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25/03/1993 | CANADA | N°[1993]_1_R.C.S._897

Canada | Amchem Products Incorporated c. Colombie-Britannique (Workers' Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897 (25 mars 1993)


Amchem Products Incorporated c. Colombie‑Britannique (Workers' Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897

Workers' Compensation Board et autres Appelants

c.

Amchem Products Incorporated et autres Intimées

et

Workers' Compensation Board et autres Appelants

c.

T & N plc Intimée

et

Workers' Compensation Board et autres Appelants

c.

The Flintkote Company Intimée

Répertorié: Amchem Products Incorporated c. Colombie‑Britannique (Workers' Compensation Board)

No du greffe: 22256.

1992: 25 mai;

1993: 25 mars.

Présents: Les juges La Forest, Sopinka, Gonthier, Cory et McLachlin.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique...

Amchem Products Incorporated c. Colombie‑Britannique (Workers' Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897

Workers' Compensation Board et autres Appelants

c.

Amchem Products Incorporated et autres Intimées

et

Workers' Compensation Board et autres Appelants

c.

T & N plc Intimée

et

Workers' Compensation Board et autres Appelants

c.

The Flintkote Company Intimée

Répertorié: Amchem Products Incorporated c. Colombie‑Britannique (Workers' Compensation Board)

No du greffe: 22256.

1992: 25 mai; 1993: 25 mars.

Présents: Les juges La Forest, Sopinka, Gonthier, Cory et McLachlin.

en appel de la cour d'appel de la colombie‑britannique

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique (1990), 50 B.C.L.R. (2d) 218, 75 D.L.R. (4th) 1, [1991] 1 W.W.R. 243, 44 C.P.C. (2d) 1, qui a rejeté un appel d'une décision du juge en chef Esson, (1989), 42 B.C.L.R. (2d) 77, 65 D.L.R. (4th) 567, [1990] 2 W.W.R. 601, 38 C.P.C. (2d) 232. Pourvoi accueilli.

J.J. Camp, c.r., Patrick G. Foy et J. Fiorante, pour les appelants.

Bryan Williams, c.r., et Terrance A. Kowalchuk, pour les intimées Amchem Products Incorporated et autres.

James A. Macaulay, c.r., et Kenneth N. Affleck, pour l'intimée T & N plc.

//Le juge Sopinka//

Version française du jugement de la Cour rendu par

Le juge Sopinka — Le présent pourvoi concerne une injonction interlocutoire empêchant un procès en responsabilité délictuelle devant un tribunal étranger. Il s'agit de décider s'il y a lieu d'annuler l'injonction décernée en Colombie‑Britannique, qui vise à interdire aux appelants de poursuivre leur action contre les intimées au Texas. Pour trancher cette question, il faut examiner nos règles de droit international privé relatives au forum non conveniens et aux injonctions contre les poursuites.

Comme le font observer A. V. Dicey et J. H. C. Morris, The Conflict of Laws, vol. 1 (11e éd. 1987), à la p. 391:

[traduction] Cette question a pris de nos jours une importance croissante en raison de divers facteurs, dont la plus grande facilité de communiquer et de se déplacer, la tendance des tribunaux de nombre de pays d'étendre leur compétence aux faits et aux personnes qui sont à l'extérieur de leur territoire et la meilleure connaissance des lois et des procédures étrangères, qui en retour peut conduire à la «recherche d'un tribunal favorable».

Les faits

Les appelants sont composés de 194 personnes qui ont subi un préjudice corporel à la suite, selon elles, à l'exposition à l'amiante ou qui sont des personnes à charge de personnes décédées ayant souffert d'amiantose. En juillet 1988, neuf de ces appelants ont engagé une action devant la cour de district du Texas, comté de Harrison, afin d'obtenir des dommages‑intérêts des sociétés d'amiante intimées. Le nombre de ces appelants a fini par atteindre 194. La Workers' Compensation Board de la Colombie‑Britannique (la «Commission») est subrogée dans les droits de tous ces appelants, sauf 40, parce qu'elle a versé une indemnité sous forme de prestations d'invalidité ou de décès à l'égard des travailleurs atteints d'amiantose, et elle est donc dominus litis. Les dommages‑intérêts obtenus au delà des intérêts de la Commission devront être versés aux demandeurs. L'appelante Cassiar Mining Corporation (ci‑après appelée «Cassiar») est une société de la Colombie‑Britannique qui a exploité une mine d'amiante dans cette province. Elle a été constituée défenderesse dans l'action en Colombie‑Britannique par les sociétés d'amiante intimées, bien qu'aucune injonction n'ait été demandée contre elle. Ces dernières font valoir qu'au cas où les appelants engageraient des poursuites en Colombie‑Britannique, elles chercheraient à obtenir une contribution et une indemnité de Cassiar. La plupart des demandeurs sont ou étaient des résidents de la Colombie‑Britannique au moment où le préjudice a été subi, mais certains d'eux sont des résidents de l'Alberta, du Manitoba, du Nouveau‑Brunswick et de l'État de Washington.

Les intimées sont toutes des sociétés dont l'activité consiste dans la fabrication, la vente ou la fourniture d'amiante ou de produits d'amiante. Aucune des intimées n'a de lien avec la Province de la Colombie‑Britannique. La plupart ont été constituées sous le régime des lois des États‑Unis et y ont leur principal établissement, quoiqu'elles ne soient concentrées dans aucun État. Bien qu'aucune des intimées n'ait été constituée sous l'empire des lois du Texas, la plupart y exercent leur activité, savoir la fabrication de produits d'amiante. Certaines des intimées ont eu leur principal établissement de fabrication (Garlock, Inc.) ou leur siège social (National Gypsum Company et Flexitallic Gaskett Company) au Texas à diverses époques. L'intimée National Gypsum a son principal établissement au Texas. Une autre, Carey Canada Inc., est une société québécoise, filiale d'une société américaine, et a son principal établissement au Québec. T & N plc (ci‑après appelée «T & N») est une société constituée au Royaume‑Uni qui a exercé son activité au Texas par l'intermédiaire du concessionnaire d'une licence qui avait des bureaux à Houston et à San Antonio, au Texas.

Les appelants allèguent que les sociétés d'amiante intimées, sauf peut‑être T & N et Carey Canada Inc., ont commis les délits suivants aux États‑Unis: prise de décisions concernant la fabrication de divers produits contenant de l'amiante; omission de faire des mises en garde et de donner des instructions suffisantes pour l'utilisation, la pose et l'enlèvement de produits contenant de l'amiante; omission d'aviser les travailleurs et les autres personnes susceptibles d'y être exposées des dangers de l'exposition à l'amiante qui étaient connus des sociétés d'amiante; complot pour empêcher que ces dangers soient connus. Notre Cour a décidé récemment dans une affaire connexe en matière d'amiante que l'action fondée sur le complot ne devait pas être radiée au motif qu'elle ne révélait aucune cause raisonnable d'action (Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959).

Selon les appelants, l'exposition à l'amiante s'est produite dans divers pays, dont les États‑Unis et le Canada (Colombie‑Britannique, Alberta, Manitoba, Québec, Nouveau‑Brunswick), et en Europe. Les intimées, en revanche, soutiennent que presque toute l'exposition alléguée s'est produite pendant que les appelants étaient des résidents de la Colombie‑Britannique et y travaillaient. Le 19 décembre 1988, le juge Baxter de la cour de district du Texas s'est déclaré compétent et a dit que l'affaire ressortissait au comté de Harrison, au Texas, en vertu de {SS} 71.031 du Civil Practice and Remedies Code du Texas, parce que les sociétés d'amiante ne s'étaient pas acquittées du fardeau de prouver qu'elles n'exerçaient pas d'activité au Texas. D'après les intimées, cette décision n'a pas été portée en appel parce que, selon le droit du Texas, une telle décision sur la compétence n'est susceptible d'appel qu'après le procès.

Une fois l'action engagée au Texas, la plupart des 33 personnes morales défenderesses ont produit des comparutions spéciales pour contester la compétence et le ressort, et pour solliciter la suspension de l'instance parce que le tribunal texan était «forum non conveniens». Cependant, six des défenderesses, dont l'une des intimées dans le présent pourvoi (Owens‑Corning Fiberglass Corporation), ont déposé des «réponses générales» qui sont censées, en droit texan, concéder la compétence in personam. Les demandeurs (appelants dans le présent pourvoi) se sont opposés à l'exception du forum non conveniens au Texas au motif que cette règle ne s'appliquait pas parce qu'elle a été abolie par voie législative au Texas (voir l'arrêt Dow Chemical Co. c. Alfaro, 786 S.W.2d 674 (Tex. 1990), certiorari refusé, 59 U.S.L.W. 3460 (1991)). Le 14 juillet 1989, le juge Leggat de la cour de district du Texas a rejeté, sans énoncer de motif, la requête en irrecevabilité des sociétés présentée sur la base du forum non conveniens. La cour de district a ensuite rejeté une requête tendant à faire réexaminer cette décision et les sociétés d'amiante ont présenté à la Cour suprême du Texas une demande d'autorisation de déposer un bref de mandamus relativement à la question du forum non conveniens. Cette demande a été rejetée et une autre requête tendant à faire réexaminer cette décision a été rejetée par la Cour suprême du Texas. Une ordonnance de mise au rôle a été rendue en septembre 1989 fixant la date du procès devant jury au 10 décembre 1989.

En novembre 1989, les sociétés d'amiante ont demandé à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique des injonctions tendant à empêcher la poursuite des instances introduites par les appelants au Texas. Elles ont également intenté une action pour abus de procédure. Le 10 novembre 1989, une injonction ex parte a été décernée par le juge Cowan, interdisant la poursuite des procédures au Texas. Le 20 novembre 1989, les demandeurs qui n'étaient pas des résidents de la Colombie‑Britannique ont demandé et obtenu une injonction au Texas empêchant les intimées d'obtenir des injonctions de même nature contre eux au Canada. Cette «contre‑injonction» a expiré le 8 décembre 1989.

La société T & N a intenté une action distincte en Colombie‑Britannique parce que, selon elle, les faits de son cas et de celui des autres intimées sont différents car elle a été poursuivie au Texas comme si elle était une société américaine. Elle avait des liens avec une entreprise de la Pennsylvanie avec laquelle elle avait conclu des accords de licence et d'autres accords pour la vente d'amiante aux États‑Unis. T & N déclare qu'une société, appelée Atlas, détenait le droit exclusif de distribuer tous ses produits au Canada. En conséquence, selon T & N, les demandeurs n'avaient pu être exposés à ses produits.

Les demandes des sociétés d'amiante ont été entendues par le juge en chef Esson, de la Cour suprême, qui a décerné les injonctions à certaines conditions, notamment que les intimées reconnaissent la compétence des tribunaux de la Colombie‑Britannique au cas où les appelants intenteraient de nouvelles actions dans cette province. La demande des sociétés d'amiante relative à l'abus de procédure a été radiée. Les appelants ont formé un appel devant la Cour d'appel de la Colombie‑Britannique, qui l'a rejeté. Lors de l'audition de l'appel, la société Flintkote a formé un appel incident fondé sur l'abus de procédure. La Cour d'appel a confirmé la radiation de cette demande et rejeté le pourvoi incident.

Le 12 mai 1992, j'ai fait droit à une requête visant à faire produire d'autres éléments de preuve afin que notre Cour dispose d'un dossier plus complet des procédures devant les tribunaux texans, des facteurs qui rattachent les intimées à leur juridiction et des instances introduites dans le reste du Canada depuis que l'injonction a été décernée.

Les juridictions inférieures

Cour suprême de la Colombie‑Britannique (1989), 42 B.C.L.R. (2d) 77

Les sociétés d'amiante ont demandé la réparation suivante:

a) un jugement déclaratoire portant que la Colombie‑Britannique est le ressort logique pour les questions soulevées dans l'action intentée au Texas;

b) un jugement déclaratoire portant que les sociétés d'amiante n'ont aucune responsabilité envers les demandeurs relativement à toutes les questions soulevées dans l'action intentée au Texas;

c) une injonction interdisant aux défendeurs dans cette action de faire toute démarche au Texas pour obtenir une ordonnance interdisant aux sociétés d'amiante de demander la réparation visée par cette action;

d) une injonction interdisant aux présents défendeurs de poursuivre l'action intentée au Texas;

e) une demande de dommages‑intérêts pour abus de procédure.

