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17/05/1983 | CANADA | N°[1983]_1_R.C.S._582

Canada | Evans c. Comité d’appel de la Commission de la Fonction publique, [1983] 1 R.C.S. 582 (17 mai 1983)


Cour suprême du Canada

Evans c. Comité d’appel de la Commission de la Fonction publique, [1983] 1 R.C.S. 582

Date: 1983-05-17

Bernard W. Evans Appelant;

et

Comité d’appel de la Commission de la Fonction publique Intimé.

N° du greffe: 16670.

1982: 4 novembre; 1983: 17 mai.

Présents: Les juges Ritchie, Dickson, Beetz, Estey, Mclntyre, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

Cour suprême du Canada

Evans c. Comité d’appel de la Commission de la Fonction publique, [1983] 1 R.C.S. 582

Date: 1983-05-17

Bernard W. Evans Appelant;

et

Comité d’appel de la Commission de la Fonction publique Intimé.

N° du greffe: 16670.

1982: 4 novembre; 1983: 17 mai.

Présents: Les juges Ritchie, Dickson, Beetz, Estey, Mclntyre, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE


Synthèse
Référence neutre : [1983] 1 R.C.S. 582 ?
Date de la décision : 17/05/1983
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit du travail - Emploi dans la Fonction publique - Nominations - Principe du mérite - Processus de sélection en vue d’un emploi - Refus de considérer un candidat en vue d’une promotion à cause de sa notoriété - La réputation d’un candidat est-elle pertinente lorsqu’il s’agit de déterminer son mérite? - Loi sur l’emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 10, 21 - Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, art. 8.

Droit administratif - Emploi dans la Fonction publique - Comité d’appel - Candidat nommé dans le rapport d’un sous-comité parlementaire comme ayant incité h l’émeute dans une prison - Refus de considérer un candidat en vue d’une promotion à cause de sa notoriété - Le Comité d’appel a-t-il la compétence pour vérifier l’exactitude des conclusions d’un sous-comité parlementaire? - Loi sur l’emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, art. 10,21.

L’appelant, qui est agent correctionnel, travaillait au pénitencier de Millhaven lorsqu’une émeute s’y est produite. Un sous-comité parlementaire a enquêté sur l’incident et a désigné l’appelant dans son rapport comme l’instigateur. Après ce rapport, le commissaire des pénitenciers a interdit à l’appelant de travailler dans un pénitencier et d’être en contact avec des détenus. Plus tard, l’appelant s’est présenté à un poste d’agent correctionnel supérieur. Un jury de sélection a été constitué conformément à l’art. 10 de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique pour évaluer les demandes d’emploi. Les nominations devaient être faites en fonction du «mérite». Le nom de l’appelant n’a pas été inscrit sur la liste d’admissibilité. Le jury de sélection a fondé son évaluation sur une lettre du surveillant de l’appelant qui fait état des restrictions imposées par le commissaire. Un comité d’appel a annulé cette décision et statué que le jury de sélection devait arriver à une évaluation indépendante des aptitudes de l’appelant.

[Page 583]

Sans prévenir l’appelant, le jury de sélection a procédé à une nouvelle évaluation de ses aptitudes et, tenant compte d’une note de service du commissaire qui explique le motif de la restriction imposée aux affectations de l’appelant, a confirmé sa première évaluation. À cause de la notoriété que l’appelant s’est acquise par suite de la conclusion du sous-comité parlementaire, le jury de sélection a été du même avis que le commissaire, savoir, que permettre à l’appelant de travailler en milieu carcéral mettrait en danger le personnel, les détenus et l’appelant lui-même. L’appelant a interjeté appel en application de l’art. 21 de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique et a déposé devant le second Comité d’appel pour contredire le rapport du sous-comité parlementaire. Le Comité d’appel a toutefois confirmé la décision du jury de sélection pour le motif qu’il disposait d’éléments de preuve pour justifier la décision de refuser la promotion. La Cour d’appel fédérale a rejeté la demande de révision et d’annulation de la décision du Comité d’appel présentée en vertu de l’art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale.

Arrêt (les juges Dickson et Beetz sont dissidents): Le pourvoi est accueilli.

