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16/11/1995 | CANADA | N°[1995]_4_R.C.S._227

Canada | R. c. Shropshire, [1995] 4 R.C.S. 227 (16 novembre 1995)


R. c. Shropshire, [1995] 4 R.C.S. 227

Sa Majesté la Reine Appelante

c.

Michael Thomas Shropshire Intimé

Répertorié: R. c. Shropshire

No du greffe: 24227.

Audition et jugement: 15 juin 1995.

Motifs déposés: 16 novembre 1995.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1994), 90 C.C.C. (3d) 234, 45 B.C.A.C

. 252, 72 W.A.C. 252, qui a accueilli l'appel que l'accusé avait interjeté contre la peine qui lui avait été infligée, et ...

R. c. Shropshire, [1995] 4 R.C.S. 227

Sa Majesté la Reine Appelante

c.

Michael Thomas Shropshire Intimé

Répertorié: R. c. Shropshire

No du greffe: 24227.

Audition et jugement: 15 juin 1995.

Motifs déposés: 16 novembre 1995.

Présents: Le juge en chef Lamer et les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1994), 90 C.C.C. (3d) 234, 45 B.C.A.C. 252, 72 W.A.C. 252, qui a accueilli l'appel que l'accusé avait interjeté contre la peine qui lui avait été infligée, et qui a réduit à 10 ans le délai préalable à sa libération conditionnelle. Pourvoi accueilli.

William F. Ehrcke, pour l'appelante.

Anthony H. Zipp, pour l'intimé.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1 Le juge Iacobucci — Notre Cour a accueilli le présent pourvoi le 15 juin 1995, affirmant qu'elle ferait connaître ses motifs ultérieurement. Voici donc ces motifs.

2 Le pourvoi porte sur les facteurs et les principes qui devraient guider le juge du procès qui examine s'il y a lieu de porter, au‑delà du minimum de 10 ans prescrit par la loi, le délai préalable à la libération conditionnelle dans le cas d'une déclaration de culpabilité de meurtre au deuxième degré. Il concerne en outre la norme qui doit s'appliquer au contrôle en appel de la décision du juge du procès de proroger ce délai. Ces deux questions soulèvent la question générale de savoir dans quels cas on devrait intervenir dans l'exercice par le juge du procès de son pouvoir discrétionnaire en matière de détermination de la peine.

I. Contexte

3 L'intimé, Michael Thomas Shropshire, a plaidé coupable à l'accusation de meurtre au deuxième degré de Timothy Buffam. Le crime a été commis au domicile de l'intimé à Abbotsford, en Colombie‑Britannique, le 26 mai 1992, au moment où celui‑ci, la victime et Lorne Lang, une troisième personne qui accompagnait la victime, s'apprêtaient à conclure un marché concernant de la marijuana. Lang est également connu sous le nom de «Animal». L'intimé connaissait Buffam et Lang car tous trois avaient déjà conclu des marchés en matière de stupéfiants. Sans donner aucun avertissement, l'intimé a fait feu à trois reprises sur Buffam, l'atteignant à la poitrine, au moment où ils allaient entrer dans le garage pour conclure le marché concernant la marijuana. L'intimé a alors poursuivi Lang en voiture en criant: [traduction] «C'est Hacksaw qui m'a dit de faire ça!» Hacksaw était le sobriquet d'un autre associé.

4 Deux jours plus tard, l'intimé s'est rendu à la police. Après l'enquête préliminaire, l'intimé a plaidé coupable à une accusation de meurtre au deuxième degré. Il a affirmé qu'il avait des remords pour ses actes, mais il n'a ni voulu ni pu les expliquer. Le mobile de l'homicide n'a jamais été établi. L'intimé avait un casier judiciaire faisant état notamment de deux déclarations de culpabilité de vol qualifié prononcées devant le tribunal pour adolescents, d'une déclaration de culpabilité de conduite avec facultés affaiblies et de deux autres déclarations de culpabilité relatives à des infractions en matière de stupéfiants, prononcées devant un tribunal pour adultes.

5 Le 17 juin 1993, le juge McKinnon de la Cour suprême de la Colombie‑Britannique a condamné l'intimé à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de bénéficier de la libération conditionnelle avant 12 ans, ce qui représentait deux ans de plus que le délai minimal (et le plus courant) qui s'applique dans le cas d'un meurtre au deuxième degré, à savoir 10 ans. Le juge du procès a, en vertu de l'art. 744 du Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C-46, le pouvoir discrétionnaire de proroger, au‑delà du minimum prescrit par la loi, le délai préalable à la libération conditionnelle. L'intimé a contesté la décision prise par le juge du procès dans l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire.

6 Le 4 mai 1994, la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique, à la majorité, a accueilli l'appel que l'intimé avait interjeté contre la peine qui lui avait été infligée, et a réduit à 10 ans le délai préalable à sa libération conditionnelle: (1994), 90 C.C.C. (3d) 234, 45 B.C.A.C. 252, 72 W.A.C. 252. Le juge Goldie, dissident, aurait rejeté l'appel.

II. Dispositions législatives pertinentes

Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46

744. Sous réserve de l'article 744.1, au moment de prononcer la peine conformément à l'alinéa 742b), le juge qui préside au procès du contrevenant déclaré coupable de meurtre au deuxième degré, ou en cas d'empêchement, tout juge du même tribunal peut, compte tenu du caractère du contrevenant, de la nature de l'infraction et des circonstances de cette dernière ainsi que de toute recommandation formulée en vertu de l'article 743, porter, par ordonnance, le délai préalable à sa libération conditionnelle au nombre d'années, compris entre dix et vingt‑cinq, qu'il estime indiqué dans les circonstances.

7 L'article 744.1 s'applique aux contrevenants de moins de 18 ans. L'alinéa 742b) prescrit l'emprisonnement à perpétuité assorti d'un délai préalable à la libération conditionnelle d'au moins 10 ans et d'au plus 25 ans dans le cas d'une déclaration de culpabilité de meurtre au deuxième degré. L'article 743 concerne la recommandation d'un jury quant au délai minimal préalable à la libération conditionnelle.

III. Juridictions inférieures

A. Cour suprême de la Colombie‑Britannique

8 Le juge McKinnon a dit qu'il incombait au juge du procès de [traduction] «décider de la peine convenable en tenant compte du caractère du contrevenant, de la nature de l'infraction et des circonstances de celle‑ci». Puis, il conclut en ces termes:

[traduction] L'accusé a plaidé coupable à l'accusation de meurtre au deuxième degré et je lui ai infligé la peine obligatoire d'emprisonnement à perpétuité. Il reste à fixer le nombre d'années qu'il devra purger avant de pouvoir bénéficier de la libération conditionnelle.

Le ministère public et la défense font valoir conjointement qu'il convient de retenir le minimum prescrit, soit dix ans. En dépit de ces observations des avocats, il incombe au juge du procès de décider de la peine convenable en tenant compte du caractère du contrevenant, de la nature de l'infraction et des circonstances de celle‑ci.

Cette infraction a été commise au moment où un marché concernant de la marijuana était conclu entre trois personnes qui avaient déjà conclu des marchés similaires et qui se connaissaient sûrement. L'accusé était en train de vendre de la marijuana à un nommé Lang. Buffam, la victime, les accompagnait à titre de conducteur et de coacheteur, mais paraît avoir joué un rôle de second plan relativement à ce marché organisé par Shropshire et Lang.

