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20/12/1990 | CANADA | N°[1990]_3_R.C.S._1170

Canada | Assoc. des résidents du vieux st-boniface inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170 (20 décembre 1990)


Assoc. des résidents du Vieux St‑Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170

L'Association des résidents du Vieux

St‑Boniface Inc. Appelante

c.

La ville de Winnipeg et le comité municipal

de St‑Boniface‑St‑Vital Intimés

répertorié: assoc. des résidents du vieux st‑boniface inc. c. winnipeg (ville)

No du greffe: 21428.

1990: 1er mai; 1990: 20 décembre.

Présents: Le juge en chef Dickson*, le juge en chef Lamer** et les juges Wilson, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory et McLachlin.r>
en appel de la cour d'appel du manitoba

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Manitoba (1989), 58 Man. R. (2d) 255, ...

Assoc. des résidents du Vieux St‑Boniface Inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170

L'Association des résidents du Vieux

St‑Boniface Inc. Appelante

c.

La ville de Winnipeg et le comité municipal

de St‑Boniface‑St‑Vital Intimés

répertorié: assoc. des résidents du vieux st‑boniface inc. c. winnipeg (ville)

No du greffe: 21428.

1990: 1er mai; 1990: 20 décembre.

Présents: Le juge en chef Dickson*, le juge en chef Lamer** et les juges Wilson, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Sopinka, Gonthier, Cory et McLachlin.

en appel de la cour d'appel du manitoba

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Manitoba (1989), 58 Man. R. (2d) 255, [1989] 4 W.W.R. 708, 43 M.P.L.R. 101, 58 D.L.R. (4th) 138, qui a accueilli l'appel interjeté par les intimés contre un jugement du juge Schwartz (1988), 54 Man. R. (2d) 252, 39 M.P.L.R. 271, qui avait annulé une décision de l'intimé, le comité municipal de St-Boniface‑St-Vital, et accordé un bref de certiorari et de prohibition. Pourvoi rejeté, les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé et Cory sont dissidents.

Arne Peltz et M. B. Nepon, pour l'appelante.

C. Gillespie et D. McCaffrey, c.r., pour les intimés.

//Le juge Sopinka//

Version française du jugement du juge en chef Dickson et des juges Wilson, Sopinka, Gonthier et McLachlin rendu par

LE JUGE SOPINKA — Le présent pourvoi et le pourvoi Save Richmond Farmland Society c. Richmond (Canton), [1990] 3 R.C.S. 000, ont été entendus ensemble et les motifs de jugement sont rendus simultanément. Ils soulèvent l'un et l'autre la question de l'application des règles de justice naturelle ou de l'équité aux conseillers municipaux appelés à prendre une décision après avoir entendu les observations des parties intéressées. Se pose en particulier dans ces pourvois la question de l'application aux conseillers municipaux de la règle imposant à un membre d'un tribunal administratif l'obligation de se récuser lorsqu'il existe une crainte raisonnable de partialité ou de préjugé.

Outre la partialité, l'appelante soulève en l'espèce les questions suivantes: la ville avait‑elle compétence pour procéder à la modification du zonage sans en avoir reçu par écrit l'autorisation expresse de tous les propriétaires fonciers du site proposé? Le règlement de zonage est‑il entaché de nullité pour cause de non‑conformité avec le plan de la ville de Winnipeg? L'engagement qui aurait été pris de faire participer l'association des résidents à la conception d'un plan de réaménagement conférait‑il à celle‑ci le droit d'être consultée et la violation de cet engagement constituait‑elle de la mauvaise foi?

Les faits

L'appelante est une association des résidents du secteur connu sous le nom de Vieux St‑Boniface. Elle existe depuis 1977. En 1979, elle a été constituée en personne morale dans le cadre du programme d'amélioration de quartier qui était une initiative conjointe des gouvernements fédéral, provincial et municipal. Depuis la fin de ce programme, l'appelante continue, par la consultation avec le comité municipal notamment, à participer aux projets d'urbanisme pour le secteur en question.

Il est utile de souligner au départ la différence entre les règlements d'urbanisme et les règlements de zonage. La City of Winnipeg Act, S.M. 1971, ch. 105, et ses modifications, prévoit divers plans présentant différents degrés de précision. Le plus général de ces plans est le plan directeur de la ville de Winnipeg (le "plan de la ville de Winnipeg"), qui vise l'ensemble de la ville. La Loi crée dans les limites de la ville six "secteurs" devant avoir chacun son propre plan de secteur. Ce sont les plans d'action de secteur, établis ou modifiés par voie de règlement, qui sont les plus précis. Or, les règlements d'urbanisme ne touchent pas le zonage, qui, pour chaque parcelle de terrain, doit être établi par un règlement de zonage. Aux termes de la Loi, les différents plans doivent être compatibles les uns avec les autres et le zonage doit être conforme à ces plans.

Les biens‑fonds en cause sont situés dans le Vieux St‑Boniface, en face du centre de la ville de Winnipeg, de l'autre côté de la rivière Rouge. Ce secteur est bordé au nord et à l'ouest par la rivière Rouge. À l'est, il y a un secteur inoccupé appelé Whittier Park. Au sud, s'étend la voie principale du CN, que l'on appelle la Highline. Antérieurement à 1976, des terres attenantes à la Highline ont été affectées à un projet de couloir de transport rapide. Le secteur en question se trouve quelque peu isolé du reste de St‑Boniface par la Highline. En 1976, on a adopté le plan du district de St‑Boniface nord (règlement 965/75), qui affectait à un [TRADUCTION] "projet de parc" les terres situées au nord de la Highline. Ce plan constituait alors et constitue encore le plan d'action de secteur de St‑Boniface nord. En exécution de ce plan, la ville a commencé à faire l'acquisition de bien‑fonds dans le secteur situé au nord de la Highline.

En décembre 1979, l'appelante a amorcé une révision du plan d'action de secteur en vue de faire changer l'affectation des terres se trouvant au nord de la Highline, à l'exception de celles longeant la rivière, de manière à ce qu'elles soient destinées à l'habitation. Il semble être généralement reconnu depuis 1979 qu'il faut encourager les gens à s'installer dans le secteur situé au nord de la Highline. La conversion en parcs, effectuée par la ville, de terres affectées alors à l'habitation a eu pour effet de réduire la population et le nombre de familles au niveau requis pour assurer à St‑Boniface nord une solide base démographique. Guy Savoie, conseiller municipal du secteur en question, a participé à cette révision.

Par suite des règlements municipaux 3336/82 et 3829/84, qui sont venus en changer l'affectation urbaniste, les terres visées devaient constituer un futur quartier résidentiel. En particulier, le règlement 3829/84 affectait à l'habitation un territoire englobant les biens‑fonds en cause en l'espèce. Ce règlement ne précisait toutefois pas l'étendue ni la densité de l'aménagement aux fins d'habitation. À ce qu'il paraît, l'appelante savait que l'affectation à la construction d'habitations unifamiliales ne permettrait peut‑être pas d'obtenir une population suffisante pour justifier les coûts de viabilisation d'un lotissement à usage d'habitation et que l'affectation à des usages multiples pourrait s'imposer pour assurer la réalisation de ses objectifs. L'appelante s'opposait cependant à la construction de tours.

Le 9 avril 1986, la ville a adopté le règlement no 2960/81, connu sous le nom de plan de la ville de Winnipeg. C'était là l'aboutissement d'un processus entamé plusieurs années auparavant. Sur le plan, une partie des biens‑fonds faisant l'objet du litige figurent comme [TRADUCTION] "parc régional", tandis que le reste de ces terres sont désignées comme [TRADUCTION] "vieux quartier résidentiel".

Comme je l'ai déjà indiqué, les règlements d'urbanisme n'ont aucune incidence sur le zonage. Au printemps de 1986, le secteur situé au nord de la Highline se composait de plusieurs terrains ayant différentes affectations de zonage, dont l'affectation M2 (industrie légère).

Voilà qui nous amène au projet immobilier à l'origine de la présente instance. Dès l'été de 1986, Tyrone Enterprises Ltd. (Tyrone) s'était portée acquéreur de plusieurs terrains contigus situés rue Messager dans le Vieux St‑Boniface au nord de la Highline. D'une longueur équivalant à la distance entre deux rues parallèles, cette rue a une orientation est‑ouest. Tyrone était propriétaire de la majeure partie du côté sud du quadrilatère. La partie nord se compose de terrains vagues appartenant à la ville, qui s'étendent jusqu'à la rivière Rouge. Tyrone projetait la construction de deux tours de condominiums de sept étages. Son plan nécessitait le regroupement de ses terrains avec des terrains qu'elle achèterait à la ville, l'acquisition et la fermeture de certaines rues et la modification du zonage existant.

En mai 1986, Tyrone a pressenti la ville relativement à l'achat des biens‑fonds appartenant à cette dernière et des terrains occupés par les rues dont Tyrone envisageait la fermeture. Quelque temps avant le mois d'août 1986, des discussions ont eu lieu entre des représentants de Tyrone et des représentants de la ville, dont le conseiller Guy Savoie, au cours desquelles la proposition a été soumise et examinée. Le 6 août, l'avocat de Tyrone a écrit à la ville, lui signalant l'intention de sa cliente de présenter une demande de modification du zonage des biens‑fonds regroupés. Il a demandé à la ville une lettre autorisant Tyrone à aller de l'avant avec sa demande de modification de zonage.

Le 7 août 1986, Tyrone a présenté la demande. À ce moment‑là, la ville n'avait pas encore accordé l'autorisation écrite de demander la modification du zonage des biens‑fonds lui appartenant.

Le 8 août 1986, le service des levés de terrain et des biens immobiliers de la ville a déposé auprès du comité des finances un rapport résumant les discussions qui avaient eu lieu avec les représentants de Tyrone. Il était recommandé dans ce rapport que l'on accorde à Tyrone une option sur les biens‑fonds appartenant à la ville. Le rapport a été examiné au cours d'une réunion à huis clos du comité des finances tenue le 12 août 1986. En dépit du huis clos, un procès‑verbal complet de la réunion a été dressé et mis à la disposition du public. Le conseiller Savoie, bien qu'il ne fût pas membre du comité des finances, a assisté à la réunion où il s'est prononcé en faveur de l'idée d'accorder à Tyrone une option d'acheter les biens‑fonds nécessaires. Le comité des finances a reporté l'étude de cette question à sa réunion suivante, prévue pour le 9 septembre. Lors de cette réunion, le conseiller Savoie s'est de nouveau prononcé en faveur de l'attribution d'une option à Tyrone. Le comité des finances a approuvé l'option telle qu'elle lui avait été recommandée.

Dans une lettre en date du 17 septembre 1986, le directeur du service des levés de terrain et des biens immobiliers a autorisé Tyrone à aller de l'avant avec la demande de modification de zonage relativement aux biens‑fonds appartenant à la ville. L'autorisation est ainsi formulée:

[TRADUCTION] En autant qu'elle possède maintenant un intérêt dans les biens‑fonds appartenant à la ville situés dans le secteur destiné à l'aménagement envisagé, votre cliente peut maintenant présenter une demande de modification de zonage et de lotissement.

Ainsi que je l'ai déjà fait remarquer, la Loi divise Winnipeg en six "secteurs". Les demandes de modification de zonage sont acheminées d'abord au comité municipal du secteur où se trouvent les biens‑fonds en question. Le comité municipal entend les observations des intéressés et fait ensuite une recommandation concernant la demande. Il se compose des conseillers municipaux représentant un quartier compris dans le secteur. En l'occurrence, il s'agissait notamment des conseillers Savoie, Reese et Ducharme. Les conseillers Reese et Ducharme étaient également membres du comité des finances et avaient voté contre le projet immobilier de Tyrone.

