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22/06/1995 | CANADA | N°[1995]_2_R.C.S._876

Canada | Vout c. Hay, [1995] 2 R.C.S. 876 (22 juin 1995)


Vout c. Hay, [1995] 2 R.C.S. 876

Sandra Florence Vout Appelante

c.

Earl Hay, Carl Hay, Larry Parr

et Kenneth Parr Intimés

Répertorié: Vout c. Hay

No du greffe: 24009.

1995: 26 janvier; 1995: 22 juin.

Présents: Les juges La Forest, Sopinka, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario, [1993] O.J. No. 3124 (QL), qui a accueilli l'appel des intimés contre la décision du juge Byers, [1990] O.J. No. 2538 (QL), de délivrer les lettres d'hom

ologation d'un testament. Pourvoi accueilli.

Joseph M. Steiner et Stephen Lamont, pour l'appelante.

William E. Ba...

Vout c. Hay, [1995] 2 R.C.S. 876

Sandra Florence Vout Appelante

c.

Earl Hay, Carl Hay, Larry Parr

et Kenneth Parr Intimés

Répertorié: Vout c. Hay

No du greffe: 24009.

1995: 26 janvier; 1995: 22 juin.

Présents: Les juges La Forest, Sopinka, McLachlin, Iacobucci et Major.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario, [1993] O.J. No. 3124 (QL), qui a accueilli l'appel des intimés contre la décision du juge Byers, [1990] O.J. No. 2538 (QL), de délivrer les lettres d'homologation d'un testament. Pourvoi accueilli.

Joseph M. Steiner et Stephen Lamont, pour l'appelante.

William E. Baker, pour les intimés.

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Sopinka —

Les faits

I. Clarence Hay, le testateur, a été assassiné le 26 juin 1988. Le meurtre n'a aucun rapport avec les questions de testament soulevées dans ce pourvoi et, selon la preuve présentée au procès, c'est une personne non reliée à la présente affaire qui en a été déclarée coupable. Le défunt, un célibataire de 81 ans, vivait seul dans sa ferme qu'il exploitait à l'ancienne avec des chevaux. Il a laissé un testament daté du 11 juillet 1985. La valeur de sa succession a été estimée à environ 320 000 $. L'appelante, Mme Vout, désignée exécutrice testamentaire, est la principale bénéficiaire du testament. Elle a reçu une ferme, une autre allant à un neveu du testateur. L'intimé, Carl Hay, frère du défunt, a reçu 1 000 $ tandis que sept neveux et nièces du défunt ont reçu 3 000 $ chacun, Mme Vout étant bénéficiaire du reliquat. Madame Vout était âgée de 29 ans au moment du procès et n'a aucun lien de parenté avec le défunt. Cependant, elle avait été son amie au cours des dernières années de sa vie et lui avait prêté main‑forte dans divers travaux de la ferme. Il n'y a eu aucune allégation de relations sexuelles entre elle et le testateur.

II. Les intimés, survivants de la famille Hay, ont contesté la validité du testament et en ont produit un autre en date du 26 avril 1966, dans lequel le testateur laissait tous ses biens, à parts égales, à son frère Earl Hay et à sa s{oe}ur Florence Parr, maintenant décédée. Au cours du procès qui s'est déroulé devant le juge Byers de la Cour de l'Ontario (Division générale), une preuve contradictoire a été présentée concernant la participation de Mme Vout à la préparation et à la passation du testament.

III. Il ressort de la preuve que le testament a été préparé par une secrétaire juridique du cabinet de l'avocat des parents de Mme Vout. Une secrétaire a rédigé le testament et a été témoin de sa passation en compagnie d'une autre secrétaire. Aucun avocat n'a participé à la préparation et à la passation du testament et aucun registre ou dossier n'en fait état. Les témoignages des secrétaires reposent sur leurs seuls souvenirs de la passation du testament et ils divergent quant à l'endroit exact du cabinet où le testament a été signé. L'une des secrétaires a déclaré que le testament avait été dûment signé et que la lecture et la signature avaient eu lieu dans le secrétariat.

IV. La secrétaire qui a préparé le testament, Lois Clark, a déclaré en contre‑interrogatoire avoir reçu des directives d'une femme disant être Mme Vout. Cette femme a téléphoné plusieurs fois, mais le témoin ne se souvenait pas si les directives lui avaient été communiquées par téléphone ou au bureau. Lorsque Mme Vout et le testateur se sont présentés au cabinet, Mme Clark a reconnu la voix de Mme Vout comme étant celle qu'elle avait entendue au téléphone. Madame Clark a dit avoir fait lecture du testament au testateur dans la salle d'attente, en présence de Mme Vout. Madame Clark a indiqué, en contre‑interrogatoire, que le testateur avait [traduction] «hésité» à un moment donné au cours de la lecture du testament, et elle a souscrit à l'affirmation qu'[traduction] «il avait l'air perplexe». Elle a reconnu avoir suspendu sa lecture et alors:

[traduction]

Q.Et qu'est‑il arrivé ensuite?