Certains éléments semblent indiquer que Shropshire s'attendait à avoir des ennuis avec Lang parce qu'il lui devait 1 400 $, mais la preuve est équivoque car Lang prétend que Shropshire les a accueillis chaleureusement quand ils sont arrivés. De toute façon, d'après Lang, il ne s'est rien passé à ce moment‑là qui ait pu amener Shropshire à faire feu à trois reprises sur Buffam. Monsieur Shropshire affirme avoir des remords pour ses actes, mais il ne semble pas disposé à expliquer pourquoi il a tué M. Buffam.

Lang dit que, pour des raisons qui lui échappent complètement, Shropshire a fait feu à trois reprises sur Buffam au moment où ils allaient tous les trois entrer dans le garage pour conclure le marché concernant la marijuana. Shropshire a alors poursuivi Lang en voiture soit, selon la version des faits que l'on accepte, pour le faire revenir à la maison et appeler la police, soit pour le tuer lui aussi. Des témoins étrangers à cette affaire ont remarqué la poursuite en voiture, mais seul Lang a été en mesure de dire que Shropshire avait tenté de l'abattre à ce moment‑là. Shropshire a crié à Lang à plusieurs reprises: «C'est Hacksaw qui m'a dit de faire ça». Hacksaw est apparemment le sobriquet d'un autre associé. Tout cela est très étrange, surtout que M. Shropshire n'a ni voulu ni pu expliquer ses actes.

Monsieur Shropshire n'a que vingt‑trois ans, mais il a un casier judiciaire faisant état d'infractions en matière de stupéfiants et de crimes violents. Il a l'appui de ses parents et de sa femme avec qui il a eu deux enfants. Il semble avoir côtoyé des criminels durant la majeure partie de sa jeunesse et, bien que je ne veuille pas influer indûment sur une vie qui doit être encore tout à fait susceptible de devenir rangée, étant donné les facteurs dont je dois tenir compte, après avoir soupesé les faits, je crois qu'il convient de fixer à douze ans le délai préalable à sa libération conditionnelle. C'est le délai que je fixe.

B.Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1994), 90 C.C.C. (3d) 234

9 La cour, à la majorité, a accueilli l'appel interjeté contre la peine et a réduit à 10 ans le délai préalable à la libération conditionnelle.

(i)le juge Lambert (avec l'appui du juge Cumming)

10 Le juge Lambert a conclu qu'il était difficile de concevoir que [traduction] «les principes de dissuasion générale et de dissuasion particulière qui régissent la détermination de la peine devraient s'appliquer pour fixer à plus de 10 ans le délai préalable à la libération conditionnelle» (p. 237). Il a affirmé que, si une personne n'était pas dissuadée par la pensée d'un emprisonnement à perpétuité assorti de l'impossibilité de bénéficier de la libération conditionnelle avant 10 ans, il était alors difficilement concevable que la prorogation de ce délai préalable aurait quelque effet dissuasif sur elle.

11 Le juge Lambert a conclu qu'une ordonnance portant à plus de 10 ans le délai préalable à la libération conditionnelle avait pour effet d'empêcher la commission des libérations conditionnelles d'exercer [traduction] «la fonction même pour laquelle elle a été constituée» (p. 238). C'est pourquoi, afin de ne pas usurper la fonction de la commission des libérations conditionnelles, une telle ordonnance ne pourrait être rendue que dans des circonstances exceptionnelles. Plus précisément, seules deux raisons pourraient justifier une ordonnance prorogeant le délai préalable à la libération conditionnelle. Premièrement, lorsque [traduction] «le juge a l'impression que la personne déclarée coupable sera dangereuse si elle est remise en liberté et qu'elle le sera encore dans 10 ans, et que la preuve produite au procès l'amène à considérer qu'il a une meilleure perception du danger que la personne en question représente que ne l'aura la commission des libérations conditionnelles dans 10 ans, quand la question du danger deviendra importante de toute façon» (p. 238). Deuxièmement, lorsque la réprobation s'impose: [traduction] «une conclusion que l'emprisonnement à perpétuité assorti de l'impossibilité de bénéficier de la libération conditionnelle avant 10 ans est une forme de réprobation sociale insuffisante, eu égard à la gravité de l'infraction» (p. 238).

12 Le juge Lambert a conclu ensuite qu'aucune de ces raisons ne justifiait, en l'espèce, la décision du juge McKinnon de proroger le délai préalable à la libération conditionnelle. Quant à la dangerosité, le juge Lambert a fait observer que le juge McKinnon n'avait pas suffisamment motivé son opinion. Au sujet de la réprobation, le juge Lambert conclut, aux pp. 238 et 239:

[traduction] . . . en imposant une telle peine exemplaire [. . .] son incarcération pour quelques années de plus coûte au-delà de 50 000 $ par an [. . .] et [. . .] en prorogeant le délai préalable à la libération conditionnelle, il faut conclure que cette mesure de réprobation supplémentaire vaut plus que 50 000 $ par an pour la société.

. . .

Je suis incapable de classer, dans l'une ou l'autre des deux catégories que j'ai mentionnées, la raison donnée par le juge qui a prononcé la peine, à savoir que l'accusé, quand il a plaidé coupable, n'a pas expliqué pourquoi il avait commis ce meurtre. Je ne pense pas que cette raison entre dans la première catégorie, celle de la dangerosité, ou dans la seconde catégorie, celle de la réprobation.

. . . je crois qu'il est pertinent de mentionner que les deux avocats du ministère public et de la défense ont fait valoir, dans les observations qu'ils ont présentées au juge appelé à prononcer la peine, que le délai de 10 ans qui, selon le Code, doit s'écouler avant de pouvoir bénéficier de la libération conditionnelle, était celui qui convenait.

J'estime qu'en l'espèce le délai de 10 ans préalable à la libération conditionnelle permet de réaliser les objectifs visés par le législateur en adoptant ces dispositions. Je ne crois pas qu'il y ait eu ici quelque circonstance exceptionnelle [. . .] qui justifiait un accroissement de ce délai.

(ii)le juge Goldie (dissident)

13 Le juge Goldie a conclu que le Code criminel oblige le juge du procès à tenir compte des circonstances entourant la perpétration du crime. Il a dit que le refus par l'intimé de divulguer les circonstances de l'incident [traduction] «empêche au départ tout examen utile des motifs de son comportement antisocial, c'est‑à‑dire d'un acte dont la conséquence prévisible était la mort — l'archétype même du comportement antisocial» (p. 241). Il a donc conclu que le silence de l'intimé était pertinent pour justifier la prorogation du délai préalable à la libération conditionnelle (à la p. 241):

[traduction] À mon avis, en l'absence de toute explication, un homicide commis pratiquement au hasard, certainement insensé et irrationnel à première vue, devrait constituer l'une des formes les plus graves et non l'une des moins graves du meurtre au deuxième degré. En outre, en l'absence d'explication, il était tout à fait loisible au juge appelé à prononcer la peine de tenir pour des crimes violents les infractions de vol qualifié et de vol à main armée dont l'accusé avait déjà été déclaré coupable, bien qu'elles aient été commises six ans plus tôt. J'en déduis qu'il a estimé que cette infraction confirmait une propension. En effet, rien ne lui aurait permis de conclure qu'il s'agissait ici d'un homicide commis dans un moment d'aberration.