Le juge en chef Esson a fait remarquer que la règle du forum non conveniens n'est pas applicable au Texas. Après avoir souligné que l'injonction contre les poursuites est relativement nouvelle dans la jurisprudence canadienne, il a examiné la jurisprudence anglaise. En particulier, il a estimé que les arrêts Castanho c. Brown & Root (U.K.) Ltd., [1981] 1 A.C. 557 (H.L.), et SNI Aérospatiale c. Lee Kui Jak, [1987] 3 All E.R. 510 (C.P.), (ci‑après appelé «SNI») étaient des [traduction] «précédents très convaincants», parce qu'ils avaient expressément pour objet des injonctions contre des poursuites. Il a tiré de ces arrêts le principe que, si le tribunal de l'endroit décide qu'il est le ressort logique pour le règlement du litige, et que le demandeur agit d'une manière oppressive dans l'instance étrangère, le tribunal de l'endroit peut interdire aux demandeurs de poursuivre l'action à l'étranger, s'il y va de l'intérêt de la justice.

Appliquant ces principes à l'espèce, le juge en chef Esson a conclu que, si le Texas n'est pas un [traduction] «ressort totalement inapproprié», la Colombie‑Britannique en est un [traduction] «plus logique». Comme cette conclusion n'offre pas une solution suffisante du litige, il a soupesé [traduction] «l'avantage juridique» que les appelants peuvent retirer de la poursuite de l'instance au Texas et l'inconvénient pour les intimées. À son avis, le refus du Texas d'appliquer la règle du forum non conveniens est un facteur qui l'autorisait à conclure à l'oppression. Bien que les règles de la courtoisie exigent que la Colombie‑Britannique défère à la décision du tribunal texan sur la question de savoir si l'instance dans ce ressort serait oppressive, puisque cette question n'a pas été examinée au fond, le juge en chef Esson a conclu qu'il n'y a pas lieu de faire preuve de retenue à l'égard du tribunal du Texas. À son avis, un autre facteur indicatif d'oppression est le fait que le tribunal texan a interdit aux intimées, par une contre‑injonction, de demander une injonction contre les poursuites à l'encontre des demandeurs qui ne sont pas des résidents de la Colombie‑Britannique.

Cour d'appel (1990), 50 B.C.L.R. (2d) 218

Au nom du juge en chef McEachern, et du juge Taggart, le juge Hollinrake dit que le juge en chef Esson n'a pas commis d'erreur de principe ou autre qui l'autorise à faire droit à l'appel. Toutefois, le juge Hollinrake adopte un point de vue différent sur la question du ressort logique et sur celle de l'importance de l'absence d'une règle du forum non conveniens.

Premièrement, le juge Hollinrake dit que, bien que la jurisprudence porte, en grande partie, sur des demandes de suspension d'instances internes et non sur des injonctions contre des poursuites à l'étranger, les principes applicables à une suspension doivent servir de guide pour déterminer les principes applicables à une demande d'injonction contre des poursuites. Il conclut qu'il y a lieu d'adopter les principes énoncés dans l'arrêt SNI. Il fait observer que l'absence d'une règle du forum non conveniens joue un rôle important dans sa conclusion que la Colombie‑Britannique est [traduction] «le seul et unique ressort logique pour juger cette action».

Le juge Hollinrake est d'avis que la courtoisie présente peu d'importance parce que l'injonction ne vise pas le tribunal étranger, mais seulement les appelants qui sont des résidents de la Colombie‑Britannique. Le fait que les appelants n'ont pas introduit d'instances concomitantes en Colombie‑Britannique ne présente pas une importance suffisante parce que, s'il était important, tout demandeur pourrait éviter une injonction contre des poursuites simplement en s'abstenant d'engager une action dans le ressort où l'injonction contre les poursuites est sollicitée.

Le juge en chef McEachern souscrit aux conclusions du juge Hollinrake, mais il a rédigés des motifs concourants dans lesquels il ajoute que tous les tribunaux doivent veiller à ce que leurs justiciables n'intentent pas d'action ailleurs que dans le ressort logique, savoir celui qui a les liens les plus étroits avec le litige.

La question en litige

Il s'agit de cerner les principes qui doivent fonder l'exercice du pouvoir discrétionnaire de décerner une injonction contre des poursuites et de déterminer leur application en l'espèce.

Choix du tribunal dans les litiges contemporains

Notre Cour n'a pas étudié cette question depuis son arrêt Antares Shipping Corp. c. Le navire «Capricorn», [1977] 2 R.C.S. 422. Dans l'intervalle, les litiges, comme le commerce, ont pris de plus en plus un caractère international. Étant donné l'essor du libre‑échange et la prolifération des sociétés multinationales, il est devenu plus difficile de déterminer un tribunal qui soit nettement approprié pour ce type de litige. Il se peut que l'on ne puisse rattacher le défendeur à un seul ressort. Au surplus, il arrive souvent que les défendeurs soient nombreux, qu'ils exercent leur activité dans nombre de territoires et distribuent leurs produits ou leurs services dans le monde entier. En outre, il se peut que les demandeurs forment un grand groupe et résident dans des ressorts distincts. Il est souvent difficile de mettre le doigt sur l'endroit où l'opération qui a donné ouverture à l'action a été effectuée. Souvent, il n'y a aucun tribunal qui est nettement le plus commode ou le plus approprié pour connaître de l'action, mais plusieurs représentent plutôt un choix aussi propice. Dans certains ressorts, de nouveaux principes régissent le partage de la responsabilité entre les défendeurs et exigent la jonction de toutes les parties qui ont participé à un champ d'activités commerciales. Dans ce climat, les tribunaux ont dû se montrer plus tolérants à l'égard des systèmes étrangers. Il convient de se départir de l'esprit de clocher démontré par l'arrêt Bushby c. Munday (1821), 5 Madd. 297, 56 E.R. 908, à la p. 308 et à la p. 913, selon lequel [traduction] «[l]a cour doit, au nom des intérêts supérieurs de la justice, recourir à ses propres moyens, qui sont les meilleurs, pour statuer sur le droit et sur les faits de l'espèce».

Cela ne veut cependant pas dire qu'il faille encourager la «recherche d'un tribunal favorable». Le choix du tribunal approprié doit encore reposer sur des facteurs conçus pour faire en sorte, si possible, que le procès soit instruit dans le ressort qui a des liens les étroits avec le litige et les parties, et que l'une de celles‑ci ne jouisse d'un avantage juridique au détriment des autres devant un tribunal par ailleurs inapproprié. J'admets que, dans certains cas, le mieux que l'on pourra faire sera de choisir un tribunal approprié. Il arrive souvent qu'aucun tribunal n'est nettement plus approprié que les autres.

Les tribunaux ont élaboré deux voies de droit destinées à contrôler le choix du tribunal fait par les parties. Le premier mécanisme, et le plus classique, est la suspension d'instance. Il permet au tribunal saisi par le demandeur (le tribunal interne) de suspendre l'action à la demande du défendeur s'il est convaincu qu'il serait préférable que l'action soit jugée ailleurs. Le second, plus énergique, est l'injonction contre les poursuites, qui peut être décernée par le tribunal interne à la demande d'un ou plusieurs défendeurs, actuels ou éventuels, dans une instance à l'étranger. D'ordinaire, le demandeur devant le tribunal interne prie celui‑ci d'interdire au défendeur ou aux défendeurs d'introduire ou de poursuivre une instance devant les tribunaux étrangers. Parfois, comme en l'espèce, les défendeurs à l'étranger qui soutiennent que le demandeur dans ce ressort a choisi un tribunal inapproprié demandent une injonction devant le tribunal qui serait, selon eux, approprié et devant lequel aucune instance n'est pendante, en vue d'empêcher la poursuite de l'action à l'étranger. L'ordonnance portant interdiction agit in personam sur le demandeur dans l'instance à l'étranger et non sur le tribunal étranger lui‑même, mais il a un effet sur ce dernier et soulève donc des questions sérieuses au chapitre de la courtoisie.

Le principal objectif tant de la suspension que de l'injonction est le choix d'un tribunal approprié à qui soumettre le litige, mais il existe entre les deux voies de droit une différence fondamentale qui forme un élément critique de l'élaboration des principes qui doivent régir chacune. Dans le cas de la suspension, le tribunal interne décide pour lui‑même s'il doit, dans les circonstances, se déclarer compétent, tandis que, dans le cas de l'injonction, il tranche en fait la question au nom du tribunal étranger. Tout doute quant à la question de savoir si le tribunal étranger tiendra ce geste pour une atteinte au principe de la courtoisie se dissipe à la lecture de la réponse du juge Wilkey, du circuit du District de Columbia de la Cour d'appel fédérale des États‑Unis, dans l'arrêt Laker Airways c. Sabena, Belgian World Airlines, 731 F.2d 909 (1984), où les tribunaux britanniques avaient interdit à Laker de poursuivre une action fondée sur la loi antitrust intentée devant les tribunaux américains contre des compagnies d'aviation britanniques. Pour apprécier le rôle de la courtoisie dans la formulation des principes qui doivent fonder l'exercice de ce pouvoir, j'adopte la définition de la courtoisie donnée par le juge La Forest dans l'arrêt Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077, à la p. 1096:

La «courtoisie» au sens juridique n'est ni une question d'obligation absolue d'une part ni de simple politesse et de bonne volonté de l'autre. Mais c'est la reconnaissance qu'une nation accorde sur son territoire aux actes législatifs, exécutifs ou judiciaires d'une autre nation, compte tenu à la fois des obligations et des convenances internationales et des droits de ses propres citoyens ou des autres personnes qui sont sous la protection de ses lois . . .

On a fait valoir qu'au nom de la courtoisie, les injonctions contre les poursuites ou ne doivent jamais être décernées, ou doivent être strictement limitées aux cas dans lesquels il est nécessaire de protéger la compétence du tribunal qui décerne l'injonction ou de contrecarrer la transgression d'une importante règle d'intérêt public du ressort. Voir Richard W. Raushenbush, «Antisuit Injunctions and International Comity» (1985), 71 Va. Law Rev. 1039, et l'arrêt Laker Airlines, précité. Cette position est défendable. Dans un monde où la courtoisie serait universellement respectée et où les tribunaux susceptibles d'être saisis appliqueraient uniformément les principes régissant la suspension d'instance, les injonctions contre les poursuites ne seraient pas nécessaires. Un tribunal qui est jugé approprié n'estimerait pas nécessaire d'interdire des actions analogues dans un ressort à l'étranger parce qu'il pourrait compter sur la suspension d'instance dans ce ressort étranger. Dans certains cas, les deux tribunaux refuseraient de se récuser, par exemple, lorsque aucun tribunal n'est nettement plus approprié qu'un autre. Les conséquences ne seraient pas désastreuses. Si les parties choisissaient d'engager des actions devant les deux tribunaux, au lieu de s'entendre sur l'un d'eux, des instances parallèles en résulteraient, mais comme il est peu probable qu'elles puissent être jugées simultanément, dans la plupart des cas, le jugement du tribunal qui résoudrait la question en premier serait sans aucun doute considérer comme liant l'autre tribunal.

Il s'agit là certes du scénario préférable, mais il n'est encore qu'un idéal. Les tribunaux étrangers se déclarent parfois compétents à l'égard d'affaires qui ne satisfont pas aux exigences fondamentales du critère du forum non conveniens. La courtoisie n'est pas universellement respectée. Dans certains cas, une grave injustice résultera de l'omission par un tribunal étranger de se récuser. C'est seulement en pareille situation qu'un tribunal doit admettre une demande d'injonction contre les poursuites. Voilà donc la nature générale des principes qui fondent cette forme de réparation. Pour en arriver à des critères plus précis, il faut voir dans quels cas un tribunal étranger aurait dérogé à tel point à notre propre critère du forum non conveniens, que nos tribunaux seraient autorisés à refuser de respecter la compétence que s'est attribuée le tribunal étranger, et aussi dans quelles circonstances l'exercice de cette compétence devient une grave injustice. Le premier volet de l'analyse nous oblige à étudier l'état actuel du droit relativement à la suspension d'instance fondée sur le forum non conveniens, tandis que le second se rapporte aux règles de droit concernant les injonctions et, plus particulièrement, celles contre les poursuites.

