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22/05/1986 | CANADA | N°[1986]_1_R.C.S._668

Canada | Hawkshaw c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 668 (22 mai 1986)


Hawkshaw c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 668

Allin Ross Hawkshaw Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

No du greffe: 17308.

1985: 28 janvier; 1986: 22 mai.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, Estey, McIntyre, Lamer, Wilson et Le Dain.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1982), 69 C.C.C. (2d) 503, 39 O.R. (2d) 571, qui a accueilli l'appel de la décision du juge Osler d'accueillir la demande d'annulation de l'ordonnance de renvoi au procès rendue par le j

uge Nadeau de la Cour provinciale. Pourvoi accueilli.

Patrick S. Duffy, c.r., pour l'appelant.

Susa...

Hawkshaw c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 668

Allin Ross Hawkshaw Appelant;

et

Sa Majesté La Reine Intimée.

No du greffe: 17308.

1985: 28 janvier; 1986: 22 mai.

Présents: Le juge en chef Dickson et les juges Beetz, Estey, McIntyre, Lamer, Wilson et Le Dain.

en appel de la cour d'appel de l'ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario (1982), 69 C.C.C. (2d) 503, 39 O.R. (2d) 571, qui a accueilli l'appel de la décision du juge Osler d'accueillir la demande d'annulation de l'ordonnance de renvoi au procès rendue par le juge Nadeau de la Cour provinciale. Pourvoi accueilli.

Patrick S. Duffy, c.r., pour l'appelant.

Susan Ficek, pour l'intimée.

Version française du jugement de la Cour rendu par

1. Le Juge McIntyre—La principale question soulevée dans le présent pourvoi est de savoir si l'intention de publier une photographie obscène constitue un élément essentiel pour pouvoir déclarer une personne, accusée en vertu de l'al. 159(1)a) du Code criminel, coupable d'avoir [TRADUCTION] "illégalement produit une publication obscène, savoir: une photographie d'un acte de grossière indécence".

2. Un service commercial de développement de films a transmis à la police une série de photographies qu'on lui avait remises pour qu'elles soient développées. L'accusation en l'espèce est fondée sur l'une de ces photographies. La poursuite a choisi de procéder par voie de mise en accusation. L'appelant a choisi d'être jugé par un juge seul et il y a eu enquête préliminaire.

3. Lors de l'enquête préliminaire, on a présenté des éléments de preuve à partir desquels un jury qui aurait reçu des directives appropriées aurait pu conclure que la photographie avait été prise par l'appelant et qu'elle était elle‑même de nature à constituer un élément de preuve de l'obscénité. Toutefois, il n'y avait aucun élément de preuve d'une intention de publier la photographie. Le magistrat a renvoyé l'appelant à son procès malgré l'absence d'un tel élément de preuve. Il a conclu que le terme "publication" dans l'accusation était superfétatoire—qu'il ne constituait pas une allégation—et ne formait pas un élément essentiel de l'accusation.

4. Une demande de certiorari a été présentée devant le juge Osler de la Cour suprême de l'Ontario pour faire annuler le renvoi au procès (publié à (1981), 62 C.C.C. (2d) 289). La requête a été accordée. Le juge Osler a exprimé l'avis que la preuve de l'intention de publier constituait un élément nécessaire pour prouver l'accusation et que le renvoi au procès ordonné en l'absence d'un tel élément de preuve constituait un excès de compétence. Cette décision, compte tenu de son opinion sur les éléments de l'accusation portée contre l'accusé, est conforme aux motifs de cette Cour à la majorité dans l'arrêt Skogman c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 93.

