actuelle de la Loi sur les banques qui accorde une garantie sur les biens figurant dans l’inventaire d’un débiteur, à savoir l’art. 427, remonte à l’adoption de l’art. 74, il y a plus de cent ans, en 1890 (S.C. 1890, ch. 31). L’importance historique et sociale de ce type de garantie a été soulignée par notre Cour dans l’arrêt Hall, précité, où le juge La Forest fait remarquer, à la p. 139, qu’«[e]n un mot, l’établissement de la sûreté de la Loi sur les banques a joué un rôle‑clé dans l’évolution des opérations bancaires au pays». Le juge La Forest conclut ensuite, à la p. 140:

Les considérations qui précèdent me convainquent que la sûreté de l’art. 178, qui tire son origine d’une réponse du législateur aux déficiences structurelles des régimes de crédit dans l’économie canadienne naissante, a, depuis son avènement, joué un rôle primordial en permettant à plusieurs groupes qui jouent un rôle‑clé dans l’économie nationale d’obtenir plus facilement des capitaux. [Je souligne.]

21 Plus récemment, les législateurs provinciaux ont entrepris de protéger les créanciers garantis, en adoptant généralement des lois en matière de sûretés mobilières: par exemple, la Loi sur les sûretés mobilières, L.R.O. 1990, ch. P.10, la Personal Property Security Act, S.B.C. 1989, ch. 36, et la PPSA. Ces régimes législatifs ont été adoptés pour accroître la certitude et la prévisibilité des opérations garanties en créant un système cohérent de priorités: Ronald C. C. Cuming et Roderick J. Wood, British Columbia Personal Property Security Act Handbook (2e éd. 1993), aux pp. 4 et 5; G.M. Homes Inc., précité, à la p. 252. Sur le plan des principes économiques, les avantages de cette certitude dans les opérations commerciales sont destinés à accroître la santé de l’économie en général.

22 Par conséquent, il ressort de ce qui précède que la concurrence pour la priorité de rang entre les fiducies légales et les garanties consensuelles représente, au sens large, un affrontement entre des objectifs législatifs conflictuels. Dans cette mesure, la détermination de la priorité de rang en l’espèce exige alors que l’on tienne compte des objectifs législatifs divergents qui entrent en jeu ici. Plus particulièrement, toutefois, dans la mesure où les régimes de sûretés mobilières visent à créer la certitude en matière d’opérations commerciales, l’interprétation de ces textes législatifs par les tribunaux et l’évolution de la jurisprudence en général dans ce domaine doivent, le plus possible, viser l’atteinte de résultats prévisibles.

23 Il est malheureux que, jusqu’à maintenant, la jurisprudence n’ait pas su susciter la certitude qui est si manifestement souhaitable dans ce domaine du droit commercial. En fait, la jurisprudence a été qualifiée de [traduction] «secteur trouble du droit» (Manitoba (Minister of Labour) c. Omega Autobody Ltd. (Receiver of) (1989), 59 D.L.R. (4th) 34 (C.A. Man.), à la p. 36), et elle a fait l’objet, à certains moments, de critiques acerbes de la part d’auteurs de doctrine (Roderick J. Wood, «Revenue Canada’s Deemed Trust Extends Its Tentacles: Royal Bank of Canada v. Sparrow Electric Corp.» (1995), 10 B.F.L.R. 429, ainsi que Roderick J. Wood et Michael I. Wylie, «Non‑Consensual Security Interests in Personal Property» (1992), 30 Alta. L. Rev. 1055). L’opinion générale a, je crois, été résumée par le professeur Wood dans son commentaire de décision fort utile, «Revenue Canada’s Deemed Trust Extends Its Tentacles: Royal Bank of Canada v. Sparrow Electric Corp.», loc. cit., à la p. 430: [traduction] «[i]l est quelque peu embarrassant de constater qu’après plus de deux décennies, nous ne pouvons toujours pas prédire en toute confiance le résultat d’un litige quant à la priorité de rang entre une fiducie réputée et une garantie». Les commentaires ci‑dessus tirés de la jurisprudence et de la doctrine invitent, je crois, notre Cour à s’orienter résolument vers une énonciation de principes clairs qui permettront de déterminer la priorité de rang entre les fiducies légales et les garanties consensuelles.

24 Gardant à l’esprit ces observations générales, je vais maintenant entreprendre l’analyse des aspects particuliers des demandes opposées que les parties ont présentées en l’espèce.

(B) La nature des fiducies légales créées par les par. 227(4) et (5)

25 L’alinéa 153(1)a) LIR impose aux employeurs l’obligation positive de déduire et de retenir des sommes du chèque de paye de leurs employés, et de remettre ces retenues au receveur général au titre de l’impôt exigible des employés. En vertu du par. 153(3) LIR, ces retenues sont réputées appartenir à l’employé:

153. . . .

(3) Lorsqu’une somme a été déduite ou retenue en vertu du paragraphe (1), elle est, pour l’application générale de la présente loi, réputée avoir été reçue à ce moment par la personne à qui la rémunération, la prestation, le paiement, les honoraires, les commissions ou d’autres sommes ont été payés.

Idéalement, ces déductions seraient faites, un fonds de caisse serait mis de côté par l’employeur et les sommes retenues seraient promptement versées au receveur général à échéance. Les sommes déduites, qui sont légalement la propriété de l’employé, seraient ainsi transférées à Sa Majesté pour être défalquées du montant global de l’impôt dû par cet employé.

26 En pratique, toutefois, il arrive souvent que ces déductions ne soient pas versées conformément aux exigences de la LIR. Au lieu de cela, les retenues ne sont généralement qu’une inscription comptable et, par conséquent, la déduction de l’impôt du salaire devient simplement une opération abstraite; aucune somme d’argent n’est véritablement mise de côté en vue d’être versée et, souvent, ces déductions ne sont pas transférées au receveur général: voir, par exemple, Re Deslauriers Construction Products Ltd., [1970] 3 O.R. 599 (C.A.), à la p. 601. C’est à ce moment qu’une entreprise devient endettée envers Sa Majesté relativement aux sommes qui n’ont fait l’objet que d’une déduction fictive. Cependant, je m’empresse d’ajouter que bien que l’on puisse dire que Sa Majesté devient alors, en fait, sinon en droit, un créancier de l’employeur en défaut, la situation diffère, à deux égards importants, de celle qui existe normalement dans le cas d’un créancier et de son débiteur. Premièrement, contrairement aux ententes de crédit négociées normalement, l’opération n’est manifestement pas de nature consensuelle. Deuxièmement, en vertu du par. 153(3), on peut considérer, en droit, que le débiteur utilise un élément d’actif appartenant à ses employés. En ce sens, il n’est pas inexact de qualifier le non‑versement des retenues sur la paye de «détournement» du bien d’autrui. En fait, la jurisprudence qualifie ainsi souvent, et correctement à mon avis, la conduite du débiteur fiscal: Roynat, précité, à la p. 646, le juge Twaddle, et Pembina on the Red Development Corp. Ltd. c. Triman Industries Ltd. (1991), 85 D.L.R. (4th) 29 (C.A. Man.), à la p. 48, le juge Lyon, dissident.

27 Sur le plan économique, ce genre de détournement des retenues effectuées en vertu de la loi contribue à accroître artificiellement le fonds de roulement du débiteur fiscal. En ne versant pas à Sa Majesté le montant des retenues sur la paye, le débiteur fiscal est en mesure d’utiliser ailleurs dans son entreprise les ressources libérées. Dans les motifs de dissidence qu’il a rédigés dans Pembina on the Red Development, précité, le juge Lyon résume l’incidence du non‑versement, à la p. 48:

[traduction] . . . soit que le débiteur fiscal a utilisé les retenues détournées pour ses propres fins, soit que la somme globale susceptible d’être répartie entre les créanciers du débiteur fiscal [. . .] a été augmentée du montant que le débiteur fiscal a omis de verser au receveur général.

28 On peut considérer que les dispositions des par. 227(4) et (5) ont été adoptées dans le contexte de ce malheureux scénario. Quoique l’on puisse dire qu’au moment d’effectuer les retenues l’employeur devient le fiduciaire de sommes qui, en droit, appartiennent à ses employés, le par. 227(4) a pour effet de faire de Sa Majesté le bénéficiaire de cette fiducie. Je suis d’accord avec les observations que le juge Twaddle fait quant au fonctionnement du par. 227(4), dans Roynat, précité, à la p. 646:

[traduction] Bien que [le par. 227(4]) désigne la fiducie ainsi créée comme étant une fiducie réputée, cette fiducie est, à vrai dire, réelle. L’employeur doit déduire du salaire de ses employés les sommes qu’ils doivent en vertu de la loi. Cet argent n’appartient plus à l’employeur. Il appartient aux employés. L’employeur le conserve dans une fiducie légale dans le but de remplir leurs obligations.

La difficulté conceptuelle survient, bien sûr, lorsque le débiteur fiscal omet de mettre de côté les sommes qui doivent être versées. L’objet du droit que Sa Majesté possède à titre bénéficiaire se confond alors avec l’ensemble de l’actif du débiteur fiscal. Comme le juge Twaddle le fait observer, à juste titre, dans Roynat, précité, à la p. 646, [traduction] «la créance de Sa Majesté [. . .] dev[ient] alors celle d’un bénéficiaire d’une fiducie inexistante». Bref, le détournement des déductions effectuées en vertu de la loi rend problématique, sur le plan conceptuel, le moyen légal — le concept de fiducie — que le législateur a invoqué pour récupérer les sommes légalement dues à Sa Majesté.

29 Ce dilemme conceptuel est résolu par le par. 227(5). Ce paragraphe se lit ainsi:

227. . . .

(5) Malgré la Loi sur la faillite, en cas de liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite d’une personne, un montant égal à l’un ou l’autre des montants suivants est considéré comme tenu séparé et ne formant pas partie du patrimoine visé par la liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite, que ce montant ait été ou non, en fait, tenu séparé des propres fonds de la personne ou des éléments du patrimoine:

a) le montant réputé, selon le paragraphe (4), être détenu en fiducie pour Sa Majesté;

Naturellement, il reste à déterminer, par une interprétation juste de son libellé, quel est l’effet du par. 227(5).

30 Notre Cour a récemment eu l’occasion d’examiner les principes de droit qui doivent être appliqués à l’interprétation des lois fiscales. Dans Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N.; Banque Toronto-Dominion c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, aux pp. 975 et 976, le juge Cory cite l’arrêt de notre Cour Friesen c. Canada, [1995] 3 R.C.S. 103, où les principes pertinents sont résumés ainsi, aux pp. 112 à 114:

Pour interpréter les dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu, il convient, comme l’affirme le juge Estey dans l’arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, d’appliquer la règle du sens ordinaire. À la page 578, le juge Estey se fonde sur le passage suivant de l’ouvrage de E. A. Driedger, intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p. 87:

[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution: il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

Le principe voulant que le sens ordinaire des dispositions pertinentes de la Loi de l’impôt sur le revenu prévale, à moins d’être en présence d’une opération simulée, a récemment été approuvé par notre Cour dans l’arrêt Canada c. Antosko, [1994] 2 R.C.S. 312. Le juge Iacobucci affirme, au nom de la Cour, aux pp. 326 et 327:

Même si les tribunaux doivent examiner un article de la Loi de l’impôt sur le revenu à la lumière des autres dispositions de la Loi et de son objet, et qu’ils doivent analyser une opération donnée en fonction de la réalité économique et commerciale, ces techniques ne sauraient altérer le résultat lorsque les termes de la Loi sont clairs et nets et que l’effet juridique et pratique de l’opération est incontesté: Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du Revenu), [1988] 2 R.C.S. 175, à la p. 194; voir également Symes c. Canada, [1993] 4 R.C.S. 695.

J’accepte les commentaires suivants qui ont été faits à l’égard de l’arrêt Antosko dans l’ouvrage de P. W. Hogg et J. E. Magee, intitulé Principles of Canadian Income Tax Law (1995), dans la section 22.3c) [traduction] «Interprétation stricte et fondée sur l’objet visé», aux pp. 453 et 454:

[traduction] La Loi de l’impôt sur le revenu serait empreinte d’une incertitude intolérable si le libellé clair d’une disposition détaillée de la Loi était nuancé par des exceptions tacites tirées de la conception qu’un tribunal a de l’objet de la disposition. (. . .) (L’arrêt Antosko) ne fait que reconnaître que «l’objet» ne peut jouer qu’un rôle limité dans l’interprétation d’une loi aussi précise et détaillée que la Loi de l’impôt sur le revenu. Lorsqu’une disposition est rédigée dans des termes précis qui n’engendrent aucun doute ni aucune ambiguïté quant à son application aux faits, elle doit être appliquée nonobstant son objet. Ce n’est que lorsque le libellé de la loi engendre un certain doute ou une certaine ambiguïté, quant à son application aux faits, qu’il est utile de recourir à l’objet de la disposition.

Aux pages 976 et 977 de l’arrêt Alberta (Treasury Branches), précité, le juge Cory conclut:

En conséquence, lorsqu’il n’y a aucun doute quant au sens d’une mesure législative ni aucune ambiguïté quant à son application aux faits, elle doit être appliquée indépendamment de son objet. Je reconnais que des juristes habiles pourraient probablement déceler une ambiguïté dans une demande aussi simple que «fermez la porte, s’il vous plaît», et très certainement même dans le plus court et le plus clair des dix commandements. Cependant, l’historique même de la présente affaire, conjugué aux divergences évidentes d’opinions entre les juges de première instance et la Cour d’appel de l’Alberta, révèle que, pour des juristes doués et expérimentés, ni le sens de la mesure législative ni son application aux faits ne sont clairs. Il semblerait donc convenir d’examiner l’objet de la mesure législative. Même si l’ambiguïté n’était pas apparente, il importe de signaler qu’il convient toujours d’examiner «l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur» pour déterminer le sens manifeste et ordinaire de la loi en cause.