Forum non conveniens

Le droit canadien et celui d'autres pays de common law en cette matière ont leur source dans le droit anglais; or, l'exposé le plus récent de celui‑ci se trouve dans l'arrêt Spiliada Maritime Corp. c. Cansulex Ltd., [1987] A.C. 460. Énonçant les principes sur lesquels devraient se guider les tribunaux britanniques, lord Goff, qui a rendu le jugement principal, dit à la p. 477 que [traduction] «s'il s'agit d'une question à l'égard de laquelle la courtoisie est importante, il semble que les principaux ressorts de common law arriveront à un large consensus». En Angleterre, on a observé plusieurs stades dans l'évolution de la position des tribunaux, qui ont maintenant tendance à accepter plus volontiers la légitimité de la compétence que s'attribuent des tribunaux étrangers pour juger des actions qui se rattachent à la fois à l'Angleterre et à leur ressort. D'autres ressorts de common law ont accepté soit les principes énoncés dans l'arrêt Spiliada, soit une version antérieure de ceux‑ci.

Anciennement, les juges anglais refusaient d'appliquer la règle du forum non conveniens, qui était d'origine écossaise, lui préférant une règle qui obligeait une partie à qui avait été signifiée une action dans le ressort à établir, premièrement, qu'elle serait victime d'une injustice en cas de poursuite de l'action parce que celle‑ci est oppressive ou vexatoire, ou qu'elle constitue un abus de procédure et, deuxièmement, qu'aucune injustice ne serait commise envers le demandeur en cas de suspension. Le fondement de cette règle n'était pas la prépondérance des inconvénients selon qu'un tribunal ou l'autre jugeait l'action, mais plutôt l'abus des droits des parties. Un critère différent s'appliquait dans les affaires exigeant la signification à l'extérieur du ressort. En pareil cas, il fallait obtenir une ordonnance pour la signification ex juris et le demandeur devait montrer que l'Angleterre était le ressort approprié et que la règle autorisant cette signification avait par ailleurs été respectée. Dans l'arrêt The Atlantic Star, [1973] 2 All E.R. 175, la Chambre des lords a été exhortée à adopter la règle du forum non conveniens du droit écossais et à abandonner le critère qui exigeait, pour la suspension d'instance, la preuve que l'action était oppressive ou vexatoire. La Chambre des lords a refusé d'adopter la règle écossaise, mais s'est dite d'avis que, vu que les mots «oppressive et vexatoire» étaient vagues (en fait, aucune définition satisfaisante n'en avait jamais été donnée), il était possible d'assouplir la règle anglaise par le biais de l'application de ces mots. Dans l'arrêt Rockware Glass Ltd. c. MacShannon, [1978] 2 W.L.R. 362, ces mots ont été écartés en faveur d'un critère plus libéral et plus souple, qui obligeait le défendeur à établir, premièrement, qu'il y avait un autre tribunal dont le défendeur était justiciable et qui pouvait rendre justice de manière beaucoup moins désavantageuse ou moins coûteuse et, deuxièmement, que la suspension ne priverait pas le demandeur d'un avantage personnel ou juridique légitime si l'action était poursuivie devant le tribunal interne. Cet énoncé équivalait essentiellement à la règle écossaise du forum non conveniens.

Dans l'arrêt Spiliada, précité, la Chambre des lords a réaffirmé la règle et a donné plus de précisions sur son application. En particulier, la cour a traité de son application dans ce qu'elle a considéré comme deux situations différentes. Dans les cas «de plein droit», où la signification a été faite au défendeur dans le ressort, celui‑ci a la charge de montrer qu'il y a lieu d'accorder la suspension et qu'il est nettement plus approprié qu'un autre tribunal soit appelé à juger l'action. Ce «ressort logique», comme on l'appelle, est celui avec lequel l'action a le lien le plus réel et le plus important. Si cette première condition est remplie, la suspension sera accordée sauf si le demandeur établit qu'en raison de circonstances particulières, il ne peut obtenir justice que devant le tribunal anglais. La simple perte d'un avantage juridique n'équivaut pas à une injustice si le tribunal est convaincu que, pour l'essentiel, le tribunal approprié peut rendre justice au demandeur. Dans le cas où la signification est faite ex juris, la charge de la preuve incombe au demandeur dès le départ; c'est la situation inverse de ce qui se passe dans un cas de plein droit, c'est‑à‑dire que le demandeur doit montrer que l'Angleterre est nettement le ressort approprié. Lord Goff a donné certaines indications relatives aux facteurs pertinents pour ce qui est de déterminer le tribunal approprié. Bien qu'il n'ait pas voulu dresser une liste exhaustive, Sa Seigneurie s'est référée aux principaux facteurs dans ses motifs, à la p. 478:

[traduction] Le tribunal doit donc rechercher d'abord les facteurs de rattachement en ce sens; ils comprennent non seulement les facteurs d'ordre pratique ou pécuniaire (tels que la disponibilité des témoins), mais encore des facteurs tels que la loi applicable à l'opération en cause (voir à ce sujet l'affaire Crédit Chimique c. James Scott Engineering Group Ltd., 1982 S.L.T. 131) et le lieu de résidence des parties ou le siège de leur activité.

Ces principes ont été réaffirmés dans l'arrêt de Dampierre c. de Dampierre, [1987] 2 W.L.R. 1006 (H.L.). Cette affaire est un exemple intéressant d'application du second volet de la règle. L'épouse demanderesse s'est opposée à la suspension de son action en divorce en Angleterre parce qu'en France, où son époux avait aussi introduit une instance, elle allait être privée d'aliments si sa conduite était tenue pour la seule cause de la dissolution du mariage. La cour ayant conclu que le mari avait rempli la première condition, savoir montré que la France était le ressort approprié, la perte de cet avantage juridique a été considérée comme insuffisante pour entraîner une injustice car, pour l'essentiel, le régime matrimonial en vigueur en France permettrait de rendre justice.

En Australie, la Haute Cour, si elle n'a pas utilisé tous les termes employés dans l'arrêt Spiliada, a formulé des principes qui, a‑t‑elle reconnu, produiraient vraisemblablement les mêmes résultats dans la majorité des cas. Voir l'arrêt Voth c. Manildra Flour Mills Pty Ltd. (1990), 65 A.L.J.R. 83, à la p. 90. Le critère pour déterminer s'il y a lieu d'accorder la suspension est de savoir si le tribunal choisi par le demandeur n'est nettement pas approprié et non pas si un autre tribunal serait nettement plus approprié. Le même critère s'applique aux cas «de plein droit» et aux cas de «signification ex juris». En Nouvelle‑Zélande, le critère applicable est celui énoncé dans l'arrêt Spiliada, que la cour a adopté dans l'arrêt Club Mediterranee NZ c. Wendell, [1989] 1 N.Z.L.R. 216 (C.A.). Les cours fédérales américaines appliquent des principes semblables dans les actions dont elles sont saisies. Dans l'arrêt Piper Aircraft Co. c. Reyno, 454 U.S. 235 (1981), la Cour suprême des États‑Unis a approuvé la décision de la Cour de district qui avait rejeté une action intentée en Californie par l'administratrice de la succession de citoyens écossais, victimes d'un accident d'avion en Écosse, contre le fabricant américain de l'appareil. Pour statuer ainsi, le juge de la Cour de district s'est demandé si les facteurs pertinents l'amenaient nettement à conclure que le procès devait avoir lieu dans l'autre ressort. Le critère reposait sur une présomption favorisant le choix du tribunal fait par le demandeur, dont l'effet a cependant été diminué du fait que le tribunal interne n'a pas été choisi.

L'état actuel du droit au Canada a été adéquatement résumé par Ellen L. Hayes dans «Forum Non Conveniens in England, Australia and Japan: The Allocation of Jurisdiction in Transnational Litigation» (1992), 26 U.B.C. Law Rev. 41, aux pp. 42 et 43:

[traduction] La position canadienne relativement à la règle du forum non conveniens n'est pas claire. De façon générale, les tribunaux canadiens ont suivi la jurisprudence anglaise quand ils ont examiné des questions relatives à cette règle. Leur démarche particulière n'est cependant pas cohérente. Dans leurs décisions les plus récentes, les tribunaux de l'Ouest mentionnent le critère anglais actuel, mais pourtant ils se refusent à adopter un critère ou une règle d'application générale qui représenterait une «démarche trop formaliste». Les tribunaux ontariens, en revanche, sont en retard sur l'évolution de la règle devant les tribunaux anglais et continuent d'appliquer un critère que la Chambre des lords a maintenant remplacé. Dans bien des affaires, des réponses confuses ont été données aux questions suivantes: le critère est‑il différent selon que la signification a été faite dans le ressort ou ex juris, à qui incombe la charge de la preuve et quel poids convient‑il d'accorder aux avantages personnels ou juridiques que retire le demandeur lorsque l'action est engagée dans son ressort?

Le seul arrêt récent de notre Cour sur la question est l'arrêt Antares, précité. Il s'agit d'une affaire d'amirauté devant la Cour fédérale, mais elle porte sur les principes généraux relatifs au forum non conveniens. À la page 448, le juge Ritchie énonce, au nom de la majorité, le critère à appliquer quand le tribunal est prié de suspendre une action pour ce motif:

Selon moi, cependant, la considération primordiale qui doit guider la cour lorsqu'en exerçant son pouvoir discrétionnaire, elle refuse d'accéder à une telle requête, doit être l'existence d'un autre tribunal, plus commode et plus approprié pour la poursuite de l'action et pour la réalisation des fins de la justice.

Cette affaire a été jugée avant les arrêts Spiliada et MacShannon, précités. Il importe de souligner que, dans l'énoncé des principes généraux, on ne mentionne pas qu'il faille établir que l'action dont le tribunal interne est saisi est oppressive ou vexatoire. La seconde condition que comporte la règle anglaise n'est pas abordée explicitement, mais il ressort clairement de l'arrêt que l'un des facteurs principaux de la décision qu'aucun autre ressort n'était plus approprié que le Canada a été le fait qu'il s'agissait du seul ressort en mesure d'assurer l'exécution efficace du jugement. Le navire qui était l'objet de l'action avait été saisi au Québec et le cautionnement versé pour la mainlevée de la saisie représentait la garantie de l'exécution de tout jugement obtenu au Canada. Aucune garantie de cette nature n'avait été versée aux autres tribunaux qui auraient pu légitimement être appelés à juger l'action. Par conséquent, le Canada était le ressort le plus approprié tant pour ce qui était de «la poursuite de l'action» que de «la réalisation des fins de la justice».

À mon avis, aucune raison sur le plan des principes ne nous autorise à considérer la perte d'un avantage juridique comme une condition distincte plutôt que comme un facteur parmi ceux dont la cour tient compte pour déterminer le tribunal approprié. L'existence de deux conditions est le résultat de l'évolution de la règle en Angleterre, où elle comportait au début deux volets, à un moment où l'oppression du défendeur et l'injustice faite au demandeur étaient les deux facteurs en fonction desquels le tribunal décidait d'accorder ou non la suspension. Cette évolution du droit anglais s'est faite à partir d'un passage des motifs du juge Scott dans l'affaire St. Pierre c. South American Stores (Gath & Chaves), Ltd., [1936] 1 K.B. 382, qui comportait deux conditions. Sous sa forme initiale, la seconde condition exigeait que le tribunal veille à ce que la suspension n'entraîne aucune injustice envers le demandeur. C'était sans aucun doute parce que le critère de l'oppression était centré surtout sur les conséquences qu'aurait pour le défendeur un procès tenu en Angleterre. Quand la première condition s'est muée en un examen de tous les facteurs servant à déterminer le ressort logique, il me semble que tout avantage juridique pour le demandeur ou pour le défendeur aurait dû être tenu pour l'un des facteurs à prendre en considération. Le poids à accorder à un avantage juridique dépend grandement du lien des parties avec le ressort en question. Si une partie s'adresse à un tribunal simplement pour obtenir un avantage juridique et non en raison d'un lien réel et important de l'affaire avec le ressort, ce choix est d'ordinaire réprouvé parce qu'il équivaut à la «recherche d'un tribunal favorable». En revanche, la partie dont la demande a un lien réel et important avec un ressort peut légitimement faire valoir les avantages qu'elle peut en retirer. La légitimité de sa demande repose sur l'attente raisonnable qu'en cas de litige découlant de l'opération en cause, elle pourra se prévaloir de ces avantages.