L'audition de la demande de modification de zonage a débuté le 7 octobre 1986. Le conseiller Savoie était l'un des trois membres du conseil municipal présents à la réunion. L'avocat de Tyrone a exposé des arguments en faveur de la modification du zonage tandis qu'un représentant de l'appelante s'y est opposé. L'audition de la demande a été ajournée. Entre‑temps, à la suite d'une requête du conseiller Savoie, le comité municipal a demandé à l'administration de la ville de plus amples renseignements sur les effets de l'aménagement éventuel.

La réunion suivante a été tenue le 18 novembre et présidée par le conseiller Savoie. Pendant la période d'ajournement, une élection municipale a eu lieu. Les conseillers Reese et Ducharme, qui s'étaient opposés au projet, n'ont pas été réélus, tandis que le conseiller Savoie, qui l'appuyait, l'a été. La demande a été longuement discutée et l'affaire a de nouveau été ajournée. Avant la réunion suivante, l'appelante a appris que le conseiller Savoie avait auparavant appuyé la demande de Tyrone devant le comité des finances. Le 5 décembre 1986, l'appelante a écrit au conseiller Savoie pour lui dire que, comme il s'était engagé à appuyer le projet d'aménagement, il ne devrait pas participer à la prise de la décision relative au zonage lors de la réunion du comité municipal. Le 9 décembre 1986, le comité municipal, y compris le conseiller Savoie, a fait droit à la demande de Tyrone sous réserve des conditions d'usage imposées par la ville et, au cours de la même réunion, a approuvé le règlement prévoyant la fermeture de rues.

Ensuite, le rapport du comité municipal recommandant la modification du zonage a été soumis au comité de l'urbanisme et des services communautaires (le comité désigné). Le 5 janvier 1987, ce comité, après avoir ajouté des conditions, a exprimé son approbation du nouveau zonage proposé. Cette proposition de modification de zonage a alors été examinée par le comité exécutif lors d'une réunion tenue le 14 janvier 1987.

Le 21 janvier 1987, le rapport du comité de l'urbanisme et des services communautaires, qui recommandait la modification du zonage, sous réserve de certaines conditions, a été déposé lors d'une séance plénière du conseil municipal. À l'issue d'un débat exhaustif, le conseil a approuvé, sous réserve de certaines conditions, le projet de modification de zonage, et a ordonné au procureur de la ville de rédiger le règlement de modification de zonage nécessaire et de le faire tenir au conseil [TRADUCTION] "pour qu'il soit procédé aux trois lectures", une fois remplies les différentes conditions prescrites.

Le comité des finances et de l'administration a reçu le 14 juillet 1987 un rapport sur les négociations relatives à la vente des biens‑fonds en question, qui comprenaient certaines rues de la ville. Le comité a recommandé que tous ces biens‑fonds soient vendus à Tyrone au prix de 152 530 $. Cette recommandation a été examinée et approuvée par le conseil municipal le 19 août 1987. Le même jour, le conseil municipal a également adopté la recommandation du comité des travaux publics de fermer les rues et, le 1er octobre 1987, le conseil a adopté un règlement en ce sens.

Voilà où en étaient les choses lorsque l'appelante a introduit la présente instance. En résumé:

1.Le nouveau zonage avait été approuvé par le comité municipal et par le comité de l'urbanisme et des services communautaires et, finalement, par le conseil municipal lui‑même, mais le règlement portant modification du zonage n'avait pas encore été adopté.

2.Les fermetures de rues qui s'imposaient avaient été effectuées.

3.La vente des biens‑fonds, composés des terrains occupés par les rues fermées ainsi que d'autres terrains appartenant à la ville, a été approuvée, mais la cession de ces biens‑fonds à Tyrone n'avait pas encore eu lieu.

L'appelante a attaqué le processus par voie d'avis de requête introductive d'instance déposé auprès de la Cour du Banc de la Reine. Elle sollicitait une ordonnance annulant la décision du comité municipal, une ordonnance interdisant à la ville de procéder à la troisième lecture du projet de règlement de zonage ainsi qu'une ordonnance annulant le règlement prévoyant la fermeture des rues. Le juge des requêtes a annulé la décision du comité, a interdit l'adoption du règlement portant modification du zonage et a suspendu la demande d'annulation du règlement prévoyant la fermeture des rues: (1988), 54 Man. R. (2d) 252. En outre, la ville s'est vu interdire d'appliquer ou d'utiliser le règlement de fermeture des rues jusqu'à nouvel ordre de la cour. L'appel interjeté par les intimés devant la Cour d'appel du Manitoba a été accueilli et l'appel incident de l'appelante relativement au règlement prévoyant la fermeture des rues a été rejeté: (1989), 58 Man. R. (2d) 255.

Les décisions des tribunaux d'instance inférieure

Cour du Banc de la Reine du Manitoba

Le juge Schwartz n'a examiné que deux des moyens invoqués par l'appelante.

La compétence pour procéder en vertu du par. 609(1)

Le paragraphe 609(1) prévoit qu'une demande de modification de zonage doit être présentée par le propriétaire du bien‑fonds visé ou par une personne qui a reçu de ce dernier l'autorisation écrite de le faire. Or, quand Tyrone a fait sa demande le 7 août 1986, elle n'était pas propriétaire de tous les biens‑fonds dont elle cherchait à faire modifier le zonage.

Le juge Schwartz a tenu pour légalement non exécutoire l'option d'acheter les biens‑fonds appartenant à la ville qu'avait consentie le comité des finances. Il a rejeté l'argument de la ville selon lequel l'option constituait l'autorisation requise pour se conformer au par. 609(1). La ville aurait pu donner l'autorisation écrite requise ou encore faire présenter par le commissaire à l'environnement une demande de modification de zonage. Pour ce qui est des rues, le par. 495(3) de la Loi confirme que c'est Sa Majesté du chef de la province qui détient le titre de propriété des terres occupées par une rue. Citant principalement l'ouvrage de Rogers intitulé The Law of Canadian Municipal Corporations, 2e éd., vol. 1, à la p. 379, et la décision R. ex rel Ellerby v. Winnipeg, [1930] 1 W.W.R. 914 (C.A. Man.), le juge Schwartz a invoqué la règle selon laquelle une municipalité est tenue de se conformer rigoureusement aux dispositions de sa loi habilitante. Il a conclu que [TRADUCTION] "l'omission de Tyrone de produire l'autorisation écrite des propriétaires de biens‑fonds dans la ville et des parties de rue visés par sa demande de modification de zonage entraîne l'invalidité du règlement de zonage" (p. 259).

La partialité

Le juge Schwartz a ensuite examiné l'allégation de partialité. Il a invoqué l'arrêt Wiswell v. Metropolitan Corporation of Greater Winnipeg, [1965] R.C.S. 512, à l'appui du principe voulant que les [TRADUCTION] "règles de justice naturelle s'appliquent à une demande de modification de zonage". Il a mentionné l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, à l'appui de la proposition suivant laquelle [TRADUCTION] "le requérant n'est pas tenu de prouver l'existence de partialité, une crainte raisonnable de partialité étant suffisante, qu'il y ait ou non partialité en fait" (p. 260).

Le juge Schwartz a fait remarquer que [TRADUCTION] "[r]ien n'indique que les gestes du conseiller Savoie aient été motivés par autre chose que sa conviction qu'il agissait au mieux des intérêts de son secteur" et que [TRADUCTION] "[r]ien ne permet de conclure qu'il avait dans le succès de la demande de Tyrone un autre intérêt personnel que l'accomplissement de ce qu'il concevait comme son devoir" (p. 260). Il est arrivé à la conclusion suivante (aux pp. 260 et 261):

[TRADUCTION] Dans ces circonstances, il aurait dû abandonner le rôle d'arbitre impartial et déclarer l'intérêt qu'il avait dans la procédure.

La cour ne prétend pas que le conseiller Savoie n'avait pas le droit ni l'obligation de prêter son concours à la demande de Tyrone. Elle affirme toutefois qu'un conseiller ne saurait être à la fois partisan et juge d'une demande.

Une telle conduite, à supposer que le législateur soit d'avis qu'elle devrait être permise à un conseiller, doit être expressément autorisée par une loi.

Suivant la prépondérance de la jurisprudence, en l'absence d'une disposition législative spéciale en ce sens, le conseiller Savoie n'aurait pas dû participer à la décision.

La recommandation du comité municipal ne saurait donc être retenue et doit être annulée.

Cour d'appel du Manitoba

Le juge Huband, avec l'appui des juges O'Sullivan et Lyon, a exposé les motifs de la cour.

La partialité

Le juge Huband a fait observer que la participation du conseiller aux discussions initiales entre le promoteur et la ville était louable et à encourager à titre d'aspect normal de ses fonctions. Toute personne appuyant une proposition d'aménagement ou s'y opposant devrait se sentir libre d'en discuter avec son conseiller municipal. De même, celui‑ci devrait être libre d'exprimer une première réaction sans courir le risque de se rendre inhabile à participer aux étapes subséquentes du processus décisionnel.

Le juge Huband a décidé en outre qu'il n'y a eu rien d'irrégulier à ce que le conseiller Savoie se présente à la réunion du comité des finances pour inciter la ville à rendre des terres disponibles afin que puisse être examiné un projet d'aménagement viable.

De l'avis du juge Huband, l'appui donné par le conseiller Savoie à la vente des biens‑fonds n'aurait pas dû l'empêcher de participer aux délibérations du comité municipal. Le conseiller Savoie avait manifesté devant le comité des finances son approbation du projet d'aménagement, mais son cas n'était pas différent de celui des conseillers Reese et Ducharme qui, eux, avaient voté contre le projet de vente lors de la réunion de ce comité. D'après le juge Huband, le conseiller Savoie pouvait encore faire preuve d'ouverture d'esprit concernant le bien‑fondé du projet d'aménagement dans son ensemble et les types de conditions à imposer au promoteur préalablement à la modification du zonage.

Le juge Huband a fait remarquer que la City of Winnipeg Act, prévoit qu'un membre du conseil sera appelé à examiner une question donnée dans le cadre des travaux de différents comités avant le vote final du conseil municipal lui‑même. La participation d'un conseiller, soit en tant que membre ayant droit de vote soit en qualité de délégué, aux délibérations d'un comité ne pourrait constituer une preuve de partialité le rendant inhabile à prendre part aux délibérations d'autres comités ou du conseil municipal.

Le juge Huband a fait une distinction d'avec l'arrêt Wiswell, précité, disant que celui‑ci était fondé sur la privation de la possibilité de se faire entendre résultant de l'omission de donner l'avis prévu par la loi. Il a cité, en l'approuvant, l'arrêt Oley and Moffatt v. Fredericton (1984), 57 R.N.‑B. (2e) 361, dans lequel la Cour d'appel du Nouveau‑Brunswick s'est appuyée sur la décision Re McGill and City of Brantford (1980), 111 D.L.R. (3d) 405 (C. dist. Ont.), où il a été décidé qu'un conseil peut former des opinions préliminaires, mais qu'il doit être capable d'entendre et de considérer honnêtement et équitablement les objections. Le juge Huband a conclu, à la p. 264:

[TRADUCTION] Le juge de première instance a expressément conclu que le conseiller Savoie croyait agir "au mieux des intérêts de son secteur". Quant à savoir si les électeurs du Vieux St‑Boniface partagent sa conception du bien public, voilà une question à laquelle ces derniers pourront répondre à la prochaine élection. Il n'appartient toutefois pas aux tribunaux d'empêcher le conseiller Savoie d'assumer ouvertement un rôle de meneur, car c'est là sa fonction en tant que représentant élu, responsable de la croissance et de l'aménagement du secteur urbain. Il lui incombe en outre, évidemment, de prêter une oreille attentive aux arguments des tenants de points de vue contraires au sien lorsque, par la suite, il se penche et vote sur certaines questions en comité ou même en conseil. Rien au dossier n'indique que le conseiller Savoie n'a pas respecté ces attentes légitimes.

