R. c. Pringle, [1989] 1 R.C.S. 1645
Sa Majesté La Reine Appelante
c.
Julian Charles Pringle Intimé
répertorié: r. c. pringle
No du greffe: 19975.
1988: 13 octobre; 1989: 22 juin.
Présents: Les juges McIntyre, Lamer, Wilson, L'Heureux‑Dubé et Sopinka.
en appel de la cour d'appel de l'ontario
POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1986), 15 O.A.C. 108, 29 C.C.C. (3d) 150, 52 C.R. (3d) 350, qui a infirmé une déclaration de culpabilité prononcée par le juge Quinlan de la Cour de district et qui a inscrit un acquittement. Pourvoi rejeté.
David A. Fairgrieve, pour l'appelante.
James M. Novak, pour l'intimé
//Le juge Lamer//
Version française du jugement de la Cour rendu par
LE JUGE LAMER --
Introduction
Il s'agit d'un pourvoi interjeté par le ministère public contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario qui a infirmé la déclaration de culpabilité de M. Pringle à l'égard de l'infraction d'avoir utilisé une arme à feu lors de la perpétration d'un acte criminel et qui a inscrit un acquittement. Le ministère public demande à la Cour de rétablir la déclaration de culpabilité ou, subsidiairement, au cas où l'acquittement serait confirmé, de renvoyer l'affaire au juge du procès afin qu'il inscrive des déclarations de culpabilité à l'égard des chefs d'accusation découlant des mêmes faits. Le juge du procès n'a pas inscrit de déclaration de culpabilité à l'égard de ces derniers parce qu'il a appliqué le principe communément appelé le principe de l'arrêt Kienapple: voir Kienapple c. La Reine, [1975] 1 R.C.S. 729.
Les faits
Soupçonnant que sa femme avait une liaison avec son employeur, M. Pringle s'est rendu au lieu de travail de celle‑ci, muni d'un fusil chargé. Il a défié l'employeur avec son fusil, l'a braqué sur ce dernier et lui a dit qu'il allait [TRADUCTION] "le descendre". Il a levé le fusil mais, quand l'employeur s'est approché de lui, il a abaissé son arme. Les policiers sont arrivés, l'ont arrêté et ont porté contre lui quatre chefs d'accusation.
L'accusation
Premier chef: séquestration de l'employeur, infraction prévue au par. 247(2) du Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C‑34.
Deuxième chef: usage d'une arme à feu lors de la perpétration d'un acte criminel, infraction prévue à l'al. 83(1)a) du Code criminel.
Troisième chef: port d'arme (le fusil) dans un dessein dangereux pour la paix publique, infraction prévue à l'art. 85 du Code criminel.
Quatrième chef: braquer une arme à feu, sans excuse légitime, sur l'employeur, infraction prévue au par. 84(1) du Code criminel.
Le deuxième chef n'indique pas quel acte criminel l'accusé aurait perpétré en utilisant l'arme à feu.
Le juge du procès a acquitté l'accusé à l'égard du premier chef, celui de séquestration. L'acquittement n'a pas été porté en appel et nous n'en sommes pas saisis.
Le juge du procès a déclaré l'accusé coupable à l'égard du deuxième chef étant donné que le ministère public avait prouvé hors de tout doute raisonnable que M. Pringle avait commis des voies de fait, selon la définition donnée aux al. 244(1)b) ou c) du Code criminel, en menaçant de tirer sur l'employeur.
Pringle a plaidé coupable relativement au troisième chef et le juge l'a déclaré coupable quant au quatrième. Toutefois, aucune déclaration de culpabilité n'a été inscrite conformément au principe de l'arrêt Kienapple vu la déclaration de culpabilité inscrite à l'égard du deuxième chef. La Cour d'appel a annulé la déclaration de culpabilité mais ne s'est pas prononcée sur les deux chefs à l'égard desquels aucune déclaration de culpabilité n'a été inscrite en conformité avec l'arrêt Kienapple c. La Reine.
Le seul chef ayant fait l'objet d'un appel devant la Cour d'appel et devant cette Cour est celui portant sur l'utilisation d'une arme à feu lors de la perpétration d'un acte criminel.