R.Il m'a regardée, puis je l'ai regardé et j'ai regardé Sandra, il a regardé Sandra et elle a dit: «Oui, c'est ce dont nous avons discuté. C'est ce que vous avez décidé», et il a fait signe de continuer.

La secrétaire a terminé la lecture du testament et le défunt l'a signé sur ses genoux dans la salle d'attente. Puis on a procédé à la signature d'un affidavit dans lequel il était affirmé sous serment que le testament a été passé en présence de Mme Clark et de l'autre secrétaire, lesquelles ont, en même temps et en présence du testateur, souscrit le testament à titre de témoins instrumentaires. La secrétaire a également témoigné que Mme Vout avait demandé de ne pas envoyer à la ferme le compte relatif à la préparation du testament, et qu'elle est venue le payer au cabinet.

V. Madame Vout a témoigné n'avoir participé à la préparation du testament que lorsqu'on lui a demandé de le faire, avoir recommandé l'avocat de ses parents au défunt et n'avoir jamais eu rien à voir avec les directives concernant le testament, quoique le défunt lui ait dit, quelques mois avant la passation du testament, qu'il lui léguerait une de ses fermes. Elle a ajouté que, le jour de la signature du testament, elle a rencontré le défunt en ville et s'est rendue avec lui au cabinet de l'avocat où elle l'a attendu. Elle ne savait pas ce qu'il y faisait. L'appelante a nié avoir donné des directives testamentaires par téléphone et avoir conduit le défunt en voiture au cabinet le jour où le testament a été signé. Madame Vout a dit qu'elle avait payé le compte de l'avocat avec l'argent que lui avait remis le testateur, tout en niant avoir demandé de ne pas l'envoyer à la ferme.

VI. Le 6 juillet 1988, alors qu'elle était interrogée à titre de personne soupçonnée de meurtre, l'appelante a déclaré à la police que, le jour de la signature du testament, elle avait amené le défunt en ville et qu'il s'était rendu seul au cabinet d'avocat. Invitée à expliquer les contradictions entre son témoignage et sa déclaration à la police, elle a répondu qu'elle avait parlé sous l'effet de la pression et de la peur. Quant on lui a demandé pourquoi le défunt lui avait laissé une aussi grande part de ses biens, elle a répondu que c'était probablement à cause de l'affection qu'il avait pour elle.

VII. Plusieurs témoins ont déposé au procès quant à la capacité et au tempérament du testateur, qu'ils ont décrit comme une personne excentrique, mais alerte, intelligente, indépendante, déterminée et difficilement influençable.

VIII. Les membres de la famille Hay ont, quant à eux, souligné les rapports étroits qu'ils entretenaient avec le testateur ainsi que leur ignorance générale de l'existence d'une relation entre ce dernier et Mme Vout.

IX. Le juge Byers a délivré les lettres d'homologation du testament le 13 novembre 1990: [1990] O.J. No. 2538 (QL). Les intimés ont interjeté appel devant la Cour d'appel de l'Ontario, en alléguant que les incohérences du témoignage de Mme Vout quant aux événements ayant entouré la passation du testament constituaient des «circonstances suspectes» suffisantes pour le rendre invalide. Le 22 décembre 1993, la Cour d'appel a accueilli l'appel des intimés, annulé le jugement et ordonné un nouveau procès: [1993] O.J. No. 3124 (QL).

Les juridictions inférieures

A. Cour de l'Ontario (Division générale)

X. Le juge Byers a conclu que le défunt était un [traduction] «vieillard excentrique, mais alerte, intelligent, indépendant, déterminé et, qui plus est, difficilement influençable». Il a également conclu à l'existence d'«une sorte» de relation entre lui et Mme Vout. Il a accepté le témoignage de cette dernière en ce qui a trait à l'amitié qui les unissait, à l'aide qu'elle lui a fournie dans les travaux de la ferme et au temps qu'elle lui a consacré. Le juge Byers a également accepté le témoignage des membres de la famille Hay suivant lequel, hormis Carl Hay, ils n'avaient jamais rencontré Mme Vout et en avaient même ignoré l'existence jusqu'au jour des funérailles. Le testateur avait caché cette relation ou, du moins, n'en avait pas parlé aux autres membres de sa famille.

XI. Le juge Byers a pris acte des circonstances suspectes relevées par la famille Hay: le fait que le testateur ait consulté l'avocat recommandé par Mme Vout, les mensonges de celle‑ci qui éveillaient des soupçons, le fait qu'elle était là à conseiller le testateur pendant la passation du testament. Il est néanmoins arrivé à la conclusion suivante:

[traduction] La dure réalité, c'est que la famille Hay ne peut tout simplement pas accepter que Clarence Hay ait pu effectivement vouloir laisser une grande part de ses biens à une étrangère, pas plus qu'ils ne peuvent comprendre les raisons qui ont pu l'inciter à agir ainsi.

. . . Clarence Hay était un être autonome et indépendant, difficilement influençable, qui vivait seul et rendait régulièrement visite à tous les membres de la famille Hay et tout cela, tant avant que trois ans après la passation du testament.