La compétence pour procéder en vertu du par. 609(1)

Le juge Huband a rejeté le moyen selon lequel la ville n'avait pas la propriété des rues en cause et ne pouvait en conséquence modifier le zonage des biens‑fonds qu'elles occupaient ni autoriser Tyrone à demander la modification du zonage. Aux termes de la Loi, la province détient le titre de propriété des rues, mais c'est la ville qui en a la possession et le contrôle, ce qui comprend le droit de les fermer, de les vendre ou de les céder à bail. Il s'ensuit donc que la ville est propriétaire en equity des rues et que la province n'a à leur égard que la qualité de simple fiduciaire. Le juge Huband a conclu qu'il n'y a aucune raison de mêler la province à une demande de modification de zonage portant sur des rues de la ville et que cette dernière est investie des pouvoirs nécessaires pour procéder au zonage de ses biens‑fonds, sous réserve de l'obligation d'agir équitablement, de donner avis et d'accorder aux intéressés la possibilité de se faire entendre.

Le juge Huband a fait observer que, quand Tyrone a présenté la demande de modification de zonage, elle n'avait pas reçu l'autorisation écrite de le faire à l'égard des biens‑fonds de la ville. Selon le juge Huband, cette autorisation a été accordée dans la lettre du 17 septembre, soit bien avant que le comité municipal ne se penche pour la première fois sur la demande de modification de zonage. Dans ces circonstances, le juge Huband a décidé que le vice de forme que représentait l'omission d'accorder l'autorisation antérieurement au 17 septembre 1986 ne devait pas entraîner le rejet des recommandations du comité municipal ni l'annulation de la ratification des recommandations faites par le conseil municipal lui‑même. En tout état de cause, les dispositions de l'art. 609 sont de simples directives sans caractère obligatoire.

Le plan de la ville de Winnipeg

Suivant l'art. 599 de la Loi, le conseil doit, en exerçant son pouvoir en matière de zonage, se conformer au plan de la ville de Winnipeg ainsi qu'au plan de secteur et au plan d'action de secteur applicables. Sur le plan de la ville de Winnipeg, une partie des biens‑fonds en cause forment un [TRADUCTION] "vieux quartier résidentiel" et une autre partie un [TRADUCTION] "parc régional". Ces mêmes biens‑fonds figurent sur le plan d'action de secteur à titre de [TRADUCTION] "futur quartier résidentiel".

Le juge Huband a repoussé l'argument selon lequel le règlement portant modification du zonage était entaché de nullité pour cause de non‑conformité avec le plan de la ville de Winnipeg. Il a fait remarquer que le plan de la ville de Winnipeg constitue un énoncé général de politiques et d'objectifs en matière d'urbanisme. Entre son adoption en première et en dernière lecture, environ cinq années se sont écoulées. Ce plan comprend un texte d'environ trente‑trois pages et une carte de la ville. Il énonce comme politique que [TRADUCTION] "la ville doit, autant que possible, encourager le secteur privé à investir dans l'aménagement approprié de vieux quartiers résidentiels" et que la ville doit essayer d'aménager des parcs linéaires le long des rivières. Malgré la difficulté qu'il y a à déterminer si l'on s'est conformé à un document comme le plan de la ville de Winnipeg, le juge Huband était enclin à penser que la demande de modification de zonage y était conforme.

Il a ajouté toutefois qu'il ne croyait pas qu'on ait voulu que pareille question soit tranchée par une cour de justice. La Loi précise que c'est au [TRADUCTION] "commissaire désigné", avec le concours du comité compétent du conseil, de décider si un projet de règlement de zonage est conforme au plan officiel. Il est évident en l'espèce que, de l'avis du commissaire, le projet de modification du zonage s'y conformait.

Les textes législatifs

City of Winnipeg Act

[TRADUCTION]

(1) . . .

(p. 2) "comité désigné" signifie le comité désigné par le conseil pour s'acquitter d'une tâche particulière, mais ne comprend pas un comité municipal.

. . .

Création de secteurs

20. (1) Sont créés dans les limites de la ville les secteurs énumérés ci‑après. Pour chaque secteur, il y a au sein du conseil un comité municipal composé des conseillers représentant un quartier situé à l'intérieur du secteur. Les secteurs comptent le nombre suivant de quartiers:

Secteurs Nombre de quartiers

. . .

e) St‑Boniface‑St‑Vital 4 quartiers

. . .

Demande de règlement de zonage.

609. (1) Une demande d'adoption de règlement de zonage est présentée par le propriétaire du bien‑fonds, de l'édifice ou de la structure, ou par une personne qui en a reçu l'autorisation écrite de ce dernier. La demande revêt la forme et est accompagnée des documents justificatifs et du paiement des droits que le conseil juge indiqués.

Renvoi de la demande ou de la recommandation.

609. (2) Sur réception par la ville d'une demande sous la forme prescrite, accompagnée des documents justificatifs requis, ou lorsque le commissaire désigné a recommandé à la ville l'adoption d'un règlement de zonage, ledit commissaire renvoie la demande ou la recommandation au comité municipal du secteur où se trouve le bien‑fonds visé dans la demande, si le bien‑fonds est situé dans les limites de la ville, et au conseil de la municipalité s'il est situé dans la zone additionnelle. De plus, un avis public est donné

a)fixant la date, l'heure et le lieu d'une réunion lors de laquelle quiconque le désire pourra présenter ses observations sur les modifications de zonage proposées; et

b)indiquant les heures et le lieu ou pourront être examinés une copie de la demande et des documents produits à son appui ainsi qu'un énoncé des modifications de zonage proposées.

. . .

Réunion pour l'audition des observations.

610. (1) À la date, à l'heure et à l'endroit prévus dans l'avis visé à l'article 609 se tient une réunion lors de laquelle quiconque le désire peut présenter ses observations sur la demande ou sur les autres propositions de modification du zonage.

. . .

Procès‑verbal de la réunion.

611. (1) Le comité municipal veille à ce que soit dressé, par tout moyen que le conseil juge indiqué, un procès‑verbal de la réunion visée à l'article 610.

. . .

Rapport du comité municipal.

612. (1) Dans les trente jours qui suivent la réunion, le secrétaire du comité dresse et envoie un rapport résumant les observations et les arguments présentés lors de la réunion et exposant les recommandations du comité municipal ainsi que les motifs sur lesquels elles sont fondées.

Envoi du rapport au comité désigné.

612. (2) Dans les trente jours qui suivent la réunion, le rapport du comité municipal est envoyé au comité désigné et peut être consulté par toute personne qui a participé à la réunion.

. . .

Diffusion du rapport.

614. (1) Sur réception du rapport du comité municipal, ou dès que ce dernier est réputé avoir fait rapport aux termes du paragraphe 612(3), le comité désigné étudie ce rapport et

a)y ayant joint sa recommandation, le fait tenir au conseil;

b)en fait tenir par la poste, à toutes les personnes qui ont présenté des observations orales ou écrites dans le cadre de la réunion visée au paragraphe 610(1), une copie accompagnée de ses recommandations, les recommandations, s'il en est, qui diffèrent de celles du comité municipal devant être motivées;

c)lorsque des observations écrites reçues à la réunion du comité municipal ont été envoyées par la poste ou de quelque autre manière, sans que leur auteur ne se présente à cette réunion, il envoie une copie du rapport par la poste à l'adresse, s'il en est, indiquée à cette fin dans lesdites observations, ou à l'adresse indiquée lors du dépôt des observations, ou, si plusieurs adresses y figurent, à au moins une de celles‑ci et, en l'absence d'une adresse lisible, le présent alinéa n'impose aucune obligation d'envoyer le rapport, que ce soit par la poste ou autrement; et

d)joint aux copies du rapport envoyées conformément aux alinéas b) ou c) avis de la date, de l'heure et du lieu où la question sera vraisemblablement examinée par le conseil en conformité avec le paragraphe 615(4).

. . .

Rapports et recommandations au comité exécutif.

615. (1.1) Par dérogation au paragraphe 614(1), le conseil peut ordonner que tous les rapports et toutes les recommandations y visés soient renvoyés au comité exécutif pour qu'il les examine conformément aux paragraphes 615(3) et 615(3.1).

. . .

Recommandations au conseil.

615. (3) Lorsque le conseil a donné l'ordre visé au paragraphe 615(1.1), le comité exécutif

a)examine le rapport du comité municipal ou, si le bien‑fonds en question est situé dans la zone additionnelle, le rapport du conseil de la municipalité ainsi que les recommandations ou le rapport du comité désigné; et

b)fait tenir au conseil ses recommandations y relatives.

. . .

Décision du conseil.

615. (4) Sous réserve de l'article 616, le conseil examine la recommandation faite par le comité désigné en vertu du paragraphe 615(1), ou par le comité exécutif en vertu du paragraphe 615(3), et il peut

a)accepter, rejeter ou modifier la recommandation et y donner suite en adoptant un seul ou plusieurs règlements de zonage; ou

b)soumettre à la Commission municipale le projet de modification de zonage pour qu'elle établisse un rapport et fasse des recommandations; ou

c)renvoyer la recommandation à un comité pour qu'il tienne une nouvelle réunion ou qu'il l'examine à la lumière de critères établis par le conseil.

Les questions en litige

Les questions en litige dans le présent pourvoi sont les suivantes:

1. La partialité: Le conseiller Savoie était‑il inhabile pour cause de partialité à participer aux délibérations du comité municipal?

2. La propriété: La demande de modification du zonage était‑elle conforme au par. 609(1) de la Loi?

3. Le plan de la ville de Winnipeg: Le règlement de zonage dérogeait‑il au plan de la ville de Winnipeg?

4. La mauvaise foi et l'expectative de consultation: Le comité municipal a‑t‑il agi de mauvaise foi ou sans respecter une expectative raisonnable de consultation?

1. La partialité

Justice naturelle: application aux organismes gouvernementaux locaux

Les règles exigeant qu'un tribunal administratif fasse preuve d'ouverture d'esprit et qu'il soit, en fait et en apparence, exempt de partialité font partie du principe audi alteram partem auquel est assujetti tout décideur. L'appelante soutient que ce principe s'applique dans toute sa rigueur aux membres d'un conseil municipal lorsqu'ils ont à décider s'il y a lieu de voter en faveur d'un règlement, qui, en l'espèce, se rapporte au zonage. Au soutien de cet argument, elle invoque principalement l'arrêt Wiswell v. Metropolitan Corporation of Greater Winnipeg, précité.

Dans cette affaire, Wiswell et la Crescentwood Homeowners Association (ci‑après "l'association des propriétaires") demandaient un jugement déclarant invalide un règlement portant modification du zonage, adopté par le conseil municipal en cause. Les résolutions municipales établissant la procédure de modification exigeaient que des avis d'audition soit publiés dans deux journaux et affichés dans les lieux visés par la modification. Aucun avis n'a été affiché dans les lieux. L'association des propriétaires, qui s'était systématiquement opposée aux tentatives de faire attribuer au secteur en question un zonage permettant une densité plus élevée que celle d'habitations unifamiliales, n'a pas eu connaissance de la tenue de l'audition et n'a jamais eu la possibilité de faire valoir son point de vue. Un avis écrit a été envoyé aux auteurs de la demande de modification de zonage, mais non à l'association des propriétaires, quoique le conseil municipal fût au courant de l'opposition de celle‑ci.

