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31/10/1996 | CANADA | N°[1996]_3_R.C.S._415

Canada | Banque Manuvie du Canada c. Conlin, [1996] 3 R.C.S. 415 (31 octobre 1996)


Banque Manuvie du Canada c. Conlin, [1996] 3 R.C.S. 415

Banque Manuvie du Canada Appelante

c.

John Joseph Conlin Intimé

Répertorié: Banque Manuvie du Canada c. Conlin

No du greffe: 24499.

1996: 30 mai; 1996: 31 octobre.

Présents: Les juges La Forest, L’Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (1994), 20 O.R. (3d) 499, 120 D.L.R. (4th) 234, 41 R.P.R. (2d) 283, 75 O.A.C. 117, 17 B.L.R. (2d) 143, qui a i

nfirmé une décision de la Cour de l’Ontario (Division générale) qui avait conclu que l’intimé était responsable du paie...

Banque Manuvie du Canada c. Conlin, [1996] 3 R.C.S. 415

Banque Manuvie du Canada Appelante

c.

John Joseph Conlin Intimé

Répertorié: Banque Manuvie du Canada c. Conlin

No du greffe: 24499.

1996: 30 mai; 1996: 31 octobre.

Présents: Les juges La Forest, L’Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (1994), 20 O.R. (3d) 499, 120 D.L.R. (4th) 234, 41 R.P.R. (2d) 283, 75 O.A.C. 117, 17 B.L.R. (2d) 143, qui a infirmé une décision de la Cour de l’Ontario (Division générale) qui avait conclu que l’intimé était responsable du paiement d’une hypothèque. Pourvoi rejeté, les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier et Iacobucci sont dissidents.

H. Stephen Lee, pour l’appelante.

Raymond F. Leach et Barbara F. Fischer, pour l’intimé.

//Le juge Cory//

Version française du jugement des juges La Forest, Sopinka, Cory et Major rendu par

1. Le juge Cory — J’ai lu avec grand intérêt les motifs clairs et concis du juge Iacobucci. Je suis d’accord avec sa conclusion que la Cour d’appel avait compétence pour délivrer l’ordonnance rejetant l’action contre l’intimé. Toutefois, je dois exprimer mon désaccord avec sa conclusion qu’en vertu des conditions du cautionnement l’intimé a renoncé au droit qu’une caution possède en equity d’être libérée en cas de renouvellement du prêt hypothécaire où l’échéance et le taux d’intérêt sont modifiés sans son consentement.

La situation de la caution en vertu de l’equity et de la common law

2. Il est clair depuis longtemps que la caution est libérée de sa responsabilité en vertu du cautionnement lorsque le créancier et le débiteur principal conviennent d’apporter une modification importante aux conditions de la dette contractuelle sans son consentement. Ce principe est énoncé ainsi par le lord juge Cotton dans l’arrêt Holme c. Brunskill (1878), 3 Q.B.D. 495 (C.A.), aux pp. 505 et 506:

[traduction] La véritable règle est, à mon avis, la suivante: s’il y a une convention entre les parties principales quant au contrat cautionné, la caution doit être consultée et, si elle n’a pas consenti à la modification, même dans le cas où il est parfaitement évident que la modification n’est pas importante ou qu’elle ne peut que lui être profitable, la caution ne peut être libérée; cependant, s’il n’est pas évident en soi que la modification n’est pas importante ou qu’elle n’est pas susceptible de porter préjudice à la caution, la cour [. . .] statuera alors qu’il revient à la caution elle‑même de décider si elle consent à rester liée nonobstant la modification, et si elle ne donne pas ce consentement, elle sera libérée.

Cette règle a été adoptée dans un certain nombre de décisions canadiennes. Voir, par exemple, l’arrêt Banque de Montréal c. Wilder, [1986] 2 R.C.S. 551, à la p. 562.

3. La règle est fondée sur le raisonnement selon lequel toute modification importante du contrat principal a pour résultat de modifier les conditions auxquelles la responsabilité de la caution devait être engagée, ce qui a pour effet de modifier le risque auquel la caution est exposée. Ce raisonnement a été formulé par le professeur K. P. McGuinness dans The Law of Guarantee (2e éd. 1996), à la p. 534:

[traduction] Le fondement de la règle d’equity est certainement compatible avec le courant de pensée traditionnel, mais il est juste de se demander s’il est nécessaire d’invoquer de quelque façon l’equity pour conclure que, dans le cas où une modification importante est apportée au contrat principal sans le consentement de la caution, cette dernière ne verra pas sa responsabilité engagée en cas d’inexécution subséquente. Au fond, un cautionnement particulier ou distinct (par opposition à un cautionnement général) est un engagement par lequel la caution se porte garante des risques découlant d’un contrat particulier avec le débiteur principal. Si ce contrat est modifié de manière à changer la nature et l’ampleur des risques qui en découlent, la modification n’a pas tant pour effet d’annuler la responsabilité de la caution que de soustraire le créancier à la protection que le cautionnement accorde. Sous cet angle, la défense de la caution paraît reposer sur la common law plutôt que sur l’equity: ce n’est pas que la caution n’assume plus aucune responsabilité relativement au contrat initial, mais plutôt que le contrat initial pour lequel la caution a assumé une responsabilité ne s’applique plus. En modifiant le contrat principal sans le consentement de la caution, le créancier le fait à ses risques et périls, et si une malchance survient, elle survient uniquement aux dépens du créancier. Une façon d’aborder la défense sous l’angle de la common law est attrayante à certains égards, parce que cela fait passer le droit de la caution de se défendre, dans le cas où il y a eu modification importante, du domaine discrétionnaire et donc relativement incertain de l’equity au domaine plus absolu et certain de la common law. De toute manière, il est clair, très certainement en equity et fort probablement en common law aussi, que la modification importante du contrat principal effectuée sans le consentement de la caution (à moins qu’elle ne l’ait ratifiée ultérieurement) aura pour résultat de libérer la caution de sa responsabilité aux termes du cautionnement.

Il écrit ensuite, à la p. 541:

[traduction] Si le risque auquel la caution est exposée est modifié, la libération totale de la caution se justifie facilement. Modifier le contrat principal, c’est modifier le motif pour lequel la caution a convenu d’être responsable. La responsabilité de la caution se limite au contrat pour lequel elle s’est portée garante. Si les conditions de ce contrat (et donc les conditions du risque auquel est exposée la caution) sont modifiées, alors le créancier ne devrait plus avoir le droit d’exiger de la caution l’exécution de son obligation en vertu du cautionnement. Dans un tel cas, exiger d’une caution qu’elle maintienne son cautionnement équivaudrait à permettre au créancier et au débiteur principal de forcer la caution à se porter garante d’une nouvelle opération. Un tel pouvoir de la part du créancier et du débiteur principal représenterait une dérogation radicale aux principes de consensus et d’acceptation volontaire d’obligations sur lesquels repose le droit des contrats.

Le droit de la caution de renoncer par contrat à la protection de la common law

4. De façon générale, il est loisible aux parties de conclure leurs propres arrangements. Il s’ensuit qu’une caution peut renoncer par contrat à la protection que lui accorde la common law ou l’equity; voir, par exemple, l’arrêt Bauer c. Banque de Montréal, [1980] 2 R.C.S. 102, à la p. 107. La Cour d’appel de l’Ontario a ajouté, à juste titre selon moi, que toute renonciation par contrat au principe d’equity doit être claire. Voir First City Capital Ltd. c. Hall (1993), 11 O.R. (3d) 792 (C.A.), à la p. 796.

5. Dans The Law of Guarantee, op. cit., le professeur McGuinness explique ainsi ce principe, à la p. 546:

[traduction] Il y a certaines modifications des conditions d’un contrat principal (ou dérogations à ces conditions) qui n’auront pas pour effet de libérer la caution à l’égard de ce contrat, même si ces modifications peuvent être importantes. Par exemple, si les modifications du contrat principal ont été précisément autorisées par la caution ou si elles étaient par ailleurs prévues par le contrat, la caution ne sera pas libérée. De même, les modifications autorisées apportées au cautionnement ne libéreront pas la caution de sa responsabilité.

La question de savoir si ces modifications sont autorisées ou prévues est une question d’interprétation.

À la page 547, l’auteur ajoute à l’intention des établissements de crédit le sage conseil suivant:

[traduction] Étant donné que les tribunaux ont tendance à donner une interprétation restrictive aux dispositions des contrats types de cautionnement qui autorisent ces modifications, il serait extrêmement imprudent, de la part d’un créancier, de convenir de faire des modifications sans d’abord obtenir préalablement le consentement de la caution, sauf lorsqu’il est clairement autorisé à agir de son propre chef. Lorsque le créancier cherche à démontrer que la convention de cautionnement lui accorde une autorisation générale d’apporter des modifications importantes au contrat principal, il doit être écrit très clairement qu’on a voulu conférer ce droit. [Je souligne.]

6. Pour savoir si la responsabilité de la caution subsiste, il faut interpréter le contrat liant les parties et déterminer leur intention eu égard aux mots qu’elles ont utilisés et aux circonstances de l’ensemble de l’opération.

Principes d’interprétation

7. De nombreux cautionnements, voir la plupart, sont consentis au moyen d’un contrat d’adhésion. En d’autres termes, le document proposé par l’établissement de crédit est une formule type. L’emprunteur et la caution ne participent que peu ou pas du tout à la négociation de la convention. Ils ne peuvent rien faire d’autre que d’accepter les conditions du prêt, s’ils veulent qu’il leur soit accordé. Souvent, les cautions sont des membres de la famille qui ont une expérience limitée des affaires. C’est par complaisance pour un membre de la famille ou un ami qu’elles souscrivent le cautionnement. Bien des cautions sont des personnes non averties et vulnérables. Pourtant le cautionnement accordé à titre de faveur peut engendrer une tragédie financière pour la caution. Si les arguments de la banque sont retenus, cela signifiera, en fait, que, sans avoir bénéficié d’un avis ou de quelque autre contrepartie, la caution sera liée indéfiniment par d’autres hypothèques souscrites par le débiteur hypothécaire à des conditions et à des taux d’intérêt variables. La caution n’a aucun contrôle sur la situation. La position adoptée par la banque, à supposer que ce soit la bonne, peut avoir de graves conséquences à long terme. Lorsqu’elles se seront rendu compte de l’ampleur de leur responsabilité, les cautions disparaîtront inévitablement du paysage de sorte que de nombreux prêts tout simples ne seront pas conclus faute de caution.

8. À mon avis, il est parfaitement juste d’appliquer la règle contra proferentem selon laquelle une clause de cautionnement ambiguë doit être interprétée au détriment de la partie qui l’a rédigée. C’est une façon raisonnable et satisfaisante d’aborder la situation étant donné que les établissements de crédit qui rédigent normalement ces conventions peuvent facilement modifier leurs documents de façon à ce qu’ils ne comportent aucune ambiguïté. La doctrine appuie ce principe.

9. Dans The Law of Contract in Canada (3e éd. 1994), aux pp. 470 et 471, G. H. L. Fridman décrit ainsi la situation:

[traduction] La règle contra proferentem est d’une grande importance, particulièrement lorsque la clause interprétée crée une exonération totale ou partielle de responsabilité . . .

Lorsque le contrat est ambigu, l’application de la règle contra proferentem assure que l’interprétation la moins favorable à l’auteur du document sera retenue.

