La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/1984 | CANADA | N°[1984]_1_R.C.S._208

Canada | Droste c. R., [1984] 1 R.C.S. 208 (2 avril 1984)


Cour suprême du Canada

Droste c. R., [1984] 1 R.C.S. 208

Date: 1984-04-02

Rolf Arthur Droste (Plaignant) Appelant;

et

Sa Majesté La Reine (Défendeur) Intimée.

N° du greffe: 16808.

1983: 2 novembre; 1984: 2 avril.

Présents: Les juges Ritchie, Dickson, Estey, Mclntyre, Chouinard, Lamer et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (1981), 34 O.R. (2d) 588, 63 C.C.C. (2d) 418, qui a rejeté l’appel interjeté contre les déclarations de culpabilité

relatives à deux chefs d’accusation de meurtre au premier degré prononcées par le juge Callaghan. Pourvoi rejeté.

Gerald Kluwa...

Cour suprême du Canada

Droste c. R., [1984] 1 R.C.S. 208

Date: 1984-04-02

Rolf Arthur Droste (Plaignant) Appelant;

et

Sa Majesté La Reine (Défendeur) Intimée.

N° du greffe: 16808.

1983: 2 novembre; 1984: 2 avril.

Présents: Les juges Ritchie, Dickson, Estey, Mclntyre, Chouinard, Lamer et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (1981), 34 O.R. (2d) 588, 63 C.C.C. (2d) 418, qui a rejeté l’appel interjeté contre les déclarations de culpabilité relatives à deux chefs d’accusation de meurtre au premier degré prononcées par le juge Callaghan. Pourvoi rejeté.

Gerald Kluwak, pour l’appelant.

David Watt, c.r., pour l’intimée.

Version française du jugement des juges Ritchie, Dickson, Estey, Mclntyre, Chouinard et Lamer rendu par

LE JUGE DICKSON — Le meurtre au premier degré est le meurtre commis avec préméditation. L’appelant Rolf Arthur Droste a prémédité le meurtre de son épouse. En mettant son projet à exécution, il a causé la mort de ses deux jeunes enfants, Rolf Maurice Droste et Monique Jean Droste. Son épouse a survécu. Ce pourvoi formé avec l’autorisation de cette Cour porte sur la question suivante:

[Page 210]

[TRADUCTION] La Cour d’appel de la province d’Ontario a-t-elle commis une erreur de droit en décidant que le juge du procès a eu raison de dire dans ses directives au jury que, si celui-ci était convaincu hors de tout doute raisonnable que l’appelant avait prémédité le meurtre de son épouse, il pouvait alors être déclaré coupable du meurtre au premier degré de ses enfants Rolf Maurice Droste et Monique Jean Droste?

I Les faits

M. Droste, son épouse et ses deux enfants ont été invités chez des amis à l’occasion d’un anniversaire. Le matin du jour où la fête devait avoir lieu, M. Droste s’est rendu à une station‑service pour y faire le plein d’essence. Il a en même temps rempli d’essence un contenant d’une capacité de cinq gallons. Il a ensuite nettoyé le siège arrière de sa voiture en utilisant l’essence dudit contenant. Il a témoigné que le siège était huileux, car certaines pièces de motoneige y avaient été déposées. Il a remis en état les ceintures de sécurité du siège arrière de l’automobile. Peu après midi, M. Droste, son épouse et leurs enfants se sont rendus à la fête; ces derniers étaient retenus au siège arrière par les ceintures de sécurité. Mme Droste a perçu l’odeur d’essence lorsqu’elle est entrée dans l’automobile. Au cours du trajet, à l’approche d’un pont, des flammes ont commencé à jaillir entre les deux sièges avant. M. Droste a tenté de les éteindre de sa main droite. Mme Droste a témoigné que son époux a alors saisi un tournevis qui se trouvait sous son siège et qu’il a commencé à la frapper au côté gauche de la tête, lui criant en même temps de lâcher le volant. Le véhicule a percuté la culée du pont. M. Droste a été projeté à l’avant sur le volant et il a été momentanément immobilisé. Mme Droste est sortie par la porte du conducteur, étant donné que la porte du passager ne pouvait s’ouvrir; elle a aidé son époux à sortir de l’automobile. Ils ont tenté de faire sortir les enfants qui étaient assis sur le siège arrière de la voiture mais sans succès. Ces derniers sont morts d’asphyxie due à l’inhalation de fumée.

Selon la preuve du ministère public, on a utilisé quatre gallons d’essence à même le contenant de cinq gallons qui se trouvait dans le coffre arrière de la voiture. De l’avis de ses témoins experts,

[Page 211]

l’incendie n’a pas pris naissance dans le compartiment moteur; il a été causé au moyen d’une substance inflammable placée à l’intérieur du véhicule.

