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08/06/1989 | CANADA | N°[1989]_1_R.C.S._1554

Canada | Air canada c. Mcdonnell douglas corp., [1989] 1 R.C.S. 1554 (8 juin 1989)


Air Canada c. Mcdonnell Douglas Corp., [1989] 1 R.C.S. 1554

The Deutsch Company Appelante

et

McDonnell Douglas Corporation Appelante

c.

Air Canada et autres Intimées

répertorié: air canada c. mcdonnell douglas corp.

Nos du greffe: 20596, 20602.

1989: 17 mars; 1989: 8 juin.

Présents: Les juges Lamer, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Gonthier et Cory.

en appel de la cour d'appel du québec

Procédure civile -- Exception déclinatoire -- Compétence territoriale ‑- Destruction d'un avion d'Air Canada par incendie rés

ultant d'une explosion survenue dans une pompe à carburant -- Dommages survenus au centre d'entretien d'Air Canada à Dorval -- ...

Air Canada c. Mcdonnell Douglas Corp., [1989] 1 R.C.S. 1554

The Deutsch Company Appelante

et

McDonnell Douglas Corporation Appelante

c.

Air Canada et autres Intimées

répertorié: air canada c. mcdonnell douglas corp.

Nos du greffe: 20596, 20602.

1989: 17 mars; 1989: 8 juin.

Présents: Les juges Lamer, La Forest, L'Heureux‑Dubé, Gonthier et Cory.

en appel de la cour d'appel du québec

Procédure civile -- Exception déclinatoire -- Compétence territoriale ‑- Destruction d'un avion d'Air Canada par incendie résultant d'une explosion survenue dans une pompe à carburant -- Dommages survenus au centre d'entretien d'Air Canada à Dorval -- Omission du vendeur de l'avion et du fabricant de la pompe d'avertir Air Canada des défectuosités de la pompe — Action en dommages‑intérêts intentée au Québec contre le vendeur et le fabricant qui n'ont ni domicile ni biens dans la province -- Contrat d'achat de l'avion conclu aux États‑Unis où le vendeur et le fabricant ont leurs établissements -- La Cour supérieure a‑t‑elle compétence en vertu de l'art. 68(2) C.p.c.? -- Nature de la cause d'action: contractuelle ou quasi délictuelle — Code de procédure civile, L.R.Q, chap. C‑25, art. 68(2), 163 -- Code civil du Bas‑Canada, art. 1053.

Procédure civile -- Lieu d'introduction d'actions -- Lieu où toute la cause d'action a pris naissance -- Destruction d'un avion d'Air Canada par incendie résultant d'une explosion survenue dans une pompe à carburant — Dommages survenus au centre d'entretien d'Air Canada à Dorval -- Omission du vendeur de l'avion et du fabricant de la pompe d'avertir Air Canada des défectuosités de la pompe -- Action en dommages‑intérêts intentée au Québec contre le vendeur et le fabricant qui ont leurs établissements aux États‑Unis — Est‑ce que "toute la cause d'action" a pris naissance au Québec? -- Lieu de l'omission d'avertir -- Code de procédure civile, L.R.Q., chap. C‑25, art. 68(2).

Une explosion est survenue dans le réservoir de carburant auxiliaire d'un des avions d'Air Canada à son centre d'entretien de Dorval. L'incendie qui a suivi a détruit l'avion. Le hangar a également été endommagé. Air Canada avait acheté l'avion à McDonnell Douglas conformément à un contrat conclu en Californie. Le réservoir de carburant auxiliaire, la pompe et les conducteurs électriques y associés ont été conçus, fabriqués et installés dans l'avion par Deutsch. McDonnell Douglas et Deutsch ont leurs établissements aux États‑Unis et n'ont ni domicile ni biens dans la province.

Pour se faire indemniser de leur perte, Air Canada et les assureurs subrogés dans les droits d'Air Canada ont intenté une action devant la Cour supérieure, dans le district de Montréal. En vertu de l'al. 68(2) C.p.c., une action peut être portée "devant le tribunal du lieu où toute la cause d'action a pris naissance". Dans leur action, les intimées allèguent que l'explosion et l'incendie sont imputables à la faute dont ont fait preuve les appelantes en négligeant d'avertir Air Canada des défectuosités du réservoir de carburant auxiliaire, de la pompe et des conducteurs électriques y associés. Comme conséquence, Air Canada a subi une perte de 7 786 852 $. Les appelantes ont présenté des requêtes pour exception déclinatoire en alléguant que toute la cause d'action des intimées n'a pas pris naissance au Québec et que, par conséquent, la Cour supérieure du Québec n'a pas compétence pour instruire l'action. Le juge du procès a fait droit aux requêtes, mais la Cour d'appel a infirmé sa décision. Pour déterminer si la Cour supérieure a compétence en vertu de l'al. 68(2) C.p.c., cette Cour doit répondre à deux questions: (1) quelle est la cause d'action? et (2) toute la cause d'action a‑t‑elle pris naissance dans le district de Montréal?