Dans The Law of Guarantee, op. cit., aux pp. 612 et 613, le professeur McGuinness explique ainsi l’application de la règle:

[traduction] . . . la règle d’interprétation contra proferentem (en vertu de laquelle les dispositions d’une convention qui y ont été incluses par une partie pour sa propre protection sont sujettes à une interprétation restrictive) offre aux tribunaux un moyen de restreindre la portée de dispositions extrêmement générales qui ont pour effet d’éliminer les droits de la caution. La justification d’une telle interprétation restrictive de ces dispositions est claire: c’est une chose que de dire qu’une partie peut, si elle le désire, consentir à assumer un fardeau excessif et renoncer aux droits que la common law lui reconnaît généralement pour sa protection. C’est une toute autre chose que de présumer que les parties veulent nécessairement souscrire à de telles obligations. Il est plus naturel de présumer le contraire. Lorsque le cautionnement a été rédigé par le créancier et qu’il y a une ambiguïté ou une imprécision dans une clause qui a pour effet de limiter les droits d’une caution, il n’est que juste que l’ambiguïté soit dissipée au détriment de la partie qui a préparé le document. Si le créancier désire retirer un droit à la caution, il doit le préciser clairement dans le document.

McGuinness explique, en outre, le principe et sa justification en ces termes, à la p. 244:

[traduction] Lorsque c’est le créancier qui a rédigé les conditions du contrat, il serait logique que le cautionnement soit interprété de façon restrictive et donc au détriment du créancier. On prétend que la règle à appliquer est la suivante: s’il n’y a qu’une façon raisonnable d’interpréter les termes d’un cautionnement, cette interprétation doit être donnée au cautionnement. Dans ce cas, la règle contra proferentem ne joue pas. Toutefois, si la convention est ambiguë en ce sens qu’il y a deux interprétations ou plus qui pourraient raisonnablement lui être données, le cautionnement doit être interprété au détriment de la partie qui l’a rédigé ou qui en a proposé l’adoption, que ce soit le créancier ou la caution.

10. De même, notre Cour a affirmé que la caution est, aux yeux de la common law, un créancier privilégié dont l’obligation devrait être interprétée et exécutée strictement. C’est ce qui ressort des motifs du juge Davis dans Holland‑Canada Mortgage Co. c. Hutchings, [1936] R.C.S. 165, à la p. 172:

[traduction] La caution a toujours été un créancier privilégié aux yeux de la common law. Son obligation est interprétée et exécutée strictement.

Il ajoute:

[traduction] «Il faut toujours se souvenir», a dit lord Westbury, dans Blest c. Brown (1862), 4 De G. F. & J. 367, à la p. 376,

de quelle façon la caution est liée. Vous l’obligez à respecter son engagement à la lettre. Au‑delà de l’interprétation correcte de cet engagement, vous n’avez aucun pouvoir sur elle. Elle ne touche aucun avantage ni aucune contrepartie. Elle n’est donc liée qu’en vertu de l’interprétation et de l’effet réguliers de l’engagement écrit qu’elle a souscrit. Si la moindre modification est apportée à cet engagement, peu importe que ce soit à son avantage ou que la modification ait été faite innocemment, elle a le droit de dire: «Le contrat n’est plus celui que je me suis engagée à cautionner; vous avez mis fin au contrat dont je me suis portée garante et, par conséquent, mon obligation n’existe plus.»

Sauf stipulation expresse contraire, si la modification porte sur une question qui ne peut pas «de toute évidence et indéniablement être considérée comme non importante ou nécessairement profitable à la caution,» [. . .] la caution, si elle n’a pas consenti à demeurer responsable en dépit de la modification, sera libérée, peu importe que la modification lui soit préjudiciable ou pas.

Ces commentaires sont aussi vrais aujourd’hui qu’ils l’étaient à l’époque où ils ont été rédigés.

11. L’appelante soutient que ce principe d’interprétation a été abandonné et, à ce propos, elle invoque les motifs de notre Cour dans l’arrêt Bauer, précité. Je ne puis souscrire à cet argument. La question en litige dans cet arrêt était de savoir si une certaine clause du cautionnement était une clause d’exonération et si elle était, ainsi, assujettie aux règles spéciales d’interprétation applicables à ces clauses. On a statué que la clause en question n’était pas, en réalité, une clause d’exonération. La Cour n’a pas abordé expressément la question générale de savoir si l’étendue des obligations d’une caution devait être interprétée restrictivement. Il est également révélateur que la Cour d’appel de l’Alberta ait conclu, dans Alberta Opportunity Co. c. Schinnour, [1991] 2 W.W.R. 624, que la clause qu’elle examinait était analogue à celle en cause dans Bauer. Elle a néanmoins décidé, à juste titre selon moi, qu’elle devait être interprétée selon les règles générales d’interprétation. À mon sens, ces règles doivent comprendre la règle contra proferentem et seront ainsi généralement applicables aux clauses de cautionnement.

12. Le point de vue énoncé dans Holland‑Canada Mortgage Co., précité, a été confirmé dans Citadel General Assurance Co. c. Johns‑Manville Canada Inc., [1983] 1 R.C.S. 513. À la page 521, la Cour affirme que les «cautions de complaisance» sont celles qui ont conclu le contrat de cautionnement «en espérant peu de rétribution, si ce n’est aucune, et dans le but de rendre service à d’autres personnes ou de les aider à réaliser leur projet». La protection accordée à cette catégorie de cautions est également expliquée, à la p. 521:

En ce qui les concerne, la loi s’est avisée de les protéger en interprétant leurs obligations de façon stricte et en les limitant aux conditions précises du contrat de cautionnement.

13. Ces cautions ont été comparées aux «cautions rétribuées» qui garantissent l’exécution et le paiement moyennant une contrepartie. La Cour statue, au sujet de cette dernière catégorie de cautions, à la p. 524:

. . . dans le cas de caution rétribuée il ne faut pas que toutes les dérogations au contrat de garantie, même mineures, ni toutes les omissions du réclamant de se conformer aux conditions du cautionnement, si minimes soient‑elles, permettent à la caution d’échapper à sa responsabilité.

Bien que, dans cette affaire, le litige ait principalement porté sur la distinction entre les cautions de complaisance et les cautions rétribuées, ces propos représentent néanmoins l’opinion réfléchie de la Cour. Ils sont exacts quant à moi.

14. Je ferais remarquer en passant que la caution, dans la présente affaire, tombe dans la catégorie des cautions de complaisance.

15. Il s’ensuit que, s’il y a un doute ou une ambiguïté quant à l’interprétation ou au sens des clauses liant la caution en l’espèce, ces clauses doivent être interprétées de façon restrictive et en faveur de la caution. De plus, en raison de la situation privilégiée des cautions, les clauses qui les lient doivent être interprétées de façon restrictive.

16. Finalement, l’interprétation de la clause de cautionnement doit tenir compte du contexte de toute l’opération. Cela découle logiquement du point de vue de la banque selon lequel la convention de renouvellement faisait partie intégrante du contrat de cautionnement initial. Je crois que ce point de vue est exact. Il s’ensuit que la justice exige que l’on examine toute l’opération, y compris les conditions et les arrangements relatifs à la convention de renouvellement.

Application des principes d’interprétation à la convention de cautionnement et de renouvellement en l’espèce

17. Il peut être utile de reproduire à nouveau les clauses 34 et 7 de la convention de cautionnement initiale et de se rappeler que la convention de renouvellement exigeait la signature de la caution.

Clause 34: Cautionnement et indemnité

[traduction] EST UNE CONDITION du prêt garanti par la présente hypothèque que nous, les cautions, à savoir John Joseph Conlin et Conlin Engineering & Planning Ltd., souscrivions aux engagements stipulés aux présentes, et que, par conséquent, nous, lesdites cautions, en notre propre nom, au nom de nos héritiers, exécuteurs, administrateurs et ayants droit respectifs, en contrepartie dudit prêt consenti par le créancier hypothécaire, convenions, promettions et acceptions solidairement, aux présentes, à titre de débiteurs principaux et non de cautions, ensemble ou individuellement, de payer ou de faire payer bel et bien au créancier hypothécaire le capital et toutes les autres sommes garantis par les présentes, de même que les intérêts sur ces sommes au moment et de la manière stipulés dans la présente hypothèque, et que, relativement à toute question concernant la présente hypothèque, nous observions, remplissions et respections bel et bien tous et chacun des engagements, réserves, conditions, conventions et stipulations de la présente hypothèque, et que, par les présentes, nous convenions de respecter tous les engagements, réserves, conditions, conventions et stipulations de la présente hypothèque qui lient le débiteur hypothécaire; et que nous convenions que cet engagement nous liera toutes, ensemble et individuellement, nonobstant l’attribution d’un délai de paiement de la présente hypothèque ou la modification de ses conditions de paiement ou de son taux d’intérêt, ou le fait que l’une ou l’autre de nous obtienne une libération complète ou partielle ou un engagement de ne pas faire l’objet de poursuites; et que nous convenions toutes et chacune que le créancier hypothécaire puisse renoncer au droit de résiliation pour violation et accepter d’autres engagements, cautionnements ou sûretés sans nous donner avis à toutes ou à l’une ou l’autre de nous, et sans que cela nous libère de notre responsabilité continue aux termes des présentes, qui subsistera jusqu’au paiement complet du capital et de toutes les autres sommes garantis par les présentes.

Clause 7: Renouvellement ou prorogation de délai

POURVU qu’aucune prorogation de délai accordée par le créancier hypothécaire au débiteur hypothécaire, ou à toute personne cherchant à s’en prévaloir, ou qu’aucune autre négociation entre le créancier hypothécaire et le détenteur du droit de rachat desdits terrains n’affecte ou ne compromette de quelque façon que ce soit les droits que le créancier hypothécaire peut exercer contre le débiteur hypothécaire ou toute autre personne responsable du paiement des sommes garanties par les présentes, et que la présente hypothèque puisse être renouvelée par convention écrite pour quelque durée que ce soit, avec ou sans augmentation du taux d’intérêt, ou que l’une ou l’autre de ses conditions puisse être modifiée à l’occasion, notamment, sans limiter la portée de ce qui précède, que le taux d’intérêt ou le capital puisse être augmenté nonobstant toute charge ultérieure. Et il ne sera pas nécessaire d’enregistrer une telle convention pour conserver la priorité de rang de l’hypothèque ainsi modifiée par rapport à tout instrument délivré ou enregistré après la présente hypothèque.

18. L’avocat de l’appelante a soutenu qu’il n’y avait aucune ambiguïté dans ces clauses et qu’elles prévoyaient clairement que l’intimé continuait d’assumer ses obligations de caution malgré la convention de renouvellement. L’avocat de l’intimé est arrivé exactement à la conclusion contraire. Il a prétendu que, selon le sens ordinaire de ces clauses, la caution n’était pas liée. Un observateur quelque peu cynique pourrait conclure qu’il n’y a rien d’étonnant à ce que les avocats des parties opposées adoptent ces positions. Cependant, il n’est pas possible de tirer la même conclusion en ce qui concerne les juges qui ont examiné ces clauses. Le juge du procès et le juge dissident de la Cour d’appel sont arrivés à la même conclusion que l’appelante. La Cour d’appel à la majorité a conclu le contraire. Le fait que des juges compétents et expérimentés puissent être arrivés à des conclusions opposées en ce qui concerne les clauses en question pourrait bien nous amener à soupçonner que le sens de ces clauses n’est pas clair, somme toute, qu’elles sont ambiguës. Évidemment, si c’est le cas, il y a lieu d’appliquer la règle contra proferentem. Toutefois, pour les motifs exposés plus haut, je suis d’avis que les clauses indiquent nettement que l’intimé n’était pas lié par la convention de renouvellement. Si je me trompe, l’application éventuelle de la règle contra proferentem renforcerait et appuierait ma conclusion quant à l’interprétation de ses clauses.