Le ministère public a produit d’autres éléments de preuve accablants. Un collègue de travail de M. Droste a témoigné que ce dernier lui avait fait part de différents plans visant à tuer Mme Droste. Son dernier plan consistait à provoquer l’écrasement de son véhicule contre un arbre, à y allumer un incendie et à y laisser mourir Mme Droste. D’autres collègues de travail ont témoigné que Droste leur avait dit qu’il allait tuer son épouse. Il a été prouvé qu’à l’époque de cet accident, M. Droste entretenait une liaison intime avec une femme mariée et qu’il souhaitait toucher le produit d’une police d’assurance qu’il venait de contracter sur la vie de Mme Droste.

M. Droste a fait l’objet de deux chefs d’accusation, savoir le meurtre au premier degré de chacun de ses enfants. Le juge du procès a dit dans ses directives au jury que si celui-ci était convaincu hors de tout doute raisonnable que M. Droste avait prémédité le meurtre de son épouse, il pouvait alors être déclaré coupable du meurtre au premier degré de ses enfants.

En l’absence du jury, il a expliqué aux avocats le fondement de ses directives:

[TRADUCTION] Je me fonde essentiellement sur le texte du par. 214(2) qui ne contient aucune disposition limitant son applicabilité à la victime envisagée; je sais que ce point est discutable mais il me semble que si la preuve de meurtre est établie conformément à l’al. 212b), la préméditation peut s’appliquer au meurtre d’une victime envisagée, alors que l’actus reus porte sur la victime non envisagée, sinon il n’y aurait jamais de meurtre au premier degré dans les cas où tous les éléments sont prouvés en ce qui concerne A et où la victime B non envisagée est tuée.

J’estime en outre que ce point de vue est compatible avec la doctrine du transfert de malice énoncée par Glanville Williams dans son ouvrage The Criminal Law, The General Part (2e édition), aux pp. 125 à 137. C’est un problème difficile et je comprends l’argument, mais en examinant l’accusation dans son ensemble, j’ai conclu que l’élément de préméditation pouvait s’appliquer à une victime envisagée lorsque cette accusation était portée en vertu de l’al. 212b).

[Page 212]

Le jury a rendu un verdict de culpabilité à l’égard de chacun des chefs d’accusation. M. Droste a formé appel et la Cour d’appel de l’Ontario a décidé que le juge du procès avait donné des directives appropriées au jury. L’unique question soulevée dans le présent pourvoi est de savoir si la Cour d’appel de l’Ontario a eu raison de décider ainsi.

II L’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario

Le juge Martin a prononcé l’arrêt unanime de la Cour d’appel. Après avoir exposé les faits, il a mentionné l’argument de l’avocat de M. Droste, repris devant cette Cour, portant que l’accusé ne peut être déclaré coupable de meurtre au premier degré pour le motif qu’il a prémédité le meurtre de son épouse et que, par accident ou par erreur, il a causé la mort de ses enfants; qu’on ne peut combiner l’al. 212b) et le par. 214(2) du Code criminel pour déclarer l’accusé coupable de meurtre au premier degré et que le juge du procès a commis une erreur en ne donnant pas de directives au jury sur ce point. L’avocat a soutenu que la mort de la victime doit être préméditée.

L’alinéa 212b) est ainsi rédigé:

212. L’homicide coupable est un meurtre

b) lorsqu’une personne, ayant l’intention de causer la mort d’un être humain ou ayant l’intention de lui causer des lésions corporelles qu’elle sait de nature à causer sa mort, et ne se souciant pas que la mort en résulte ou non, par accident ou erreur cause la mort d’un autre être humain, même si elle n’a pas l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles à cet être humain;…

Le paragraphe 214(2) prévoit ce qui suit:

214. …

(2) Le meurtre au premier degré est le meurtre commis avec préméditation.

Voici l’extrait dans lequel est énoncée la conclusion de la Cour d’appel sur ce point:

[TRADUCTION] Nous croyons que le juge du procès a eu raison de dire dans ses directives au jury que si celui-ci était convaincu hors de tout doute raisonnable que l’intention de l’appelant de tuer son épouse était

[Page 213

assortie de préméditation et qu’en donnant suite à cette intention il a causé la mort de ses enfants par accident ou par erreur, le meurtre qui s’en est suivi constitue un meurtre au premier degré.

Le paragraphe 214(2) prévoit que le «meurtre» au premier degré est le meurtre commis avec préméditation. Lorsque le meurtre défini à l’al. 212b) est commis avec préméditation, il constitue un meurtre au premier degré même si l’intention de tuer, assortie de préméditation, s’est réalisée sur une personne autre que la victime envisagée.

La cour a estimé que le professeur Mewett a correctement énoncé la règle de droit applicable dans l’extrait suivant de son article intitulé First Degree Murder (1978-79), 21 Crim. L.Q. 82, à la p. 83:

[TRADUCTION] L’alinéa 212b) ne semble soulever aucun problème, du moins lorsqu’il s’applique en raison de l’intention de causer la mort d’une autre personne. Puisque c’est le meurtre qui doit être prémédité et que l’al. 212b) a pour seul effet de prévoir que l’intention de tuer A constitue une mens rea suffisante si, par accident ou par erreur, l’accusé tue B, il semblerait alors que le fait de préméditer le meurtre de A et de tuer B par accident ou par erreur rende le «meurtre» de B (puisqu’il est ainsi défini à l’al. 212b)) prémédité.