5. L'appel interjeté par la poursuite devant la Cour d'appel (le juge en chef Howland et les juges Brooke et Cory) a été accueilli, le juge Brooke étant toutefois dissident (publié à (1982), 69 C.C.C. (2d) 503). Le juge en chef Howland, au nom de la cour à la majorité, a passé en revue la jurisprudence et la doctrine qui traitent de l'interprétation de l'art. 159 et des dispositions qui l'ont précédé. Il est arrivé à la conclusion que la publication n'était pas un élément essentiel de l'accusation. Le terme "publication" utilisé dans l'accusation était, à son avis, superfétatoire. Il a également été d'avis que, selon une interprétation de l'al. 159(1)a) du Code criminel, une infraction distincte consistant à avoir produit une photographie obscène avait été créée. Par conséquent, une déclaration de culpabilité pouvait être obtenue en l'absence de preuve d'une intention de publier. Le magistrat qui a ordonné le renvoi au procès disposait donc d'éléments de preuve qui justifiaient ce renvoi et l'ordonnance de renvoi au procès a été rétablie. Les juges formant la majorité étaient également d'avis que le critère d'obscénité qu'il faut appliquer dans des affaires relevant de l'al. 159(1)a) du Code devait être celui énoncé au par. 159(8), qu'il soit ou non question de publication. Cela avait pour effet d'écarter le critère d'obscénité applicable en common law, qui a été établi par le juge en chef Cockburn dans l'arrêt R. v. Hicklin (1868), L.R. 3 Q.B. 360, à la p. 371. Le juge Brooke (dissident) a exprimé l'opinion que, compte tenu de l'interprétation de l'art. 159 en fonction de tout son contexte, la publication est un élément de la perpétration d'une infraction en vertu de l'al. 159(1)a). Il aurait maintenu l'ordonnance d'annulation du tribunal d'examen. En cette Cour, l'argumentation a été axée sur la question de la publication et sur l'applicabilité du critère d'obscénité que prévoit le par. 159(8).

6. L'arrêt de principe portant sur l'interprétation du par. 159(8) du Code est l'arrêt Dechow c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 951. L'affaire Dechow découlait des poursuites intentées contre l'exploitant d'un sex‑shop conformément à l'al. 159(1)a) du Code. Dans cette affaire, l'appelant était accusé de:

...(traduction) possession illégale, aux fins de distribution, d'articles obscènes consistant en des écrits, livres, modèles, préparations, bandes magnétiques, appareils et autres accessoires.

L'appelant a été déclaré coupable et la déclaration de culpabilité a été maintenue lors d'un procès de novo. Un appel a été interjeté devant la Cour d'appel de l'Ontario sur la question de savoir si le critère d'obscénité énoncé au par. 159(8) du Code criminel s'appliquait aux articles visés dans l'affaire. L'appel de l'appelant a été rejeté. L'appelant a formé un pourvoi devant cette Cour relativement à la question de droit suivante:

La Cour d'appel a‑t‑elle commis une erreur en statuant que le par. (8) de l'art. 159 du Code criminel s'appliquait aux articles considérés obscènes par le juge de première instance et que, par conséquent, le juge de première instance avait eu raison de décider que le par. (8) de l'art. 159 constituait le seul critère d'obscénité à l'égard de ces articles?

Le juge Ritchie au nom de la Cour à la majorité (les juges Martland, Ritchie, Pigeon, Beetz et de Grandpré) a conclu que le sens du terme "publication" tel qu'il figure au par. 159(8) doit être déterminé non pas à partir du verbe "publier" mais à partir du substantif lui‑même qui signifie "ce qui est publié". Toutefois, la manière dont les objets en cause étaient exposés dans la boutique, lorsqu'ils étaient considérés avec les descriptions imprimées qui les accompagnaient, constituait un élément de publication. Cela avait pour effet de qualifier les objets comme des publications au sens du par. 159(8) du Code. Il s'ensuivait que le critère établi dans ce paragraphe s'appliquait. La question de l'applicabilité de la règle de l'arrêt Hicklin n'a pas été soulevée. Toutefois, le juge Ritchie a terminé ses motifs en affirmant à la p. 968:

... je n'estime pas nécessaire de déterminer quel critère doit s'appliquer pour déterminer l'obscénité de choses autres que des publications.