Les questions en litige
La Cour doit trancher deux questions:
1. Peut‑il y avoir déclaration de culpabilité en vertu du par. 83(1) sans qu'il y ait préalablement une déclaration de culpabilité à l'égard de l'acte criminel au cours de la perpétration duquel une arme à feu aurait été utilisée?
2. Après avoir ordonné l'acquittement, la Cour d'appel a‑t‑elle commis une erreur en ne rendant pas d'ordonnance relativement aux troisième et quatrième chefs?
Les dispositions législatives pertinentes
Les dispositions pertinentes au regard du présent pourvoi sont l'art. 83, l'al. 613(1)a), les par. 613(2), (8) et 623(1) du Code criminel et l'art. 44 de la Loi sur la Cour suprême, S.R.C. 1970, chap. S‑19.
Code criminel
83. (1) Quiconque utilise une arme à feu
a) lors de la perpétration ou de la tentative de perpétration d'un acte criminel, ou
b) lors de sa fuite après avoir commis ou tenté de commettre un acte criminel,
qu'il cause ou non des lésions corporelles en conséquence ou qu'il ait ou non l'intention d'en causer, est coupable d'un acte criminel et passible d'un emprisonnement
c) d'au plus quatorze ans et d'au moins un an, dans le cas d'une première infraction au présent paragraphe, sauf dans les cas où l'alinéa d) s'applique; et
d) d'au plus quatorze ans et d'au moins trois ans, dans le cas d'une infraction au présent paragraphe subséquente à une première infraction ou dans le cas d'une première infraction au présent paragraphe commise par une personne qui, avant l'entrée en vigueur du présent paragraphe, avait déjà été trouvée coupable d'avoir commis un acte criminel, ou d'avoir tenté de le commettre, en employant une arme à feu lors de cette perpétration ou tentative de perpétration ou lors de sa fuite après la perpétration ou tentative de perpétration.
(2) La sentence imposée à une personne pour une infraction prévue au paragraphe (1) doit être purgée consécutivement à toute autre peine imposée pour une autre infraction basée sur les mêmes faits et à toute autre sentence qu'elle purge à ce moment‑là.
613. (1) Lors de l'audition d'un appel d'une déclaration de culpabilité ou d'un verdict portant que l'appelant est incapable de subir son procès, pour cause d'aliénation mentale, ou d'un verdict spécial de non‑culpabilité pour cause d'aliénation mentale, la cour d'appel
a) peut admettre l'appel, si elle est d'avis
(i) que le verdict devrait être rejeté pour le motif qu'il est déraisonnable ou ne peut pas s'appuyer sur la preuve,
(ii) que le jugement de la cour de première instance devrait être écarté pour le motif qu'il constitue une décision erronée sur une question de droit, ou
(iii) que, pour un motif quelconque, il y a eu erreur judiciaire;
. . .
(2) Lorsqu'une cour d'appel admet un appel en vertu de l'alinéa (1)a), elle doit annuler la condamnation et
a) ordonner l'inscription d'un jugement ou verdict d'acquittement, ou
b) ordonner un nouveau procès.
. . .
(8) Lorsqu'une cour d'appel exerce des pouvoirs conférés par le paragraphe (2), (4), (6) ou (7), elle peut en outre rendre toute ordonnance que la justice exige.
623. (1) La Cour suprême du Canada peut, sur un appel aux termes de la présente Partie, rendre toute ordonnance que la cour d'appel aurait pu rendre et peut établir tout règlement ou ordonnance nécessaire pour donner effet à son jugement.
Loi sur la Cour suprême
44. (1) Nul appel ne peut être interjeté à la Cour suprême d'un jugement ou d'une ordonnance rendue dans l'exercice d'une discrétion judiciaire, sauf dans les procédures de la nature d'une poursuite ou procédure en equity qui prend naissance ailleurs que dans la province de Québec et sauf dans les procédures de mandamus.