La cour a poursuivi:

[TRADUCTION] Nous estimons également que le transfert de l’intention, avec préméditation, de tuer une personne pour l’appliquer à la victime réelle est conforme aux principes généraux du droit criminel. De toute évidence, la culpabilité morale de quelqu’un qui prémédite le meurtre d’une personne, mais qui, par accident ou par erreur, tue une autre personne est la même que s’il avait réussi à tuer la victime envisagée. Comme l’a dit le juge Rothman dans la décision Charest v. Beaudoin J.S.P. (1980), 18 C.R. (3d) 58, aux pp. 62 et 63:

Un accusé peut passer des mois à soupeser les avantages et les conséquences du meurtre de la victime envisagée, savoir «A». Il peut élaborer un plan précis: recruter un complice, choisir une arme, surveiller «A» et, enfin, choisir le moment de le tuer. Si par malchance — par manque d’adresse au tir ou en raison de l’arrivée soudaine d’une autre personne — il tue «B» au lieu de «A», sa préméditation n’est certainement pas moindre que s’il avait tué «A». Tous les éléments de la préméditation demeurent les mêmes. Le seul changement est l’identité de la personne tuée et cela,

[Page 214]

me semble-t-il, n’a absolument rien à voir avec la question de savoir si le meurtre a été prémédité.

Toute autre conclusion produirait, à mon avis, des conséquences illogiques et absurdes. Le législateur ne pourrait guère avoir voulu punir le meurtre prémédité moins sévèrement lorsqu’un accusé tue un parfait inconnu que lorsque cet accusé tue avec la même préméditation la victime envisagée.

Bref, je conclus qu’un meurtre qui est prémédité ne cesse pas de l’être en raison d’une erreur sur la victime. À mon avis, le par. 214(2) s’applique au meurtre défini à l’al. 212b).

Enfin, la cour a cité l’arrêt R. v. Gross (1913), 23 Cox C.C. 455. Dans cette affaire, le juge Darling a mentionné le principe de droit «énoncé à maintes reprises» selon lequel si une personne fait feu sur une autre personne dans des circonstances où il pourrait s’agir d’un meurtre, et si par accident elle atteint et tue un tiers qu’elle n’a jamais eu l’intention d’atteindre, cela constitue un meurtre. Le juge Darling a ajouté que, si en tirant un coup de feu en direction de la victime envisagée, on commettait un homicide involontaire coupable (lorsque par exemple l’accusé a été provoqué), alors, si la balle atteignait une autre personne, la mort de cette dernière constituerait également un homicide involontaire coupable et non un meurtre. En l’espèce, le juge Martin a conclu, par un raisonnement analogue, qu’une intention à laquelle s’ajoute la préméditation est transférée de la victime envisagée à la victime réelle.

III L’argument de l’avocat de l’appelant

L’avocat soutient que puisque c’est le meurtre qui doit être prémédité, la «préméditation» énoncée au par. 214(2) doit s’appliquer à tous les éléments de l’acte d’accusation, et on doit avoir conclu à son existence. Il prétend en outre qu’un meurtre ne peut être prémédité lorsque la personne qui l’a commis n’avait pas l’intention de causer la mort de la victime ou de lui causer des lésions corporelles graves.

L’avocat prétend que le Code criminel crée une procédure par étapes qui doit être suivie lorsqu’il

[Page 215

s’agit de déterminer si un homicide a été commis: on ne peut décider si un meurtre a été «commis avec préméditation» qu’après avoir déterminé que ce qui a été commis est un meurtre et seul le meurtre qui a effectivement été commis peut être prémédité selon le par. 214(2).

Subsidiairement, l’avocat fait valoir que l’interprétation que la Cour d’appel de l’Ontario donne au par. 214(2) a pour effet de transférer la préméditation visant l’épouse de l’appelant (la victime envisagée) pour l’appliquer aux enfants de l’appelant (les victimes réelles) et que cette interprétation n’est conforme ni à la doctrine du transfert d’intention énoncée par la common law, ni aux règles d’interprétation de la loi, lorsqu’il s’agit de déterminer l’application de cette doctrine au par. 214(2).

Voici l’essentiel de cet argument. M. Droste n’a pas été accusé de meurtre dans l’abstrait. Il a été accusé et déclaré coupable d’avoir tué ses enfants. Le meurtre des enfants n’a pas été prémédité. Le paragraphe 214(2) exige, sur le plan du droit, qu’il y ait préméditation contre la victime dont la mort a été causée. L’homicide qui par définition est accidentel (al. 212b)) ne peut en même temps être volontaire.