7. Le juge en chef Laskin au nom de la Cour à la minorité (le Juge en chef et les juges Judson, Spence et Dickson) n'a pas considéré les objets en cause comme des publications. Il a néanmoins conclu que le critère établi au par. 159(8) devait être appliqué en examinant la question de l'obscénité. Le Juge en chef a exprimé l'opinion que, comme le Code criminel avait énoncé le critère définitif de l'obscénité qui remplaçait le critère de common law établi dans l'arrêt Hicklin, alors, pour des motifs d'uniformité, ce critère devait être appliqué dans tous les cas d'obscénité. Il aurait appliqué le critère du par. 159(8) dans les cas d'obscénité où il n'est pas question de publications. Voici ce qu'il dit aux pp. 962 et 963:

Non seulement suis‑je d'avis de considérer que le par. 159(8) donne une définition exhaustive de l'obscénité en matière de publications dont la caractéristique ou le thème principal portent sur les choses sexuelles, mais j'estime également que cette Cour devrait appliquer ce critère à l'égard d'autres dispositions du Code, notamment les art. 163 et 164, dans le cas où l'allégation d'obscénité se rapporte à des choses sexuelles. Puisque je conclus, comme le juge Judson dans Brodie, que la règle élaborée dans Hicklin a été écartée par le par. 159(8) en matière de publications, je suis d'avis qu'elle ne devrait être invoquée à l'égard d'aucune autre disposition du Code, comme les art. 159, 163 et 164, pour fournir un critère supplémentaire dans le cas où des accusations d'obscénité échouent parce que le critère prescrit au par. 159(8) n'est pas satisfait.

...

Il est raisonnable qu'un tribunal applique la définition légale, prescrite par le Parlement pour une infraction de nature générique, lorsqu'il doit déterminer, au sujet de dispositions connexes du Code criminel, le sens qu'il faut donner à la définition d'une infraction punissable en d'autres circonstances. Lorsque le problème ne porte pas sur une question constitutionnelle mais seulement sur l'interprétation et l'application des termes employés par le Parlement, les tribunaux judiciaires devraient viser à donner une définition constante au mot employé à plusieurs reprises par le Parlement lorsque ce mot désigne une infraction qui peut prendre diverses formes, du fait que les différentes situations dans lesquelles elle peut être commise sont précisées. C'est le cas de l'obscénité qui, aux termes de nombreuses dispositions du Code, constitue une infraction. Lorsque le litige en vertu de l'une de ces dispositions concerne un cas d'exploitation de choses sexuelles, seule ou avec l'un quelconque des sujets mentionnés au par. 159(8), j'estime que cette Cour doit appliquer la norme ou le critère établi au par. 159(8) à l'égard des publications.

À mon avis, le juge en chef Laskin n'était pas en désaccord avec les juges de la majorité sur ce point. Les juges formant la majorité avaient manifestement laissé la question en suspens. Comme il a été souligné, le juge en chef Howland, s'exprimant au nom de la Cour d'appel à la majorité, a adopté les motifs du juge en chef Laskin dans l'arrêt Dechow et a appliqué le critère du par. 159(8). Voici ce qu'il affirme à la p. 513:

[TRADUCTION] Je partage l'opinion exprimée ci‑dessus par le juge en chef Laskin selon laquelle le critère d'obscénité qui doit être appliqué dans le cas d'infractions à l'al. 159(1)a), lorsqu'il n'est pas question de publications, devrait être le même que le critère que prévoit le par. 159(8) à l'égard des publications. Cela semblerait être la bonne marche à suivre pour des motifs d'uniformité. Rien ne justifie l'application d'un critère d'obscénité différent pour les infractions où il n'est pas question de publications.

Je suis d'avis qu'il était bien fondé en droit de le faire. À mon avis, le critère d'obscénité établi au par. 159(8) devrait être appliqué à la question de l'obscénité dans les accusations portées en vertu du Code criminel qu'elles soient fondées sur la publication ou non. Pour les motifs qu'a exposés le juge en chef Laskin dans l'arrêt Dechow, le critère de l'arrêt Hicklin n'est plus applicable au Canada dans de telles affaires.