L’effet de l’«obligation à titre de débiteur principal» énoncée à la clause 34

19. Dans Canadian Imperial Bank of Commerce c. Patel (1990), 72 O.R. (2d) 109 (H.C.), à la p. 119, on a statué qu’une clause de débiteur principal transformait une caution en un débiteur principal à part entière. Je suis d’accord avec cette conclusion. S’il faut traiter la caution comme un débiteur principal et non comme une caution, alors le défaut de la banque d’aviser l’intimé de la convention de renouvellement et des nouvelles conditions du contrat doit le libérer de ses obligations étant donné qu’il n’est pas partie au renouvellement. Cette conclusion n’exige pas que l’on recoure à des règles d’equity concernant la modification importante de contrats de cautionnement. Il ressort simplement du contrat que le débiteur principal doit être avisé des modifications importantes et y consentir. Il va sans dire qu’une caution qui, en vertu d’une clause de débiteur principal, a le droit d’être avisée des modifications importantes peut, aux termes du contrat, renoncer à ces droits. Cependant, en l’absence d’une renonciation claire à ces droits, une telle caution doit être avisée des modifications importantes et y consentir pour être liée par celles-ci.

20. L’appelante prétend que les mots de la clause 34 [traduction] «nous, lesdites cautions, [...] conven[ons], promett[ons] et accept[ons] [. . .], à titre de débiteurs principaux et non de cautions» indiquent que l’intimé est lié à titre de débiteur principal, sans cependant jouir des droits et avantages d’un débiteur principal, comme le droit d’être avisé d’un renouvellement et la possibilité de négocier et d’accepter les conditions de ce renouvellement. Adopter ce point de vue me semble injuste et déraisonnable.

21. Le débiteur hypothécaire doit, à titre de débiteur principal, être avisé de la convention de renouvellement. Cela ressort clairement de l’exigence que le débiteur hypothécaire signe la convention de renouvellement. La clause de débiteur principal transforme la caution en un débiteur principal à part entière qui assume toutes les responsabilités et les obligations que cette expression implique. Si la caution doit être responsable envers l’établissement de crédit à titre de «débiteur principal à part entière», elle a alors le droit d’être avisée de la convention de renouvellement au même titre que le débiteur principal qu’est le débiteur hypothécaire. C’est sans doute la raison pour laquelle la formule type de la convention de renouvellement comporte un espace pour la signature de la caution. Non seulement la justice et l’equity, mais aussi la désignation de la caution à titre de débiteur principal mènent à la conclusion que la caution doit être avisée du renouvellement et y consentir pour être liée par ses conditions. Une caution qui lirait la clause 34 serait amenée à croire qu’à titre de débiteur principal elle serait avisée du renouvellement de la convention au même titre que le débiteur principal qu’est le débiteur hypothécaire. Si un établissement de crédit souhaite que la caution soit liée à titre de débiteur principal, alors la caution doit avoir les mêmes droits que le débiteur principal, y compris celui d’être avisée d’un renouvellement et d’y consentir à titre de partie.

22. Même si l’on pensait que la clause de débiteur principal ne transforme pas la caution en un débiteur principal, les règles d’equity et de common law qui libèrent la caution de sa responsabilité, lorsque le créancier et le débiteur principal ont modifié sensiblement le contrat sans l’aviser, s’appliqueraient, en l’absence d’un consentement explicite à ce qu’il en soit autrement. En l’espèce, il s’agit de savoir si, soit à titre de débiteur principal, soit à titre de garant, la caution a expressément renoncé par contrat aux protections qui lui sont normalement accordées. Pour répondre à cette question, il faut interpréter les clauses de la convention en fonction de l’ensemble de l’opération, et appliquer les règles d’interprétation appropriées.

Effet de la convention de renouvellement

23. À mon avis, la convention de renouvellement doit être considérée comme une partie intégrante de l’opération. Deux aspects de la convention de renouvellement elle‑même mènent à la conclusion que la caution ne doit pas être liée. Premièrement, je le répète, la convention de renouvellement est une formule type préparée et utilisée par la banque, qui requiert la signature de la caution. Il faut présumer que toutes ces conventions types préparées par la banque, à titre d’établissement de crédit, sont destinées à s’agencer et à se compléter mutuellement. Le fait que la formule type requiert la signature de la caution appuie alors la thèse de l’intimé selon laquelle, aux termes de la convention de prêt initiale, il n’a pas été dépouillé de la protection que l’equity et la common law accordent généralement aux cautions. Au contraire, on s’attendait à ce qu’il signe la convention de renouvellement. Sa signature confirmerait qu’il avait été avisé de la convention et qu’il y consentait.

24. L’appelante soutient que la convention de renouvellement est une simple prorogation de l’hypothèque initiale, prévue dans l’hypothèque même. Il n’y a pas lieu de retenir cet argument. L’hypothèque initiale était pour une durée de trois ans, ce qui n’est pas inhabituel dans le marché hypothécaire actuel. La convention de renouvellement comporte une entente sur la durée d’une nouvelle hypothèque et un nouveau taux d’intérêt. Le document même paraît indiquer que la convention de renouvellement constitue une nouvelle convention hypothécaire. Cela peut se déduire de la disposition qui prévoit:

[traduction] Tous les engagements, conditions, pouvoirs et questions inclus dans ladite hypothèque s’appliquent à la présente convention et en font partie, sauf dans la mesure des modifications apportées aux présentes. [Je souligne.]

25. La formule type indique que bien des modifications de l’hypothèque initiale doivent faire l’objet d’un consentement. Par exemple, le débiteur hypothécaire peut choisir l’échéance du prêt; le taux d’intérêt doit être fixé par convention entre le débiteur hypothécaire et l’établissement de crédit. Si la convention de renouvellement n’est rien de plus qu’une prorogation de l’hypothèque initiale, le tort causé par cette position devient évident. Que penser d’un renouvellement qui prorogerait la durée de l’hypothèque à 25 ans, à un taux d’intérêt sensiblement supérieur? Que penser d’un changement marqué de la situation de la caution qui résulterait d’un nouveau règlement de zonage ou d’un nouveau code du bâtiment, ou d’une modification sensible de l’utilisation des terrains environnants? Affirmer que, malgré les nouvelles circonstances, la caution est, au‑delà des conditions strictes de la convention et en l’absence d’avis, tenue de garantir de façon indéfinie une hypothèque sensiblement modifiée quant à la durée du prêt et quant au taux d’intérêt a de quoi inquiéter.

26. Il est en outre significatif que la convention de renouvellement prévoie que les conditions de l’ancienne hypothèque feront partie de la convention. Elle indique ainsi qu’il s’agit d’une nouvelle convention plutôt qu’une simple prorogation de l’ancienne. Cela renforce mon opinion que l’intimé n’est plus lié par les conditions du cautionnement initial depuis que la convention de renouvellement a été signée sans qu’il en soit avisé.

L’importance de la clause 7 dans la convention initiale

27. À mon avis, les motifs que la Cour d’appel à la majorité, composée des juges Finlayson et Carthy, a exposés en l’espèce sont exacts. Le juge Finlayson écrit ((1994), 20 O.R. (3d) 499, à la p. 513):

[traduction] Dans la clause 7, la mention que la convention de renouvellement a priorité sur toute charge ultérieure m’indique que la personne morale créancière hypothécaire ne songeait pas aux cautions en négociant le présent document [. . .] Certes, il n’y a aucune mention expresse de la convention de renouvellement dans la clause 34. Tout bien considéré et compte tenu du fait que ces documents ont tous été préparés et présentés par la créancière hypothécaire, je conclus que la convention de renouvellement constituait une modification importante de la dette hypothécaire initiale, qui n’était pas prévue par le libellé du cautionnement et qui a pour effet de libérer les cautions de leurs obligations à ce titre.

28. L’interprétation donnée au contrat par le juge Carthy appuie celle du juge Finlayson, mais elle met l’accent sur des aspects différents. Premièrement, le juge Carthy souligne que la clause 34 ne mentionne pas les renouvellements. À son avis, cela est révélateur parce que c’est une condition courante en matière d’hypothèque et qu’on y recourt expressément dans d’autres clauses comme la clause 7. De plus, il a conclu que la clause 34 est parfaitement susceptible de renvoyer de façon cohérente à des modifications des conditions pendant la durée de l’hypothèque initiale même.

29. Il est, je pense, remarquable et révélateur que la clause 7 distingue expressément les prorogations des renouvellements, tant dans sa rubrique que dans son texte même. Cela m’amène a conclure que ces deux termes ne désignent pas la même chose. Étant donné que la clause 7 distingue avec tant de soin les prorogations des renouvellements, ces termes doivent désigner des choses différentes. Tant le dictionnaire juridique Black’s que The Oxford Dictionary donnent des définitions différentes des termes extension (prorogation) et renewal (renouvellement). Black’s Law Dictionary (5e éd. 1979), à la p. 1165, définit le terme «renewal» («renouvellement») comme [traduction] «[l]’action de renouveler ou de remettre en vigueur; la remise en état d’une chose qui vient à expiration; chose faite à nouveau ou rétablie», alors qu’il définit le terme «extension» («prorogation»), à la p. 523, comme étant [traduction] «[u]n accroissement de la durée (par exemple, de l’échéance d’un bail ou d’un billet). Le mot «extension» («prorogation») implique ordinairement l’existence d’une chose qui doit être prorogée». Cela indique clairement qu’une «prorogation» désigne la prolongation d’une convention qui existe déjà, alors que le renouvellement désigne la remise en vigueur d’une convention expirée. The Concise Oxford Dictionary of Current English (9e éd. 1995), à la p. 476, confirme cette distinction en définissant «extend» par [traduction] «allonger ou accroître dans l’espace ou dans le temps» alors que «renew» est défini à la p. 1164 comme [traduction] «remettre en vigueur; régénérer; rénover; rétablir dans l’état original». Il s’ensuit que l’absence de mention d’une convention de renouvellement ou même d’un renouvellement dans la clause 34 donne fortement à penser qu’elle ne s’applique pas à un renouvellement. Si les établissements de crédit souhaitaient que la clause 34 s’applique aux renouvellements, il leur suffirait d’utiliser ce terme spécifique bien connu dans le milieu des prêts hypothécaires.

30. Finalement, la convention de renouvellement mentionne l’incorporation des conditions de l’hypothèque dans la convention. La clause 3 de la convention de renouvellement prévoit:

[traduction] Tous les engagements, conditions, pouvoirs et questions inclus dans ladite hypothèque s’appliquent à la présente convention et en font partie, sauf dans la mesure des modifications apportées aux présentes. [Je souligne.]

Cela aussi donne à penser que la convention de renouvellement est une nouvelle convention et non une prorogation, étant donné que les conditions de l’hypothèque initiale sont incorporées seulement dans la mesure où elles ne sont pas modifiées par le renouvellement. Bien que la clause 34 envisage une modification du taux d’intérêt, une prorogation comporte normalement non pas une modification des conditions initiales, mais plutôt le maintien des mêmes conditions pour une période plus longue.

31. L’appelante a invoqué la décision Co‑operative Trust Co. of Canada c. Kirkby, [1986] 6 W.W.R. 90 (B.R. Sask.). Dans cette décision, le juge Armstrong a fait remarquer que, dans certains cas, une prorogation d’hypothèque ou une convention de renouvellement peuvent avoir exactement le même effet qu’une nouvelle hypothèque. Il a toutefois conclu, à juste titre selon moi, que, d’après les faits de cette affaire, il n’y avait aucune preuve à l’appui de l’argument selon lequel la convention de prorogation de l’hypothèque était, en fait, une nouvelle hypothèque. À mon avis, pour décider cela, il faut examiner la clause de cautionnement en question et l’ensemble de l’opération conclue par les parties. L’appelante a aussi mentionné les décisions Royal Trust Corp. of Canada. c. Reid (1985), 40 R.P.R. 287 (C.A. Î.‑P.‑É.), et Veteran Appliance Service Co. c. 109272 Development Ltd. (1985), 67 A.R. 117 (B.R). Dans ces deux affaires, les expressions «convention de renouvellement» et «convention de prorogation» ont été utilisées indifféremment. Je pense cependant qu’il devient évident, à la lecture de ces deux décisions, que ce n’était pas alors une question majeure ou importante. Je le répète, la question de savoir si une convention de renouvellement est un nouveau contrat ou une simple prorogation de la convention existante est une question de fait qui doit être tranchée en fonction de l’opération, de la convention et des circonstances en cause dans chaque affaire.