La Cour à la majorité a conclu à l'invalidité du règlement en raison de l'omission de donner avis aux appelants, omission qui les avait privés de la possibilité se faire entendre. En arrivant à cette conclusion, le juge Hall, s'exprimant au nom de la majorité, a qualifié la procédure de quasi judiciaire plutôt que de législative. D'où il s'ensuivait que le conseil municipal était juridiquement tenu d'agir de façon équitable et impartiale et de bonne foi, en écoutant les deux points de vue. La question de la partialité ou du préjugé, directement soulevée dans les présents pourvois, n'a pas été abordée dans cet arrêt. L'appelante en l'espèce allègue néanmoins le caractère quasi judiciaire des procédures devant le comité municipal et soutient que la conduite de membres du conseil ne doit faire naître aucune crainte raisonnable de partialité. Il nous faut en conséquence examiner si l'arrêt Wiswell justifie cette conclusion.

L'arrêt Wiswell doit être interprété à la lumière de changements relativement récents apportés à l'application des règles de justice naturelle. Le contenu des règles de justice naturelle et de l'équité procédurale était autrefois déterminé en fonction de la classification des tâches du tribunal administratif ou d'un autre organisme ou fonctionnaire publics. Ce n'est plus le cas et le contenu de ces règles dépend désormais de plusieurs facteurs, dont les termes de la loi en vertu de laquelle agit l'organisme en question, la nature de la tâche particulière qu'il a à remplir et le type de décision qu'il est appelé à rendre. Ce changement d'approche se trouve résumé dans l'arrêt Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879, où j'affirme (aux pp. 895 et 896):

Aussi bien les règles de justice naturelle que l'obligation d'agir équitablement sont des normes variables. Leur contenu dépend des circonstances de l'affaire, des dispositions législatives en cause et de la nature de la question à trancher. La distinction entre elles s'estompe donc lorsqu'on approche du bas de l'échelle dans le cas de tribunaux judiciaires ou quasi judiciaires et du haut de l'échelle dans le cas de tribunaux administratifs ou exécutifs. C'est pourquoi on ne détermine plus maintenant le contenu des règles à suivre par un tribunal en essayant de le ranger dans la catégorie de tribunal judiciaire, quasi judiciaire, administratif ou exécutif. Au contraire, on décide du contenu de ces règles en tenant compte de toutes les circonstances dans lesquelles fonctionne le tribunal en question. [Je souligne.]

Il est donc nécessaire d'examiner tous les facteurs qui jouent dans le fonctionnement d'un conseil municipal. Je commence par le fait extrêmement important que la Loi prévoit une audition devant un comité composé de membres du conseil. Il n'y a rien dans la Loi qui indique que ces derniers doivent agir dans une qualité autre que celle de conseillers municipaux. Je dois supposer à cet égard que le législateur savait qu'en cette qualité les membres du conseil auront mené une campagne électorale au cours de laquelle aura pu être débattue la question qu'ils ont à trancher, question sur laquelle les candidats au poste de conseiller auront pris position, certains pour et d'autres contre. En fait, l'élection d'un conseiller donné peut avoir tenu à la position qu'il a adoptée. De plus, en ce qui concerne l'adoption et la modification de règlements de zonage, il est de notoriété que de nombreux comités interviennent dans le processus et que des membres du conseil ont à voter dans le cadre des travaux de ces comités avant d'entendre des présentations et de trancher la question. En outre, aux stades de la préparation et de l'étude d'un projet d'aménagement, il arrive souvent qu'un conseiller municipal fasse bénéficier les personnes qui sont en faveur du projet, et celles qui s'y opposent, de son aide aux fins de la présentation de leur point de vue. Or, il se peut, et cela se produit souvent, qu'au cours de ce processus un conseiller prenne position pour ou contre l'aménagement proposé. Ce serait là préjuger l'affaire d'une manière qui violerait la règle normale prescrivant l'inhabilité d'un décideur en raison d'une crainte raisonnable de partialité. Cela étant, le législateur n'a pas pu vouloir que cette règle s'applique aux membres d'un conseil municipal avec autant de force que dans le cas d'autres tribunaux administratifs qui, de par leur caractère et leurs fonctions, ressemblent davantage à un tribunal judiciaire.

La nature et les fonctions d'un corps municipal ainsi que la façon dont elles influent sur les règles de justice naturelle ont fait l'objet d'un examen dans un certain nombre de décisions que j'estime utiles.

Dans l'affaire Re Cadillac Development Corp. Ltd. and City of Toronto (1973), 1 O.R. (2d) 20, le conseil avait à étudier l'opportunité d'abroger un règlement en matière d'utilisation du sol. La majorité des membres du conseil avaient déjà pris parti et l'avaient signalé. En rejetant une demande d'annulation du règlement pour ce motif, le juge Henry a dit, à la p. 43:

[TRADUCTION] Dans le cas d'un tribunal quasi judiciaire tenu, dans toute la force du concept, au respect des principes de justice naturelle, cela constituerait une allégation de partialité pouvant justifier l'annulation de la décision. On doit toutefois tenir compte de la nature de l'organisme chargé d'examiner la question. Un conseil municipal est un corps élu qui exerce une fonction législative à l'intérieur d'un champ de compétence limitée et déléguée. Selon le processus démocratique, on s'attend à ce que les représentants élus forment des opinions sur des questions d'intérêt public touchant la municipalité. En fait, ils auront été élus pour donner suite aux opinions exprimées par le public sur des politiques importantes à mettre en {oe}uvre au sein de la collectivité. [. . .] Ce ne sont pas des juges mais bien des législateurs qui, en dernière analyse, rendent compte aux électeurs. Ayant donné avis et entendu équitablement les objections, le conseil est évidemment libre de prendre la décision qui lui semble indiquée dans l'intérêt public.

L'affaire Re McGill and City of Brantford, précitée, a fourni au juge Henry une nouvelle occasion de s'étendre sur ce sujet. Il s'agissait d'une requête en annulation, pour cause de partialité, d'un règlement prévoyant la fermeture de certaines rues de la ville. À l'audition, la position des opposants a été que le conseil s'était déjà engagé à fermer les rues et qu'il était en conséquence peu probable qu'il puisse agir avec impartialité et de façon judiciaire.

Après avoir décrit la nature législative et politique du rôle d'un conseil municipal, le juge Henry a affirmé, à la p. 411:

[TRADUCTION] Ce processus, qui n'est rien d'autre que la manifestation concrète de notre conception de la démocratie, est assujetti à l'exigence de la tenue d'une audition antérieurement à la fermeture des rues. Quelle est donc la nature de cette audition? Elle vise à empêcher le conseil d'exercer son pouvoir de légiférer pour fermer certaines rues sans qu'il n'ait au préalable donné aux personnes qui en subiront une atteinte à leurs droits privés l'occasion d'exprimer leurs objections. Elle vient renforcer juridiquement le droit de tout contribuable d'écrire à son conseiller municipal, d'organiser une réunion et d'y prendre la parole, ou de procéder à une manifestation pacifique. Aux termes de la loi, le contribuable doit être entendu, et ce, par le conseil au complet, auquel il incombe de lui en accorder la possibilité.

Selon lui, il n'y a partialité entraînant l'inhabilité que lorsque le conseil a pris irrévocablement parti sur la question. Il ajoute, à la p. 416:

[TRADUCTION] Donc, s'il était possible de démontrer, et c'est aux opposants qu'il incombe de le faire, qu'antérieurement à l'audition le conseil avait décidé irrévocablement d'adopter le règlement prévoyant la fermeture des rues, cela établirait une partialité entraînant l'inhabilité. Dans ces circonstances, il n'a pu, ni ne pouvait, y avoir d'audition dans le vrai sens du terme. Comme la tenue d'une telle audition est une condition préalable, le défaut de la tenir s'avérerait fatal à l'exercice du pouvoir législatif.

Dans l'affaire Oley and Moffatt v. Fredericton, précitée, la Cour d'appel du Nouveau‑Brunswick a appliqué le critère énoncé dans la décision Re McGill, précitée. La cour avait à se pencher sur l'art. 68 de la Loi sur l'urbanisme, L.R.N.‑B. 1973, ch. C‑12, qui imposait au conseil municipal l'obligation d'entendre et d'examiner les objections soulevées à l'encontre d'un projet de règlement municipal. Le conseil a adopté un règlement portant modification de l'affectation du sol de manière à permettre l'aménagement d'un bassin de stabilisation des eaux usées. On a attaqué ce règlement pour le motif que des membres du conseil avait fait des déclarations dans lesquelles ils s'engageaient à approuver le projet et pour le motif que le conseil avait conclu avec la province une entente relativement au financement du projet.

Le juge en chef Stratton a fait le résumé suivant, à la p. 380:

Dans ces circonstances, je suis porté à suivre la déclaration du juge Henry, dans l'arrêt McGill v. Corporation of the City of Brantford (1980), 12 M.P.L.R. 24, à la p. 35:

"On doit supposer que le Législateur connaissait les fonctions et le mode de développement d'un projet de ce genre depuis ses débuts jusqu'aux stades avancés, et qu'il a néanmoins choisi le conseil comme organisme chargé de tenir l'audition. Dans ces circonstances, tout ce qu'on peut demander au conseil, c'est qu'il mette de côté ses premières opinions, qu'il écoute les objections, qu'il les étudie honnêtement et impartialement, voie s'il peut les accepter et prenne ensuite la décision finale. On ne peut attendre ni plus ni moins du conseil."

Selon mon interprétation, l'art. 68 de la Loi sur l'urbanisme exige que le conseil municipal entende et examine honnêtement et impartialement les objections au changement dans les usages permis pour les terrains, même si les conseillers ont déjà exprimé des opinions personnelles sur la question. Dans la présente cause, il n'y a pas de preuve convaincante que le conseil n'a pas examiné honnêtement les objections des citoyens opposés à l'adoption de l'arrêté no 813, ni qu'il a pris la décision irrévocable d'adopter l'arrêté avant d'entendre les opposants.

Le rôle d'un conseiller municipal diffère nettement de celui du président de l'Office national de l'énergie, dont il est question dans l'arrêt Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, précité. Il s'agit d'une affaire dans laquelle notre Cour à la majorité a conclu qu'en raison de sa participation aux travaux d'un groupe d'étude composé de personnes ayant un intérêt dans le projet, le président de l'Office était inhabile à présider l'audition d'une demande de certificat de commodité et nécessité publiques pour le pipeline dans la vallée du MacKenzie, présentée en vertu de l'art. 44 de la Loi sur l'Office national de l'énergie, S.R.C. 1970, ch. N‑6. Le juge en chef Laskin a souligné au nom de la majorité que le président avait participé à des discussions se rapportant à la demande fondée sur l'art. 44 avec des membres du groupe dont faisait partie l'auteur de la demande de permis. À ce titre, le président avait aidé à préparer la demande fondée sur l'art. 44. De plus, la société d'État dont il était président avait versé des fonds au groupe d'étude. Bref, ses rapports avec des parties à la demande avaient été de nature à lui conférer pratiquement un intérêt personnel dans la demande fondée sur l'art. 44 et dans le sort de celle‑ci, ce qui faisait naître une crainte raisonnable de partialité.

Les tâches des membres de l'Office national de l'énergie ne revêtent aucun caractère politique ou législatif. Préjuger des questions n'est pas inhérent à la nature de leurs fonctions extra‑juridictionnelles. Bien qu'on ait fait valoir que la tâche du président consistait notamment à se pencher sur des questions d'approvisionnement et de demande concernant le gaz naturel et que ces questions auraient une certaine pertinence relativement à la demande fondée sur l'art. 44, le juge en chef Laskin n'y a pas attaché d'importance, disant qu'elles servaient simplement à préparer le président à l'audition principale.