À mon avis, cet argument comporte une analogie inopportune avec la doctrine du transfert d’intention et une mauvaise interprétation de l’économie du Code criminel concernant l’homicide, en plus d’être incompatible avec les considérations de principe qui sous-tendent, de toute évidence, le par. 214(2).

IV Le transfert d’intention

Une bonne partie de l’argumentation de l’appelant rappelle la controverse entourant le concept de la common law anglaise qu’est le «transfert de malice» ou plus précisément le «transfert d’intention». Voici comment le professeur Glanville Williams décrit l’application de ce concept dans son ouvrage intitulé Criminal Law, The General Part (2e éd.), à la p. 126:

[TRADUCTION] Il y a transfert d’intention (transfert de malice) lorsqu’une personne subit, par accident, un

[Page 216]

préjudice devant être causé à une autre personne. En d’autres termes, si le défendeur veut produire un certain résultat, il est coupable d’un crime d’intention même si son acte se réalise sur un objet (que ce soit une personne ou un bien) qui n’était pas envisagé. Au moyen d’une fiction juridique, sa «malice» (c’est-à-dire son intention) est transférée d’un objet à un autre. Le défendeur est, aux fins de la loi, considéré comme s’il avait eu l’intention d’atteindre l’objet qu’il a effectivement atteint, bien qu’en fait il n’ait pas eu cette intention et qu’il n’ait même pas fait preuve d’insouciance à son égard.

Voici comment les auteurs de l’ouvrage Smith and Hogan, Criminal Law (4e éd.), formulent cette doctrine, à la p. 59:

[TRADUCTION] Si D, avec l’intention (mens red) de commettre un crime déterminé, accomplit l’acte qui constitue ce crime (actus reus), il est coupable même si le résultat n’est pas, à certains égards, celui envisagé.

Ces formulations divergentes recèlent l’essence de la controverse sur la rationalité de la doctrine du «transfert d’intention».

Les ouvrages qui traitent du transfert d’intention établissent une distinction entre deux genres de situations où l’accusé cause un préjudice à la «mauvaise victime». Le premier cas qu’on appelle parfois error in objecto (erreur sur l’objet) se produit lorsque l’auteur d’un crime commet une erreur sur l’identité de la victime. Un bandit armé fait feu sur un piéton, croyant qu’il s’agit de X alors qu’en fait c’est Y. Il est généralement admis que ce genre d’erreur sur l’identité de la victime ne change rien au fait que l’auteur du crime a agi intentionnellement. C’est le second cas où il y a «mauvaise victime», qu’on appelle parfois aberratio ictus, ou de façon plus poétique «une erreur du projectile», qui est à l’origine de la controverse qui entoure la doctrine du transfert d’intention. Dans ce dernier cas, l’auteur du crime vise X mais, par chance ou maladresse, il atteint Y. L’opportunité d’apprécier la responsabilité criminelle comme si le projectile avait atteint la cible envisagée dépend en grande partie de l’importance qu’on accorde à l’identité de la victime comme élément de l’infraction en question. Les auteurs de l’ouvrage Smith and Hogan Criminal Law, précité, exposent, aux pp. 60 et 61, la critique que le professeur Williams formule au sujet de cette doctrine appliquée au meurtre, et ils y répondent de la façon suivante:

[Page 217]

[TRADUCTION] Williams considère la doctrine du transfert de malice comme une «exception plutôt arbitraire aux principes ordinaires». Il rejette l’argument selon lequel «le résultat «‘est pas involontaire, car il y a eu intention de tuer et il en est résulté un homicide». Il écrit:

«Cet argument… semble plausible uniquement parce qu’une partie de l’intention réelle est passée sous silence. Même si le résultat, au sens d’un homicide, était voulu, le résultat, l’homicide de P, ne l’était pas. Après tout, l’accusé n’est pas inculpé d’homicide dans l’abstrait; il est accusé d’avoir tué P; il faudrait donc, d’un point de vue strict, prouver la mens rea en ce qui concerne l’homicide de P.»

La réponse à cela, soutient-on, est que l’acte de D est involontaire uniquement sous un rapport qui n’est pas pertinent. Le critère de la pertinence pour ce qui est d’un résultat différent est de savoir s’il touche l’existence de l’actus reus projeté par D. Il serait donc sans importance que D ait eu l’intention d’atteindre P au coeur mais que, en raison d’un geste tout à fait inattendu de ce dernier, il l’ait atteint (involontairement) à la tête. L’actus reus du meurtre est le fait de tuer un être humain — tout être humain — en violation de la paix et de l’ordre public, et son identité importe peu.

Au Canada, la responsabilité de la personne qui tue une «victime non envisagée» résulte non pas de l’application de la doctrine du transfert d’intention mais des termes mêmes de l’al. 212b) qui, on s’en souviendra, est ainsi rédigé:

212. L’homicide coupable est un meurtre

b) lorsqu’une personne, ayant l’intention de causer la mort d’un être humain ou ayant l’intention de lui causer des lésions corporelles qu’elle sait de nature à causer sa mort, et ne se souciant pas que la mort en résulte ou non, par accident ou erreur cause la mort d’un autre être humain, même si elle n’a pas l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles à cet être humain;… [C’est moi qui souligne.]