32. Je conclus donc que les mots utilisés dans les clauses 34 et 7 sont suffisamment clairs pour conclure que la caution n’a pas renoncé aux droits que l’equity et la common law lui confèrent à titre de débiteur principal ou de caution. La convention de renouvellement qui a été conclue sans qu’avis ne soit donné à la caution, ou sans le consentement de cette dernière, a modifié sensiblement les dispositions de la convention de prêt initiale. La caution a ainsi été libérée de son obligation.

33. Si l’on conclut que le texte des deux clauses est ambigu, il faut appliquer la règle contra proferentem au détriment de la banque. Le texte de la clause 34 liant la caution aux modifications qui peuvent être apportées en cas de prorogation de l’hypothèque ne devrait pas être interprété de manière à lier la caution à un renouvellement effectué sans donner avis, étant donné qu’il y a ambiguïté quant à savoir si la clause 34 s’applique de quelque façon que ce soit aux renouvellements. Dans ces circonstances aussi, la caution devrait être libérée de sa responsabilité.

Dispositif

34. Je suis d’avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

//Le juge L’Heureux-Dubé//

Les motifs suivants ont été rendus par

1 Le juge L’Heureux‑Dubé (dissidente) — Je suis substantiellement d’accord avec les motifs de mon collègue le juge Iacobucci et le résultat auquel il arrive. Mon seul commentaire portera sur la méthode d’interprétation judiciaire utilisée par mon collègue.

2 La «méthode contextuelle moderne» est, à mon avis, la méthode normative standard d’interprétation judiciaire même s’il y a lieu, exceptionnellement, de recourir à l’ancienne règle du «sens ordinaire» lorsque les circonstances s’y prêtent. Par exemple, il y a l’interprétation des lois en matière fiscale, dans lesquelles on utilise des mots et expressions qui ont bien souvent un «sens ordinaire» bien défini dans le monde des affaires.

3 En l’espèce, notre Cour est appelée à définir l’expression [traduction] «l’attribution d’un délai de paiement [. . .] ou la modification de[s] conditions de paiement», selon le contexte et les faits de la présente affaire.

4 Mon collègue tranche la question en adoptant la démarche suivante en matière d’interprétation des contrats. Premièrement, les dispositions contractuelles attaquées sont examinées dans le contexte du contrat dans son ensemble. Deuxièmement, la question de la règle contra proferentem est abordée. Troisièmement, la question de la différence entre la caution «de complaisance» et la caution «rétribuée» est analysée. Quatrièmement, un texte de doctrine faisant autorité est invoqué: K. P. McGuinness, The Law of Guarantee (2e éd. 1996).

5 Ainsi, après avoir examiné les dispositions dans leur contexte immédiat, le contrat dans son ensemble, les conséquences des interprétations proposées, les présomptions et les règles d’interprétation applicables, ainsi que les sources acceptables d’aide extérieure, mon collègue arrive à une interprétation contextuelle de l’expression contestée. Je suis entièrement d’accord avec la démarche adoptée et les conclusions auxquelles il est arrivé. En toute déférence, cependant, cette démarche ne constitue pas une application de la méthode du «sens ordinaire»: en fait, c’est la «méthode contextuelle moderne» d’interprétation judiciaire qui est utilisée en l’espèce.

6 Je conviens avec mon collègue que «[l]es règles applicables à l’interprétation des cautionnements sont essentiellement les mêmes que celles qui régissent l’interprétation des actes et des contrats en général». Mais les règles qui régissent l’interprétation des actes et des contrats en général sont essentiellement les mêmes que les règles d’interprétation des lois. Comme lord Blackburn l’affirme dans River Wear Commissioners c. Adamson (1877), 2 App. Cas. 743 (H.L.), aux pp. 763 à 765:

[traduction] . . . j’exposerai donc de façon aussi précise que possible quels sont, d’après moi, les principes établis dans la jurisprudence, sur lesquels les cours de justice se fondent pour interpréter un instrument. Dans tous les cas il s’agit de découvrir quelle est l’intention exprimée par les mots employés. . . .

Je pense que le même principe s’applique à l’interprétation des instruments. Dans le cas d’un testament, le testateur parle de toutes ses affaires; . . .

Dans le cas d’un contrat, les deux parties parlent de certaines choses seulement, [. . .] [Dans les deux cas] la cour [. . .] énonce quelle est réellement l’intention indiquée par les mots employés dans ces circonstances.

Et cela n’est pas un principe nouveau en matière d’interprétation des lois. [. . .] Vos Seigneuries, je pense que cela s’applique mutatis mutandis à l’interprétation des lois autant qu’à celle des testaments. Et je pense qu’il est bien qu’il en soit ainsi. [Je souligne.]

7 Par conséquent, la «méthode contextuelle moderne» d’interprétation des lois s’applique également, avec les adaptations nécessaires, à l’interprétation des contrats. L’interprétation des lois et l’interprétation des contrats ne sont que deux subdivisions de la grande catégorie de l’interprétation judiciaire. En l’espèce, la méthodologie exposée par R. Sullivan dans Driedger on the Construction of Statutes (3e éd. 1994), à la p. 131, s’applique également à l’interprétation des contrats:

[traduction] Il n’existe qu’une seule règle d’interprétation moderne: les tribunaux sont tenus de déterminer le sens de [ce qui doit être interprété judiciairement] dans son contexte global, en tenant compte de [son] objet [ . . .], des conséquences des interprétations proposées, des présomptions et des règles spéciales d’interprétation, ainsi que des sources acceptables d’aide extérieure. Autrement dit, les tribunaux doivent tenir compte de tous les indices pertinents et acceptables du sens d’un texte [. . .]. Cela fait, ils doivent ensuite adopter l’interprétation qui est appropriée. L’interprétation appropriée est celle qui peut être justifiée en raison a) de sa plausibilité, c’est‑à‑dire sa conformité avec le texte [. . .], b) de son efficacité, dans le sens où elle favorise la réalisation de l’objet du texte [. . .], et c) de son acceptabilité, dans le sens où le résultat est raisonnable et juste. [Je souligne.]

8 En réalité, c’est cette méthode que mon collègue a suivie. En l’espèce, cependant, l’interprétation qui en a résulté ne découlait pas vraiment du «sens ordinaire» des mots, mais plutôt de leur «sens en droit» parce que ce sont des «termes techniques propres au domaine juridique». Comme lord Diplock l’a expliqué dans Sydall c. Castings Ltd., [1967] 1 Q.B. 302, aux pp. 313 et 314:

[traduction] Les documents qui visent à donner naissance à des droits et à des obligations exécutoires sur le plan juridique envisagent leur mise à exécution par application régulière de la loi, ce qui comprend leur interprétation par des tribunaux composés de juges dont chacun a son propre tempérament issu de ses sentiments, de son éducation, et évidemment de son âge. Ces documents n’atteindraient pas leur objectif si les droits et obligations qui pourraient être mis à exécution dépendaient du tempérament personnel du ou des juges qui seraient appelés à les interpréter. C’est pour éviter cela que les avocats, dont c’est la profession de rédiger et d’interpréter ces documents, ont dû mettre au point une langue anglaise composée de mots et d’expressions ayant un sens plus précis que ceux utilisés par Shakespeare ou par n’importe quel usager du transport en commun de Clapham, ce matin. Ces mots et expressions auxquels est ainsi attribué un sens plus précis sont qualifiés de «termes techniques» par les avocats, mais dans le langage populaire, ils sont connus sous le nom de «jargon juridique». [Je souligne.]

9 Après avoir précisé la nature des «termes techniques propres au domaine juridique», lord Diplock a formulé la règle fondamentale d’interprétation judiciaire et la méthode applicables dans ce contexte (à la p. 314):

[traduction] Les mots et expressions [. . .] qui sont des «termes techniques» doivent donc recevoir le sens qui leur est propre en tant que termes techniques; . . .

Le lexique des termes techniques se trouve dans la jurisprudence et les ouvrages consultés par les praticiens du droit.

10 Il est tout à fait évident que, lorsque les tribunaux interprètent un «terme technique propre au domaine juridique» en recourant à des sources d’aide extérieure comme des ouvrages juridiques, on ne peut, à juste titre, dire que la définition ainsi obtenue repose sur le «sens ordinaire» du terme en cause.

11 Lorsqu’un instrument emploie un terme technique propre au domaine juridique, ce terme technique est présumé être employé dans son sens juridique exact: Inland Revenue Commissioners c. Williams, [1969] 1 W.L.R. 1197 (Ch., le juge Megarry).

12 C’est la présomption à laquelle recourt mon collègue le juge Iacobucci lorsqu’il utilise une source acceptable d’aide extérieure, soit l’ouvrage de McGuinness, op. cit., pour déterminer le sens exact de l’expression [traduction] «accorder un délai». Comme McGuinness passe en revue une jurisprudence abondante qui établit le «sens en droit» généralement accepté de ces «termes techniques propres au domaine juridique», il s’agit d’une source d’aide extérieure acceptable en matière d’interprétation judiciaire: voir Driedger, op. cit., aux pp. 428, 468 et 474; voir également P.-A. Côté, Interprétation des lois (2e éd. 1990), aux pp. 516 à 520, de même qu’à la p. 526.

13 Sous réserve de ces considérations, je souscris à la façon dont mon collègue tranche le pourvoi.

Version française des motifs des juges Gonthier et Iacobucci rendus par

1 Le juge Iacobucci (dissident) — Le présent pourvoi soulève des questions concernant la bonne façon d’interpréter les contrats de cautionnement. Plus précisément, on nous demande de déterminer si le libellé du contrat en cause était suffisamment clair pour constituer une renonciation du droit en equity des cautions d’être libérées de leur obligation lorsque le prêt principal a été renouvelé.

I. Le contexte

2 Le 20 février 1987, l’appelante, la Banque Manuvie du Canada (à l’époque connue sous le nom de «La Compagnie de Fiducie Régionale») a accordé un prêt de 275 000 $ à Dina Conlin. Le prêt était consenti pour une période de trois ans et il portait intérêt au taux de 11,5 pour 100 par année. Dina Conlin a offert en garantie de remboursement une première hypothèque sur des terrains situés à Welland (Ontario).

3 Les conditions du prêt exigeaient la signature de deux cautions: l’intimé John Joseph Conlin, qui était l’époux de la débitrice hypothécaire, et Conlin Engineering and Planning Limited, une société ontarienne. À la clause 34 de la convention hypothécaire, les deux se sont engagés, [traduction] «à titre de débiteurs principaux et non de cautions», à rembourser la somme garantie par l’hypothèque. Ils ont aussi accepté toutes les autres conditions et stipulations de l’hypothèque qui liaient la débitrice hypothécaire.

4 Le cautionnement devait demeurer valide [traduction] «nonobstant l’attribution d’un délai de paiement de la présente hypothèque ou la modification de ses conditions de paiement ou de son taux d’intérêt». La responsabilité des cautions était qualifiée de continue et elle devait subsister [traduction] «jusqu’au paiement complet du capital et de toutes les autres sommes garantis par les présentes».

