La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/10/1983 | CANADA | N°[1983]_2_R.C.S._311

Canada | Syndicat canadien de la Fonction publique c. Conseil des relations du travail (N.-É.) et autre, [1983] 2 R.C.S. 311 (13 octobre 1983)


Cour suprême du Canada

Syndicat canadien de la Fonction publique c. Conseil des relations du travail (N.-É.) et autre, [1983] 2 R.C.S. 311

Date: 1983-10-13

Le Syndicat canadien de la Fonction publique Appelant;

et

Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) et la Commission scolaire municipale de Digby Intimés;

et

La Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse Intervenante.

N° du greffe: 17256.

1983: 4, 5 mai; 1983: 13 octobre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Dickson, McIntyre, Chouinard et W

ilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE

POURVOI interjeté par voie d’exposé de cause contre un ar...

Cour suprême du Canada

Syndicat canadien de la Fonction publique c. Conseil des relations du travail (N.-É.) et autre, [1983] 2 R.C.S. 311

Date: 1983-10-13

Le Syndicat canadien de la Fonction publique Appelant;

et

Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) et la Commission scolaire municipale de Digby Intimés;

et

La Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse Intervenante.

N° du greffe: 17256.

1983: 4, 5 mai; 1983: 13 octobre.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Dickson, McIntyre, Chouinard et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA NOUVELLE-ÉCOSSE

POURVOI interjeté par voie d’exposé de cause contre un arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse (1982), 135 D.L.R. (3d) 582, 52 N.S.R. (2d) 181, 106 A.P.R. 181, qui a modifié une ordonnance du Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse). Pourvoi rejeté.

B.A. Crane, c.r., et N. Blaise MacDonald, pour l’appelant.

C. Peter McLellan et Brian Johnson, pour l’intimée la Commission scolaire municipale de Digby.

Raymond Larkin et G.J. McConnell, pour l’intervenante la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse.

Version française du jugement du juge en chef Laskin et des juges McIntyre et Chouinard rendu par

LE JUGE EN CHEF — Invoquant le par. 18(2) de la Trade Union Act, 1972 (N.-É.), chap. 19, le Conseil provincial des relations du travail a formulé un exposé de cause à l’intention de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse en vue d’obtenir son opinion sur certaines questions qu’il avait posées par suite d’une plainte et des procédures subséquentes résultant d’un différend entre le syndicat appelant et l’intimée la Commission scolaire municipale de Digby. Le syndicat s’est plaint que l’em-

[Page 315]

ployeur intimé ne s’est pas efforcé, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective comme l’exige l’art. 33 de la Loi.

Les parties avaient été liées par une convention collective qui a expiré le 31 décembre 1978. La convention n’ayant pas été renouvelée, le syndicat a déclenché une grève. En réponse, l’employeur a retenu par contrat les services des employés en grève. La première plainte du syndicat, en date du 24 septembre 1979, a abouti à une décision du Conseil des relations du travail portant que l’intimée s’était adonnée à une pratique déloyale de travail et lui ordonnant de cesser cette pratique. Par la suite, le Conseil, le ministre du Travail et le gouvernement de la Nouvelle-Écosse ont tenté d’amener les parties à négocier collectivement en vue de conclure une convention, mais les négociations ont rompu à plusieurs reprises. L’affaire a été soumise au ministre du Travail le 16 février 1981; on alléguait alors que l’intimée avait manqué aux obligations que lui imposent les art. 33 et 34 de la Loi, que j’examinerai en détail en temps utile. Le Ministre a renvoyé l’affaire au Conseil des relations du travail en vertu du par. 34(1).

Le 31 juillet 1981, après quelque treize jours d’audience, le Conseil a rendu une ordonnance enjoignant aux deux parties de faire ce qui est énoncé à l’annexe A de l’ordonnance. L’annexe A se lit ainsi:

[TRADUCTION] Ce que la Commission scolaire municipale de Digby, à titre de partie aux négociations collectives avec le Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 1185, doit faire pour se conformer à la présente ordonnance:

(1) La commission doit rédiger et soumettre au syndicat un ensemble complet de propositions, au plus tard le 10 août 1981;

(2) Une proposition de renouvellement de la convention précédente conclue avec le syndicat, avec modification des articles suivants seulement:

a) quant à la sécurité syndicale — ceux qui étaient membres du syndicat au début de la grève et qui sont maintenant des chauffeurs contractuels pourront être embauchés, s’ils le veulent, sans être assujettis à la clause de sécurité syndicale;

[Page 316]

b) quant à la sécurité syndicale — de nouveaux employés pourront être embauchés, s’ils le veulent, sans être assujettis à la clause antérieure de sécurité syndicale pour la durée de la convention, mais ils devront verser des cotisations syndicales;

(3) Ces propositions devront comporter une proposition relative aux salaires prévoyant au moins

a) une augmentation minimale de 48 $ par mois pour les chauffeurs à temps partiel, avec effet rétroactif au 1er janvier 1979;

b) une nouvelle augmentation de 9,2 % à compter du 1er septembre 1980;

c) une nouvelle augmentation de 8,5 % à compter du 1er septembre 1981;

d) une nouvelle augmentation de 5,5 % à compter du 1er janvier 1982.

(4) La commission scolaire s’engagera, par lettre au syndicat, à ne pas embaucher par contrat d’autres personnes pour conduire les autobus, en contrepartie d’une lettre du syndicat dans laquelle celui-ci s’engagera à ne pas déclencher une grève et à ne pas suspendre ses services de quelque autre façon. (Ces lettres devront s’appliquer spécifiquement à la durée de cette convention collective.)

(5) La commission devra communiquer ses propositions au syndicat immédiatement, sinon au plus tard à midi, le mardi 11 août 1981.

Ce que le Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 1158 (sic), doit faire pour se conformer à la présente ordonnance:

(1) Le syndicat doit rédiger et soumettre une réponse complète à chacune des propositions de la commission scolaire, au plus tard le 20 août 1981;

(2) Aucune de ces réponses ne doit lier les salaires à une formule locale quelconque à moins que la commission ne fasse une proposition en ce sens;

(3) Le syndicat ne doit pas chercher à empêcher les chauffeurs d’autobus actuellement liés par contrat avec la commission d’occuper des postes qui deviendront vacants après que les chauffeurs en grève qui en auront exprimé la volonté auront réintégré leur ancien poste.

L’ordonnance du 31 juillet exigeait en outre que les parties retournent devant le Conseil le 31 août 1981 si jamais une nouvelle convention collective n’était pas conclue. Aucune convention collective n’est intervenue et, suite à l’audience du 31 août

[Page 317]

1981, le Conseil des relations du travail, après avoir fait certaines constatations de fait fondées sur les audiences et les témoignages, a soumis les questions en litige à la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse par voie d’exposé de cause. Ses constatations de fait étaient jointes en annexe à l’exposé de cause.

En raison de certaines lacunes dans sa présentation, le texte de l’exposé de cause et de l’annexe pose des difficultés. L’avocat du syndicat et de la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse (autorisée à participer aux procédures en Cour d’appel à titre d’ami de la cour) intervenue en sa faveur, a dû s’appuyer fortement sur les motifs prononcés par le Conseil des relations du travail dans sa décision du 31 juillet 1981, qui comportait également l’annexe A. L’exposé de cause (sauf l’annexe A) ne fait pas état de la décision et des motifs du 31 juillet 1981, mais j’estime que la Cour peut s’appuyer sur ces motifs puisqu’ils sont, par déduction tout au moins, inclus dans l’exposé de cause.

Il convient de reproduire en entier l’exposé de cause du Conseil. Mis à part certains passages non pertinents, il se lit ainsi:

[TRADUCTION] 1. Le 19 avril 1974 ou vers cette date, le Syndicat canadien de la Fonction publique, ci-après appelé le syndicat, a été accrédité comme agent négociateur de certains employés de la Commission scolaire régionale de Digby, ci‑après appelée la commission scolaire.

2. Avant le 31 décembre 1978, une convention collective non datée signée par le syndicat et la commission scolaire était en vigueur pour l’année civile 1978.

3. Par lettre en date du 12 septembre 1978, le syndicat a signifié un avis d’intention de négocier.

4. Le syndicat et la commission scolaire ont commencé l’année 1979 sans convention collective mais se sont conformés aux dispositions de la convention de 1978 au cours des négociations. À une assemblée syndicale tenue le 27 août 1979, les membres ont voté en faveur de la grève et la grève a été déclenchée le 4 septembre 1979, au début de l’année scolaire. Le 5 septembre 1979, la commission scolaire a décidé de confier le transport par autobus des étudiants à des personnes engagées par contrat.

5. Le 24 septembre 1979, une plainte a été déposée auprès du Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) portant que la commission scolaire s’était adonnée à des pratiques déloyales de travail interdites par la

[Page 318]

Trade Union Act. Dans une décision en date du 8 novembre 1979, le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a conclu que la commission scolaire s’était adonnée à une pratique déloyale de travail et a ordonné à l’employeur de cesser cette pratique.

6. Par lettre en date du 16 février 1981, le ministre du Travail et de la Main-d’oeuvre a reçu du syndicat une plainte portant que la commission scolaire ne s’était pas efforcée, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective conformément aux articles 33 et 34 de la Trade Union Act. Conformément au paragraphe 34(1), le ministre du Travail et de la Main-d’oeuvre a renvoyé la plainte au Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse).

7. Le Conseil a tenu des audiences et a entendu les témoignages le 16 mars, les 13, 14, 15, 16, 27 et 28 avril, les 19 et 20 mai, les 22, 23 et 24 juin et le 22 juillet 1981. Le Conseil a rendu une ordonnance provisoire en date du 31 juillet 1981 et a fixé au 31 août 1981 la date d’une audience supplémentaire qui serait tenue si jamais aucune nouvelle convention collective n’était conclue et signée à cette date.

8. Suite à l’audience du 31 août 1981, le Conseil des relations du travail (Nouvelle‑Écosse) a informé que certaines questions seraient soumises, à titre de questions de droit, à la décision de la Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse.

9. Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a fait certaines constatations de fait fondées sur les audiences tenues et les témoignages rendus devant lui et ces constatations, qui portent la signature du président et le sceau du Conseil, sont jointes aux présentes en annexe «A».

10. Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) demande respectueusement l’opinion de la Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse sur les questions suivantes:

a) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour rendre, en totalité ou en partie, son ordonnance du 31 juillet 1981 qui enjoint aux parties de faire ce qui y est énoncé de sorte qu’il y ait, de l’avis du Conseil, respect de l’article 33 de la Trade Union Act?

b) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner d’écarter du processus de négociation une personne qui, à son avis, entrave des efforts raisonnables qui visent la conclusion et la signature d’une convention collective?

c) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner la réinté-

[Page 319]

gration des employés à compter du moment où, selon le Conseil, l’employeur a décidé de ne pas se conformer à son obligation de «s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective», c.-à-d. à compter du moment où il y a eu violation de l’alinéa 33a) de la Trade Union Act à l’égard de véritables négociations collectives?

d) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner à un employeur de payer des salaires, traitements ou autres rémunérations à un employé s’il conclut que l’employé a subi une perte financière à cause de la violation par l’employeur des dispositions de la Trade Union Act?

e) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour accorder des dépens contre la commission scolaire en faveur:

(i) du syndicat,

(ii) des employés?

Je dois souligner que Ton s’accorde pour dire que le par. 10b) de l’exposé de cause n’est pas en litige en l’espèce. Le problème général que soulèvent les autres questions concerne l’étendue de la compétence du Conseil en vertu des art. 33 et 34 de la Trade Union Act. Ces articles ont leur source dans l’art. 14 et le par. 43(2) de la Trade Union Act, 1947 (N.É.), chap. 3, et eu égard à l’évolution du droit des relations ouvrières dans la législation fédérale et d’autres lois provinciales, ils datent. Ces articles se lisent actuellement ainsi:

[TRADUCTION] 33 Lorsqu’un avis d’intention de négocier a été donné en vertu de l’article 31 ou de l’article 32 ou conformément à une convention collective qui prévoit la révision de l’une de ses dispositions,

a) l’agent négociateur accrédité et l’employeur, ou l’association d’employeurs qui représente ce dernier, doivent sans délai ou, en tout état de cause, dans les vingt jours francs qui suivent la remise de l’avis ou dans le délai supplémentaire dont les parties peuvent convenir, se rencontrer et commencer à négocier ou faire en sorte que leurs représentants autorisés se rencontrent et commencent à négocier collectivement, et ils doivent s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective; et

b) l’employeur ne doit pas, sans le consentement du Conseil ou de l’agent négociateur accrédité ou reconnu, augmenter ou réduire les taux de salaire ni

[Page 320]

modifier aucune autre condition d’emploi des employés visés par l’avis d’intention de négocier avant

(i) qu’une nouvelle convention collective ait été conclue; ou

(ii) que l’agent négociateur et l’employeur, ou leurs représentants autorisés, aient négocié collectivement mais sans parvenir à conclure une convention collective, et

(iii) que se soient écoulés quatorze jours depuis la date de la communication au Ministre du rapport du conciliateur qui a été nommé pour amener les parties à conclure une convention collective, mais qui n’y est pas parvenu; ou

(iv) que sept jours se soient écoulés depuis la date de la réception par le Ministre du rapport de la commission de conciliation qui a été désignée pour tenter d’amener les parties à conclure une convention.