L'arrêt de la Cour d'appel: (1986), 29 C.C.C. (3d) 150
Le juge Dubin (alors juge de la Cour d'appel), aux motifs duquel ont souscrit les juges Thorson et Grange, a conclu que l'art. 83 avait été adopté afin d'imposer une responsabilité supplémentaire à l'accusé qui utilise une arme à feu en commettant un acte criminel. L'adoption de cet article avait pour but, selon les motifs du juge Dickson (maintenant juge en chef) dans l'arrêt McGuigan c. La Reine, [1982] 1 R.C.S. 284, de modifier la règle de common law interdisant les déclarations de culpabilité multiples et de permettre au ministère public d'obtenir des peines supplémentaires quand une arme à feu est utilisée pendant la perpétration d'une infraction. Le juge Dubin a également souligné le fait qu'aux termes du par. 83(2) une peine imposée en vertu du par. 83(1) doit être purgée consécutivement à toute autre peine imposée pour une autre infraction basée sur les mêmes faits. Il a donc décidé que pour que l'accusé puisse être déclaré coupable de l'infraction prévue au par. 83(1), soit d'avoir utilisé une arme à feu, il fallait qu'il ait d'abord été déclaré coupable de l'acte criminel qu'il aurait perpétré en utilisant l'arme à feu.
Le juge Dubin a souligné qu'en l'espèce l'accusé n'avait pas été déclaré coupable de séquestration, infraction que le ministère public avait à l'esprit lorsqu'il a porté une accusation en vertu du par. 83(1). Il a en outre conclu que l'accusé n'avait pas été inculpé ni déclaré coupable de voies de fait, et que, par conséquent, il était présumé innocent de cette infraction vu les dispositions du par. 5(1) du Code criminel. Puisqu'à son avis une déclaration de culpabilité à l'égard de l'infraction prévue au par. 83(1) n'est pas autonome, il a fait droit à l'appel, infirmé la déclaration de culpabilité et inscrit un verdict d'acquittement.
L'analyse
1.La nécessité d'une déclaration de culpabilité préalable à l'application du par. 83(1)
Je suis tout à fait d'accord avec le juge Dubin.
Le texte du par. 83(1) ne permet pas à lui seul de déterminer avec certitude s'il est nécessaire que l'accusé soit déclaré coupable de l'infraction sous‑jacente avant qu'il puisse être déclaré coupable de l'infraction d'avoir utilisé une arme à feu pendant la perpétration de l'infraction sous‑jacente.
Le ministère public soutient que cette question doit recevoir une réponse négative puisque le texte du par. 83(1) n'indique pas que le législateur voulait qu'il en soit ainsi. Il soutient, plus précisément, que le législateur aurait pu, si telle avait été son intention, indiquer clairement qu'il fallait une déclaration de culpabilité à l'égard de l'infraction sous‑jacente avant que l'accusé puisse être déclaré coupable de l'infraction prévue au par. 83(1).
Je ne puis partager l'avis du ministère public à cet égard. Le fait qu'une telle exigence eût pu être expresse ne signifie pas automatiquement qu'elle n'existe pas quand elle n'est pas ainsi expressément énoncée. À mon avis, il faut considérer plusieurs facteurs pour décider si l'exigence existe ou non, notamment la nature et le but de la disposition législative, l'objectif visé par le législateur, le résultat que produirait chaque solution, le libellé de l'article et l'inefficacité qu'entraînerait, par rapport au but visé, une interprétation donnée.
L'objectif que voulait atteindre le législateur en adoptant le par. 83(1) a été, comme le souligne le juge Dubin, clairement énoncé par le juge Dickson dans l'arrêt McGuigan c. La Reine, précité, à la p. 318:
Il semble clair que l'adoption de l'art. 83 avait pour but d'imposer une peine supplémentaire pour ce qui est, en réalité, une forme grave de vol qualifié. Le vol qualifié peut être commis sans possession ou usage d'une arme à feu. L'"usage" d'une "arme à feu" n'est pas un élément essentiel de l'acte criminel que constitue le vol qualifié. Une personne peut être déclarée coupable de ce crime en l'absence de pistolet, de revolver ou d'une autre arme à feu. [Je souligne.]