XII. Le juge Byers a accepté la preuve voulant que le testament ait été préparé par une secrétaire juridique qui a été témoin de sa passation en compagnie d'une autre secrétaire, sans aucune participation de la part de l'avocat. Néanmoins, la preuve relative aux directives par téléphone et au moment exact de la passation du testament n'a pas été [traduction] «aussi satisfaisante qu'on aurait pu l'espérer». Il a conclu ceci:

[traduction] Mais ce cabinet n'était constitué que d'un seul avocat et, à vrai dire, je suis même étonné que les secrétaires se souviennent de détails. Mais celles‑ci ont déclaré sous serment que les formalités de la passation avaient été respectées et j'accepte leur témoignage. Elles ont toutes deux paru convaincues que Clarence Hay avait la capacité mentale nécessaire pour signer. En l'absence de toute preuve contraire et, en fait, en présence d'une preuve écrasante quant à l'excellente condition mentale et physique de Clarence Hay, je conviens que celui‑ci avait effectivement la capacité mentale requise.

XIII. Madame Vout a exercé une certaine influence sur le testateur et il [traduction] «se peut fort bien qu'il ait été en quelque sorte sous son charme» ou encore qu'«ils aient été simplement amis et qu'il ait voulu l'avantager dans son testament». Il ne fait aucun doute que Mme Vout voulait être ainsi avantagée et qu'elle se trouvait dans le cabinet lors de la passation du testament. Les motifs du testateur n'étaient toutefois pas pertinents:

[traduction] Je ne devrais pas conjecturer sur ce qui a motivé Clarence Hay à avantager Sandra Vout, dans la mesure où ses motifs étaient bien les siens. Le testament lui‑même reconnaît l'existence de toute la famille Hay, de ses différents membres et de leurs rapports avec Clarence Hay. [. . .] Les soupçons [de la famille Hay] n'étaient nullement justifiés, particulièrement en ce qui a trait aux circonstances ayant entouré la préparation et la passation du testament. Ces circonstances n'étaient pas encore connues. Je suis convaincu que les circonstances suspectes décrites dans la jurisprudence [. . .] n'existent pas en l'espèce. Et même si elles existaient, les soupçons seraient dissipés compte tenu du contexte plus général de la preuve avant et après la passation du testament.

À mon avis, Clarence Hay a fait son testament exactement comme il l'entendait. Il avait la capacité de tester; le testament a été passé régulièrement et il n'y a eu aucun abus d'influence. Les lettres d'homologation du testament seront donc délivrées.

B.Cour d'appel de l'Ontario

XIV. Dans les brefs motifs qu'elle a exposés, la cour (les juges Blair, Osborne et Doherty) conclut ceci:

[traduction] Il existe, sur le plan des circonstances ayant entouré le testament, d'importantes divergences entre le témoignage que l'intimée [Mme Vout], la principale bénéficiaire désignée dans le testament contesté, a fait au procès, ses déclarations antérieures à la police et les dépositions, au procès, des employées du cabinet où a eu lieu la passation du testament. Le juge de première instance n'a pas tenté de résoudre ces divergences parce qu'il était d'avis que le défunt jouissait de toutes ses facultés mentales au moment où il a signé le testament. À notre avis, il a commis une erreur en fondant sa décision entièrement sur la capacité mentale du défunt. Il n'a pas bien pris en considération la question tout aussi importante de savoir si la passation du testament s'était faite dans des circonstances suspectes qui imposeraient à l'intimée [Mme Vout] le fardeau de prouver l'absence d'abus d'influence.

Nous avons donc conclu qu'un nouveau procès s'impose. L'appel est accueilli et un nouveau procès est ordonné.

Les questions en litige

1. Les circonstances suspectes. Le juge de première instance ou la Cour d'appel ont‑ils commis une erreur en appliquant la règle des circonstances suspectes dans le contexte de la détermination de la validité du testament?

2. Les formalités de passation. Le juge de première instance a‑t‑il commis une erreur en concluant que le testament avait été passé régulièrement?

3. L'examen des conclusions de fait. La Cour d'appel a‑t‑elle commis une erreur en infirmant les conclusions de fait du juge de première instance en l'absence d'erreur manifeste ou dominante de la part de ce dernier?

XV. La première question est celle qui se pose principalement dans ce pourvoi et sur laquelle porte la majeure partie de ce qui suit. Quant aux deuxième et troisième questions, elles sont accessoires à la question principale et je vais les examiner très brièvement.