34 (1) Lorsque le Ministre reçoit d’une partie à des négociations collectives une plainte portant qu’une autre partie à ces négociations ne s’est pas conformée à l’article 33, il peut déférer la plainte au Conseil.

(2) Lorsqu’une plainte d’une partie à des négociations collectives est déférée au Conseil conformément au paragraphe (1), le Conseil doit faire enquête et il peut rejeter la plainte ou rendre une ordonnance enjoignant à toute partie aux négociations collectives de faire ce qui, de l’avis du Conseil, est nécessaire pour se conformer à l’article 33, et il peut ordonner à un employeur de verser à un employé une indemnité qui ne dépasse pas la somme que le Conseil estime équivalente à la rémunération que l’employeur aurait versée à l’employé s’il s’était conformé à l’alinéa 33b).

Bien que le litige entre les parties ait été réglé au mois de mars 1983, avant l’audition du présent pourvoi, il était entendu que les questions soulevées par la plainte du syndicat et l’exposé de cause seraient examinées par cette Cour tout comme elles l’ont été par la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse. Avant d’examiner la portée de l’al. 33a) et du par. 34(2), je me propose d’exposer les motifs et les conclusions de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse prononcés par le juge Hart, à l’avis duquel ont souscrit le juge en chef MacKeigan et les juges Cooper et Pace, le juge Jones étant dissident en partie.

[Page 321]

L’opinion du juge Hart porte essentiellement que les pouvoirs du Conseil des relations du travail doivent servir à faire progresser les négociations collectives, mais que le Conseil ne peut prescrire le contenu de la convention collective. Il convient d’énoncer le point de vue qu’il exprime dans les paragraphes suivants de ses motifs aux pp. 591 à 593.

[TRADUCTION] Il serait difficile et peut-être inopportun pour cette Cour de déterminer à l’avance le genre de conditions que le Conseil peut prescrire en vertu des pouvoirs que lui confère la loi. Par conséquent, je vais me borner à examiner ce qui a été ordonné en l’espèce et à donner mon opinion quant à leur validité.

Je ne vois pas d’objection à la première condition du Conseil qui enjoint à la commission scolaire de rédiger et de soumettre au syndicat dans un délai précis un ensemble complet de propositions.

À mon avis, le Conseil n’a pas le pouvoir de prescrire comme deuxième condition le renouvellement de la convention précédente avec modification de certains articles. Par cette condition, le Conseil fixe le contenu de la convention collective au lieu d’enjoindre aux parties de négocier collectivement.

À mon avis, la troisième condition du Conseil qui enjoint à la commission scolaire d’inclure dans la convention collective certaines augmentations de salaire outrepasse elle aussi la compétence du Conseil.

La quatrième condition du Conseil qui enjoint à la commission scolaire de s’engager, par lettre au syndicat, à ne pas embaucher par contrat d’autres personnes pour conduire les autobus scolaires, en contrepartie d’une lettre du syndicat dans laquelle celui-ci s’engagera à ne pas déclencher une grève et à ne pas suspendre ses services de quelque autre façon, outrepasse la compétence du Conseil. Le Conseil n’a pas le pouvoir d’enlever aux parties les droits fondamentaux que la loi leur accorde.

À mon avis, le Conseil a compétence pour ordonner au syndicat, comme première condition, de rédiger et de soumettre une réponse complète à chacune des propositions de la commission scolaire dans un délai précis.

La seconde condition, qui interdit au syndicat de lier ses demandes salariales à une formule locale quelconque, outrepasse à mon avis la compétence du Conseil puisqu’elle porte sur le contenu de la convention.

La troisième condition du Conseil, qui prévoit que le syndicat ne doit pas chercher à empêcher les chauffeurs d’autobus qui étaient liés par contrat avec la commission scolaire d’occuper des postes qui seront vacants après

[Page 322]

que les chauffeurs en grève qui en auront exprimé la volonté auront réintégré leur ancien poste, vise à mon avis à faire progresser les négociations entre les parties et ne concerne pas les conditions de la convention elle-même. Elle est donc conforme à la compétence du Conseil.

Examinons maintenant les réponses aux questions sur lesquelles le Conseil demande l’opinion de la cour.

Question a):

Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour rendre, en totalité ou en partie, son ordonnance du 31 juillet 1981 qui enjoint aux parties de faire ce qui y est énoncé de sorte qu’il y ait, de l’avis du Conseil, respect de l’article 33 de la Trade Union Act?

Réponse: Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a compétence pour exiger de la commission scolaire qu’elle fasse ce qui est énoncé au paragraphe (1) de l’annexe «A» de son ordonnance du 31 juillet 1981, mais non pour ordonner ce qui est énoncé aux paragraphes (2), (3) et (4) de cette ordonnance. Le Conseil a compétence pour exiger du syndicat qu’il fasse ce qui est énoncé au paragraphe (1) de son ordonnance du 31 juillet 1981, mais non pour exiger ce qui est énoncé au paragraphe (2) de cette ordonnance.

Question b):

Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner d’écarter du processus de négociation une personne qui, à son avis, entrave des efforts raisonnables qui visent la conclusion et la signature d’une convention collective?

Réponse: Le Conseil n’a pas compétence pour écarter une personne du processus de négociation puisque les parties ont le droit de décider qui peut les représenter. Le Conseil a cependant le droit d’exiger qu’une personne mette fin à toute conduite qui vise à empêcher que le processus de la négociation aboutisse à une convention collective.

Question c):

Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner la réintégration des employés à compter du moment où, selon le Conseil, l’employeur a décidé de ne pas se conformer à son obligation de «s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective», c.-à-d. à compter du moment où il y a eu violation de l’al. 33a) de la Trade Union Act à l’égard de véritables négociations collectives?

Réponse: Le Conseil n’a pas compétence pour ordonner la réintégration d’employés à compter du moment où, selon le Conseil, l’employeur a décidé de ne pas se

[Page 323]

conformer à son obligation de s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective. En l’espèce, les employés ont choisi de déclencher une grève et, par conséquent, il n’y a pas eu violation de l’al. 33b) de la Loi au cours de la période de négociation.

Question d):

Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner à un employeur de payer des salaires, traitements ou autres rémunérations à un employé s’il conclut que l’employé a subi une perte financière à cause de la violation par l’employeur des dispositions de la Trade Union Act?

Réponse: Seul l’art. 34 de la Trade Union Act donne au Conseil le droit d’ordonner l’indemnisation des employés pour une violation de l’art. 33 et, en l’espèce, aucune violation de cet article ne peut être établie parce que les employés étaient en grève. L’exposé de cause ne fait état d’aucune autre infraction à la Loi et, par conséquent, la réponse ne concerne qu’une violation de l’art. 33.

Question e):

Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour accorder des dépens contre la commission scolaire en faveur:

(i) du syndicat,

(ii) des employés?

Réponse: Le Conseil n’a pas compétence pour accorder des dépens contre la commission scolaire en faveur du syndicat ou des employés. Un tribunal établi en vertu d’une loi ne peut accorder de dépens que dans la mesure prévue dans sa loi habilitante. Je ne vois aucune autorisation de cette nature dans la Trade Union Act de la Nouvelle‑Écosse.

Je suis par conséquent d’avis de renvoyer l’affaire au Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) avec les réponses qui s’imposent aux questions soumises à la cour.

Dans sa dissidence partielle, le juge Jones a convenu que le Conseil des relations du travail n’a pas compétence pour prescrire les conditions de la convention collective. Cependant, il adopte une opinion différente de celle des autres juges sur diverses questions soumises à la cour. Quant à la question a) de l’exposé de cause, il affirme, à la p. 620, que [TRADUCTION] «Même si le Conseil ne peut en fixer le contenu, il peut exiger que les parties présentent des propositions sur toutes les

[Page 324]

questions en litige. Il peut de même exiger que les parties retirent une proposition lorsqu’il estime qu’elle est déraisonnable et n’est pas faite de bonne foi». La question b) n’est pas en litige en l’espèce et la Cour convient à l’unanimité que le Conseil n’a pas cette compétence. Le juge Jones répondrait par l’affirmative aux questions c), d) et e). Il appuie donc la réintégration des employés, les ordonnances d’indemnisation et l’adjudication de dépens.

Dans leurs motifs respectifs, les juges Hart et Jones citent largement un jugement de la Cour divisionnaire de l’Ontario, Re Tandy Electronics Ltd. and United Steelworkers of America (1980), 30 O.R. (2d) 29, et ce jugement a servi de fondement aux arguments invoqués par le syndicat appelant et la partie intervenue en sa faveur, en vertu de l’al. 33a) et du par. 34(2). Le juge Hart a conclu que l’affaire Tandy n’était pas utile en l’espèce, mais le juge Jones a adopté un point de vue différent.

Quant à l’al. 33a) et au par. 34(2), le syndicat appelant et la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse les interprètent comme donnant au Conseil des relations du travail le pouvoir d’exiger que l’employeur formule des propositions précises de convention collective, presqu’au point de lui imposer une convention. Je ne puis interpréter de cette manière l’al. 33a) et l’art. 34. Je ne crois pas non plus que l’affaire Tandy appuie leur argumentation.

Le point commun entre la décision de la Commission des relations de travail de l’Ontario dans l’affaire Tandy et celle du Conseil des relations du travail de la Nouvelle-Écosse en l’espèce est que, dans les deux cas, on a conclu que l’employeur n’a pas négocié de bonne foi en vue de conclure une convention collective. Bien qu’il en résulte dans chaque cas une infraction à la loi pertinente, cela ne donne pas le pouvoir de prescrire une convention collective. Dans l’affaire Tandy, la Cour divisionnaire de l’Ontario a examiné une ordonnance de la commission ontarienne qui obligeait l’employeur à abandonner l’attitude qu’il avait adoptée dans les négociations relatives à la clause de retenue des cotisations syndicales. La cour a maintenu cette ordonnance parce que la Commission avait

[Page 325]

conclu précisément que l’attitude de l’employeur visait à provoquer la chute du syndicat et constituait un élément de mauvaise foi important dans son comportement au cours des négociations. En l’espèce, le Conseil de la Nouvelle-Écosse ne s’est pas borné à ordonner à l’employeur de cesser d’imposer sa position sur une condition précise. Son ordonnance enjoignait à l’employeur de proposer des conditions dont le contenu était prescrit par le Conseil lui-même.

Dans l’affaire Tandy, la cour a dit clairement que la loi n’accordait pas le pouvoir d’imposer ou de prescrire les conditions d’une convention collective. C’est le cas en l’espèce. Cependant, elle a également affirmé que l’ordonnance de ne pas faire, que la commission ontarienne avait le pouvoir de rendre, pouvait avoir indirectement pour effet d’imposer aux parties une condition de la convention collective. Il n’est pas nécessaire d’approfondir cette question puisqu’elle ne se pose pas en l’espèce, et je ne vois pas comment l’appelant en l’espèce et la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse qui l’appuie peuvent recourir à la décision ontarienne pour l’appliquer par analogie à l’al. 33a) et à l’art. 34 de la loi de la Nouvelle‑Écosse.

Bien que la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse se soit penchée principalement sur le contenu de l’exposé de cause, l’argumentation devant cette Cour a porté sur l’annexe A. Examinons par conséquent les conditions de l’annexe qui énoncent ce que le Conseil des relations du travail exige de l’employeur et du syndicat. De toute évidence, il n’y a aucune difficulté à faire respecter l’exigence, qui constitue la première condition de l’annexe, que l’employeur rédige et soumette au syndicat un ensemble complet de propositions. Cette exigence laisse aux parties la liberté de négocier ces propositions, sans que le syndicat ne soit tenu de les accepter, et laisse à l’employeur le soin de décider ce qu’il est disposé à accepter.

La deuxième condition, qui concerne la sécurité syndicale, impose à l’employeur le renouvellement de la convention collective précédente à cet égard, sous réserve de certaines modifications énoncées à l’annexe. À mon avis, le Conseil des relations du travail n’a pas compétence pour imposer cette

[Page 326]

condition dans un projet de convention et je suis d’accord avec le juge Hart pour dire que, ce faisant, le Conseil a outrepassé sa compétence.

L’exigence du Conseil, à l’art. 3 de l’annexe, que l’employeur inclue dans ses propositions une certaine échelle de salaires prévoyant des augmentations successives a soulevé bien des débats. Cette exigence outrepasse elle aussi les pouvoirs conférés par l’al. 33a) et l’art. 34 et ne peut être maintenue.

Rien ne s’oppose au maintien de l’art. 4 de l’annexe qui exige, de l’employeur, une lettre portant qu’il n’embauchera pas d’autres personnes pour conduire les autobus et, du syndicat, une lettre portant qu’il ne déclenchera pas de grève ni ne suspendra ses services d’aucune autre façon. En fait, les parties ont accepté cette disposition et il ne m’est pas nécessaire d’en dire plus à ce sujet.