Pour terminer, je ferai observer que l'arrêt Antares, précité, portait sur une affaire dans laquelle l'autorisation de faire la signification ex juris était exigée. Toutefois, dans la formulation du critère, la cour n'a pas jugé qu'il s'agissait d'un point important. Que ce soit un cas de signification à l'extérieur du ressort ou que la signification soit faite au défendeur dans le ressort, la question qu'il faut trancher, à mon sens, reste celle‑ci: un autre tribunal serait‑il plus approprié, compte tenu des facteurs pertinents? Si le défendeur réside à l'extérieur du ressort, c'est un facteur dont il faut tenir compte, peu importe que la signification ait été faite ou non à l'extérieur du ressort. La résidence à l'extérieur du ressort peut être artificielle. Elle peut avoir été établie à des fins fiscales ou autres, malgré le fait que le défendeur a un lien réel et important avec le pays. La solution particulière que les tribunaux anglais ont retenue dans les cas de signification ex juris semble être fondée sur les exigences de l'ordonnance 11 des règles anglaises qui impose un lourd fardeau au demandeur qui veut convaincre le tribunal de se déclarer compétent à l'égard d'un étranger. Dans la plupart des provinces canadiennes, aucune autorisation n'est plus nécessaire pour la signification ex juris, sauf dans des cas particuliers, et cette tendance s'étendra vraisemblablement à d'autres provinces. Dans l'arrêt Voth, précité, la Haute Cour d'Australie a tenu compte de ce phénomène pour conclure que le critère devrait être le même dans les affaires de signification ex juris et dans les autres. La question de savoir si le demandeur a la charge de la preuve dans les affaires de signification ex juris dépend de la règle qui permet la signification à l'extérieur du ressort. Si elle exige que le demandeur justifie la signification à l'extérieur du ressort, soit en demandant une ordonnance, soit, quand aucune ordonnance n'est exigée, en faisant valoir pourquoi la signification à l'extérieur du ressort s'impose, alors la règle dicte la solution. La charge de la preuve ne doit pas jouer un rôle important en pareil cas, car elle ne s'applique que dans les affaires où le juge ne peut en arriver à une décision certaine sur la base de la preuve produite par les parties. Bien que la norme de preuve reste celle qui est applicable en matière civile, tout comme les tribunaux anglais, j'estime qu'il faut établir clairement qu'un autre tribunal est plus approprié pour que soit écarté celui qu'a choisi le demandeur. C'est la position que le juge McLachlin (maintenant juge de notre Cour) a prise dans l'arrêt Avenue Properties Ltd. c. First City Dev. Corp. (1986), 7 B.C.L.R. (2d) 45. Elle a souligné que cette solution valait en particulier lorsque aucune instance parallèle n'était pendante à l'étranger.

Cet examen établit que, dans les pays de common law, comme l'a fait remarquer lord Goff dans l'arrêt Spiliada, les règles de droit sont remarquablement uniformes. Certes, le vocabulaire utilisé varie, mais chaque ressort applique des principes conçus pour déterminer le tribunal le plus approprié ou le tribunal approprié pour le litige en fonction des facteurs de rattachement entre le litige, les parties et les tribunaux susceptibles d'être saisis. Dans son article que j'ai déjà cité (op. cit., à la p. 63), Ellen L. Hayes a étudié le droit japonais et est arrivée à la conclusion que des principes semblables y sont appliqués. Le respect des principes de courtoisie internationale dont j'ai fait mention donne à entendre que, pour le tribunal saisi d'une demande d'injonction contre des poursuites, le fait qu'un tribunal étranger s'est déclaré compétent dans des circonstances qui sont compatibles avec l'application des principes susmentionnés est un facteur important qui milite contre la demande d'injonction.

Injonctions contre les poursuites

L'Angleterre

Depuis 1821, les tribunaux anglais se sont déclarés compétents pour interdire des poursuites devant un tribunal étranger et pour suspendre des actions intentées devant eux. Dans l'arrêt Bushby c. Munday, précité, le vice‑chancelier Leach a énoncé la règle en ces termes, à la p. 307 et à la p. 913:

[traduction] Quand des défendeurs sont des résidents de l'Angleterre et sont cités devant nos tribunaux, notre Cour est compétente pour faire, relativement à l'objet de l'action, tout acte les touchant personnellement, selon ce qu'exigent les fins de la justice; et à cette fin, pour leur ordonner de prendre ou de s'abstenir de prendre toute mesure et d'engager toute poursuite devant un autre tribunal, dans notre pays ou à l'étranger.

On estimait à cette époque que la réparation demandée, soit une injonction soit une suspension, avait un effet in personam et n'avait pas pour but l'immixtion dans les affaires de l'autre tribunal. Dans cette optique, la question qu'il fallait trancher était de savoir si les fins de la justice exigeaient qu'une injonction soit décernée ou qu'une suspension soit accordée. Pour décider qu'il convenait de décerner une injonction dans l'arrêt Bushby c. Munday, précité, le vice‑chancelier a conclu que le tribunal anglais était plus approprié et que l'instance introduite en Écosse, à cause des règles de procédure, était moins susceptible de faire ressortir la vérité. Il a conclu (à la p. 308 et à la p. 913) que le tribunal anglais devait recourir à ses propres moyens supérieurs pour statuer sur le droit et sur les faits.

Le même critère a été développé à l'égard des injonctions contre les poursuites et des suspensions, sur la base du jugement du lord juge Scott dans l'arrêt St. Pierre c. South American Stores (Gath & Chaves), Ltd., précité. Quand ces conditions étaient remplies, le tribunal exerçait son pouvoir discrétionnaire de prononcer la suspension ou l'interdiction des poursuites à l'étranger. Les principes régissant la suspension et l'injonction contre les poursuites sont restés identiques jusqu'à ce que la Chambre des lords rende l'arrêt The Atlantic Star, précité; depuis lors, la jurisprudence anglaise concernant la suspension d'instance devant le tribunal interne est passée par la première mutation dont j'ai parlé. Dans l'arrêt The Atlantic Star, la Chambre des lords a décidé que les mots «oppressif» et «vexatoire» devaient être interprétés libéralement. Après cet arrêt, il n'était plus certain que les principes applicables à l'injonction contre les poursuites étaient restés les mêmes ou s'ils avaient évolué comme les principes régissant la suspension d'instance devant le tribunal interne. La Chambre des lords s'est penchée précisément sur cette question dans l'arrêt Castanho c. Brown and Root (U.K.) Ltd., précité, qui portait sur une demande d'injonction contre les poursuites. À la page 574, lord Scarman déclare que [traduction] «[l]e principe est le même, que la réparation demandée soit la suspension de l'instance anglaise ou l'interdiction des poursuites à l'étranger». Lord Scarman a approuvé la reformulation des principes faite par lord Diplock dans l'arrêt The Atlantic Star, précité, et il a conclu, à la p. 575:

[traduction] . . . pour qu'une injonction puisse être décernée, les défendeurs doivent montrer: a) que le tribunal anglais est un tribunal dont ils sont justiciables et qui peut rendre justice de manière beaucoup moins désavantageuse et moins coûteuse, et b) que l'injonction ne privera pas le demandeur d'un avantage personnel ou juridique légitime qu'il pourrait retirer si l'action était poursuivie devant le tribunal américain. [Italiques dans l'original.]

Lord Scarman a souligné que, dans une demande de suspension ou d'injonction contre les poursuites, il fallait établir [traduction] «l'équilibre critique» entre l'avantage pour le demandeur et l'inconvénient pour les défendeurs. À cet égard, la possibilité que le tribunal étranger accorde des dommages‑intérêts plus élevés constituait un avantage juridique légitime pour le demandeur. La Chambre des lords a appliqué les règles énoncées dans l'arrêt Castanho, précité, dans deux affaires ultérieures portant sur des demandes d'injonction contre des poursuites à l'étranger (British Airways Board c. Laker Airways Ltd., [1985] A.C. 53, et South Carolina Insurance Co. c. Assurantie Maatschappij «De Zeven Provincien» N.V., [1987] A.C. 24).

Ce critère, en ce qui concerne les injonctions contre les poursuites, n'a pas résisté à l'examen du Comité judiciaire du Conseil privé. En 1987, le Conseil privé a renversé les principes plus libéraux que la Chambre des lords avait établis. La formulation définitive du droit se trouve dans l'arrêt SNI, précité: un tribunal anglais ne décernera une injonction contre les poursuites que s'il est montré que les poursuites à l'étranger seront oppressives ou vexatoires. Le Conseil privé a bien précisé que les principes traditionnels, résumés dans l'arrêt St. Pierre c. South American Stores (Gath & Chaves), Ltd., précité, devaient régir les demandes d'interdiction d'instances à l'étranger. Par conséquent, les principes plus libéraux énoncés dans l'arrêt Spiliada, précité, dans le contexte d'une demande de suspension d'une instance devant le tribunal interne, ne devaient pas être appliqués aux injonctions contre les poursuites parce qu'agir ainsi serait incompatible avec les principes de la courtoisie et irait à l'encontre de l'exigence fondamentale qu'une injonction ne doit être décernée que si cela est nécessaire pour réaliser les fins de la justice.

Pour tirer sa conclusion dans l'arrêt SNI, lord Goff a étudié la longue histoire du droit anglais ainsi que la jurisprudence américaine et écossaise. Il a dit, à la p. 519, que les principes fondamentaux qui suivent sont indiscutables:

[traduction] Premièrement, le tribunal doit exercer sa compétence si les «fins de la justice» l'exigent [. . .]. Deuxièmement, si le tribunal décide de décerner une injonction interdisant les poursuites devant un tribunal étranger, son ordonnance vise non pas le tribunal étranger, mais les parties qui engagent ou menacent d'engager les poursuites. [. . .] Troisièmement, il s'ensuit qu'une injonction ne doit être décernée que si elle vise une partie justiciable devant le tribunal à l'égard duquel l'injonction sera une réparation efficace [. . .]. Quatrièmement, les tribunaux ont souligné à maintes reprises que, puisqu'une telle ordonnance a un effet indirect sur le tribunal étranger, il faut exercer cette compétence avec circonspection . . . [Références omises.]

Dans son examen de ces principes, lord Goff a énoncé le critère suivant (arrêt SNI, précité, à la p. 522):

[traduction] De l'avis de Leurs Seigneuries, dans une affaire comme la présente, où le tribunal anglais (ou, comme en l'espèce, le tribunal du Brunei) et un tribunal étranger peuvent accorder une réparation pour un dommage particulier, en général, le tribunal anglais (ou le tribunal du Brunei) n'interdira au demandeur de poursuivre l'instance devant le tribunal étranger que si cette instance est vexatoire ou oppressive. Cela présuppose qu'en règle générale, le tribunal anglais ou le tribunal du Brunei doit conclure qu'il est le ressort logique pour juger l'action et qu'en outre, comme il doit considérer les fins de la justice, il lui faut tenir compte non seulement de l'injustice qui serait commise contre le défendeur si le demandeur est autorisé à poursuivre l'instance à l'étranger, mais encore de l'injustice faite au demandeur s'il n'y est pas autorisé. Alors, en règle générale, le tribunal ne décernera pas d'injonction si, ce faisant, il prive le demandeur d'avantages qui s'offrent à lui devant le tribunal étranger et dont il serait injuste qu'il soit privé.

Cette analyse représente le critère selon lequel il convient de décerner une injonction contre les poursuites en Angleterre.

Les États‑Unis d'Amérique

Bien que les tribunaux américains aient exercé le pouvoir fondé sur l'equity d'interdire à des parties relevant de leur juridiction d'introduire une instance devant un autre tribunal (voir l'arrêt Cole c. Cunningham, 133 U.S. 107 (1890)), la plupart des juridictions américaines permettent des poursuites parallèles à l'étranger dans le cas d'actions in personam. Les injonctions contre les poursuites ne sont décernées que si cela est [traduction] «nécessaire pour protéger la compétence du tribunal qui les décerne ou pour contrecarrer la transgression des importantes mesures d'intérêt public du tribunal» (Laker Airways c. Sabena, Belgian World Airlines, précité, à la p. 927). Comme dans les autres pays, le pouvoir de décerner une telle injonction doit être exercé avec beaucoup de circonspection car, bien qu'en théorie l'ordonnance ait un effet in personam, une injonction contre les poursuites [traduction] «restrein[t] en fait le pouvoir du tribunal étranger d'exercer sa compétence» (Laker Airways, précité, à la p. 927).