À mon sens, le refus délibéré de donner une explication d'un crime aussi grave est une circonstance qui, en soi, doit être considérée comme assez exceptionnelle pour justifier la prorogation du délai préalable à la libération conditionnelle. Le silence après le plaidoyer de culpabilité n'équivaut pas au silence avant la déclaration de culpabilité.

14 Le juge Goldie a ajouté que le plaidoyer de culpabilité avait supprimé la raison de protéger le droit de garder le silence. L'intimé ne pouvait s'attendre à être récompensé d'avoir gardé le silence au moment du prononcé de la peine. Le juge Goldie conclut ensuite que le juge du procès n'a pas commis d'erreur en prorogeant le délai préalable à la libération conditionnelle (à la p. 242):

[traduction] Il [le juge du procès] a pris connaissance des facteurs dont il devait tenir compte dans les circonstances exceptionnelles que [l'intimé] avait choisi de créer. Il n'a pas fixé un délai qui donnait à penser qu'il substituait le meurtre au premier degré à l'infraction effectivement commise. Il a tenu compte du caractère, du style de vie et de l'âge de l'accusé dans la mesure où il pouvait le faire en l'absence de coopération de la part de ce dernier. Il a pris en considération les circonstances atténuantes dans la mesure où il en a été informé. À mon avis, le délai additionnel de deux ans était indiqué et j'aurais rejeté l'appel.

IV. Les questions en litige

15 Je formulerais les questions en litige de la façon suivante:

1.Quels sont les facteurs dont le juge appelé à prononcer la peine doit tenir compte pour déterminer s'il convient de porter à plus de 10 ans le délai préalable à la libération conditionnelle dans le cas d'une personne déclarée coupable de meurtre au deuxième degré?

2.Étant donné la nature discrétionnaire de l'ordonnance prorogeant le délai préalable à la libération conditionnelle conformément à l'art. 744 du Code criminel, quelle norme doit s'appliquer au contrôle en appel d'une telle ordonnance?

V. Analyse

A.Quels sont les facteurs dont le juge appelé à prononcer la peine doit tenir compte pour déterminer s'il convient de porter à plus de 10 ans le délai préalable à la libération conditionnelle dans le cas d'une personne déclarée coupable de meurtre au deuxième degré?

16 La Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a décidé, à la majorité, que seulement deux facteurs doivent être considérés pour justifier la prorogation du délai préalable à la libération conditionnelle: (1) la détermination de la dangerosité future, et (2) la réprobation. En toute déférence, je ne suis pas du même avis. Bien que ces facteurs soient pertinents pour justifier une prorogation du délai préalable à la libération conditionnelle, ils ne sont nullement décisifs ou exclusifs.

17 L'article 744 du Code criminel autorise le juge du procès à porter, au‑delà du minimum de 10 ans, le délai préalable à la libération conditionnelle. Cette disposition, qui régit le présent pourvoi, est ainsi conçue:

744. Sous réserve de l'article 744.1, au moment de prononcer la peine conformément à l'alinéa 742b), le juge qui préside au procès du contrevenant déclaré coupable de meurtre au deuxième degré [. . .] peut, compte tenu du caractère du contrevenant, de la nature de l'infraction et des circonstances de cette dernière [. . .] porter, par ordonnance, le délai préalable à sa libération conditionnelle au nombre d'années, compris entre dix et vingt‑cinq, qu'il estime indiqué dans les circonstances. [Je souligne.]

18 La décision rendue en application de l'art. 744 dépend donc largement des faits. Les facteurs dont il faut tenir compte pour proroger le délai préalable à la libération conditionnelle sont les suivants:

(1) le caractère du contrevenant;

(2) la nature de l'infraction; et

(3) les circonstances de l'infraction.

Ce sont tous des facteurs qu'on doit considérer en ayant à l'esprit le pouvoir discrétionnaire conféré au juge du procès.

19 Le texte de loi ne mentionne pas la réprobation ni la détermination de la dangerosité future. En faisant de la «réprobation» et de la «détermination de la dangerosité future» les seuls critères applicables pour proroger le délai préalable à la libération conditionnelle, la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique, à la majorité, a en fait modifié le texte clair de la loi. Cela ne veut pas dire, cependant, que ces deux critères ne devraient pas entrer en ligne de compte. Par exemple, la «réprobation» peut être visée par le critère légal de la «nature de l'infraction». De même, la «dangerosité future» peut être visée par le facteur du «caractère du contrevenant».

20 Quant à la question de la réprobation, le juge Lambert a dit qu'elle ne constituerait pas une raison valable de proroger le délai préalable à la libération conditionnelle, sauf si on [traduction] «conclu[t] que cette mesure de réprobation supplémentaire vaut plus que 50 000 $ par an pour la société» (p. 239). Je ne saurais souscrire à cette thèse. Il est tout à fait inopportun d'obliger le juge du procès à entreprendre une telle analyse des coûts et des avantages. Comme l'a affirmé l'appelante devant notre Cour:

[traduction] C'est au législateur qu'il appartient de décider de l'affectation des deniers publics. En adoptant l'art. 744, le législateur a décidé d'affecter une partie des deniers publics à l'incarcération des meurtriers au‑delà du délai de dix ans. Si le législateur décide que cette incarcération coûte trop cher, il peut alors modifier l'art. 744. Il n'appartient pas aux juges qui prononcent les peines de faire ce type d'analyse budgétaire.

De plus, ce genre d'analyse financière produirait en principe des résultats peu souhaitables.

21 La «dissuasion» est aussi un critère pertinent pour justifier une ordonnance fondée sur l'art. 744. Le fait d'être admissible ou non à la libération conditionnelle est un élément constitutif du «châtiment» infligé au contrevenant: par exemple, il y a une différence très grande entre être derrière les barreaux et vivre dans la société en bénéficiant d'une libération conditionnelle. En conséquence, je crois que l'on pourrait raisonnablement s'attendre à ce que la prorogation du délai préalable à la libération conditionnelle dissuade certaines personnes de récidiver. Tel est aussi le point de vue qu'ont adopté diverses cours d'appel provinciales, et que la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique ne partage pas en l'espèce: R. c. Wenarchuk (1982), 67 C.C.C. (2d) 169 (C.A. Sask.); R. c. Mitchell (1987), 39 C.C.C. (3d) 141 (C.A.N.‑É.); R. c. Young (1993), 78 C.C.C. (3d) 538 (C.A.N.‑É.); R. c. Able (1993), 65 O.A.C. 37 (C.A.); R. c. Ly (1992), 72 C.C.C. (3d) 57 (C.A. Man.), le juge Twaddle (avec l'appui du juge en chef Scott), à la p. 61: [traduction] «En fixant un délai minimal préalable à la libération conditionnelle dans le cas de l'emprisonnement à perpétuité, le législateur visait, à mon sens, un double objectif: dissuader et réprouver le crime».