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

La cause d'action des intimées est quasi délictuelle. Les trois éléments nécessaires pour une action fondée sur l'art. 1053 C.c.B.‑C. sont présents en l'espèce. Il y a faute: l'omission d'avertir Air Canada des défectuosités et dangers que les appelantes connaissaient. Il y a dommage: la perte de l'avion et les dommages causés au hangar. Il y a un lien de causalité entre les deux premiers éléments: les dommages sont imputables à l'omission de donner un avertissement. La cause d'action des intimées est également identique à la cause d'action relevée dans l'arrêt Wabasso où cette Cour a conclu que le fait pour un fabricant et vendeur de marchandises de ne pas avertir l'utilisateur de l'existence d'un danger caché dont il a connaissance constitue une omission qui justifie une action quasi délictuelle.

L'obligation d'avertir résulte de la connaissance, par le fabricant ou le vendeur, d'un danger caché des marchandises qu'il fabrique ou vend. La façon dont ce danger est apparu n'a aucune incidence sur l'obligation d'avertir. La condition dangereuse des marchandises fait tout simplement partie d'une situation de fait sous‑jacente et ne constitue pas un élément de la faute sur laquelle la cause d'action est fondée. Le fait que McDonnell Douglas soit partie à un contrat avec Air Canada et que McDonnell Douglas et Deutsch soient présumément responsables de l'existence du danger que présente le réservoir de carburant auxiliaire ne signifie pas pour autant que leur omission d'avertir Air Canada de ce danger ne constitue pas une faute qui, indépendamment de l'origine du danger, donne ouverture à une action quasi délictuelle.

Lorsqu'on allègue l'existence d'un défaut ou d'un danger caché dans la chose vendue, l'action n'est pas nécessairement fondée sur la garantie contre les défauts cachés prévue aux art. 1522 et suiv. C.c.B.‑C. et par conséquent contractuelle. Le demandeur qui est partie à un contrat peut choisir de poursuivre le défendeur sur la base du contrat ou d'un quasi‑délit, pourvu, bien entendu, que les faits constituent une faute délictuelle autant que contractuelle. Bien que les faits allégués par les intimées en l'espèce puissent donner lieu à plusieurs causes d'action, leur déclaration indique clairement qu'elles ont choisi de fonder leur action sur l'art. 1053 C.c.B.‑C. Le fait que les intimées ne mentionnent aucunement dans leur déclaration le contrat de vente conclu entre Air Canada et McDonnell Douglas, ne peut qu'indiquer que leur action n'est pas de nature contractuelle.

La Cour supérieure, district de Montréal, a compétence en vertu de l'al. 68(2) C.p.c. pour instruire l'action des intimées. Aux fins d'établir la compétence conformément à l'al. 68(2) C.p.c., le lieu de l'omission d'avertir doit être déterminé en fonction de l'endroit où l'obligation préexistante aurait dû être remplie, c'est‑à‑dire là où se trouve l'utilisateur, ou encore là où les biens sont utilisés, savoir en l'espèce, au centre d'entretien d'Air Canada à Dorval. Puisque les dommages se sont également produits à Dorval, il s'ensuit que "toute la cause d'action" a pris naissance dans le district de Montréal car les trois éléments de l'action fondée sur l'art. 1053 C.c.B.‑C. (la faute, le dommage et le lien de causalité) se sont produits dans ce district.

Jurisprudence

Arrêt appliqué: Wabasso Ltd. c. National Drying Machinery Co., [1981] 1 R.C.S. 578; arrêt interprété: Trower and Sons, Ltd. v. Ripstein, [1944] A.C. 254; distinction d'avec l'arrêt: Canadian Motor Sales Corp. c. Lemay, [1979] C.A. 295; arrêt mentionné: Ross v. Dunstall (1921), 62 R.C.S. 393.

Lois et règlements cités

Code civil du Bas‑Canada, art. 1053, 1522 et suiv.

Code de procédure civile, L.R.Q., chap. C‑25, art. 68, 163.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel du Québec, [1987] R.D.J. 232, 12 Q.A.C. 121, qui a infirmé un jugement de la Cour supérieure, J.E. 85‑280. Pourvoi rejeté.

Guy Gilbert, c.r., pour l'appelante The Deutsch Co.

François Rolland et Stephen Hamilton, pour l'appelante McDonnell Douglas Corp.

Edouard Baudry et Odette Jobin‑Laberge, pour les intimées.

//Le juge Gonthier//

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE GONTHIER —

Introduction

La compétence territoriale des tribunaux du Québec est définie principalement à l'art. 68 du Code de procédure civile, L.R.Q., chap. C‑25 ("C.p.c.") Cet article prévoit que, règle générale, les actions doivent être portées devant le tribunal du domicile du défendeur. Cependant, le deuxième alinéa de l'art. 68 C.p.c. porte qu'un demandeur peut intenter une action "[d]evant le tribunal du lieu où toute la cause d'action a pris naissance."