Je fais une distinction entre la partialité pour cause de préjugé, d'une part, et la partialité découlant d'un intérêt personnel, d'autre part. Il se dégage nettement des faits de l'espèce, par exemple, qu'un certain niveau de préjugé est inhérent au rôle de conseiller. On ne peut pas en dire autant de l'intérêt personnel. En effet, il n'y a rien d'inhérent aux fonctions hybrides des conseillers municipaux, qu'elles soient politiques, législatives ou autres, qui rendrait obligatoire ou souhaitable de les soustraire à l'obligation de ne pas intervenir dans des affaires dans lesquelles ils ont un intérêt personnel ou autre. Il n'est pas exigé des conseillers municipaux qu'ils aient dans les dossiers qui leur sont soumis un intérêt personnel au‑delà de l'intérêt qu'ils partagent avec d'autres citoyens dans la municipalité. Quand on conclut à l'existence d'un tel intérêt personnel, alors, aussi bien en vertu de la common law que de la loi, un conseiller devient inhabile si l'intérêt est à ce point lié à l'exercice d'une fonction publique qu'une personne raisonnablement bien informée conclurait que cet intérêt risquerait d'influer sur l'exercice de la fonction en question. C'est ce qu'on appelle communément un conflit d'intérêts. Voir Re Blustein and Borough of North York, [1967] 1 O.R. 604 (H.C.), Re Moll and Fisher (1979), 23 O.R. (2d) 609 (C. div.), Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, précité, et Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673.

Il existe une tendance au parallélisme entre les dispositions de différentes lois provinciales sur les municipalités et la common law, mais ces dispositions définissent normalement le genre d'intérêt qui fait naître un conflit d'intérêts. Voir les décisions Blustein et Moll, précitées. Au Manitoba, les dispositions pertinentes se trouvent dans la Loi sur les conflits d'intérêts au sein des conseils municipaux, L.R.M. 1987, ch. 255, art. 4, 5 et 8. Ces articles n'ont pas été invoqués dans le présent pourvoi et on n'allègue aucune contravention de ceux‑ci.

À mon avis, le critère qui se concilie avec les fonctions d'un conseiller municipal et qui permet à ce dernier de remplir ses fonctions politiques et législatives est celui qui exige que les tenants de l'un ou l'autre point de vue soient entendus par des conseillers qu'il est possible de convaincre. Le législateur n'a pu vouloir qu'une audition se tienne devant un organisme qui a déjà pris une décision irrévocable. La partie qui allègue la partialité entraînant l'inhabilité doit établir que l'affaire a en fait été préjugée, de sorte qu'il ne servirait à rien de présenter des arguments contredisant le point de vue adopté. Les déclarations de conseillers individuels, bien qu'elles puissent fort bien créer une apparence de partialité, ne satisfont au critère que si la cour conclut qu'elles sont l'expression d'une opinion finale et irrévocable sur la question. Il importe de se rappeler à ce propos que ni le fait d'appuyer une mesure devant un comité ni le fait de voter en faveur de cette mesure ne constituera, en l'absence d'une indication du caractère définitif de la position prise, une preuve de partialité entraînant l'inhabilité. La conclusion contraire rendrait inhabiles la majorité des conseillers à l'égard de toutes les questions qui sont décidées dans le cadre d'assemblées publiques au cours desquelles les opposants à une mesure ont le droit de se faire entendre.

L'application au présent pourvoi

En l'espèce, c'est la comparution du conseiller Savoie devant le comité des finances pour y prendre la parole au nom du promoteur qui, allègue‑t‑on, constitue la conduite entraînant l'inhabilité. Cela en soi ne mène pas nécessairement à la conclusion qu'il était impossible de le faire changer d'avis. On prétend toutefois qu'il s'était ainsi fait partisan du promoteur, ce qui a eu pour effet de lui conférer dans le dossier en question un intérêt qui dépasse l'intérêt public. C'est là un argument qui serait fondé s'il existait une indication que l'appui du conseiller a été motivé par un lien quelconque avec la société de promotion ou par un intérêt dans celle‑ci plutôt que par un intérêt dans le projet d'aménagement. La preuve révèle cependant qu'il avait auparavant manifesté pour le projet un appui fondé sur sa valeur intrinsèque et il n'y a aucun élément de preuve établissant l'existence d'un lien quelconque avec le promoteur. De plus, le juge de première instance a constaté que le conseiller n'avait pas de tel intérêt. Le juge Schwartz affirme dans ses motifs, à la p. 260:

[TRADUCTION] Rien n'indique que les gestes du conseiller Savoie aient été motivés par autre chose que sa conviction qu'il agissait au mieux des intérêts de son secteur.

Rien ne permet de conclure qu'il avait dans le succès de la demande de Tyrone un autre intérêt personnel que l'accomplissement de ce qu'il concevait comme son devoir.

Le juge Schwartz a en fait mentionné que le conseiller Savoie s'était fait partisan du projet d'aménagement mais, compte tenu de la constatation exposée ci‑dessus, on doit conclure qu'il a simplement voulu dire par là que le conseiller avait plaidé en faveur du projet. C'est donc à tort que le juge a appliqué le critère de la crainte raisonnable de partialité. L'application de ce critère aurait été indiquée s'il avait conclu que le conseiller avait un intérêt personnel dans le projet d'aménagement, que ce soit sur le plan pécuniaire ou sur celui de ses rapports avec le promoteur. Dans de telles circonstances, le critère est celui qui s'applique à tous les fonctionnaires publics: une personne raisonnablement bien informée estimerait‑elle que l'intérêt en question pourrait influer sur l'exercice de la fonction publique du fonctionnaire? Si cette fonction consiste à entendre et à décider certaines questions, la crainte raisonnable de partialité constitue le critère applicable. Comme je l'ai indiqué précédemment, il n'y a rien dans la nature politique et législative des fonctions d'un conseiller qui commande l'assouplissement de ce critère. Cette situation diffère tout à fait du cas où il est question de préjugé. En l'espèce, aucun intérêt personnel n'existe ni n'a été constaté et il s'agit purement et simplement d'un cas de préjugé. Le conseiller Savoie n'avait pas préjugé l'affaire au point de devenir inhabile en application des principes exposés plus haut. C'est donc à bon droit que la Cour d'appel a infirmé la décision du juge de première instance sur ce point. Le pourvoi doit donc être rejeté en ce qui concerne ce moyen.

2. La propriété

Un des arguments avancés par l'appelante est que la Loi ne conférait pas au promoteur le droit de demander la modification du zonage parce qu'une partie des biens‑fonds visés appartenaient à la ville et qu'une autre partie se composait de rues en voie de fermeture. Le paragraphe 609(1) de la Loi prévoit que la demande doit être faite par le propriétaire ou par une personne qui a reçu l'autorisation écrite de ce dernier. L'appelante soutient qu'au moment du dépôt de la demande, le 7 août 1986, la ville n'avait pas autorisé le promoteur à présenter une demande relativement aux biens‑fonds dont elle était propriétaire. Pour ce qui est des biens‑fonds occupés par des rues, on fait valoir que c'est la province qui en est propriétaire et que cette dernière n'a pas accordé d'autorisation.

Quant aux biens‑fonds appartenant à la ville, je partage l'avis du juge Huband que tout vice dont pouvait être entachée la demande présentée initialement avait été rectifié avant l'examen de celle‑ci. Or, ce serait faire preuve de formalisme excessif que d'exiger que la demande soit complète à tous les égards le jour de son dépôt. La déclaration suivante tirée des motifs du juge Huband est concluante sur cette question et je la fais mienne (à la p. 265):

[TRADUCTION] Le 17 septembre 1986, le directeur du service des levés de terrain et des biens immobiliers a écrit à l'avocat de Tyrone, lui disant:

"En autant qu'elle possède maintenant un intérêt dans les biens‑fonds appartenant à la ville situés dans le secteur destiné à l'aménagement envisagé, votre cliente peut maintenant présenter une demande de modification de zonage et de lotissement."

De toute évidence, Tyrone avait reçu l'autorisation nécessaire pour demander la modification du zonage des biens‑fonds appartenant à la ville et des rues, ainsi que de ses propres biens‑fonds, et ce, bien avant que le comité municipal de St‑Boniface‑St‑Vital ne se penche pour la première fois sur la demande de modification de zonage. À mon avis, le vice de forme que représente l'omission d'accorder l'autorisation antérieurement au 17 septembre ne doit pas entraîner le rejet des recommandations du comité municipal ni l'annulation de la ratification des recommandations faite par le conseil municipal lui‑même.

En ce qui concerne les biens‑fonds occupés par des rues, j'estime, comme le juge Huband, que la ville possédait un intérêt suffisant pour qu'elle puisse en modifier le zonage, même si, en principe, ils appartenaient à la province. Je partage en outre son avis qu'il serait illogique d'exiger que la ville s'adresse à elle‑même une demande de modification de zonage, toujours en donnant aux personnes touchées un avis suffisant et en leur accordant la possibilité de se faire entendre.

3. Le plan de la ville de Winnipeg

La non‑conformité

L'association des résidents a fait valoir en outre que le règlement portant modification du zonage est invalide pour cause de non‑conformité avec le plan directeur de la région urbaine, le plan de la ville de Winnipeg, entré en vigueur le 9 avril 1986. L'article 599 de la City of Winnipeg Act précise que, dans l'exercice de son pouvoir de zonage, [TRADUCTION] "le conseil doit se conformer au plan directeur de la ville de Winnipeg, et à toute disposition pertinente d'un plan de secteur et d'un plan d'action de secteur". De plus, aux termes de la Loi (par. 597.1(1):

[TRADUCTION] . . . chaque plan d'action de secteur doit être conforme au plan de secteur dont une partie est mise à exécution par le plan d'action de secteur; et chaque plan de secteur doit être conforme au plan directeur de la ville de Winnipeg.

Il est clair que la Loi établit un ensemble complexe de plans superposés présentant un degré croissant de précision. Il se dégage nettement de la définition du plan directeur de la ville de Winnipeg (le plan de la ville de Winnipeg) que ces plans sont destinés non pas à modifier le zonage mais à servir de guide pour l'aménagement et la planification futurs (al. 569f)).

[TRADUCTION] . . . un énoncé de la politique et des propositions générales de la ville concernant l'aménagement ou l'utilisation des biens‑fonds situés dans la ville et dans la zone additionnelle, établi dans les textes, les cartes ou les illustrations, ainsi que les mesures visant l'amélioration de l'environnement physique, social et économique et le transport;

L'appelante soutient que le zonage proposé n'est pas conforme au plan de la ville de Winnipeg. Il n'existait pour le secteur en question aucun plan de secteur. Un plan de district antérieur avait été adopté comme plan d'action de secteur. Dans ce plan, les biens‑fonds en cause figuraient à titre de [TRADUCTION] "futur quartier résidentiel", quoique la hauteur et la densité des immeubles n'aient pas été précisées. Sur la carte jointe au texte du plan de la ville de Winnipeg, une partie des mêmes biens‑fonds figure comme [TRADUCTION] "parc régional", le reste étant désigné comme [TRADUCTION] "vieux quartier résidentiel".