22 Ce qui est plus important, c'est que la position de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique est également inconciliable avec le point de vue de notre Cour sur l'interaction de l'admissibilité à la libération conditionnelle et de la dissuasion. Par exemple, dans l'arrêt R. c. Arkell, [1990] 2 R.C.S. 695, à la p. 704, on peut lire ce qui suit:

. . . la distinction entre le meurtre au premier degré et le meurtre au deuxième degré [. . .] est qu'un maximum de quinze années supplémentaires d'incarcération doivent être purgées avant que quelqu'un soit admissible à la libération conditionnelle. [. . .] La décision du Parlement de traiter plus sévèrement les meurtres commis pendant que leur auteur exploitait une situation de puissance par la domination illégale de la victime [c.‑à‑d. le meurtre au premier degré] est conforme au principe qu'il doit y avoir proportionnalité entre une peine et la culpabilité morale du délinquant, ainsi qu'à d'autres considérations comme la dissuasion et la réprobation sociale des actes du délinquant. [Je souligne.]

23 La seule différence au niveau du châtiment entre le meurtre au premier degré et le meurtre au deuxième degré réside dans la durée de l'inadmissibilité à la libération conditionnelle. Cela indique clairement que l'inadmissibilité à la libération conditionnelle fait partie du «châtiment» et est donc un élément important de la politique en matière de détermination de la peine. En tant que telle, elle doit avoir un rapport avec la dissuasion générale ou particulière. Il ressort clairement de la jurisprudence de notre Cour que la dissuasion est un objectif bien établi de la politique en matière de détermination de la peine. Dans l'arrêt R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, le juge La Forest conclut, à la p. 329:

Dans un système rationnel de détermination des peines, l'importance respective de la prévention, de la dissuasion, du châtiment et de la réinsertion sociale variera selon la nature du crime et la situation du délinquant. Personne n'a prétendu que l'une quelconque de ces considérations pratiques ne devrait pas entrer en ligne de compte dans les décisions législatives ou judiciaires concernant les peines à imposer.

L'analyse visée à l'art. 744 doit porter sur tous les facteurs cités dans l'arrêt Lyons. Dans l'arrêt R. c. Luxton, [1990] 2 R.C.S. 711, on a souligné l'importance de déterminer la peine en fonction de l'accusé et du crime particulier qu'il a commis. C'est là également un facteur dont toute ordonnance fondée sur l'art. 744 devrait tenir compte.

24 L'exercice par le juge du procès du pouvoir discrétionnaire que lui confère l'art. 744 ne devrait pas être plus limité que le processus de détermination de la peine lui‑même. Cette disposition n'est en rien limitative, au contraire. En raison de son libellé, elle ressemble beaucoup à l'art. 745 qui permet à la personne qui a purgé 15 ans de sa peine d'emprisonnement de demander la réduction du délai préalable à sa libération conditionnelle. L'article 745 a récemment été étudié par notre Cour dans R. c. Swietlinski, [1994] 3 R.C.S. 481. Cette affaire portait sur les considérations qui sont pertinentes pour le jury qui entend une demande fondée sur l'art. 745; le juge en chef Lamer conclut, à la p. 500:

Il est vrai que la dissuasion est l'une des fonctions de la peine et qu'en conséquence, il est légitime que le jury tienne compte de ce facteur lorsqu'il entend une requête selon l'art. 745.

Il n'y a aucune raison de donner une interprétation plus restrictive aux fonctions de l'art. 744 qu'à celles de l'art. 745.

25 De toute façon, peu importe l'effet que l'inadmissibilité à la libération conditionnelle peut avoir empiriquement sur le récidivisme, selon le raisonnement suivi par le juge Lambert dans la présente affaire et dans l'arrêt R. c. Hogben (1994), 40 B.C.A.C. 257, le concept de la «dissuasion» ne peut absolument pas sous‑tendre la décision de proroger ou non le délai préalable à la libération conditionnelle. Cela est, à mon sens, une interprétation trop restrictive de l'art. 744, et va à l'encontre de la jurisprudence de notre Cour et d'autres cours d'appel.

26 Je juge également nécessaire d'examiner la conclusion du juge Lambert qu'un délai préalable à la libération conditionnelle de plus de 10 ans ne sera justifié qu'en présence de «circonstances exceptionnelles». Cette conclusion s'inspire des arrêts antérieurs de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique R. c. Brown (1993), 83 C.C.C. (3d) 394, et R. c. Gourgon (1981), 58 C.C.C. (2d) 193. À mon avis, c'est une norme trop sévère qui complique indûment l'exercice, par les juges du procès, de leur pouvoir discrétionnaire de proroger le délai préalable à la libération conditionnelle. Le libellé de l'art. 744 n'exige pas des «circonstances exceptionnelles». En conséquence, l'exiger par décision judiciaire est contraire à l'intention du législateur.

27 À mon avis, une norme plus appropriée, qui refléterait davantage l'intention du législateur, peut être formulée ainsi: en règle générale, le délai préalable à la libération conditionnelle est de 10 ans, mais le juge du procès peut y déroger en décidant que, suivant les critères énumérés à l'art. 744, qu'un délai plus long devrait s'écouler avant que l'on examine l'opportunité de mettre le contrevenant en liberté. Dans cette optique, la prorogation du délai préalable à la libération conditionnelle ne serait pas «exceptionnelle», quoiqu'il se puisse bien que, dans la plupart des cas, le délai continue d'être fixé à 10 ans.

28 Ma conclusion s'appuie sur un examen de l'historique et de l'interprétation judiciaire de l'art. 744, ainsi que de la doctrine s'y rapportant, et sur le régime de détermination de la peine applicable au meurtre au deuxième degré.

29 L'alinéa 742b) du Code prévoit qu'une personne condamnée à l'emprisonnement à perpétuité pour meurtre au deuxième degré doit, pour être admissible à la libération conditionnelle, avoir purgé «au moins dix ans de la peine, délai que le juge peut porter à au plus vingt‑cinq ans en vertu de l'article 744». En permettant de fixer le délai préalable à la libération conditionnelle à l'intérieur d'une fourchette, le législateur a voulu reconnaître que, dans la catégorie du meurtre au deuxième degré, il y aura divers degrés de gravité qui refléteront différents degrés de culpabilité morale. En conséquence, le délai préalable à la libération conditionnelle pour le meurtre au deuxième degré variera entre un minimum de 10 ans et un maximum de 25 ans, ce qui équivaut, dans le dernier cas, au délai prescrit dans le cas du meurtre au premier degré. Le simple fait que le délai moyen se rapproche du minimum de 10 ans ne signifie pas automatiquement que tout autre délai sera «exceptionnel».

30 J'ouvre une parenthèse pour répéter que, dans le présent pourvoi, il est question d'un délai préalable à la libération conditionnelle de 12 ans, ce qui représente seulement deux ans de plus que le minimum prévu.

31 Si l'article 744 a pour objectif de conférer au juge du procès un certain pouvoir discrétionnaire en matière de détermination de la peine, de manière à refléter le fait qu'il y a divers degrés de gravité et divers degrés de culpabilité morale dans la catégorie du meurtre au deuxième degré, il est alors erroné de partir du principe que la peine à infliger doit être le minimum prescrit par la loi, sauf s'il existe des circonstances exceptionnelles. Comme nous l'avons vu, il serait préférable de considérer le délai de 10 ans comme un minimum que le juge applique selon ce «qu'il estime indiqué dans les circonstances», compte tenu des critères énumérés à l'art. 744. Comme il a été décidé dans d'autres provinces canadiennes, le pouvoir de proroger le délai préalable à la libération conditionnelle n'a pas à être exercé avec modération.