Les juges Ritchie, Estey, Mclntyre, Chouinard et Lamer: À moins que le Comité d’appel n’arrive à la conclusion que les allégations du rapport du sous-comité sont exactes, ces allégations n’ont pas d’effet sur l’évaluation du mérite de l’appelant. Le mot «mérite» de l’art. 10 de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique renvoie uniquement aux caractéristiques naturelles et intrinsèques du candidat. En conséquence, le jury de sélection n’aurait pas dû s’arrêter à des limitations externes qui n’ont, en elles-mêmes, rien à voir avec la valeur du candidat. En l’espèce, il n’entrait pas dans les attributions ni dans le rôle du jury de sélection d’entreprendre une enquête sur la véracité de l’énoncé du sous-comité parlementaire. Le jury de sélection n’est pas un tribunal administratif, mais simplement un organe de la Commission de la Fonction publique pour remplir l’obligation de cette dernière de choisir des candidats en fonction du mérite. Il n’est pas non plus assujetti aux règles de justice naturelle. D’autre part, le Comité d’appel établi en application de l’art. 21 avait, en droit, l’obligation de procéder à une enquête et était assujetti aux règles de justice naturelle. Le Comité devait déterminer si la conclusion du sous-comité était exacte. Il ne l’a pas fait. En disposant de l’appel interjeté par l’appelant, le Comité d’appel n’aurait pas dû tenir compte du rapport du sous-comité parlementaire pour établir le mérite de l’appelant et déterminer s’il devait inscrire son nom sur la liste d’admissibilité. Il y a lieu de renvoyer l’affaire au Comité d’appel pour qu’il termine son enquête en application de l’art. 21.

[Page 584]

Les juges Dickson et Beetz, dissidents: Il n’y a pas de doute qu’on a refusé à l’appelant d’inscrire son nom sur la liste d’admissibilité uniquement à cause de la notoriété qu’il s’est acquise par suite des conclusions d’un sous-comité parlementaire et personne n’a mis en doute l’appréciation du commissaire selon laquelle cette notoriété rendait la présence de l’appelant en milieu carcéral inefficace et même dangereuse. Dans l’article 10 de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique, le mot «mérite» n’a pas un sens spécialisé. La distinction entre qualités inhérentes et qualités externes ne s’applique pas dans le contexte des nominations à la Fonction publique. Il faut tenir compte d’une opinion ou n’en pas tenir compte selon l’auteur de celle-ci, selon qu’elle est éclairée ou qu’elle ne correspond pas à la réalité, en bref, selon sa pertinence. Le principe du mérite tend à protéger le droit des employeurs du secteur public d’engager des personnes aptes et efficaces et non à nier ce droit. Ce principe ne peut avoir pour but d’obliger la Commission de la Fonction publique de nommer une personne à un poste si elle sait que la réputation de cette personne fait qu’il est impossible pour elle de remplir les fonctions de ce poste. En l’espèce, la notoriété de l’appelant même imméritée, est une caractéristique pertinente. L’absence de mauvaise réputation auprès des détenus est une véritable aptitude pour le poste.

Un jury de sélection ne remplit pas un rôle judiciaire ou quasi judiciaire qui le soumet aux règles de justice naturelle. Il doit remplir son rôle administratif avec justice et impartialité, mais il n’est pas obligé d’offrir à chacun des candidats la possibilité de réfuter les éléments de preuve défavorables à sa demande. À l’étape de l’appel, le candidat a expressément la possibilité d’être entendu. Le Comité d’appel remplit une fonction quasi judiciaire et la règle audi alteram partem s’applique. Il ne relève cependant pas de sa compétence de faire enquête sur les conclusions d’un sous-comité parlementaire. L’article 21 de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique ne confère pas le droit de contester les conclusions d’autres tribunaux.

[Jurisprudence: arrêt appliqué: Blagdon c. Commission de la Fonction publique, [1976] 1 C.F. 615; arrêt mentionné: Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311.]

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel fédérale, [1981] 2 C.F. 845, 37 N.R. 514, qui a rejeté la demande de l’appelant visant à la révision et à l’annulation d’une décision d’un comité d’appel de la Commission de la Fonction publique. Pourvoi accueilli, les juges Dickson et Beetz sont dissidents.

[Page 585]

Maurice W. Wright, c.r., et Andrew J. Raven, pour l’appelant.

Duff Friesen, pour l’intimé.

Version française du jugement des juges Ritchie, Estey, Mclntyre, Chouinard et Lamer rendu par

LE JUGE ESTEY — Le présent pourvoi a pour objet une demande faite en vertu de l’art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, visant l’examen d’une décision du Comité intimé rendue le 16 mai 1980. Le déroulement des procédures antérieures à cette décision est assez enchevêtré. Il suffit de mentionner que le Comité avait entendu, à l’époque, le second appel interjeté par l’appelant du refus d’un jury de sélection de porter son nom sur une liste d’admissibilité dressée pour la nomination d’un agent correctionnel principal des services correctionnels du Canada dans la région de l’Ontario.