La jurisprudence américaine ne renferme pas de règle précise pour les injonctions contre les poursuites; les tribunaux examinent plutôt les circonstances, suivant les principes de l'equity, afin de décider s'ils doivent prononcer l'injonction pour empêcher une erreur judiciaire irréparable. Deux principes doivent guider le tribunal. Premièrement, il y a lieu de respecter le corollaire fondamental de la compétence concomitante: c'est‑à‑dire d'autoriser la poursuite simultanée d'instances parallèles in personam. Deuxièmement, il faut éviter d'empêcher l'action devant le tribunal étranger. (Voir Laker Airways, précité, aux pp. 926 et 927.)

Comme un auteur l'a fait remarquer, lorsque des tribunaux étrangers ont une compétence concomitante, tous les tribunaux américains ne respectent pas la règle favorisant les poursuites parallèles. Richard W. Raushenbush, «Antisuit Injunctions and International Comity», loc. cit., aux pp. 1049 et 1050, fait état de deux écoles. Selon le point de vue «libéral», en matière d'injonction contre les poursuites, le tribunal est disposé à décerner une injonction si les poursuites font double emploi et si elles [traduction] «(1) contrecarrent une ligne de conduite du tribunal qui la décerne; (2) [sont] vexatoires ou oppressives; (3) menacent la compétence in rem ou quasi in rem du tribunal qui la décerne; ou (4) [. . .] sont préjudiciables à d'autres intérêts en equity» (Unterweser Reederei, GmbH c. M/S Bremen, 428 F.2d 888 (5th Cir. 1970), à la p. 890). Selon le point de vue «conservateur», que défend par exemple le juge Wilkey dans l'arrêt Laker Airways, précité, décerner une injonction contre les poursuites afin d'empêcher des instances qui font double emploi est incompatible avec la règle qui permet la poursuite d'instances parallèles dans le cas d'actions in personam concomitantes. Le tribunal qui suit le point de vue «conservateur» (à la p. 927) ne décerne d'injonction contre les poursuites que si cela est [traduction] «nécessaire pour protéger sa compétence ou pour contrecarrer la transgression des importantes mesures d'intérêt public du tribunal». Souvent, on exige du requérant qu'il satisfasse en outre aux exigences classiques en matière d'injonction: de bonnes chances d'avoir gain de cause au fond, le risque de préjudice irréparable, l'absence de tort important pour le défendeur et l'intérêt public (voir l'arrêt Gau Shan Co., Ltd. c. Bankers Trust Co., 956 F.2d 1349 (6th Cir. 1992)).

Comme l'a fait observer lord Goff dans l'arrêt SNI, il ne ressort pas de la jurisprudence américaine que les mêmes principes régissent les suspensions d'instance et les injonctions contre les poursuites.

L'Australie

La section générale de la Cour fédérale a étudié la jurisprudence anglaise et américaine en matière d'injonctions contre les poursuites: dans l'affaire National Mutual Holdings Pty. Ltd. c. Sentry Corp. (1989), 87 A.L.R. 539, à la p. 563, le juge Gummow conclut:

[traduction] La poursuite à l'étranger d'instances qui ont tendance à nuire à l'application régulière de la loi devant le tribunal interne peut, dans les circonstances d'une affaire donnée, faire intervenir les principes d'equity nécessaires pour que l'instance soit interdite parce qu'elle est vexatoire ou oppressive . . .

Il fait trois autres remarques. Premièrement, [traduction] «[e]n Australie, un autre facteur entre en jeu: si un tribunal a commencé à exercer le pouvoir judiciaire dont le Commonwealth est investi relativement à une question donnée, il a le droit exclusif d'exercer les fonctions qui ressortissent à ce pouvoir ou qui y sont accessoires, ou d'en contrôler l'exercice: voir Pioneer Concrete (Vic) Pty Ltd c Trade Practices Commission (1982), 152 C.L.R. 460, aux pp. 471 à 473 et 474 . . .» Deuxièmement, [traduction] «[i]l faut aussi se demander s'il est possible d'obtenir une réparation efficace devant les tribunaux étrangers [. . .]: voir White et Tudor, Leading Cases in Equity, [9e éd., vol. 1], aux pp. 635 et 636». Et troisièmement, [traduction] «[c]onstitue un facteur pertinent l'existence de fortes raisons de croire que le demandeur retirerait un avantage de l'introduction d'une instance à l'étranger: [SNI] (aux pp. 893 et 894)».

La Haute Cour de l'Australie ne s'est pas prononcée expressément sur les principes qui fondent les injonctions contre les poursuites.

Le Canada

La jurisprudence canadienne sur cette question n'est pas très abondante. Toutefois, même les décisions les plus anciennes renferment une mise en garde selon laquelle le pouvoir d'interdire les poursuites à l'étranger doit être exercé avec beaucoup de circonspection et ce genre d'injonctions doit viser strictement à empêcher l'abus de procédure par des actions vexatoires. Notre Cour n'a jamais rendu de décision sur ce point.

Deux arrêts récents, rendus en Nouvelle‑Écosse, traitent des injonctions contre les poursuites. L'arrêt Canadian Home Assurance Co. c. Cooper (1986), 29 D.L.R. (4th) 419 (C.S.N.‑É. Div. app.), est antérieur à l'arrêt anglais SNI. Dans cette affaire, le juge MacKeigan a décerné une injonction après avoir conclu que l'action à l'étranger entre les mêmes parties n'avait aucune valeur pour les intimés puisque, si le tribunal y apportait la même solution que le tribunal interne, cela n'ajouterait rien au jugement de celui‑ci, et si la solution était différente, elle ne serait pas reconnue par le tribunal interne parce qu'elle serait tenue pour une erreur juridictionnelle. Sans examiner les principes applicables, la cour a décerné l'injonction. Dans l'arrêt Rowan Companies, Inc. c. DiPersio (1990), 69 D.L.R. (4th) 224, postérieur à l'arrêt SNI, la Cour d'appel de la Nouvelle‑Écosse a refusé une demande d'injonction contre des poursuites. Au nom de la cour, le juge Jones a dit que la balance des inconvénients penchait en faveur de l'intimé. Il s'est appuyé sur les facteurs suivants: l'action a été intentée selon la lex loci delicti, donc devant le tribunal approprié, et la requérante exerçait son activité dans le ressort du tribunal étranger où, vraisemblablement, résidaient certains des témoins. Il a conclu, à la p. 240, que l'action ne pouvait pas être qualifiée de [traduction] «frivole ou vexatoire».

Dans l'arrêt récent Allied‑Signal Inc. c. Dome Petroleum Ltd. (1988), 67 Alta. L.R. (2d) 259, de la Cour du banc de la Reine de l'Alberta, l'intention du juge Medhurst était d'appliquer dans une demande d'injonction contre des poursuites les principes du droit anglais énoncés dans l'arrêt SNI. Il a dit, à la p. 266:

[traduction] Après avoir pris en considération tous les arguments avancés, je suis d'avis que les demandes dont je suis saisi devraient être tranchées en fonction de la question de savoir quel est le tribunal qui convient le mieux aux fins de la justice pour régler les questions en litige. Cela suppose l'examen du critère triple qui est applicable aux demandes d'injonction interlocutoire ordinaires.

Le juge Medhurst a conclu qu'il y avait lieu de décerner l'injonction sur la base du critère du forum non conveniens. Il a ajouté que l'injonction pouvait peut‑être aussi être fondée sur deux autres motifs: (1) l'action à l'étranger est oppressive en raison du risque de divergence de conclusions et, en conséquence, de nouvelles actions en contribution et en indemnité, et (2) on a satisfait au critère triple selon lequel peut être prononcée une injonction provisoire qui comprend la prise en compte de l'intérêt public et des intérêts des parties.

Dans l'arrêt Kornberg c. Kornberg (1990), 30 R.F.L. (3d) 238 (C.A. Man.) (autorisation de pourvoi refusée, [1991] 1 R.C.S. x), la Cour d'appel a appliqué les principes énoncés dans l'arrêt SNI. À la majorité, elle a reconnu que les principes applicables à une injonction contre les poursuites différaient de ceux régissant la suspension de l'instance devant le tribunal interne. Pour la majorité, le juge Philp a décidé qu'une injonction contre les poursuites ne devrait être décernée que dans le cas où la poursuite de l'instance à l'étranger entraînerait une injustice pour l'autre partie ou serait vexatoire ou oppressive. Cette décision contraste avec l'arrêt de la Cour d'appel du Manitoba Aikmac Holdings Ltd. c. Loewen, [1989] 6 W.W.R. 759, qui a suivi la démarche anglaise, exprimé dans l'arrêt Castanho, précité, que le Conseil privé a renversé en 1987 dans l'arrêt SNI.

Aucune démarche uniforme ne semble se dégager de cette jurisprudence, hormis la reconnaissance du principe qu'il y a lieu de faire preuve de beaucoup de circonspection lorsqu'est invoqué le pouvoir d'interdire les poursuites à l'étranger.

Le critère

À mon avis, le critère appliqué par nos tribunaux doit reposer sur les principes énoncés dans l'arrêt SNI. Ces principes devraient être appliqués en tenant compte comme il se doit de l'interprétation canadienne du droit international privé. L'arrêt Morguard de notre Cour, précité, représente un cas d'application de cette interprétation; le juge La Forest y a mis en évidence le rôle de la courtoisie et la nécessité d'ajuster le sens de la courtoisie aux changements de l'ordre mondial. Je formulerai maintenant le critère à la lumière de ce qui précède.

Tout d'abord, il est utile d'étudier quelques questions préliminaires de procédure relatives aux injonctions contre les poursuites. En règle générale, le tribunal interne ne doit pas admettre une demande d'injonction si aucune instance n'est pendante à l'étranger. Certes, les tribunaux décernent des injonctions quia timet, mais c'est seulement si le requérant établit que le défendeur menace d'accomplir un acte qui constitue un délit civil donnant droit à une action. En général, une injonction est une réparation qui est subordonnée à une cause d'action. Voir Elizabeth R. Edinger, Case Comment (1992), 71 R. du B. can. 117, à la p. 127. À cet égard, l'injonction contre les poursuites est exceptionnelle car le requérant n'a pas à établir qu'en se déclarant compétent le tribunal étranger commet un délit donnant droit à une action. En outre, bien que la demande soit instruite sommairement et soit appuyée par une preuve par affidavit, l'ordonnance mène à une injonction permanente qui n'est d'ordinaire décernée qu'après le procès. Afin que cette demande de réparation particulière soit conforme aux principes de la courtoisie, il est préférable que rien ne soit fait pour empêcher le tribunal étranger de rendre une décision tant qu'une action n'aura pas été engagée devant ce tribunal et que la partie qui demande l'injonction devant le tribunal interne n'aura pas demandé au tribunal étranger, sans succès, une suspension d'instance ou une autre forme de clôture.

Si le tribunal étranger suspend ou rejette l'action, le problème est réglé. Sinon, le tribunal interne doit entendre la demande d'injonction, mais seulement si l'on prétend qu'il est le tribunal le plus approprié et s'il peut être un tribunal approprié. Dans toute affaire où une action a été engagée devant le tribunal interne, on peut s'attendre à ce que le demandeur fasse valoir que c'est le tribunal approprié. En s'opposant à la suspension, le demandeur prétendra en outre qu'aucun autre tribunal n'est nettement plus approprié et qu'en conséquence, le défendeur n'a pas satisfait au critère que j'ai exposé plus haut. Si aucune action n'a été intentée devant le tribunal interne, celui‑ci ne peut se fonder sur aucun motif juridique pour admettre une demande d'injonction, sauf si le requérant prétend que l'action aurait dû être introduite devant le tribunal interne parce que c'est l'endroit le plus approprié pour juger le litige, et qu'il pourrait être un tribunal approprié.