5 En 1989, l’intimé et Dina Conlin se sont séparés.

6 En 1990, peu avant que l’hypothèque vienne à échéance, Dina Conlin et l’appelante ont signé une convention de renouvellement de l’hypothèque pour une autre période de trois ans, à un taux d’intérêt de 13 pour 100 par année. Les formules de renouvellement comportaient un espace pour la signature du [traduction] «propriétaire enregistré» et de la «caution», mais la convention n’a été signée que par Dina Conlin. L’intimé n’a reçu aucun avis et n’a pas eu connaissance du renouvellement.

7 En mars 1992, il y a eu défaut de paiement de l’hypothèque de la part de Dina Conlin.

8 Après avoir vainement tenté de vendre les terrains de Welland, la banque a engagé des procédures pour obtenir un jugement sommaire contre Dina Conlin et les cautions. La banque réclamait le capital dû en vertu de l’hypothèque, avec intérêts au taux de 13 pour 100 par année. La banque a obtenu gain de cause relativement à cette requête. Cependant, la Cour d’appel à la majorité a infirmé ce jugement et rejeté l’action intentée contre l’intimé: (1994), 20 O.R. (3d) 499, 120 D.L.R. (4th) 234, 41 R.P.R. (2d) 283, 75 O.A.C. 117, 17 B.L.R. (2d) 143.

II. Dispositions contractuelles pertinentes

[traduction]

9(7) RENOUVELLEMENT OU PROROGATION DE DÉLAI

POURVU qu’aucune prorogation de délai accordée par le créancier hypothécaire au débiteur hypothécaire, ou à toute personne cherchant à s’en prévaloir, ou qu’aucune autre négociation entre le créancier hypothécaire et le détenteur du droit de rachat desdits terrains n’affecte ou ne compromette de quelque façon que ce soit les droits que le créancier hypothécaire peut exercer contre le débiteur hypothécaire ou toute autre personne responsable du paiement des sommes garanties par les présentes, et que la présente hypothèque puisse être renouvelée par convention écrite pour quelque durée que ce soit, avec ou sans augmentation du taux d’intérêt, ou que l’une ou l’autre de ses conditions puisse être modifiée à l’occasion, notamment, sans limiter la portée de ce qui précède, que le taux d’intérêt ou le capital puisse être augmenté nonobstant toute charge ultérieure. Et il ne sera pas nécessaire d’enregistrer une telle convention pour conserver la priorité de rang de l’hypothèque ainsi modifiée par rapport à tout instrument délivré ou enregistré après la présente hypothèque.

(34) CAUTIONNEMENT ET INDEMNITÉ

EST UNE CONDITION du prêt garanti par la présente hypothèque que nous, les cautions, à savoir John Joseph Conlin et Conlin Engineering & Planning Ltd., souscrivions aux engagements stipulés aux présentes, et que, par conséquent, nous, lesdites cautions, en notre propre nom, au nom de nos héritiers, exécuteurs, administrateurs et ayants droit respectifs, en contrepartie dudit prêt consenti par le créancier hypothécaire, convenions, promettions et acceptions solidairement, aux présentes, à titre de débiteurs principaux et non de cautions, ensemble ou individuellement, de payer ou de faire payer bel et bien au créancier hypothécaire le capital et toutes les autres sommes garantis par les présentes, de même que les intérêts sur ces sommes au moment et de la manière stipulés dans la présente hypothèque, et que, relativement à toute question concernant la présente hypothèque, nous observions, remplissions et respections bel et bien tous et chacun des engagements, réserves, conditions, conventions et stipulations de la présente hypothèque, et que, par les présentes, nous convenions de respecter tous les engagements, réserves, conditions, conventions et stipulations de la présente hypothèque qui lient le débiteur hypothécaire; et que nous convenions que cet engagement nous liera toutes, ensemble et individuellement, nonobstant l’attribution d’un délai de paiement de la présente hypothèque ou la modification de ses conditions de paiement ou de son taux d’intérêt, ou le fait que l’une ou l’autre de nous obtienne une libération complète ou partielle ou un engagement de ne pas faire l’objet de poursuites; et que nous convenions toutes et chacune que le créancier hypothécaire puisse renoncer au droit de résiliation pour violation et accepter d’autres engagements, cautionnements ou sûretés sans nous donner avis à toutes ou à l’une ou l’autre de nous, et sans que cela nous libère de notre responsabilité continue aux termes des présentes, qui subsistera jusqu’au paiement complet du capital et de toutes les autres sommes garantis par les présentes.

III. Juridictions inférieures

A.Cour de l’Ontario (Division générale)

10 Dans un jugement très succinct, le juge Killeen a fait droit à la requête de la banque visant à obtenir un jugement sommaire contre Dina Conlin et l’intimé. Il a conclu que, selon le [traduction] «texte clair et net» des clauses 7 et 34, l’intimé était responsable en vertu de son cautionnement malgré le renouvellement de l’hypothèque et l’augmentation du taux d’intérêt: [traduction] «À mon avis, la caution n’a aucune échappatoire».

B. Cour d’appel de l’Ontario (1994), 20 O.R. (3d) 499

a) Le juge Finlayson

11 Le juge Finlayson a d’abord examiné le passage suivant de la clause 34: «nous, lesdites cautions [. . .] conven[ons], promett[ons] et accept[ons] [. . .] à titre de débiteurs principaux et non de cautions» (je souligne). Il a conclu que ce passage semblait incompatible avec le fait qu’à la lecture du contrat l’intimé paraissait signer à titre de caution et non de débiteur principal. Après avoir brièvement analysé la différence entre les contrats d’indemnité et les contrats de cautionnement, le juge Finlayson a conclu qu’il n’était pas nécessaire de déterminer le statut exact de la caution, affirmant qu’[traduction] «aux fins du présent appel, il est possible de ne pas tenir compte de la mention de la caution en tant que débiteur principal» (p. 511).

12 Le juge Finlayson a ensuite examiné la question principale de savoir si la convention de renouvellement avait mis fin à la responsabilité qui incombait à l’intimé en vertu du cautionnement qu’il avait consenti. Il a fait remarquer qu’en equity une augmentation du taux d’intérêt ou une prorogation de l’hypothèque constituent une modification importante du contrat initial, qui met fin à la responsabilité d’une caution.

13 Il était donc nécessaire de déterminer si la clause 34 constituait une renonciation, de la part des cautions, à ces droits en equity. Après avoir examiné plusieurs affaires où on a jugé que le texte d’un cautionnement englobait une convention de renouvellement, le juge Finlayson a affirmé que [traduction] «chacune de ces affaires doit se limiter à son propre libellé» (pp. 511 et 512). En outre, le texte de la clause de cautionnement de Manuvie ne prévoyait pas clairement, selon le juge Finlayson, la convention de renouvellement. Par conséquent, la modification importante apportée au contrat de prêt au moyen de la convention de renouvellement libérait les cautions de leurs obligations respectives.

b)Le juge Carthy (souscrivant à l’opinion du juge Finlayson quant au résultat)

14 Le juge Carthy a commencé par affirmer que le droit a toujours considéré les cautions comme des créanciers «privilégiés». Une caution peut renoncer par contrat aux droits que lui confère la loi, mais cela doit être fait en termes clairs.

15 Interprétant «restrictivement» la convention de prêt, le juge Carthy a conclu que la convention de cautionnement n’était pas [traduction] «suffisamment explicite pour comprendre un renouvellement» (p. 515). Il a, en outre, conclu que le texte de la clause 7 ne stipulait pas clairement que le prêt pourrait être renouvelé au moyen d’une convention non signée par les cautions. Les cautions n’avaient pas renoncé à leurs droits en equity et, par conséquent, la convention de renouvellement mettait fin à leur responsabilité.

c) Le juge Robins (dissident)

16 Le juge Robins a d’abord examiné la règle établie dans l’arrêt Holme c. Brunskill (1878), 3 Q.B.D. 495 (C.A.), selon laquelle toute modification importante du contrat principal sans le consentement de la caution libère cette dernière. Puis, il a fait remarquer qu’une caution peut renoncer par contrat à cette protection dont il bénéficie en equity.

17 Le juge Robins a ensuite examiné le texte de la clause 34 qui prévoit que le cautionnement demeure valide [traduction] «nonobstant l’attribution d’un délai de paiement de la présente hypothèque ou la modification de ses conditions de paiement ou de son taux d’intérêt». Il a conclu que ces mots prévoyaient clairement à la fois la prorogation de l’hypothèque et l’augmentation du taux d’intérêt effectuées par la convention de renouvellement. Autrement dit, à la clause 34, les cautions avaient renoncé à leur droit en equity d’être libérées de leurs obligations dans le cas où de telles modifications seraient apportées au contrat de prêt.

18 Ayant décidé que l’intimé était responsable à titre de caution, le juge Robins n’a pas considéré nécessaire de déterminer si les cautions étaient, en fait, des «débiteurs principaux».

19 Toutefois, bien qu’il ait conclu que l’intimé était responsable en vertu du cautionnement consenti, le juge Robins aurait modifié l’ordonnance du juge des requêtes, de manière à ce que Conlin ne soit responsable que du capital garanti en vertu de l’hypothèque et des intérêts sur ce montant calculés au taux de 11,5 pour 100 par année. Il a fondé cette modification sur la conclusion que les cautions avaient convenu d’être responsables des sommes garanties en vertu de l’hypothèque initiale. À son avis, bien qu’elles aient convenu d’être responsables nonobstant toute modification du taux d’intérêt, elles n’avaient pas convenu d’être responsables relativement à ce taux d’intérêt majoré.

IV. Questions en litige

20 Devant notre Cour, l’appelante a soulevé une question de compétence préliminaire. Elle a allégué que la Cour d’appel avait commis une erreur en rejetant l’action alors que cela ne lui avait été demandé ni par l’une ou l’autre des parties à la requête en obtention d’un jugement sommaire, ni en appel, et alors que ni les avocats ni les cours n’avaient parlé de cette forme de réparation. Par conséquent, deux questions principales se posent devant nous:

1.La Cour d’appel de l’Ontario, à la majorité, a‑t‑elle excédé sa compétence en accueillant l’appel et en rejetant l’action, au lieu de renvoyer l’affaire au procès?

2.En vertu des conditions de la convention de prêt, l’intimé John Joseph Conlin a‑t‑il été libéré de sa promesse de payer le capital et les autres sommes garantis par l’hypothèque, lorsque l’hypothèque a été prorogée et le taux d’intérêt augmenté, sans qu’il en soit informé?

V. Analyse

A.La Cour d’appel avait‑elle compétence pour rejeter l’action intentée contre l’intimé?

21 Le paragraphe 134(1) de la Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C.43, se lit ainsi:

134 (1) Sauf disposition contraire, le tribunal saisi d’un appel peut:

a) rendre l’ordonnance ou la décision que le tribunal dont il y a appel aurait dû ou pu rendre;

b) ordonner un nouveau procès;

c) rendre toute ordonnance ou toute décision qu’il estime juste.

22 L’ordonnance qui a fait l’objet d’un appel au départ a été accordée à la suite de la requête de la banque visant à obtenir un jugement sommaire. L’intimé Conlin n’avait déposé aucune requête incidente pour faire rejeter l’action par jugement sommaire. Il n’y avait eu ni interrogatoire préalable ni procès. L’appelante a soutenu devant nous que la Cour d’appel n’avait compétence que pour annuler l’ordonnance de jugement sommaire et renvoyer l’affaire au procès, étant donné qu’une cour d’appel ne peut pas délivrer une ordonnance que le juge du procès n’aurait pas eu le pouvoir de rendre (Re Rotenberg and Borough of York (No. 2) (1976), 13 O.R. (2d) 101 (C.A.), à la p. 110). Il s’agit donc de savoir si le juge des requêtes avait compétence pour rejeter l’action intentée contre l’intimé.