Le processus qui a donné lieu au présent pourvoi a commencé par la publication d’un avis de concours conformément à la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P‑32 (ci-après appelée la «Loi»). L’appelant a été accepté à l’occasion d’une sélection initiale faite par le jury de sélection désigné conformément à la Loi pour mener le concours, mais le jury de sélection a finalement supprimé le nom de l’appelant de la liste d’admissibilité [TRADUCTION] «à partir de laquelle peuvent être faites les nominations dans les institutions de la région de l’Ontario».

Le jury de sélection a procédé à des entrevues en application de l’art. 10 de la Loi qui est ainsi formulé:

10. Les nominations à des postes de la Fonction publique, faites parmi des personnes qui en sont déjà membres ou des personnes qui n’en font pas partie, doivent être faites selon une sélection établie au mérite, ainsi que le détermine la Commission. La Commission les fait à la demande du sous-chef en cause, à la suite d’un concours, ou selon telle autre méthode de sélection du personnel établie afin de déterminer le mérite des candidats que la Commission estime la mieux adaptée aux intérêts de la Fonction publique.

Au moment de prendre sa décision à l’égard de l’appelant, le jury de sélection avait pris connais-

[Page 586]

sance d’une note de service écrite par Surgenor, supérieur de l’appelant. Cette note de service, intitulée [TRADUCTION] «Évaluation du rendement de M.B. Evans», comportait une phrase sur laquelle le jury de sélection s’est fondé pour ne pas inscrire le nom de l’appelant sur la liste d’admissibilité établie par le jury. Cette phrase se lit ainsi:

[TRADUCTION] Le commissaire aux services correctionnels a restreint ses fonctions en interdisant de l’affecter à un établissement carcéral ou de le mettre en contact avec des détenus.

Se prévalant de l’art. 21 de la Loi, sur lequel je reviendrai plus loin, l’appelant a interjeté appel du refus du jury de sélection de porter son nom sur la liste. Le Comité d’appel a signalé que la note de service de M. Surgenor ne correspondait nullement au rapport d’appréciation prescrit par le manuel du Conseil du Trésor pour ces appréciations, que certaines des critiques énoncées au rapport étaient injustes et que, de toute façon, le jury de sélection aurait dû attribuer des points à l’appelant pour le facteur «Possibilités de rendement» dont le Comité a fait état dans son rapport et, de toute façon:

[TRADUCTION] La décision du comité de cotation de ne pas accorder de points à l’appelant pour les «Possibilités de rendement» en fonction des données d’appréciation était entièrement fondée sur une seule phrase du rapport,…

Il s’agit du passage de la lettre cité ci-dessus. Le Comité d’appel a aussi dit:

[TRADUCTION] À cause de cette restriction, le comité de cotation a estimé que l’appelant n’avait pas de «Possibilités de rendement» pour le poste objet de l’appel. Le comité de cotation n’a pas vérifié la limitation puisque, conformément au par. 8(2) de la Loi sur les pénitenciers, le commissaire a le pouvoir de prendre une telle décision. Le paragraphe 8(2) se lit ainsi:

8(2) S’il le considère dans l’intérêt du Service, le commissaire peut suspendre tout fonctionnaire ou employé du Service.

Le Comité d’appel a conclu: [TRADUCTION] «À mon avis, le comité de cotation a commis une erreur en évaluant M. Evans comme ses membres l’ont fait pour le facteur «possibilités de rendement»» et, en conséquence, il a fait droit à l’appel.

[Page 587]

Plus tard, le même jury de sélection a repris l’entrevue de l’appelant. En prévision de cette entrevue, la Commission de la Fonction publique a fait parvenir au Service canadien des pénitenciers une lettre dont voici un extrait:

[TRADUCTION] La portée de la décision du comité d’appel serait que le ministère n’a pas su démontrer ses raisons pour avoir bloqué l’appelant conformément aux normes de sélection (c.-à-d. le mérite). Il s’impose donc de réévaluer M. Evans au chapitre du facteur possibilités de rendement et de justifier pleinement la notation du ministère et ses motifs. De nouveaux droits d’appel devront alors être accordés.