8. En ce qui a trait à l'espèce, l'al. 159(1)a) du Code criminel prévoit ce qui suit:

159. (1) Commet une infraction, quiconque

a) produit, imprime, publie, distribue, met en circulation, ou a en sa possession aux fins de publier, distribuer ou mettre en circulation, quelque écrit, image, modèle, disque de phonographe ou autre chose ob‑ scène, ou

Cette disposition crée un certain nombre d'infractions, dont l'une, celle consistant à produire une image obscène, fait l'objet de la présente accusation. C'est une infraction qui est séparée et distincte des autres infractions y mentionnées et qui ne comporte aucun élément nécessaire de publication. Les diverses infractions sont séparées par des virgules et l'on ne fait violence à aucune règle d'interprétation en reconnaissant qu'il s'agit de concepts distincts. Je partage l'opinion exprimée par le juge en chef Howland à cet égard. Après avoir analysé divers précédents comme R. v. Munster (1960), 34 C.R. 47; R. v. Modenese (1962), 38 C.R. 45; Brodie v. The Queen, [1962] R.C.S. 681; R. v. Schell (1973), 13 C.C.C. (2d) 342; R. v. McCormick, C. de comté de York (Ont.), 10 janv. 1980, le juge Ferguson, inédit, et Dechow c. La Reine, précité, il affirme à la p. 515:

[TRADUCTION] L'arrêt Dechow ne comporte aucune opinion incidente qui laisse entendre que la publication est une condition préalable de toute infraction à l'al. 159(1)a). Au contraire, les juges formant la majorité et ceux formant la minorité reconnaissent, dans leurs motifs, qu'il est nécessaire d'analyser le critère d'obscénité dans les affaires où il n'est pas question de publications. Les juges formant la majorité ont également reconnu que le par. 159(8) ne s'applique qu'aux publications. En outre, certaines des infractions visées à l'al. 159(1)a) comme la "possession aux fins de publier, distribuer ou mettre en circulation" se rapportent à un moment antérieur à la publication.

9. Alors la véritable question qui se pose en l'espèce est de savoir non pas s'il existe une infraction distincte qui consiste à produire un objet obscène, mais si la poursuite en rédigeant l'acte d'accusation en l'espèce a allégué qu'il y a eu perpétration de l'infraction distincte qui consiste à produire une publication obscène. Le juge qui a ordonné le renvoi au procès et les juges formant la majorité en Cour d'appel ont considéré qu'on pouvait ne pas tenir compte du terme "publication" dans l'acte d'accusation, pour le motif qu'il était tout simplement superfétatoire. De cette attitude, il a résulté une simple accusation d'avoir produit une photographie obscène à l'égard de laquelle il y avait suffisamment d'éléments de preuve pour justifier le renvoi au procès.

10. La règle du superfétatoire—en vertu de laquelle un mot ou des mots d'un acte d'accusation sont censés être superflus en ce sens qu'ils constituent un élément qui n'a pas à être prouvé pour obtenir une déclaration de culpabilité — peut ne pas être appliquée dans le cas où elle causerait un préjudice à l'accusé. Cette question a récemment été examinée à fond par cette Cour dans Vézina et Côté c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 2, où le juge Lamer, s'exprimant au nom de la Cour à l'unanimité, a passé en revue la jurisprudence et la doctrine sur la question. Il a commencé son analyse par la déclaration suivante (à la p. 26):

De même, la règle du "superfétatoire" qui, comme je l'ai déjà souligné, constitue l'inverse du par. 510(3), doit aussi être considérée comme sujette à la condition que l'accusé ne subisse pas de préjudice dans sa défense.

Ensuite après avoir examiné la doctrine et la jurisprudence pertinentes, il a conclu en disant (à la p. 28):

En résumé, l'ancienne jurisprudence canadienne sur la règle du "superfétatoire", dont l'affaire R. v. Coote (1903), 8 C.C.C. 199 (C.S.C.‑B.), ne mentionne pas expressément la question du préjudice, mais une grande partie de la jurisprudence plus récente, notamment celle mentionnée ci‑dessus, souligne expressément et à maintes reprises la question du préjudice. Le préjudice causé au prévenu limite clairement, à mon avis, le recours à la règle du "superfétatoire".