31 En l’espèce, j’estime que le texte du par. 227(5) est clair et sans ambiguïté, compte tenu, particulièrement, du fait que cette disposition suit immédiatement le par. 227(4), qui prévoit que les sommes non versées sont conservées en fiducie pour Sa Majesté. À mon avis, ce paragraphe vise, en cas de liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite, à rattacher le droit que Sa Majesté détient à titre bénéficiaire aux biens que le débiteur possède alors. À vrai dire, la fiducie n’est pas réelle, étant donné que son objet ne peut être identifié à compter de la date de création de la fiducie: D. W. M. Waters, Law of Trusts in Canada (2e éd. 1984), à la p. 117. Cependant, le par. 227(5) a pour effet de revitaliser la fiducie dont l’objet a perdu toute identité. L’identification de l’objet de la fiducie est donc faite après coup. À cet égard, je suis d’accord avec la conclusion que le juge Twaddle tire dans l’arrêt Roynat, précité, lorsqu’il affirme, à la p. 647, au sujet de l’effet du par. 227(5), que [traduction] «la Loi confère à Sa Majesté un droit d’accès à tous les éléments d’actif, quels qu’ils soient, que l’employeur possède alors, au moyen desquels elle peut réaliser la fiducie initiale dont elle est bénéficiaire».

32 J’ajoute que, dans l’arrêt Re Deslauriers Construction Products Ltd., précité, à la p. 601, le juge en chef Gale a adopté ce point de vue relativement à une disposition semblable au par. 227(5), et que notre Cour a confirmé la validité de son raisonnement dans l’arrêt Dauphin Plains, précité. Dans l’affaire Deslauriers, précitée, un syndic de faillite et le bénéficiaire d’une fiducie légale réputée créée par le Régime de pensions du Canada, S.C. 1964‑65, ch. 51, se faisaient la lutte pour obtenir la priorité de rang. Les paragraphes 24(3) et (4) de cette loi prévoyaient ceci:

24. . . .

(3) L’employeur qui a déduit de la rémunération d’un employé un montant au titre de la cotisation que ce dernier est tenu de verser, ou à valoir sur celle‑ci, mais ne l’a pas remis au receveur général du Canada, doit garder ce montant à part, en un compte distinct du sien et il est réputé détenir le montant ainsi déduit en fiducie pour Sa Majesté.

(4) En cas de liquidation, de cession ou de faillite d’un employeur, un montant égal à celui qui, selon le paragraphe (3), est réputé détenu en fiducie pour Sa Majesté doit être considéré comme étant séparé et ne formant pas partie des biens en liquidation, cession ou faillite, que ce montant ait été ou non, en fait, conservé distinct et séparé des propres fonds de l’employeur ou de la masse des biens.

À la page 1198 de l’arrêt Dauphin Plains, précité, notre Cour approuve la conclusion du juge en chef Gale (à la p. 601 de l’arrêt Deslauriers, précité) quant à l’interprétation du par. 24(4):

[traduction] Il nous semble que le par. (4), en particulier les six derniers mots, a été inséré dans la Loi dans le but spécifique de soustraire de la masse des biens du failli, par la création d’une fiducie, un montant équivalent aux déductions et d’en faire la propriété du ministre.

33 Cette interprétation du par. 227(5) a aussi l’avantage d’être compatible avec le régime de répartition établi par la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B‑3. L’article 67 de cette loi retire expressément de la masse des biens du failli les créances relatives à des retenues sur la paye non versées et conservées en fiducie (notamment) en vertu de l’art. 227 LIR:

67. (1) Les biens d’un failli, constituant le patrimoine attribué à ses créanciers, ne comprennent pas les biens suivants:

a) les biens détenus par le failli en fiducie pour toute autre personne;

. . .

(2) Sous réserve du paragraphe (3) et par dérogation à toute disposition législative fédérale ou provinciale ayant pour effet d’assimiler certains biens à des biens détenus en fiducie pour Sa Majesté, aucun des biens du failli ne peut, pour l’application de l’alinéa (1)a), être considéré comme détenu en fiducie pour Sa Majesté si, en l’absence de la disposition législative en question, il ne le serait pas.

(3) Le paragraphe (2) ne s’applique pas à l’égard des paragraphes 227(4) et (5) de la Loi de l’impôt sur le revenu, des paragraphes 23(3) et (4) du Régime de pensions du Canada ou des paragraphes 57(2) et (3) de la Loi sur l’assurance‑chômage . . .

34 Il faut remarquer qu’en plus de rattacher le droit de Sa Majesté aux biens du débiteur lorsque survient l’un des événements précisés au par. 227(5), la fiducie réputée profite encore à Sa Majesté d’une manière accessoire, en ce sens que le par. 227(5) permet de rattacher le droit de Sa Majesté à un bien donné en garantie qui est grevé d’un privilège fixe, si les déductions à l’origine de la demande de Sa Majesté ont été faites avant que le privilège ne soit rattaché au bien donné en garantie. Cette proposition découle de l’arrêt de notre Cour Dauphin Plains, précité, où il était question de déterminer l’ordre de priorité quant au produit d’une vente de liquidation d’un administrateur‑séquestre. Dans cette affaire, les créances de Sa Majesté (notamment) résultaient du non‑versement de retenues sur la paye liées à l’application du Régime de pensions du Canada, S.R.C. 1970, ch. C‑5, et de la Loi de 1971 sur l’assurance‑chômage, S.C. 1970‑71‑72, ch. 48. Ces lois rendaient Sa Majesté bénéficiaire de créances conformément à des fiducies réputées créées en vertu de dispositions dont le texte était fort semblable à celui des par. 227(4) et (5) dont il est question en l’espèce. En concluant que ces créances avaient priorité sur un privilège flottant qui s’était cristallisé après que les retenues en cause eurent été faites, le juge Pigeon a affirmé à la p. 1199:

Il faut d’abord faire remarquer que, pour des raisons analogues à celles qui motivent l’arrêt Avco précité, la réclamation des déductions au titre du Régime de pensions et de l’assurance‑chômage ne peut affecter le produit de la réalisation de biens grevés d’un privilège fixe et spécifique. À partir de la création de cette charge, l’actif qui en est grevé n’est plus la propriété du débiteur qu’à charge de ce privilège. La réclamation des déductions est née plus tard et ne peut donc primer ce privilège en l’absence d’une loi le prescrivant spécifiquement. Cependant, le privilège général ne s’est pas cristallisé avant la délivrance du bref d’assignation et la nomination du séquestre. En l’espèce, que l’on choisisse l’une ou l’autre date n’a pas d’importance, les deux étant postérieures aux déductions. [Je souligne.]

Ainsi, le par. 227(5) permet subsidiairement de rattacher rétroactivement le droit de Sa Majesté au bien en litige donné en garantie, si la garantie concurrente s’est concrétisée après que les déductions à l’origine de la créance de Sa Majesté eurent été faites. Sur le plan conceptuel, la fiducie réputée, visée au par. 227(5), permet à la créance de Sa Majesté de s’appliquer rétroactivement et de rattacher le droit qu’elle possède en vertu du par. 227(4) au bien donné en garantie avant qu’il devienne grevé d’un privilège fixe. La même chose se produit lorsqu’un privilège légal s’applique avant la constitution d’une hypothèque sur un bien en litige donné en garantie. Dans l’arrêt Avco, précité, le juge Martland, s’exprimant au nom de notre Cour, fait le commentaire suivant au sujet d’un tel scénario (à la p. 706):

À compter de ce jour, le privilège s’applique aux biens de l’employeur et, comme le prévoit le par. (1), il prévaut sur toute autre créance, y compris une cession ou une hypothèque. En d’autres termes, lorsque le privilège s’applique, l’ordre de préférence n’est pas modifié par une disposition du bien par l’employeur. L’hypothèque consentie avant la création du privilège n’est pas touchée. Le privilège s’applique uniquement au droit de l’employeur dans ce bien. [Je souligne.]

Voir aussi G.M. Homes Inc., précité, à la p. 250.

35 En l’espèce, toutefois, les retenues fiscales sur la paye des employés ont été effectuées après que le privilège fixe de la banque eut grevé les biens figurant dans l’inventaire. C’est pourquoi ce second aspect de l’application du par. 227(5) n’est pas en cause ici.

36 J’appuie mon interprétation du par. 227(5) sur sa compatibilité avec l’objet global des par. 227(4) et (5). Dans Pembina on the Red Development, précité, le juge Lyon (dissident) s’est exprimé sur l’objet des dispositions qui ont précédé l’actuel par. 224(1.2) LIR, notamment les par. 224(1.2) et (1.3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, S.C. 1970‑71‑72, ch. 63, qui ont été ajoutés par L.C. 1987, ch. 46, art. 66. Je considère que les commentaires du juge Lyon à cet égard s’appliquent parfaitement à la détermination de l’objet du par. 227(5). Le juge Lyon affirme, à la p. 51:

[traduction] Il faut toujours se rappeler que les retenues fiscales ou à la source, auxquelles s’applique l’art. 224, sont au c{oe}ur des procédures de perception de l’impôt sur le revenu des particuliers au Canada. En réalité, si on fait un calcul à partir des statistiques fournies par Revenu Canada Impôt dans sa publication «Statistiques fiscales de 1987», no de catalogue RV‑1987, on découvre que 87 pour 100 de tout l’impôt sur le revenu des particuliers payé au Canada est perçu au moyen de retenues à la source. On peut donc constater qu’en adoptant le par. 224(1.2), le législateur a voulu qu’il englobe tout afin d’en garantir la viabilité. Aucun autre système n’est aussi crucial pour la procédure générale de perception adoptée par l’État. Le législateur a nettement voulu protéger ce système. Le recours à l’employeur comme percepteur d’impôt requiert cette protection supplémentaire dans les cas où, comme en l’espèce, l’employeur détourne les retenues fiscales à ses propres fins. Naturellement, ce détournement ne saurait être admis si l’on veut préserver l’intégrité du système. Par conséquent, le législateur a exercé son pouvoir constitutionnel pour adopter ce moyen extraordinaire dans le but de protéger une source de perception importante.

De même, le législateur a clairement cherché à protéger, au moyen de la fiducie légale réputée, le recouvrement des retenues sur la paye non versées. Il faut donc interpréter le par. 227(5) en fonction de cet objet. En résumé, il s’applique de deux manières: lorsque survient l’un des événements précisés au par. 227(5), le droit que Sa Majesté possède à titre bénéficiaire (i) s’applique aux biens que le débiteur fiscal possède alors, ou (ii) s’applique aux biens donnés en garantie qui sont grevés soit d’un privilège fixe, soit d’un privilège flottant cristallisé, si les retenues à l’origine de la créance de Sa Majesté ont été effectuées avant que le privilège fixe vienne grever le bien en cause ou que le privilège flottant se cristallise, respectivement.

37 Il faut régler une autre question de terminologie avant de clore cette partie de l’analyse. La façon dont le droit que Sa Majesté possède à titre bénéficiaire grève un bien conformément au par. 227(5) a parfois été qualifiée de [traduction] «moyen de retracer l’origine d’un bien»: Roynat, précité, à la p. 647. C’est en fait la façon dont cette question a été présentée à la Cour par l’avocat de Sa Majesté. Lors de l’audition de la présente affaire, on s’est demandé si ce n’était pas là une façon maladroite d’utiliser le mot «retracer». Après avoir examiné cette question, je suis d’avis qu’il n’est pas exact de qualifier le mécanisme du par. 227(5) de moyen de «retracer l’origine d’un bien»; en fait, il semblerait que le sens de ce paragraphe est à l’opposé du sens traditionnel du mot «retracer», dans la mesure où il ne nécessite aucun lien entre l’objet de la fiducie et le fonds ou l’actif auquel on rattache cet objet: D. W. M. Waters, Law of Trusts in Canada, op. cit., aux pp. 1037 à 1053. Pour cette raison, je considère que la façon dont le professeur Wood décrit l’application du par. 227(5), à savoir un [traduction] «assouplissement des règles d’equity quant à l’origine d’un bien», est des plus exactes: Roderick J. Wood, «The Floating Charge in Canada» (1989), 27 Alta. L. Rev. 191, à la p. 221; voir aussi Omega, précité, à la p. 43, et Re Deslauriers Construction Products Ltd., précité, à la p. 603.

38 En conclusion, le par. 227(5) est une disposition conçue pour réduire au minimum l’incidence préjudiciable sur Sa Majesté du détournement de fonds que des débiteurs fiscaux détiennent en fiducie, au titre de l’impôt de leurs employés. Cette disposition envisage la confusion des biens de Sa Majesté avec ceux du débiteur fiscal, qui fait en sorte que l’objet de la fiducie n’est pas identifiable (ou, en réalité, ne l’a jamais été). Pour résoudre ce problème conceptuel, le par. 227(5) permet à Sa Majesté de faire valoir son droit sur tout bien qui appartient légalement au débiteur au moment de la liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite; ce bien est alors réputé être «séparé» et ne pas faire partie du patrimoine du débiteur fiscal. La LIR permet ainsi à Sa Majesté de se transférer à elle‑même le droit de propriété sur le bien du débiteur fiscal afin de remplir les obligations de verser les retenues sur la paye, dont ne s’est pas acquitté le débiteur fiscal.