Le jury de sélection a par la suite procédé à la nouvelle évaluation de l’appelant et a, en définitive, confirmé sa première évaluation. Le jury de sélection, lors de cette seconde entrevue, disposait d’une note de service du commissaire aux services correctionnels adressée à un agent du service et dont voici un extrait:

[TRADUCTION] Comme vous le savez M. Evans fut accusé par un sous-comité parlementaire sur le régime d’institutions pénitentiaires du Canada d’avoir causé une émeute à Millhaven le 5 octobre 1976 par suite des «remarques insultantes» proférées par mégaphone à l’endroit des détenus alors dans la cour des promenades. Le fait que l’accusation soit l’oeuvre d’un groupe de parlementaires a dû inévitablement avoir fortement impressionné les détenus. Dans leur esprit, je suis certain que le sous-comité a confirmé leurs allégations, dénuées auparavant de fondement, quant à la façon dont Evans les traitait. Je dois en déduire qu’il existe une forte possibilité que naissent des troubles chez les détenus, avec danger pour Evans d’être blessé, ou pour quelque autre membre du personnel, ou pour les détenus eux-mêmes, s’il devait continuer à exercer les fonctions d’agent correctionnel dans un pénitencier. En outre, je tiens pour certain que les détenus blâmeront Evans pour tout incident qui pourrait se produire qu’il y soit ou non impliqué. Ce qui non seulement aggrave les risques de blessures pour Evans personnellement mais aussi rendra plus difficile de découvrir la source réelle de ces incidents éventuels. En conséquence, j’estime que continuer d’affecter M. Evans à des fonctions carcérales causerait un risque inacceptable compte tenu des meilleurs intérêts du service, des fonctionnaires et de la population carcérale elle-même.

Je sais bien qu’Evans n’a pas eu la possibilité de répondre formellement aux accusations du sous-comité. Il croit que s’il a cette possibilité, il pourra, comme il dit, «s’exonérer». Toutefois, je suis d’avis que nous ne

[Page 588]

sommes pas confrontés à une situation que l’on peut changer par des preuves, la persuasion ou une argumentation rationnelle. La couverture que la presse a faite de l’incident et l’accusation du sous-comité au sujet du rôle qu’il y a joué ont placé Evans en évidence; toute réponse qu’il pourrait faire n’aurait vraisemblablement aucun impact significatif sur l’attitude ou les réactions éventuelles des détenus à son affectation à un établissement carcéral. Je vous ai donc ordonné de ne pas l’affecter à des fonctions qui l’obligent à travailler en établissement y inclus au périmètre de sécurité.

Dès la confirmation par le jury de sélection de son rapport antérieur, l’appelant, se prévalant de l’art. 21 de la Loi, a de nouveau interjeté appel à un comité d’appel. À l’audition de cet appel, l’appelant a pris connaissance pour la première fois de la note de service du commissaire aux services correctionnels. Le rapport du comité parlementaire auquel la note du commissaire fait allusion est un rapport d’un sous-comité sur le système pénitentiaire canadien soumis à la Chambre des communes en juin 1977. Le rapport dit entre autre:

[TRADUCTION] Néanmoins, elle [l’émeute à la prison Millhaven] a été provoquée vers 20 h 30, par les remarques insultantes d’un CX-2, Bernard Evans [l’appelant], au mégaphone de la sortie au moment de rappeler les détenus de la cour des promenades.

L’appelant a déposé devant le second Comité d’appel et nié être celui qui a fait ces remarques ou provoqué l’émeute et il a ajouté qu’il pourrait faire comparaître plusieurs des personnes qui étaient de service au moment en cause pour confirmer son témoignage. L’appelant a aussi produit en preuve une lettre du solliciteur général du Canada du 17 octobre 1979 qui comporte l’extrait suivant:

[TRADUCTION] Je puis vous donner l’assurance que si le Service correctionnel du Canada ou moi-même, en tant que nouveau Solliciteur général, disposaient de preuves qui indiquent que M. Evans était responsable de l’émeute de Millhaven en 1975 (sic), ce dernier ne serait plus membre du service.

L’appelant a aussi produit une lettre du président du sous-comité parlementaire dans laquelle on peut lire:

[TRADUCTION] Que nous ayons eu tort ou raison dans notre description des événements lors des troubles de Millhaven, il n’existe aucune procédure parlementaire

[Page 589]

qui permette de rectifier le Rapport. Vous disposez cependant d’autres recours.

Enfin, le témoignage non réfuté de l’appelant en présence du second Comité d’appel porte qu’il a étudié la transcription des débats du sous-comité parlementaire et que cette transcription ne comporte aucune mention dans les témoignages des détenus que l’appelant ait été celui qui était responsable des remarques proférées au mégaphone et qui, selon le rapport du sous-comité, avaient provoqué l’émeute de Millhaven.