On remarquera qu’aux termes de cet article, il y a responsabilité pour meurtre à la fois dans les cas où il y a error in objecto (erreur) et dans ceux où il y a aberratio ictus (accident). Le jury a conclu qu’en voulant causer la mort d’un être humain (Mme Droste) M. Droste a, par accident, causé la mort d’un autre être humain (chacun de ses enfants). Il est donc coupable de meurtre en vertu de l’al. 212b) et le débat entre le professeur Wil-

[Page 218]

liams et les professeurs Smith et Hogan ne peut être d’aucune utilité en ce qui concerne ce verdict. Il faut ensuite se demander si, comme le prétend l’avocat, ce débat peut avoir un rapport avec la question de savoir si M. Droste est coupable de meurtre au premier degré.

L’arrêt de cette Cour à la majorité, Ancio c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 225, rendu en même temps que le présent arrêt, illustre la proposition portant que, dans les cas où le Code criminel crée une infraction distincte liée au meurtre, c’est la mens rea applicable à cette infraction distincte et non nécessairement les états d’esprit énumérés aux art. 212 et 213 qui permet d’établir la responsabilité. Dans le cas d’une tentative de meurtre, la mens rea nécessaire est l’intention de tuer. Une intention moindre, même suffisante pour imposer une responsabilité pour meurtre si la mort s’ensuit, ne suffira pas pour imposer une responsabilité pour tentative de meurtre si la mort ne s’ensuit pas. Il pourrait sembler possible de faire valoir, au moyen d’un raisonnement analogue, que le par. 214(2) crée l’infraction distincte de meurtre au premier degré et qu’une partie de la mens rea applicable à cette infraction est la préméditation liée à l’identité de la victime. Si cette analogie avec le raisonnement de l’arrêt Ancio était exacte, alors pour établir la responsabilité de M. Droste pour meurtre au premier degré, le ministère public devait démontrer que la mort des enfants a été préméditée. Quoi qu’il en soit cependant, cette analogie est inexacte. Même si le par. 214(2) créait une infraction distincte de meurtre au premier degré — ce qui n’est pas le cas — je pencherais pour l’analyse des professeurs Smith et Hogan et la conclusion du juge Martin de la Cour d’appel de l’Ontario que l’identité de la victime ne constituerait pas un élément essentiel de cette infraction. Cette spéculation est toutefois inutile puisque l’arrêt de cette Cour, R. c. Farrant, [1983] 1 R.C.S. 124, indique clairement que l’art. 214 ne crée pas une infraction distincte de meurtre au premier degré mais qu’il caractérise plutôt l’infraction même de meurtre énoncée dans les différentes parties des art. 212 et 213, pour les fins du prononcé de la sentence. Il ne peut donc y avoir une mens rea distincte pour le meurtre au premier degré pas plus qu’il ne peut être question de transférer une telle intention de la

[Page 219]

victime envisagée à la victime réelle. La question de savoir si ce dont M. Droste a été déclaré coupable constitue un meurtre au premier degré n’est nullement comparable à celle soulevée dans l’affaire Ancio et elle ne dépend pas non plus de l’applicabilité ou de l’à-propos de la doctrine du transfert d’intention. Il s’agit d’une question d’interprétation de la loi relativement simple.

V L’interprétation de la loi

L’argumentation de l’appelant se fonde dans une large mesure sur la contradiction qui existerait entre la notion de «préméditation» et le fait de «causer la mort involontairement». Cette conceptualisation de ce qui sous-tend la conclusion que M. Droste est coupable de meurtre au premier degré n’est pas conforme à l’économie du Code criminel en matière d’homicide.

Selon l’art. 205 du Code, commet un homicide, quiconque, directement ou indirectement, par quelque moyen, cause la mort d’un être humain. M. Droste a commis un homicide en causant la mort de ses enfants. L’homicide est coupable ou non coupable. L’homicide coupable est le meurtre, l’homicide involontaire coupable ou l’infanticide. Comme je l’ai déjà souligné, l’al. 212b) prévoit essentiellement que l’homicide coupable est un meurtre lorsqu’une personne (M. Droste), ayant l’intention de causer la mort d’un être humain (Mme Droste), cause par accident la mort d’un autre être humain (chacun de ses enfants), même si elle n’a pas l’intention de causer la mort ou des lésions corporelles à cet être humain. Aux fins du Code criminel, ce qu’a fait M. Droste n’était donc pas «involontaire». L’argument de l’appelant, si je le comprends bien, tronquerait l’ai. 212b) en supprimant l’un de ses éléments essentiels. M. Droste n’a pas été accusé d’avoir causé accidentellement la mort de ses enfants. Il a été accusé d’avoir eu l’intention de causer la mort de Mme Droste et, par accident ou erreur, d’avoir causé la mort de ses enfants. Causer la mort par accident entraîne normalement un verdict d’acquittement ou, tout au plus, une condamnation pour homicide involontaire coupable. Lorsque l’homicide est accompagné de l’intention de causer la mort d’un autre être humain, l’al. 212b) prévoit que ce n’est pas un homicide involontaire coupable mais un meurtre c.-à-d. un homicide volontaire.