Analyse

Circonstances suspectes

XVI. La Cour d'appel a conclu que le juge de première instance n'a pas bien pris en considération l'importante question des circonstances suspectes entourant la passation du testament, qui, à son avis, imposeraient à l'appelante, Mme Vout, le fardeau de prouver l'absence d'abus d'influence. La corrélation des circonstances suspectes, de la capacité de tester et de l'abus d'influence embarrasse les tribunaux et plaideurs depuis l'arrêt de principe Barry c. Butlin (1838), 2 Moo. P.C. 480, 12 E.R. 1089. Dans un commentaire d'arrêt publié dans la Revue du Barreau canadien en 1938 (vol. XVI, à la p. 405) et intitulé «Wills — Testamentary Capacity — "Suspicious Circumstances" — Burden of Proof», Cecil A. Wright fait observer ceci, à la p. 406:

[traduction] Malgré leur apparente simplicité, les problèmes qui se posent dans les litiges concernant l'établissement de la validité du testament d'un défunt face à des allégations d'absence de capacité de tester, de fraude et d'abus d'influence présentent, de l'avis de l'auteur, un degré de difficulté inégalé. Bien que le Juge en chef du Canada ait, dans un pourvoi récent portant sur ces questions, fait valoir que «les règles de droit sont bien établies et bien connues» [Riach c. Ferris, [1934] R.C.S. 725, à la p. 726], il reste que les jugements en la matière sont souvent nébuleux, obscurs et extrêmement difficiles à concilier. S'il est possible d'en extraire des passages où les règles de droit existantes sont bien exposées, il en va tout autrement lorsqu'il s'agit d'appliquer ces règles à un ensemble de faits donné.

XVII. Comme en témoigne l'échange suivant survenu au cours de l'audition de la présente affaire, le rôle des circonstances suspectes continue d'embarrasser les tribunaux de première instance et les avocats:

[traduction]

LA COUR: Je me souviens de certaines de ces causes portant sur les circonstances suspectes et sur la tentative d'établir une distinction entre ces circonstances et l'abus d'influence, mais je dois avouer que leur sens m'a toujours échappé. Il m'a toujours semblé que . . .

Me HULL: C'est un méli‑mélo.

LA COUR: Comment ce testament a‑t‑il été signé? Que savait cet homme quand il l'a signé? Qui était présent quand il l'a signé? Voilà, me semble-t‑il, les faits qu'il faut établir.

Me BURNS: Oui, mais l'abus d'influence est distinct des circonstances suspectes. Si vous voulez alléguer des circonstances suspectes, vous devez aussi alléguer l'abus d'influence.

Me HULL: Je ne l'ai jamais fait, Votre Honneur.

LA COUR: Elle dit que votre livre dit que vous êtes censé le faire. [Rodney Hull, c.r., «Contested Wills and Proof in Solemn Form» (1979), 5 Est. & Tr. Q. 49, à la p. 57.]

Me HULL: Eh bien, c'est faux.

Me BURNS: Votre Honneur, c'est repris dans le cours d'admission au barreau.

Me HULL: Tout est tiré de cet article.

Me BURNS: C'est exact.

Me HULL: Si j'ai tort une fois, j'ai tort cent fois.

XVIII. L'ordonnance d'instructions prévoyait ceci:

[traduction]

1. Sandra Florence Vout affirme, ce que nient Earl Hay et Carl Hay, que le testament dudit défunt, daté du 11 juillet 1985, a été passé régulièrement.

2. Sandra Florence Vout affirme, ce que nient Earl Hay et Carl Hay, qu'au moment de la passation dudit testament, ledit défunt avait la capacité de tester.

3. Earl Hay et Carl Hay affirment, ce que nie Sandra Florence Vout, que le défunt a été amené à signer ledit testament à la suite d'un abus d'influence.

XIX. La première question exige que l'on conclue non seulement que les formalités requises par la Loi portant réforme du droit des successions, L.R.O. 1990, ch. S.26 (auparavant L.R.O. 1980, ch. 488), ont été respectées, mais aussi que le testateur connaissait et approuvait le contenu du testament. Comme l'indique l'ordonnance, c'est ce qu'allègue Mme Vout, la partie qui demande l'homologation du testament et à qui incombe le fardeau de la preuve.

XX. En ce qui concerne la deuxième question, celle de la capacité de tester, elle exige que Mme Vout, la partie qui demande l'homologation du testament, établisse que le testateur était sain d'esprit.

XXI. La troisième question impose à ceux qui attaquent le testament le fardeau de prouver l'existence d'un abus d'influence. Cela exige de démontrer que le consentement du testateur au testament résulte d'une influence exercée sur lui, de sorte qu'au lieu de représenter sa volonté, le testament est le fruit d'une contrainte. Bien que la fraude soit parfois considérée comme une question distincte, «la fraude et l'abus d'influence» sont généralement allégués ensemble et le fardeau d'établir la fraude incombe également à ceux qui attaquent le testament.

XXII. Toute analyse du rôle des circonstances suspectes doit commencer par l'énoncé suivant du baron Parke dans l'arrêt Barry c. Butlin, précité, à la p. 1090 E.R.:

[traduction] [P]remièrement [. . .] dans tous les cas, le fardeau de la preuve incombe à la partie qui demande l'homologation d'un testament; celle‑ci doit convaincre le tribunal que l'acte en question représente les dernières volontés d'une personne libre et capable de tester.