Il est manifeste cependant, d’après la preuve soumise au second Comité d’appel qu’à sa deuxième session, le jury de sélection est arrivé à la conclusion indépendamment des avis exprimés par le commissaire ou M. Surgenor, que:

[TRADUCTION] …indépendamment de toute autre considération, M. Evans ne pouvait travailler dans un milieu carcéral et qu’en conséquence il échouait pour ce qui est du facteur possibilités de rendement.

Le président du jury de sélection a déclaré que la décision du jury était [TRADUCTION] «fondée sur notre propre connaissance, notre expérience du milieu carcéral, du monde à part des détenus…» Le président a beaucoup insisté sur le fait que le jury de sélection avait tiré «ses propres conclusions» et en était arrivé «à une décision tout à fait indépendante sur les aptitudes personnelles de M. Evans…»

Le second Comité d’appel a conclu que:

a) les principes de justice naturelle ne s’appliquent pas aux jurys de sélection;

b) le jury de sélection avait évalué ou réévalué l’appelant de façon objective quant au facteur «Possibilités de rendement»;

c) le jury de sélection n’a tenu compte que de la partie de la note de service du commissaire qui disait qu’en vertu des instructions du commissaire l’appelant ne devait pas être «employé dans une institution ou être en contact avec des détenus»;

d) le jury de sélection a pris en considération des énoncés contenus au rapport du sous‑comité parlementaire; et

[Page 590]

e) même si cette preuve supplémentaire et la note de service originale de Surgenor ne correspondaient pas à la forme prescrite par le manuel de gestion du Conseil du Trésor, ils constituaient néanmoins un rapport d’évaluation du rendement. En conséquence, le Comité d’appel a rejeté l’appel interjeté par l’appelant après avoir conclu:

[TRADUCTION] En conséquence, je ne puis conclure, sur la foi des renseignements dont le jury de sélection a tenu compte, que l’appelant a été mal évalué quant au facteur «Possibilités de rendement»;

C’est cette décision dont l’appelant a demandé l’examen en application de l’art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale. La Cour d’appel fédérale a rejeté la demande. Elle l’a fait en concluant que:

a) le jury de sélection pouvait se fonder sur la restriction imposée à l’appelant par le commissaire qui est valide en droit et que, à cause de cette restriction, le jury de sélection ne pouvait pas conclure que l’appelant satisfaisait «aux exigences minimales pour ce qui est des possibilités de rendement»;

b) le jury de sélection n’avait pas d’obligation et ce n’était pas son rôle d’enquêter sur l’exactitude des conclusions du sous-comité parlementaire quant à l’appelant et à l’émeute de Millhaven;

c) le jury de sélection avait le droit de se fonder sur la phrase précitée de la note de service de Surgenor pour évaluer les «Possibilités de rendement» de l’appelant; et

d) par suite de la décision du premier Comité d’appel, le jury de sélection n’était pas tenu d’obtenir un autre rapport d’évaluation personnelle sur une formule officielle ou autre, mais [TRADUCTION] «il pouvait se fonder sur la restriction imposée par le commissaire, s’il la jugeait fondée, en tant que facteur déterminant ou décisif qui empêchait de donner une note minimale pour les «Possibilités de rendement».»

Le juge Le Dain, qui a rédigé les motifs de la Cour d’appel fédérale, a dit:

Le devoir du jury de sélection était de procéder à une évaluation globale en matière de «Possibilités de rende-

[Page 591]

ment» y compris, selon les termes de l’énoncé des qualités du poste, à une «Vue d’ensemble de l’aptitude générale» du candidat et non pas de déterminer quelles auraient été les «Possibilités de rendement» du requérant si elles n’avaient pas été diminuées pour les raisons données par le commissaire. L’opinion du commissaire était clairement reliée au rendement. Ce n’était pas un motif de ne pas nommer le requérant n’ayant aucun rapport avec les compétences que devait évaluer le jury de sélection.

Avec égards, je crois que le juge Le Dain a eu raison de conclure que le commissaire a pris la décision, confirmée par le jury de sélection, non pas en raison de l’exactitude du rapport du sous-comité parlementaire, mais parce que les détenus le tiendraient pour exact et que, en conséquence, la présence de l’appelant à titre d’agent correctionnel dans un pénitencier mettrait sa propre sécurité et celle des autres en danger et nuirait sérieusement aux opérations du service correctionnel. En conséquence le commissaire a fait remarquer qu’il y aurait eu peu de différence même si l’appelant avait pu convaincre un tribunal quelconque de son innocence, le résultat serait resté que l’appelant est inapte à l’emploi d’agent correctionnel dans un pénitencier. Le juge Le Dain continue en disant:

Le fait essentiel sur lequel l’opinion du commissaire était fondée, soit la publicité qu’avait reçue la constatation ou accusation du Rapport du sous-comité parlementaire selon laquelle le requérant était responsable des remarques insultantes qui avaient provoqué les troubles à la prison Millhaven, avait été soumis au jury de sélection. Certes, une enquête du jury de sélection pour savoir si l’accusation du sous-comité était fondée aurait aidé à satisfaire le désir compréhensible du requérant d’obtenir justice; mais je ne pense pas que cela eût été une attribution ou fonction du jury de sélection d’y procéder. Il ne s’agissait pas d’un tribunal compétent pour procéder à une semblable enquête.