Cette disposition législative avait pour but de permettre au ministère public d'obtenir des peines supplémentaires lorsqu'une arme à feu est utilisée lors de la perpétration ou de la tentative de perpétration d'une infraction. Le ministère public prétend que les observations du juge Dickson ne constituaient qu'un obiter puisque, dans cette affaire, l'accusé était poursuivi tant pour l'infraction sous‑jacente (vol qualifié) que pour avoir utilisé une arme à feu lors de la perpétration de cette infraction et qu'il avait été déclaré coupable des deux infractions. Je ne puis accepter cet argument. Les observations du juge Dickson représentaient, vu les circonstances de l'affaire, plus qu'un obiter. À mon avis, il s'agissait d'observations d'application générale qui étaient nécessaires à la conclusion à laquelle il est parvenu. Je ne conteste pas le fait que cette décision ne règle pas la question soulevée en l'espèce. Néanmoins, elle est très utile car l'objectif et le but du par. 83(1) y sont énoncés avec clarté. De fait, il me semble indiscutable que l'objectif et le but d'une disposition restent les mêmes, en règle générale, peu importe le contexte dans lequel la disposition est invoquée.
Le législateur disposait de plusieurs moyens pour frapper d'une peine supplémentaire, en l'espèce une peine minimale, l'utilisation d'une arme à feu pendant la perpétration d'un acte criminel.
Il aurait pu le faire au moyen d'une disposition sur la détermination de la peine, comme le Code en contient relativement à certains cas de récidive. Il aurait pu aussi créer une infraction plus grave, comme dans le cas des voies de fait graves. Il convient de noter que la peine supplémentaire qui frappe l'infraction plus grave peut, dans un cas comme dans l'autre, prendre la forme d'une peine maximale plus sévère parfois assortie d'une peine minimale.
Si le ministère public a raison, l'infraction plus grave serait assortie d'une peine maximale (14 ans) dont la sévérité est moins grande que celle de la peine qui frappe bon nombre d'actes criminels prévus dans le Code (meurtre, cambriolage dans une maison d'habitation, vol qualifié, etc.) et d'une peine minimale (1 an) qui, du moins dans le cas du meurtre, est moins sévère. Pour que le par. 83(1) puisse logiquement permettre d'atteindre le but que, selon l'analyse de cette Cour, le législateur vise, c'est‑à‑dire l'imposition d'une peine supplémentaire, il est nécessaire de prévoir une peine qui s'ajoutera à une peine déjà prévue. Cela suppose l'imposition préalable d'une peine pour l'infraction sous‑jacente, et cette peine (encore qu'il puisse s'agir d'un sursis) ne peut être imposée que s'il y a d'abord eu une déclaration de culpabilité distincte et non pas une simple constatation de faits, laquelle serait suffisante si la prétention du ministère public était fondée.
Je me dois d'ajouter que, bien que la déclaration de culpabilité et la condamnation à l'égard de l'infraction sous‑jacente soient une condition préalable à celles prévue au par. 83(1), cela ne veut pas dire qu'elles ne seront pas prononcées simultanément comme en l'espèce. Au surplus, bien qu'il soit toujours souhaitable que les deux infractions fassent l'objet de chefs séparés si une seule accusation est portée, elles pourraient tout de même faire l'objet d'un seul chef. Bien entendu, il faudrait, pour remplir la condition préalable que je viens d'énoncer, c'est‑à‑dire une déclaration de culpabilité préalable distincte, que le chef soit un chef véritablement double (à ne pas confondre avec un chef multiple); c'est‑à‑dire que le chef devrait être libellé de telle façon que l'accusé sache clairement qu'il risque d'être déclaré coupable de deux infractions, clairement identifiées, soit l'infraction sous‑jacente et celle d'utilisation d'une arme à feu en commettant cette infraction. Une accusation d'utilisation d'une arme à feu en commettant des voies de fait n'est pas double, mais constitue une accusation aux termes de l'art. 83 et ne peut pas être jugée à moins qu'il existe un autre chef de voies de fait et une déclaration de culpabilité à cet égard.