39 Cependant, je m’empresse d’ajouter que cette disposition ne permet pas à Sa Majesté de faire valoir son droit à titre bénéficiaire sur un bien qui, au moment de la liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite, appartient à quelqu’un d’autre que le débiteur fiscal. Les paragraphes 227(4) et (5) visent manifestement les biens du débiteur fiscal, et il serait contraire à une jurisprudence bien établie de forcer le sens du par. 227(5) de manière à permettre l’expropriation des biens de tiers non mentionnés expressément dans la Loi. Comme le juge Martland l’affirme dans Avco, précité, à la p. 706:

Les biens auxquels s’applique le privilège de l’art. 5A ne sont pas définis ou désignés. En l’absence d’une disposition statutaire en ce sens, l’art. 5A ne doit pas être interprété de façon à dépouiller les tiers de leurs droits antérieurs sur ces biens.

De même, dans Pembina on the Red Development, précité, à la p. 38, le juge en chef Scott énonce la présomption contre l’expropriation de biens:

[traduction] Dans Cross, Statutory Interpretation (London: Butterworths, 1987), l’auteur écrit à la p. 180:

Il existe une présomption générale que le législateur n’a pas l’intention de retirer le droit à la propriété privée à moins d’une indication contraire manifeste. Lord Atkinson a affirmé qu’il existe un principe d’interprétation qui veut «qu’une intention d’enlever le bien d’un sujet sans lui accorder le droit à une compensation pour sa perte ne doit pas être imputée au législateur à moins que cette intention n’ait été exprimée clairement». Après tout, la protection des biens d’une personne est généralement considérée comme l’une des valeurs fondamentales d’une société libérale. [Je souligne.]

Plus loin, dans le même arrêt, le juge Twaddle énonce ainsi ce même principe, dans des motifs concordants distincts (à la p. 46): [traduction] «[i]l est établi depuis longtemps en droit que, en l’absence de termes clairs exprimant le contraire, l’impôt dû par une personne ne peut pas être perçu sur les biens d’une autre personne».

40 Ainsi, bien que le par. 227(5) puisse être considéré comme une disposition adoptée pour résoudre le dilemme conceptuel engendré par la confusion des retenues sur la paye non versées avec l’ensemble de l’actif du débiteur fiscal, c’est un mécanisme juridique qui n’est pas sans avoir ses propres limites conceptuelles. Autrement dit, bien que la fiducie réputée du par. 227(5) permette à Sa Majesté de faire valoir le droit qu’elle possède à titre bénéficiaire sur les biens du débiteur fiscal lors de la liquidation (cession, mise sous séquestre ou faillite), elle ne permet pas l’expropriation de biens qui peuvent appartenir à un tiers créancier au moment où le paragraphe entre en application.

41 Cependant, comme nous le verrons plus en détail ci‑dessous, je suis d’avis que la thèse de la permission peut, dans certains cas, créer une exception à ce principe général. Plus particulièrement, lorsqu’un créancier garanti consent à la vente du bien qu’il a donné en garantie, pour payer des retenues sur la paye, ce consentement, conjugué aux dispositions relatives à la fiducie légale ici en cause, peut, au moment de la liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite, avoir pour effet de dépouiller ce créancier de son droit de propriété sur le bien donné en garantie. En fait, j’estime que cette exception joue en l’espèce de sorte que la créance de Sa Majesté, fondée sur le par. 227(5), doit l’emporter.

(C) La nature des garanties de la banque

42 Je pars de la constatation qu’en adoptant les par. 227(4) et (5) le législateur a choisi de garantir, au moyen du concept de la fiducie réputée, les créances de Sa Majesté relatives aux retenues sur la paye non versées. Par conséquent, pour déterminer si Sa Majesté a droit à la priorité de rang en vertu de ces paragraphes, il faut recourir aux principes du droit des biens. Pour ce motif, il devient pertinent, voire essentiel, d’examiner en profondeur la nature des droits qui sont en concurrence avec la fiducie de Sa Majesté, afin de déterminer dans quelle mesure, le cas échéant, ces droits s’appliquent aux fonds en litige. Comme je l’ai déjà mentionné, la fiducie de Sa Majesté ne peut grever le bien en litige donné en garantie que dans la mesure où, en droit, il n’appartient pas à une autre partie que le débiteur fiscal au moment où la fiducie réputée entre en application. Plus précisément, sous réserve de l’application de la thèse de la permission, si l’on conclut que c’est la banque, et non Sparrow, qui est légalement propriétaire du bien donné en garantie, la fiducie réputée de Sa Majesté ne pourra grever que le droit de rachat que possède Sparrow: voir Avco, précité, à la p. 706.

43 Cette méthode de la «fiducie légale» peut être distinguée d’autres méthodes que le législateur utilise pour garantir un droit à des retenues sur la paye non versées, dont le recours à une disposition expresse de la «priorité de rang de Sa Majesté». Un exemple d’une telle disposition se trouve au par. 224(1.2) LIR, que notre Cour a récemment examiné dans Alberta (Treasury Branches), précité. Cette disposition se lit ainsi:

224. . . .

(1.2) Malgré les autres dispositions de la présente loi, la Loi sur la faillite, tout autre texte législatif fédéral, tout texte législatif provincial et toute règle de droit, s’il sait ou soupçonne qu’une personne donnée est ou deviendra, dans les 90 jours, débiteur d’une somme:

a) soit à [. . .] une personne redevable d’un montant cotisé en application du paragraphe 227(10.1) ou d’une disposition semblable;

b) soit à un créancier garanti, à savoir une personne qui, grâce à une garantie en sa faveur, a le droit de recevoir la somme autrement payable au débiteur fiscal,

le ministre peut, par lettre recommandée ou signifiée à personne, obliger la personne donnée à payer au receveur général tout ou partie de cette somme, sans délai si la somme est payable immédiatement, sinon dès qu’elle devient payable, au titre du montant de la cotisation en application du paragraphe 227(10.1) ou d’une disposition semblable dont le débiteur fiscal est redevable. Sur réception de la lettre par la personne donnée, la somme qui y est indiquée comme devant être payée devient, malgré toute autre garantie au titre de cette somme, la propriété de Sa Majesté et doit être payée au receveur général par priorité sur toute autre garantie au titre de cette somme. [Je souligne.]

Contrairement à la méthode de la «fiducie réputée», l’application de ce paragraphe dans une situation de concurrence pour la priorité de rang peut avoir lieu sans égard à la qualité de la «garantie» qui est en concurrence avec la créance de Sa Majesté. En fait, le par. 224(1.2) transfère simplement à Sa Majesté le droit de propriété sur le bien donné en garantie sans égard aux droits de qui que ce soit qui peuvent être en concurrence avec ce droit de propriété, pourvu que l’on ait satisfait aux exigences du par. 224(1.2): voir, par exemple, Alberta (Treasury Branches), précité. Pour une discussion générale de ces deux méthodes d’analyse distinctes qui servent à déterminer l’ordre de priorité entre des garanties non consensuelles (comme les fiducies légales) et des garanties consensuelles, voir Wood et Wylie, «Non‑Consensual Security Interests in Personal Property», loc. cit., aux pp. 1072 à 1083.

44 En l’espèce, il devient donc nécessaire de qualifier soit de privilège flottant, soit de privilège fixe et spécifique, le droit de la banque sur les biens figurant dans l’inventaire de Sparrow.

45 La distinction fondamentale entre un privilège fixe et un privilège flottant a été exposée par lord Macnaghten dans Illingworth c. Houldsworth, [1904] A.C. 355 (H.L.), à la p. 358:

[traduction] Je crois qu’un privilège spécifique grève, sans plus, certains biens déterminés ou qui peuvent être déterminés; un privilège flottant, par contre, d’une nature mobile et changeante, reste suspendu et flotte, pour ainsi dire, au‑dessus des biens qu’il est destiné à grever, jusqu’à ce qu’un événement ou un acte le fasse fixer sur l’objet du privilège qui est à sa portée.

L’«événement ou [. . .] acte» qui, selon lord Macnaghten, fait en sorte que le droit flottant «[se] fix[e]» constitue selon la jurisprudence contemporaine de la «cristallisation». En général, la cristallisation survient dès que le débiteur est en défaut. Une fois que l’on a dit que le droit flottant s’est cristallisé, ce droit se transforme en un privilège fixe et spécifique sur les biens figurant dans l’inventaire. Voir Wood, «The Floating Charge in Canada», loc. cit., aux pp. 204 à 208.

46 L’importance cruciale de qualifier un droit de fixe ou de flottant réside, évidemment, dans le fait que cette qualification décrit la mesure dans laquelle on peut dire qu’un créancier possède un droit de propriété sur le bien donné en garantie. Plus particulièrement, pendant la période où un privilège sur les biens figurant dans un inventaire est flottant, le créancier ne possède aucun droit de propriété sur ces biens donnés en garantie. C’est pour cette raison que, si une fiducie ou un privilège légal grève ces biens pendant cette période, cette fiducie ou ce privilège légal grèvera le droit du débiteur et aura priorité de rang sur le privilège flottant subséquemment cristallisé. Cependant, si une garantie est qualifiée de privilège fixe et spécifique, elle aura priorité de rang sur un privilège légal subséquent; dans ce cas, tout ce que le privilège peut grever, c’est le droit de rachat que le débiteur possède sur le bien donné en garantie: Avco, précité, à la p. 706. Cette corrélation entre privilèges fixes et propriété légale a été exposée par notre Cour dans l’arrêt Dauphin Plains, précité, à la p. 1199, où le juge Pigeon a affirmé:

Il faut d’abord faire remarquer que, pour des raisons analogues à celles qui motivent l’arrêt Avco, précité, la réclamation des déductions au titre du Régime de pensions et de l’assurance‑chômage ne peut affecter le produit de la réalisation de biens grevés d’un privilège fixe et spécifique. À partir de la création de cette charge, l’actif qui en est grevé n’est plus la propriété du débiteur qu’à charge de ce privilège. [Je souligne.]

Voir aussi l’arrêt Avco, précité.

47 Il y a eu de longs débats quant à savoir s’il est exact de qualifier de privilège flottant une garantie sur les biens figurant dans un inventaire, qui permet au débiteur de vendre ces biens dans le cours normal des affaires. La question tourne autour de la capacité de qualifier de fixe une garantie lorsque le débiteur est autorisé à vendre le bien donné en garantie, sans que cela ne comporte [traduction] «aucun transfert irrévocable et définitif de la propriété au créancier»: FBDB, précité, à la p. 33. Dans cet arrêt, le juge McLachlin (maintenant juge de notre Cour), a examiné au complet les précédents contradictoires sur cette question et a conclu, aux pp. 37, 38 et 40:

[traduction] En bref, la réponse à la question de savoir si les tribunaux ont reconnu l’existence d’un privilège fixe assujetti à la permission de vendre dans le cours normal des affaires est négative, à l’exception du courant de jurisprudence qui confirme le droit du débiteur d’une hypothèque mobilière de vendre, dans le cours normal des affaires, les stocks hypothéqués.

. . .

Si un privilège accordait au débiteur le droit d’aliéner les biens dans le cours normal des affaires, alors, indépendamment de la façon dont les parties avaient convenu de l’appeler, ce privilège était considéré comme flottant, de sorte que les droits acquis par un tiers avant la cristallisation du privilège avaient priorité sur le détenteur du privilège.

Adoptant cette règle du «soit l’un, soit l’autre», le juge McLachlin a choisi, dans FBDB, de qualifier de privilège flottant la convention de garantie qui permettait au débiteur de vendre, dans le cours normal de ses affaires, les biens donnés en garantie.

48 Je constate aussi que notre Cour a mentionné tout dernièrement, en les approuvant, les motifs du juge McLachlin dans l’arrêt FBDB, précité: Alberta (Treasury Branches), précité. Bien que, dans ce dernier arrêt, la question en litige ait été différente de celle soulevée dans FBDB, les commentaires du juge Cory peuvent, à mon sens, être interprétés comme confirmant la règle du «soit l’un, soit l’autre» appliquée dans FBDB.

49 La pertinence de la règle du «soit l’un, soit l’autre» en l’espèce, tient évidemment au fait que Sparrow avait reçu de la banque, tant expressément qu’implicitement, la permission de vendre les biens figurant dans son inventaire, sur lesquels la banque détenait une garantie. On pourrait donc soutenir que cette permission fait en sorte que le droit de la banque tient d’un privilège flottant, lequel droit doit céder le pas à une fiducie légale qui grevait les biens avant la cristallisation du privilège.

50 Je ne juge pas nécessaire de commenter l’arrêt FBDB dans la mesure où il laisse entendre qu’en l’espèce les droits de la banque devraient être qualifiés de privilège flottant. Il y a lieu de souligner que les motifs du juge McLachlin, dans FBDB, ont précédé l’adoption de la loi sur les sûretés mobilières en Colombie‑Britannique et qu’ils ne témoignent donc pas de l’état du droit dans un ressort régi par une telle loi. Dans cet arrêt, il n’était pas question non plus d’une autre loi, comme la Loi sur les banques, qui pouvait affecter la qualification de la convention de garantie en cause. Pour ces motifs, je considère que les commentaires du juge McLachlin, dans FBDB, se rapportaient à l’état de la common law concernant la qualification des privilèges fixes et des privilèges flottant. Quels que puissent être ces principes de common law, on ne peut pas considérer qu’ils modifient l’effet que ces lois peuvent avoir sur la qualification des garanties. Étant donné que je suis d’avis que la PPSA de l’Alberta et la Loi sur les banques sont déterminantes pour ce qui est de qualifier, respectivement, la CGG et la GLB de la banque, je n’ai pas à examiner le point de vue de common law exprimé dans FBDB.