Avec égards, je souscris aux observations du juge Le Dain quant aux obligations et au rôle du jury de sélection. La cour a ensuite conclu que puisque le point capital de la procédure était l’effet probable du rapport sur l’attitude des détenus et les conséquences qui en découlaient sur l’aptitude de l’appelant à travailler en milieu carcéral, toute tentative postérieure de présenter une vue diffé-

[Page 592]

rente des faits n’aurait aucun effet déterminant. En conséquence, la cour a conclu que le Comité intimé avait eu raison de décider que le jury de sélection n’avait pas manqué à son devoir, selon la loi, en évaluant la demande de l’appelant visant à faire porter son nom sur la liste d’admissibilité à la nomination annoncée par le concours. En un mot, le fait que le jury de sélection et le Comité d’appel se soient fondés sur l’évaluation du commissaire ou sur sa décision quant à l’aptitude de l’appelant à occuper ce poste n’était pas mauvais en droit. En rendant leurs décisions respectives, la cour et les Comités d’appel ont conclu que le principe d’équité formulé par cette Cour dans l’arrêt Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S 311, ne s’appliquait pas à un jury de sélection formé en vertu de la Loi, même si seul le juge Le Dain a précisément mentionné cet arrêt. Le jury n’était pas tenu d’entendre les candidats du concours et il pouvait, en définitive, tenir compte d’un rapport comme celui du commissaire tel qu’il l’a reçu.

Selon ma façon de voir cette suite complexe de procédures, la solution du présent pourvoi doit passer par la voie plutôt simple qu’offre une bonne interprétation des dispositions applicables de la Loi. Le processus commence avec l’art. 10, que j’ai déjà cité et qui exige que le système de dotation «détermine le mérite des candidats». La question se réduit à déterminer le sens exact, dans le contexte de la Loi, du mot «mérite». Si l’on donne au mot son sens le plus large, alors il vise non seulement les éléments intrinsèques ou internes de valeur, les caractéristiques positives, les réalisations du candidat et ainsi de suite, mais également les caractéristiques externes qui comprendraient les aptitudes ou l’utilité du candidat dans le poste en cause. C’est-à-dire que le mérite peut d’une part ne viser que les valeurs intrinsèques ou inhérentes qu’on peut reconnaître dans la nature, la personnalité, le tempérament, la formation et l’expérience du candidat ou il peut aussi comprendre les attributs artificiels comme l’utilité, la convenance ou les incapacités créées dans la collectivité et qui ne sont pas intrinsèques au candidat. Le Concise Oxford Dictionary, 6e éd., 1976, définit merit, en partie,

[Page 593]

de la façon suivante:

[TRADUCTION]… les valeurs intrinsèques positives ou négatives (d’une affaire etc., spécialement en droit); juger (une proposition etc.) à son mérite, en ne considérant que ses qualités intrinsèques …

La 4e édition, 1951, disait ceci:

[TRADUCTION] … les mérites, les valeurs intrinsèques positives ou négatives (d’une affaire etc., spécialement en droit); juger (une proposition etc.) à son mérite (en fonction de ses qualités intrinsèques seulement etc…)

Dans le contexte dans lequel le mot est employé à l’art. 10 et à cause de l’importance de l’art. 10 dans la formulation des principes fondamentaux adoptés par le Parlement dans la Loi, je conclus que le terme «mérite» renvoie aux caractéristiques naturelles et intrinsèques du candidat. Autrement dit, ce terme n’inclut pas, à mon sens, les restrictions ou limitations extérieures qui peuvent, comme en l’espèce, avoir été imposées à un candidat et qui n’ont pas nécessairement, par elles-mêmes, un rapport quelconque avec les qualités inhérentes et positives du candidat. De telles limitations peuvent avoir ou ne pas avoir cette caractéristique; je reviendrai plus loin à cet aspect de la bonne interprétation de l’art. 10.