23 La requête initiale en obtention d’un jugement sommaire était fondée sur l’art. 20 des Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, règl. 194. Le paragraphe 20.04(2) se lit ainsi:

Le tribunal, s’il est convaincu qu’une demande ou une défense ne soulève pas de question litigieuse, rend un jugement sommaire en conséquence.

Le paragraphe 20.04(4) prévoit ceci:

Le tribunal, s’il est convaincu que la seule question litigieuse porte sur une question de droit, peut trancher cette question et rendre un jugement en conséquence. . . .

Le paragraphe 1.04(1) énonce la façon d’interpréter les Règles:

Les présentes règles doivent recevoir une interprétation large afin d’assurer la résolution équitable sur le fond de chaque instance civile, de la façon la plus expéditive et la moins onéreuse.

24 J’estime qu’à la lumière du par. 1.04(1) les par. 20.04(2) et (4) conféraient au juge Killeen compétence pour rejeter l’action intentée contre l’intimé. Le juge des requêtes aurait pu conclure soit qu’il n’y avait pas de question litigieuse soit que la seule question litigieuse portait sur une question de droit. Dans un cas comme dans l’autre, lui-même et, par extension, la Cour d’appel auraient eu compétence pour trancher l’affaire en rejetant la demande de Manuvie.

25 Toutefois, l’appelante prétend, en outre, que les juges Finlayson et Carthy de la Cour d’appel ont commis une erreur en fondant leurs décisions sur l’affirmation non prouvée que Conlin n’avait jamais consenti à la convention de renouvellement de 1990. L’appelante fait valoir qu’elle n’a pas eu l’occasion de vérifier pleinement l’exactitude du témoignage par affidavit de Conlin concernant le consentement et que, par conséquent, on lui a refusé le droit de faire entendre pleinement sa preuve.

26 Je ne suis pas de cet avis. L’appelante a bel et bien eu la possibilité de vérifier l’exactitude du témoignage de Conlin. Le paragraphe 39.02(1) des Règles de procédure civile prévoit qu’une partie à une requête peut contre‑interroger le déposant d’un affidavit signifié par une partie ayant des intérêts opposés relativement à cette requête. Toutefois, la banque a choisi de ne pas exercer ce droit et de ne pas contester le témoignage de Conlin. Par conséquent, je suis d’avis qu’on n’a pas refusé à l’appelante le droit de faire entendre pleinement sa preuve et de vérifier l’exactitude de tout le témoignage de l’intimé.

27 Les circonstances de la présente affaire sont loin de ressembler à celles dont il était question dans l’arrêt Keltic Leasing Corp. c. Curtis (1993), 133 R. N.‑B. (2e) 73 (C.A.). Dans cette affaire, le juge du procès avait erronément tiré une conclusion de fait sur une question qui n’avait pas été abordée par les parties. La Cour d’appel a conclu que cela avait privé la demanderesse de son droit de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa thèse. Cependant, dans l’affaire qui nous est soumise, la question du consentement ou de l’absence de consentement de Conlin à la convention de renouvellement a été abordée devant le juge Killeen et, comme nous l’avons vu précédemment, l’appelante a eu pleinement l’occasion de répliquer à cela au moyen d’une preuve contraire.

28 Pour ces motifs, je suis d’avis qu’il n’y a aucune raison d’intervenir dans la façon dont la Cour d’appel a procédé en l’espèce.

B.En vertu des conditions de la convention de prêt, l’intimé a‑t‑il été libéré de sa promesse de payer le capital et les autres sommes garantis par l’hypothèque, lorsque l’hypothèque a été prorogée et le taux d’intérêt augmenté, sans son consentement?

29 Il est bien reconnu que toute modification importante des conditions d’un contrat entre un débiteur et un créancier qui est préjudiciable à la caution et qui est faite sans son consentement, libère cette dernière: Holme c. Brunskill, précité, aux pp. 505 et 506; Banque de Montréal c. Wilder, [1986] 2 R.C.S. 551, à la p. 562. Une augmentation du taux d’intérêt et une prorogation du délai de paiement sont toutes deux des modifications importantes de la convention de prêt qui sont suffisantes pour libérer une caution: K. P. McGuinness, The Law of Guarantee (2e éd. 1996), aux ¶¶ 10.23 et 10.51.

30 Cependant, la caution peut renoncer à ce droit d’être libérée en raison d’une modification importante du contrat principal. Comme le juge McIntyre l’a dit dans Bauer c. Banque de Montréal, [1980] 2 R.C.S. 102, à la p. 107: «les parties peuvent conclure leur propre entente, et une caution peut renoncer à la protection de la règle d’equity». Il s’agit donc de savoir si la clause 34 équivaut à une renonciation par l’intimé aux droits qui lui sont reconnus en equity. Avant d’examiner cette question, je crois qu’il serait utile d’analyser brièvement certains principes d’interprétation en matière de cautionnement.

a)Principes d’interprétation en matière de cautionnement

31 À mon avis, il n’existe aucune règle particulière d’interprétation des cautionnements. Les contrats de cautionnement sont au fond des contrats comme les autres, qui devraient être interprétés selon les règles ordinaires d’interprétation des contrats. Comme McGuinness l’affirme, op. cit., à la p. 238: [traduction] «Les règles applicables à l’interprétation des cautionnements sont essentiellement les mêmes que celles qui régissent l’interprétation des actes et des contrats en général».

32 La principale règle d’interprétation des contrats veut que les tribunaux mettent à exécution les intentions que les parties ont exprimées dans leur document écrit. Comme le juge Estey l’a dit dans l’arrêt Exportations Consolidated Bathurst Ltée c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co., [1980] 1 R.C.S. 888, à la p. 899, en citant les propos tenus par le juge Meredith dans Pense c. Northern Life Assurance Co. (1907), 15 O.L.R. 131, à la p. 137: «[Dans tous les contrats], il faut donner effet à l’intention des parties qui se dégage des mots qu’elles ont employés.» La cour ne s’écartera du sens ordinaire des mots que si une interprétation littérale des termes du contrat menait à un résultat absurde ou à un résultat [traduction] «nettement inconciliable avec l’intention des parties»: McGuinness, op. cit., à la p. 239; voir aussi les motifs du juge Estey dans l’arrêt Consolidated Bathurst, précité, à la p. 901.

33 Pour interpréter un cautionnement, la cour peut, comme pour les autres contrats, appliquer la règle contra proferentem lorsqu’il est possible d’attribuer plus d’un sens au texte du cautionnement. Selon cette règle, l’ambiguïté doit être dissipée en faveur de la partie qui n’a pas rédigé le contrat. Il s’agit d’une règle d’interprétation de dernier recours, qui ne doit être utilisée que lorsque tous les autres moyens de vérifier les intentions des parties, exprimées par écrit dans leur contrat, ont échoué. Voir les propos du juge Cartwright dans l’arrêt Stevenson c. Reliance Petroleum Ltd., [1956] R.C.S. 936, à la p. 953. Comme le lord juge Lindley l’a affirmé dans Cornish c. Accident Insurance Co. (1889), 23 Q.B.D. 453, à la p. 456:

[traduction] . . . ce principe ne devrait être appliqué que pour dissiper un doute, et non pour créer un doute ou amplifier une ambiguïté, quand les circonstances de l’affaire ne posent aucune difficulté réelle.

34 La jurisprudence laisse entendre jusqu’à un certain point qu’une convention de cautionnement souscrite par une caution «non rétribuée» ou «de complaisance» sera interprétée d’une façon plus restrictive que celle souscrite par une caution rétribuée. À cet égard, l’arrêt de notre Cour Citadel General Assurance Co. c. Johns‑Manville Canada Inc., [1983] 1 R.C.S. 513, est des plus remarquables.

35 Dans cette affaire, l’intimée, Johns-Manville, avait conclu un contrat avec un fournisseur. Ce fournisseur avait souscrit un cautionnement qui désignait l’appelante, Citadel, comme caution du contrat d’approvisionnement. Une condition du cautionnement était qu’aucune poursuite ne pouvait être engagée en vertu du cautionnement sans qu’un avis approprié n’en soit donné à la caution appelante et au fournisseur. Le fournisseur a manqué à ses obligations et l’intimée a intenté une action contre la caution Citadel. L’intimée a donné un avis approprié à la caution. Toutefois, bien qu’un avis ait été donné au fournisseur, il ne satisfaisait pas strictement aux exigences de la convention de cautionnement. La caution a affirmé qu’elle n’était pas responsable en vertu du cautionnement, pour le motif que les dispositions du cautionnement relatives à l’avis n’avaient pas été respectées.

36 La Cour a rejeté cet argument et a statué que la caution était responsable en vertu de la convention de cautionnement malgré le défaut de l’intimée de respecter strictement les conditions du contrat. La raison de cette décision était que les conventions de cautionnement souscrites à titre onéreux devraient être interprétées selon les règles ordinaires d’interprétation des contrats. Dans une opinion incidente, aux pp. 521 et 523, le juge McIntyre a laissé entendre qu’une règle différente plus stricte s’appliquerait aux cautions non rétribuées:

En ce qui les concerne [les cautions non rétribuées], la loi s’est avisée de les protéger en interprétant leurs obligations de façon stricte et en les limitant aux conditions précises du contrat de cautionnement. Toute modification substantielle des conditions de la dette garantie, toute prorogation de délai ou tout délai accordé au débiteur, toute remise ou abandon de sûreté à l’égard de la dette sans le consentement de la caution libérait cette dernière. En d’autres termes, les cours ont adopté une interprétation strictissimi juris du contrat de cautionnement.

. . . il faut interpréter les contrats de cautionnement plus libéralement en faveur des réclamants s’il s’agit de cautions rétribuées plutôt que de cautions de complaisance.

37 À mon avis, l’énoncé qui précède doit être interprété dans son contexte. Dans l’arrêt Citadel General Assurance, le litige ne portait pas sur une interprétation de contrat. Il s’agissait plutôt de déterminer quelles conséquences découleraient d’une violation claire du contrat. Pour ces motifs, je suis d’avis que les commentaires faits dans Citadel General Assurance ne sont pas suffisants pour conclure, de manière générale, que les contrats de cautionnement devraient être sujets à des règles d’interprétation spéciales plus strictes dans le cas d’une caution non rétribuée.

b)Application des règles d’interprétation au contrat conclu par Conlin et Manuvie

38 Si on applique les principes susmentionnés à la présente affaire, les arguments des parties soulèvent un certain nombre de questions que je vais maintenant aborder.

(i)La clause 34 équivaut‑elle à une renonciation par l’intimé à ses droits en equity?

39 À la clause 34, les cautions consentent à rester liées par le contrat de cautionnement nonobstant l’attribution d’un délai de paiement de l’hypothèque ou la modification du taux d’intérêt.

40 L’intimé fait valoir que la clause 34 ne comprend pas une renonciation au droit des cautions d’être libérées en cas de renouvellement de l’hypothèque. Selon cet argument, puisque la convention de renouvellement constituait une modification importante, elle a libéré les cautions.

41 Il est vrai, comme le prétend l’intimé, que la clause 34 ne mentionne pas expressément les conventions de «renouvellement». La clause contient, cependant, une renonciation claire au droit des cautions d’être libérées dans le cas d’une prorogation de délai ou d’une augmentation du taux d’intérêt:

[traduction] . . . cet engagement nous liera toutes, ensemble et individuellement, nonobstant l’attribution d’un délai de paiement de la présente hypothèque ou la modification de ses conditions de paiement ou de son taux d’intérêt . . .

42 L’intimé a soutenu qu’un renouvellement n’était pas la même chose que l’attribution d’un délai de paiement. Il a fait remarquer que la clause 7 utilise le mot «renouvellement» alors que la clause 34 ne le fait pas. Selon ce raisonnement, si les parties avaient voulu inclure dans la convention de cautionnement une renonciation au droit à la libération en cas de renouvellement de l’hypothèque, elles l’auraient fait explicitement à la clause 34.

