Cour suprême du Canada
Novic c. Novic, [1983] 1 R.C.S. 696
Date: 1983-06-07
Milorad Novic (Plaignant) Appelant;
et
Radmilla Novic (Défendeur) Intimée.
N° du greffe: 16780.
1983: 19 mai; 1983: 7 juin.
Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Dickson, Estey, Mclntyre et Chouinard.
EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ONTARIO.
POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario, qui a accueilli l’appel interjeté à l’encontre d’un jugement du juge Hawkins, juge local de la Cour suprême de l’Ontario, qui accordait la garde des enfants à l’appelant. Pourvoi accueilli, le juge Mclntyre est dissident.
Paul Jewell, c.r., et Miles Obradovich, pour l’appelant.
R.H. Raphael et M.B. Koreen, pour l’intimée.
Version française du jugement du juge en chef Laskin et des juges Dickson, Estey et Chouinard rendu par
LE JUGE EN CHEF — Les pourvois relatifs à la garde d’enfants sont rares en Cour suprême. Celui-ci, que nous avons autorisé, vise un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario qui a infirmé de façon inexpliquée un jugement bien motivé et étayé sur des conclusions de fait nombreuses, rendu en première instance par le juge Hawkins de la Cour de comté. Il était, bien sûr, loisible à la Cour d’appel de réévaluer les conclusions de fait si elles révélaient une lacune manifeste dans la décision du juge de première instance. Ce n’est pas le cas en l’espèce. Tout l’arrêt de la Cour d’appel tient à la seule affirmation que [TRADUCTION] «le juge de première instance n’a pas tenu compte de tous les principes applicables». Il est très clair que le juge de première instance en a effectivement tenu compte et qu’il n’y a pas d’erreur de principe comme l’a affirmé avec insistance l’avocat de l’intimée. L’avis que cette Cour a exprimé dans l’arrêt Talsky c. Talsky, [1976] 2 R.C.S. 292, selon lequel une cour d’appel ne doit pas modifier les conclusions de fait du juge de première instance dans une affaire de garde d’enfants est encore plus valable en l’espèce.
La garde des enfants a été âprement contestée par les parents dont l’animosité réciproque ressort nettement du dossier. L’objet de cette contestation sont deux jeunes enfants, leur fille âgée aujourd’hui de six ans et leur fils âgé aujourd’hui de sept ans. Il s’est écoulé deux ans et demi depuis le jugement d’appel et trois ans depuis le jugement de première instance. Il est toujours malheureux que des procédures de garde d’enfants se prolongent,
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même le moindrement, quoique celles qui ont abouti en cette Cour ont été menées avec une célérité raisonnable.
Les enfants ont vécu avec leur mère pendant presque toute leur vie, bien que le fils ait vécu avec son père pendant environ dix-huit mois après la séparation du couple en décembre 1976. Une ordonnance provisoire de garde des enfants a été rendue en faveur de la mère, en juin 1978, après que le père eut refusé que la mère rende visite à leur fils. Le juge de première instance a attribué une part de responsabilité à chacun des parents, notamment en raison de leur animosité réciproque, mais il a compris qu’il devait déterminer ce qui était dans le meilleur intérêt des enfants. Le cas n’était pas facile à trancher à cause des prétentions contradictoires de chacun des parents, mais après avoir bien étudié toute la situation, le juge de première instance a conclu que le père devait avoir la garde des enfants. Le renversement de cette décision par la Cour d’appel est absolument injustifié.
L’avocat de l’intimée a instamment demandé à cette Cour de réexaminer les conclusions du juge de première instance et même, à vrai dire, la totalité de la preuve. Ce n’est pas le rôle de cette Cour. La conclusion à laquelle nous en sommes venus d’accueillir le pourvoi du père, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel et de rétablir l’ordonnance de garde du juge de première instance s’impose en l’espèce. L’appelant n’a pas demandé de dépens et il n’en sera pas adjugé.
Version française des motifs rendus par
LE JUGE MCINTYRE (dissident) — Je suis d’accord avec le Juge en chef qu’il y a lieu d’accueillir le présent pourvoi et je suis aussi d’avis que les motifs du juge de première instance révèlent qu’il a bien tenu compte du bien-être des enfants pour arriver à sa décision. Je note cependant que le jugement provisoire de divorce, qui rend cette décision applicable, a été rendu le 28 mai 1980 et que, sauf pour une période de dix-huit mois, en 1976 et 1977, où le fils a vécu avec son père, les enfants ont vécu avec leur mère. La fillette de six ans a toujours vécu avec sa mère et ne connaît pas
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d’autre décor quotidien que celui que sa mère a créé.
À cause du déracinement subit qu’apporterait aux enfants le rétablissement de l’ordonnance de garde du jugement de première instance et à cause de la longue période de temps écoulée depuis l’ordonnance initiale, ce délai n’étant imputable à aucune des parties, je disposerais du cas différemment de la majorité. C’est peut-être un des cas où, à cause du changement si radical des circonstances survenu depuis l’audition en première instance, il y aurait lieu de modifier l’ordonnance de garde, en application du par. 11(2) de la Loi sur le divorce. J’aurais des réticences à rétablir le jugement de première instance sans vérifier ce point. Tout en accueillant le pourvoi, j’ordonnerais un nouveau procès limité à la question de la garde des enfants et des droits de visite.
Pourvoi accueilli, le juge MCINTYRE est dissident.
Procureurs de l’appelant: Jewell, Angus & Michael, Toronto.
Procureurs de l’intimée: Feigman & Chernos, Toronto.