Les exigences imposées au syndicat en vertu de l’annexe font pendant aux propositions exigées de l’employeur et ne présentent, encore une fois, aucune difficulté.

Il reste à examiner les questions de la réintégration, de l’indemnisation et des ordonnances quant aux dépens que soulève l’exposé de cause. La tentative, par le syndicat, de transformer le pouvoir du Conseil d’assurer le respect de l’obligation de négocier de bonne foi en un pouvoir d’ordonner l’indemnisation et d’imposer des peines en cas de manquement à cette obligation, est insoutenable même en donnant aux termes de l’al. 33a) et de l’art. 34 l’interprétation la plus large. En invoquant l’affaire Tandy, on tente d’assimiler l’art. 34 de la loi de la Nouvelle-Écosse au par. 79(4) de la loi de l’Ontario et en particulier à l’al. c) de cette disposition qui donne à la commission ontarienne le pouvoir d’ordonner

[TRADUCTION]

79. …

(4)…

c) la réintégration dans son emploi ou l’engagement de la personne ou de l’employé intéressés, avec ou sans indemnisation, ou pour tenir lieu d’engagement ou de réintégration, une indemnité au montant qu’elle fixe pour sa perte de salaire et autres avantages rattachés à son emploi. Elle peut porter cette

[Page 327]

indemnité à la charge solidaire des contrevenants.

En l’espèce, il n’y a pas de disposition concernant la réintégration et l’indemnisation qui soit comparable à celle de la loi en cause dans l’affaire Tandy. En effet, le par. 34(2) ne prévoit une indemnisation que dans le cas où il y a eu inobservation de l’al. 33b) de la Loi, concernant les modifications de salaires non autorisées, et cette question n’a pas été soulevée en l’espèce. Comme le fait remarquer le juge Hart, les employés étaient en grève et il n’y a pas eu de violation de l’al. 33b) pendant la grève; en outre, il ne semble pas qu’il y ait eu de modification des taux de salaire qui permette d’invoquer l’al. 33b).

Dans le présent pourvoi, le syndicat et la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse se sont fondés sur une conception large, voire extrapolée, du par. 34(2) qui donne au Conseil des relations du travail le pouvoir de [TRADUCTION] «rendre une ordonnance enjoignant à une partie aux négociations collectives de faire ce que le Conseil estime nécessaire pour se conformer à l’article 33». Les pouvoirs du Conseil, en vertu du par. 34(2), se limitent à faire respecter les obligations que l’art. 33 impose aux parties, et l’emploi des termes «que le Conseil estime nécessaire» ne lui permet pas de se soustraire à cette limite. Le Conseil n’est habilité à se former une opinion que sur ce qui est «nécessaire pour se conformer à l’article 33.»

La directive prévue à l’al. 33a) vise simplement à obliger les parties aux négociations à se rencontrer, à négocier ensemble et à s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective. L’alinéa 33a) est loin de justifier le genre d’ordonnances que l’on cherche à obtenir en l’espèce. Puisqu’il est reconnu, même si le syndicat et en particulier la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse en préconisent une interprétation beaucoup plus large, que l’al. 33a) et l’art. 34 ne permettent pas d’imposer les conditions d’une convention collective au moyen d’une ordonnance du Conseil des relations du travail, le pourvoi échoue sur son point principal et doit être rejeté avec dépens contre le syndicat appelant. Il n’y aura pas d’adjudication de dépens contre la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse.

[Page 328]

Version française des motifs des juges Dickson et Wilson rendus par

LE JUGE DICKSON — La question en litige concerne la portée du pouvoir de redressement du Conseil des relations du travail de la Nouvelle-Écosse relativement à une plainte pour «défaut de négocier».

I Les faits et l’historique des procédures

Le Syndicat canadien de la Fonction publique («le syndicat») est l’agent négociateur accrédité des chauffeurs d’autobus scolaires au service de la Commission scolaire municipale de Digby («la commission scolaire») depuis le 19 avril 1974. En 1978, le syndicat et la commission scolaire étaient liés par une convention collective qui a expiré le 31 décembre 1978. Le syndicat a signifié un avis d’intention de négocier le 12 septembre 1978.

Comme aucune convention n’était sur le point d’intervenir, le syndicat a déclenché une grève légale le 4 septembre 1979. Le lendemain, la commission scolaire a décidé de confier le transport par autobus des étudiants à des personnes engagées par contrat. Le 24 septembre 1979, le syndicat a déposé auprès du Conseil des relations du travail de la Nouvelle-Écosse («le Conseil») une plainte portant que la commission scolaire s’adonnait à des pratiques déloyales de travail. Par une décision en date du 8 novembre 1979, le Conseil a conclu que la commission scolaire s’était adonnée à une pratique déloyale de travail en offrant des contrats à des syndiqués à la condition qu’ils quittent leur syndicat. Le Conseil a ordonné à la commission scolaire de cesser cette pratique. Le pourvoi en l’espèce ne porte pas directement sur ces procédures.

Les procédures à l’origine du présent pourvoi sont survenues beaucoup plus tard. Au mois de février 1981, la grève persistait et la commission scolaire continuait à assurer les services d’autobus en employant des chauffeurs contractuels. Le 16 février 1981, le ministre du Travail a renvoyé au Conseil la plainte du syndicat portant que la commission scolaire ne s’est pas conformée à l’obligation de négocier prévue à l’al. 33a) de la Trade Union Act, 1972 (N.-É), chap. 19:

[Page 329]

[TRADUCTION] 33 Lorsqu’un avis d’intention de négocier a été donné…

a) l’agent négociateur accrédité et l’employeur … doivent … se rencontrer et commencer à négocier ou faire en sorte que leurs représentants autorisés se rencontrent et commencent à négocier collectivement, et ils doivent s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective…

Après de longues audiences, le Conseil a conclu, dans une décision en date du 31 juillet 1981, que la commission scolaire avait enfreint l’al. 33a). Cette conclusion n’est pas contestée. La question en litige porte sur les mesures de redressement qui, par la suite, ont fait l’objet d’un exposé de cause. Pour déterminer la portée des pouvoirs de redressement du Conseil, il est essentiel d’examiner les faits qui lui ont permis de conclure que la commission scolaire avait enfreint l’al. 33a). Malheureusement, le dossier du Conseil est restreint. Soulignons en particulier les constatations de fait suivantes tirées des motifs rendus par le Conseil le 31 juillet 1981 et d’autres constatations de fait annexées à l’exposé de cause:

[TRADUCTION] NOUS constatons précisément que la commission scolaire intimée ne s’est pas «efforcée, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective» et, compte tenu de sa conduite passée, nous sommes d’avis que si nous la laissons agir librement, elle ne fera pas l’effort que le Conseil estime nécessaire pour se conformer aux exigences de l’article 33 de la Trade Union Act.

À notre avis, le comportement de la commission scolaire au cours des négociations collectives équivaut à une simulation consistant à se présenter pour négocier régulièrement sans avoir l’intention de conclure une convention. Nous concluons que, dans toutes ses propositions, la commission scolaire a tenté d’anéantir la sécurité syndicale.

Nous concluons qu’en confiant à des personnes embauchées par contrat le travail normal des chauffeurs d’autobus, la commission scolaire avait pour objectif d’éviter la conclusion d’une convention collective.

De l’avis du Conseil, bien que la commission scolaire et en particulier son négociateur, Robert Street, fassent valoir que les mesures prises par la commission scolaire font partie de la «négociation serrée», le Conseil ne peut

[Page 330]

qualifier de raisonnable leur insistance à affirmer que le syndicat a perdu tous les droits à la sécurité syndicale dont il a joui depuis la première convention collective entre les parties. Le Conseil ne trouve pas non plus raisonnable l’exigence de la commission scolaire que le syndicat «gagne» le droit à la sécurité syndicale pour l’avenir.

Juste avant la fin des audiences, les représentants des parties ont convenu de soumettre à l’acceptation de leurs groupes respectifs une proposition commune élaborée en présence du Conseil. Le comité de négociation de la commission scolaire a, d’une manière unilatérale, modifié sensiblement cette proposition et aucun accord n’est intervenu.

Au cours des audiences commencées au mois de mars 1981, qui ont été ajournées à plusieurs reprises pour permettre aux parties de négocier, le règlement de la grève a paru maintes fois sur le point d’intervenir. Le Conseil des relations du travail conclut maintenant que la commission scolaire a utilisé délibérément l’approbation du Conseil pour gagner du temps et poursuivre ses tactiques d’emploi de chauffeurs contractuels. Nous concluons en ce sens après avoir

(i) observé l’attitude et le comportement des témoins;

(ii) conclu que le président de la commission scolaire, Richard Daley, a présenté à la commission des propositions légèrement différentes de celles qu’il s’était engagé à présenter;

(iii) appris que la commission scolaire a offert en vente neuf de ses autobus à la condition que l’acheteur s’engage par contrat à desservir neuf circuits d’autobus scolaires, cette offre de vente ayant été faite avant une date importante fixée par le Conseil des relations du travail dans son ordonnance du 31 juillet 1981.

Il semble évident que, de l’avis du Conseil, la conduite de la commission scolaire constitue une violation flagrante de la Loi qui commande des mesures de redressement extraordinaires. Le Conseil a ordonné aux parties de faire ce qui est énoncé à l’annexe «A» de son ordonnance du 31 juillet 1981 («les conditions de l’annexe A»):

[TRADUCTION]

Annexe «A»

Ce que la Commission scolaire municipale de Digby, à titre de partie aux négociations collectives avec le

[Page 331]

Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 1185, doit faire pour se conformer à la présente ordonnance:

(1) La commission doit rédiger et soumettre au syndicat un ensemble complet de propositions, au plus tard le 10 août 1981;

(2) Une proposition de renouvellement de la convention précédente conclue avec le syndicat, avec modification des articles suivants seulement:

a) quant à la sécurité syndicale — ceux qui étaient membres du syndicat au début de la grève et qui sont maintenant des chauffeurs contractuels pourront être embauchés, s’ils le veulent, sans être assujettis à la clause de sécurité syndicale;

b) quant à la sécurité syndicale — de nouveaux employés pourront être embauchés, s’ils le veulent, sans être assujettis à la clause antérieure de sécurité syndicale pour la durée de la convention, mais ils devront verser des cotisations syndicales;

(3) Ces propositions devront comporter une proposition relative aux salaires prévoyant au moins

a) une augmentation minimale de 48 $ par mois pour les chauffeurs à temps partiel, avec effet rétroactif au 1er janvier 1979;

b) une nouvelle augmentation de 9,2 % à compter du 1er septembre 1980;

c) une nouvelle augmentation de 8,5 % à compter du 1er septembre 1981;

d) une nouvelle augmentation de 5,5 % à compter du 1er janvier 1982.

(4) La commission scolaire s’engagera, par lettre au syndicat, à ne pas embaucher par contrat d’autres personnes pour conduire les autobus, en contrepartie d’une lettre du syndicat dans laquelle celui-ci s’engagera à ne pas déclencher une grève et à ne pas suspendre ses services de quelque autre façon. (Ces lettres devront s’appliquer spécifiquement à la durée de cette convention collective.)

(5) La commission devra communiquer ses propositions au syndicat immédiatement, sinon au plus tard à midi, le mardi 11 août 1981.

Ce que le Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 1158 (sic), doit faire pour se conformer à la présente ordonnance:

(1) Le syndicat doit rédiger et soumettre une réponse complète à chacune des propositions de la commission scolaire, au plus tard le 20 août 1981;

[Page 332]

(2) Aucune de ces réponses ne doit lier les salaires à une formule locale quelconque à moins que la commission ne fasse une proposition en ce sens;

(3) Le syndicat ne doit pas chercher à empêcher les chauffeurs d’autobus actuellement liés par contrat avec la commission d’occuper des postes qui deviendront vacants après que les chauffeurs en grève qui en auront exprimé la volonté auront réintégré leur ancien poste.

Le syndicat demandait notamment, à titre de mesure de redressement, une ordonnance d’indemnisation et une ordonnance quant aux dépens. Dans sa décision du 31 juillet 1981, le Conseil a exprimé certains doutes concernant sa compétence pour rendre ces ordonnances, mais il a mis en délibéré sa décision. Il a proposé d’examiner cette question uniquement si les conditions de l’annexe A n’entraînaient pas la conclusion d’une convention. Les parties se sont vu ordonner de retourner devant le Conseil le 31 août 1981 si jamais une convention n’était pas encore conclue. Comme aucune convention n’avait été conclue à cette date, le Conseil a décidé de soumettre un exposé de cause conformément au par. 18(2) de la Trade Union Act:

[TRADUCTION] 18 …

(2) Le Conseil peut de son propre chef demander par exposé de cause l’opinion de la Division d’appel de la Cour suprême sur toute question qu’il estime être une question de droit.

L’exposé de cause se lit en partie comme suit:

[TRADUCTION] Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) demande respectueusement l’opinion de la Division d’appel de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse sur les questions suivantes:

a) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour rendre, en totalité ou en partie, son ordonnance du 31 juillet 1981 qui enjoint aux parties de faire ce qui y est énoncé de sorte qu’il y ait, de l’avis du Conseil, respect de l’article 33 de la Trade Union Act?

b) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner d’écarter du processus de négociation une personne qui, à son avis, entrave des efforts raisonnables qui visent la conclusion et la signature d’une convention collective?