43 Toutefois, je ne considère pas cet argument persuasif. Le sens clair et ordinaire des mots [traduction] «l’attribution d’un délai de paiement [. . .] ou la modification de[s] conditions de paiement» comprend la convention de renouvellement. Grâce à cette convention, la banque appelante a prorogé le prêt pour une durée de trois ans et a augmenté le taux d’intérêt applicable à la dette. Je ne vois rien qui justifie la prétention de l’intimé que «l’attribution d’un délai de paiement», mentionnée dans la clause 34, ne comprend pas l’attribution d’un délai de paiement en vertu de la convention de renouvellement.

44 Dans son ouvrage intitulé The Law of Guarantee, op. cit., à la p. 556, McGuinness analyse l’effet des conventions [traduction] «accordant un délai» au débiteur principal et affirme que l’ [traduction] «attribution d’un délai» comprend toutes les conventions «qui prévoient expressément une prorogation du délai d’exécution [. . .] [afin] de disposer d’un plus long délai pour payer [. . .] la dette garantie». C’est précisément ce qui a été réalisé par la convention de renouvellement et c’est donc ce qui était prévu par le texte de la convention de cautionnement.

45 En d’autres termes, il faut prendre en considération l’effet réel de la convention de renouvellement, plutôt que la forme de l’instrument par lequel elle a été mise à exécution. Les parties ont bel et bien conclu une convention de renouvellement, mais, au fond, cette convention de renouvellement prorogeait le délai de paiement et augmentait le taux d’intérêt, ce qui était expressément prévu à la clause 34.

46 En toute déférence, je ne suis pas d’accord avec le juge Carthy lorsqu’il affirme que les mots [traduction] «nonobstant l’attribution d’un délai de paiement» devraient être interprétés de manière à désigner seulement une abstention de la part de la banque d’intenter un recours pendant la durée initiale de l’hypothèque. Il s’agit ici d’une affaire où nous devrions tenir compte de la mise en garde du lord juge Lindley dans Cornish c. Accident Insurance Co., précité, et ne pas appliquer la règle contra proferentem de manière à créer un doute ou à amplifier une ambiguïté. À l’instar du juge Killeen, je suis d’avis que le texte clair de la convention en cause ne pose aucune difficulté réelle.

(ii)En vertu de la clause 34, l’appelante était‑elle tenue d’aviser les cautions de la convention de renouvellement?

47 L’une des dernières phrases de la clause 34 se lit ainsi: [traduction] «nous conven[ons] toutes et chacune que le créancier hypothécaire [peut] renoncer au droit de résiliation pour violation et accepter d’autres engagements, cautionnements ou sûretés sans nous donner avis» (je souligne). Par contre, la phrase précédente, qui écarte les droits des cautions d’être libérées dans le cas où certaines modifications importantes seraient apportées au contrat principal ne renferme pas l’expression «sans nous donner avis». L’intimé soutient que cette omission signifie que si la banque n’avisait pas les cautions des modifications importantes pertinentes, les cautions seraient libérées de leurs obligations. Puisque l’intimé n’a reçu aucun avis de la convention de renouvellement, il est libéré de sa responsabilité.

48 Là encore, je suis incapable de souscrire à ce raisonnement. Comme je l’ai déjà affirmé, le texte de la clause 34 est clair: la caution promet, de façon inconditionnelle, de demeurer liée nonobstant la prorogation du délai ou la modification du taux d’intérêt imposé. Il est plutôt étrange de déduire l’existence d’une exigence d’avis en présence d’un engagement aussi clair et net. Évidemment, les parties auraient pu inclure une exigence d’avis, mais, étant donné la clarté du texte de la renonciation figurant à la clause 34, il leur aurait fallu le faire explicitement. Il se peut que l’inclusion des mots «sans nous donner avis», relativement à la renonciation au droit de résiliation pour violation et à l’acceptation d’autres engagements, cautionnements ou sûretés, ait été faite simplement par excès de prudence, mais, néanmoins, cela ne saurait pas affecter la renonciation claire relative à la prorogation de délai et à la modification du taux d’intérêt.

(iii)Quel est l’incidence du fait que l’intimé a promis «à titre de débiteur principal et non de caution»?

49 La clause 34 prévoit que l’intimé et Conlin Engineering concluent la convention [traduction] «à titre de débiteurs principaux et non de cautions». Dans ses motifs concordants, le juge Carthy a considéré qu’on «s’attendrait» à ce que, à titre de «débiteurs principaux», les cautions soient signataires de la convention de renouvellement. En toute déférence, je ne suis pas de cet avis.

50 Je suis d’accord avec la conclusion du juge Robins que les parties avaient manifestement l’intention, en utilisant cette terminologie, de maintenir la responsabilité de la caution même dans le cas où l’obligation principale ne pourrait plus être exécutée, quoique je n’exprime aucune opinion quant à savoir si cette terminologie est suffisante pour permettre d’atteindre un tel objectif. De toute façon, il n’est pas nécessaire de déterminer si cette clause était suffisante pour faire de la clause 34 une convention d’indemnisation, parce que je suis d’avis que l’intimé est responsable à titre de caution.

(iv)Quelle importance faut‑il attacher au fait que la formule de renouvellement comportait un espace pour la signature de la caution?

51 L’intimé souligne que le fait que la convention de renouvellement comportait un espace pour la signature de la caution prouve que les parties s’attendaient raisonnablement à ce qu’en l’absence du consentement des cautions à une convention de renouvellement, cette convention libérerait ces dernières. En toute déférence, je ne suis pas d’accord.

52 Il nous incombe, d’abord et avant tout, de déterminer le sens du cautionnement contenu dans la clause 34. Cette convention a été signée en 1987. Le texte ou la forme d’un autre contrat conclu trois ans plus tard ne saurait changer le sens de la convention initiale. À mon avis, l’espace prévu pour la signature de la caution dans la convention de renouvellement n’est d’aucune utilité pour tenter d’interpréter le contrat de cautionnement.

(v)Quelle est exactement l’étendue de l’obligation de l’intimé?

53 L’intimé a promis de garantir le paiement des sommes garanties par l’hypothèque de 1987. J’estime que les conditions de cette hypothèque déterminent l’étendue de la responsabilité de l’intimé. La clause 34 comprend bel et bien une renonciation aux droits des cautions d’être libérées dans le cas où une modification importante serait apportée aux conditions de la convention de prêt. Toutefois, le fait que la convention de renouvellement ne libère pas l’intimé ne signifie pas qu’il est responsable des sommes garanties par cette convention de renouvellement — un contrat auquel il n’a jamais consenti. À la clause 34, les cautions promettent de payer [traduction] «le capital et toutes les autres sommes garantis par les présentes» (je souligne), c.‑à‑d. garantis par la convention hypothécaire initiale. En d’autres termes, l’intimé n’est pas responsable des intérêts calculés au taux majoré de 13 pour 100 par année. La responsabilité qui lui incombe en vertu de la convention de 1987, et selon ce que le juge Robins de la Cour d’appel a conclu, est plutôt de rembourser le solde exigible du capital, avec intérêts calculés au taux de 11,5 pour 100 par année.

VI. Dispositif

54 Pour les motifs qui précèdent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, avec dépens devant toutes les cours, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel et d’y substituer une ordonnance selon laquelle l’intimé a, en vertu de son cautionnement, la responsabilité de payer le solde exigible du capital, avec intérêts calculés au taux de 11,5 pour 100 par année.

Pourvoi rejeté avec dépens, les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier et Iacobucci sont dissidents.

Procureurs de l’appelante: Lee, Bowden, Concord (Ontario).

Procureurs de l’intimé: Siskind, Cromarty, Ivey & Dowler, London (Ontario).


Synthèse
Référence neutre : [1996] 3 R.C.S. 415 ?
Date de la décision : 31/10/1996
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Hypothèques - Cautionnement - Convention de renouvellement - Libération de la caution - Cautionnement de l’hypothèque par l’époux de la débitrice hypothécaire - Clause de l’hypothèque prévoyant que les cautions sont responsables «à titre de débiteurs principaux et non de cautions» - Cautionnement devant demeurer valide «nonobstant l’attribution d’un délai de paiement [. . .] ou la modification de[s] conditions de paiement» - Débitrice hypothécaire renouvelant l’hypothèque à un taux d’intérêt différent - Convention de renouvellement non signée par la caution - La caution a‑t‑elle renoncé à son droit en equity d’être libérée lorsque le prêt principal a été renouvelé?.

Tribunaux - Compétence - Défaut de paiement de l’hypothèque de la part de la débitrice hypothécaire - Banque obtenant un jugement sommaire contre la débitrice hypothécaire et la caution - La Cour d’appel a‑t‑elle excédé sa compétence en infirmant le jugement et en rejetant l’action intentée contre la caution?.

L’intimé s’est porté garant d’une hypothèque de trois ans, portant intérêt au taux de 11,5 pour 100 par année, que sa femme avait offerte en garantie de remboursement d’un prêt obtenu auprès de la banque appelante. À la clause 34 de la convention hypothécaire, les cautions se sont engagées, «à titre de débiteurs principaux et non de cautions», à rembourser la somme garantie par l’hypothèque. Le cautionnement devait demeurer valide «nonobstant l’attribution d’un délai de paiement de la présente hypothèque ou la modification de ses conditions de paiement ou de son taux d’intérêt». Peu avant que l’hypothèque vienne à échéance, la débitrice hypothécaire et la banque ont signé une convention de renouvellement de l’hypothèque pour une autre période de trois ans, à un taux d’intérêt de 13 pour 100 par année. Les formules de renouvellement comportaient un espace pour la signature du «propriétaire enregistré» et de la «caution», mais la convention n’a été signée que par la débitrice hypothécaire. Il y a eu défaut de paiement de l’hypothèque de la part de la débitrice hypothécaire et la banque a obtenu un jugement sommaire contre la débitrice hypothécaire et les cautions pour le capital dû en vertu de l’hypothèque, avec intérêts au taux de 13 pour 100 par année. La Cour d’appel à la majorité a infirmé le jugement et rejeté l’action intentée contre la caution intimée. Le présent pourvoi vise à déterminer (1) si la Cour d’appel a excédé sa compétence en accueillant l’appel et en rejetant l’action, au lieu de renvoyer l’affaire au procès, et (2) si, en vertu des conditions de la convention de prêt, l’intimé a été libéré de sa promesse de payer le capital et les autres sommes garantis par l’hypothèque, lorsque l’hypothèque a été prorogée et le taux d’intérêt augmenté, sans qu’il en soit informé.

Arrêt (les juges L’Heureux‑Dubé, Gonthier et Iacobucci sont dissidents): Le pourvoi est rejeté.

(1) Compétence

La Cour d’appel a compétence pour rendre l’ordonnance ou la décision que le tribunal dont il y a appel aurait dû ou pu rendre. À la lumière du par. 1.04(1) des Règles, qui prévoit que les règles doivent recevoir une interprétation large, les par. 20.04(2) et (4) des Règles de procédure civile conféraient au juge des requêtes compétence pour rejeter l’action intentée contre l’intimé. Le juge aurait pu conclure soit qu’il n’y avait pas de question litigieuse soit que la seule question litigieuse portait sur une question de droit. Dans un cas comme dans l’autre, lui‑même et, par extension, la Cour d’appel auraient eu compétence pour trancher l’affaire en rejetant la demande de l’appelante. On n’a pas refusé à l’appelante le droit de faire entendre pleinement sa preuve et de vérifier l’exactitude de tout le témoignage de l’intimé. En vertu du par. 39.02(1) des Règles, une partie à une requête peut contre‑interroger le déposant d’un affidavit signifié par une partie ayant des intérêts opposés relativement à cette requête. L’appelante a choisi de ne pas exercer ce droit et de ne pas contester le témoignage de l’intimé.