Un avion d'Air Canada a été détruit par un incendie. Afin de se faire indemniser de leur perte, Air Canada et les assureurs subrogés dans les droits d'Air Canada ont intenté une action devant la Cour supérieure, dans le district de Montréal. Toutes les défenderesses désignées par les intimées sont étrangères et ne sont pas domiciliées au Québec. Deux des défenderesses, les appelantes en l'espèce, ont présenté une requête pour exception déclinatoire: elles prétendent que toute la cause d'action des intimées n'a pas pris naissance au Québec et que, par conséquent, la Cour supérieure du Québec n'a pas compétence pour instruire l'action. L'issue du présent pourvoi dépend donc de la nature de la cause d'action des intimées et du sens de l'expression "toute la cause d'action" contenue à l'al. 68(2) C.p.c.

Les faits et les procédures

Afin de déterminer si la Cour supérieure a compétence, il faut tenir pour avérées les allégations de fait contenues dans la déclaration des intimées.

Les intimées prétendent que, le 2 juin 1982, une explosion s'est produite dans le réservoir de carburant auxiliaire d'un avion DC‑9 d'Air Canada alors qu'on se préparait à rénover l'intérieur de l'appareil au centre d'entretien d'Air Canada, à Dorval. L'explosion fut suivie d'un incendie qui a causé des dommages importants à l'avion, d'où la perte totale de l'appareil. Le hangar a également été endommagé.

L'avion avait été conçu et fabriqué par l'appelante McDonnell Douglas Corporation ("McDonnell Douglas"), connue à l'époque sous le nom de Douglas Aircraft Company, Inc. Air Canada avait acheté l'avion à Douglas Aircraft Company, Inc. en juillet 1968, conformément à un contrat de vente d'un certain nombre d'avions DC‑9, conclu en 1964 en Californie, entre Douglas Aircraft Company, Inc. et le prédécesseur d'Air Canada, les Lignes aériennes Trans‑Canada. L'avion avait été livré en Californie.

Le réservoir de carburant auxiliaire, la pompe de transfert et les conducteurs électriques y associés ont été conçus, fabriqués et installés dans l'avion par l'appelante The Deutsch Company ("Deutsch"). Au paragraphe 5 de leur déclaration, les intimées allèguent que ces composantes de l'avion étaient défectueuses:

[TRADUCTION] 5. Le réservoir de carburant auxiliaire, la pompe de transfert ainsi que les conducteurs et le connecteur électriques y associés ont été conçus, fabriqués et installés de manière négligente et incorrecte. En effet:

a)Le moteur d'entraînement de la pompe de transfert, le faisceau de conducteurs et le connecteur électriques y associés ont été montés à l'intérieur du réservoir, où ils risquaient de causer une explosion, alors qu'il aurait été possible et préférable de les placer à l'extérieur.

b)Bien qu'ils aient été montés à l'intérieur du réservoir et susceptibles, de ce fait, de se trouver dans une atmosphère explosive (mélange air‑vapeurs de carburant), le moteur de la pompe, les conducteurs et le connecteur électriques y associés ne respectaient pas les normes du code de l'électricité ni les règles de l'art concernant la conception du matériel destiné aux atmosphères dangereuses.

c)Le connecteur de la pompe de transfert n'était pas isolé correctement et n'offrait pas de ce fait une protection adéquate, dans les conditions normales et prévisibles de fonctionnement, contre l'éventualité que le carburant ou les vapeurs dégagées par celui‑ci entrent en contact avec les connexions électriques.

d)Les différents contacts du connecteur de la pompe de transfert étaient susceptibles de produire des étincelles.

Les intimées allèguent que les appelantes ont pris connaissance de l'existence des défauts des composantes et du danger qu'ils présentaient, après la livraison de l'avion. Malgré cela, ni l'une ni l'autre des appelantes n'a pris de mesures pour avertir Air Canada des défectuosités et des dangers en résultant, que ce soit par voie de bulletins de service, que McDonnell Douglas envoyait régulièrement à Air Canada, à son centre d'entretien à Dorval, pour l'informer des modifications techniques apportées à l'avion, ou autrement. Les intimées allèguent qu'en raison de la faute que les appelantes ont commise en omettant de donner un avertissement, Air Canada a subi une perte de 7 786 852 $.

Les appelantes ont répondu au bref d'assignation et à la déclaration des intimées par voie de requêtes pour exception déclinatoire, conformément à l'art. 163 C.p.c.

Les dispositions législatives pertinentes

Les dispositions législatives utiles pour statuer sur le présent pourvoi sont les art. 68 et 163 C.p.c.:

68. Sous réserve des dispositions des articles 70, 71, 74 et 75, et nonobstant convention contraire, l'action purement personnelle peut être portée:

1. Devant le tribunal du domicile réel du défendeur, ou, dans les cas prévus à l'article 85 du Code civil, devant celui de son domicile élu.

Si le défendeur n'est pas domicilié au Québec, mais qu'il y réside ou y possède des biens, il peut être assigné soit devant le tribunal de sa résidence, soit devant celui où se trouvent ces biens, soit devant celui du lieu où la demande lui est signifiée en mains propres;

2. Devant le tribunal du lieu où toute la cause d'action a pris naissance; ou, dans le cas d'une action fondée sur un libelle de presse, devant le tribunal du district où réside le demandeur, lorsque l'écrit y a circulé;

3. Devant le tribunal du lieu où a été conclu le contrat qui donne lieu à la demande.

Le contrat d'où résulte une obligation de livrer, et qui a été négocié par l'entremise d'un tiers qui n'était pas le représentant du créancier de cette obligation, est tenu pour avoir été conclu au lieu où ce dernier a donné son consentement.