51 Je passe maintenant à l’examen de chacune des garanties de la banque.

(i) La convention de garantie générale (CGG)

52 L’avocat de l’appelante, Sa Majesté, allègue dans son mémoire que la CGG de la banque doit être considérée comme tenant d’un privilège flottant. À l’appui de cet argument, il invoque l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario Re Urman (1983), 44 O.R. (2d) 248. Dans cette affaire, où il était question d’une cession générale de créances comptables fondée sur la Personal Property Security Act de l’Ontario, la garantie a été qualifiée de privilège flottant.

53 Pour les motifs qui suivent, je ne puis être d’accord. À mon avis, la convention de garantie générale conclue en l’espèce, qui était régie par la loi sur les sûretés mobilières de l’Alberta, doit être qualifiée de privilège fixe et spécifique assujetti à une permission de vendre les biens figurant dans l’inventaire.

54 Il est vrai, bien sûr, que la PPSA ne s’applique pas pour déterminer l’ordre de priorité entre une fiducie légale et une garantie. L’alinéa 4a) soustrait explicitement à l’application de la PPSA de l’Alberta les fiducies légales comme celle créée par l’art. 227 LIR:

[traduction]

4 Sauf disposition contraire de la présente loi, la présente loi ne s’applique pas à:

a) un privilège ou autre droit conféré par une loi ou une règle de droit en vigueur en Alberta;

Cependant, cela ne veut pas dire que la PPSA n’influe pas sur la qualification d’un privilège consenti dans un ressort assujetti à une telle loi. Au contraire, on a affirmé que la PPSA avait eu pour effet de [traduction] «changer fondamentalement la qualification des garanties»: Wood et Wylie, «Non‑Consensual Security Interests in Personal Property», loc. cit., à la p. 1082. Plus particulièrement, alors qu’avant l’adoption de la PPSA on pouvait dire qu’une convention de garantie ayant pour effet de créer un privilège flottant ne s’appliquait pas aux biens donnés en garantie tant qu’il n’y avait pas eu cristallisation, le par. 12(1) de la PPSA de l’Alberta modifie manifestement cette situation. Ce paragraphe se lit ainsi:

[traduction]

12(1) Une garantie, y compris celle qui tient d’un privilège flottant, grève un bien lorsque:

a) une contrepartie est fournie,

b) le débiteur a des droits sur le bien donné en garantie,

c) sauf aux fins de l’exécution des droits entre les parties à la convention de garantie, la garantie devient réalisable au sens de l’article 10,

Toutefois, si les parties conviennent expressément par écrit que la garantie ne grèvera le bien que plus tard, la garantie ne le grèvera qu’au moment convenu.

Aux fins du présent pourvoi, les parties pertinentes de l’art. 10 sont les suivantes:

[traduction]

10(1) Sous réserve du paragraphe (2), une garantie n’est opposable à une tierce partie que

a) si le bien donné en garantie est en la possession du créancier garanti, ou

b) si le débiteur a signé une convention de garantie qui contient

. . .

(ii) une stipulation qu’une garantie est accordée sur tous les biens meubles actuels du débiteur et sur ceux qu’il acquerra après la date de la convention . . .

De façon générale, par conséquent, en l’absence d’intention contraire explicite, une garantie accordée sur tous les biens meubles actuels et sur ceux acquis après la date de la convention grèvera ces biens dès la conclusion de la convention par les parties. À mon avis, dès que la garantie grève un bien, la CGG devient alors, en droit, un privilège fixe et spécifique sur le bien donné en garantie.

55 La conclusion que je tire quant à l’effet des lois en matière de sûretés mobilières sur les garanties s’appuie sur le fait que la doctrine est unanime sur ce point. Par exemple, le professeur Jacob S. Ziegel, dans son article intitulé «Symposium: Recent and Prospective Developments in the Personal Property Security Law Area» (1985), 10 Can. Bus. L.J. 131, fait le commentaire suivant, à la p. 152:

[traduction] Il est très important de déterminer si une garantie accordée en vertu de la PPSA conserve l’une ou l’autre des caractéristiques que la common law attribue au privilège flottant et, dans l’affirmative, lesquelles. Je suis d’avis que, une fois qu’une garantie grève un bien en vertu de la PPSA, elle ne peut être qualifiée de «flottante», même si la convention de garantie accorde, expressément ou implicitement, au débiteur de vastes pouvoirs d’aliéner, dans le cours de ses affaires, le bien donné en garantie. Bref, la PPSA reconnaît seulement l’existence de garanties fixes ou spécifiques, bien que, de l’aveu général, les attributs du bien donné en garantie puissent souvent changer en raison des pouvoirs d’aliénation exprès ou implicites conférés au débiteur. [Je souligne.]

Le professeur Wood reprend cette opinion dans son article récent «Revenue Canada’s Deemed Trust Extends Its Tentacles: Royal Bank of Canada v. Sparrow Electric Corp.», loc. cit., à la p. 433:

[traduction] Avant l’adoption de la PPSA, il était plausible d’avancer qu’une garantie sous forme de privilège fixe assorti d’une permission d’aliéner n’était, en fait, rien de plus qu’un privilège flottant. Cependant, cet argument ne tient plus dans les cas où il est question d’une garantie accordée en vertu de la PPSA . . .

De même, le professeur Ronald C. C. Cuming, dans «Commercial Law — Floating Charges and Fixed Charges of After‑Acquired Property: The Queen in the Right of British Columbia v. Federal Business Development Bank» (1988), 67 R. du B. can. 506, aux pp. 510 et 511, opine:

[traduction] En fait, les lois [sur les sûretés mobilières] considèrent tous les privilèges, y compris les garanties flottantes, comme des privilèges fixes. Les législatures qui ont adopté des lois sur les sûretés mobilières ont implicitement déclaré que, pour des motifs d’ordre public, il n’y a rien de répréhensible à ce qu’un privilège fixe grève les stocks d’un débiteur et que ce privilège soit assorti d’une permission d’aliéner, dans le cours normal des affaires, les biens donnés en garantie. [Je souligne.]

À la page 519, l’auteur conclut qu’[traduction] «il ne saurait y avoir de privilège flottant sous le régime d’une loi sur les sûretés mobilières».

56 Si on applique ce principe à la présente affaire, la CGG de la banque intimée doit certainement être qualifiée de privilège fixe et spécifique. Elle a grevé les biens en cause dès la conclusion de la convention, le 25 février 1992. Plus précisément, toutefois, en raison de la permission de vendre les biens d’inventaire grevés, que la banque a accordée à Sparrow, la CGG tient d’un privilège fixe assorti d’une permission d’aliéner les biens figurant dans l’inventaire.

(ii) La garantie de la Loi sur les banques (GLB)

57 L’appelante a fait valoir, en outre, que la GLB de la banque intimée tient d’un privilège flottant sur les biens figurant dans l’inventaire. Elle invoque, à l’appui de cet argument, plusieurs décisions de tribunaux d’instance inférieure: Abraham, précitée (en appel), Armstrong, précitée, et North Sky Trading Inc. (Bankrupt), Re (1994), 158 A.R. 117 (B.R.) (en appel).

58 L’arrêt Royal Bank of Canada c. Workmen’s Compensation Board of Nova Scotia, [1936] R.C.S. 560 est le plus ancien précédent à commenter la nature d’une GLB. Il y était question de la concurrence, quant à l’ordre de priorité, entre une garantie fondée sur l’art. 88 de la Loi des banques, S.R.C. 1927, ch. 12, qui a précédé l’art. 427, et un privilège créé par le par. 79(2) de The Workmen’s Compensation Act, R.S.N.S. 1923, ch. 129. Dans ses motifs concordants, le juge Davis souligne ainsi l’effet de l’art. 88 (à la p. 567):

[traduction] . . . la garantie n’[a] pas pour effet de transférer de façon absolue le droit de propriété sur les biens mais [. . .] l’opération est essentielle­ment une opération hypothécaire assujettie à la common law applicable de façon générale aux hypothèques, sauf disposition contraire expresse de la Loi [. . .] L’article 88 de la Loi sur les banques permet aux fabricants qui désirent obtenir des prêts importants de leurs banques en vue d’exercer leurs activités industrielles de donner à la banque une forme de sûreté particulière et commode pour protéger celle‑ci à l’égard des opérations bancaires importantes nécessaires à l’activité industrielle partout au pays. Jusqu’à ce que les sommes soient remboursées, la banque est le propriétaire en droit des marchandises, mais ne peut les vendre que s’il y a défaut de paiement et sous réserve du droit du fabricant de reprendre son titre après remboursement. Affirmer que le Parlement n’a pas utilisé des termes exprès pour prévoir que la banque détient un privilège de premier rang sur les marchandises n’a rien à voir avec la question. La banque acquiert le titre de propriété des marchandises en vertu de la Loi. [Je souligne.]

59 Plus récemment, notre Cour a examiné les attributs d’une garantie de la Loi sur les banques dans l’arrêt Hall, précité. Dans cet arrêt, le juge La Forest a souligné l’arrêt Workmen’s Compensation Board of Nova Scotia, précité, dans lequel notre Cour a décidé qu’une GLB confère au prêteur la propriété du bien donné en garantie. Aux pages 133 et 134, le juge La Forest affirme:

En vertu du par. 178(2) [maintenant le par. 427(2)], une banque peut obtenir une garantie portant sur des biens appartenant à l’emprunteur au moment de l’emprunt et sur tous les biens acquis pendant la durée du contrat de sûreté. Les droits de la banque à l’égard des biens visés par la sûreté sont énoncés à l’al. 178(2)c). Selon les termes de l’al. 178(2)c), ces droits sont «les mêmes droits que si la banque avait acquis un récépissé d’entrepôt ou un connaissement visant ces biens». Ces droits sont à leur tour définis à l’art. 186 [maintenant l’art. 435] de la Loi où il est dit que tout récépissé d’entrepôt ou connaissement acquis par une banque à titre de garantie du paiement d’une dette confère à la banque tous les droit et titre de propriété sur les effets, denrées ou marchandises que le détenteur ou propriétaire avait sur ceux‑ci.

La nature des droits conférés à la banque par la remise du document accordant la sûreté a fait l’objet de certaines discussions. Les débats ont porté sur la question de savoir si la sûreté devrait être comparée à un gage ou à un dépôt en garantie, ou si elle tient davantage d’une hypothèque mobilière. J’estime que la description la plus précise de cette sûreté est celle que donne le professeur Moull dans son article intitulé «Security Under Sections 177 and 178 of the Bank Act» (1986), 65 R. du B. can. 242, à la p. 251. Le professeur Moull souligne, à juste titre à mon avis, que l’effet de la sûreté est de conférer à la banque le titre de propriété sur le bien en question lorsque la sûreté est réalisée. Il affirme, à la p. 251:

[traduction] Il en résulte donc que la banque qui prend une sûreté en vertu de l’art. 178 acquiert effectivement les droits que l’emprunteur avait dans les biens actuels et acquis après coup qu’il a cédés à la banque. Le droit de la banque grève les biens cédés dès que la sûreté est consentie ou dès que l’emprunteur acquiert les biens et ceux‑ci demeurent grevés jusqu’à ce que la banque accorde mainlevée, malgré les changements apportés aux attributs ou aux éléments des biens cédés. L’emprunteur conserve évidemment un droit de rachat en equity, mais la banque devient effectivement titulaire de tous les droits que l’emprunteur avait sur les biens cédés. [Je souligne.]

60 Suivant les commentaires de notre Cour concernant les droits de propriété que la Loi sur les banques confère sur les biens figurant dans un inventaire, une garantie consentie en vertu de cette loi doit être considérée comme tenant d’un privilège fixe et spécifique. Comme je l’ai déjà dit, le concept du privilège fixe correspond à la notion d’un créancier qui a les droits de propriété sur le bien donné en garantie. J’ajoute que ce point de vue a été adopté par des auteurs de doctrine en la matière: R. J. Wood, «Revenue Canada’s Deemed Trust Extends Its Tentacles: Royal Bank of Canada v. Sparrow Electric Corp.», loc. cit., à la p. 433, et William D. Moull, «Security Under Sections 177 and 178 of the Bank Act» (1986), 65 R. du B. can. 242. Je juge particulièrement convaincant l’extrait suivant de la p. 251 de l’article du professeur Moull, que notre Cour a mentionné, en l’approuvant, dans Hall, précité:

[traduction] Certains commentateurs ont laissé entendre qu’en raison de sa portée et de sa souplesse la garantie prévue par l’art. 178 [maintenant l’art. 427] tient d’un privilège flottant. Cela peut toutefois être trompeur. Parce que la banque acquiert effectivement le droit de propriété, la garantie consentie en vertu de l’art. 178 tient vraiment d’un privilège fixe sur les biens actuels et acquis après coup que l’emprunteur a cédés à la banque. On peut affirmer qu’une garantie consentie en vertu de l’art. 178 partage un attribut avec un privilège flottant du fait qu’elle s’applique à l’ensemble des biens d’une catégorie donnée que l’emprunteur détient. Mais, alors qu’un privilège flottant peut s’appliquer à tous les biens d’une catégorie donnée que l’emprunteur détient, il ne grève pas spécifiquement l’un de ces biens tant qu’il ne s’est pas cristallisé à la suite du défaut de l’emprunteur. À l’inverse, la garantie consentie en vertu de l’art. 178 est un privilège fixe qui s’applique à chacun des biens cédés, peu importe que l’emprunteur soit en défaut ou non. Cela confère à la banque des droits beaucoup plus grands que s’il s’agissait d’une obligation à charge flottante s’appliquant aux biens de l’inventaire.