C’est uniquement du mérite déterminé selon ces critères que le jury de sélection tient compte pour établir la liste d’admissibilité au concours annoncé. À cette étape de la procédure, rien dans les dispositions législatives n’indique que le jury de sélection remplit une fonction autre qu’administrative dans le cadre traditionnel des opérations de la branche executive du gouvernement. Rien dans la Loi n’indique une intention quelconque du Parlement de créer un organisme qui serait assujetti aux règles de justice naturelle et aucune des parties, devant cette Cour, ne l’a soutenu non plus. Son rôle simple, quoique important, consiste à juger de l’admissibilité de chaque candidat, en y appliquant des normes ou des critères uniformes. Pour accomplir ce rôle, le jury est naturellement assujetti à sa loi constitutive, ce qui nous ramène au mot «mérite» et à l’interprétation et à l’application exacte de ce terme, par le jury de sélection, dans son évaluation de l’admissibilité des candidats au

[Page 594]

poste.

Je m’écarte du sujet un moment pour différencier le rôle de ce jury et celui du comité d’appel prévu à l’art. 21 de la Loi. Cet article se lit ainsi:

21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est nommée ou est sur le point de l’être et qu’elle est choisie à cette fin au sein de la Fonction publique

a) à la suite d’un concours restreint, chaque candidat non reçu, ou

b) sans concours, chaque personne dont les chances d’avancement, de l’avis de la Commission, sont ainsi amoindries,

peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la nomination à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l’appelant et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l’occasion de se faire entendre. La Commission doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l’enquête,

c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révoquer, ou

d) si la nomination n’a pas été faite, la faire ou ne pas la faire,

selon ce que requiert la décision du comité.

Il y a lieu d’observer tout de suite que le comité d’appel est tenu, par la Loi, de mener une enquête et d’accorder aux parties le bénéfice d’une telle enquête. Ce comité d’appel est assujetti aux règles de justice naturelle et aucune des parties en cette Cour n’a soutenu le contraire.

On aurait pu soulever des questions quant aux délibérations et à la décision du Comité d’appel à cause de l’absence d’avis donné à l’appelant, avant le début des audiences du Comité d’appel, de l’existence de la note de service du commissaire. Toutefois l’appelant n’a pas, devant cette Cour, plaidé sa cause en fonction de l’omission du Comité d’appel de se conformer aux principes de justice naturelle; il a plutôt restreint ses moyens à l’activité du jury de sélection.

Je reviens maintenant à l’étude des façons de procéder du jury de sélection. Le jury a, comme nous l’avons vu plus haut, tenu compte de la note

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de service du commissaire aux services correctionnels, qui explique les motifs de sa directive demandant de ne pas employer l’appelant dans un pénitencier. Il va de soi que cette explication se fonde sur les conclusions auxquelles le sous-comité parlementaire est arrivé selon lesquelles l’appelant avait causé une émeute dans un pénitencier. J’établis une distinction entre la note de service de Surgenor, qui répète simplement les instructions données par le commissaire envers l’appelant d’une part, et l’explication donnée par le commissaire, qui fait mention du rapport présenté au Parlement, d’autre part. Pour évaluer la compétence intrinsèque ou inhérente du candidat, le jury de sélection n’aurait pas dû, à mon avis, se préoccuper de limitations artificielles qui n’ont, en elles-mêmes, rien à voir avec l’aptitude du candidat à la nomination ou avec autre chose. En résumé, une telle limitation n’a pas trait au «mérite» du candidat et, en conséquence, elle ne s’applique pas au processus de sélection.

D’autre part, si l’allégation mentionnée au rapport du sous-comité était vraie, elle révélerait une caractéristique ou qualité inhérente du candidat, qui aurait une incidence sur le mérite ou l’absence de mérite aux fins du système de sélection des candidats établi en vertu de la Loi.

Je l’ai déjà dit, la Loi n’a pas fait du jury de sélection ce qu’on appelle ordinairement un tribunal administratif, possédant des pouvoirs judiciaires qui donnent lieu à l’application des règles de justice naturelle. Il est simplement un instrument du pouvoir exécutif, un mécanisme de procédures en vertu de la Loi. Le Comité d’appel est différent en tant qu’organisme administratif. Il a le pouvoir de procéder à une enquête et, comme le présent dossier de l’espèce le révèle, les premier et second Comités d’appel constitués en vertu de l’art. 21 ont procédé à une enquête. C’est à ce comité d’appel que l’appelant a eu recours pour contester le crédit accordé par le jury de sélection au rapport Surgenor et à l’explication fournie par le commissaire ainsi qu’à la mention qui y est faite du rapport du sous-comité. À l’audition d’un tel appel, le Comité d’appel a le loisir et même l’obligation de vérifier

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si les conclusions du sous-comité mentionnées dans son rapport sont en réalité exactes.