[Page 333]

c) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner la réintégration des employés à compter du moment où, selon le Conseil, l’employeur a décidé de ne pas se conformer à son obligation de «s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective», c.-à-d. à compter du moment où il y a eu violation de l’alinéa 33a) de la Trade Union Act à l’égard de véritables négociations collectives?

d) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner à un employeur de payer des salaires, traitements ou autres rémunérations à un employé s’il conclut que l’employé a subi une perte financière à cause de la violation par l’employeur des dispositions de la Trade Union Act?

e) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour accorder des dépens contre la commission scolaire en faveur:

(i) du syndicat,

(ii) des employés?

Contrairement au Conseil, le syndicat et la commission scolaire ont plaidé devant la Division d’appel. La Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse («la Fédération») a été autorisée à y intervenir.

Le juge Hart (le juge en chef MacKeigan et les juges Cooper et Pace ont souscrit à ses motifs) a prononcé le jugement de la Division d’appel à la majorité. Il a répondu «non» à toutes les questions sauf en ce qui concerne les dispositions suivantes des conditions de l’annexe A qui, à son avis, relèvent de la compétence du Conseil:

[TRADUCTION] Ce que la Commission scolaire municipale de Digby, à titre de partie aux négociations collectives avec le Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 1185, doit faire pour se conformer à la présente ordonnance:

(1) La Commission doit rédiger et soumettre au syndicat un ensemble complet de propositions, au plus tard le 10 août 1981;

(5) La Commission devra communiquer ses propositions au syndicat immédiatement, sinon au plus tard à midi, le mardi 11 août 1981.

Ce que le Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 1158 (sic), doit faire pour se conformer à la présente ordonnance:

[Page 334]

(1) Le Syndicat doit rédiger et soumettre une réponse complète à chacune des propositions de la Commission scolaire, au plus tard le 20 août 1981;

(3) Le Syndicat ne doit pas chercher à empêcher les chauffeurs d’autobus actuellement liés par contrat avec la Commission d’occuper des postes qui deviendront vacants après que les chauffeurs en grève qui en auront exprimé la volonté auront réintégré leur ancien poste.

Le juge Jones, dissident, qui n’a pas répondu de façon spécifique aux questions de l’annexe A, a répondu «non» à la question b) et «oui» aux questions c), d) et e).

Le syndicat a été autorisé à se pourvoir devant cette Cour. Après l’autorisation de pourvoi mais avant l’audition en cette Cour, le syndicat et la commission scolaire ont signé une convention collective. L’entente comprenait, pour les chauffeurs d’autobus en grève, le droit de retourner au travail. L’entente se fondait sur l’hypothèse que le pourvoi du syndicat à cette Cour serait entendu. Cependant, il a été convenu que, si jamais cette Cour décidait que le Conseil avait compétence pour accorder une indemnisation ou des dépens et si le Conseil jugeait approprié de rendre une ordonnance en ce sens, cette ordonnance ne serait exécutoire que jusqu’à concurrence de 1000 $.

Le syndicat et la commission scolaire ont plaidé devant cette Cour; le Conseil s’est abstenu de le faire et la Fédération est intervenue.

Le syndicat appelant n’a pas contesté la réponse négative que la Division d’appel à l’unanimité a donnée à la question b) — la compétence du Conseil pour ordonner d’écarter une personne précise du processus de négociation. Il reste par conséquent à trancher la question a) (les conditions de l’annexe A) et les questions c), d) et e) (concernant la réintégration, l’indemnisation et les dépens).

II La nature de l’examen

La solution du litige en l’espèce dépend de l’interprétation qu’il faut donner au par. 34(2) de la Trade Union Act:

[Page 335]

[TRADUCTION] 34 (1) Lorsque le ministre reçoit d’une partie à des négociations collectives une plainte portant qu’une autre partie à ces négociations ne s’est pas conformée à l’article 33, il peut déférer la plainte au Conseil.

(2) Lorsqu’une plainte d’une partie à des négociations collectives est déférée au Conseil conformément au paragraphe (1), le Conseil doit faire enquête et il peut rejeter la plainte ou rendre une ordonnance enjoignant à toute partie aux négociations collectives de faire ce qui, de l’avis du Conseil, est nécessaire pour se conformer à l’article 33, et il peut ordonner à un employeur de verser à un employé une indemnité qui ne dépasse pas la somme que le Conseil estime équivalente à la rémunération que l’employeur aurait versée à l’employé s’il s’était conformé à l’alinéa 33b).

Il ne s’agit pas en l’espèce d’un examen judiciaire typique d’une décision d’un organisme de relations de travail. D’abord, le par. 34(2) n’est pas visé par le par. 18(1), soit la clause privative de la Loi. Le paragraphe 18(1) donne au Conseil la compétence exclusive sur les matières qu’il énumère et qui ne comprennent pas une ordonnance de redressement concernant une violation de l’al. 33a). Deuxièmement, il s’agit d’un appel interjeté par voie d’exposé de cause. Il semblerait que le respect que les cours témoignent habituellement envers les tribunaux administratifs spécialisés, mentionné dans l’arrêt Syndicat canadien de la Fonction publique c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227, ne joue pas lorsque c’est le tribunal lui-même qui demande une opinion judiciaire. Enfin, le Conseil ne s’est jamais prononcé sur certaines des questions soulevées dans l’exposé de cause. En ce qui concerne la réintégration, l’indemnisation et les dépens, il n’y a par conséquent aucune décision d’un tribunal spécialisé susceptible d’attirer le respect des cours. Par contre, il y a un facteur qui peut inciter les cours à ne pas intervenir. Le paragraphe 34(2) dispose clairement que les ordonnances rendues en vertu de ce paragraphe sont fonction de «l’avis du Conseil». Il n’est pas loisible aux cours de s’ingérer dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Conseil.

[Page 336]

III La formulation législative des pouvoirs de redressement

Dans le cas d’une violation de l’al. 33a), la partie du par. 34(2) qui s’applique donne au Conseil le pouvoir de

[TRADUCTION] … rendre une ordonnance enjoignant à toute partie aux négociations collectives de faire ce qui, de l’avis du Conseil, est nécessaire pour se conformer à l’article 33 … [C’est moi qui souligne]

Aucun des arrêts concernant les redressements que les parties ont mentionnés ne découle de cette formulation ou d’une formulation semblable. Toute la jurisprudence canadienne provient de l’Ontario, de la Colombie-Britannique ou du secteur fédéral.

Suivant la formulation du par. 89(4) de la Labour Relations Act de l’Ontario, R.S.O. 1980, chap. 228, la Commission [TRADUCTION] «décide, s’il y a lieu, de quelle façon» les contrevenants [TRADUCTION] «doivent rétablir la situation. À cet effet, elle peut notamment, sans restreindre la généralité de ce qui précède, … a) ordonner … la cessation de l’acte ou des actes faisant l’objet de la plainte; b) … la réparation … du préjudice qui en a résulté; ou c) … la réintégration … avec ou sans indemnisation …» L’article 28 du Labour Code de la Colombie-Britannique, R.S.B.C. 1979, chap. 212, confère notamment le pouvoir d’enjoindre [TRADUCTION] «a) … à une personne de faire ce qui est nécessaire pour se conformer à la présente loi … b) … de remédier à une violation de la présente loi … c) … de déterminer et de fixer par ordonnance la valeur pécuniaire d’un préjudice ou d’une perte subis … e) … de réintégrer» ou de « j) rendre une autre ordonnance ou de procéder d’une autre manière conforme» aux buts et aux objets de la Loi. L’article 189 du Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, modifié par 1977-78 (Can.), chap. 27, par. 68(2), autorise le Conseil à ordonner «de remédier ou de parer à toute conséquence … que pourrait entraîner ladite infraction».

Dans ses motifs de dissidence, le juge Jones de la Division d’appel a exprimé l’opinion que dans un cas de défaut de négocier, le Conseil de la Nouvelle-Écosse a autant de pouvoirs de redressement que les autres organismes de relations de travail,

[Page 337]

notamment ceux de l’Ontario et de la Colombie-Britannique et le Conseil canadien. Je ne suis pas d’accord. À mon avis, il y a des différences importantes entre la formulation du par. 34(2) de la loi de la Nouvelle-Écosse et celle des dispositions dans les autres ressorts. En Nouvelle-Écosse, il n’y a qu’un seul concept, celui de se conformer. Alors que je pense que les autres lois sont rédigées en termes assez généraux pour comprendre tout ce que couvre le concept «se conformer», je ne crois pas que le contraire soit nécessairement vrai. Le pouvoir de redressement dans les autres ressorts est plus large. Par conséquent, il faut être très prudent lorsqu’on interprète le par. 34(2) en s’appuyant sur de la jurisprudence en provenance de ces autres ressorts.

Cela ne signifie pas cependant que le par. 34(2) doit être interprété comme conférant un pouvoir restreint. Ce paragraphe doit être mis en parallèle avec l’art. 55 de la loi de la Nouvelle-Écosse, qui porte sur le redressement en matière de pratiques déloyales de travail. À part certaines mesures de redressement applicables à des infractions précises, l’art. 55 confère un pouvoir général ainsi formulé:

[TRADUCTION] …exiger d’une partie qu’elle se conforme audit article pertinent…

Le paragraphe 34(2) se lit en partie:

[TRADUCTION] …peut … rendre une ordonnance enjoignant à toute partie aux négociations collectives de faire ce qui, de l’avis du Conseil, est nécessaire pour se conformer…

Il est évident que le par. 34(2) envisage plus qu’une simple déclaration que cette partie doit se conformer à la loi. Les termes «de l’avis du Conseil» accordent un large pouvoir discrétionnaire de décider «ce qui est nécessaire». Il doit y avoir plusieurs solutions possibles parmi lesquelles le Conseil peut choisir. L’élément clé est de «se conformer» à l’al. 33a), c.‑à‑d. s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective.

Pour savoir ce que se conformer peut comporter, il est de toute évidence nécessaire de savoir quelle obligation impose l’al. 33a). Par conséquent, bien que la conclusion du Conseil qu’il y a eu violation de l’al. 33a) ne soit pas contestée en l’espèce, il est

[Page 338]

essentiel de comprendre exactement la teneur de l’al. 33a) tel qu’il s’applique à l’espèce.

IV L’obligation de négocier de bonne foi

Les mots «bonne foi» ne figurent pas dans la loi de la Nouvelle-Écosse, mais l’obligation qu’impose l’al. 33a) est communément citée comme l’obligation de négocier de bonne foi. L’étiquette «bonne foi» provient du langage explicite d’autres dispositions législatives semblables que l’on trouve ailleurs. Toutes les autres lois en matière de travail au Canada renferment des dispositions relatives à l’obligation de négocier. Lorsqu’on définit la portée de cette obligation par opposition à la portée des mesures de redressement, la jurisprudence ou la doctrine relatives aux dispositions des autres lois sont directement pertinentes. Je ne suis pas d’accord avec l’argument de l’avocat de la Fédération portant que la loi de la Nouvelle‑Écosse impose un fardeau plus lourd aux parties parce qu’elle comporte les mots [TRADUCTION] «et de signer» qu’on ne trouve pas dans les autres lois. Une convention collective ne peut être conclue valablement sans signature puisque, par définition (al. 1(1)e)), une convention collective doit être signée. Je n’accorde aucune importance particulière à l’inclusion des mots [TRADUCTION] «et de signer».

Au Canada, l’obligation de négocier de bonne foi remonte aux Règlements des Relations ouvrières en temps de guerre de 1944, C.P. 1003, art. 10. Ce n’est que récemment toutefois qu’une jurisprudence importante s’est développée. Cela s’explique en partie par le fait que dans la plupart des ressorts (la Nouvelle-Écosse étant une exception), les organismes de relations de travail n’avaient pas, jusqu’à la dernière décennie, le pouvoir de faire respecter l’obligation de négocier de bonne foi; les poursuites judiciaires étaient le seul recours.

Les premières décisions relatives à l’obligation de négocier de bonne foi sont restées muettes sur le contenu des propositions faites en cours de négociations. Elles mettaient plutôt l’accent sur les mécanismes de négociation, en reconnaissance de la liberté contractuelle. Bien que les lois en matière de travail imposent un régime de négociation collective et, habituellement, quelques conditions de

[Page 339]

base, elles s’appliquent plutôt, de manière générale, à laisser aux parties la possibilité de s’entendre, si elles le peuvent. Le lien entre le droit général à la liberté contractuelle et l’obligation de négocier de bonne foi a toujours posé des difficultés. Depuis peu, les organismes de relations de travail sont plus disposés à reconnaître que l’obligation de négocier de bonne foi porte sérieusement atteinte à la notion de la liberté contractuelle. Les organismes de relations de travail ont adopté ce que D.D. Carter, ancien président de la Commission des relations de travail de l’Ontario, appelle la doctrine de l’illégalité; «Duty to Bargain in Good Faith: Does it Affect the Content of Bargaining?» dans Studies in Labour Law (1983), Swan & Swinton (éd.), pp. 35 à 53.