11. Il reste maintenant à examiner si le fait de considérer le terme "publication" comme superfétatoire dans l'acte d'accusation dont est saisie la Cour causerait un préjudice à l'accusé appelant. Le terme "publication" utilisé dans l'acte d'accusation peut avoir deux significations différentes. Il peut avoir le sens attribué au nom "publication", c.‑à‑d. "ce qui est publié", ou il peut avoir le sens du verbe "publier". Dans les deux cas on introduit un élément de publication dans l'acte d'accusation. Ainsi, peut‑on dire que la poursuite a allégué la perpétration de l'infraction distincte qui consiste à produire une photographie obscène? Si la réponse est affirmative, on ne doit pas tenir compte du terme "publication". Si le terme doit avoir une signification, alors on a allégué quelque chose de plus que la simple production d'une photographie obscène. L'accusé pourrait bien avoir conclu que la preuve de l'intention de publier ou la preuve de la publication réelle formerait une partie nécessaire de la preuve de la poursuite. Une conclusion selon laquelle le terme est largement superflu causerait sûrement un préjudice à un accusé qui se serait engagé dans une défense contre une allégation où il est question de publication. Suite à une analyse détaillée des significations qui pourraient être attribuées au terme "publication" dans ce contexte, il est peut‑être possible de conclure qu'il n'est question d'aucune intention de publier ni d'aucune publication réelle. Toutefois, ce n'est pas le genre d'exercice auquel devrait faire face un accusé en présentant sa réponse à une accusation criminelle.

12. En conséquence, je suis d'avis que, compte tenu du texte de l'acte d'accusation, il était nécessaire de faire la preuve de la publication ou de l'intention de publier. Le renvoi au procès sans une telle preuve ne peut être maintenu en fonction des motifs de cette Cour à la majorité dans l'arrêt Skogman, précité. Par conséquent, je suis d'avis d'accueillir le pourvoi et de rétablir l'ordonnance du juge Osler annulant le renvoi au procès.

13. Avant de terminer, je tiens à faire observer que la formulation de l'acte d'accusation posait un véritable dilemme au ministère public. L'infraction reprochée est prévue par l'art. 159 du Code criminel. Les différentes dispositions contenues dans cet article créent plusieurs infractions relatives à des objets obscènes. Certaines comportent un élément de publication ou quelque élément d'exposition en public, d'autres non. La seule définition de l'obscénité se trouve au par. (8). Elle ne vise que les publications. Il n'y a alors aucune disposition législative définissant l'obscénité qui soit applicable au matériel non publié.

14. En formulant l'acte d'accusation, le ministère public a tenté d'appliquer l'article en qualifiant de publication l'objet en cause—probablement pour invoquer la définition de l'obscénité que donne le par. (8)—et a décrit cet objet comme étant une photographie. Cette façon de procéder est à la source de la confusion à laquelle aurait pu faire face l'accusé et qui a fait que ce pourvoi est accueilli. La façon dont le ministère public a abordé la question peut être compréhensible compte tenu de la formulation de l'article. Toutefois, l'accusé ne doit pas être puni pour la difficulté qu'elle pose. En limitant la définition de l'obscénité aux publications, l'art. 159 du Code criminel crée lui‑même un problème qui, selon moi, a été résolu ou auquel on a tout au moins remédié dans l'arrêt Dechow, précité. Il a pour effet d'appliquer la définition de l'obscénité que donne le par. 159(8) du Code dans tous les cas où le mot est employé dans le Code, qu'il soit question ou non de publication. Cela pare à la nécessité d'utiliser le mot "publication" en formulant un acte d'accusation dans lequel il n'est pas question d'une publication. En l'absence d'une modification législative, cette façon de procéder permettrait d'appliquer l'art. 159, dans son ensemble, et doit, à mon avis, être adoptée.

Pourvoi accueilli.