32 Par exemple, dans l'arrêt R. c. Wenarchuk, précité, la Cour d'appel de la Saskatchewan (le juge en chef Bayda au nom d'une formation de cinq juges) conclut ceci, à la p. 173:

[traduction] [Il ne convient plus] que les «ordonnances [prorogeant le délai préalable à la libération conditionnelle] soient rendues au compte‑gouttes». Ces ordonnances devraient être rendues chaque fois que cela est «indiqué dans les circonstances». [Je souligne.]

33 Je suis également d'avis de confirmer le passage suivant de l'arrêt de la Cour d'appel de la Nouvelle‑Écosse R. c. Doyle (1991), 108 N.S.R. (2d) 1, à la p. 5, autorisation de pourvoi devant notre Cour refusée, [1992] 2 R.C.S. vi, que je juge pertinent relativement à la présente analyse:

[traduction] Dans le cas du meurtre au deuxième degré, la peine fixée par le Code n'est pas l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de bénéficier de la libération conditionnelle avant dix ans. Le pouvoir discrétionnaire conféré par l'al. 742b) et l'art. 744 au juge qui prononce la peine consiste non pas à décider s'il convient d'écarter le délai de dix ans qui s'impose à première vue, mais plutôt à déterminer la peine qui est indiquée, selon les lignes directrices appropriées. Il n'est pas indispensable que les circonstances soient exceptionnelles pour que le minimum de dix ans soit écarté, quoique la jurisprudence montre que pareilles circonstances jouent sûrement un rôle dans l'exercice régulier du pouvoir discrétionnaire . . .

Selon la loi, il n'est pas nécessaire d'établir l'existence de circonstances exceptionnelles, de brutalité, de torture ou de mauvais antécédents pour que le juge puisse exercer son pouvoir discrétionnaire de porter le délai au‑delà du minimum de dix ans. Il n'incombe pas non plus au ministère public de montrer qu'il convient de porter le délai au‑delà du minimum. [Je souligne.]

34 Par ailleurs, je ne suis pas d'avis que c'est usurper la fonction de la commission des libérations conditionnelles, ou empiéter sur celle‑ci, que de permettre au juge du procès de proroger le délai préalable à la libération conditionnelle. Je suis conscient du fait qu'à l'expiration du délai préalable à la libération conditionnelle, la mise en liberté n'est pas garantie. Il incombe alors à la commission des libérations conditionnelles d'examiner l'opportunité d'une telle mise en liberté et, ce faisant, elle est guidée par les objectifs légaux du régime de libération conditionnelle: voir les art. 101 et 102 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20. Toutefois, il est clair que cette commission n'est pas le seul intervenant dans le processus de libération conditionnelle. Son mandat se résume à décider, à l'intérieur des paramètres définis par les tribunaux, si un contrevenant peut être mis en liberté. L'un des éléments clefs de ces paramètres est la détermination du moment où commence à courir le délai préalable à la libération conditionnelle (c.‑à‑d. le moment où la commission des libérations conditionnelles peut commencer à exercer sa fonction administrative d'examen). Voilà comment le régime est destiné à s'appliquer — avec l'apport complémentaire mais distinct des tribunaux et des administrateurs du régime de libération conditionnelle. Il appartient au juge qui prononce la peine de circonscrire, dans certaines circonstances déterminées par la loi, l'activité de la commission des libérations conditionnelles. La décision du juge McKinnon en l'espèce ne fausse pas cet équilibre ni n'usurpe pas indûment la fonction de la commission des libérations conditionnelles. Comme le fait remarquer la Cour d'appel de la Saskatchewan dans l'arrêt Wenarchuk, précité, aux pp. 172 et 173:

[traduction] L'article 671 [maintenant l'art. 744] n'a pas pour objet d'enlever quoi que ce soit à la commission des libérations conditionnelles ni d'amoindrir la fonction de la commission, qui consiste à déterminer si l'accusé est suffisamment réadapté (du point de vue de la protection de la société et du risque qu'il présente pour celle‑ci) pour être mis en liberté. [. . .] Il vise plutôt à redonner au juge une partie du pouvoir discrétionnaire dont il est normalement investi en matière de détermination de la peine — pouvoir que la loi lui a enlevé en prévoyant l'emprisonnement à perpétuité [pour meurtre] — de sorte que le juge puisse rendre la justice, non pas la justice punitive, mais la justice qui reflète la culpabilité de l'accusé et qui exprime mieux la réprobation sociale du crime qu'il a commis (laquelle s'accompagne d'avantages pour la société, dont la protection par la dissuasion générale ou particulière et, au besoin, par l'isolement) . . .

. . .

L'ordonnance fondée sur l'art. 671 n'empiète pas sur les pouvoirs de la Commission. Tout au plus, elle a pour effet de différer l'exercice de ses pouvoirs -- ses pleins pouvoirs. [En italique dans l'original.]

35 Appliquant ces principes juridiques aux faits de la présente affaire, je ne vois aucune erreur de la part du juge du procès. Il a mentionné le fait que l'intimé avait plaidé coupable et qu'il n'était âgé que de 23 ans. Il a reconnu que le ministère public ne demandait pas de porter au‑delà du minimum le délai préalable à la libération conditionnelle. Néanmoins, dans l'exercice légitime de son pouvoir discrétionnaire et après avoir examiné correctement les facteurs énumérés à l'art. 744, il a fixé à 12 ans le délai préalable à la libération conditionnelle. Les facteurs auxquels il s'est reporté pour justifier de fixer à 12 ans le délai préalable à la libération conditionnelle sont les suivants:

a)les circonstances de l'homicide étaient étranges, car elles n'expliquaient pas véritablement pourquoi il avait été commis, et l'intimé n'a ni voulu ni pu expliquer ses actes,

b)le meurtre a été commis pendant la perpétration d'une autre infraction, soit un marché concernant de la drogue, et

c)l'intimé avait un casier judiciaire faisant état d'infractions en matière de stupéfiants et de crimes violents.

36 Les facteurs b) et c) relèvent clairement des catégories établies à l'art. 744 (celles du «caractère», de la «nature» et des «circonstances»). Quant au facteur b), je souligne en outre que, dans l'arrêt R. c. Ly, précité, la Cour d'appel du Manitoba a conclu que le délai préalable à la libération conditionnelle pouvait être prorogé si le meurtre avait été commis pendant la perpétration d'un autre crime, plus particulièrement d'un crime violent.

37 Le facteur a) présente cependant certaines difficultés. L'intimé soulève la question de savoir si le juge du procès a commis une erreur en interprétant le silence de l'intimé de manière à justifier la prorogation du délai préalable à sa libération conditionnelle.

38 Je réponds à cette question en confirmant l'analyse du juge Goldie de la Cour d'appel (aux pp. 241 et 242) et en concluant que ce silence est facilement assimilable au critère des «circonstances» de l'infraction. Le point crucial des observations du juge Goldie est que, en l'absence de toute explication d'un homicide commis au hasard et apparemment insensé, le juge du procès a eu raison de fixer la peine de l'intimé en fonction, notamment, de son refus d'expliquer son acte. Il a estimé que son refus était délibéré et inusité en soi. Après tout, l'intimé, un trafiquant de drogue qui avait déjà été condamné pour vol qualifié et vol à main armée, a abattu de sang‑froid Buffam, sans avoir été le moindrement provoqué.