La première étape de l'analyse énoncée dans l'arrêt SNI consiste à décider si le tribunal interne est le ressort logique, c'est‑à‑dire celui qui a les liens les plus étroits avec l'action et les parties, selon les facteurs de rattachement pertinents. Je modifierais un peu cet énoncé pour l'adapter au critère du forum non conveniens. Selon ce critère, le tribunal doit décider si un autre tribunal est nettement plus approprié. Cette modification a pour effet dans les cas de demande de suspension que, lorsque aucun tribunal n'est le plus approprié, le tribunal interne l'emporte ipso facto et refuse la suspension, à la condition d'être un tribunal approprié. À cette étape de l'analyse, le tribunal interne doit, par courtoisie, prendre acte du fait que le tribunal étranger s'est déclaré compétent. Si, en appliquant les principes relatifs au forum non conveniens exposés plus haut, le tribunal étranger avait pu raisonnablement conclure qu'aucun autre tribunal n'était nettement plus approprié, le tribunal interne devrait respecter cette décision et rejeter la demande. En cas de désaccord véritable entre les tribunaux de notre pays et ceux d'un autre, nos tribunaux ne devraient pas s'arroger la décision qui relève des deux juridictions. Dans la plupart des cas, la décision du tribunal étranger nous permet de voir s'il a appliqué des principes semblables à ceux qui ont cours dans notre pays, mais s'il ne l'a pas fait, le tribunal interne doit alors vérifier si la solution du litige est conforme à ces principes.

Si le tribunal interne conclut que le tribunal étranger s'est déclaré compétent pour un motif qui est incompatible avec les principes relatifs au forum non conveniens et que le tribunal étranger n'aurait pas pu en arriver raisonnablement à cette conclusion s'il avait appliqué ces principes, il doit alors passer à la seconde étape de l'analyse proposée dans l'arrêt SNI. Je préfère la formulation initiale de cette étape sans référence aux termes «oppressif ou vexatoire». À la page 522, lord Goff dit:

[traduction] Cela présuppose que, en règle générale, le tribunal anglais ou le tribunal du Brunei doit conclure qu'il est le ressort logique pour juger l'action et qu'en outre, comme il doit considérer les fins de la justice, il lui faut tenir compte non seulement de l'injustice qui serait commise contre le défendeur, si le demandeur était autorisé à poursuivre l'instance à l'étranger, mais encore de l'injustice faite au demandeur s'il n'y était pas autorisé. Alors, en règle générale, le tribunal ne décernera pas d'injonction si, ce faisant, il prive le demandeur d'avantages qui s'offrent à lui devant le tribunal étranger et dont il serait injuste qu'il soit privé. [Je souligne.]

Le jugement dans cette affaire est basé sur l'injustice qui aurait été faite à SNI, parce qu'elle aurait perdu des avantages juridiques qui s'offraient au Brunei, mais non au Texas. Qualifier cette perte d'oppressive n'ajoutait rien à l'analyse. D'autant plus que ni le terme «oppressif», ni le terme «vexatoire», n'ont été définis de façon satisfaisante dans l'arrêt SNI ni, à ce que je sache, ailleurs dans la jurisprudence. Si l'objectif visé est la souplesse, on peut l'atteindre en utilisant le terme «injustice», qui présente l'avantage supplémentaire de mieux s'accorder avec le langage des lois qui prévoient des injonctions. Par exemple, l'art. 36 de la Law and Equity Act, R.S.B.C. 1979, ch. 224, de la Colombie‑Britannique, autorise l'injonction si [traduction] «le tribunal l'estime juste ou commode.»

Dans quels cas serait‑il injuste de priver la partie qui a introduit une instance devant un tribunal étranger de quelque avantage personnel ou juridique dont elle peut profiter devant ce tribunal? J'ai déjà dit qu'il n'était pas possible d'apprécier l'importance de la perte d'un avantage sans tenir compte du contexte. La perte d'un avantage juridique ou autre doit être évaluée en fonction des autres facteurs. Ce qu'il convient de se demander, c'est s'il est injuste de priver d'un avantage juridique ou autre la partie qui veut poursuivre une instance devant un tribunal étranger, eu égard aux facteurs de rattachement, dont j'ai déjà parlé, entre le litige, les parties et ce tribunal. Une partie ne peut pas raisonnablement s'attendre à profiter d'avantages offerts dans un ressort qui n'a avec elle et l'objet du litige que peu de liens, voire aucun. La perte d'avantages subie par le demandeur à l'étranger doit être mise en balance avec la perte d'avantages, s'il en est, que subirait le défendeur devant le tribunal étranger au cas où l'action serait jugée par celui‑ci et non par le tribunal interne. Au cours de mon examen du critère selon lequel doit être déterminé le forum non conveniens, j'ai souligné que la perte d'un avantage juridique est l'un des facteurs et que ce facteur est pris en considération à la première étape. Il sera aussi pesé à la seconde étape lorsqu'il faudra déterminer si, mise à part son influence sur le choix du tribunal le plus approprié, une injustice résulterait de l'autorisation donnée au demandeur de poursuivre l'action devant le tribunal étranger. La perte d'un avantage personnel ou juridique n'est pas nécessairement la seule cause possible d'injustice dans ce contexte, mais elle est, de loin, la plus fréquente. En effet, la plus grande partie de la jurisprudence traite de la perte d'un avantage juridique plutôt que d'un avantage personnel. Néanmoins, la perte d'un avantage personnel pourrait équivaloir à une injustice si, par exemple, une partie est obligée de faire valoir une demande dans un ressort éloigné avec lequel elle n'a aucun lien. Je préfère que les autres sources possibles d'injustice soient examinées à mesure qu'elles se présenteront.

L'application de ces principes a pour résultat que, si un tribunal étranger se déclare compétent pour un motif qui est généralement conforme à notre règle de droit international privé concernant le forum non conveniens, cette décision sera respectée et le tribunal canadien ne prendra pas sur lui de rendre la décision pour le tribunal étranger. C'est le minimum qu'exige la ligne de conduite de nos tribunaux au chapitre de la courtoisie. Toutefois, si un tribunal étranger se déclare compétent pour un motif qui est incompatible avec nos règles de droit international privé et qu'il en résulte une injustice pour une partie existante ou éventuelle devant nos tribunaux, sa décision d'exercer sa compétence est alors contraire à l'équité et il y a lieu d'empêcher le demandeur de poursuivre l'instance à l'étranger. N'ayant pas lui‑même observé les règles de la courtoisie, le tribunal étranger ne doit pas s'attendre à ce que sa décision soit respectée au nom de la courtoisie.

Application des principes au présent pourvoi

Je suis d'avis de faire droit au pourvoi parce que le juge en chef Esson de la Cour suprême (le juge de première instance) a commis une erreur dans l'application des deux volets de la règle concernant les injonctions contre les poursuites que j'ai exposée plus haut. Premièrement, quant au choix du tribunal, soit la première étape de l'analyse, après avoir conclu que le tribunal texan n'avait pas appliqué le critère du forum non conveniens, il n'a pas examiné la question de savoir si, en dépit de cela, la décision était conforme aux principes du droit international privé applicables. Deuxièmement, bien qu'il ait été d'avis que la perte invoquée d'un avantage juridique semblait sans grand fondement, il a décidé que l'instance devant le tribunal texan était oppressive. Par rapport aux deux volets de la règle, il a accordé un poids excessif à l'absence d'une règle du forum non conveniens au Texas et à la contre‑injonction décernée par le tribunal texan.

Le juge de première instance a décidé que le Texas n'était pas un [traduction] «ressort totalement inapproprié». Il a conclu que la Colombie‑Britannique était un ressort plus logique que le Texas, mais il a aussi décidé que les États‑Unis étaient un ressort logique et qu'un État autre que le Texas était un ressort plus logique, sans préciser lequel. En fait, il a dit qu'il pouvait difficilement conclure qu'un État en particulier était le ressort logique. Toutes les sociétés d'amiante avaient un lien avec le Texas et, pour certaines, le lien était important. Cette conclusion est renforcée par la position des intimées dans l'action devant le juge de première instance, c'est‑à‑dire qu'elles ne contestaient pas la décision des tribunaux texans de se déclarer compétents à leur égard. Elles ne pouvaient agir ainsi que si elles avaient un lien avec le Texas. Elles n'avaient aucun lien avec la Colombie‑Britannique. Les faits générateurs de la demande se sont produits à l'extérieur de la Colombie‑Britannique et aux États‑Unis. L'action a été engagée à cet endroit et a franchi plusieurs étapes, une date de procès ayant été fixée. En concluant que la Colombie‑Britannique et les États‑Unis étaient tous les deux des ressorts logiques, le juge de première instance doit avoir été d'avis qu'une action dans l'État approprié aux États‑Unis pouvait être justifiée suivant la règle du forum non conveniens. Par définition, le terme «ressort logique» s'entend du ressort qui a les liens les plus étroits avec les parties et le litige. La conclusion que la Colombie‑Britannique et les États‑Unis étaient tous les deux des ressorts logiques semble indiquer qu'aucun n'était nettement plus approprié que l'autre. Il n'est pas certain qu'il existait un tribunal nettement plus approprié dans un autre État américain et, comme l'affaire a été présentée comme un choix entre le Texas et la Colombie‑Britannique, il n'est pas pertinent qu'un autre État ait été plus approprié. Le choix du Texas par les demandeurs pouvait se justifier par le fait qu'aucun autre ressort n'était nettement plus approprié. Comme l'a souligné le juge de première instance, le Texas pouvait être le ressort logique pour certaines des sociétés d'amiante, mais non pour les autres, mais ni l'une ni l'autre partie n'a proposé que chaque situation soit réglée séparément. Vu ces circonstances, si l'on accorde un certain poids au choix du tribunal par le demandeur en l'absence de litige connexe pendant dans un autre ressort, la décision du tribunal texan pourrait être reconnue, compte tenu des principes de la courtoisie susmentionnés. Il apparaît, à la lecture des motifs du juge de première instance, qu'il aurait pu tirer cette conclusion [traduction] «en se basant sur les faits et les arguments autres que ceux relatifs aux décisions rendues au Texas» (je souligne). Il s'agit des décisions relatives à l'application de la règle du forum non conveniens au Texas et à la contre‑injonction. Ces décisions, d'après lui, ont fait perdre au tribunal texan le bénéfice de la courtoisie qui lui serait revenu en temps normal. Selon le critère que j'ai énoncé plus haut, cela serait suffisant pour accueillir le pourvoi et rejeter la demande d'injonction. Subsidiairement, toutefois, si j'avais conclu que la demande d'injonction répondait à cet aspect du critère, j'aurais conclu qu'elle ne répondait pas à la seconde étape de l'analyse.

Quant à la seconde étape de l'analyse, je suis d'avis que les intimées n'ont pas établi que la poursuite de l'instance au Texas les priverait d'un avantage juridique légitime dont il serait injuste de les priver. Les principaux inconvénients qui ont été cités sont: premièrement, l'absence de recours contre les appelantes la Commission et Cassiar; deuxièmement, l'existence d'autres poursuites engagées en Colombie‑Britannique par d'autres demandeurs contre certaines des intimées. Le juge de première instance a estimé que ces plaintes étaient sans grand fondement. En ce qui a trait à l'absence de recours contre la Commission, elle n'était imputable à aucun obstacle juridique, mais à l'impossibilité de réunir des preuves contre cette dernière si l'action était poursuivie au Texas. Pour ce qui est de Cassiar, le juge de première instance a estimé qu'une demande en indemnité reposerait sur un fondement très ténu. Quant au second inconvénient, il n'y a pas attaché d'importance parce que, étant donné l'énormité des réclamations relatives à l'amiante, il n'était pas du tout anormal que des actions soient intentées dans plusieurs ressorts. À mon avis, le juge de première instance a eu raison de minimiser la gravité de ces inconvénients. Par surcroît, ils ne représentaient pas la perte d'avantages que les intimées pouvaient raisonnablement s'attendre à retirer, en raison de leur lien antérieur avec la Colombie‑Britannique. Comme dans le cas de la première étape de l'analyse, le juge de première instance a conclu que la seconde étape avait été remplie non pas en raison de la perte d'avantages juridiques ou autres, mais parce que le tribunal texan a rendu les poursuites oppressives en n'appliquant pas la règle du forum non conveniens et en décernant la contre‑injonction.