163. Le défendeur assigné devant un tribunal autre que celui où la demande eût dû être portée, peut demander le renvoi devant le tribunal compétent relevant de l'autorité législative du Québec, ou, à défaut, le rejet de la demande.

Les décisions des tribunaux d'instance inférieure

Le juge Turmel de la Cour supérieure a statué sur les requêtes pour exception déclinatoire le 18 janvier 1985: J.E. 85-280. À son avis, la compétence de la Cour supérieure ne pourrait trouver son fondement qu'à l'al. (2) de l'art. 68 C.p.c. L'alinéa 68(1) C.p.c. ne serait d'aucune utilité puisque ni McDonnell Douglas ni Deutsch n'étaient domiciliées ni ne possédaient de biens dans la province de Québec. L'alinéa 68(3) C.p.c. était tout aussi inapplicable puisque le contrat entre McDonnell Douglas et Air Canada avait été conclu en Californie et non au Québec. Par conséquent, la Cour supérieure n'aurait compétence que si, pour reprendre les termes de l'al. 68(2) C.p.c., "toute la cause d'action a pris naissance" au Québec.

Le juge Turmel a considéré que l'action des intimées était de nature tant contractuelle que délictuelle. Pour avoir gain de cause, les intimées devaient faire la preuve non seulement des dommages subis, mais encore de l'existence d'une faute de la part des appelantes et de celle d'un lien de causalité entre la faute et les dommages. D'après le juge Turmel, l'action des intimées découlait de l'inexécution, par les appelantes, de leurs obligations respectives à titre de concepteur, de fabricant et de vendeur d'un avion défectueux, et de leur omission d'avoir averti l'utilisateur ou l'acquéreur de l'existence de ces défauts. Le juge Turmel a conclu que ces fautes ont été commises en Californie, là où l'avion a été vendu et livré. On ne pouvait dire que toute la cause d'action avait pris naissance au Québec: seuls les dommages ont été subis au Québec et ils ne sauraient, à eux seuls, engager la responsabilité. Le juge Turmel a accueilli les requêtes et rejeté l'action des intimées.

La Cour d'appel n'a pas souscrit à l'opinion du juge Turmel. Selon le juge Chouinard qui s'est exprimé au nom de la cour, l'arrêt de la Cour suprême Wabasso Ltd. c. National Drying Machinery Co., [1981] 1 R.C.S. 578, l'obligeait à conclure que toute la cause d'action des intimées avait pris naissance au Québec. La définition de "toute la cause d'action" adoptée par le Conseil privé dans l'arrêt Trower and Sons, Ltd. v. Ripstein, [1944] A.C. 254, à la p. 259, selon laquelle [TRADUCTION] ". . . cette expression doit signifier tous les faits, causes, moyens et motifs allégués dans la déclaration qui, s'ils sont contestés, doivent être établis en preuve", n'est plus applicable.

L'essentiel de l'arrêt de la Cour d'appel, publié à (1987), 12 Q.A.C. 121, figure dans les paragraphes suivants, aux pp. 126 et 127:

Dans la présente espèce, la source du droit est certes le contrat de vente au moins entre Air Canada et McDonnell Douglas, ce qui est différent quant à Deutsch Company, également poursuivie. La cause immédiate de l'action est cependant l'inexécution d'une obligation qui résulte de la loi relativement au devoir d'avertir ou de prévenir d'un danger connu l'usager d'un avion surtout lorsque celui‑ci est aidé quant à l'entretien particulier de l'appareil par des bulletins d'entretien de la compagnie manufacturière, experte en la matière, qui lui sont livrés à son bureau‑chef, en l'occurrence au bureau d'Air Canada à Montréal.

La seule allégation de connaissance des défauts de certaines pièces rattachées ou à la fabrication ou à l'usage outre l'absence d'avis en termes appropriés à l'usager de l'avion, ajoutée à l'incendie et aux dommages, me semblent suffisants (sic) pour constituer "toute la cause d'action". Assumant le défaut de notification à Montréal, endroit où les bulletins d'entretien étaient livrés par McDonnell Douglas, de tels faits, en les supposant prouvés, peuvent entraîner la condamnation des défenderesses. Ainsi, la cause d'action quasi délictuelle aurait pris naissance dans le district de Montréal, indépendamment d'une autre base contractuelle possible de l'action. Le choix appartenait aux appelants dont Air Canada. [J'ai omis les renvois.]

Dans un arrêt du 6 juillet 1987, la Cour d'appel a écarté la décision de la Cour supérieure et rejeté les requêtes pour exception déclinatoire. Les appelantes ont demandé l'autorisation de se pourvoir devant cette Cour, ce qui leur a été accordé le 17 décembre 1987, [1987] 2 R.C.S. viii.

La question en litige et les arguments des parties

Toutes les parties au présent pourvoi conviennent que les al. (1) et (3) de l'art. 68 C.p.c. ne confèrent aucune compétence à la Cour supérieure pour ce qui est d'instruire l'action des intimées. Cette Cour n'est donc saisie que d'une seule question: la Cour supérieure est‑elle compétente en vertu de l'al. 68(2) C.p.c.? En d'autres termes, les faits allégués par les intimées dans leur déclaration démontrent‑ils que "toute la cause d'action" a pris naissance au Québec?