39 Il n'appartient pas au juge du procès de conjecturer sur ce que l'intimé aurait pu dire pour atténuer la gravité du crime. Je suis tout à fait d'accord avec le juge Goldie pour dire que le droit au silence, qui est entièrement applicable aux étapes de l'enquête et des poursuites en matière criminelle, perd de son importance à l'étape qui suit la déclaration de culpabilité, quand il s'agit de déterminer la peine. Toutefois, en souscrivant ainsi à son opinion, j'insiste sur le fait que l'intimé a plaidé coupable; je remets à plus tard l'examen de la question de savoir si une conclusion défavorable peut être tirée du silence de l'accusé qui a plaidé non coupable et qui souhaite en appeler de sa déclaration de culpabilité. En l'espèce, le juge du procès est allé jusqu'à inviter l'accusé à dire pourquoi il pouvait avoir commis l'infraction en cause, sans toutefois obtenir une réponse. Comme l'a conclu le juge Goldie (à la p. 242), l'intimé [traduction] «ne peut s'attendre à être récompensé pour avoir gardé le silence dans les circonstances». La cour et la société ont nettement intérêt à savoir pourquoi un contrevenant a tué un être humain.

40 Les observations du juge Goldie et la décision du juge du procès sur la question du «silence» sont entièrement compatibles avec la position de la Cour d'appel de l'Ontario. Dans l'arrêt R. c. Able, précité, la Cour d'appel a prorogé le délai préalable à la libération conditionnelle de deux coaccusés. À la page 39, elle conclut:

[traduction] Aucun des appelants n'a expliqué le motif de l'homicide [. . .], [qui] peut être mieux décrit comme l'assassinat d'une victime impuissante, commis de façon impitoyable, avec brutalité, gratuitement, à la manière d'une exécution.

Je conclus que, dans certaines circonstances comme celles de la présente affaire, il convient de tenir compte de l'absence d'explication de facteurs atténuants.

41 L'intimé affirme que les observations du juge Goldie et la décision du juge du procès vont à l'encontre de ce que notre Cour a décidé dans l'arrêt R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368. Je reconnais que, dans l'arrêt Gardiner, notre Cour a appliqué au processus de détermination de la peine certains droits procéduraux. Toutefois, ces droits se limitaient au droit à l'assistance d'un avocat, au droit de citer des témoins, au droit de contre‑interroger et au droit de plaider. Il n'y est aucunement fait mention de la création, sous une forme identique, d'un droit substantiel comme celui de garder le silence.

42 À l'étape de la détermination de la peine, le ministère public a déjà prouvé hors de tout doute raisonnable que l'accusé a commis le crime dont il est inculpé, ou encore, comme en l'espèce, l'accusé a plaidé coupable; si ce dernier demande ensuite que lui soit infligée la peine la moins sévère prévue pour son crime (c.‑à‑d., dans le cas d'un meurtre au deuxième degré, l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de bénéficier de la libération conditionnelle avant 10 ans), il lui incombe de participer quelque peu activement au processus. Je souligne que le droit de garder le silence est une manifestation de la présomption d'innocence: R. c. Broyles, [1991] 3 R.C.S. 595; R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151; R. c. Chambers, [1990] 2 R.C.S. 1293. La présomption d'innocence s'applique à la personne qui est «inculpée» ou qui est soupçonnée d'avoir commis une infraction; une fois qu'une personne a été déclarée coupable d'une infraction, elle n'est plus simplement «inculpée».

B.Étant donné la nature discrétionnaire de l'ordonnance prorogeant le délai préalable à la libération conditionnelle conformément à l'art. 744 du Code criminel, quelle norme doit s'appliquer au contrôle en appel d'une telle ordonnance?

43 À mon avis, la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique a commis une erreur de droit non seulement en ce qui concerne les facteurs qui justifient une ordonnance prorogeant le délai préalable à la libération conditionnelle, mais encore en ce qui a trait à la norme de contrôle qu'elle a appliquée.

44 Le juge Lambert a affirmé qu'une cour d'appel devrait réduire le délai préalable à la libération conditionnelle fixé par le juge du procès, sauf si ce dernier a donné des motifs précis qui, de l'avis de la cour d'appel, justifient la prorogation du délai. C'est là une norme de contrôle très large, qui est axée précisément sur l'appréciation par la cour d'appel de l'exactitude de la décision du juge qui a prononcé la peine. À mon avis, cette norme de contrôle est inadéquate.

45 Selon l'article 673 du Code, les ordonnances fondées sur l'art. 744 font partie de la «sentence». Elles doivent donc être portées en appel conformément au droit d'appel prévu au par. 687(1) du Code, qui est ainsi conçu:

687. (1) S'il est interjeté appel d'une sentence, la cour d'appel considère, à moins que la sentence n'en soit une que détermine la loi, la justesse de la sentence dont appel est interjeté et peut, d'après la preuve, le cas échéant, qu'elle croit utile d'exiger ou de recevoir:

a) soit modifier la sentence dans les limites prescrites par la loi pour l'infraction dont l'accusé a été déclaré coupable;

b) soit rejeter l'appel. [Je souligne.]

46 Il s'agit donc de savoir si l'examen de la «justesse» d'une peine comporte le contrôle très interventionniste de la cour d'appel, que préconise le juge Lambert. En toute déférence, je conclus que non. Une cour d'appel ne devrait pas avoir toute latitude pour modifier une ordonnance relative à la détermination de la peine simplement parce qu'elle estime qu'une ordonnance différente aurait dû être rendue. La formulation d'une ordonnance relative à la détermination de la peine est un processus profondément subjectif; le juge du procès a l'avantage d'avoir vu et entendu tous les témoins, tandis que la cour d'appel ne peut se fonder que sur un compte rendu écrit. Il n'y a lieu de modifier la peine que si la cour d'appel est convaincue qu'elle n'est pas indiquée, c'est‑à‑dire si elle conclut que la peine est nettement déraisonnable.

47 Je ferais mien le point de vue adopté par la Cour d'appel de la Nouvelle‑Écosse dans les arrêts R. c. Pepin (1990), 98 N.S.R. (2d) 238, et R. c. Muise (1994), 94 C.C.C. (3d) 119. Dans l'arrêt Pepin, à la p. 251, la cour conclut:

[traduction] . . . pour décider s'il y a lieu de modifier une peine, il ne s'agit pas de savoir si nous aurions infligé une peine différente; nous devons décider si le juge qui a prononcé la peine a appliqué des principes erronés ou [. . .] [si] [. . .] la peine est nettement ou manifestement excessive.

48 En outre, dans l'arrêt Muise, la cour tire la conclusion suivante, aux pp. 123 et 124:

[traduction] Chaque fois que notre cour a été appelée à examiner la justesse d'une peine infligée par un juge du procès, elle a constamment décidé de ne pas intervenir, sauf si la peine était nettement excessive ou inadéquate . . .

. . .