Contrairement au juge de première instance, j'estime, avec égards, que le principe de la courtoisie dont j'ai fait mention n'exige pas que la décision du tribunal étranger soit fondée sur la règle du forum non conveniens. De nombreux États américaines et d'autres pays n'appliquent pas cette règle. De fait, jusqu'à une époque relativement récente, l'Angleterre ne l'appliquait pas. Cela signifie‑t‑il qu'il n'y aurait pas lieu de respecter la décision d'un tribunal de l'un de ces pays qui a opté pour une solution compatible avec l'application de nos règles? Il faut répondre par la négative. C'est la solution retenue, appréciée en fonction de nos principes, qui importe et pas nécessairement le raisonnement qui y a conduit. Au surplus, si les tribunaux texans n'appliquent pas un critère du forum non conveniens en tant que tel, ils sont tenus de se conformer à l'article premier du Quatorzième amendement de la Constitution des États‑Unis, qui a pour effet de limiter le pouvoir d'un État d'exercer sa compétence in personam à l'égard d'un défendeur non résident. Voir l'arrêt Pennoyer c. Neff, 95 U.S. 714 (1877). Les principes concernant l'application régulière de la loi sont respectés quand la compétence in personam est exercée à l'égard d'une personne morale défenderesse non résidente qui a [traduction] «certains liens minimaux avec [le ressort], à tel point que la poursuite de l'action ne bat pas en brèche les "notions classiques d'impartialité et de justice"»: International Shoe Co. c. Washington, 326 U.S. 310 (1945), à la p. 316, citant l'arrêt Milliken c. Meyer, 311 U.S. 457 (1940), à la p. 463. Le juge Blackmun, s'exprimant au nom de la cour dans l'arrêt Helicopteros Nacionales de Colombia c. Hall, 466 U.S. 408 (1984) à la p. 414, dit que: [traduction] «[m]ême si la cause d'action ne découle pas des activités de l'entreprise étrangère dans le ressort du tribunal de l'État et ne s'y rapporte pas, l'État ne déroge pas au principe de l'application régulière de la loi en assujettissant l'entreprise à sa compétence in personam s'il existe des liens suffisants entre l'État et l'entreprise étrangère». En l'espèce, le tribunal du Texas s'est déclaré compétent parce que certaines des intimées sont des résidents de cet État et y exercent leur activité ou que certaines ne sont pas des résidents de l'État, mais y exercent leur activité. La conclusion qu'il y a un lien suffisant avec le Texas est corroborée par la preuve et, par conséquent, le tribunal texan a exercé sa compétence en conformité avec la clause relative à l'application régulière de la loi. Les sociétés d'amiante intimées ont concédé ce point. À mon avis, l'application de cette disposition, qui est une exigence constitutionnelle, est compatible avec notre règle de droit international privé relative au forum non conveniens. Les observations de Vaughan Black dans son commentaire d'arrêt, «The Standard for Issuing Antisuit Injunctions in Canada» (1991), 44 C.P.C. (2d) 30, aux pp. 31 et 32, sont appropriées:

[traduction] Les tribunaux texans, comme tous les tribunaux américains, appliquent la clause du Quatorzième amendement de la Constitution des États‑Unis relative à l'application régulière de la loi, comme un moyen de refréner l'élargissement excessif de la compétence. Selon l'interprétation qui a été donnée à cette clause constitutionnelle, le tribunal n'est pas habilité à se déclarer compétent à l'égard d'un défendeur non résident, sauf s'il existe des liens minimaux entre le défendeur et le ressort. Cette restriction à la compétence territoriale est importante. En fait, les tribunaux canadiens ont parfois refusé de recourir à la règle du forum non conveniens pour suspendre une action engagée devant eux, dans des cas où, si une action analogue avait été intentée devant un tribunal américain, elle aurait certainement été rejetée à cause de l'absence de lien minimal avec le ressort qu'exige la Constitution américaine (p. ex. arrêt Robinson c. Warren (1982), 31 C.P.C. 305, 55 N.S.R. (2d) 147, 114 A.P.R. 147 (C.A.)). Autrement dit, les tribunaux texans veillent avec sérieux à ce que les poursuites dont ils sont saisis ne portent pas atteinte à la souveraineté des autres pays et n'assujettissent pas des défendeurs qui ne sont pas des résidents de l'État à un tribunal qui n'a pas de lien suffisant avec l'objet du litige, mais pour ce faire, ils n'appliquent pas la règle du forum non conveniens de la common law, mais la Constitution. Les tribunaux qui sont appelés à juger des causes qui portent sur une réalité géographique complexe doivent faire preuve de souplesse, voire d'imagination, dans l'examen des systèmes de droit étrangers.

Quant à l'injonction décernée au Texas, le tribunal texan a apparemment été informé que les demandeurs en cause ne relevaient pas de la juridiction de la cour de la Colombie‑Britannique et n'étaient donc pas liés par l'injonction ex parte décernée par le juge Cowan. Je ne considère pas cette décision comme une tentative de contrecarrer l'instance introduite en Colombie‑Britannique et ce n'est pas l'effet qu'a eu l'injonction. Il était donc injuste de punir tous les demandeurs pour l'acte de certains d'entre eux en leur interdisant de poursuivre l'action au Texas. Vu ces circonstances, cette action ne constitue pas un manque de respect à l'égard des procédures engagées en Colombie‑Britannique justifiant que la décision du tribunal du Texas perde le bénéfice de la courtoisie qui lui reviendrait en temps normal. Au surplus, cette décision était peu pertinente, voire non pertinente, par rapport à la question de l'injustice qui forme la seconde étape de l'analyse proposée dans l'arrêt SNI. L'ampleur de l'inconvénient subi par la partie contre qui une action est intentée au Texas n'est pas influencée par l'incapacité d'empêcher certains des demandeurs de poursuivre cette action. Pour trancher la question de l'injustice, on présume que les intimées sont assujetties à ces poursuites.

En conséquence, j'ai conclu que le juge de première instance a commis une erreur en exerçant son pouvoir discrétionnaire relativement aux questions que j'ai exposées plus haut. La cour d'appel a rejeté l'appel essentiellement pour la raison que, selon elle, le juge de première instance avait correctement exercé son pouvoir discrétionnaire et que, par conséquent, elle n'était pas habilitée à intervenir. Bon nombre des principes que le juge de première instance a appliqués ont été confirmés par le juge Hollinrake de la Cour d'appel, aux motifs duquel ont souscrit le juge en chef McEachern et le juge Taggart. Sans vouloir manquer à l'égard qui est dû à leurs motifs, je n'estime pas nécessaire de répéter ce que j'ai dit au sujet de ces principes. Je dois cependant faire des observations sur un point. Je ne crois pas que, parce qu'une injonction contre les poursuites ne vise pas directement le tribunal étranger, mais le demandeur devant ce tribunal in personam, la courtoisie n'entre pas en jeu. La réaction du juge Wilkey, dans l'arrêt Laker, précité, et en fait, celle du juge en chef Esson en l'espèce montrent que, peu importe la forme de l'interdiction, le tribunal dont l'instance est effectivement empêchée considère cette interdiction comme une immixtion dans sa compétence.

Dispositif

Je suis d'avis d'accueillir le pourvoi, d'annuler les ordonnances rendues par les juridictions inférieures et de rejeter la demande d'injonction. Je ne vois aucune raison de traiter différemment T & N et les autres intimées. Si l'action est poursuivie au Texas, cette société a été constituée partie dans ce litige à bon droit. Il serait peu logique d'obliger les demandeurs à poursuivre une action distincte contre l'une des sociétés en Colombie‑Britannique. Les appelants ont droit aux dépens dans toutes les cours.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs des appelants: Ladner, Downs, Vancouver.

Procureurs des intimées Amchem Products Incorporated et autres: Swinton & Company, Vancouver.

Procureurs de l'intimée T & N plc: Macaulay & Company, Vancouver.

Procureurs de l'intimée The Flintkote Company: Edwards, Kenny & Bray, Vancouver.


Synthèse
Référence neutre : [1993] 1 R.C.S. 897 ?
Date de la décision : 25/03/1993
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Tribunaux - Tribunal approprié - Action intentée devant des tribunaux américains - Demandeurs résidant pour la plupart au Canada - Liens de la plupart des sociétés défenderesses avec l'État où a été intentée l'action - Injonction interdisant des poursuites demandée à des tribunaux canadiens afin d'empêcher une action devant les tribunaux américains - Principes régissant la détermination du tribunal approprié et la courtoisie entre tribunaux - Une injonction est‑elle appropriée?.

Brefs de prérogative - Injonctions - Tribunal approprié devant lequel intenter l'action - Action intentée devant des tribunaux américains - Demandeurs résidant pour la plupart au Canada - La plupart des sociétés défenderesses ont des liens avec l'État où a été intentée l'action - Injonction interdisant des poursuites demandée à des tribunaux canadiens afin d'empêcher une action devant les tribunaux américains - Une injonction est‑elle appropriée?.

Droit international privé - Tribunaux - Action intentée devant des tribunaux américains - Demandeurs résidant pour la plupart au Canada - Liens de la plupart des sociétés défenderesses avec l'État où a été intentée l'action - Injonction interdisant des poursuites demandée à des tribunaux canadiens afin d'empêcher une action devant les tribunaux américains - Principes régissant la détermination du tribunal approprié et la courtoisie entre tribunaux - Une injonction est‑elle appropriée?.

Les appelants sont composés de 194 personnes qui ont subi un préjudice corporel à la suite, selon elles, de l'exposition à l'amiante ou qui sont des personnes à charge de personnes décédées ayant souffert d'amiantose. L'action en dommages‑intérêts contre les sociétés d'amiante intimées a été engagée au Texas en 1988. La Workers' Compensation Board de la Colombie‑Britannique (la «Commission») est subrogée dans les droits de tous ces appelants, sauf quarante, parce qu'elle a versé une indemnité sous forme de prestations d'invalidité ou de décès à l'égard des travailleurs atteints d'amiantose, et elle est donc dominus litis. Les dommages‑intérêts obtenus au delà des intérêts de la Commission devront être versés aux demandeurs. La plupart des demandeurs étaient des résidents de la Colombie‑Britannique au moment où le préjudice a été subi.

Aucune des intimées n'a de lien avec la Colombie‑Britannique. La plupart ont été constituées sous le régime des lois des États‑Unis et y ont leur principal établissement, quoiqu'elles ne soient concentrées dans aucun État. Bien qu'aucune n'ait été constituée sous l'empire des lois du Texas, la plupart y exercent leur activité, savoir la fabrication de produits d'amiante, et certaines ont eu leur principal établissement de fabrication ou leur siège social au Texas à diverses époques. Les appelants allèguent que les sociétés d'amiante intimées — sauf peut‑être T & N et Carey Canada Inc. — ont commis des délits aux États‑Unis en prenant des décisions concernant la fabrication de divers produits contenant de l'amiante, en omettant de faire des mises en garde suffisantes relativement aux dangers des produits de l'amiante, et en complotant pour empêcher que ces dangers soient connus.

Le tribunal texan s'est déclaré compétent. D'après les intimées, cette décision n'a pas été portée en appel parce que, selon le droit du Texas, une telle décision sur la compétence n'est susceptible d'appel qu'après le procès. Une fois l'action engagée au Texas, la plupart des personnes morales défenderesses ont produit des comparutions spéciales pour contester la compétence et le ressort et pour solliciter la suspension de l'instance parce que le Texas était forum non conveniens. Cette requête des sociétés a été rejetée de même que tous les appels de cette décision.