[D]euxièmement [. . .] si une partie rédige ou prépare un testament dont elle est bénéficiaire, il s'agit là d'une circonstance qui, en règle générale, devrait éveiller les soupçons du tribunal et l'inciter à prendre un soin jaloux d'examiner la preuve à l'appui de l'acte, en faveur duquel il ne devrait se prononcer que si les soupçons sont dissipés et s'il est convaincu que l'acte soumis à l'homologation traduit réellement la volonté du défunt.

XXIII. Cet énoncé soulève au moins deux difficultés:

(1) Les circonstances suspectes imposent‑elles une norme de preuve plus élevée que la norme civile ordinaire? et

(2) La mention d'une personne libre et capable de tester oblige‑t‑elle la personne qui demande l'homologation du testament à prouver l'absence d'abus d'influence?

XXIV. En ce qui concerne la première difficulté, il est maintenant établi que, conformément à la règle générale en matière civile, c'est la norme civile de preuve selon la prépondérance des probabilités qui s'applique. Les éléments de preuve doivent, toutefois, être examinés en fonction de la gravité des soupçons. Comme l'affirme le juge Ritchie, dans Re Martin; MacGregor c. Ryan, [1965] R.C.S. 757, à la p. 766:

[traduction] La preuve requise est proportionnelle à la gravité des soupçons qui varie selon les circonstances de chaque cas.

XXV. Pour ce qui est de la deuxième difficulté, même si l'arrêt Barry c. Butlin et de nombreuses autres décisions traitaient de circonstances où la personne qui avait préparé le testament en était bénéficiaire, il a été décidé que l'opinion examinée dans l'arrêt Barry c. Butlin s'appliquait à tout [traduction] «soupçon justifié» (le lord juge Davey, dans Tyrrell c. Painton, [1894] P. 151, aux pp. 159 et 160). Cela a été réitéré par le juge Ritchie de notre Cour, dans l'arrêt Re Martin, précité. Les circonstances suspectes peuvent être (1) des circonstances ayant entouré la préparation du testament, (2) des circonstances tendant à mettre en doute la capacité du testateur, ou (3) des circonstances tendant à montrer que la volonté du testateur a été dominée par la contrainte ou la fraude. Étant donné que les circonstances suspectes peuvent se rapporter à différentes questions, il convient, afin de bien apprécier l'effet que l'obligation de dissiper les soupçons a sur le fardeau de la preuve, de s'interroger sur la nature exacte de ces soupçons. Voir Wright, loc. cit., et Macdonell, Sheard and Hull on Probate Practice (3e éd. 1981), à la p. 33.

XXVI. L'existence de circonstances suspectes relevant de l'une ou l'autre des trois catégories évoquées précédemment modifiera le fardeau de la preuve quant à la connaissance et à l'approbation. Le fardeau applicable à la capacité de tester sera aussi modifié si les circonstances nuisent à la capacité mentale du testateur de rédiger un testament. Bien que ce soit à la partie qui demande l'homologation du testament qu'incombe le fardeau ultime de prouver la passation régulière, la connaissance et l'approbation ainsi que la capacité de tester, cette partie peut compter sur une présomption réfutable. Une fois qu'il est établi que la passation du testament s'est déroulée suivant les formalités requises, après lecture au testateur ou par lui de l'acte qu'il paraissait comprendre, on présumera généralement que le testateur connaissait et approuvait sa teneur et qu'il avait la capacité voulue pour tester.

XXVII. En présence de circonstances suspectes, la présomption disparaît et c'est à nouveau à la personne qui demande l'homologation du testament qu'incombe le fardeau ultime de prouver la connaissance et l'approbation. En outre, si les circonstances suspectes se rattachent à la capacité mentale, cette personne assume encore le fardeau ultime d'établir la capacité de tester. La preuve de ces deux questions doit être faite selon la norme civile. Le rôle des circonstances suspectes n'a rien de mystérieux à cet égard. La présomption ne fait qu'imposer un fardeau de présentation à la partie qui attaque le testament. Celle‑ci peut s'en acquitter en présentant ou en indiquant certains éléments qui, s'ils sont acceptés, tendraient à prouver l'absence de connaissance et d'approbation, ou encore de capacité de tester. Le cas échéant, le fardeau ultime retombe sur la partie qui demande l'homologation du testament.