Y a‑t‑il non‑conformité avec le plan de la ville de Winnipeg? Comme c'est le cas en l'espèce, la non‑conformité d'un projet de modification de zonage avec un énoncé général de politiques et de principes peut souvent être difficile à déterminer. La Loi prévoit (par. 609(2.1)):

[TRADUCTION] Lorsque le commissaire désigné estime que le règlement de zonage demandé ne serait pas conforme au plan directeur de la ville de Winnipeg, au plan de secteur applicable ou à un plan d'action de secteur, il renvoie la demande au comité désigné. Si ce comité est du même avis, la demande n'est pas renvoyée au comité municipal [. . .] tant que le conseil n'aura pas examiné en première lecture un règlement visant à modifier le projet de supprimer la non‑conformité. [Je souligne.]

Il s'agit en l'occurrence d'un projet de construction résidentielle, quoiqu'il ne soit certainement pas question d'habitations unifamiliales. Cela est conforme au plan de secteur. Toutefois, en dépit de la conformité générale du projet d'aménagement avec le plan de la ville de Winnipeg, on prétend non conforme la partie du projet touchant les biens‑fonds désignés comme parc dans ce plan. Conformément au plan de la ville de Winnipeg, le projet d'aménagement comprendrait un parc linéaire, moins large cependant, au bord de la rivière. Une rue donnant accès à la rivière serait fermée, mais il n'est pas certain si l'accès serait en conséquence interdit aux piétons. De surcroît, le projet d'aménagement est certainement conforme à la politique d'encouragement du secteur privé à investir dans les vieux quartiers résidentiels, ce qui représente l'un des buts visés par le plan de la ville de Winnipeg.

Les faits de la présente espèce révèlent clairement que le commissaire désigné a estimé conforme au plan de la ville de Winnipeg le projet de modification de zonage. Le juge Huband est arrivé à la même conclusion en affirmant que le projet de modification de zonage était conforme à l'esprit du texte et de la carte [TRADUCTION] "relativement à ce que nos représentants élus envisagent pour l'avenir de ce secteur en particulier".

La conformité avec un plan officiel tient essentiellement à une décision d'urbanisme fondée sur les faits et sur la politique. L'opinion du commissaire désigné n'est certes pas soustraite au contrôle judiciaire, mais il ne convient pas qu'une cour d'appel y touche pour le simple motif qu'elle ne la partage pas sur le plan de la politique ou des faits. Le commissaire se trouve beaucoup mieux placé que la cour pour déterminer si un nouveau projet d'aménagement est conforme à la politique de la municipalité en matière d'urbanisme. Le juge Huband n'était pas disposé à écarter l'opinion du commissaire. En fait, il l'a confirmée. Compte tenu de ce qui précède, notre Cour ne saurait être justifiée à substituer son opinion concernant les faits et la politique en question que dans les circonstances les plus exceptionnelles.

4. La mauvaise foi et l'expectative de consultation

L'appelante fait valoir que dans le cadre de l'examen du plan de secteur qui a eu lieu entre 1979 et 1985, le comité municipal avait indiqué aux membres de l'association appelante qu'on les ferait participer à la mise au point d'un nouveau plan de secteur avant que ne s'effectue tout réaménagement. Le promoteur Tyrone n'avait pas participé à ces discussions.

L'appelante s'appuie sur les affidavits de deux conseillers municipaux, Evelyn Reese et Al Ducharme. Ces affidavits, dont la formulation est identique sur ce point, portent notamment:

[TRADUCTION] 8. Lorsque j'ai occupé le poste de conseiller, le comité municipal de St‑Boniface‑St‑Vital avait demandé à plusieurs reprises au conseil de concevoir un plan global pour le secteur de St‑Boniface nord. Au cours de la période visée, le conseiller Savoie était membre du comité municipal. De plus, le comité municipal avait indiqué aux résidents qu'on les ferait participer à la mise au point d'un plan pour le secteur en question.

9. C'est donc avec étonnement que j'ai entendu la présentation du conseiller Savoie en faveur du projet d'aménagement avant la conception d'un plan pour l'ensemble du secteur, car j'avais conclu de la conduite du comité municipal au cours des années précédentes qu'aucun aménagement ne devrait être entrepris dans le secteur sans que ne soit approuvé au préalable un plan de secteur.

Ni le juge Schwartz ni la Cour d'appel n'a examiné ce point, de sorte que nous ne bénéficions pas d'une conclusion sur la question de savoir s'il s'agissait là d'un engagement. Dans ces circonstances, j'hésiterais à conclure que la preuve établit l'existence d'un engagement exécutoire. Toutefois, en supposant que l'existence d'un tel engagement ressort de la preuve, je ne vois comment il pourrait être opposé au droit de Tyrone, qui n'a pas été partie à l'engagement, de demander la modification du zonage en vertu de l'art. 609 de la Loi. De plus, les membres du conseil n'étaient pas autorisés à conclure un accord privé imposant la suspension générale des demandes de modification de zonage visant un secteur déterminé de la municipalité. Il faudrait normalement que ce genre de gel de l'affectation du sol soit autorisé par un texte législatif ou, à tout le moins, qu'il se fasse par voie de résolution du conseil municipal.

Il appert toutefois que l'appelante fait valoir au fond que le comité, par sa conduite, a créé une expectative légitime de consultation. L'appelante invoque l'arrêt de la Chambre des lords Council of Civil Service Unions v. Minister for the Civil Service, [1984] 3 All E.R. 935. Le précepte en question fait également l'objet d'un examen dans les arrêts de principe Attorney General of Hong Kong v. Ng Yuen Shiu, [1983] All E.R. 346, et R. v. Hull Prison Board of Visitors, ex parte St. Germain, [1979] 1 All E.R. 701 (C.A.). Mention en est faite aussi dans les décisions canadiennes suivantes: Re Multi‑Malls and Minister of Transportation and Communications (1976), 14 O.R. (2d) 49, Re Canadian Occidental Petroleum Ltd. and District of North Vancouver (1983), 148 D.L.R. (3d) 255, Gaw v. Commissioner of Corrections (1986), 2 F.T.R. 122, et Re Bruhn‑Mou and College of Dental Surgeons of British Columbia (1975), 59 D.L.R. (3d) 152.

Le principe élaboré dans cette jurisprudence n'est que le prolongement des règles de justice naturelle et de l'équité procédurale. Il accorde à une personne touchée par la décision d'un fonctionnaire public la possibilité de présenter des observations dans des circonstances où, autrement, elle n'aurait pas cette possibilité. La cour supplée à l'omission dans un cas où, par sa conduite, un fonctionnaire public a fait croire à quelqu'un qu'on ne toucherait pas à ses droits sans le consulter.

Le processus de planification et de zonage constitue un ensemble complexe destiné à permettre que toutes les personnes concernées soient non seulement consultées mais aussi entendues. L'appelante s'est prévalue de ce processus en faisant des observations devant le comité municipal. Or, même si la conduite de ce comité a suscité certaines attentes chez l'appelante, j'estime que cela ne justifierait pas que notre Cour introduise dans le régime complexe établi par la Loi encore un autre processus de consultation.

Dispositif

Le pourvoi est rejeté avec dépens.

//Le juge en chef Lamer//

Version française des motifs rendus par

LE JUGE EN CHEF LAMER — J'ai souscrit aux motifs du juge La Forest dans Save Richmond Farmland Society c. Richmond (Canton), [1990] 3 R.C.S. 000 (rendu simultanément aujourd'hui). Appliquant le critère qu'il propose aux faits de l'espèce, je suis d'avis de rejeter le pourvoi.

Quant à la question de la conformité avec le plan de la ville de Winnipeg, je suis d'accord avec les motifs du juge Sopinka. En conséquence, je trancherais le pourvoi de la manière exposée par le juge Sopinka.

//Le juge La Forest//

Version française des motifs des juges La Forest, L'Heureux‑Dubé et Cory rendus par

LE JUGE LA FOREST (dissident) — Trois questions sont soulevées dans le présent pourvoi:

a) Dans le cadre d'une contestation de modification de zonage fondée sur les art. 609 à 615 de la City of Winnipeg Act, S.M. 1971, ch. 105, les règles de justice naturelle ou d'équité s'appliquent‑elles de manière à empêcher la participation d'un conseiller qui pourrait entraîner une crainte raisonnable de partialité?

b) La ville a‑t‑elle fait preuve de mauvaise foi en agissant comme elle l'a fait?

c) Le projet de modification du zonage de la ville était‑il conforme au plan de la ville de Winnipeg, sinon, cette absence de conformité était‑elle sujette à un contrôle judiciaire?

Mon collègue le juge Sopinka a exposé les faits, tracé l'historique des procédures judiciaires et énoncé les dispositions législatives applicables. À mon avis, ce pourvoi peut être tranché en fonction de la troisième question et je vais donc limiter mes observations à cette question.

Le plan de la ville de Winnipeg

L'association des résidents conteste le règlement portant modification de zonage pour le motif que le conseil a outrepassé son pouvoir de zonage en omettant de se conformer au plan de la ville de Winnipeg. Elle souligne l'art. 599 de la City of Winnipeg Act qui délimite le pouvoir de zonage du conseil de la manière suivante:

[TRADUCTION] 599. Dans l'exercice du pouvoir délégué par l'article 598, le conseil doit se conformer au plan directeur de la ville de Winnipeg, et à toute disposition pertinente d'un plan de secteur et d'un plan d'action de secteur. [Je souligne.]

Le plan de la ville de Winnipeg affectait le secteur situé au nord de la voie du CN, dite Highline, à la construction résidentielle et à l'aménagement d'un parc. Une partie du site proposé pour le projet immobilier de Tyrone est affectée à l'aménagement de "parcs régionaux" sur la carte établie conformément à la politique du plan pour le secteur. Par contre, le plan du site du promoteur montre une tour de condominiums presque entièrement située dans le secteur désigné comme parc. L'association soutient que cela constitue une violation de l'art. 599 de la Loi, qui a pour effet d'annuler le règlement pour cause de non‑conformité avec une disposition constituant une condition préalable à son adoption.

La ville, dans sa réponse à l'argument selon lequel un immeuble en copropriété ne correspond pas à un parc, fonde son argument sur la notion que le règlement était en fait conforme au plan parce qu'une bande de terrain désignée à titre de parc avait été conservée pour que le public y ait accès. La ville soutient également qu'il convient d'interpréter le texte et la carte du plan d'une manière souple, étant donné que ce plan est un document de principe qui ne contient que des propositions générales.

La Cour d'appel a fait droit aux arguments de la ville en concluant que le règlement ne devait respecter que l'esprit du texte et de la carte. La cour a également conclu que la question de savoir si le conseil avait respecté le plan de la ville de Winnipeg en adoptant le règlement n'est pas sujette à un contrôle judiciaire, compte tenu de l'obligation du commissaire désigné de vérifier s'il y a non‑respect.

Cette question porte sur le sens de l'exigence de l'art. 599 que la ville "se conforme [. . .]" au plan de la ville de Winnipeg. Cela signifie‑t‑il que la ville doit suivre exactement le plan indiqué sur la carte établie conformément à la politique en vigueur pour le secteur, ou l'expression "se conformer" devrait‑elle être interprétée d'une manière plus souple, pour permettre au conseil d'adopter des règlements de zonage susceptibles de ne pas concorder exactement avec la carte, mais qui respectent les directives générales des politiques formulées? Pour trancher cette question, il est nécessaire de comprendre d'abord la fonction du plan de la ville de Winnipeg dans le processus de planification.