Par «doctrine de l’illégalité», Carter entend qu’une proposition précise pourrait être considérée comme une violation de l’obligation de négocier de bonne foi. Certaines décisions concernent des cas où la proposition est, à première vue, incompatible avec le régime de relations de travail prévu par la loi ou autrement illégale: Ontario Public Service Employees Union v. Cybermedix Ltd., [1981] O.L.R.B. Rep. 13; Graphie Arts International Union and Toronto Star Newspapers Ltd., [1979] 3 Can LRBR 306 (Ont.); Retail, Wholesale and Department Store Union and Morris Rod Weeder Co. Ltd., [1978] 2 Can LRBR 49 (Sask.); United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America and Carpenters Employer Bargaining Agency, [1978] 2 Can LRBR 501 (Ont.); Board of School Trustees (Vancouver) and Canadian Union of Public Employees, [1977] 2 Can LRBR 201 (C.-B.); Cyprus Anvil Mining Corporation and United Steelworkers of America, [1976] 2 Can LRBR 360 (Can.).

Cette doctrine a franchi un autre pas dans United Steelworkers of America and Radio Shack, [1980] 1 Can LRBR 99 (Ont.), confirmé dans Re Tandy Electronics Ltd. and United Steelworkers of America (1980), 30 O.R. (2d) 29, 80 C.L.L.C. ¶14,017 (Cour div. Ont.) Dans l’affaire Radio Shack, l’offre de sécurité syndicale de l’employeur était une disposition de retenue volontaire des cotisations conformément à la disposition de base relative à la sécurité syndicale que contenait

[Page 340]

alors la Loi ontarienne. La proposition de Radio Shack semblait donc, à première vue, légale. La Commission des relations du travail de l’Ontario a néanmoins conclu que l’employeur se servait de cette proposition précise, notamment, pour miner la position du syndicat en vue d’éviter la conclusion d’une convention collective et de provoquer la chute du syndicat. Bien que l’obligation de négocier de bonne foi ne comporte pas celle de conclure une convention, elle impose l’obligation d’avoir l’intention de conclure une convention collective et de s’efforcer dans la mesure du possible d’y parvenir. Dans l’affaire Radio Shack, la Commission a conclu ce qui suit: si une proposition précise, même légitime à première vue, est faite en cours de négociations pour éviter la conclusion d’une convention collective ou pour détruire en fin de compte les rapports de négociation collective, il y a alors violation de l’obligation de négocier de bonne foi.

Une analyse du même genre a été appliquée à des affaires dans lesquelles des propositions faites en cours de négociations ont été retirées, Fotomat Canada Limited and United Steelworkers of America, [1981] 1 Can. LRBR 381 (Ont.), ou dans lesquelles de nouvelles propositions ont été déposées à la table de négociation à la dernière minute, Graphic Arts International Union v. Graphic Centre (Ontario) Inc., [1976] O.L.R.B. Rep. 221. Bien que ces pratiques ne constituent pas en soi une violation de l’obligation de négocier de bonne foi, on dira qu’elles enfreignent la loi si elles servent à éviter la conclusion d’une convention collective. Le même raisonnement a été appliqué dans le cas d’un refus d’accepter une proposition de l’autre partie pour éviter la conclusion d’une convention collective; voir Kamloops News Inc. and International Typographical Union, [1981] 2 Can LRBR 356 (C.-B.) De même, on a conclu à une violation de l’obligation de négocier de bonne foi lorsqu’il y a eu refus de signer une convention collective malgré qu’il y ait eu entente sur toutes les conditions: Wilson Automotive (Belleville) Ltd. and Retail Clerks International Union, [1981] 1 Can LRBR 318 (Ont.); Labourers International Union and Municipality of Casimir, Jennings and Appleby, [1978] 2 Can LRBR 284 (Ont.)

[Page 341]

Il est souvent difficile de déterminer s’il y a eu violation de l’obligation de négocier de bonne foi. Les parties à des négociations collectives reconnaissent rarement vouloir éviter de conclure une convention collective. La jurisprudence reconnaît une différence importante entre la «négociation serrée» et la «négociation de façade»; voir la décision Radio Shack, aux pp. 119 et 121. La négociation serrée ne constitue pas une violation de l’obligation de négocier de bonne foi. C’est l’adoption d’une ligne dure dans l’espoir de pouvoir forcer l’autre partie à accepter les conditions qui lui sont offertes. La négociation serrée n’est pas une violation de l’obligation parce qu’elle comporte une intention véritable de poursuivre les négociations collectives et de conclure une convention. Par contre, on dit qu’une partie pratique la «négociation de façade» lorsqu’elle feint de vouloir conclure une convention alors qu’en réalité elle n’a pas l’intention de signer une convention collective et elle souhaite détruire les rapports de négociation collective. La négociation de façade est une infraction à la Loi à cause de ses objectifs irréguliers. La ligne de démarcation entre la négociation serrée et la négociation de façade peut être ténue.

L’insistance de la Loi pour que les parties à des négociations collectives aient l’intention de conclure une convention collective et de poursuivre le processus de la négociation accentue l’obligation pour l’employeur de reconnaître le syndicat. Dès que le syndicat est devenu l’agent négociateur accrédité, l’employeur doit négocier avec lui. Le syndicat a le droit, et le droit exclusif, avec l’employeur, d’être à la table de négociation. Si l’employeur tente de se débarrasser du syndicat par ses tactiques de négociation, il viole alors l’obligation de négocier de bonne foi.

La conclusion du Conseil en l’espèce que la commission scolaire a enfreint l’al. 33a) cadre exactement avec l’analyse que je viens de faire. Cette conclusion est fondée sur le contenu des propositions de la commission scolaire. Il semble qu’aucune des propositions n’était illégale à première vue. Le Conseil a plutôt conclu que ces propositions visaient à supprimer la sécurité syndicale et à éviter la conclusion d’une convention

[Page 342]

collective. Le Conseil a conclu que c’était le but visé par l’embauche de contractuels. Le Conseil a rejeté la prétention de la commission scolaire qu’elle s’adonnait à la négociation serrée, relevant en particulier les propositions relatives à la sécurité syndicale. Bref, le Conseil a appliqué en l’espèce la doctrine de l’illégalité. Le Conseil a conclu à l’infraction sur ce fondement et cette conclusion n’est pas contestée.

Les organismes de relations de travail ont compétence exclusive pour déterminer la portée de l’obligation de négocier de bonne foi. En Nouvelle-Écosse, l’al. 18(1)f) de la Trade Union Act dispose:

[TRADUCTION] 18 (1) Si, dans une procédure devant le Conseil, la question se pose, en vertu de la présente loi, de savoir si

f) une partie à des négociations collectives a omis de se conformer à l’article 33;

le Conseil doit trancher la question et sa décision ou son ordonnance a force de chose jugée et ne peut être ni contestée ni révisée. Le Conseil peut cependant s’il l’estime souhaitable, réviser, modifier ou annuler ses décisions ou ordonnances rendues sous le régime de la présente loi.

En outre, la conclusion qu’une partie n’a pas négocié de bonne foi et ne s’est pas efforcée, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective est essentiellement une conclusion de fait. Par conséquent, j’aborde la question des mesures de redressement en tenant pour acquis que le Conseil avait clairement le pouvoir de décider que des certaines propositions précises faites en cours de négociation justifiaient la conclusion qu’il y a eu violation de l’obligation de négocier de bonne foi qu’impose l’al. 33a).

V Les conditions de l’annexe A — Conditions imposées à la commission scolaire

La Division d’appel et toutes les parties devant cette Cour sont d’accord pour dire que le Conseil avait le pouvoir d’imposer à la commission scolaire les deux conditions suivantes:

(1) La Commission doit rédiger et soumettre au syndicat un ensemble complet de propositions, au plus tard le 10 août 1981;

[Page 343]

(5) La Commission devra communiquer ses propositions au syndicat immédiatement, sinon au plus tard à midi, le mardi 11 août 1981.

Ces conditions visent simplement à faire reprendre les négociations. Il n’y a rien de répréhensible à l’imposition d’un délai; il vise uniquement à empêcher l’arrêt des négociations. L’obligation de présenter des propositions est un aspect préliminaire de l’obligation qu’impose l’al. 33a). Les conditions (1) et (5) imposées à la commission scolaire sont donc facilement visées par l’expression «se conformer à l’article 33» qui figure au par. 34(2).

Le litige porte sur les trois autres conditions imposées à la commission scolaire. Ces conditions concernent le renouvellement de la convention précédente avec des modifications touchant uniquement la sécurité syndicale et les salaires, des offres minimales relatives à la sécurité syndicale et les salaires, ainsi que l’engagement de ne pas embaucher par contrat d’autres personnes pour accomplir le travail des syndiqués. Ces conditions ont ceci de commun qu’elles portent toutes sur le contenu précis d’offres de négociation. Le syndicat et la Fédération soutiennent qu’elles sont valides tandis que la commission scolaire affirme le contraire.

La Division d’appel à la majorité a conclu que le Conseil n’avait pas le pouvoir de dicter ces conditions parce qu’elles fixent ou touchent le contenu de la convention collective. Le juge Hart a énoncé cette position comme suit:

[TRADUCTION] À mon avis, les pouvoirs du Conseil en vertu de l’art. 33 (sic) [l’art. 34] doivent être interprétés de façon libérale, mais ces pouvoirs doivent être exercés de façon à créer un climat dans lequel les parties peuvent elles-mêmes fixer les diverses clauses de leur convention collective. Il n’appartient pas au Conseil de dicter ces conditions mais aux parties de décider si elles peuvent arriver à s’entendre…

Le Conseil doit faire preuve d’ingéniosité en déterminant ce que les parties doivent faire pour permettre aux négociations collectives de progresser, et il doit veiller à ne pas outrepasser les pouvoirs que la Loi lui accorde. Ses ordonnances doivent viser à faire progresser les négociations collectives mais ne peuvent dicter le contenu de la convention. À mon avis, le Conseil devrait suivre le dicton «On peut mener le cheval à l’abreuvoir,

[Page 344]

mais non le forcer à boire».

L’avocat de la commission scolaire adopte essentiellement la même position. La Division d’appel a semblé présumer que cela suffisait pour trancher le litige et invalider les conditions fixées par le Conseil relativement au contenu des propositions. Je ne puis accepter que l’examen s’arrête là.

J’accepte le principe général que le Conseil ne peut en vertu du par. 34(2) imposer aux parties une convention collective. Le Conseil n’est pas habilité à procéder à l’arbitrage de divergences d’intérêts. Le Conseil ne peut ordonner à une partie de faire une offre simplement parce qu’il estime que cela constituerait un règlement équitable du différend. L’alinéa 33a) n’impose pas l’obligation de conclure une convention collective; a fortiori, il n’impose pas l’obligation de conclure une convention collective à ce qu’on pourrait objectivement considérer comme des conditions équitables.

Cela ne signifie pas cependant que le Conseil ne peut imposer des conditions qui se rapportent de façon précise au contenu des propositions. Dès que l’on suppose, comme j’ai dit qu’il faut le faire, que le contenu des propositions peut servir de fondement à la conclusion qu’il y a eu violation de l’obligation de négocier de bonne foi, il doit s’ensuivre que le redressement peut se rapporter au contenu des propositions afin de «se conformer» à l’al. 33a).

Dans l’affaire Radio Shack, précitée, la Commission des relations du travail de l’Ontario a conclu, comme je l’ai dit, que l’employeur n’avait pas négocié de bonne foi parce que, notamment, il se servait de sa proposition relative à la sécurité syndicale pour essayer d’éviter de conclure une convention collective. Une des mesures de redressement a consisté à ordonner à Radio Shack de retirer l’offre de retenue volontaire des cotisations qu’elle avait faite relativement à la sécurité syndicale. Cette ordonnance a été confirmée lors d’un examen judiciaire par la Cour divisionnaire de l’Ontario dans l’affaire Tandy Electronics, précitée. Le juge Cory, s’exprimant au nom de la cour, affirme ceci, à la p. 92:

[Page 345]

[TRADUCTION] La requérante a fait valoir qu’en imposant l’ordonnance de ne pas faire, la Commission a imposé à la compagnie une condition de la convention collective. On a dit qu’un élément essentiel de la Labour Relations Act est que les parties doivent être libres de conclure volontairement une convention collective. Ainsi, l’imposition d’une condition de la convention collective est contraire à l’économie de la Loi et constitue une erreur de droit à ce point importante et grave que la Commission a perdu la protection de la clause privative. On a fait observer que la position prise par la compagnie est conforme à l’al. 36a) de la Loi…

L’article 14 de la Loi impose au syndicat et à la compagnie l’obligation de «négocier de bonne foi et de s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure une convention collective». De toute évidence, l’obligation de négocier de bonne foi est impérieuse, mais il n’y a aucune obligation de conclure une convention. Il est certain que la Commission ne peut pas imposer aux parties une convention collective et qu’elle ne doit pas normalement imposer aux parties une condition d’une convention collective.