XXVIII. Il aurait peut‑être été plus simple d'appliquer les mêmes principes à la question de la fraude et de l'abus d'influence, de façon à ce qu'en présence de circonstances suspectes à cet égard, le fardeau ultime incombe à la partie qui demande l'homologation. Voir Wright, loc. cit., et Macdonell, Sheard and Hull on Probate Practice, op. cit., à la p. 33. En fait, la mention, dans l'arrêt Barry c. Butlin, de la volonté d'un testateur «libre et capable de tester» aurait appuyé ce point de vue. Néanmoins, il est fermement établi que la fraude et l'abus d'influence doivent être considérés comme un moyen positif qui doit être soulevé par la partie qui attaque le testament. C'est donc à cette dernière que le fardeau ultime de preuve incombe. Cela traduit sans conteste le principe favorisant le respect de la volonté du testateur lorsqu'il est établi que les formalités ont été suivies et que l'existence de la connaissance et de l'approbation du testateur, de même que de sa capacité de tester, a été démontrée. Refuser la délivrance des lettres d'homologation en raison de circonstances qui éveillent un simple soupçon de fraude ou d'abus d'influence tendrait à contrecarrer la volonté du testateur dans bien des cas où, sans qu'il n'y ait eu fraude ou abus d'influence, la partie qui demande l'homologation n'a tout simplement pas réussi à s'acquitter du fardeau ultime de preuve. En conséquence, il est définitivement établi que l'existence de circonstances suspectes, même si elle peut laisser soupçonner la fraude ou l'abus d'influence, ne fait que réfuter la présomption dont j'ai parlé, obligeant ainsi la partie qui demande l'homologation à faire la preuve de la connaissance et de l'approbation ainsi que de la capacité de tester. Le fardeau de prouver la fraude et l'abus d'influence continue d'incomber à la partie qui attaque le testament. Voir Craig c. Lamoureux, [1920] A.C. 349; Riach c. Ferris, [1934] R.C.S. 725; Re Martin, précité.

XXIX. On peut penser que la preuve de la connaissance et de l'approbation contribuera dans une large mesure à établir l'absence d'abus d'influence. Il y a incontestablement un recoupement à cet égard. S'il est établi que le testateur savait et comprenait ce qu'il faisait, il sera souvent difficile de démontrer qu'il a agi sous la contrainte. Il existe néanmoins une distinction que le juge Ritchie a bien fait ressortir dans l'arrêt Re Martin, aux pp. 765 et 766:

[traduction] Il ne faut pas perdre de vue la distinction qui existe entre présenter une preuve suffisante pour convaincre la cour que le soupçon découlant des circonstances ayant entouré la passation du testament a été dissipé, et présenter la preuve nécessaire pour établir une allégation d'abus d'influence. Alors que la première tâche incombe à la partie qui demande l'homologation du testament, la dernière incombe à la partie qui en attaque la validité et qui ne peut s'en acquitter qu'en établissant que le testateur a agi sous le coup d'une influence du genre décrit par le vicomte Haldane dans l'arrêt Craig c. Lamoureux [[1920] A.C. 349], à la p. 357, où celui‑ci affirme:

Pour rendre nul un testament, l'abus d'influence doit consister en une influence dont une personne considérant la question d'une manière judiciaire peut à bon droit conclure qu'elle a entraîné la passation d'un acte censé représenter la volonté du testateur, alors que ce n'est pas réellement le cas.

La distinction dont je parle est bien décrite par le juge Crocket dans l'arrêt Riach c. Ferris, précité, à la p. 736:

En supposant que la preuve du demandeur, qui cherche à établir la validité d'un testament, laisse croire à une apparence de contrainte ou de fraude qui, combinée à la faiblesse physique et mentale du testateur, amène le tribunal à soupçonner à juste titre que le testateur ne savait pas vraiment ce qu'il faisait lorsqu'il a signé le testament, et qu'il appartient, en pareil cas, au demandeur de dissiper ce soupçon par la preuve affirmative que le testateur comprenait ce qu'il faisait en réalité, il ne fait aucun doute qu'une fois ce dernier fait établi, c'est à la partie qui attaque le testament qu'il incombe d'établir affirmativement que sa passation par le testateur résulte d'un abus d'influence ou de man{oe}uvres frauduleuses.

Il se peut bien qu'une personne comprenne ce qu'elle est en train de faire, mais qu'elle le fasse sous l'influence de la contrainte ou de la fraude.

Application à la présente affaire

XXX. La Cour d'appel a accueilli l'appel pour le motif que le juge de première instance n'avait pas examiné adéquatement la question des circonstances suspectes [traduction] «qui imposeraient à l'intimée [Mme Vout] le fardeau de prouver l'absence d'abus d'influence». Compte tenu de ce qui précède, la Cour d'appel a manifestement commis une erreur à cet égard. De plus, le juge de première instance a bel et bien examiné la question des circonstances suspectes. Le juge Byers a énuméré les questions qui, alléguait‑on, constituaient des circonstances suspectes:

[traduction]

1. Clarence Hay s'est rendu chez l'avocat recommandé par Sandra Vout, lequel avocat, Paul Russell, avait été l'avocat des parents de Sandra Vout;

2. Sandra Vout n'est pas crédible quant à sa participation à la préparation et à la passation du testament, et ses mensonges sont suspects;

3. Sandra Vout est restée avec Clarence Hay, elle l'a conseillé lorsqu'il a hésité, et elle a confirmé son influence au moment critique de la passation de l'acte.

Bien que le juge de première instance ait exprimé l'opinion que ces circonstances ne correspondaient pas au genre de circonstances décrites dans la jurisprudence qu'on lui avait soumise, il a procédé à leur analyse comme s'il s'agissait effectivement de circonstances suspectes. Celles‑ci ne se rattachaient pas à la capacité de tester du testateur, mais le juge a tiré une conclusion affirmative à cet égard, ajoutant ce qui suit:

[traduction] . . . d'après la preuve, Clarence Hay n'était pas un vieillard sénile dont l'esprit embrouillé avait été subjugué par Sandra Vout et qui, comme le testateur dans l'affaire Eady c. Waring [(1974), 2 O.R. (2d) 627], était physiquement et émotivement contrôlé et isolé par les personnes susceptibles d'être avantagées. En fait, c'est plutôt le contraire qui est vrai. Clarence Hay était un être autonome et indépendant, difficilement influençable, qui vivait seul et rendait régulièrement visite à tous les membres de la famille Hay et tout cela, tant avant qu'après la passation du testament.