[Page 220]

Il ne fait aucun doute que, suivant les conclusions du jury, M. Droste est coupable de meurtre au sens de l’al. 212b). Est-il coupable de meurtre au premier degré au sens du par. 214(2)? Les paragraphes (1), (2) et (7) de l’art. 214 prévoient respectivement a) qu’il existe deux catégories de meurtres: ceux du premier degré et ceux du deuxième degré; b) que le meurtre au premier degré est le meurtre commis avec préméditation; c) que les meurtres qui n’appartiennent pas à la catégorie des meurtres au premier degré sont des meurtres au deuxième degré. Suivant l’argumentation de l’appelant, il semble qu’il faille considérer que l’al. 212b) et le par. 214(2) décrivent des infractions différentes qui comportent des éléments moraux différents. La «préméditation» deviendrait ainsi partie intégrante de l’élément moral de l’infraction prévue au par. 214(2), élément qui, suivant l’appelant, devrait être prouvé en ce qui concerne l’homicide effectivement commis, c.-à-d. le fait d’avoir causé la mort des enfants.

Cet argument de l’appelant ne peut être retenu en raison de l’arrêt de cette Cour à la majorité, R. c. Farrant, précité. Voici des extraits des pp. 140 à 142 de cet arrêt:

L’article 214 n’est toutefois pas celui qui définit les éléments de l’infraction de meurtre. Ce sont les art. 212 et 213 qui le font. L’article 214 ne crée pas d’infraction distincte, en droit, de meurtre au premier degré par imputation par suite d’une séquestration. Cet article est subordonné aux art. 212 et 213; il répartit, pour les fins de la sentence, les actes criminels définis aux art. 212 et 213 en meurtre au premier degré et meurtre au deuxième degré. L’importance de la distinction entre le meurtre au premier degré et le meurtre au deuxième degré tient à ce que le meurtre au premier degré comporte une sentence obligatoire d’emprisonnement à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle avant vingt-cinq ans (art. 218 et 669a)). Une déclaration de culpabilité de meurtre au deuxième degré comporte obligatoirement aussi une sentence d’emprisonnement à perpétuité, mais la libération conditionnelle peut être accordée après dix ans d’emprisonnement, à moins que le jury n’ait recommandé un plus grand nombre d’années.

La distinction entre le meurtre au premier degré et le meurtre au deuxième degré, à l’art. 214, ne se fonde pas sur l’intention; elle se fonde 1) sur la préméditation (par.

[Page 221]

214(2)); 2) sur l’identité de la victime (214(4)); ou 3) sur la nature de l’infraction commise au moment de la perpétration du meurtre (par. 214(5)). La décision principale et essentielle que doit prendre le jury porte sur la question de savoir s’il y a eu meurtre soit en application de l’art. 212 soit, si la preuve le justifie, en application de l’art. 213. La considération des distinctions entre le meurtre au premier degré et le meurtre au deuxième degré n’entre nullement dans la formation de cette décision préliminaire. C’est après avoir conclu au meurtre qu’on passe à sa classification.

Soutenir que l’art. 214 est déterminant dans une situation comme celle-ci, c’est confondre les articles qui définissent les éléments de l’infraction de meurtre avec le processus de classification fourni par l’art. 214. La classification de l’art. 214 s’applique dans le cadre de la sentence, mais elle ne détermine pas, en droit, l’infraction même de meurtre.

Le juge en chef Howland qui a prononcé l’arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, R. v. Woods and Gruener (1980), 57 C.C.C. (2d) 220, soulève le même point, à la p. 229:

[TRADUCTION] L’article 214 est un article de classification. Il ne crée pas de nouvelles infractions de meurtre au premier degré et de meurtre au deuxième degré. Il tient pour acquis qu’un meurtre au sens des art. 212 ou 213 a été commis et il précise les éléments additionnels qui détermineront si l’infraction est un meurtre au premier degré ou un meurtre au deuxième degré. Il y a quatre cas où le meurtre constitue un meurtre au premier degré:

(1) Lorsqu’il est commis avec préméditation au sens des par. (2) et (3).