61 Pour ces motifs, je considère que la garantie que la banque détient sous forme de GLB tient d’un privilège fixe et spécifique assorti d’une permission de vendre les biens figurant dans l’inventaire.

(iii) Résumé — Privilège fixe et spécifique applicable aux biens figurant dans un inventaire

62 À ce stade, il semblerait approprié, avant de clore cette partie de l’analyse, de commenter brièvement cette notion nouvelle et peut‑être abstraite de la possession d’un privilège fixe sur tous les biens actuels et futurs de l’inventaire d’un débiteur. Pour commencer, je souligne que les définitions traditionnelles du privilège fixe comme, par exemple, celle tirée de l’arrêt Illingworth, précité, que j’ai citée plus haut, insistent sur le fait que la capacité de «se fixer» sur des biens déterminables et définis est un attribut essentiel de cette forme particulière de privilège. Cette façon de grever des biens tangibles et déterminables est évidemment impossible dans le cas d’une cession de biens figurant dans un inventaire, où les biens donnés en garantie changent constamment. Bref, le concept traditionnel du privilège fixe semble incompatible avec l’idée de possession d’un droit de propriété sur des biens donnés en garantie tels que les biens d’inventaire acquis après coup qui, par définition, n’existent pas encore au moment où la convention de garantie est conclue.

63 Je suis cependant d’avis qu’un privilège fixe sur tous les biens présents et futurs d’un inventaire représente un droit de propriété sur un ensemble dynamique d’éléments d’actif présents et futurs. Dans cette mesure, comme je l’ai déjà dit, cette forme de garantie met en question notre conception traditionnelle d’un privilège fixe; de même, j’estime que notre conception de cette forme de privilège doit évoluer en fonction des réalités contemporaines du droit commercial et, en particulier, des dispositions législatives qui ont été invoquées en l’espèce.

64 En effet, le privilège fixe et spécifique confère au créancier garanti (sous réserve, évidemment, du droit de rachat que le débiteur possède en equity) le droit de propriété sur les biens actuels de l’inventaire du débiteur, de même que sur les biens de l’inventaire que ce dernier acquiert après coup. Le créancier garanti devient ainsi légalement propriétaire des biens de l’inventaire au fur et à mesure qu’ils entrent en la possession du débiteur. Je remarque que la PPSA de l’Alberta contient une disposition particulière qui garantit ainsi le droit de propriété du créancier sur les biens acquis après coup:

[traduction] 13 (1) Sous réserve du paragraphe (2), lorsqu’une convention de garantie prévoit une garantie s’appliquant à des biens qui seront acquis ultérieurement, la garantie grève ces biens conformément à l’article 12, sans qu’une affectation précise soit nécessaire. [Je souligne.]

Dans le commentaire de la PPSA de l’Alberta qu’ils ont publié, les professeurs Cuming et Wood font observer qu’en vertu de ce paragraphe [traduction] «la garantie s’appliquant aux biens acquis après coup a le même statut qu’une garantie relative aux biens existant au moment de la conclusion de la convention»: Cuming et Wood, Alberta Personal Property Security Act Handbook (2e éd. 1993), à la p. 121 (je souligne). De même, la GLB fait en sorte que la garantie du créancier grève immédiatement les biens d’inventaire acquis après coup par le débiteur. À la page 134 de l’arrêt Hall, précité, le juge La Forest approuve la description par le professeur Moull de l’effet des dispositions pertinentes de la Loi sur les banques, description qui est particulièrement appropriée dans la présente analyse:

[traduction] Il en résulte donc que la banque qui prend une sûreté en vertu de l’art. 178 [maintenant l’art. 427] acquiert effectivement les droits que l’emprunteur avait dans les biens actuels et acquis après coup qu’il a cédés à la banque. Le droit de la banque grève les biens cédés dès que la sûreté est consentie ou dès que l’emprunteur acquiert les biens et ceux‑ci demeurent grevés jusqu’à ce que la banque accorde mainlevée, malgré les changements apportés aux attributs ou aux éléments des biens cédés. L’emprunteur conserve évidemment un droit de rachat en equity, mais la banque devient effectivement titulaire de tous les droits que l’emprunteur avait sur les biens cédés. [Je souligne.]

65 Il découle de ces observations que, lorsque, comme en l’espèce, un créancier garanti détient un privilège fixe sur les biens figurant dans l’inventaire d’un débiteur, ce privilège aura en tout temps pour effet d’assurer que le créancier possède un droit de propriété sur tous les biens d’inventaire assujettis au privilège. Il en est ainsi, bien sûr, à la condition (non applicable en l’espèce) qu’aucune retenue sur la paye n’ait été effectuée, sans être versée, avant l’application du privilège fixe. Par conséquent, les biens figurant dans l’inventaire qui ont fait l’objet d’une vente de liquidation, en l’espèce, appartenaient en droit à la banque intimée: la banque détenait, tant en vertu de sa CGG que de sa GLB, un privilège fixe sur les biens de l’inventaire de Sparrow. C’est pourquoi tout ce à quoi le droit que Sa Majesté possédait à titre bénéficiaire pouvait s’appliquer avant la vente était le droit de rachat que Sparrow détenait en equity sur les biens: Avco, précité; C.I.B.C. c. Klymchuk (1990), 74 Alta. L.R. (2d) 232 (C.A.), à la p. 240.

66 Toutefois, il va sans dire que cela ne règle pas la question. Bien qu’il soit vrai que la banque détenait le droit de propriété sur les biens de l’inventaire qui font l’objet du litige en l’espèce, il est également vrai qu’au moment où les retenues ont été faites la banque avait donné à Sparrow la permission de vendre ces biens dans le cours de ses affaires. Une permission à cet égard était accordée expressément dans la CGG et implicitement dans la GLB. De cette façon, la banque avait consenti, par contrat, à se dépouiller de son droit sur les biens de l’inventaire donnés en garantie et à ce que le produit de la vente de ces biens soit utilisé à certaines fins. La question cruciale est donc celle de la portée de cette permission contractuelle. En particulier, si ce consentement de la banque comprenait le droit de vendre les biens de l’inventaire pour payer les salaires, alors ce consentement comprenait nécessairement le droit de vendre ces mêmes biens pour verser les retenues sur la paye. Pour les motifs qui suivent, le droit de Sa Majesté pourrait alors s’appliquer au produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire et, ainsi, avoir priorité sur le droit de la banque.

67 Comme je l’ai déjà indiqué au par. 41, je suis d’avis que, dans le contexte du régime législatif en cause dans le présent pourvoi, la thèse de la permission peut constituer exception à la règle générale voulant qu’au moment de la «liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite», le droit de Sa Majesté ne puisse pas grever des biens qui sont la propriété d’un créancier garanti. Plus précisément, si l’on peut affirmer qu’au moment où les retenues ont été effectuées le créancier garanti avait consenti à ce que les biens qui lui ont été donnés en garantie servent à verser les retenues exigées par la loi qui font l’objet de la fiducie réputée, on peut également affirmer que le créancier s’est assujetti aux obligations légales relatives à ces retenues. Par conséquent, si on peut affirmer, en l’espèce, qu’au moment où les retenues sur la paye qui sont en cause ont été effectuées, la banque avait permis la vente des biens figurant dans l’inventaire pour payer les salaires et, ainsi, les retenues sur la paye, le par. 227(5) pourra s’appliquer aux biens qui figuraient dans l’inventaire de la banque au moment de la mise sous séquestre. En ce qui concerne cette façon d’aborder la thèse de la permission, voir FBDB, précité, aux pp. 40 et 41, Roynat, précité, aux pp. 649 et 650, et G.M. Homes Inc., précité, aux pp. 252 à 254.

68 Bref, dans le cas où la banque a consenti à la diminution de la valeur de sa garantie pour payer les retenues légales sur la paye au moment où elles seraient effectuées, elle a du même coup consenti, en vertu du par. 227(5), à la réduction de sa garantie au moment de la mise sous séquestre. Alors, la question cruciale à trancher en l’espèce est de savoir quelle était la portée du consentement de la banque à la vente des biens figurant dans l’inventaire au moment où les retenues ont été effectuées.

(D) D’après les faits, la permission de vendre incluait‑elle le droit d’utiliser le produit de la vente pour payer les salaires?

69 Je souligne, au départ, que le facteur déterminant dans l’argument de la «permission de vendre» est la conclusion que cette permission a été accordée quant à l’utilisation du produit de la vente des biens en litige donnés en garantie. Ainsi, bien que les permissions soient souvent données sous la forme d’un «droit de vendre dans le cours normal des affaires», il ne faut pas oublier que c’est la permission quant à l’utilisation du produit, et non pas nécessairement les circonstances de la vente, qui doit être au centre de l’examen.

70 En interprétant les dispositions contractuelles qui accordent à Sparrow le droit de vendre les biens de l’inventaire donnés en garantie, il faut examiner les termes du contrat, la nature de l’opération conclue par les parties et toutes les circonstances de l’affaire.

71 D’après les dispositions expresses de la CGG, Sparrow a obtenu la permission de vendre les biens de l’inventaire donnés en garantie. Plus particulièrement, il était précisé que:

[traduction] . . . à moins d’être en défaut, le débiteur [peut], dans le cours normal de ses affaires, vendre ou louer les biens figurant dans l’inventaire et, sous réserve de la clause 7 des présentes, utiliser les sommes d’argent dont il dispose. [Je souligne.]

Par conséquent, Sparrow avait la permission de vendre les biens de l’inventaire dans le cours normal de ses affaires et d’«utiliser» le produit de cette vente. La question cruciale est de savoir quelle «utilis[ation]» était envisagée par cette permission de vendre «dans le cours normal de[s] affaires». À ce propos, je considère que deux clauses explicites des arrangements contractuels de Sparrow ressortent. Aux termes de l’al. 4e) de la CGG, Sparrow est tenue:

e) de payer tous les impôts, tarifs, redevances, cotisations et autres sommes de toute nature qui peuvent être légalement perçues, cotisées ou imposées à l’égard du débiteur ou d’un bien donné en garantie, lorsque ces sommes sont dues et exigibles; [Je souligne.]

De plus, dans la convention de crédit, Sparrow a pris l’engagement suivant envers la banque:

(3) elle paiera promptement, lorsqu’ils seront dus, toutes les taxes d’affaires, impôts sur le revenu et autres taxes perçues à bon droit sur ses affaires et ses biens et versera toutes les retenues légales sur le salaire des employés, lorsqu’elles seront dues; [Je souligne.]

72 Compte tenu de ces dispositions explicites des arrangements contractuels entre Sparrow et la banque, je conclus que le versement des retenues sur la paye serait une utilisation que, suivant ce que la banque a envisagé, Sparrow ferait du produit de la vente des biens de l’inventaire, effectuée «dans le cours normal de[s] affaires». Ma conclusion à cet égard est étayée par la nature des opérations survenues entre Sparrow et la banque, et par toutes les circonstances de l’affaire.

73 La banque était le prêteur principal de Sparrow, elle détenait une garantie sur la plupart, sinon la totalité, des éléments d’actif de Sparrow. Plus particulièrement, la banque détenait diverses garanties sur les biens figurant dans l’inventaire de Sparrow. Il était évidemment dans l’intérêt de la banque que Sparrow fonctionne comme une entité économiquement rentable. À cette fin, Sparrow devait vendre ses services comme entrepreneur électricien et, nécessairement, vendre les biens de son inventaire. Ces ventes permettraient à Sparrow de tirer des revenus qui serviraient notamment à payer ses dettes de fonctionnement. Si elle ne le faisait pas, Sparrow pourrait faire l’objet d’une pétition en faillite, de sorte qu’elle ne pourrait plus à long terme générer les profits nécessaires au paiement de ses emprunts à la banque. L’une des obligations que Sparrow devait remplir, comme dépense d’affaires, était le paiement des salaires. Pour rester en affaires et fonctionner comme une entreprise rentable, Sparrow devrait payer ses employés. C’est là une condition nécessaire pour rester en affaires. Il serait raisonnable que la banque s’attende, compte tenu de toutes les circonstances de l’arrangement pris, que le produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire soit utilisé pour payer les salaires.

74 Compte tenu de ces observations, je considère que la permission de vendre les biens de l’inventaire dans le cours normal des affaires comprenait nécessairement, en l’espèce, la permission de les vendre pour payer les salaires et verser les retenues sur la paye dans le cours des affaires de Sparrow. Lorsque, comme en l’espèce, le créancier garanti détient une garantie sur la majorité des éléments d’actif du débiteur, la garantie applicable aux biens de l’inventaire doit permettre au débiteur de vendre ces biens et d’utiliser le produit pour les fins générales de son entreprise, y compris pour payer les salaires. En fait, c’est ce qu’indiquent les termes mêmes de la permission qui prévoient que Sparrow pourrait, «dans le cours normal de[s] affaires [. . .] utiliser les sommes d’argent dont [elle] dispose[rait]». La portée de la permission peut donc être déterminée soit à partir des termes mêmes de la convention de garantie, soit à partir de la nature de la convention et de la conduite des parties. Plus précisément, la portée de la permission, en l’espèce, ne découle pas simplement d’un droit comme tel de vendre les biens figurant dans l’inventaire. Il s’agit plutôt d’une permission de vendre les biens de l’inventaire dans le «cours normal de[s] affaires [de Sparrow] [. . .] et [. . .] [d’]utiliser [le produit]», qui fait en sorte qu’elle inclut le droit d’utiliser le produit pour payer les salaires. Comme le professeur Wood l’a fait observer à juste titre, dans «Revenue Canada’s Deemed Trust Extends Its Tentacles: Royal Bank of Canada v. Sparrow Electric Corp.», loc. cit., à la p. 435, la permission de vendre les biens d’un inventaire peut, dans certaines circonstances, être limitée de manière à ne pas inclure le droit d’utiliser le produit pour payer des salaires:

[traduction] Le fait que le créancier garanti permette au débiteur de vendre les biens de l’inventaire n’implique pas en soi que le créancier garanti permet au débiteur d’utiliser le produit de cette vente pour payer les employés. Dans certains cas, le créancier garanti ne limitera pas la capacité du débiteur d’utiliser le produit dans le cours normal des affaires, mais cela dépend entièrement du type de garantie négocié entre le débiteur et le créancier garanti. Examinons l’hypothèse suivante:

SP finance l’acquisition des biens d’un inventaire par un concessionnaire d’automobiles (D), et obtient une garantie sur ces biens. La convention de garantie de vente en gros prévoit que D peut vendre les biens de l’inventaire dans le cours normal des affaires et qu’après l’avoir fait D doit immédiatement verser à SP le prix d’achat en gros de l’automobile.