XXXI. La Cour d'appel a reproché au jugement de première instance de ne pas avoir résolu les divergences dans la preuve, attribuant cette lacune au fait que le juge de première instance avait conclu que le testateur jouissait de toutes ses facultés mentales. Bien que le juge de première instance ait tiré cette conclusion, il a également examiné la preuve, relevé les divergences et conclu positivement que le testateur connaissait et approuvait le contenu du testament. Il a déclaré à cet égard:

[traduction] À mon avis, Clarence Hay a fait son testament exactement comme il l'entendait. Il avait la capacité de tester; le testament a été passé régulièrement et il n'y a eu aucun abus d'influence. Les lettres d'homologation du testament seront donc délivrées. [Je souligne.]

XXXII. Même s'il aurait été préférable que le juge de première instance formule des conclusions expresses quant aux divergences et, en particulier, quant à la question de savoir si l'appelante avait donné des directives concernant le testament à la secrétaire, Mme Clark, je suis persuadé qu'il a procédé à un examen adéquat de la preuve. Il était de toute évidence d'avis qu'une personne qui jouissait autant de toutes ses facultés et qui était aussi autonome et indépendant n'aurait pas fait le testament qu'il a fait s'il n'avait pas parfaitement compris ce qu'il faisait. Le juge de première instance est allé plus loin en concluant à l'absence d'abus d'influence, ce qu'il n'était pas légalement tenu de faire du simple fait de l'existence de circonstances suspectes.

XXXIII. En conséquence, il m'est impossible de conclure que le juge de première instance a commis quelque erreur de droit, ou erreur manifeste ou dominante quant aux faits. Les intimés ont également soulevé la question de la passation régulière, mais la Cour d'appel ne l'a pas examinée. Notre Cour n'a pratiquement entendu aucun argument sur ce point et je ne vois rien qui puisse étayer ce moyen. Le juge de première instance a conclu que le testament avait été passé régulièrement, ce que la preuve confirmait abondamment.

Dispositif

XXXIV. Je suis d'avis d'accueillir le pourvoi, d'annuler l'arrêt de la Cour d'appel et de rétablir le jugement de première instance. À titre d'exécutrice testamentaire, l'appelante a droit à ses dépens sur la base procureur‑client en Cour d'appel et en notre Cour, lesquels dépens devront être payés sur la succession. À mon avis, les intimés étaient justifiés d'interjeter appel devant la Cour d'appel et de répondre au pourvoi formé devant notre Cour. J'ordonnerais que leurs dépens soient payés comme entre parties sur la succession.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l'appelante: Osler, Hoskin & Harcourt, Toronto.

Procureur des intimés: William E. Baker, Campbellford (Ont.).


Synthèse
Référence neutre : [1995] 2 R.C.S. 876 ?
Date de la décision : 22/06/1995
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Testaments - Validité - Abus d'influence - Circonstances suspectes - Testateur léguant la majeure partie de ses biens à une amie n'ayant aucun lien de parenté avec lui - Contestation du testament par des membres de la famille qui allèguent l'existence d'un abus d'influence - Délivrance des lettres d'homologation du testament - Le juge de première instance a‑t‑il commis une erreur en appliquant la règle des circonstances suspectes?.