…en l’espèce, la Commission a conclu de façon précise que la position ferme de Radio Shack concernant la sécurité syndicale et certains autres points importants des négociations avait pour but d’éviter la conclusion d’une convention collective. Cela faisait partie de la conduite adoptée antérieurement par la compagnie en vue de discréditer le syndicat aux yeux des employés et de provoquer ainsi sa chute.

De toute évidence, la position de la compagnie quant à la sécurité syndicale constitue l’un des éléments importants de mauvaise foi dans la façon de négocier de Radio Shack. C’est ce qui ressort du fait que la compagnie a prétendu devant la Commission qu’elle ne s’opposait pas à la retenue des cotisations syndicales pour des raisons économiques. L’attitude de la compagnie se fondait plutôt uniquement sur son opinion que la position du syndicat était relativement faible parmi les employés.

Compte tenu de la conclusion précise de la Commission que l’attitude de la compagnie relativement à la sécurité syndicale visait à éviter la conclusion d’une convention collective et à affaiblir le syndicat, il semblait raisonnable, plutôt que clairement déraisonnable, que la Commission rende l’ordonnance de ne pas faire. C’est le cas même si l’ordonnance a indirectement pour effet d’imposer aux parties une condition de la convention collective. Il est évident que la Commission devrait s’efforcer d’éviter d’imposer aux parties des conditions

[Page 346]

de la convention collective. La Commission l’a reconnu en l’espèce dans ses motifs mais, compte tenu des conclusions qu’elle a tirées, l’ordonnance est appropriée.

Je suis d’accord avec ce raisonnement et je dirais qu’il s’applique également à l’expression «se conformer» de la Loi de la Nouvelle-Écosse

Dans l’affaire Radio Shack, il s’agissait d’une ordonnance de ne pas faire, c’est-à-dire qu’elle était énoncée sous la forme négative. Je ne crois pas qu’une ordonnance doive nécessairement être formulée ainsi. Dans Radio Shack, une fois que l’employeur eut reçu l’ordre de ne plus offrir la retenue volontaire des cotisations, la seule option qu’il lui restait était de proposer la formule Rand ou quelque chose de mieux (et il est évident qu’il n’allait pas proposer quelque chose de mieux). En d’autres termes, on serait parvenu au même résultat si on avait ordonné à Radio Shack de proposer au moins la formule Rand. Ce serait laisser la forme prévaloir sur le fond que de dire qu’on peut contester une ordonnance rédigée sous la forme positive mais non une ordonnance rédigée sous la forme négative. J’estime qu’un organisme de relations de travail peut enjoindre à une partie de faire une offre précise, ou mieux, de faire quelque chose qui soit le minimum requis pour se conformer à l’obligation de négocier de bonne foi dans les circonstances. Le texte du par. 34(2) ne se limite pas aux ordonnances sous la forme négative. Il englobe expressément plus que cela: «faire ce qui … est nécessaire pour se conformer».

Compte tenu de cette façon générale d’aborder la question, examinons maintenant les conditions particulières en l’espèce. Je considère utile d’examiner les conditions imposées sans suivre l’ordre dans lequel elles se présentent.

A) L’engagement

Le Conseil a posé la condition suivante concernant l’embauche de chauffeurs contractuels:

[TRADUCTION] (4) La Commission scolaire s’engagera, par lettre au syndicat, à ne pas embaucher par contrat d’autres personnes pour conduire les autobus, en contrepartie d’une lettre du syndicat dans laquelle celui-ci s’engagera à ne pas déclencher une grève et à ne pas suspendre ses services de quelque autre façon. (Ces lettres devront s’appliquer spécifiquement à la durée de cette convention collective).

[Page 347]

L’avocat de la commission scolaire est d’accord avec la conclusion de la Division d’appel à la majorité que cette condition outrepasse les pouvoirs du Conseil. Les avocats du syndicat et de la Fédération soutiennent le contraire. La seule remarque que le juge Hart a faite précisément au sujet de cette condition est la suivante:

[TRADUCTION] Le Conseil n’a pas le pouvoir d’enlever aux parties les droits fondamentaux que la loi leur accorde.

Avec égards, je ne suis pas d’accord que cela décrit bien la situation.

La contrepartie du syndicat à cet engagement porte essentiellement qu’il ne déclenchera pas de grève pendant la durée de la convention collective, ce qui, de toute façon, serait illégal. Du point de vue du syndicat, cet engagement n’enlève aucun droit fondamental; il ne fait que renforcer les obligations que la Loi impose au syndicat.

La même conclusion s’applique à l’égard de la commission scolaire. Il est vrai que rien n’empêche un employeur de confier les tâches de syndiqués à des contractuels. Cela ne signifie pas cependant que cette pratique ne puisse jamais être illégale. Le cas en l’espèce est un exemple où cela est illégal. Le recours à cette pratique par la commission scolaire constitue un élément important de la conclusion du Conseil qu’il y a eu violation de l’al. 33a).

[TRADUCTION] NOUS concluons qu’en confiant à d’autres personnes embauchées par contrat le travail normal des chauffeurs d’autobus, la commission scolaire avait pour objectif d’éviter la conclusion d’une convention collective.

Je reconnais qu’après la signature d’une convention collective mais avant que ne soit donné l’avis de l’intention de négocier la prochaine convention, l’embauche de contractuels en vue de se débarrasser du syndicat ne constituerait pas une violation de l’obligation de négocier de bonne foi puisque cette obligation n’existe pas durant cette période. Cependant, le recours à cette pratique dans ce but constituerait une pratique déloyale de travail. À titre d’exemple, les dispositions suivantes pourraient s’appliquer:

[TRADUCTION] 51 (1) Nul employeur et nulle personne agissant pour le compte d’un employeur ne doivent

[Page 348]

a) participer à la formation ou à l’administration d’un syndicat ou à la représentation d’employés par un syndicat ou s’y ingérer; ou

(3) Nul employeur et nulle personne agissant pour le compte d’un employeur ne doivent

a) refuser d’employer ou de continuer d’employer une personne ou autrement établir une distinction contre une personne en ce qui concerne son emploi ou une condition de son emploi parce que cette personne

(i) est ou a été membre d’un syndicat, …

Voir United Electrical, Radio & Machine Workers of America and Westinghouse Canada Limited, [1980] 2 Can LRBR 469 (Ont.), confirmé à (1980), 80 C.L.L.C. ¶14,062 (C. div. Ont.) Je m’abstiens de faire des remarques sur la question, posée dans l’affaire Westinghouse, de savoir si la volonté de se débarrasser du syndicat doit constituer l’objectif prédominant. Il n’est donc pas exact d’affirmer de façon générale que l’embauche de contractuels est un droit fondamental de l’employeur en vertu de la Loi.

Au moment où l’ordonnance a été rendue en l’espèce, la commission scolaire, pour se débarasser du syndicat, employait des contractuels depuis presque deux ans. Toute embauche de contractuels dans un avenir rapproché serait entachée d’illégalité. Pouvait-on s’attendre à ce que le syndicat signe une convention collective alors qu’il s’attendait à ce que la commission scolaire puisse réellement la déjouer par l’embauche de contractuels? La commission scolaire ne pouvait s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective sans donner l’assurance qu’il n’y aurait pas d’embauche de contractuels pendant la durée de la convention. Je conclus par conséquent que la condition imposée à la commission scolaire de s’engager à ne pas employer de chauffeurs contractuels n’est rien de plus qu’une ordonnance l’enjoignant de se conformer à l’al. 33a) et que le Conseil avait, en vertu du par. 34(2), le pouvoir de la rendre.

B) La sécurité syndicale

La seconde condition imposée par le Conseil, que je répète pour plus de commodité, est la suivante:

[Page 349]

[TRADUCTION] (2) Une proposition de renouvellement de la convention précédente conclue avec le syndicat, avec modification des articles suivants seulement:

a) quant à la sécurité syndicale - ceux qui étaient membres du syndicat au début de la grève et qui sont maintenant des chauffeurs contractuels pourront être embauchés, s’ils le veulent, sans être assujettis à la clause de sécurité syndicale;

b) quant à la sécurité syndicale - de nouveaux employés pourront être embauchés, s’ils le veulent, sans être assujettis à la clause antérieure de sécurité syndicale pour la durée de la convention, mais ils devront verser des cotisations syndicales;

J’examinerai plus loin la stipulation que la commission scolaire propose de renouveler la convention précédente avec l’apport de modifications uniquement en matière de sécurité syndicale et de salaires. Pour le moment, je n’examinerai que la proposition relative à la sécurité syndicale. Les motifs de jugement de la Division d’appel ne traitent pas spécifiquement de cet aspect de la condition imposée.

Le Conseil a fait ressortir que la position de la commission scolaire sur la question de la sécurité syndicale est un élément de son omission de se conformer à l’al. 33a).

[TRADUCTION] De l’avis du Conseil, bien que la commission scolaire et en particulier son négociateur Robert Street fassent valoir que les mesures prises par la commission scolaire font partie de la «négociation serrée», le Conseil ne peut qualifier de raisonnable leur insistance à affirmer que le syndicat a perdu tous les droits à la sécurité syndicale dont il a joui depuis la première convention collective entre les parties. Le Conseil ne trouve pas non plus raisonnable l’exigence de la commission scolaire que le syndicat «gagne» le droit à la sécurité syndicale pour l’avenir.

Bien que le dossier ne révèle pas tous les détails, cette condition du Conseil se rapporte nettement à la violation que constituent les propositions de la commission scolaire relativement à la sécurité syndicale.

Les clauses de sécurité syndicale peuvent décider de la viabilité d’un syndicat et constituent donc des cibles évidentes pour un employeur qui, en

[Page 350]

définitive, tente d’échapper au processus de la négociation collective. L’offre minimale que la commission scolaire a reçu l’ordre de faire représentait clairement, de l’avis du Conseil, le minimum requis pour démontrer que la commission scolaire n’essayait plus de se débarrasser du syndicat. Dans les circonstances, le Conseil a défini l’offre minimale qui constituerait de la négociation serrée par rapport à de la négociation de façade. Il s’agit d’un cas semblable à l’affaire Tandy, avec cette seule différence que la condition est énoncée sous la forme positive plutôt que sous la forme négative. Je conclus donc que le Conseil a agi dans les limites de son pouvoir d’enjoindre à une partie de se conformer à l’al. 33a) lorsqu’il a formulé la condition relative à la sécurité syndicale que comporte la deuxième condition imposée à la commission scolaire.

C) Les salaires

La troisième condition imposée par le Conseil à la commission scolaire vise les propositions relatives aux salaires minimums. Le dossier ne comporte aucun détail concernant les négociations salariales. La seule constatation pertinente est cette conclusion générale:

[TRADUCTION] À notre avis, le comportement de la commission scolaire au cours des négociations collectives équivaut à une simulation consistant à se présenter pour négocier régulièrement sans avoir l’intention de conclure une convention. Nous concluons que, dans toutes ses propositions, la commission scolaire a tenté d’anéantir la sécurité syndicale. [C’est moi qui souligne.].

À l’audition, l’avocat de la Fédération a demandé à la Cour de conclure que la troisième condition consiste simplement à exiger que la commission scolaire présente de nouveau une proposition sur laquelle les parties s’étaient déjà entendues. Il s’est appuyé sur le passage suivant des motifs du Conseil:

[TRADUCTION] Juste avant la fin des audiences, les représentants des parties ont convenu de soumettre à l’acceptation de leurs groupes respectifs une proposition commune élaborée en présence du Conseil. Le comité de négociation de la commission scolaire a, d’une manière unilatérale, modifié sensiblement cette proposition et aucun accord n’est intervenu.

[Page 351]

Même si la troisième condition reflète la «proposition commune», ce passage ne dit pas que les parties en sont venues à une entente. Il dit seulement qu’il a été convenu que les négociateurs recommanderaient une proposition commune à leurs mandants. À mon avis, le passage invoqué n’aide pas à maintenir la condition du Conseil relativement aux salaires.

Je puis concevoir des circonstances où la condition imposée par le Conseil relativement aux salaires pourrait viser à amener une partie à se conformer à l’al. 33a). Si la commission scolaire avait fait une offre salariale et l’avait retirée, et si le Conseil avait conclu que ce retrait visait à éviter la conclusion d’une convention collective, la condition du Conseil relative aux salaires pourrait être maintenue. Il est impossible de dire, à l’examen du, dossier, si une situation de ce genre ou un autre motif valable justifiaient l’imposition d’une condition relative aux salaires en l’espèce. On ne sait pas clairement si le Conseil tentait véritablement d’amener les parties à se conformer à l’al. 33a) ou s’il imposait plutôt ce qu’il estimait être un règlement approprié. J’estime qu’il n’appartient pas à cette Cour de se livrer à la spéculation. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, le Conseil prescrit une condition extraordinaire, et dans le cas d’un exposé de cause, il incombe au Conseil d’exposer les circonstances sur lesquelles sa décision s’appuie.

Je conclus, par conséquent, que le dossier ne permet pas de dire que le Conseil avait le pouvoir d’imposer la condition relative aux salaires.