Toutefois une accusation de voies de fait et d'utilisation d'une arme à feu lors de la perpétration de ce crime, infractions prévues à l'al. 244(1)b) et à l'art. 83 du Code criminel, satisfait à cette exigence. Le juge doit néanmoins déclarer un accusé coupable de voies de fait afin de le déclarer coupable d'utilisation d'une arme à feu.
Mais je le répète, les chefs doubles sont à éviter à cause des nombreuses difficultés de procédure qu'ils suscitent et la meilleure façon de procéder consiste à avoir des chefs ou des accusations distincts.
En l'espèce, l'infraction sous‑jacente, dans le contexte de l'accusation d'utilisation d'une arme à feu lors de la perpétration d'une infraction criminelle, semble être la séquestration. Toutefois, les mots employés dans l'acte d'accusation ne nous permettent pas d'en être certains. Je suis néanmoins d'avis qu'il n'est pas nécessaire d'identifier avec certitude cette infraction sous‑jacente pour trancher cette affaire.
Si la séquestration était l'infraction sous‑jacente qu'envisageait le ministère public au moment du dépôt de l'acte d'accusation, la Cour d'appel a eu raison d'accueillir l'appel et d'annuler le verdict de culpabilité prononcé relativement au par. 83(1) car l'intimé a été acquitté relativement au chef de séquestration de l'employeur Standish.
S'il ne s'agit pas de séquestration, le juge du procès a néanmoins commis une erreur de droit en déclarant l'accusé coupable d'utilisation d'une arme à feu en commettant des voies de fait. Aucun chef d'accusation de voies de fait n'a été porté contre l'accusé, que ce soit dans ce chef ou dans un chef distinct, et il ne pouvait donc pas en être déclaré coupable et de fait il ne l'a pas été.
Enfin, l'argument du ministère public selon lequel la Cour d'appel a commis une erreur de droit en annulant le verdict de culpabilité à l'égard de l'infraction prévue au par. 83(1), puisque l'accusé avait été déclaré coupable d'infractions lors de la perpétration desquelles il a utilisé une arme à feu, n'infléchit pas ma conclusion. Cet argument ne me semble pas bien fondé car, à mon avis, le chef doit préciser clairement l'infraction durant la perpétration de laquelle l'accusé aurait, suivant l'accusation, utilisé une arme à feu. De plus, le fait que le ministère public soulève cette question démontre pourquoi il est important d'identifier clairement l'infraction sous‑jacente. Cela illustre en effet l'une des nombreuses difficultés qui pourraient se poser en l'absence d'indication claire quant à l'infraction sous‑jacente.
2. Le renvoi de l'affaire au juge du procès
Le ministère public soutient que, après avoir fait droit à l'appel et annulé le verdict de culpabilité relativement à l'infraction prévue au par. 83(1), la Cour d'appel aurait dû exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le par. 613(8) du Code criminel et renvoyer l'affaire au juge du procès afin qu'il décide s'il y avait lieu d'inscrire un verdict de culpabilité à l'égard des troisième et quatrième chefs.
Des verdicts de culpabilité ont de fait été prononcés à l'égard de ces deux infractions, mais les verdicts de culpabilité n'ont pas été inscrits contre l'intimé en raison du principe de l'arrêt Kienapple. Comme le verdict de culpabilité prononcé relativement à l'infraction prévue au par. 83(1) a été annulé, l'application de ce principe peut être réexaminée.
De l'avis de l'appelante, l'art. 623 du Code criminel habilite cette Cour à renvoyer l'affaire au juge du procès afin qu'il décide si des verdicts de culpabilité auraient dû être inscrits relativement aux troisième et quatrième chefs car il prévoit notamment que cette Cour peut rendre toute ordonnance que la Cour d'appel aurait pu rendre.
L'intimé soutient par contre que cette Cour n'est pas investie de ce pouvoir à cause de l'art. 44 de la Loi sur la Cour suprême. Aux termes de celui‑ci, "Nul appel ne peut être interjeté à la Cour suprême d'un jugement ou d'une ordonnance rendue dans l'exercice d'une discrétion judiciaire", sous réserve de certaines exceptions sans importance en l'espèce.