Les appelantes admettent toutes deux que, suivant l'arrêt Wabasso, précité, de cette Cour, le fait que McDonnell Douglas et Air Canada aient conclu un contrat n'empêche pas cette dernière d'intenter des poursuites de nature délictuelle ou quasi délictuelle. D'ailleurs, Deutsch reconnaît que l'action des intimées est de nature délictuelle: il n'existe aucun contrat entre Air Canada et Deutsch.

McDonnell Douglas fait valoir que l'action des intimées est de nature contractuelle. Invoquant l'arrêt Canadian Motor Sales Corp. c. Lemay, [1979] C.A. 295, elle laisse entendre que, comme Air Canada demande réparation pour des dommages imputables à des défauts cachés de la chose qu'on lui a vendue, la poursuite d'Air Canada est fondée sur la garantie contre les défauts cachés prévue aux art. 1522 et suiv. C.c.B.‑C. Cette garantie entre en vigueur en même temps que le contrat de vente et puisque le contrat n'a pas été conclu au Québec, la Cour supérieure ne saurait avoir compétence.

Cependant, McDonnell Douglas prétend que, même si on admettait que l'action intentée par Air Canada est fondée sur un quasi‑délit, l'al. 68(2) C.p.c. ne conférerait pas compétence à la Cour supérieure. McDonnell Douglas et Deutsch font valoir toutes deux qu'une cause d'action fondée sur l'art. 1053 C.c.B.‑C. est composée de trois éléments: le dommage, la faute et le lien de causalité entre la faute et le dommage. Pour que toute la cause d'action prenne naissance au Québec, chacun de ces trois éléments doit s'être produit dans cette province. Elles reconnaissent volontiers que le dommage a été subi au Québec. Toutefois, il n'en est pas ainsi de la faute. Elles prétendent que la déclaration des intimées démontre que la faute imputée à McDonnell Douglas et à Deutsch est "continue": elle a commencé par la négligence ou l'incurie dans la conception, la fabrication et l'installation du réservoir de carburant auxiliaire, s'est poursuivie par la prise de connaissance des défectuosités du réservoir de carburant auxiliaire et s'est terminée par l'omission d'avertir Air Canada de l'existence de ces défectuosités. La faute, sous chacun de ses aspects, a été commise aux États‑Unis: c'est là que le réservoir de carburant auxiliaire a été conçu, fabriqué et installé, c'est là que Deutsch et McDonnell Douglas auraient pris connaissance des défectuosités et du danger qu'elles présentaient, et c'est là que les appelantes n'ont rien fait pour informer Air Canada du danger. La position de Deutsch s'écarte quelque peu de celle de McDonnell Douglas en ce que le procureur de Deutsch a admis à l'audience que si cette dernière avait eu l'obligation d'avertir Air Canada, l'avertissement aurait dû être donné à Air Canada, à son centre d'entretien de Dorval. Néanmoins, la faute "continue" n'a pas été commise au Québec.

Les intimées conviennent avec les appelantes qu'une cause d'action fondée sur un quasi‑délit est composée de trois éléments, savoir la faute, le dommage et le lien de causalité. Elles admettent que la Cour supérieure n'aura compétence, en vertu de l'al. 68(2) C.p.c., que si chacun des éléments de la cause d'action a pris naissance au Québec. Cependant, elles ne qualifient pas de la même manière que les appelantes l'élément de faute. La faute commise par les appelantes et d'autres défenderesses, aux fins d'établir "toute la cause d'action" au sens de l'al. 68(2) C.p.c., est l'omission d'avertir Air Canada. Cette omission suffit à elle seule pour justifier une action quasi délictuelle. Le lieu d'une omission, savoir en l'espèce l'omission d'avertir, est l'endroit où l'acte omis aurait dû être accompli. D'après les intimées, ce lien est le centre d'entretien d'Air Canada, à Dorval. Puisque les dommages et la faute se situent au Québec, plus précisément dans le district judiciaire de Montréal, Air Canada conclut que la Cour supérieure, district de Montréal, a compétence pour entendre l'action conformément à l'al. 68(2) C.p.c.

L'analyse

La question dont est saisie cette Cour consiste à déterminer si les intimées ont eu raison d'intenter leur action devant la Cour supérieure du Québec, district de Montréal. Cette action aura été intentée dans le ressort approprié si les critères énoncés à l'al. (2) de l'art. 68 C.p.c. sont respectés. Pour des raisons de commodité, je reproduis ci‑dessous le texte de l'al. 68(2) C.p.c.:

68. Sous réserve des dispositions des articles 70, 71, 74 et 75, et nonobstant convention contraire, l'action purement personnelle peut être portée:

. . .

2. Devant le tribunal du lieu où toute la cause d'action a pris naissance;. . .

Pour établir si la Cour supérieure a compétence en vertu de l'al. 68(2) C.p.c., il nous faut répondre à deux questions: (1) quelle est la cause d'action? et (2) toute cette cause d'action a‑t‑elle pris naissance dans le district de Montréal? J'examinerai tour à tour chacune de ces questions.