Dans cette hypothèse, il est clair que SP ne permet pas au débiteur d’utiliser le produit de la vente des biens de l’inventaire pour payer ses employés. En fait, SP a l’habitude de contrôler régulièrement les opérations du débiteur pour s’assurer que ce dernier ne «trahit pas sa confiance» en omettant de verser le produit de la vente.

75 En résumé, le véritable critère pour déterminer si la permission de vendre les biens figurant dans un inventaire inclut le droit de payer les salaires doit donc être une question d’interprétation de l’arrangement contractuel intervenu entre les parties. L’attention ne doit pas tant porter sur les circonstances de la vente des biens de l’inventaire que sur l’utilisation permise du produit de la vente de ces biens. Comme dans l’exemple donné par le professeur Wood, lorsque la permission a une portée limitée, il se peut qu’elle n’inclue pas le droit d’utiliser le produit de la vente pour payer les salaires. Toutefois, l’expression de restrictions quant à l’utilisation du produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire ne saurait prévaloir si l’arrangement entre les parties est de nature à permettre, en pratique, au débiteur d’utiliser le produit de cette vente dans le cours de ses affaires. À cet égard, je suis d’accord avec les commentaires du professeur Wood au sujet du critère approprié pour déterminer si la permission de vendre les biens d’un inventaire inclut la permission d’utiliser le produit de cette vente pour payer des salaires («Revenue Canada’s Deemed Trust Extends Its Tentacles: Royal Bank of Canada v. Sparrow Electric Corp.», loc. cit., aux pp. 435 et 436):

[traduction] Cela ne veut pas dire que l’analyse devrait dépendre de l’existence d’une clause de produit en fiducie ou d’une autre disposition contractuelle exigeant que le débiteur verse ce produit. Une disposition contractuelle de ce type ne devrait pas s’appliquer si l’arrangement réel entre les parties est tel que le débiteur est libre d’utiliser le produit de la vente des biens de l’inventaire dans le cours normal des affaires.

. . .

Pour avoir du sens, la thèse de la permission doit, à tout le moins, se limiter aux cas où le créancier garanti permet au débiteur de payer les employés soit au moyen des biens donnés en garantie, soit au moyen du produit de la vente de ces biens. Cette permission ne peut pas simplement découler de l’existence d’une permission de vendre les biens de l’inventaire. Le critère devrait consister à déterminer si le débiteur était libre d’utiliser ces fonds dans le cours normal des affaires, au lieu d’être obligé de les verser au créancier garanti. [Je souligne.]

76 En l’espèce, la CGG accordait expressément à Sparrow la permission de vendre les biens de l’inventaire dans le cours de ses affaires et d’utiliser le produit dont elle disposerait; la GLB comportait implicitement la même permission. Bien qu’il soit vrai que la CGG comportait une clause de produit en fiducie, je considère que cela ne peut pas avoir pour effet de limiter la portée de la permission alors que l’arrangement réel intervenu entre les parties voulait, comme cela a été précisé, que Sparrow puisse utiliser le produit de la vente des biens de l’inventaire dans le cours de ses affaires. Dans cette affaire, la banque n’était pas un petit financier de biens d’inventaire, qui exigeait que Sparrow lui verse immédiatement le produit de la vente des biens de l’inventaire. Au contraire, la banque était un gros bailleur de fonds qui permettait à Sparrow d’utiliser le produit de la vente des biens de l’inventaire pour maintenir la viabilité de son entreprise. Pour ces motifs, appliquant le critère du professeur Wood, je conclus que, en vertu de la permission de «vendre [. . .] les biens figurant dans l’inventaire» «dans le cours normal de[s] affaires» et d’«utiliser les sommes d’argent dont [elle] dispose[rait]», la banque permettait à Sparrow de vendre les biens de l’inventaire pour payer des salaires et, nécessairement, pour verser des retenues sur la paye.

77 Pour tous ces motifs, en application de la thèse de la permission, je conclus que la fiducie réputée dont bénéficie l’appelante en vertu du par. 227(5) doit avoir priorité de rang sur les garanties que la banque détient sur les biens en litige donnés en garantie. Le fonds en fiducie constitué des retenues effectuées, bien que sans objet identifié au moment de sa constitution, est capable de viser après coup les biens faisant l’objet de cette fiducie. Encore une fois, la banque a consenti à la diminution de sa garantie sur les biens de l’inventaire pour payer les retenues sur la paye au moment où elles ont été effectuées, et le par. 227(5) LIR a pour effet de reporter ce consentement jusqu’au moment de la mise sous séquestre. En consentant à ce que Sparrow paie les salaires au moyen du produit de la vente des biens de l’inventaire dans le cours de ses affaires, la banque consentait par le fait même au régime légal de recouvrement des retenues sur la paye non versées, établi par la LIR. Bref, en l’espèce, la permission d’aliéner le produit de la vente des biens figurant dans l’inventaire, conjuguée au régime légal des par. 227(4) et (5) LIR, accorde priorité de rang aux demandes de Sa Majesté relatives aux retenues légales sur la paye. Cela vaut tant à l’égard de la CGG de la banque que de sa GLB.

78 La banque intimée a fait valoir que ce résultat est nécessairement écarté en ce qui concerne sa GLB, en raison du par. 428(1) de la Loi sur les banques, qui prévoit ceci:

428. (1) Tous les droits de la banque sur les biens mentionnés ou visés dans un récépissé d’entrepôt ou un connaissement qu’elle a acquis ou détient, ainsi que ses droits sur les biens affectés à une garantie reçue en vertu de l’article 427, et qui équivalent aux droits découlant d’un récépissé d’entrepôt ou un connaissement visant ces biens priment, sous réserve du paragraphe 427(4) et des paragraphes (3) à (6) du présent article, tous les droits subséquemment acquis sur ces biens, ainsi que la créance de tout vendeur impayé. [Je souligne.]

Je ne puis souscrire à cet argument. Il est vrai que le par. 428(1) garantit le droit de propriété de la banque intimée sur les biens en litige donnés en garantie. Toutefois, pour les motifs que j’ai exposés, il reste que la banque a accepté d’être dépouillée de ce droit. À mon avis, une telle renonciation à la priorité de rang fait en sorte que le par. 428(1) n’est d’aucun secours à la banque intimée.

79 J’ajoute, comme dernier point, qu’en plus d’offrir un élément de certitude dans les litiges opposant des garanties consensuelles et des garanties non consensuelles, la thèse de la permission permet d’assurer l’équité en droit commercial. En l’espèce, la banque intimée avait permis à Sparrow de vendre les biens de son inventaire dans le cours de ses affaires afin, notamment, de payer les salaires et les retenues sur la paye. Dans cette mesure, la banque a donc permis que la valeur de la garantie qu’elle détenait sur les biens de l’inventaire de Sparrow soit réduite dans le cours normal des affaires de cette dernière. Ce consentement reposait sur l’expectative implicite de la banque que Sparrow réaliserait des profits en convertissant des biens de son inventaire en recettes; ce processus économique, comme je l’ai déjà noté, garantissait que les paiements d’intérêts dus à la banque seraient effectués de façon continue. Bref, la banque profitait, d’une manière générale, de la poursuite des affaires de Sparrow qui obligeaient cette dernière à payer des salaires et des retenues sur la paye. Plus précisément, toutefois, lorsque Sparrow a cessé d’effectuer les versements requis des retenues sur la paye, on pouvait affirmer que la banque a profité de l’augmentation artificielle du fonds de roulement de Sparrow qui a permis à cette dernière de rester en affaires plus longtemps.

80 Maintenant que Sparrow n’est plus une entreprise viable, la banque affirme qu’elle a droit aux sommes mêmes qui, du moins en partie, ont permis à Sparrow de rester en affaires plus longtemps qu’il n’était économiquement possible de le faire sur le plan légal. La banque est essentiellement disposée à accepter les bénéfices du non‑versement par Sparrow des retenues légales sur la paye, et l’on peut dire qu’elle a raisonnablement permis que les biens qui lui avaient été donnés en garantie soient utilisés pour verser ces retenues au moment où elles devaient l’être légalement, mais qu’elle refuse d’assumer le fardeau de l’acte illégal accompli par Sparrow au moment de sa mise sous séquestre. À mon avis, ce devrait être une politique de la loi que la banque intimée soit tenue responsable des obligations légales auxquelles Sparrow a manqué. La thèse de la permission, comme je l’ai expliqué, garantit ce résultat dans les circonstances appropriées. J’estime ainsi que la thèse de la permission repose non seulement sur des principes juridiques, mais aussi sur une politique saine.

81 Depuis que j’ai rédigé ce qui précède, j’ai pris connaissance des motifs soigneusement étayés de mon collègue le juge Iacobucci. En toute déférence, cependant, je ne partage ni son opinion ni ses préoccupations.

82 Je remarque que le juge Iacobucci considère, dans ses motifs, que j’ai adopté la thèse de la permission de manière extrêmement générale. Plus précisément, lorsqu’il résume le fondement conceptuel de mon raisonnement, il affirme (au par. 91):

Donc, selon cette thèse [de la permission], les droits que la banque peut faire valoir sur les biens figurant dans l’inventaire doivent céder le pas aux dettes contractées dans le cours normal des affaires. [Je souligne.]

De même, le juge Iacobucci écrit (au par. 97):

On peut soutenir que c’est «dans le cours normal des affaires» que l’on s’acquitte d’une dette ou d’une obligation légitime, quel que soit le moment où elle a pris naissance. Le paiement des créanciers est sûrement une «utilis[ation]» permise du produit de la vente des biens figurant dans un inventaire. Selon le raisonnement de mon collègue, cela signifierait que toute créance ultérieure devrait avoir préséance sur la convention de garantie générale de l’intimée, parce qu’il se pourrait que chacune des créances concurrentes ait été acquittée sur le produit d’une vente hypothétique des biens figurant dans l’inventaire. [Je souligne.]

83 En toute déférence, comme il le reconnaît, mes motifs ne vont pas aussi loin. Ce n’est pas le consentement même au paiement de retenues sur la paye sur le produit des biens figurant dans l’inventaire qui m’amène à conclure que c’est l’intérêt de Sa Majesté qui doit prévaloir. C’est une condition nécessaire, mais non suffisante. De plus, cependant, ce qui est important pour l’issue du présent pourvoi, c’est que la banque a consenti au paiement de salaires comportant des retenues, sur des biens figurant dans l’inventaire qui, au moment des retenues, sont réputés par la loi être retranchés du patrimoine du débiteur (voir les par. 153(3) et 227(4) LIR). Le paragraphe 227(5) reporte ce consentement au moment de la liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite, de manière à réaliser la créance de Sa Majesté sur les biens figurant dans l’inventaire de la banque.

84 Par conséquent, la nature exceptionnelle des dispositions législatives applicables aux retenues sur la paye, et le consentement de la banque aux retenues, contribuent au succès de la demande fondée sur le par. 227(5) en l’espèce. De cette façon, la thèse de la permission, à laquelle j’ai eu recours, est circonscrite.

85 Il faut souligner que la question concerne les salaires réellement payés à des employés __ non pas une simple obligation de payer des salaires __ dont une partie a été déduite du montant versé à l’employé et doit être remise à Sa Majesté. Avant cette remise, le montant déduit est réputé, en vertu du par. 227(4), être détenu en fiducie pour Sa Majesté. En vertu de ces dispositions de la LIR, et contrairement aux dettes et obligations ordinaires, les retenues sur la paye non versées sont, en droit, des obligations exécutées. Le consentement de la banque au paiement des salaires sur le produit de la vente de biens figurant dans l’inventaire doit être considéré comme visant les salaires payés conformément à la loi, y compris la partie qui, conformément à la LIR, a été déduite du montant versé à l’employé, en vue d’être remise à Sa Majesté. Bien que la valeur de la garantie de la banque sur les biens figurant dans l’inventaire puisse être ainsi réduite, cette possibilité découle d’exigences légales particulières qui reposent sur des règles bien définies dont l’application est limitée au paiement réel de salaires. Ces exigences sont bien connues et sont visées par le consentement de la banque au paiement de salaires dans le cours normal des affaires, et elles n’ouvrent pas la porte à l’incertitude quant à la valeur de la garantie. Tout risque auquel est exposée la garantie de la banque fait partie du risque même qu’entraîne le consentement au paiement de salaires. Cela n’ouvre la porte à aucune incertitude quant à la valeur de la garantie de la banque, qui résulterait de l’omission d’exécuter des obligations contractées par le débiteur dans le cours normal des affaires.