La nature du plan

L'alinéa 569f) de la Loi définit ainsi le plan de la ville de Winnipeg:

[TRADUCTION] 569. . . .

f)"plan directeur de la ville de Winnipeg" désigne un énoncé de la politique et des propositions générales de la ville concernant l'aménagement ou l'utilisation des biens‑fonds situés dans la ville et dans la zone additionnelle, établis dans les textes, les cartes ou les illustrations, ainsi que les mesures visant l'amélioration de l'environnement physique, social et économique et le transport;

Le plan de la ville Winnipeg a été adopté à titre de règlement municipal en avril 1986. Ce plan constitue l'instrument qui établit la planification générale de l'ensemble du territoire de la ville. Il s'agit d'un document énonçant une politique générale à long terme, en fonction duquel des politiques précises et des règlements de zonage sont formulés. Il peut être considéré comme le fondement même de toute planification. En fait, les plans directeurs comme le plan de la ville de Winnipeg sont qualifiés par Rogers dans Canadian Law of Planning and Zoning (1990), aux pp. 68 et 69, de [TRADUCTION] "documents quasi constitutionnels":

[TRADUCTION] À certains égards, un plan directeur fonctionne comme un genre de document constitutionnel qui contrôle l'aménagement futur de la municipalité. À titre de constitution, il comprend des restrictions imposées au pouvoir local dans ses champs de compétence législative et administrative et est moins susceptible de subir des modifications que les lois ordinaires.

Bien que l'auteur se soit exprimé en termes généraux, ses opinions s'appliquent au plan de la ville de Winnipeg. Aux termes de l'art. 599 de la Loi, le pouvoir de zonage du conseil est limité par le plan, bien que l'étendue de la limite ne soit pas tout à fait claire. De plus, la procédure de modification du plan, qui se trouve aux art. 574 à 578 de la Loi, est plus lourde que la procédure de modification d'un règlement de zonage parce qu'elle comporte une consultation avec les comités municipaux, exige que le conseil au complet, et non simplement le comité exécutif, délibère sur le règlement relatif au plan, et contient des dispositions plus strictes en matière d'avis public. En outre, le conseil est tenu d'obtenir l'autorisation écrite du ministre avant l'adoption finale du règlement relatif au plan.

On est tenté de considérer le plan comme un document qui est trop axé sur des politiques générales pour avoir un statut juridique. Toutefois, une telle position repose sur une mauvaise compréhension de la véritable nature du plan. Bien que les politiques soient formulées en des termes relativement généraux, cela ne diminue pas le caractère juridique du plan. L'effet juridique précis du plan, selon l'art. 599 de la Loi, est d'établir les paramètres du pouvoir de zonage du conseil. Si le conseil adopte un règlement non conforme au plan, il outrepasse le pouvoir que la Loi lui confère; voir Christie v. City of Winnipeg (1981), 16 M.P.L.R. 128 (B.R. Man.).

En même temps, je reconnais que le plan n'a pas la précision d'un règlement de zonage et doit être examiné en conséquence. La distinction entre les plans directeurs et les règlements de zonage est expliquée par Rogers, précité, à la p. 69:

[TRADUCTION] Parce que les plans sont rédigés en termes généraux, il ne serait pas pratique de leur attribuer le même effet qu'une loi ou qu'un règlement. Habituellement, il faut quelque chose de plus pour traduire en action législative les politiques énoncées en termes généraux dans des plans. L'une des conditions essentielles d'une loi est qu'elle doit être précise et certaine, et pareille condition ne se retrouve pas dans un programme de planification. Les tribunaux peuvent être portés à interpréter de façon assez libérale les énoncés de politique et les utilisations de biens‑fonds prescrites dans un plan.

Il appert alors que le plan, à titre de document "quasi constitutionnel", devrait être interprété avec une juste mesure de souplesse qui représente un équilibre entre sa nature générale et à long terme, et sa fonction prescrite par la Loi comme le fondement du processus de planification.

Il reste à appliquer ces principes généraux au plan de la ville de Winnipeg et à l'art. 599 de la Loi.

Le règlement est‑il conforme au plan?

Le juge Huband a adopté la position suivante à l'égard de la question de savoir si le règlement est conforme au plan de la ville de Winnipeg, à la p. 268:

[TRADUCTION] Il n'est pas facile de décider si un zonage en particulier est "conforme" à un document de planification à long terme qui comprend un ensemble d'énoncés de politique, d'objectifs à long terme, de propositions générales ainsi qu'une carte sur l'affectation des biens‑fonds. Je suis d'avis qu'il faut reconnaître qu'il n'est pas nécessaire que le nouveau zonage soit conforme à l'affectation de ce bien‑fonds sur la carte. Ce qui est important c'est que le zonage soit conforme à l'esprit du texte et de la carte relativement à ce que nos représentants élus envisagent pour l'avenir de ce secteur en particulier.

En toute déférence, je suis d'avis que la position du juge Huband correspond à un rapport plus ténu entre le règlement de zonage et le plan qui avait été envisagé par l'assemblée législative.

Le site d'aménagement est affecté à un "parc régional" sur la carte établie conformément à la politique du plan de la ville de Winnipeg. De toute évidence, dans ce cas, aucune ambiguïté n'exige d'avoir recours à l'"esprit" du plan; si on avait voulu que le secteur fasse l'objet d'un aménagement résidentiel, la carte l'aurait indiqué. À mon avis, il est difficile de comprendre ce que le juge Huband a voulu dire quand il a conclu qu'[TRADUCTION]"il faut reconnaître qu'il n'est pas nécessaire que le nouveau zonage soit conforme à l'affectation de ce bien‑fonds sur la carte". À l'appui d'un tel argument, la ville soutient que le texte du plan, particulièrement la politique 80(1), une politique qui crée un réseau de parcs linéaires riverains, apporte une justification suffisante du règlement. Toutefois, il n'y a rien dans l'al. 569f) de la Loi qui confère la prééminence au texte du plan, par rapport à la carte. Au contraire, comme l'a souligné le juge Wilson dans l'arrêt Christie, précité, à la p. 135, les cartes ou les illustrations sont, aux termes de l'al. 569f) de la Loi, une partie intégrante du plan.

Qui plus est, je doute qu'on ait jamais voulu que la politique du réseau de parcs linéaires empêche la création de parcs plus grands sur le bord de la rivière. Il me semble que la politique des parcs linéaires complète plutôt que contredit d'autres politiques relatives aux parcs dans le plan, y compris la politique 75(1), qui prévoit que la ville doit aménager des parcs supplémentaires dans des vieux quartiers, conformément aux exigences précises du quartier, et la politique 78(1), qui prévoit que la ville doit créer un réseau de parcs régionaux, pour combler les lacunes existantes et répondre aux besoins projetés.

Je tiens également à souligner que la politique 6(1), sur laquelle se fonde le juge Huband, n'appuie pas réellement le projet d'aménagement. Cette politique est énoncée dans le plan de la manière suivante:

[TRADUCTION] La ville doit, autant que possible, encourager le secteur privé à investir dans l'aménagement approprié de vieux quartiers résidentiels. [Je souligne.]

À mon avis, l'aménagement qui ne respecte pas les politiques de la carte et du texte du plan ne peut être considéré comme approprié au sens de la politique 6(1).

Pour déterminer si le règlement de zonage est conforme au plan, il ne faut pas oublier le but du plan dans le contexte du processus de planification. La mise au point d'un plan directeur a précisément pour but de limiter le caractère futur de l'aménagement urbain, conformément à des objectifs à long terme. Afin d'assurer que le conseil n'exerce pas ses pouvoirs de manière à empêcher la réalisation ultime de ces objectifs, la Loi prévoit que le zonage doit être conforme à l'affectation des biens‑fonds sur le plan. Autrement, avec le temps, la ville pourrait être modifiée d'une manière complètement contraire aux dispositions du plan soigneusement conçues et vérifiées publiquement.

Selon moi, l'affectation à un parc régional ressort clairement du plan et l'aménagement de condominiums représente une dérogation à ce plan. Les circonstances de l'espèce ne sauraient être interprétées d'une autre façon. Par conséquent, si la ville désire autoriser un aménagement qui ne respecte pas la politique du plan, elle doit d'abord demander la modification du plan lui‑même. Les procédures de modification du plan, y compris la participation prévue du public, constituent une composante importante du système de vérification qui caractérise le processus de planification. Ce système prévoit la participation du public à toutes les étapes de la conception et de la mise en application des politiques, de l'adoption d'un plan directeur à l'adoption de règlements de zonage. Il n'est pas loisible au conseil de se soustraire à une partie de ce processus public, qui est créé par sa propre loi constitutive, par la simple adoption d'un règlement de zonage.

L'à‑propos du contrôle judiciaire

Une question subsidiaire est soulevée par suite de l'arrêt de la Cour d'appel qui a également conclu qu'on n'a jamais voulu qu'une cour de justice examine si un projet est conforme au plan de la ville de Winnipeg. En effet, la Cour d'appel a conclu que la question n'était pas sujette à un contrôle judiciaire.

La Loi prévoit que le "commissaire désigné" détermine si un règlement de zonage est conforme au plan. Le projet est alors transmis à un autre comité du conseil pour qu'il examine la même question. Bien que normalement je sois prêt à faire preuve de déférence envers ceux que la Loi habilite à examiner la question de savoir si un règlement est conforme au plan, question qui n'est pas facile et à l'égard de laquelle une connaissance locale est très utile, je ne suis pas d'avis que le contrôle judiciaire est inopportun en l'espèce.

D'abord, le commissaire désigné n'est pas indépendant du conseil, mais il est nommé et peut être démis de ses fonctions par le conseil, aux termes du par. 2(5) de la Loi. Il convient également de noter qu'il n'y a pas de clause privative. Les tribunaux peuvent ainsi infirmer une décision qui est erronée du point de vue légal plutôt que manifestement déraisonnable. Il est également important de réaliser que nous ne traitons pas en l'espèce d'une question subtile qui exige une grande expertise en matière de planification ainsi qu'une connaissance directe de la dynamique locale d'affectation des biens‑fonds. Nous sommes confrontés à un projet de construction d'une tour de condominiums de sept étages dans un secteur clairement désigné comme parc sur la carte établie conformément à la politique du plan. En toute déférence, je ne puis comprendre comment on peut dire que cela est conforme au plan. Une telle conclusion équivaudrait à ne tenir aucun compte des dispositions soigneusement conçues qui ont été adoptées par l'assemblée législative pour assurer la participation des citoyens aux décisions de planification qui ont un effet sur le caractère de la collectivité dans laquelle ils vivent.

Je conclus que la ville a été empêchée d'adopter le règlement de zonage en question et doit s'occuper de modifier le plan.

Dispositif

Pour ces motifs, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et de rétablir la décision du juge Schwartz, avec dépens dans toutes les cours.

Pourvoi rejeté avec dépens, les juges LA FOREST, L'HEUREUX‑DUBÉ et CORY sont dissidents.

Procureurs de l'appelante: Public Interest Law Centre, Winnipeg.

Procureurs des intimés: Taylor, McCaffrey, Chapman, Winnipeg.

* Juge en chef à la date de l'audition.

** Juge en chef à la date du jugement.


Synthèse
Référence neutre : [1990] 3 R.C.S. 1170 ?
Date de la décision : 20/12/1990
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit municipal - Municipalités - Demandes de règlements de zonage - Partialité ou crainte de partialité - Un conseiller municipal a appuyé en privé une demande de modification de zonage et a subséquemment voté en faveur de la demande sans révéler sa participation antérieure - La conduite du conseiller soulève‑t‑elle une crainte raisonnable de partialité?.

Droit municipal - Urbanisme - Plan officiel - Effet - Aménagement résidentiel et parc prévus dans les plans de la ville et du district - Nouveau zonage permettant l'aménagement de condominiums - L'aménagement proposé contrevient‑il aux plans? - City of Winnipeg Act, S.M. 1971, ch. 105, art. 599, 609.