Un homme de 81 ans a laissé un testament aux termes duquel l'appelante était exécutrice testamentaire et principale bénéficiaire. L'appelante était âgée de 29 ans au moment du procès; elle avait été l'amie du testateur au cours des dernières années de sa vie et lui avait prêté main‑forte dans divers travaux de la ferme. Les intimés, survivants de la famille du testateur, ont contesté la validité du testament. Le testament avait été préparé par une secrétaire juridique du cabinet de l'avocat des parents de l'appelante. La secrétaire a témoigné avoir reçu des directives d'une femme qui avait téléphoné plusieurs fois et qui avait dit être l'appelante. Lorsque l'appelante et le testateur se sont présentés au cabinet, la secrétaire a reconnu la voix de l'appelante comme étant celle qu'elle avait entendue au téléphone. Elle a dit avoir fait lecture du testament au testateur en présence de l'appelante et que le testateur avait «hésité» à un moment donné. Il avait alors regardé l'appelante qui a dit: «Oui, c'est ce dont nous avons discuté. C'est ce que vous avez décidé», et il avait fait signe de continuer. L'appelante a témoigné n'avoir participé à la préparation du testament que lorsqu'on lui a demandé de le faire, avoir recommandé l'avocat de ses parents au testateur et n'avoir jamais eu rien à voir avec les directives concernant le testament. Elle a ajouté que, le jour de la signature du testament, elle a rencontré le testateur en ville et s'est rendue avec lui au cabinet de l'avocat où elle l'a attendu. L'appelante a nié avoir donné des directives testamentaires par téléphone et avoir conduit le testateur en voiture au cabinet le jour où le testament a été signé. Invitée à expliquer les contradictions entre son témoignage et sa déclaration antérieure, elle a répondu qu'elle avait parlé sous l'effet de la pression et de la peur. Plusieurs témoins ont déposé au procès quant à la capacité et au tempérament du testateur, qu'ils ont décrit comme une personne excentrique, mais alerte, intelligente, indépendante, déterminée et difficilement influençable. Les lettres d'homologation du testament ont été délivrées. Les intimés ont interjeté appel en alléguant que les incohérences du témoignage de l'appelante quant aux événements ayant entouré la passation du testament constituaient des «circonstances suspectes» suffisantes pour le rendre invalide. La Cour d'appel a annulé le jugement et ordonné un nouveau procès.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Lorsque l'existence de circonstances suspectes est alléguée, c'est la norme civile de preuve selon la prépondérance des probabilités qui s'applique. Les éléments de preuve doivent, toutefois, être examinés en fonction de la gravité des soupçons. Les circonstances suspectes peuvent être (1) des circonstances ayant entouré la préparation du testament, (2) des circonstances tendant à mettre en doute la capacité du testateur, ou (3) des circonstances tendant à montrer que la volonté du testateur a été dominée par la contrainte ou la fraude. Bien que ce soit à la partie qui demande l'homologation du testament qu'incombe le fardeau ultime de prouver la passation régulière, la connaissance et l'approbation ainsi que la capacité de tester, cette partie peut compter sur une présomption réfutable. Une fois qu'il est établi que la passation du testament s'est déroulée suivant les formalités requises, après lecture au testateur ou par lui de l'acte qu'il paraissait comprendre, on présumera généralement que le testateur connaissait et approuvait sa teneur et qu'il avait la capacité voulue pour tester. En présence de circonstances suspectes, la présomption disparaît et c'est à nouveau à la personne qui demande l'homologation du testament qu'incombe le fardeau ultime de prouver la connaissance et l'approbation. En outre, si les circonstances suspectes se rattachent à la capacité mentale, cette personne assume encore le fardeau ultime d'établir la capacité de tester. La preuve de ces deux questions doit être faite selon la norme civile. Même s'il aurait peut‑être été plus simple d'appliquer les mêmes principes à la question de la fraude et de l'abus d'influence, de façon à ce qu'en présence de circonstances suspectes à cet égard, le fardeau ultime incombe à la partie qui demande l'homologation, il est fermement établi que la fraude et l'abus d'influence doivent être considérés comme un moyen positif qui doit être soulevé par la partie qui attaque le testament. Les soupçons de fraude ou d'abus d'influence ne font que réfuter la présomption de connaissance, d'approbation et de capacité de tester, et obligent la partie qui demande l'homologation du testament à en faire la preuve. Cependant, le fardeau de prouver la fraude et l'abus d'influence continue d'incomber à la partie qui attaque le testament.

La Cour d'appel a manifestement commis une erreur en accueillant l'appel pour le motif que le juge de première instance n'avait pas examiné adéquatement la question des circonstances suspectes «qui imposeraient à [l'appelante qui demande l'homologation du testament] le fardeau de prouver l'absence d'abus d'influence». De plus, le juge de première instance a bel et bien examiné la question des circonstances suspectes. Même s'il aurait été préférable qu'il formule des conclusions expresses quant aux divergences de la preuve et, en particulier, quant à la question de savoir si l'appelante avait donné des directives concernant le testament, il a procédé à un examen adéquat de la preuve. Le juge de première instance n'a commis aucune erreur de droit, ni aucune erreur manifeste ou dominante quant aux faits.


Parties
Demandeurs : Vout
Défendeurs : Hay

Références :

Jurisprudence
Arrêts mentionnés: Barry c. Butlin (1838), 2 Moo. P.C. 480, 12 E.R. 1089
Re Martin
MacGregor c. Ryan, [1965] R.C.S. 757
Tyrrell c. Painton, [1894] P. 151
Craig c. Lamoureux, [1920] A.C. 349
Riach c. Ferris, [1934] R.C.S. 725.
Lois et règlements cités
Loi portant réforme du droit des successions, L.R.O. 1990, ch. S.26 (auparavant L.R.O. 1980, ch. 488).
Doctrine citée
Macdonell, Ian McLean. Macdonell, Sheard and Hull on Probate Practice, 3rd ed. By Rodney Hull and Maurice C. Cullity. Toronto: Carswell, 1981.
Wright, Cecil A. «Wills — Testamentary Capacity — "Suspicious Circumstances" — Burden of Proof» (1938), 16 R. du B. can. 405.

Proposition de citation de la décision: Vout c. Hay, [1995] 2 R.C.S. 876 (22 juin 1995)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1995-06-22;.1995..2.r.c.s..876 ?
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