D) L’offre de renouvellement

Comme je l’ai indiqué, la deuxième condition imposée par le Conseil prévoyait notamment que la commission scolaire devait proposer le renouvellement de la convention précédente avec des modifications uniquement quant aux salaires et à la sécurité syndicale. À mon avis, cet aspect de la deuxième condition soulève la même question que la condition relative aux salaires. Là encore, le dossier n’offre aucun détail.

Comme pour la condition relative aux salaires, je puis concevoir des circonstances où l’offre de renouvellement pourrait être maintenue. Si lés par-

[Page 352]

ties elles-mêmes s’étaient entendues sur tout sauf en ce qui concerne les salaires et la sécurité syndicale, ou si la commission scolaire avait soulevé de nouvelles questions à la dernière minute en vue d’éviter la conclusion d’une convention collective, le Conseil pourrait être habilité à imposer cette condition. Mais comme je l’ai dit, je ne suis pas disposé à me livrer à la spéculation. Je conclus que le dossier ne permet pas de dire que le Conseil avait le pouvoir d’imposer la condition relative au renouvellement.

VI Les conditions de l’annexe A — Conditions imposées au syndicat

La Division d’appel à la majorité et toutes les parties devant cette Cour reconnaissent la validité de la première condition imposée par le Conseil au syndicat:

[TRADUCTION] (1) Le Syndicat doit rédiger et soumettre une réponse complète à chacune des propositions de la Commission scolaire, au plus tard le 20 août 1981;

Cette condition est analogue aux conditions (1) et (5) imposées à la commission scolaire et que, je le répète, le Conseil a le pouvoir d’imposer. Il y a cependant un point additionnel digne de mention.

Il n’y a jamais eu de plainte portant que le syndicat a violé l’al. 33a) ni aucune conclusion en ce sens. Comment le Conseil peut-il imposer des conditions au syndicat? La réponse est que le par. 34(2) s’applique à «toute partie»; il n’est pas restreint à la partie en défaut. Puisqu’il faut deux parties pour négocier, il est normal d’imposer des délais aux deux parties quand on établit le calendrier des négociations. Je suis par conséquent d’accord pour dire que le Conseil a le pouvoir d’imposer la première condition au syndicat.

Les deuxième et troisième conditions imposées au syndicat portent sur le fond des négociations.

[TRADUCTION] (2) Aucune de ces réponses ne doit lier les salaires à une formule locale quelconque à moins que la commission ne fasse une proposition en ce sens;

(3) Le syndicat ne doit pas chercher à empêcher les chauffeurs d’autobus actuellement liés par contrat avec la commission d’occuper des postes qui deviendront vacants après que les chauffeurs en grève qui en auront exprimé la volonté auront réintégré leur ancien poste.

[Page 353]

Comme dans le cas de la condition relative aux salaires et de celle relative à l’offre de renouvellement imposées à la commission scolaire, on constate ici l’absence de constatations de fait. Cela serait suffisant en soi pour trancher ces questions.

En Division d’appel, le juge Hart, au nom de la majorité, a conclu que la deuxième condition imposée au syndicat outrepasse les pouvoirs du Conseil parce qu’elle [TRADUCTION] «porte sur le contenu de la convention». Il a cependant maintenu la troisième condition:

[TRADUCTION] La troisième condition du Conseil, qui prévoit que le syndicat ne doit pas chercher à empêcher les chauffeurs d’autobus qui étaient liés par contrat avec la commission scolaire d’occuper des postes qui seront vacants après que les chauffeurs en grève qui en auront exprimé la volonté auront réintégré leur ancien poste, vise à mon avis à faire progresser les négociations entre les parties et ne concerne pas les conditions de la convention elle-même. Elle est donc conforme à la compétence du Conseil.

Il m’est difficile de voir une distinction entre les conditions (2) et (3). Elles concernent toutes deux des conditions de la convention collective.

J’ai déjà dit que les conditions qui portent sur le contenu d’une proposition peuvent relever du par. 34(2) parce que le contenu d’une proposition peut permettre de conclure à une violation de l’al. 33a). Puisque le Conseil n’a conclu à aucune violation de la part du syndicat, je ne crois pas que le Conseil avait le pouvoir de donner au syndicat des directives quant au contenu de ses propositions. Je conclus, par conséquent, que les deuxième et troisième conditions imposées au syndicat outrepassent les pouvoirs du Conseil.

VII Réintégration, indemnisation et dépens

Dans l’exposé de cause, les questions de la réintégration, de l’indemnisation et des dépens sont posées sous une forme plus ou moins abstraite. Le Conseil ne s’est pas prononcé sur la justesse de ces redressements en l’espèce ni sur la question de savoir s’il avait le pouvoir d’imposer ces conditions.

[Page 354]

A) La réintégration

La question posée relativement à la réintégration est la suivante;

[TRADUCTION] C) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner la réintégration des employés à compter du moment où, selon le Conseil, l’employeur a décidé de ne pas se conformer à son obligation de «s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective», c.-à-d. à compter du moment où il y a eu violation de l’alinéa 33a) de la Trade Union Act à l’égard de véritables négociations collectives?

La date réelle de la réintégration a une incidence sur la rétroactivité des salaires et soulève donc une question d’indemnisation. Je préfère traiter séparément la question de l’indemnisation. Pour le moment, je n’examinerai que la réintégration. La Division d’appel à la majorité n’a pas envisagé cette question de façon distincte.

Le syndicat n’a pas demandé la réintégration en l’espèce, probablement à cause de l’art. 13 de la Trade Union Act:

[TRADUCTION] 13 Nul ne cesse d’être un employé au sens de la présente loi pour le motif qu’il a cessé de travailler pour son employeur par suite d’un lock-out ou d’une grève ou parce qu’il a été congédié par son employeur contrairement aux dispositions de la présente loi ou d’une convention collective.

Puisque les chauffeurs d’autobus étaient légalement en grève, ils n’ont jamais cessé d’être employés et, à ce titre, ils n’avaient pas à être réintégrés.

L’exposé de cause semble employer le mot «réintégration» dans un sens plutôt large. Je remarque que le sous-al. 55a)(i) de la Loi dit que le Conseil peut «réintégrer» un «ancien employé» congédié en raison d’activités syndicales même si l’art. 13 stipule aussi que cette personne ne cesse pas d’être un employé. J’envisagerai par conséquent la question de la réintégration en tenant pour acquis que ce mot signifie le droit d’un employé en grève (ou en lock-out) de retourner au travail et de reprendre ses fonctions.

Dans le cas de l’omission de négocier de bonne foi pendant une grève, la question de la réintégra-

[Page 355]

tion se poserait normalement lorsque, pendant la grève, l’employeur a fait appel à des briseurs de grève, comme c’est le cas des chauffeurs embauchés par contrat en l’espèce. La question est de savoir si on peut ordonner que les employés en grève retournent au travail après la grève, lorsqu’il peut y avoir un conflit avec les personnes embauchées pour les remplacer.

Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, des remplaçants sont embauchés pour éviter la conclusion d’une convention collective et que cela constitue une violation de l’obligation de négocier de bonne foi, tout obstacle au retour au travail des employés en grève est directement imputable à la violation de cette obligation. La condition relative à la «réintégration» viendrait pallier la violation de l’obligation et obligerait directement à «se conformer» à l’al. 33a).

Je conclus donc que le Conseil a le pouvoir d’imposer la condition relative à la «réintégration».

B) L’indemnisation et les dépens

Les questions relatives à l’indemnisation et aux dépens sont les suivantes:

[TRADUCTION] d) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner à un employeur de payer des salaires, traitements ou autres rémunérations à un employé s’il conclut que l’employé a subi une perte financière à cause de la violation par l’employeur des dispositions de la Trade Union Act?

e) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour accorder des dépens contre la commission scolaire en faveur:

(i) du syndicat,

(ii) des employés?

Il s’agit ici du pouvoir du Conseil d’imposer une indemnisation «intégrale» qui, dans la mesure du possible, aurait pour effet de remettre la partie touchée, soit ici le syndicat, dans la position dans laquelle elle aurait été s’il n’y avait pas de violation. Cela comprend les salaires et les avantages que les employés ont perdus et qu’ils auraient gagnés si l’employeur avait négocié de bonne foi et si une convention collective avait été signée plus tôt. Cela comprendrait également des dommages-

[Page 356]

intérêts pour la perte d’une occasion de conclure une convention collective (voir l’arrêt Radio Shack, précité) et le remboursement de dépenses qui n’auraient pas été engagées n’eût été la violation, comme les frais judiciaires ou les frais de négociation supplémentaires. On fait valoir que l’imposition d’une indemnisation intégrale est le seul moyen de redressement vraiment efficace parce qu’autrement, la partie qui commet l’infraction tire avantage de l’infraction commise.

Il m’est facile de voir comment l’imposition d’une indemnisation intégrale pourait relever de termes employés dans la loi, comme «réparation» (Ontario, Colombie-Britannique) ou «remédier ou … parer à toute conséquence» (Canada). Les décisions invoquées par le syndicat, la Fédération et le juge Jones, dissident, en Division d’appel, portent toutes sur ce genre de formulation. Je suis cependant d’avis que l’imposition d’une indemnisation intégrale relève beaucoup moins facilement de l’expression «se conformer».

Dans son mémoire, la Fédération fait valoir:

[TRADUCTION] Les conditions de ce genre tentent de placer les employés dans la position de force dont ils auraient joui si leur employeur les avait reconnus et. avait négocié avec eux comme la Loi l’exige. Elles empêchent l’employeur de tirer profit du refus de se conformer à la loi et de continuer à en tirer profit après qu’a été rendue une ordonnance de négocier lorsque le syndicat est trop faible pour négocier efficacement. L’objet de la Loi comprend la sauvegarde des droits des employés à la négociation collective. Considérée sous cet angle, l’exigence qu’une partie rende à l’autre son pouvoir de négociation constitue de toute évidence une exigence de se conformer à l’article 33.

Cet argument semble surtout porter que l’imposition d’une indemnisation intégrale vient parer aux conséquences d’une violation de la loi plutôt que d’obliger à s’y conformer. Cet argument n’est pas sans présenter des difficultés, en particulier en raison de la dernière partie du par. 34(2):

[TRADUCTION] 34 …

(2) Lorsqu’une plainte d’une partie à des négociations collectives est déférée au Conseil conformément au paragraphe (1), le Conseil doit faire enquête et il peut rejeter la plainte ou rendre une ordonnance enjoignant à une partie aux négociations collectives de faire ce qui, de

[Page 357]

l’avis du Conseil, est nécessaire pour se conformer à l’article 33, et il peut ordonner à un employeur de verser à un employé une indemnité qui ne dépasse pas la somme que le Conseil estime équivalente à la rémunération que l’employeur aurait versée à l’employé s’il s’était conformé à l’alinéa 33b). [C’est moi qui souligne]

Je suis d’accord avec la Division d’appel à la majorité que la fin du par. 34(2) joue de façon décisive contre le syndicat.

L’alinéa 33b) est la disposition qui traite du gel légal des conditions de travail depuis le moment où est donné l’avis de l’intention de négocier jusqu’au moment où il est légal de faire grève ou de lock-outer. Le litige en l’espèce ne porte pas sur l’alinéa 33b), mais la mention de cet alinéa est importante en raison de son incidence sur la possibilité d’obtenir une indemnisation pour une violation de l’al. 33a).

À cause de la structure du par. 34(2), l’indemnisation pour une violation de l’al. 33b) ne semble pas être un moyen d’obliger une partie à se conformer à la loi mais semble plutôt découler d’un pouvoir de redressement supplémentaire («et il peut ordonner …»). On n’y retrouve pas des termes comme «sans restreindre la généralité de ce qui précède» qui laisseraient entendre que l’indemnisation n’est qu’un des moyens dont on dispose pour obliger une partie à se conformer à la loi. La Division d’appel à la majorité a interprété le par. 34(2) comme imposant une limite maximale au montant de l’indemnisation qui, dans des circonstances comme en l’espèce, équivaudrait à zéro parce qu’il n’y a pas eu violation de l’al. 33b). Il y a aussi l’argument expressio unius est exclusio alterius, qui porte que la mention expresse d’une indemnisation pour les infractions à l’al. 33b) implique que cette indemnisation ne s’applique pas dans d’autres situations. Ajoutés les uns aux autres, ces arguments me convainquent que le législateur n’a pas envisagé le paiement d’une indemnisation dans le cas d’une violation de l’al. 33a).

Je conclus donc que le Conseil n’a pas le pouvoir d’ordonner le paiement d’une indemnisation ou de dépens.

[Page 358]

VIII Conclusion

Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi en partie et de répondre ainsi aux questions de l’exposé de cause:

[TRADUCTION] a) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour rendre, en totalité ou en partie, son ordonnance du 31 juillet 1981 qui enjoint aux parties de faire ce qui y est énoncé de sorte qu’il y ait, de l’avis du Conseil, respect de l’article 33 de la Trade Union Act.

Annexe «A»

Ce que la Commission scolaire municipale de Digby, à titre de partie aux négociations collectives avec le Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 1185, doit faire pour se conformer à la présente ordonnance:

(1) La commission doit rédiger et soumettre au syndicat un ensemble complet de propositions, au plus tard le 10 août 1981;

Réponse: oui.