Procureur de l’appelant: Patrick S. Duffy, Toronto.

Procureur de l’intimée: Ministère du procureur général, Toronto.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit criminel - Obscénité - Accusation d'avoir produit une publication obscène - Accusation portée en raison d’une photographie obscène prise par l’accusé - Aucune preuve de publication ou d’intention de publier - L’inclusion du terme «publication» dans l'accusation est‑elle une allégation essentielle ou simplement superfétatoire? - Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C‑34, art. 159(1)a), (8).

L'appelant a été accusé en vertu de l'al. 159(1)a) du Code criminel d'avoir "illégalement produit une publication obscène, savoir: une photographie d'un acte de grossière indécence". À l'enquête préliminaire, on a présenté des éléments de preuve à l'appui des conclusions portant que la photographie a été prise par l'appelant et qu'elle est obscène, mais aucun élément de preuve de l'intention de la publier. Le magistrat qui a ordonné le renvoi au procès a jugé que le terme "publication" dans l'accusation était superfétatoire. La Cour suprême de l'Ontario a fait droit à une demande de certiorari visant à faire annuler le renvoi au procès. L'ordonnance obtenue a été annulée en appel. La question qui se pose en l'espèce est de savoir si l'intention de publier une photographie obscène constitue un élément essentiel pour pouvoir déclarer l'accusé coupable en vertu de l'accusation telle qu'elle a été formulée. L'argumentation a été axée également sur l'applicabilité du critère d'obscénité que prévoit le par. 159(8) du Code criminel.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Le critère d'obscénité établi au par. 159(8) du Code criminel devrait être appliqué à la question de l'obscénité dans les accusations portées en vertu du Code criminel qu'elles soient fondées sur la publication ou non.

L'alinéa 159(1)a) du Code criminel crée un certain nombre d'infractions séparées et distinctes. L'une de ces infractions, celle consistant à produire une photographie obscène, ne comporte aucun élément nécessaire de publication.

Le terme "publication" a introduit un élément de publication dans l'acte d'accusation. Pour avoir un sens, le texte de l'acte d'accusation doit viser quelque chose de plus que la simple production d'une photographie. La règle du superfétatoire — en vertu de laquelle des mots de l'acte d'accusation sont censés être superflus en ce sens qu'ils constituent des éléments qui n'ont pas à être prouvés pour obtenir une déclaration de culpabilité — n'est pas applicable à l'espèce du fait qu'elle causerait un préjudice à l'accusé.

L'accusé pourrait bien avoir conclu que la preuve de l'intention de publier ou la preuve de la publication réelle formerait une partie nécessaire de la preuve de la poursuite. Bien qu'on pourrait conclure, suite à une analyse détaillée des significations qui pourraient être attribuées au terme "publication" dans ce contexte, qu'il n'est question d'aucune intention de publier ni d'aucune publication réelle, l'accusé ne devrait pas avoir à faire face à ce genre d'exercice en présentant sa réponse à une accusation criminelle.


Parties
Demandeurs : Hawkshaw
Défendeurs : Sa Majesté la Reine

Références :

Jurisprudence
Arrêts appliqués: Dechow c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 951
Vézina et Côté c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 2
arrêt non suivi: R. v. Hicklin (1868), L.R. 3 Q.B. 360
arrêts mentionnés: Skogman c. La Reine, [1984] 2 R.C.S. 93
R. v. Munster (1960), 34 C.R. 47
R. v. Modenese (1962), 38 C.R. 45
Brodie v. The Queen, [1962] R.C.S. 681
R. v. Schell (1973), 13 C.C.C. (2d) 342
R. v. McCormick, C. de comté de York (Ont.), 10 janvier 1980, inédit.
Lois et règlements cités
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C‑34, art. 159(1)a), (8).

Proposition de citation de la décision: Hawkshaw c. La Reine, [1986] 1 R.C.S. 668 (22 mai 1986)


Origine de la décision
Date de la décision : 22/05/1986
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1986] 1 R.C.S. 668 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1986-05-22;.1986..1.r.c.s..668 ?
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