(2) Libération de responsabilité

Les juges La Forest, Sopinka, Cory et Major: Il est clair depuis longtemps que la caution est libérée de sa responsabilité en vertu du cautionnement lorsque le créancier et le débiteur principal conviennent d’apporter une modification importante aux conditions de la dette contractuelle sans son consentement. Une caution peut renoncer par contrat à la protection que lui accorde la common law ou l’equity, mais toute renonciation par contrat au principe d’equity doit être claire. Pour savoir si la responsabilité de la caution subsiste, il faut interpréter le contrat liant les parties et déterminer leur intention eu égard aux mots qu’elles ont utilisés et aux circonstances de l’ensemble de l’opération. Il y a lieu d’appliquer la règle contra proferentem selon laquelle une clause de cautionnement ambiguë doit être interprétée au détriment de la partie qui l’a rédigée. De même, notre Cour a affirmé que la caution est, aux yeux de la common law, un créancier privilégié dont l’obligation devrait être interprétée et exécutée strictement. La caution, dans la présente affaire, tombe dans la catégorie des cautions de complaisance, ou de celles qui ont conclu le contrat de cautionnement en espérant peu de rétribution, si ce n’est aucune. La loi a protégé ces cautions en interprétant leurs obligations de façon stricte et en les limitant aux conditions précises du contrat de cautionnement.

La clause 34 et la clause 7, qui porte sur le renouvellement ou la prorogation de délai, indiquent nettement que l’intimé n’était pas lié par la convention de renouvellement. S’il faut traiter la caution comme un débiteur principal et non comme une caution, alors le défaut de la banque d’aviser l’intimé de la convention de renouvellement et des nouvelles conditions du contrat doit le libérer de ses obligations étant donné qu’il n’est pas partie au renouvellement. De plus, même si l’on pensait que la clause de débiteur principal ne transforme pas la caution en un débiteur principal, les règles d’equity et de common law qui libèrent la caution de sa responsabilité, lorsque le créancier et le débiteur principal ont modifié sensiblement le contrat sans l’aviser, s’appliqueraient, en l’absence d’un consentement explicite à ce qu’il en soit autrement. Deux aspects de la convention de renouvellement elle‑même mènent à la conclusion que la caution ne doit pas être liée. Premièrement, la convention de renouvellement est une formule type préparée et utilisée par la banque, qui requiert la signature de la caution. Deuxièmement, la convention de renouvellement prévoit que les conditions de l’ancienne hypothèque feront partie de la convention, indiquant ainsi qu’il s’agit d’une nouvelle convention plutôt qu’une simple prorogation de l’ancienne. En outre, la clause 7 de l’hypothèque initiale distingue expressément les prorogations des renouvellements, tant dans sa rubrique que dans son texte même. L’absence de mention d’une convention de renouvellement ou même d’un renouvellement dans la clause 34 donne fortement à penser qu’elle ne s’applique pas à un renouvellement. Les mots utilisés dans les clauses 34 et 7 sont suffisamment clairs pour conclure que la caution n’a pas renoncé aux droits que l’equity et la common law lui confèrent à titre de débiteur principal ou de caution. Si l’on conclut que le texte des deux clauses est ambigu, il faut appliquer la règle contra proferentem au détriment de la banque. Le texte de la clause 34 liant la caution aux modifications qui peuvent être apportées en cas de prorogation de l’hypothèque ne devrait pas être interprété de manière à lier la caution à un renouvellement effectué sans donner avis, étant donné qu’il y a ambiguïté quant à savoir si la clause 34 s’applique de quelque façon que ce soit aux renouvellements. Dans ces circonstances aussi, la caution devrait être libérée de sa responsabilité.

Les juges Gonthier et Iacobucci (dissidents): La clause 34 équivaut à une renonciation par l’intimé au droit d’être libéré en raison d’une modification importante du contrat principal. Les contrats de cautionnement sont au fond des contrats comme les autres, qui devraient être interprétés selon les règles ordinaires d’interprétation des contrats. La principale règle d’interprétation des contrats veut que les tribunaux mettent à exécution les intentions que les parties ont exprimées dans leur document écrit. La cour ne s’écartera du sens ordinaire des mots que si une interprétation littérale des termes du contrat menait à un résultat absurde ou à un résultat nettement inconciliable avec l’intention des parties. À la clause 34, les cautions consentent à rester liées par le contrat de cautionnement nonobstant l’attribution d’un délai de paiement de l’hypothèque ou la modification du taux d’intérêt. Bien qu’elle ne mentionne pas expressément les conventions de «renouvellement», la clause 34 contient une renonciation claire au droit des cautions d’être libérées dans le cas d’une prorogation de délai ou d’une augmentation du taux d’intérêt. Le sens clair et ordinaire des mots «l’attribution d’un délai de paiement [. . .] ou la modification de[s] conditions de paiement» comprend la convention de renouvellement. Bien que les parties aient conclu une convention de renouvellement, au fond, cette convention de renouvellement prorogeait le délai de paiement et augmentait le taux d’intérêt, ce qui était expressément prévu à la clause 34. En vertu de la clause 34, la banque n’était pas tenue d’aviser les cautions de la convention de renouvellement. Le texte de cette clause est clair et il serait étrange de déduire l’existence d’une exigence d’avis en présence d’un engagement aussi clair et net. On ne s’attendrait pas à ce que, à titre de «débiteurs principaux», les cautions soient signataires de la convention de renouvellement. Les parties avaient manifestement l’intention, en utilisant cette terminologie, de maintenir la responsabilité de la caution même dans le cas où l’obligation principale ne pourrait plus être exécutée. L’espace prévu pour la signature de la caution dans la convention de renouvellement n’est d’aucune utilité pour tenter d’interpréter le contrat de cautionnement, puisque le texte ou la forme d’un autre contrat conclu trois ans plus tard ne saurait changer le sens de la convention initiale. L’intimé a promis de garantir le paiement des sommes garanties par l’hypothèque initiale, et les conditions de cette hypothèque déterminent donc l’étendue de sa responsabilité. L’intimé est responsable non pas des intérêts calculés au taux majoré de 13 pour 100 par année, mais simplement du remboursement du solde exigible du capital, avec intérêts calculés au taux de 11,5 pour 100 par année.

Le juge L’Heureux‑Dubé (dissidente): Sous réserve du commentaire suivant, il y a accord, pour l’essentiel, avec les motifs du juge Iacobucci. Les tribunaux doivent généralement utiliser la «méthode contextuelle moderne» comme méthode normative standard d’interprétation judiciaire et ils peuvent exceptionnellement recourir à l’ancienne règle du «sens ordinaire» quand les circonstances s’y prêtent. Pour définir l’expression «l’attribution d’un délai de paiement [. . .] ou la modification de[s] conditions de paiement» dans le présent contexte, le juge Iacobucci a examiné les dispositions dans leur contexte immédiat, le contrat dans son ensemble, les conséquences des interprétations proposées, les présomptions et les règles d’interprétation applicables, ainsi que les sources acceptables d’aide extérieure. Cette démarche est une application non pas de la méthode du «sens ordinaire», mais plutôt de la «méthode contextuelle moderne» d’interprétation judiciaire. Les règles qui régissent l’interprétation des actes et des contrats en général sont essentiellement les mêmes que les règles d’interprétation des lois. La «méthode contextuelle moderne» d’interprétation des lois s’applique également, avec les adaptations nécessaires, à l’interprétation des contrats. L’interprétation des lois et l’interprétation des contrats ne sont que deux subdivisions de la grande catégorie de l’interprétation judiciaire. En l’espèce, l’interprétation qui a résulté découlait non pas du «sens ordinaire» des mots, mais plutôt de leur «sens en droit» parce que ce sont des «termes techniques propres au domaine juridique». Lorsqu’un instrument emploie un terme technique propre au domaine juridique, ce terme technique est présumé être employé dans son sens juridique exact, et c’est la présomption à laquelle recourt le juge Iacobucci lorsqu’il utilise une source acceptable d’aide extérieure pour déterminer le sens exact de l’expression «accorder un délai».


Parties
Demandeurs : Banque Manuvie du Canada
Défendeurs : Conlin

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Cory
Arrêts mentionnés: Holme c. Brunskill (1878), 3 Q.B.D. 495
Banque de Montréal c. Wilder, [1986] 2 R.C.S. 551
Bauer c. Banque de Montréal, [1980] 2 R.C.S. 102
First City Capital Ltd. c. Hall (1993), 11 O.R. (3d) 792
Holland‑Canada Mortgage Co. c. Hutchings, [1936] R.C.S. 165
Alberta Opportunity Co. c. Schinnour, [1991] 2 W.W.R. 624
Citadel General Assurance Co. c. Johns‑Manville Canada Inc., [1983] 1 R.C.S. 513
Canadian Imperial Bank of Commerce c. Patel (1990), 72 O.R. (2d) 109
Co‑operative Trust Co. of Canada c. Kirkby, [1986] 6 W.W.R. 90
Royal Trust Corp. of Canada c. Reid (1985), 40 R.P.R. 287
Veteran Appliance Service Co. c. 109272 Development Ltd. (1985), 67 A.R. 117.
Citée par le juge Iacobucci (dissident)
Holme c. Brunskill (1878), 3 Q.B.D. 495
Re Rotenberg and Borough of York (No. 2) (1976), 13 O.R. (2d) 101
Keltic Leasing Corp. c. Curtis (1993), 133 R. N.‑B. (2e) 73
Banque de Montréal c. Wilder, [1986] 2 R.C.S. 551
Bauer c. Banque de Montréal, [1980] 2 R.C.S. 102
Exportations Consolidated Bathurst Ltée c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co., [1980] 1 R.C.S. 888
Stevenson c. Reliance Petroleum Ltd., [1956] R.C.S. 936
Cornish c. Accident Insurance Co. (1889), 23 Q.B.D. 453
Citadel General Assurance Co. c. Johns‑Manville Canada Inc., [1983] 1 R.C.S. 513.
Citée par le juge L’Heureux‑Dubé (dissidente)
River Wear Commissioners c. Adamson (1877), 2 App. Cas. 743
Sydall c. Castings Ltd., [1967] 1 Q.B. 302
Inland Revenue Commissioners c. Williams, [1969] 1 W.L.R. 1197.
Lois et règlements cités
Loi sur les tribunaux judiciaires, L.R.O. 1990, ch. C.43, art. 134(1).
Règles de procédure civile, R.R.O. 1990, règl. 194, art. 1.04(1), 20.04(2), (4), 39.02(1).
Doctrine citée
Black’s Law Dictionary, 5th ed. St. Paul, Minn.: West Publishing, 1979, «renewal», «extension».
Concise Oxford Dictionary of Current English, 9th ed. Oxford: Clarendon Press, 1995, «extend», «renew».
Côté, Pierre‑André. Interprétation des lois, 2e éd. Cowansville: Yvon Blais, 1990.
Driedger on the Construction of Statutes, 3rd ed. By Ruth Sullivan. Toronto: Butterworths, 1994.
Fridman, G. H. L. The Law of Contract in Canada, 3rd ed. Scarborough, Ont.: Carswell, 1994.
McGuinness, Kevin Patrick. The Law of Guarantee, 2nd ed. Scarborough, Ont.: Carswell, 1996.

Proposition de citation de la décision: Banque Manuvie du Canada c. Conlin, [1996] 3 R.C.S. 415 (31 octobre 1996)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1996-10-31;.1996..3.r.c.s..415 ?
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