En novembre 1989, les sociétés d'amiante ont demandé avec succès à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique des injonctions tendant à empêcher la poursuite des instances introduites par les appelants au Texas. Les injonctions ont été confirmées en appel. Le tribunal texan a par la suite délivré une «contre‑injonction» de durée limitée, empêchant la demande d'injonctions de même nature en Colombie‑Britannique. Il s'agit de savoir quels principes doivent fonder l'exercice du pouvoir discrétionnaire de décerner une injonction contre des poursuites et de déterminer leur application en l'espèce.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Les tribunaux ont élaboré deux voies de droit destinées à contrôler le choix du tribunal fait par les parties. Le premier mécanisme, et le plus classique, est la suspension d'instance. Il permet au tribunal saisi par le demandeur (le tribunal interne) de suspendre l'action à la demande du défendeur s'il est convaincu qu'il serait préférable que l'action soit jugée ailleurs. Le second est l'injonction contre les poursuites, qui peut être décernée par le tribunal interne à la demande d'un défendeur, actuel ou éventuel, dans une instance à l'étranger. Dans la suspension, le tribunal interne décide pour lui‑même s'il doit, dans les circonstances, se déclarer compétent, tandis que, dans le cas de l'injonction, il tranche en fait la question au nom du tribunal étranger. L'ordonnance portant interdiction agit in personam sur le demandeur dans l'instance à l'étranger et non sur le tribunal étranger lui‑même, mais il a un effet sur ce dernier et soulève donc des questions sérieuses au chapitre de la courtoisie. Un tribunal ne doit admettre une demande d'injonction contre les poursuites que lorsqu'une grave injustice résultera de l'omission par un tribunal étranger de se récuser en application du critère du forum non conveniens.

Le critère du forum non conveniens est l'existence d'un autre tribunal, plus commode et plus approprié pour la poursuite de l'action et pour la réalisation des fins de la justice. Aucune raison ne nous autorise sur le plan des principes à considérer la perte d'un avantage juridique comme une condition distincte plutôt que comme un facteur parmi ceux dont la cour tient compte pour déterminer le tribunal approprié.

Le tribunal interne ne doit pas admettre une demande d'injonction si aucune instance n'est pendante à l'étranger. En général, une injonction est une réparation qui est subordonnée à une cause d'action. L'injonction contre les poursuites est exceptionnelle car le requérant n'a pas à établir qu'en se déclarant compétent le tribunal étranger commet un délit donnant droit à une action. En outre, bien que la demande soit instruite sommairement et soit appuyée par une preuve par affidavit, l'ordonnance mène à une injonction permanente qui n'est d'ordinaire décernée qu'après le procès. Conformément aux principes de la courtoisie, il ne faut pas empêcher le tribunal étranger de rendre une décision tant qu'une action n'aura pas été engagée devant ce tribunal et que la partie qui demande l'injonction devant le tribunal interne n'aura pas demandé au tribunal étranger, sans succès, une suspension d'instance ou une autre forme de clôture.

Si le tribunal étranger suspend ou rejette l'action, le problème est réglé. Sinon, le tribunal interne doit entendre la demande d'injonction, mais seulement si l'on prétend qu'il est le tribunal le plus approprié et s'il peut être un tribunal approprié. Lorsqu'une action a été engagée devant le tribunal interne, on peut s'attendre à ce que le demandeur fasse valoir que c'est le tribunal approprié. En s'opposant à la suspension, le demandeur prétendra en outre qu'aucun autre tribunal n'est nettement plus approprié et qu'en conséquence, le défendeur n'a pas satisfait au critère. Si aucune action n'a été intentée devant le tribunal interne, celui‑ci ne peut se fonder sur aucun motif juridique pour admettre une demande d'injonction, sauf si le requérant prétend que l'action aurait dû être introduite devant le tribunal interne parce que c'est l'endroit le plus approprié pour juger le litige, et qu'il pourrait être un tribunal approprié.

La première étape de l'analyse consiste à déterminer si, conformément au critère du forum non conveniens, un autre tribunal est nettement plus approprié que le tribunal interne. Ce critère a pour effet dans les cas de demandes de suspension, que, lorsque aucun tribunal n'est le plus approprié, le tribunal interne l'emporte ipso facto et refuse la suspension, à la condition d'être un tribunal approprié. À cette étape de l'analyse, le tribunal interne doit, par courtoisie, prendre acte du fait que le tribunal étranger s'est déclaré compétent. Si, en appliquant les principes relatifs au forum non conveniens, le tribunal étranger a pu raisonnablement conclure qu'aucun autre tribunal n'était nettement plus approprié, le tribunal interne devrait respecter cette décision et rejeter la demande. En cas de désaccord véritable entre les tribunaux de notre pays et ceux d'un autre, nos tribunaux ne devraient pas s'arroger la décision qui relève des deux juridictions. Dans la plupart des cas, la décision du tribunal étranger nous permet de voir s'il a appliqué des principes semblables à ceux qui ont cours dans notre pays, mais s'il ne l'a pas fait, le tribunal interne doit alors vérifier si la solution du litige est conforme à ces principes.

S'il conclut que le tribunal étranger s'est déclaré compétent pour un motif qui est incompatible avec les principes relatifs au forum non conveniens et que le tribunal étranger n'aurait pas pu en arriver raisonnablement à cette conclusion s'il avait appliqué ces principes, le tribunal interne doit alors passer à la seconde étape.

La perte d'un avantage juridique, un facteur pris en considération à la première étape, doit aussi être pesée à la seconde étape lorsqu'il faudra déterminer si, mise à part son influence sur le choix du tribunal le plus approprié, une injustice résulterait de l'autorisation donnée au demandeur de poursuivre l'action devant le tribunal étranger. La perte d'un avantage personnel ou juridique n'est pas nécessairement la seule cause possible d'injustice dans ce contexte, mais elle est, de loin, la plus fréquente. La perte d'un avantage personnel pourrait cependant équivaloir à une injustice.

En général, le tribunal ne délivrera pas une injonction si elle a pour effet de priver le demandeur d'avantages dont il peut profiter devant le tribunal étranger eu égard aux facteurs de rattachement entre le litige, les parties et ce tribunal. Une partie ne peut pas raisonnablement s'attendre à profiter d'avantages offerts dans un ressort qui n'a avec elle et l'objet du litige que peu de liens, voire aucun. La perte d'avantages subie par le demandeur à l'étranger doit être mise en balance avec la perte d'avantages, s'il en est, que subirait le défendeur devant le tribunal étranger au cas où l'action serait jugée par celui‑ci et non par le tribunal interne.

Ce critère a pour résultat que, si un tribunal étranger se déclare compétent pour un motif qui est généralement conforme à la règle canadienne de droit international privé visant à déterminer si les tribunaux canadiens sont le forum conveniens, cette décision sera respectée et le tribunal canadien ne prendra pas sur lui de rendre la décision pour le tribunal étranger. C'est le minimum qu'exige la ligne de conduite des tribunaux canadiens au chapitre de la courtoisie. Toutefois, si un tribunal étranger se déclare compétent pour un motif qui est incompatible avec les règles canadiennes de droit international privé et qu'il en résulte une injustice pour une partie existante ou éventuelle devant les tribunaux canadiens, sa décision d'exercer sa compétence est alors contraire à l'équité et il y a lieu d'empêcher le demandeur de poursuivre l'instance à l'étranger. N'ayant pas lui‑même observé les règles de la courtoisie, le tribunal étranger ne doit pas s'attendre à ce que sa décision soit respectée au nom de la courtoisie.

La conclusion qu'il y a un lien suffisant avec le Texas est corroborée par la preuve et, par conséquent, le tribunal texan a exercé sa compétence en conformité avec la clause relative à l'application régulière de la loi de la Constitution américaine. L'application de cette disposition est compatible avec les règles canadiennes de droit international privé relatives au forum non conveniens.

Quand il a accueilli les demande de contre‑injonctions en Colombie‑Britannique, le tribunal texan n'a pas tenté de contrecarrer l'instance introduite en Colombie‑Britannique et ce n'est pas l'effet qu'a eu l'injonction. Il était donc injuste de punir tous les demandeurs pour l'acte de certains d'entre eux en leur interdisant de poursuivre l'action au Texas. Vu ces circonstances, cette action de la part du Texas ne constitue pas un manque de respect à l'égard des procédures engagées en Colombie‑Britannique justifiant que la décision du tribunal du Texas perde le bénéfice de la courtoisie qui lui reviendrait en temps normal. Elle était peu pertinente, voire non pertinente, par rapport à la question de l'injustice qui forme la seconde étape de l'analyse.


Parties
Demandeurs : Amchem Products Incorporated
Défendeurs : Colombie-Britannique (Workers' Compensation Board)

Références :

Jurisprudence
Arrêts examinés: SNI Aérospatiale c. Lee Kui Jak, [1987] 3 All E.R. 510
Spiliada Maritime Corp. c. Cansulex Ltd., [1987] 1 A.C. 460
arrêts mentionnés: Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959
Dow Chemical Co. c. Alfaro, 786 S.W.2d 674 (1990), certiorari refusé, 59 U.S.L.W. 3460 (1991)
Castanho c. Brown & Root (U.K.) Ltd., [1981] A.C. 557
Antares Shipping Corp. c. Le navire «Capricorn», [1977] 2 R.C.S. 422
Bushby c. Munday (1821), 5 Madd. 297, 56 E.R. 908
Laker Airways c. Sabena, Belgian World Airlines, 731 F.2d 909 (1984)
Morguard Investments Ltd. c. De Savoye, [1990] 3 R.C.S. 1077
The Atlantic Star, [1973] 2 All E.R. 175
Rockware Glass Ltd. c. MacShannon, [1978] 2 W.L.R. 362
de Dampierre c. de Dampierre, [1987] 2 W.L.R. 1006
Voth c. Manildra Flour Mills Pty Ltd. (1990), 65 A.L.J.R. 83
Club Mediterranee NZ c. Wendell, [1989] 1 N.Z.L.R. 216
Piper Aircraft Co. c. Reyno, 454 U.S. 235 (1981)
St. Pierre c. South American Stores (Gath & Chaves), Ltd., [1936] 1 K.B. 382
Avenue Properties Ltd. c. First City Dev. Corp. (1986), 7 B.C.L.R. (2d) 45
British Airways Board c. Laker Airways Ltd., [1985] A.C. 53
South Carolina Insurance Co. c. Assurantie Maatschappij «De Zeven Provincien» N.V., [1987] A.C. 24
Cole c. Cunningham, 133 U.S. 107 (1890)
Unterweser Reederei, GmbH c. M/S Bremen, 428 F.2d 888 (5th Cir. 1970)
Gau Shan Co., Ltd. c. Bankers Trust Co., 956 F.2d 1349 (1992)
National Mutual Holdings Pty. Ltd. c. Sentry Corp. (1989), 87 A.L.R. 539
Pioneer Concrete (Vic.) Pty. Ltd. c. Trade Practices Commission (1982), 152 C.L.R. 460
Canadian Home Assurance Co. c. Cooper (1986), 29 D.L.R. (4th) 419
Rowan Companies, Inc. c. DiPersio (1990), 69 D.L.R. (4th) 224
Allied‑Signal Inc. c. Dome Petroleum Ltd. (1988), 67 Alta. L.R. (2d) 259
Kornberg c. Kornberg (1990), 30 R.F.L. (3d) 238, autorisation de pourvoi refusée [1991] 1 R.C.S. x
Aikmac Holdings Ltd. c. Loewen, [1989] 6 W.W.R. 759
Pennoyer c. Neff, 95 U.S. 714 (1877)
International Shoe Co. c. Washington, 326 U.S. 310 (1945)
Milliken c. Meyer, 311 U.S. 457 (1940)
Helicopteros Nacionales de Colombia c. Hall, 466 U.S. 408 (1984).
Lois et règlements cités
Civil Practice and Remedies Code, art. 71.031 (Vernon's Texas Codes Annotated. St. Paul, Minn.: West Publishing Co.).
Constitution des États‑Unis, Quatorzième amendment, art. 1.
Law and Equity Act, R.S.B.C. 1979, ch. 224, art. 36.
Doctrine citée
Black, Vaughan. «The Standard for Issuing Antisuit Injunctions in Canada» (1991), 44 C.P.C. (2d) 30.
Dicey, A. V. and J. H. C. Morris, The Conflict of Laws, 11th ed. London: Stevens and Sons, 1987.
Edinger, Elizabeth R. Case Comment, (1992), 71 R. du B. can. 117.
Hayes, Ellen L. «Forum Non Conveniens in England, Australia and Japan: The Allocation of Jurisdiction in Transnational Litigation» (1992), 26 U.B.C. Law Rev. 41.
Raushenbush, Richard W., «Antisuit Injunctions and International Comity» (1985), 71 Va. Law Rev. 1039.

Proposition de citation de la décision: Amchem Products Incorporated c. Colombie-Britannique (Workers' Compensation Board), [1993] 1 R.C.S. 897 (25 mars 1993)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1993-03-25;.1993..1.r.c.s..897 ?
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