Droit municipal - Zonage - Modification - Procédure - L'auteur d'une demande de modification de zonage négocie avec la municipalité l'acquisition de biens‑fonds municipaux et de rues destinées à être fermées - Vente au requérant approuvée par la municipalité avant l'adoption du nouveau zonage - Régularité du nouveau zonage - City of Winnipeg Act, S.M. 1971, ch. 105, art. 609(1).

Droit municipal - Règlements de zonage - Validité —Demande de modification de zonage présentée par l'acquéreur prévu de biens‑fonds municipaux sans autorisation de la ville - Le règlement portant modification de zonage est‑il invalide pour cause de non‑respect de la loi et de la procédure? - City of Winnipeg Act, S.M. 1971, ch. 105, art. 609(1).

Winnipeg a approuvé un projet d'aménagement immobilier dans le Vieux St‑Boniface et a adopté les recommandations du comité des finances, du comité municipal, du comité de l'urbanisme et des services communautaires et, finalement, du conseil municipal que les biens‑fonds en question fassent l'objet d'un nouveau zonage de façon à permettre la construction de deux tours de condominiums, que certaines rues soient fermées et que les rues ainsi que d'autres biens‑fonds appartenant à la ville soient vendus au promoteur. Avant que des audiences publiques soient tenues devant le comité municipal relativement à la demande de modification de zonage présentée par l'acquéreur prévu des biens‑fonds, un conseiller municipal avait participé personnellement à la planification du projet d'aménagement et avait appuyé la demande dans des réunions à huis clos et privées du comité des finances. Durant la période comprise entre les réunions publiques, il y a eu une élection à laquelle le conseiller a participé et où il a été réélu. Lors des réunions publiques, il n'a pas révélé sa participation antérieure relativement à la demande.

Avant l'adoption du nouveau règlement de zonage, l'appelante a attaqué cette façon de procéder par voie d'avis de requête introductive d'instance déposé auprès de la Cour du Banc de la Reine. Le juge des requêtes a annulé la décision du comité, interdit l'adoption du règlement portant modification de zonage et ajourné l'audition de la demande de l'appelante visant l'annulation du règlement portant fermeture de rues. De plus, il a interdit à la ville d'appliquer ou d'utiliser le règlement de fermeture de rues jusqu'à nouvel ordre de la cour. La Cour d'appel du Manitoba a accueilli l'appel des intimés et rejeté l'appel incident de l'appelante relativement au règlement portant fermeture de rues.

Les questions soulevées dans ce pourvoi sont de savoir (1) si le conseiller municipal était, pour cause de partialité, inhabile à participer aux procédures du comité municipal, (2) si la demande de modification de zonage, présentée par une autre personne que le propriétaire du bien‑fonds visé, est conforme au par. 609(1) de la City of Winnipeg Act, (3) si le règlement de zonage est conforme au plan directeur de la ville de Winnipeg (le "plan de la ville de Winnipeg"), et (4) si le comité municipal a agi de mauvaise foi ou sans respecter une expectative raisonnable de consultation.

Arrêt (les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé et Cory sont dissidents): Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef Dickson et les juges Wilson, Sopinka, Gonthier et McLachlin: Une distinction est faite d'avec l'arrêt Wiswell v. Metropolitan Corporation of Greater Winnipeg. Il convient d'adopter une approche souple fondée sur le contexte en ce qui concerne le critère à appliquer pour conclure à l'inhabilité pour cause de partialité. Il ne serait pas approprié en l'espèce d'appliquer le critère d'une crainte raisonnable de préjugé dans toute sa rigueur simplement parce que le conseiller a défendu le projet d'aménagement devant le comité des finances. Le législateur ne peut pas avoir voulu que la règle qui exige qu'un tribunal soit exempt de toute apparence de partialité s'applique aux membres d'un conseil municipal avec la même rigueur qu'à d'autres tribunaux administratifs dont le caractère et les fonctions ressemblent davantage à ceux d'une cour de justice. Un certain degré de préjugé est inhérent au rôle de conseiller municipal. Le législateur ne pouvait cependant pas non plus avoir voulu d'une audience devant un organisme qui a déjà pris une décision irrévocable.

Le critère applicable est que les tenants de l'un ou l'autre point de vue doivent être entendus par des membres du conseil qu'il est possible de convaincre. Ce critère est compatible avec les fonctions d'un conseiller municipal et lui permet de remplir ses fonctions politiques et législatives. La partie qui allègue l'existence d'un préjugé qui rend inhabile doit établir qu'il ne servirait à rien de présenter des arguments contredisant le point de vue adopté. Bien qu'elles puissent créer une apparence de partialité, les déclarations de conseillers individuels ne satisfont au critère que si la cour conclut qu'elles sont l'expression d'une opinion finale sur la question.

Par contre, il n'y a rien d'inhérent aux fonctions hybrides des conseillers qui rendrait obligatoire ou souhaitable de les soustraire à l'obligation de ne pas intervenir dans des affaires dans lesquelles ils ont un intérêt personnel ou autre. Quant on conclut à l'existence d'un tel intérêt, tant en vertu de la common law que de la loi, un conseiller devient inhabile si l'intérêt est à ce point lié à l'exercice d'une fonction publique qu'une personne raisonnablement bien informée conclurait que cet intérêt risquerait d'influer sur l'exercice de la fonction en question. Le juge des requêtes a commis une erreur en appliquant le critère de la crainte raisonnable de partialité après qu'il eut conclu que le conseiller dont l'impartialité était mise en doute n'avait aucun intérêt personnel dans le projet d'aménagement, que ce soit sur le plan pécuniaire ou sur celui de ses rapports avec le promoteur.

Le juge en chef Lamer: Le juge en chef souscrit aux motifs du juge La Forest dans l'affaire Save Richmond Farmland Society c. Richmond (Canton). En appliquant son critère aux faits de l'espèce, on conclut au rejet du pourvoi.

Quand à la question du respect du plan de la ville de Winnipeg, le juge en chef Lamer souscrit aux motifs du juge Sopinka.

Les juges La Forest, L'Heureux‑Dubé et Cory (dissidents): La ville ne pouvait pas adopter le règlement de zonage en cause sans d'abord modifier le plan de la ville de Winnipeg. Le pouvoir de zonage du conseil est limité par le plan d'urbanisme dont la modification nécessite la consultation de comités municipaux et exige que le conseil au complet, et non simplement le comité exécutif, délibère sur le règlement relatif au plan. En adoptant un règlement non conforme au plan, le conseil outrepasse le pouvoir que lui confère la Loi.

Le projet de condominiums constitue une dérogation au plan de la ville de Winnipeg. Si la ville désirait autoriser un aménagement qui ne respectait pas la politique du plan, elle devait d'abord demander la modification du plan lui-même. Les procédures de modification prévoient la participation du public à toutes les étapes de la conception d'une politique et il n'était pas loisible au conseil de se soustraire au processus public par la simple adoption d'un règlement de zonage.

Le contrôle judiciaire n'est pas inopportun en l'espèce. Le commissaire désigné, qui détermine si un règlement est conforme au plan, n'est pas indépendant du conseil; au contraire, il est nommé et peut être démis de ses fonctions par le conseil. En outre, il n'y a aucune clause privative. Les tribunaux peuvent donc infirmer une décision qui est mauvaise du point de vue légal. Le bien‑fonds en cause était clairement désigné comme parc sur la carte établie conformémement à la politique du plan et on ne pouvait dire que l'aménagement de condominiums était conforme au plan.


Parties
Demandeurs : Assoc. des résidents du vieux st-boniface inc.
Défendeurs : Winnipeg (Ville)

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Sopinka
Distinction d'avec l'arrêt Wiswell v. Metropolitan Corporation of Greater Winnipeg, [1965] R.C.S. 512
arrêts mentionnés: R. ex rel Ellerby v. Winnipeg, [1930] 1 W.W.R. 914
Committee for Justice and Liberty c. Office national de l'énergie, [1978] 1 R.C.S. 369
Oley and Moffatt v. Fredericton (1984), 57 R.N.-B. (2e) 361
Re McGill and City of Brantford (1980), 111 D.L.R. (3d) 405
Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1989] 2 R.C.S. 879
Re Cadillac Development Corp. Ltd. and City of Toronto (1973), 1 O.R. (2d) 20
Re Blustein and Borough of North York, [1967] 1 O.R. 604
Re Moll and Fisher (1979), 23 O.R. (2d) 609
Valente c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 673
Council of Civil Service Unions v. Minister for the Civil Service, [1984] 3 All E.R. 935
Attorney General of Hong Kong v. Ng Yuen Shiu, [1983] 2 All E.R. 346
R. v. Hull Prison Board of Visitors, ex parte St. Germain, [1979] 1 All E.R. 701
Re Multi‑Malls Inc. and Minister of Transportation and Communications (1976), 14 O.R. (2d) 49
Re Canadian Occidental Petroleum Ltd. and District of North Vancouver (1983), 148 D.L.R. (3d) 255
Gaw v. Commissioner of Corrections (1986), 2 F.T.R. 122
Re Bruhn‑Mou and College of Dental Surgeons of British Columbia (1975), 59 D.L.R. (3d) 152
Save Richmond Farmland Society c. Richmond (Canton), [1990] 3 R.C.S. 000.
Citée par le juge en chef Lamer
Save Richmond Farmland Society c. Richmond (Canton), [1990] 3 R.C.S. 000.
Citée par le juge La Forest
Christie v. City of Winnipeg (1981), 16 M.P.L.R. 128.
Lois et règlements cités
City of Winnipeg Act, S.M. 1971, ch. 105, art. 1 (p. 2) "comité désigné" [aj. 1977, ch. 64, art. 2], 2(5), 20(1)e) [ad. 1977, ch. 64, art. 10], 495(3), 569f), 597.1(1) [aj. 1977, ch. 64, art. 82], 599 [mod. 1974, ch. 74, art. 33
1977, ch. 64, art. 84], 609(1), (2) [mod. 1972, ch. 93, art. 79
1974, ch. 73, s. 54
1977, ch. 64, art. 88
1982‑83‑84, ch. 96, art. 45], (2.1) [aj. 1974, ch. 73, art. 54
mod. 1975, ch. 50, art. 14
1977, ch. 64, art. 88
1982‑83‑84, ch. 96, art. 46], 610(1) [mod. 1974, ch. 73, art. 57], 611(1), 612(1) [mod. 1974, ch. 73, art. 58
ch. 74, art. 37], (2) [mod. 1977, ch. 64, art. 91], 614(1) [ad. 1982‑83‑84, ch. 96, art. 49], 615(1.1) [ad. 1978, ch. 53, art. 31
mod. 1982‑83‑84, ch. 96, art. 51], (3) [ad. 1978, ch. 53, art. 31
mod. 1982‑83‑84, ch. 96, art. 53], (4) [ad. 1978, ch. 53, art. 31].
Loi sur l'urbanisme, L.R.N.‑B. 1973, ch. C‑12, art. 68.
Loi sur les conflits d'intérêts au sein des conseil municipaux, L.R.M. 1987, ch. 255, art. 4, 5, 8.
Loi sur l'Office national de l'énergie, S.R.C. 1970, ch. N‑6, art. 44.
Ville de Winnipeg, règlements 965/75, 2960/81, 3336/82, 3829/84.
Doctrine citée
Rogers, Ian MacFee. Canadian Law of Planning and Zoning. Toronto: Carswells, 1973. (feuilles mobiles)
Rogers, Ian MacFee. The Law of Canadian Municipal Corporations, 2nd ed., vol. 1. Toronto: Carswells, 1971.

Proposition de citation de la décision: Assoc. des résidents du vieux st-boniface inc. c. Winnipeg (Ville), [1990] 3 R.C.S. 1170 (20 décembre 1990)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1990-12-20;.1990..3.r.c.s..1170 ?
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