La règle de droit applicable aux appels interjetés contre une peine n'est pas complexe. Si la peine infligée n'est pas clairement excessive ou inadéquate, elle est indiquée à supposer que le juge du procès ait appliqué les bons principes et tenu compte de tous les faits pertinents. [. . .] Mon point de vue repose sur le fait que la détermination de la peine n'est pas une science exacte, tout au contraire. C'est un exercice de jugement qui tient compte des principes juridiques pertinents, des circonstances de l'infraction et du contrevenant. Tout au plus peut‑on s'attendre à ce que le juge qui prononce la peine en arrivera à une peine qui respectera des limites acceptables. À mon sens, c'est la vraie raison pour laquelle des cours d'appel examinent des peines quand il s'agit seulement de savoir si la peine est inadéquate ou excessive.

49 Pour un point de vue semblable, voir R. c. Émond, C.A. Qué., no 200‑10‑000173‑893, 6 février 1990, J.E. 90-557.

50 Pour être considérée comme déraisonnable, l'ordonnance relative à la détermination de la peine doit tomber en dehors des «limites acceptables», ce qui n'est clairement pas le cas en l'espèce. Une erreur de droit suppose une situation comme celle en cause dans l'affaire R. c. Chaisson, [1995] 2 R.C.S. 1118, où le juge qui a prononcé la peine a, en rendant, en vertu de l'art. 741.2 du Code, une ordonnance enjoignant de purger la moitié de la peine avant de pouvoir bénéficier de la libération conditionnelle, inclus par erreur dans le calcul de la durée totale de l'incarcération deux infractions qui n'étaient pas énumérées dans la liste des infractions auxquelles s'appliquent les ordonnances fondées sur l'art. 741.2.

51 Quant à la question des motifs justifiant la prorogation du délai préalable à la libération conditionnelle, il est clair qu'en exposant ses motifs le juge du procès aide la cour d'appel à évaluer le caractère raisonnable de la peine infligée. En l'absence de motifs (exposés par écrit ou verbalement), la cour d'appel aura davantage tendance à conclure au caractère déraisonnable. Toutefois, l'absence de motifs ne devrait pas amener automatiquement la cour d'appel à décider de réduire (ou encore de proroger) le délai préalable à la libération conditionnelle que le juge du procès a fixé. En règle générale, bien qu'il soit toujours préférable que le juge du procès expose ses motifs dans un domaine aussi important que la détermination de la peine, celui-ci ne commet pas une erreur du seul fait qu'il ne motive pas sa décision quelle qu'elle soit: R. c. Smith, [1990] 1 R.C.S. 991; R. c. Burns, [1994] 1 R.C.S. 656, à la p. 664. De toute façon, en ce qui concerne le présent pourvoi, cette analyse est en grande partie inutile étant donné que le juge McKinnon a clairement indiqué pourquoi il convenait de fixer un délai de 12 ans.

52 Il est intéressant de souligner que la norme de retenue que la Cour d'appel de la Nouvelle‑Écosse préconise à l'heure actuelle en matière de contrôle des ordonnances relatives à la détermination de la peine est celle qui s'appliquait auparavant en Colombie‑Britannique. Dans l'arrêt R. c. Gourgon, précité, le juge Bull de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique conclut, à la p. 197:

[traduction] . . . il est nettement question du pouvoir discrétionnaire du juge du procès et, à moins que des principes erronés ou manifestement erronés ne soient appliqués, que des principes corrects ne soient appliqués erronément, ou que des facteurs appropriés ne soient ignorés ou soulignés exagérément, une cour d'appel devrait prendre garde d'intervenir dans l'exercice de ce pouvoir.

53 L'arrêt Gourgon a été renversé implicitement par la décision du juge Lambert en l'espèce, qui peut être associée à l'arrêt R. c. Brown, précité, et à l'arrêt R. c. Walford (1984), 12 C.C.C. (3d) 257 (C.A.C.‑B.), le juge en chef Nemetz. Comme il ressort de la présente analyse, je suis d'avis que la norme du juge Bull est préférable et plus conforme aux principes généralement acceptés par les tribunaux. À cet égard, quant à la question du contrôle en appel, je suis d'avis de rejeter la décision du juge Lambert en l'espèce, dans la mesure où elle a pour effet de renverser l'arrêt Gourgon et où elle diverge des arrêts Pepin et Muise.

VI. Conclusions et dispositif

54 Le juge du procès a tenu compte à bon droit des facteurs pertinents dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère l'art. 744. La Cour d'appel a commis une erreur en optant pour une interprétation trop restrictive de l'art. 744 et en adoptant une norme de contrôle qui équivalait à substituer son opinion à celle du juge du procès. En conséquence, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi, d'annuler la décision de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique et de rétablir l'ordonnance fixant à 12 ans le délai préalable à la libération conditionnelle, que le juge du procès a rendue en vertu de l'art. 744.

Pourvoi accueilli.

Procureur de l'appelante: Le ministère du Procureur général, Vancouver.

Procureurs de l'intimé: Zipp & Company, Coquitlam.


Synthèse
Référence neutre : [1995] 4 R.C.S. 227 ?
Date de la décision : 16/11/1995
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli et l'ordonnance du juge du procès est rétablie

Analyses

Droit criminel - Détermination de la peine - Délai préalable à la libération conditionnelle - Accusé plaidant coupable à une accusation de meurtre au deuxième degré - Juge du procès condamnant l'accusé à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de bénéficier de la libération conditionnelle avant 12 ans - Cour d'appel réduisant le délai préalable à la libération conditionnelle au minimum de 10 ans prescrit par la loi - Y a-t-il lieu de rétablir l'ordonnance du juge du procès? - Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 744.

Droit criminel - Pouvoirs d'une cour d'appel - Appels contre une peine - Accusé plaidant coupable à une accusation de meurtre au deuxième degré - Juge du procès condamnant l'accusé à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de bénéficier de la libération conditionnelle avant 12 ans - Cour d'appel réduisant le délai préalable à la libération conditionnelle au minimum de 10 ans prescrit par la loi - La Cour d'appel a‑t‑elle commis une erreur relativement à la norme de contrôle qu'elle a appliquée? - Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 687(1).

L'accusé a plaidé coupable à une accusation de meurtre au deuxième degré. Le crime a été commis à son domicile, au moment où il s'apprêtait à conclure un marché concernant de la marijuana. Sans donner aucun avertissement, l'accusé a fait feu à trois reprises sur la victime, l'atteignant à la poitrine, au moment où ils allaient entrer dans le garage pour conclure le marché. Deux jours plus tard, l'accusé s'est rendu à la police. Il a affirmé qu'il avait des remords pour ses actes, mais il n'a ni voulu ni pu les expliquer. Le mobile de l'homicide n'a jamais été établi. L'accusé avait un casier judiciaire faisant état notamment de deux déclarations de culpabilité de vol qualifié prononcées devant le tribunal pour adolescents, d'une déclaration de culpabilité de conduite avec facultés affaiblies et de deux autres déclarations de culpabilité relatives à des infractions en matière de stupéfiants, prononcées devant un tribunal pour adultes. L'alinéa 742b) du Code criminel prescrit l'emprisonnement à perpétuité assorti d'un délai préalable à la libération conditionnelle d'au moins 10 ans et d'au plus 25 ans dans le cas d'une déclaration de culpabilité de meurtre au deuxième degré. Le juge du procès a, en vertu de l'art. 744, le pouvoir discrétionnaire de proroger, au‑delà du minimum de 10 ans prescrit par la loi, le délai préalable à la libération conditionnelle. L'accusé a été condamné à l'emprisonnement à perpétuité sans possibilité de bénéficier de la libération conditionnelle avant 12 ans. La Cour d'appel, à la majorité, a accueilli l'appel que l'accusé avait interjeté contre la peine qui lui avait été infligée, et a réduit à 10 ans le délai préalable à sa libération conditionnelle.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli et l'ordonnance du juge du procès est rétablie.