L'article 44 de la Loi sur la Cour suprême ne vise, à mon avis, qu'à empêcher les parties de porter en appel une décision purement discrétionnaire. En l'espèce, le ministère public n'interjette pas appel d'une décision discrétionnaire. Il se pourvoit contre un jugement en alléguant une erreur de droit et, dans ce contexte, demande que soit révisé l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire accessoire à la décision contestée. Partant, l'art. 44 de la Loi sur la Cour suprême ne constitue pas un obstacle à la demande présentée par le ministère public.
Il reste à décider, puisqu'il s'agit d'un pouvoir discrétionnaire, si cette Cour devrait exercer sa discrétion de la manière demandée par le ministère public. Cette Cour hésite habituellement à intervenir et à annuler la décision rendue par un tribunal d'instance inférieure dans le contexte d'un pouvoir discrétionnaire.
Je suis toutefois d'avis que cette Cour devrait intervenir étant donné les circonstances de l'espèce. En effet, la Cour d'appel n'a pas exercé son pouvoir discrétionnaire d'une manière ou d'une autre. Il semble plutôt qu'elle n'ait même pas examiné la question de savoir s'il était opportun de renvoyer l'affaire au juge du procès. Ceci est d'ailleurs compréhensible puisqu'il appert que le ministère public n'a pas présenté de demande à cet effet et que les parties n'ont pas plaidé cette question. Il ne s'agit donc pas en l'espèce d'un cas où l'appelante, insatisfaite de la manière dont la Cour d'appel a exercé son pouvoir discrétionnaire, demande à cette Cour d'intervenir. Par conséquent, cette Cour a, à mon avis, toute liberté pour intervenir et exercer son propre pouvoir discrétionnaire comme le demande le ministère public.
Cette Cour a le pouvoir discrétionnaire de rendre l'ordonnance demandée par le ministère public. Le paragraphe 613(8) du Code criminel attribue clairement ce pouvoir à la Cour d'appel puisqu'il dispose que lorsque celle‑ci exerce des pouvoirs conférés par les par. (2), (4), (6) ou (7), elle peut en outre rendre toute ordonnance que la justice exige. L'article 623 du Code, par ailleurs, précise que cette Cour peut rendre toute ordonnance que la Cour d'appel aurait pu rendre. Comme la Cour d'appel aurait pu ordonner, en faisant droit à l'appel en application du par. 613(2), que le dossier, conformément au par. 613(8), soit renvoyé au juge du procès, cette Cour a, en vertu de l'art. 623, le pouvoir de rendre cette ordonnance.
Par conséquent, je suis d'avis qu'étant donné les circonstances de l'espèce, nous devrions, comme dans l'arrêt R. c. Terlecki, [1985] 2 R.C.S. 483, en rejetant le pourvoi, ordonner que le dossier soit renvoyé au juge du procès de façon qu'il puisse décider s'il y a lieu d'inscrire un verdict de culpabilité, à l'égard des troisième et quatrième chefs et ensuite de fixer la peine.
Je me dois finalement de mentionner le fait que le ministère public n'a pas interjeté appel de la décision du juge du procès de ne pas inscrire les verdicts de culpabilité à l'égard des troisième et quatrième chefs. Par conséquent, la décision du juge du procès d'appliquer le principe de l'arrêt Kienapple à ces deux chefs ou à l'un d'eux était et reste soustraite à notre pouvoir d'intervention.
En conséquence, je suis d'avis de rejeter le pourvoi interjeté contre l'acquittement et d'ordonner que le dossier soit renvoyé au juge du procès pour qu'il inscrive une déclaration de culpabilité ou un arrêt des procédures conformément au principe de l'arrêt Kienapple c. La Reine à l'égard des troisième et quatrième chefs et ensuite qu'il fixe la peine.
Pourvoi rejeté.
Procureur de l'appelante: Le procureur général de l'Ontario, Toronto.
Procureur de l'intimé: James M. Novak, Toronto.