86 Pour ces motifs, je ne peux pas accepter la prémisse sur laquelle reposent les motifs du juge Iacobucci, à savoir que la thèse de la permission, que j’ai utilisée, compromet l’intégrité du droit commercial. Elle n’a pas l’application étendue que décrit mon collègue; elle ne crée pas d’incertitude dans les opérations commerciales. Au contraire, la thèse de la permission s’applique de manière restreinte, de concert avec des dispositions législatives exceptionnelles, de façon à actualiser des obligations légalement exécutées lorsqu’elles existent réellement.

VI ‑ Conclusion

87 Il est possible de résumer mes conclusions en l’espèce au moyen des cinq propositions suivantes:

1. On résout la question de la priorité de rang entre des fiducies légales et des garanties consensuelles en déterminant quel droit grève les biens en litige donnés en garantie, au moment où la fiducie légale devient opérante.

2. La fiducie réputée du par. 227(5) LIR grève tous les biens du débiteur qui existent au moment de la liquidation, cession, faillite ou mise sous séquestre.

3. Par exemple, si des retenues sont effectuées avant qu’un privilège fixe grève les biens donnés en garantie, la fiducie réputée du par. 227(5) fera en sorte que le droit que Sa Majesté possède à titre bénéficiaire grèvera rétroactivement ces biens. Le privilège fixe applicable à ces biens sera, par la suite, assujetti aux créances préexistantes de Sa Majesté relatives aux retenues sur la paye non versées.

4. Sous cette réserve, si une garantie tient d’un privilège fixe et spécifique, elle confère à son détenteur le droit de propriété sur les biens donnés en garantie, de sorte qu’une fiducie légale concurrente subséquente ne pourra pas s’y appliquer. Dans ce cas, tout ce que la fiducie légale peut grever est le droit de rachat que l’equity reconnaît relativement aux biens donnés en garantie.

5. Cependant, à titre d’exception aux deuxième et quatrième propositions, si le détenteur d’une garantie fixe permet au débiteur de vendre les biens donnés en garantie, cela peut donner ouverture à l’application de la fiducie légale. Cette éventualité dépend entièrement des faits de chaque affaire. Le critère applicable consiste à déterminer si, au moment où les retenues ont été effectuées, le débiteur avait le droit de vendre les biens donnés en garantie et d’utiliser le produit de cette vente pour exécuter l’obligation liée à la fiducie légale.

88 J’ai conclu que, d’après les faits de la présente affaire, la permission, qui a été invoquée, de vendre les biens de l’inventaire incluait la permission d’utiliser le produit de la vente pour payer des salaires ou verser des retenues sur la paye. On a donc satisfait au critère de la cinquième proposition. Par conséquent, je serais d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens.

//Le juge Iacobucci//

Version française du jugement des juges Sopinka, McLachlin, Iacobucci et Major rendu par

1 Le juge Iacobucci — J’ai pris connaissance des motifs limpides de mon collègue le juge Gonthier et, bien que je souscrive à la majeure partie de son raisonnement, je ne puis, en toute déférence, accepter la conclusion qu’il tire. En particulier, je n’accepte pas que la fiducie réputée, qui prend naissance en faveur de Sa Majesté en vertu du par. 227(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.) (ci‑après «LIR»), a priorité de rang sur les garanties ou sûretés que l’intimée possède en vertu de la Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46, et de la Personal Property Security Act, S.A. 1988, ch. P-4.05 (ci‑après «PPSA»). Même en admettant que ces dernières garanties sont assujetties à une permission de vendre, cette permission est loin d’avoir une portée assez large pour englober l’exécution d’obligations fiscales. Comme nous le verrons plus loin, la permission de vendre des biens figurant dans un inventaire permet tout au plus d’exécuter les obligations directement rattachées à la vente réelle de ces biens.

2 Vu que mon désaccord avec mon collègue ne concerne que l’utilisation qu’il fait, en l’espèce, de la méthode de la permission de vendre, je ne compte pas analyser les faits ou l’historique de l’affaire qu’il a si bien exposés, ni m’attarder à toute autre partie de ses motifs. Je n’ai pas à ajouter quoi que ce soit au sujet de la nature des garanties de l’intimée, si ce n’est qu’elles sont fixes et spécifiques.

3 Mon collègue statue sur le présent pourvoi en se fondant sur ce qu’on est convenu d’appeler la «thèse de la permission». En bref, cette thèse veut que, bien que la garantie qu’une banque possède sur les biens figurant dans l’inventaire d’un débiteur soit fixe et spécifique, elle soit néanmoins assujettie à la permission qu’a le débiteur d’aliéner ces biens dans le cours normal de ses affaires. Donc, selon cette thèse, les droits que la banque peut faire valoir sur les biens figurant dans l’inventaire doivent céder le pas aux dettes contractées dans le cours normal des affaires. La principale formulation de la thèse de la permission se trouve dans les motifs du juge McLachlin dans R. in Right of B.C. c. F.B.D.B., [1988] 1 W.W.R. 1 (C.A.C.-B.) (ci‑après «FBDB»), à la p. 40.

4 Le fondement théorique de cette thèse semble être qu’un créancier qui a accordé la permission de vendre les biens figurant dans un inventaire a, de ce fait, consenti à ce que sa garantie soit assujettie à d’autres obligations pouvant prendre naissance «dans le cours normal des affaires». Mon collègue écrit, au par. 68 de ses motifs:

Bref, dans le cas où la banque a consenti à la diminution de la valeur de sa garantie pour payer les retenues légales sur la paye au moment où elles seraient effectuées, elle a du même coup consenti, en vertu du par. 227(5) [LIR], à la réduction de sa garantie au moment de la mise sous séquestre.

Cela est sensé car seule la perception de la permission comme une sorte de réduction tacite de la garantie du créancier servira la cause de l’appelante. Certes, la question de la mise à exécution de la permission n’est pas pertinente étant donné qu’en l’espèce les biens figurant dans l’inventaire n’ont jamais été vendus conformément à la permission donnée. C’est plutôt le séquestre qui les a vendus conformément à une ordonnance judiciaire. Si la permission doit jouer un rôle dans la décision à rendre au sujet du présent pourvoi, ce doit être en raison de la preuve qu’elle fournit de l’intention de l’intimée d’accepter moins qu’une garantie intégrale sur les biens de l’inventaire.

5 À mon sens, la permission ne prouve rien de tel. Mon collègue semble croire que la vente potentielle des biens figurant dans l’inventaire équivaut à une restriction réelle de la garantie. Pour ma part, je ne vois aucun lien entre les deux. Il existe une différence considérable entre affirmer, d’une part, que si un débiteur vend des biens de son inventaire et en utilise le produit pour rembourser une dette envers un tiers, ce tiers accepte alors ce produit libre de toute garantie, et affirmer, d’autre part, que puisqu’un tiers pourrait accepter le produit de la vente libre de toute garantie, le produit n’est grevé d’aucune garantie opposable à ce tiers. La permission de vendre les biens figurant dans un inventaire dans le cours normal des affaires est une condition du premier genre. La conséquence (l’extinction de la garantie) ne s’ensuit que si la condition préalable (la vente des biens figurant dans l’inventaire et l’utilisation du produit en découlant pour exécuter une obligation envers un tiers) est remplie. Autrement dit, la garantie sur les biens figurant dans l’inventaire ne disparaît que si le débiteur vend réellement ces biens et utilise le produit de la vente pour rembourser une dette envers un tiers.

6 C’est ce que laisse entendre le par. 28(1) PPSA, qui se lit ainsi:

[traduction]

28(1) Sous réserve des dispositions de la présente loi, la garantie sur des biens qui sont aliénés ou qui donnent par ailleurs lieu à un produit :

a) continue de grever les biens, sauf si le créancier garanti a expressément ou implicitement autorisé l’aliénation;

b) grève aussi le produit.

Cependant, lorsque le créancier garanti réalise une garantie sur les biens grevés et sur le produit, le montant visé par la garantie sur les biens et le produit se limite à la valeur marchande des biens grevés à la date de l’aliénation.

Conformément à cette disposition, la vente des biens figurant dans un inventaire a pour effet de conférer à l’acquéreur un droit libre de toute charge sur ces biens, et à la partie qui a donné la permission de vendre, une garantie permanente sur le produit de la vente. Ce n’est que si le débiteur utilise ensuite le produit pour s’acquitter d’une obligation envers un tiers que ce produit sera soustrait à la garantie que la partie qui a donné la permission de vendre possède sur celui‑ci. Par conséquent, la convention de garantie assortie d’une permission de vendre crée un droit défectible, mais l’événement qui provoque l’extinction du droit est la vente réelle des biens figurant dans l’inventaire, suivie de l’utilisation réelle du produit en découlant pour exécuter une obligation envers un tiers.

7 Je reconnais que l’application du par. 28(1) PPSA n’est pas nécessairement incompatible avec l’interprétation large de la permission de vendre, que propose mon collègue. Il me semble toutefois qu’il convient, en l’espèce, d’invoquer la maxime expressio unius est exclusio alterius. La Loi prévoit que l’aliénation de biens figurant dans un inventaire a certaines conséquences sur la garantie. Elle prévoit, notamment, l’extinction de la garantie si le débiteur vend réellement ces biens et utilise le produit de la vente pour exécuter une obligation envers un tiers. Fait révélateur, la Loi ne prévoit pas d’autres événements susceptibles d’entraîner l’extinction. À mon avis, la Loi est exhaustive et exclut toute autre interprétation de la permission de vendre, y compris celle que préconise le juge Gonthier.

8 Vu qu’il n’y a eu, en l’espèce, aucune vente des biens figurant dans l’inventaire en question, et encore moins utilisation du produit, la permission n’a pu avoir aucun effet sur la garantie de l’intimée. Il n’importe pas de savoir ce que le débiteur aurait pu faire de la permission.

9 S’il en était autrement, la permission de vendre les biens d’un inventaire ferait perdre tout son sens à la convention de garantie générale de l’intimée. On peut soutenir que c’est «dans le cours normal des affaires» que l’on s’acquitte d’une dette ou d’une obligation légitime, quel que soit le moment où elle a pris naissance. Le paiement des créanciers est sûrement une «utilisation» permise du produit de la vente des biens figurant dans un inventaire. Selon le raisonnement de mon collègue, cela signifierait que toute créance ultérieure devrait avoir préséance sur la convention de garantie générale de l’intimée, parce qu’il se pourrait que chacune des créances concurrentes ait été acquittée sur le produit d’une vente hypothétique des biens figurant dans l’inventaire. De plus, il y aurait renversement des règles en matière de priorité établies par la PPSA, qui a pour politique générale d’accorder la priorité à la première garantie enregistrée. À supposer que tout privilège grevant les biens figurant dans un inventaire soit assujetti à une permission de vendre -- une hypothèse compatible avec le droit des créanciers de veiller au maintien de la vitalité de leurs débiteurs --, la dernière garantie aurait priorité sur toutes les garanties antérieures parce que seule la dernière ne serait pas assujettie à un privilège qui prend naissance dans le cours normal des affaires. On pourrait répondre à cette objection que les règles de la PPSA devraient s’appliquer pour déterminer laquelle de deux garanties consenties en vertu de cette loi a priorité de rang. Toutefois, cette réponse ne serait pas compatible avec la thèse de la permission, qui suppose que la garantie initiale sur les biens figurant dans un inventaire prend fin là où commencent des obligations contractées dans le cours normal des affaires. La garantie subséquente l’emporterait parce que la précédente s’effacerait devant elle.

10 Il est loisible à mon collègue de distinguer la situation de fait en l’espèce d’avec les luttes hypothétiques pour obtenir la priorité de rang, que j’ai mentionnées, parce que le droit que Sa Majesté possède sur les biens figurant dans l’inventaire diffère des autres privilèges dont ils sont grevés du fait qu’il repose sur l’instrument fictif de la présomption. Ce qui distingue la présente affaire, pourrait-on affirmer, est le fait que la LIR présume que ce qui aurait pu être accompli a été accompli. Suivant cette interprétation, il importe peu, que les biens figurant dans l’inventaire n’aient pas été réellement vendus et que le produit n’ait pas été réellement versé au receveur général, parce que les par. 227(4) et (5) LIR présument que ces actes ont été accomplis. Mais à mon avis, cette réponse ne saurait être retenue parce que les biens figurant dans l’inventaire n’étaient pas un actif libre de toute charge au moment où l’impôt est devenu exigible. Ils étaient assujettis à la garantie de l’intimée et appartenaient donc légalement à cette dernière et ne pouvaient être visés par la fiducie réputée. Comme le juge Gonthier le dit lui-même (au par. 39):

. . . [le paragraphe 227(4)] ne permet pas à Sa Majesté de faire valoir son droit à titre bénéficiaire sur un bien qui, au moment de la liquidation, cession, mise sous séquestre ou faillite, appartient à quelqu’un d’autre que le débiteur fiscal.

11 La présomption n’est donc pas un moyen de supprimer une garantie existante. Elle permet plutôt de retourner en arrière pour chercher un élément d’actif qui, au moment où l’impôt est devenu exigible, n’était pas assujetti à une garantie opposée. Bref, la disposition en matière de fiducie réputée ne peut s’appliquer que s’il est préalablement déterminé qu’il existe des éléments d’actifs libres de toute charge qui peuvent faire l’objet d’une fiducie réputée. La présomption suit la réponse à la question de la garantie mobilière; elle ne détermine pas cette réponse.