Les facteurs dont il faut tenir compte pour proroger le délai préalable à la libération conditionnelle, en vertu de l'art. 744, sont (1) le caractère du contrevenant, (2) la nature de l'infraction, et (3) les circonstances de l'infraction. Ce sont tous des facteurs qu'on doit considérer en ayant à l'esprit le pouvoir discrétionnaire conféré au juge du procès. Bien que la détermination de la dangerosité future et la réprobation soient pertinentes pour justifier une ordonnance fondée sur l'art. 744, la dissuasion est aussi un critère pertinent. La conclusion de la Cour d'appel à la majorité qu'un délai préalable à la libération conditionnelle de plus de 10 ans ne sera justifié qu'en présence de «circonstances exceptionnelles» est une norme trop sévère qui complique indûment l'exercice du pouvoir discrétionnaire du juge du procès. Une norme plus appropriée consiste à dire qu'en règle générale le délai préalable à la libération conditionnelle est de 10 ans, mais que le juge du procès peut y déroger en décidant que, suivant les critères énumérés à l'art. 744, un délai plus long devrait s'écouler avant que l'on examine l'opportunité de mettre le contrevenant en liberté. Dans cette optique, la prorogation du délai préalable à la libération conditionnelle ne serait pas «exceptionnelle», même s'il se pourrait que, dans la plupart des cas, le délai continue d'être fixé à 10 ans. Cette norme s'appuie sur un examen de l'historique et de l'interprétation judiciaire de l'art. 744, ainsi que de la doctrine s'y rapportant, et sur le régime de détermination de la peine applicable au meurtre au deuxième degré. Ce n'est pas usurper la fonction de la commission des libérations conditionnelles, ou empiéter sur celle‑ci, que de permettre au juge du procès de proroger le délai préalable à la libération conditionnelle.

Le juge du procès n'a commis aucune erreur en l'espèce. Il a mentionné le fait que l'accusé avait plaidé coupable et qu'il n'était âgé que de 23 ans, et il a affirmé que les facteurs suivants justifiaient de fixer à 12 ans le délai préalable à la libération conditionnelle: a) les circonstances de l'homicide étaient étranges, car elles n'expliquaient pas véritablement pourquoi il avait été commis, et l'accusé n'a ni voulu ni pu expliquer ses actes, b) le meurtre a été commis pendant la perpétration d'une autre infraction, soit un marché concernant de la drogue, et c) l'accusé avait un casier judiciaire faisant état d'infractions en matière de stupéfiants et de crimes violents. Les facteurs b) et c) relèvent clairement des catégories établies à l'art. 744. Quoique le facteur a) présente certaines difficultés, le silence dont il est fait état est facilement assimilable au critère des «circonstances» de l'infraction. En l'absence de toute explication d'un homicide commis au hasard et apparemment insensé, le juge du procès a eu raison de fixer la peine de l'accusé en fonction de son refus d'expliquer son acte. Le droit au silence, qui est entièrement applicable aux étapes de l'enquête et des poursuites en matière criminelle, perd de son importance à l'étape qui suit la déclaration de culpabilité, quand il s'agit de déterminer la peine. Toutefois, il y a lieu d'insister sur le fait que l'accusé a plaidé coupable, et de remettre à plus tard l'examen de la question de savoir si une conclusion défavorable peut être tirée du silence de l'accusé qui a plaidé non coupable et qui souhaite en appeler de sa déclaration de culpabilité.

La Cour d'appel a commis une erreur en affirmant qu'une cour d'appel devrait réduire le délai préalable à la libération conditionnelle fixé par le juge du procès, sauf si ce dernier a donné des motifs précis qui, de l'avis de la cour d'appel, justifient la prorogation du délai. Cette norme de contrôle très large est inadéquate. Les ordonnances fondées sur l'art. 744 font partie de la «sentence» et doivent donc être portées en appel conformément au par. 687(1), qui prévoit l'examen de la «justesse» de la sentence. Une cour d'appel ne devrait pas avoir toute latitude pour modifier une ordonnance relative à la détermination de la peine simplement parce qu'elle estime qu'une ordonnance différente aurait dû être rendue. Il n'y a lieu de modifier la peine que si la cour d'appel est convaincue qu'elle n'est pas indiquée, c'est‑à‑dire si elle conclut que la peine est nettement déraisonnable. En l'espèce, l'ordonnance relative à la détermination de la peine ne tombait pas en dehors des «limites acceptables».


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Shropshire

Références :

Jurisprudence
Arrêt critiqué: R. c. Hogben (1994), 40 B.C.A.C. 257
arrêts approuvés: R. c. Doyle (1991), 108 N.S.R. (2d) 1, autorisation de pourvoi refusée, [1992] 2 R.C.S. vi
R. c. Pepin (1990), 98 N.S.R. (2d) 238
R. c. Muise (1994), 94 C.C.C. (3d) 119
arrêts non suivis: R. c. Brown (1993), 83 C.C.C. (3d) 394
R. c. Walford (1984), 12 C.C.C. (3d) 257
arrêts mentionnés: R. c. Wenarchuk (1982), 67 C.C.C. (2d) 169
R. c. Mitchell (1987), 39 C.C.C. (3d) 141
R. c. Young (1993), 78 C.C.C. (3d) 538
R. c. Able (1993), 65 O.A.C. 37
R. c. Ly (1992), 72 C.C.C. (3d) 57
R. c. Arkell, [1990] 2 R.C.S. 695
R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309
R. c. Luxton, [1990] 2 R.C.S. 711
R. c. Swietlinski, [1994] 3 R.C.S. 481
R. c. Gourgon (1981), 58 C.C.C. (2d) 193
R. c. Gardiner, [1982] 2 R.C.S. 368
R. c. Broyles, [1991] 3 R.C.S. 595
R. c. Hebert, [1990] 2 R.C.S. 151
R. c. Chambers, [1990] 2 R.C.S. 1293
R. c. Émond, J.E. 90‑557
R. c. Chaisson, [1995] 2 R.C.S. 1118
R. c. Smith, [1990] 1 R.C.S. 991
R. c. Burns, [1994] 1 R.C.S. 656.
Lois et règlements cités
Code criminel, L.R.C. (1985), ch. C‑46, art. 673, 687(1), 742b), 743, 744 [abr. & rempl. 1992, ch. 11, art. 16], 744.1 [aj. idem], 745.
Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, art. 101, 102.

Proposition de citation de la décision: R. c. Shropshire, [1995] 4 R.C.S. 227 (16 novembre 1995)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1995-11-16;.1995..4.r.c.s..227 ?
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