1) La cause d'action

La cause d'action comprend certains faits qui, s'ils sont prouvés, confèrent au demandeur le droit d'obtenir réparation du défendeur. La cause d'action des intimées est énoncée aux paragraphes 13 et 14 de leur déclaration:

[TRADUCTION] 13. L'explosion et l'incendie sont imputables à la faute, à la négligence et à l'imprudence dont ont fait preuve les défenderesses en négligeant d'informer Air Canada, par le biais de bulletins de service ou autrement, des défectuosités du réservoir de carburant auxiliaire, de la pompe ainsi que des conducteurs et du connecteur électriques y associés, et de recommander des mesures immédiates visant à éliminer les dangers que présentaient ces défectuosités, même si elles avaient pris connaissance de ces défectuosités et dangers avant le 2 juin 1982.

14. En raison de la faute, de la négligence et de l'incompétence des défenderesses, Air Canada a subi une perte de sept millions cinq cent mille dollars (7 500 000 $) suite à la perte totale de l'avion, savoir la valeur de l'avion au 2 juin 1982, et a subi une perte supplémentaire de deux cent quatre‑vingt‑six mille huit cent cinquante‑deux dollars (286 852 $) imputable aux dommages causés à d'autres biens et matériel situés près de l'avion, dont le hangar, ou à leur destruction.

Les intimées estiment que leur action est de nature quasi délictuelle. Je suis d'accord avec cette qualification. Une action fondée sur l'art. 1053 C.c.B.‑C. comporte trois éléments: la faute, le dommage et le lien de causalité entre les deux premiers éléments. Ces trois éléments sont tous allégués dans les paragraphes susmentionnés de la déclaration des intimées. Il y a dommage: une perte alléguée de 7 786 852 $. Il y a faute: l'omission d'avertir Air Canada des défectuosités et dangers que les défenderesses connaissaient. Et les intimées affirment clairement que les dommages sont imputables à la faute.

La cause d'action des intimées est identique à la cause d'action relevée dans l'arrêt Wabasso, précité. Dans l'arrêt Wabasso ainsi que dans l'arrêt antérieur Ross v. Dunstall (1921), 62 R.C.S. 393, cette Cour a conclu que le fait, pour un fabricant et vendeur de marchandises, de ne pas avertir l'utilisateur d'un danger caché dont il a connaissance constitue une omission qui justifie une action quasi délictuelle. Dans l'arrêt Wabasso, Wabasso Ltd. avait acheté à National Drying Machinery Company des machines destinées au traitement du polyester. Un incendie imputable à l'accumulation de fibres dans la partie supérieure des machines a détruit l'usine de Wabasso Ltd. située à Trois‑Rivières. Dans les manuels d'instructions donnés à Wabasso Ltd., on ne mentionnait pas la nécessité de nettoyer la partie supérieure des machines qui paraissait fermée de façon permanente; les employés de National Drying Machinery Company n'en ont pas informé Wabasso Ltd. non plus lorsqu'ils se sont présentés à l'usine de Wabasso Ltd. pour y installer les machines et y enseigner leur mode d'utilisation aux employés de cette compagnie. S'exprimant au nom de la Cour, le juge Chouinard a cité en l'approuvant, à la p. 590, le passage suivant de l'opinion du juge Paré de la Cour d'appel. Le juge Paré explique ainsi la nature de la cause d'action de Wabasso Ltd.:

En effet, considéré sous l'article 1053 C.C., ce n'est plus tellement la vente qui engendre ici la responsabilité mais bien le fait que l'appelante a toléré que l'intimée se serve d'un objet fabriqué par elle et dont elle connaît les dangers à l'usage sans l'avertir de ce danger. Cette obligation d'avertir devient la source de la responsabilité et elle existe, peu importe qu'il y ait ou non contrat. C'est ici un élément de faute qu'on pourrait invoquer sans recours au contrat, car c'est le devoir de quiconque, plaçant entre les mains d'une autre personne un objet, dont il connaît les dangers à l'usage, de l'en avertir.

Il y a une légère différence entre les faits de l'espèce et ceux dont il était question dans l'affaire Wabasso. En l'espèce, les intimées allèguent que le danger caché, dont découlait l'obligation des appelantes de donner un avertissement, est imputable à la faute commise par les appelantes dans la conception, la fabrication et l'installation du réservoir de carburant auxiliaire. Par contre, le danger caché des machines vendues à Wabasso Ltd. était attribuable non pas à un défaut de conception ou de fabrication, mais simplement à une particularité conceptuelle faisant en sorte que la partie supérieure des machines de traitement à la chaleur paraissait fermée de façon permanente.