[TRADUCTION] (2) Une proposition de renouvellement de la convention précédente conclue avec le syndicat, avec modification des articles suivants seulement:

a) quant à la sécurité syndicale — ceux qui étaient membres du syndicat au début de la grève et qui sont maintenant des chauffeurs contractuels pourront être embauchés, s’ils le veulent, sans être assujettis à la clause de sécurité syndicale;

b) quant à la sécurité syndicale — de nouveaux employés pourront être embauchés, s’ils le veulent, sans être assujettis à la clause antérieure de sécurité syndicale pour la durée de la convention, mais ils devront verser des cotisations syndicales;

Réponse: (1) Quant à la proposition de renouvellement avec l’apport de modifications uniquement à la sécurité syndicale et aux salaires: non, compte tenu du dossier produit en l’espèce.

(2) Quant à la proposition relative à la sécurité syndicale: oui.

[TRADUCTION] (3) Ces propositions devront comporter une proposition relative aux salaires prévoyant au moins

a) une augmentation minimale de 48 $ par mois pour les chauffeurs à temps partiel, avec effet rétroactif au 1er janvier 1979;

[Page 359]

b) une nouvelle augmentation de 9,2 % à compter du 1er septembre 1980;

c) une nouvelle augmentation de 8,5% à compter du 1er septembre 1981;

d) une nouvelle augmentation de 5,5% à compter du 1er janvier 1982.

Réponse: non, compte tenu du dossier produit en l’espèce.

[TRADUCTION] (4) La commission scolaire s’engagera, par lettre au syndicat, à ne pas embaucher par contrat d’autres personnes pour conduire les autobus, en contrepartie d’une lettre du syndicat dans laquelle celui-ci s’engagera à ne pas déclencher une grève et à ne pas suspendre ses services de quelque autre façon. (Ces lettres devront s’appliquer spécifiquement à la durée de cette convention collective.)

Réponse: oui

[TRADUCTION] (5) La Commission devra communiquer ses propositions au syndicat immédiatement, sinon au plus tard à midi, le mardi 11 août 1981.

Réponse: oui

[TRADUCTION] Ce que le Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 1158 (sic) [1185], doit faire pour se conformer à la présente ordonnance:

(1) Le syndicat doit rédiger et soumettre une réponse complète à chacune des propositions de la commission scolaire, au plus tard le 20 août 1981;

Réponse: oui

[TRADUCTION] (2) Aucune de ces réponses ne doit lier les salaires à une formule locale quelconque à moins que la commission ne fasse une proposition en ce sens;

Réponse: non, compte tenu du dossier produit en l’espèce.

[TRADUCTION] (3) Le Syndicat ne doit pas chercher à empêcher les chauffeurs d’autobus actuellement liés par contrat avec la commission d’occuper des postes qui deviendront vacants après que les chauffeurs en grève qui en auront exprimé la volonté auront réintégré leur ancien poste.

Réponse: non, compte tenu du dossier produit en l’espèce.

b) N’est pas en cause dans le présent pourvoi.

[TRADUCTION] c) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner

[Page 360]

la réintégration des employés à compter du moment où, selon le Conseil, l’employeur a décidé de ne pas se conformer à son obligation de «s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective», c.-à-d. à compter du moment où il y a eu violation de l’alinéa 33a) de la Trade Union Act à l’égard de véritables négociations collectives?

Réponse: (1) quant à la réintégration: oui;

(2) quant à la date de la réintégration: non, s’il s’agit d’accorder le droit à l’indemnisation.

[TRADUCTION] d) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour ordonner à un employeur de payer des salaires, traitements ou autres rémunérations à un employé s’il conclut que l’employé a subi une perte financière à cause de la violation par l’employeur des dispositions de la Trade Union Act?

Réponse: non.

[TRADUCTION] e) Le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse) a-t-il compétence pour accorder des dépens contre la Commission scolaire en faveur:

(i) du syndicat,

(ii) des employés?

Réponse: non.

Puisque l’appelant et l’intimée ont tous les deux eu gain de cause jusqu’à un certain point, chaque partie, ainsi que l’intervenante, doit assumer ses propres dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureur de l’appelant: N. Blaise MacDonald, Halifax.

Procureur de l’intimé le Conseil des relations du travail (Nouvelle-Écosse): Gordon Gillis, Halifax.

Procureurs de l’intimée la Commission scolaire municipale de Digby: McInnes, Cooper & Robertson, Halifax.

Procureurs de l’intervenante la Fédération du travail de la Nouvelle-Écosse: Kitz, Matheson, Green & Maclsaac, Halifax.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit du travail - Compétence - Conseil des relations du travail de la Nouvelle-Écosse - Pouvoirs de redressement - L’employeur a manqué à l’obligation que lui impose la Loi de s’efforcer, dans la mesure du possible, de conclure une convention collective - Le Conseil avait-il compétence pour ordonner les mesures de redressement qu’il a imposées? - Trade Union Act, 1972 (N.-É.), chap. 19, art. 33, 34.

Un conflit de travail long et acharné a été soumis au Conseil des relations du travail de la Nouvelle-Écosse à la suite d’une plainte portant que la commission scolaire intimée ne s’est pas efforcée, dans la mesure du possible, de conclure et de signer une convention collective comme l’exigent les art. 33 et 34 de la Trade Union Act. Le Conseil a conclu que la commission scolaire n’avait pas négocié de bonne foi, a ordonné aux parties de soumettre des propositions et des réponses dans des délais précis et a fixé des exigences minimales quant au contenu des propositions et des réponses. Aucune convention n’ayant été conclue, le Conseil a formulé un exposé de cause à l’intention de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse en vue d’obtenir son opinion sur la compétence du Conseil pour prendre des mesures de redressement. La question générale en l’espèce porte sur l’étendue du pouvoir que les art. 33 et 34 de la Loi accordent au Conseil.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef Laskin et les juges Mclntyre et Chouinard: L’alinéa 33a) et le par. 34(2) ne donnent pas au Conseil des relations du travail le pouvoir d’exiger que l’employeur formule des propositions précises de la

[Page 312]

convention collective. Le pouvoir d’assurer le respect de l’obligation de négocier de bonne foi ne peut être transformé en un pouvoir concernant la réintégration, l’indemnisation et les dépens. L’alinéa 33a) oblige simplement les parties aux négociations à se rencontrer, à négocier ensemble et à s’efforcer, dans la mesure du possible, de signer une convention collective. Le paragraphe 34(2) se limite à faire respecter les obligations que l’art. 33 impose aux parties. Les termes «que le Conseil estime nécessaire» ne permettent pas de se soustraire à cette limite puisque le Conseil n’est habilité à se former une opinion que sur ce qui est nécessaire pour se conformer à l’art. 33.

Le Conseil avait compétence pour exiger que les parties soumettent un ensemble complet de propositions et de réponses, mais il ne pouvait exiger d’inclure dans ces propositions une échelle de salaires prévoyant des augmentations successives ou les dispositions modifiées concernant la sécurité syndicale. Les parties ont convenu que l’employeur n’embaucherait pas d’autres personnes pour conduire les autobus et que le syndicat ne déclencherait pas de grève ni ne suspendrait ses services.

Les juges Dickson et Wilson: Le Conseil avait clairement le pouvoir de décider que des propositions précises justifiaient la conclusion qu’il y a eu violation de l’obligation de négocier de bonne foi qu’impose l’art. 33. L’intention véritable de négocier et de conclure une convention sous-tend cette obligation. La négociation serrée répond à ce critère contrairement à la négociation de façade où la partie feint de négocier alors qu’en réalité elle a l’intention de détruire le processus de négociation collective. Même si l’art. 33 n’impose pas l’obligation de conclure une convention collective et encore moins celle de conclure une convention collective équitable, le Conseil peut imposer des conditions qui se rapportent au contenu des propositions et qui sont nécessaires pour «se conformer» — cette conséquence découle de la prémisse que le contenu d’une proposition peut servir de fondement à la conclusion qu’il y a eu violation de l’obligation de négocier de bonne foi. Une telle ordonnance, rendue en vertu du par. 34(2), peut être énoncée sous la forme positive si c’est là le minimum requis pour se conformer à cette obligation.

Plusieurs des conditions imposées par le Conseil sont valides puisqu’elles relèvent du pouvoir que lui accorde l’al. 33a) de s’assurer que les parties se conforment à l’obligation de négocier. La condition imposée par le Conseil à la commission scolaire de s’engager à ne pas employer des chauffeurs contractuels est raisonnablement nécessaire pour en arriver à une convention compte tenu du fait que la commission scolaire a déjà embauché des contractuels pour se débarrasser du syndicat et que.

[Page 313]

de ce fait, des mesures semblables à l’avenir seraient entachées d’illégalité. Cette condition ne modifie pas les obligations du syndicat. La condition qui maintient les clauses de sécurité syndicale est le minimum requis pour démontrer que la commission scolaire n’essayait pas de se débarrasser du syndicat, puisque ces clauses sont à la base de la viabilité du syndicat lui-même. Le Conseil peut également ordonner la réintégration des employés. Puisque les chauffeurs remplaçants ont été embauchés pour éviter la conclusion d’une convention collective, la réintégration vient pallier à la violation de l’obligation de négocier de bonne foi et permet ainsi de se conformer à la Loi. La condition qui exige que le syndicat réponde aux propositions de la commission scolaire dans un délai précis est également valide puisque le par. 34(2) s’applique à «toute partie», et il est normal d’imposer des délais aux parties aux négociations.

L’exposé de cause soumis à la Cour ne contient pas de renseignements suffisants pour permettre de déclarer valides plusieurs des conditions imposées. La condition du Conseil relative aux salaires pouvait constituer soit un effort véritable pour amener les parties à se conformer à la Loi, soit une tentative d’imposer un règlement approprié. Même si la condition qui impose le renouvellement de la convention peut, dans certaines circonstances, être considérée comme conforme au pouvoir d’exiger que les parties se conforment à la Loi, elle n’est pas étayée par suffisamment de détails pour permettre à la Cour de faire autre chose que de se livrer à la spéculation. Même si les conditions imposées au syndicat portent sur le fond des négociations et pourraient bien relever du par. 34(2), elles doivent être tenues pour invalides en l’absence de détails suffisants et compte tenu du fait que le Conseil n’a pas conclu qu’il y a eu, de la part du syndicat, défaut de négocier de bonne foi.

Le Conseil n’a pas le pouvoir d’ordonner le paiement d’une indemnisation ou de dépens dans le cas d’une violation de l’al. 33a). Le paragraphe 34(2) permet l’indemnisation uniquement dans le cas d’une violation de l’al. 33b); il s’agit d’une mesure de redressement supplémentaire et non simplement d’un autre moyen d’obliger une partie à se conformer à la Loi.


Parties
Demandeurs : Syndicat canadien de la Fonction publique
Défendeurs : Conseil des relations du travail (N.-É.) et autre

Références :

Jurisprudence: arrêt examiné: Re Tandy Electronics Ltd. and United Steelworkers of America (1980), 30 O.R. (2d) 29, 80 C.L.L.C. ¶114,017

arrêts mentionnés: Syndicat canadien de la Fonction publique c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [1979] 2 R.C.S. 227

Ontario Public Service Employees Union v. Cybermedix Ltd., [1981] O.L.R.B Rep. 13

Graphic Arts International Union and Toronto Star Newspapers Ltd., [1979] 3 Can LRBR 306

Retail, Wholesale and Department Store Union and Morris Rod Weeder Co.
[Page 314]
Ltd., [1978] 2 Can LRBR 49
United Brotherhood of Carpenters and Joiners of America and Carpenters Employer Bargaining Agency, [1978] 2 Can LRBR 501
Board of School Trustees (Vancouver) and Canadian Union of Public Employees, [1977] 2 Can LRBR 201
Cyprus Anvil Mining Corporation and United Steelworkers of America, [1976] 2 Can LRBR 360
United Steelworkers of America and Radio Shack, [1980] 1 Can LRBR 99
Fotomat Canada Limited and United Steelworkers of America, [1981] 1 Can LRBR 381
Graphic Arts International Union v. Graphic Centre (Ontario) Inc., [1976] O.L.R.B. Rep. 221
Kamloops News Inc. and International Typographical Union, [1981] 2 Can LRBR 356
Wilson Automotive (Belleville) Ltd. and Retail Clerks International Union, [1981] 1 Can LRBR 318
Labourers International Union and Municipality of Casimir, Jennings and Appleby, [1978] 2 Can LRBR 284
United Electrical, Radio & Machine Workers of America and Westing-house Canada Limited, [1980] 2 Can LRBR 469, confirmé à (1980), 80 C.L.L.C. ¶14,062.

Proposition de citation de la décision: Syndicat canadien de la Fonction publique c. Conseil des relations du travail (N.-É.) et autre, [1983] 2 R.C.S. 311 (13 octobre 1983)


Origine de la décision
Date de la décision : 13/10/1983
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : [1983] 2 R.C.S. 311 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1983-10-13;.1983..2.r.c.s..311 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award