Il est donc manifeste que le meurtre au premier degré et le meurtre au deuxième degré ne sont pas des infractions distinctes. L’infraction même est le meurtre. Celui-ci est qualifié de meurtre au premier degré ou de meurtre au deuxième degré uniquement pour les fins du prononcé de la sentence. Il n’est pas question de transférer l’intention de commettre une infraction prévue à l’al. 2126) pour l’appliquer à l’actus reus d’un meurtre au premier degré, ni de transférer l’intention de commettre un meurtre au premier degré contre A pour l’appliquer à l’actus reus du meurtre de B. Je le répète, l’infraction même en question est le meurtre visé à l’al. 212b). La mens rea relative à cette infraction est l’intention de causer la mort de A ou

[Page 222]

de lui causer des lésions corporelles graves susceptibles de causer sa mort. L’actus reus de cette infraction est le fait de causer la mort de B. Une fois ces éléments prouvés, un accusé est coupable de meurtre. Le paragraphe 214(2) précise l’un des nombreux cas où le meurtre est un meurtre au premier degré, savoir, lorsqu’il est commis avec préméditation. Le mot meurtre désigne le meurtre commis de l’une ou l’autre des façons pertinentes prévues par le Code, notamment par l’al. 212b). Cela signifie que l’élément de préméditation doit être lié à la mens rea spécifique de la disposition applicable qui, dans le présent cas, est, comme je viens de le mentionner, l’intention de causer la mort de A. Les articles 212 ou 213 peuvent mentionner des états d’esprit qui sont incompatibles avec la préméditation, mais cette mens rea ne compte pas parmi ceux-ci.

VI Les considérations de principe

La raison d’être du par. 214(2) tient à ce qu’un meurtre commis avec préméditation comporte un élément de culpabilité morale supplémentaire qui justifie une peine plus sévère. Cet élément de culpabilité supplémentaire découle de la préméditation liée à la suppression d’une vie humaine et non à l’identité de la victime envisagée. Une erreur ou un accident concernant la victime n’est pas un facteur atténuant. Le fait que l’accusé soit un mauvais tireur et qu’il ait atteint et tué B au lieu de A ne doit pas influer sur l’évaluation, en droit, de la gravité du crime. C’est ce que l’on fait remarquer d’une manière originale mais convaincante dans Foster’s Crown Cases (3e éd., 1809), Discourse II, «Of Homicide», à la p. 262:

[TRADUCTION] …lorsque le préjudice que l’on avait l’intention de causer à A. procède d’une intention perverse, meurtrière ou malicieuse, la partie en question est responsable de toutes les conséquences de son acte, si cet acte cause la mort, même s’il ne s’est pas réalisé sur la victime envisagée. La malice que j’ai déjà expliquée, l’âme qui ne se soucie pas des responsabilités sociales et qui se voue délibérément à faire le mal et, par conséquent, la culpabilité de l’accusé, sont exactement les mêmes dans un cas comme dans l’autre.

Lorsque le par. 214(2) est combiné avec l’al. 212b), l’identité et la réputation d’une victime n’ont aucune importance. L’exigence de prémédi-

[Page 223]

tation se rapporte à l’intention de supprimer une vie humaine et non à l’identité de la victime.

VII Conclusion

Somme toute, que l’on aborde la question en analysant le rapport entre le par. 214(2) et l’infraction même prévue à l’al. 212b), en fonction de la considération de principe qui sous‑tend le par. 214(2), ou même, si cela était pertinent, en fonction du transfert d’intention, on arrive exactement à la même conclusion: la préméditation liée au fait de tuer une personne en particulier fait de cette infraction un meurtre au premier degré lorsqu’en exécutant son projet l’accusé tue une autre personne.

Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

Version française des motifs rendus par

LE JUGE WILSON — J’ai eu l’avantage de lire les motifs de jugement de mon collègue le juge Dickson et je suis d’accord avec sa conclusion que le présent pourvoi doit être rejeté. Parce que mon collègue se fonde beaucoup sur l’arrêt de cette Cour à la majorité, R. c. Farrant, [1983] 1 R.C.S. 124, dans lequel j’ai exprimé ma dissidence, je tiens à formuler les raisons qui m’incitent à rejeter ce pourvoi.

Avec égards, je suis d’avis d’adopter le passage suivant des motifs que le juge Martin a rédigés au nom de la Cour d’appel de l’Ontario en l’espèce (1981), 34 O.R. (2d) 588, à la p. 592:

[TRADUCTION] Nous croyons que le juge du procès a eu raison de dire dans ses directives au jury que si celui-ci était convaincu hors de tout doute raisonnable que l’intention de l’appelant de tuer son épouse était assortie de préméditation et qu’en donnant suite à cette intention il a causé la mort de ses enfants par accident ou par erreur, le meurtre qui s’en est suivi constituait un meurtre au premier degré.

Le paragraphe 214(2) prévoit que le «meurtre» au premier degré est le meurtre commis avec préméditation. Lorsque le meurtre défini à l’al. 212b) est commis avec préméditation, il constitue un meurtre au premier degré même si l’intention de tuer, assortie de préméditation, s’est réalisée sur une personne autre que la victime envisagée.