Cependant, l'obligation d'avertir résulte de la connaissance, par le fabricant ou le vendeur, d'un danger caché des marchandises qu'il fabrique ou vend. La façon dont ce danger est apparu n'a aucune incidence sur l'obligation d'avertir. La condition dangereuse des marchandises fait tout simplement partie d'une situation de fait sous‑jacente et ne constitue pas un élément de la faute sur laquelle la cause d'action est fondée. Par conséquent, un défaut de fabrication, une particularité conceptuelle, comme c'était le cas dans l'affaire Wabasso ou la simple usure normale pourraient créer un danger qui, s'il était connu du fabricant ou du vendeur, susciterait une obligation d'avertir. Le fait que McDonnell Douglas soit partie à un contrat avec Air Canada et que McDonnell Douglas, Deutsch et les autres défenderesses soient présumément responsables de l'existence du danger que présente le réservoir de carburant auxiliaire ne signifie pas pour autant que leur omission d'avertir Air Canada de ce danger ne constitue pas une faute qui, indépendamment de l'origine du danger, donne ouverture à une action quasi délictuelle.

Cependant, McDonnell Douglas soutient que l'action des intimées n'est pas de nature quasi délictuelle. Elle laisse entendre que leur allégation de négligence dans la conception, la fabrication et l'installation du réservoir de carburant auxiliaire et les dangers imputables à cette négligence constituent une allégation de défauts cachés de la chose vendue. Invoquant l'arrêt Canadian Motor Sales Corp. c. Lemay, précité, McDonnell Douglas conclut que l'action des intimées est fondée sur la garantie contre les défauts cachés prévue aux art. 1522 et suiv. C.c.B.‑C. et qu'elle est donc contractuelle.

Je ne suis pas convaincu par les arguments de McDonnell Douglas. L'arrêt Canadian Motor Sales Corp. ne ressemble aucunement à l'espèce. Cette affaire portait sur une action en garantie. Le vendeur d'une automobile, M. Lemay, était poursuivi par l'acheteur à la suite de la perte de certains objets qui se trouvaient dans la voiture au moment où celle‑ci a été détruite par un incendie. M. Lemay a appelé en garantie sa propre venderesse, Canadian Motor Sales Corporation Ltd. Les deux actions ont été accueillies en première instance, mais Canadian Motor Sales Corporation Ltd. a interjeté appel. En appel, M. Lemay a tenté de faire valoir que la cause d'action de l'acheteur était de nature délictuelle. La Cour d'appel a conclu que l'action principale était fondée sur les art. 1522 et suiv. C.c.B.‑C. et qu'elle aurait dû être intentée dans le délai imparti à l'art. 1530 C.c.B.‑C. L'action principale n'ayant pas été intentée dans un délai raisonnable, Canadian Motor Sales Corporation Ltd., à titre de défenderesse en garantie, avait le droit de soulever ce moyen de défense contre M. Lemay puisque ce dernier avait négligé de le faire contre l'acheteur.

Je ne vois rien dans l'arrêt Canadian Motor Sales Corp. qui justifie l'énoncé de principe selon lequel l'action intentée par le demandeur qui allègue l'existence d'un défaut ou d'un danger caché dans la chose qu'on lui a vendue est nécessairement fondée sur la garantie contre les défauts cachés prévue aux art. 1522 et suiv. C.c.B.‑C. Un tel principe serait contraire à l'arrêt Wabasso de cette Cour portant que le demandeur qui est partie à un contrat peut choisir de poursuivre le défendeur sur la base du contrat ou d'un quasi‑délit, pourvu, bien entendu, que les faits constituent une faute délictuelle autant que contractuelle. En l'espèce, les faits allégués par les intimées peuvent donner lieu à plusieurs causes d'action. Cependant, le paragraphe 13 de la déclaration des intimées indique clairement que ces dernières ont choisi de fonder leur action sur l'art. 1053 C.c.B.‑C. Le fait que les intimées ne mentionnent aucunement dans leur déclaration le contrat de vente conclu entre Air Canada et McDonnell Douglas, ne peut qu'indiquer que leur action n'est pas de nature contractuelle.

2) Le lieu de la cause d'action

Donc, la cause d'action des intimées est quasi délictuelle. Elle comporte trois éléments. Premièrement, la faute: les défenderesses, qui savaient que le réservoir de carburant auxiliaire et les conducteurs électriques y associés étaient défectueux et présentaient un danger pour l'utilisateur de l'avion, ont omis d'informer Air Canada de ce danger. Deuxièmement, le dommage: la perte de l'avion et les dommages causés au hangar. Troisièmement, le lien de causalité: les dommages sont imputables à l'omission de donner un avertissement.

La Cour supérieure, district de Montréal, sera compétente pour instruire l'action des intimées si chacun de ces trois éléments a pris naissance dans le district judiciaire de Montréal, de manière à satisfaire à l'exigence de l'al. 68(2) C.p.c. que "toute la cause d'action a[it] pris naissance" dans ce district. Les intimées et les appelantes conviennent qu'Air Canada a subi les dommages à Montréal. Il reste toutefois à déterminer si la faute alléguée par les intimées a été commise à Montréal.

La faute reprochée par les intimées prend la forme d'une omission. Une omission n'est en soi située nulle part puisque, par définition, il s'agit d'un acte qui n'a pas été accompli. Néanmoins, il faut situer l'omission afin de définir la compétence de la Cour supérieure, conformément à l'al. 68(2) C.p.c. Les intimées prétendent qu'il faut conclure que l'omission d'avertir du danger que présentait le réservoir de carburant auxiliaire a eu lieu au centre d'entretien d'Air Canada, à Dorval. Je suis d'accord avec cela.