12 En fait, le juge Gonthier considère que la nature particulière de la fiducie réputée peut justifier l’établissement d’une distinction entre le droit de Sa Majesté et les droits opposés. Toutefois, son argument diffère de celui que j’ai exposé dans la mesure où il met l’accent sur l’exécution réputée de l’obligation qui existe envers Sa Majesté. Mon collègue semble considérer que la permission de vendre ne contribue à réduire la valeur de la garantie qu’à l’égard des obligations exécutées et non à l’égard des obligations inexécutées. À son avis, cela représente un obstacle suffisant à la thèse de la permission. Je conviens que, si la distinction entre les obligations exécutées et les obligations inexécutées pouvait être maintenue, la probabilité que la permission anéantisse la garantie serait alors considérablement réduite. J’estime cependant que cette distinction ne saurait être maintenue. Comme le juge Gonthier l’affirme à plus d’une reprise dans ses motifs, la thèse de la permission repose sur le consentement des parties. Toutefois, les parties en l’espèce ont consenti à ce que les biens figurant dans l’inventaire soient vendus [traduction] «dans le cours normal de[s] affaires [du débiteur]». Les termes utilisés sont formels. Aucune distinction n’est établie entre les obligations exécutées et les obligations inexécutées. La seule exécution prévue par la permission est la vente réelle des biens figurant dans l’inventaire et l’utilisation du produit de cette vente pour rembourser une dette. Comme je l’ai déjà affirmé, le mécanisme de la présomption ne satisfait pas à l’exigence de vente réelle. Je conclus donc que si l’on veut rendre justice au libellé de la permission en tant qu’indice de l’intention des parties, il ne saurait y avoir de distinction entre les obligations exécutées et les obligations inexécutées.

13 Mon collègue attache beaucoup d’importance au fait que le débiteur s’est engagé, dans la convention de garantie générale, à [traduction] «payer tous les impôts, tarifs, redevances, cotisations et autres sommes de toute nature qui peuvent être légalement perçues, cotisées ou imposées à l’égard du débiteur ou d’un bien donné en garantie, lorsque ces sommes sont dues et exigibles». Toutefois, cet engagement qui, du reste, n’est qu’un engagement à respecter la loi, ne fait pas partie de la permission donnée. Il n’ajoute rien au par. 153(1) LIR. Il ne prescrit pas non plus l’issue d’une lutte pour obtenir la priorité de rang. Qui plus est, l’engagement à payer des impôts n’est qu’un seul parmi plusieurs engagements contenus dans la convention. Un autre engagement veut que le débiteur [traduction] «exploite [son] entreprise [. . .] d’une manière appropriée et efficiente». Le débiteur pourrait vraisemblablement contracter des dettes subséquentes en exploitant son entreprise. Le juge Gonthier n’énonce aucun principe qui pourrait permettre de régler les luttes que Sa Majesté et des prêteurs subséquents se feraient pour obtenir la priorité de rang. En cas de conflit, chacun d’eux bénéficierait de la permission de vendre les biens figurant dans l’inventaire ainsi que d’engagements explicites, de sorte qu’il faudrait trouver un autre critère pour déterminer qui a priorité. Ici, comme auparavant, la perspective d’un renversement des règles ordinaires en matière de priorité est immédiate et inquiétante.

14 Mon collègue s’appuie également sur des commentaires formulés dans l’arrêt FBDB. Dans cette affaire, la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a affirmé, après s’être fondée sur un autre motif pour statuer sur l’appel, qu’une permission de vendre les biens figurant dans un inventaire est assortie de l’exigence que le bénéficiaire de l’autorisation s’acquitte des obligations contractées en [traduction] «aliénant les stocks dans le cours normal des affaires»: FBDB, précité, à la p. 40. Parce que l’obligation de mettre de côté le montant de la taxe de vente provinciale constitue une «particularité juridique» de la vente de biens figurant dans un inventaire, un privilège pour taxe de vente impayée est visé par la permission et, partant, exempté de toute garantie qui y est assujettie: idem.

15 Si je comprends bien les commentaires formulés dans FBDB, la permission de vendre les biens figurant dans un inventaire autorise l’exécution d’obligations sur le produit de cette vente dans la mesure seulement où celles-ci constituent des «particularités juridiques» de la vente. La portée de la thèse de la permission de vendre s’en trouve donc considérablement limitée. Étant donné que le versement d’un salaire n’est pas une «particularité juridique» de la vente de biens figurant dans un inventaire, sauf peut-être pour les agents de vente, la retenue d’impôt sur le revenu effectuée sur un salaire n’est pas visée par la permission. Ce facteur paraîtrait, à lui seul, suffisant pour distinguer l’affaire FBDB d’avec le présent pourvoi.

16 Je crois cependant qu’un examen plus approfondi de l’arrêt FBDB permet de constater qu’il ne repose même pas sur une thèse de la permission, ou du moins pas sur une thèse de la permission comme celle avancée par mon collègue. J’affirme cela parce qu’il envisage, dans ses motifs, un privilège grevant la valeur des biens qui figurent dans l’inventaire par suite de la mise à exécution de la permission. Mais la taxe de vente qui était en cause dans FBDB ne grevait pas la valeur des biens figurant dans l’inventaire. Elle était plutôt surajoutée à la valeur sous-jacente, en ce sens qu’elle était calculée à partir du prix de vente de ces biens. Ainsi, la taxe de vente applicable à la vente des biens figurant dans un inventaire est quelque chose qui s’ajoute à la valeur de ces biens. Parce que le privilège d’une banque grève les biens figurant dans un inventaire, il n’a pas une portée aussi large que la taxe de vente générée par la vente de ces biens. Toutefois, l’impôt sur le revenu diffère de la taxe de vente du fait qu’il n’est pas lié aussi directement à la vente des biens figurant dans un inventaire que l’est la taxe de vente. Dans la mesure où il existe un lien entre l’impôt sur le revenu et le produit de la vente des biens figurant dans un inventaire, l’impôt est payable sur les sommes équivalant à la valeur de ces biens qui ont été vendus. Le privilège d’une banque sur les biens figurant dans un inventaire est donc suffisant pour faire échouer les réclamations subséquentes au titre de l’impôt sur le revenu. C’est pourquoi le raisonnement du juge McLachlin dans FBDB n’est pas contraire à ce que j’avance ici.

17 Je tiens également à mentionner que, lorsque l’arrêt FBDB a été rendu en 1988, la Personal Property Security Act de la Colombie-Britannique, S.B.C. 1989, ch. 36, n’était pas en vigueur. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique n’est donc pas aux prises avec les facteurs législatifs auxquels nous devons faire face en l’espèce. En particulier, les lois de la Colombie-Britannique ne comportaient, à l’époque, aucune disposition équivalente au par. 28(1) de la PPSA de l’Alberta. La Cour d’appel jouissait donc d’une plus grande lattitude que nous pour interpréter la permission de vendre comme un consentement tacite à la réduction de la garantie sur les biens figurant dans l’inventaire. Il me semble que, par suite de l’adoption de la PPSA, il faut plus qu’une simple permission de vendre pour justifier la conclusion qu’un créancier a voulu réduire considérablement la garantie qu’il possède sur les biens figurant dans un inventaire.

18 C’est ainsi que je conclus que la permission de vendre les biens figurant dans l’inventaire du débiteur n’est pas une exception au privilège fixe et spécifique que l’intimée détient sur ces biens. Conclure le contraire ferait perdre tout son sens à la garantie de l’intimée. Cela ne veut pas dire, toutefois, que le législateur fédéral ne pourrait pas légiférer autrement. Celui-ci a montré qu’il sait comment revendiquer la priorité de rang sur des garanties opposées. Voir Alberta (Treasury Branches) c. M.R.N.; Banque Toronto-Dominion c. M.R.N., [1996] 1 R.C.S. 963, à la p. 975. Tout ce qui est nécessaire pour devancer un privilège fixe et spécifique est un langage clair en ce sens.

19 Bien que je considère que les arguments juridiques susmentionnés sont suffisants pour trancher le présent pourvoi, je constate que des considérations de principe militent également en faveur de la conclusion à laquelle je suis parvenu.

20 À cet égard, la première chose à noter est que la convention de garantie liant le débiteur et l’intimée en l’espèce est un exemple de mécanisme de financement très courant et important. Le commerce, dans notre pays, dépend en grande partie de la vitalité de ces conventions. Comme plusieurs auteurs importants l’ont fait remarquer, les sommes en jeu s’élèvent à des milliards de dollars chaque année, et même si les créanciers ne demandent pas tous des garanties, des facteurs puissants les incitent à le faire. Voir Jacob S. Ziegel, Benjamin Geva et R. C. C. Cuming, Commercial and Consumer Transactions (2e éd. rév. 1990), aux pp. 957 à 960. Il est donc dangereux de remanier des garanties. L’innovation judiciaire dans ce domaine du droit comporte des risques considérables.

21 Parmi ceux-ci, le plus important est le risque qui découle de l’incertitude juridique. Si la règle de droit n’est pas claire, les financiers de biens figurant dans un inventaire devront se prémunir contre le risque qu’une réclamation opposée fasse obstacle à leur garantie. Le danger est d’autant plus grave lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, on utilise une expression aussi générale que «dans le cours normal des affaires». À cet égard, je souscris aux propos que le professeur Roderick J. Wood tient dans son article intitulé «Revenue Canada’s Deemed Trust Extends Its Tentacles: Royal Bank of Canada v. Sparrow Electric Corp.» (1995), 10 B.F.L.R. 429, à la p. 429, que mentionne mon collègue:

[traduction] . . . la proposition selon laquelle une règle en matière de priorité doit être susceptible de produire des résultats raisonnablement prévisibles est peu controversée. Une règle obscure en matière de priorité engendre un certain nombre de coûts sociaux. Elle force les créanciers à planifier leurs affaires en fonction de résultats moins sûrs. Les règles obscures génèrent plus de litiges que les règles claires. Une règle obscure finit parfois par devenir une règle claire grâce au processus d’interprétation judiciaire. Cependant, il s’agit là d’un processus fragmentaire qui est souvent très lent.

22 En fait, les conséquences de la méthode adoptée par mon collègue pourraient être encore plus terribles que ne le suppose le professeur Wood, du fait que, comme je l’ai signalé, presque tous les arrangements financiers subséquents pourraient être pris dans le cours normal des affaires. Il se peut donc réellement que la règle proposée par mon collègue réduise à néant le privilège constitué, en vertu de la PPSA, sur les biens figurant dans un inventaire. Il faudrait probablement augmenter les coûts du financement pour se prémunir contre ce résultat. Je conviens que si le législateur prescrivait un tel résultat, les tribunaux devraient forcément l’accepter. Cependant, les juges ne devraient pas s’empresser de souscrire à une conséquence aussi grave à moins que le législateur ne les oblige clairement à le faire.

23 De plus, pour les raisons que j’ai déjà exposées, il est fort probable qu’une interprétation large de la thèse de la permission contreviendrait à la PPSA. La Loi prévoit clairement que le financement des biens figurant dans un inventaire est un outil commercial important. Toutefois, permettre que la simple mise à exécution potentielle d’une permission de vendre fasse obstacle à une garantie sur les biens figurant dans un inventaire dépouillerait cette garantie de toute efficacité. Ce ne serait plus une garantie contre des obligations subséquentes.

24 Finalement, je tiens à souligner qu’il est loisible au législateur d’intervenir et d’accorder la priorité absolue à la fiducie réputée. Le paragraphe 224(1.2) LIR illustre clairement comment cela pourrait se faire. Cette disposition attribue à Sa Majesté certaines sommes «malgré toute autre garantie au titre de ce[s] somme[s]», et prévoit qu’elles «doi[vent] être payée[s] au receveur général par priorité sur toute autre garantie au titre de ce[s] somme[s]». Pour obtenir le résultat souhaité, il suffit d’utiliser des termes aussi clairs. En l’absence de pareils termes, l’innovation judiciaire n’est pas souhaitable parce qu’il s’agit d’une question qui regorge de considérations de principe et parce qu’une prescription du législateur est plus susceptible d’être claire qu’une règle dont les limites précises ne seront établies que par suite d’une longue et coûteuse série de poursuites.

25 Il reste à formuler quelques remarques en guise de conclusion. Parce que je crois que la convention de garantie générale de l’intimée lui a conféré un privilège fixe et spécifique sur les biens figurant dans l’inventaire du débiteur, et parce que je conclus que la permission de vendre ces biens ne diminue pas la garantie de l’intimée, je suis d’avis qu’il y a lieu de rejeter le présent pourvoi. Je n’ai pas à décider si la garantie de la Loi sur les banques aurait aussi priorité sur la fiducie réputée, même si, compte tenu du fait que la permission de vendre des biens figurant dans l’inventaire, sous le régime de cette dernière garantie, n’est qu’implicite, je ne vois pas comment Sa Majesté pourrait détenir un droit plus important en vertu de la Loi sur les banques qu’en vertu de la PPSA.

26 Par conséquent, je rejetterais le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens, les juges La Forest, Gonthier et Cory sont dissidents.

Procureur de l’appelante: Le procureur général du Canada, Ottawa.

Procureurs de l’intimée: Milner, Fenerty, Edmonton.


Synthèse
Référence neutre : [1997] 1 R.C.S. 411 ?
Date de la décision : 27/02/1997

Parties
Demandeurs : Banque royale du Canada
Défendeurs : Sparrow Electric Corp.
Proposition de citation de la décision: Banque royale du Canada c. Sparrow Electric Corp., [1997] 1 R.C.S. 411 (27 février 1997)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1997-02-27;.1997..1.r.c.s..411 ?
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