Comme nous l’avons indiqué, nous sommes convaincus qu’une déclaration de culpabilité de meurtre au

[Page 224]

premier degré peut être fondée sur une combinaison de l’al. 212b) et du par. 214(2) et nous ne pouvons accepter la prétention de Me Kluwak que, pour constituer un meurtre au premier degré au sens du par. 214(2), la préméditation doit avoir visé la personne réellement tuée. Nous estimons que le professeur Mewett énonce correctement la règle de droit applicable dans un article intitulé «First Degree Murder» (1978-79), 21 Crim. L.Q. 82, à la p. 83, où il affirme:

L’alinéa 212b) ne semblé soulever aucun problème, du moins lorsqu’il s’applique en raison de l’intention de causer la mort d’une autre personne. Puisque c’est le meurtre qui doit être prémédité et que l’al. 212b) a pour seul effet de prévoir que l’intention de tuer A constitue une mens rea suffisante si, par accident ou par erreur, l’accusé tue B, il semblerait alors que le fait de préméditer le meurtre de A et de tuer B par accident ou par erreur rende le «meurtre» de B (puisqu’il est ainsi défini à l’al. 212b)) prémédité.

Ce raisonnement me semble concluant aux fins de l’espèce et, sur ce fondement, je suis donc d’avis de rejeter le présent pourvoi.

Pourvoi rejeté.

Procureur de l’appelant: Gerald Kluwak, Toronto.

Procureur de l’intimée: Le ministère du Procureur général, Toronto.


Synthèse
Référence neutre : [1984] 1 R.C.S. 208 ?
Date de la décision : 02/04/1984
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Transfert d’intention - Meurtre - L’accusé n’a pas tué la victime envisagée, mais a, par erreur, causé la mort de deux autres personnes - Directive donnée au jury selon laquelle l’accusé est passible d’une déclaration de culpabilité de meurtre au premier degré - La directive donnée au jury était-elle appropriée? - L’expression «commis avec préméditation» de l’art. 214 vise-t-elle les victimes envisagées ou les victimes réelles? - Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 205, 212b), 214(2).

L’appelant avait projeté de tuer son épouse, mais en exécutant son projet il a plutôt tué ses deux jeunes enfants. Le juge du procès a dit dans ses directives au jury que, s’il était convaincu hors de tout doute raisonnable que l’appelant avait prémédité le meurtre de son épouse, l’appelant pouvait être déclaré coupable du meurtre au premier degré de ses enfants. La question est de savoir si la Cour d’appel de l’Ontario a commis une erreur de droit en concluant que le juge du procès a donné des directives appropriées au jury.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Les juges Ritchie, Dickson, Estey, Mclntyre, Chouinard et Lamer: La préméditation liée au fait de tuer une personne en particulier fait de cette infraction un meurtre au premier degré lorsqu’en exécutant son projet l’accusé tue une autre personne.

La question de la responsabilité pour meurtre au premier degré est une question d’interprétation de la loi et ne dépend aucunement de la doctrine du «transfert d’intention». Le paragraphe 214(2) ne crée pas une infraction distincte de meurtre au premier degré; il classifie, pour les fins du prononcé de la sentence, l’infraction de meurtre définie aux art. 212 et 213. Suivant l’al. 212b), il y a meurtre lorsqu’une personne, ayant l’intention de causer la mort d’un être humain, cause par accident ou par erreur la mort d’un autre être humain. Le paragraphe 214(2) classifie comme meurtre au premier degré le meurtre commis de l’une ou l’autre

[Page 209]

des façons pertinentes prévues par le Code, si ce meurtre a été prémédité. L’élément de préméditation requis par le par. 214(2) est lié à la mens rea spécifique de la disposition applicable — en l’espèce, selon l’al. 212b), à l’intention de causer la mort de l’épouse. Lorsque le par. 214(2) est combiné avec l’al. 212b), l’identité et la réputation d’une victime n’ont aucune importance. Cette conclusion est également compatible avec la considération de principe qui sous-tend le par. 214(2) qui impose une peine plus sévère en raison de l’élément de culpabilité morale supplémentaire que comporte le meurtre commis avec préméditation. Cet élément de culpabilité supplémentaire découle de la préméditation liée à la suppression d’une vie humaine et non à l’identité de la victime.

Le juge Wilson: Le meurtre au premier degré est le meurtre commis avec préméditation. Selon l’al. 212b), l’intention de tuer une personne constitue une mens rea suffisante si, par accident ou par erreur, l’accusé tue une autre personne. Le fait de préméditer le meurtre de la victime envisagée et de tuer une autre personne par accident ou par erreur suffit à rendre prémédité l’homicide de la victime non envisagée.


Parties
Demandeurs : Droste
Défendeurs : Sa Majesté la Reine

Références :

Jurisprudence: arrêts suivis: R. c. Farrant, [1983] 1 R.C.S. 124

R. v. Woods and Gruener (1980), 57 C.C.C. (2d) 220

arrêt mentionné: R. v. Gross (1913), 23 Cox C.C. 455

distinction faite avec l’arrêt: Ancio c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 225.

Proposition de citation de la décision: Droste c. R., [1984] 1 R.C.S. 208 (2 avril 1984)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1984-04-02;.1984..1.r.c.s..208 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award