Puisque l'omission d'avertir est un acte qui n'a pas été accompli, il faut recourir à un autre critère que l'omission elle‑même pour déterminer le lieu de l'omission aux fins d'établir la compétence conformément à l'al. 68(2) C.p.c. L'omission d'avertir ne constitue une faute que s'il y a une obligation préexistante d'informer de l'existence d'un danger. À mon avis, le lieu de l'omission d'avertir doit donc être déterminé en fonction de l'endroit où l'obligation préexistante aurait dû être remplie. L'obligation d'avertir l'utilisateur de ces biens ne peut être remplie qu'en donnant un avertissement là où il sera utile: de par sa nature même, un avertissement doit être reçu à l'endroit et au moment qui permettront à l'utilisateur des biens d'agir de façon à éviter le danger qui fait l'objet de cet avertissement. Le lieu de l'omission d'avertir est l'endroit où l'avertissement aurait dû être reçu, c'est‑à‑dire là où se trouve l'utilisateur, ou encore là où les biens sont utilisés.

En l'espèce, les appelantes et les autres défenderesses étaient tenues, si l'on tient pour avérés les faits allégués par les intimées, d'informer Air Canada des dangers que présentait le réservoir de carburant auxiliaire défectueux. Cette obligation aurait dû être remplie au centre d'entretien d'Air Canada, à Dorval: c'est à cet endroit qu'Air Canada aurait pu prendre des mesures pour éliminer le danger. Deux faits comportent l'indication d'une reconnaissance tacite, du moins de la part de l'appelante McDonnell Douglas, que l'avertissement de l'existence d'un danger caché dans l'avion aurait dû être donné à Air Canada, à son centre de Dorval. Tout d'abord, McDonnell Douglas avait l'habitude d'envoyer des bulletins de service, portant sur des modifications techniques à apporter à l'avion DC‑9, à Air Canada, à son centre d'entretien situé à Dorval. Ensuite, un représentant de McDonnell Douglas se trouve au centre d'entretien d'Air Canada. Ce représentant est chargé notamment de recevoir les "bulletins d'alerte" qui préviennent le récipiendaire de l'envoi imminent d'un bulletin de service hautement prioritaire par McDonnell Douglas, et d'acheminer ces bulletins au personnel compétent d'Air Canada. Par conséquent, la faute alléguée par les intimées a été commise dans le district judiciaire de Montréal.

Avant de conclure, j'aimerais formuler certains commentaires sur l'argumentation considérable que les appelantes ont consacrée à la question de savoir si la définition de l'expression "toute la cause d'action", énoncée par le Conseil privé dans l'arrêt Trower and Sons, Ltd. v. Ripstein, précité, a été écartée par cette Cour dans l'arrêt Wabasso. Il faut se rappeler que, dans l'affaire Wabasso, cette Cour devait essentiellement déterminer si la partie ayant une cause d'action fondée sur un contrat peut faire abstraction du régime contractuel et fonder son action sur une faute délictuelle. Vu les faits de cette affaire, la Cour n'a pas été obligée d'étudier en profondeur la question du lieu de la cause d'action. Par conséquent, l'arrêt Wabasso n'est donc pas vraiment utile pour interpréter l'al. 68(2) C.p.c. Toutefois, l'arrêt Trower and Sons, Ltd. ne s'avère guère plus utile pour interpréter ce même paragraphe en l'espèce. Le Conseil privé a jugé que l'action des intimés (demandeurs) était fondée sur un contrat passé entre les parties. Comme le contrat avait été conclu à Londres, en Angleterre, on ne pouvait affirmer que toute la cause d'action avait pris naissance à Montréal. Voici ce qu'a affirmé lord Wright, aux pp. 263 et 264:

[TRADUCTION] Cependant, l'action était fondée sur un contrat et, de l'avis de leurs Seigneuries, il est impossible de considérer comme non pertinent le lieu où le contrat a été conclu . . . Leurs Seigneuries estiment que c'est un élément de la définition de toute la cause d'action.

Par conséquent, la ratio decidendi de cet arrêt porte que lorsqu'une action est fondée sur un contrat, l'endroit où le contrat a été conclu est un élément de toute la cause d'action. Ce principe n'est guère utile lorsque, comme en l'espèce, l'action est fondée sur un quasi‑délit.

Conclusion

Pour les motifs qui précèdent, je suis d'avis de rejeter le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l'appelante The Deutsch Co.: Guy & Gilbert, Montréal.

Procureurs de l'appelante McDonnell Douglas Corp.: Martineau Walker, Montréal.

Procureurs des intimées: Lavery, O'Brien, Montréal.



Parties
Demandeurs : Air canada
Défendeurs : Mcdonnell douglas corp.

Références :
Proposition de citation de la décision: Air canada c. Mcdonnell douglas corp., [1989] 1 R.C.S. 1554 (8 juin 1989)


Origine de la décision
Date de la décision : 08/06/1989
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1989] 1 R.C.S. 1554 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1989-06-08;.1989..1.r.c.s..1554 ?
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