Le Comité d’appel a entendu l’appel interjeté par l’appelant et la réplique de son employeur (en l’instance le Conseil du Trésor du Canada) et dans l’exécution de cette fonction il devait déterminer l’exactitude du rapport. S’il arrive à la conclusion que le rapport est exact, alors le jury de sélection a compétence, dans l’exécution de ses fonctions, pour examiner la situation. Si, d’autre part, il conclut, après enquête, que le rapport n’est pas exact, alors le jury de sélection doit, dans l’exécution de ses fonctions, ne pas tenir compte du rapport dans son évaluation du mérite du candidat en application de l’art. 10.

Je n’arrive pas à cette conclusion en appliquant au jury de sélection le principe d’équité en matière de procédure ni en appliquant les principes de justice naturelle dans le cas du Comité d’appel. À mon avis ce résultat s’impose par ce que je considère être l’interprétation correcte de la Loi, notamment des art. 10 et 21. Cette conclusion est étayée par la relation qu’il y a entre le processus de sélection et le processus d’appel et par le droit et le pouvoir que possède le commissaire en vertu de l’art. 8 de la Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6. Je trouve utile la description des deux processus en cause que donne le juge Pratte dans ses motifs de l’arrêt Blagdon c. Commission de la Fonction publique, [1976] 1 C.F. 615 (aux pp. 622 et 623):

N’oublions pas non plus que «la nomination d’une part, et l’appel, d’autre part, ne sont que des étapes dans la mise en oeuvre du système (du «mérite»)» (MacDonald c. La Commission de la Fonction publique [1973] C.F. 1081, le juge en chef Jackett, à la page 1086); il ne faut pas confondre le rôle d’un jury de sélection ou d’appréciation et celui d’un comité d’appel. Un jury d’appréciation est l’intermédiaire par lequel la Commission de la Fonction publique s’acquitte de sa fonction de sélection des candidats selon le système du mérite. Son rôle se limite à l’évaluation des différents candidats et donc à une tâche purement administrative. Bien sûr, l’appréciation du mérite doit se faire avec justice et honnêteté; cependant, elle n’est pas assujettie aux règles imposées aux organismes judiciaires ou quasi judiciaires, comme par exemple la règle audi alteram partem. En résumé, en vertu de la seule règle générale qui régisse

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l’activité d’un jury de sélection, la sélection doit être fondée sur le mérite. Un comité d’appel, aux termes de l’article 21 de la Loi, remplit une fonction différente. Son devoir ne consiste pas à évaluer de nouveau les candidats mais à tenir une enquête afin de déterminer si la sélection a été effectuée conformément au principe du mérite; cette décision est «soumise à un processus judiciaire ou quasi judiciaire». Le simple fait que le comité d’appel, s’il avait siégé à titre de jury de sélection, serait parvenu à une conclusion différente de celle du jury de sélection ne constitue pas un motif suffisant pour accueillir l’appel. Il faut bien comprendre que l’appréciation du mérite de différentes personnes, fonction attribuée au jury de sélection, ne peut être réduite à une fonction mathématique; dans bien des cas, c’est une affaire d’opinion. Il n’y a aucune raison pour préférer l’opinion d’un comité d’appel à celle d’un jury de sélection.

En vertu de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique, l’appelant a le droit d’avoir son nom inscrit sur la liste d’admissibilité pour un poste d’agent correctionnel de la classe annoncée, s’il peut établir qu’il se qualifie «au mérite» pour une telle nomination. Si le jury de sélection décide en définitive que l’appelant mérite d’être inscrit sur la liste d’admissibilité, il se peut qu’à l’ouverture d’un poste de la classe en cause il soit nommé ou que sa nomination soit écartée parce que le commissaire exerce le droit qu’il possède en vertu de l’art. 8 de l’autre Loi. Ni le jury de sélection, ni le Comité d’appel ne peuvent à juste titre tenir compte de ces conséquences possibles. À mon avis, le commissaire n’a pas non plus à tenir compte de l’inscription du nom de l’appelant sur la liste d’admissibilité. Le commissaire s’acquittera du devoir qu’il a envers la société en vertu de l’art. 8 de la Loi sur les pénitenciers, si l’appelant devient admissible à une nomination d’agent correctionnel supérieur, en faisant ce qui, à son avis, convient le mieux dans les circonstances. Dans l’accomplissement de ce devoir, il doit sans doute rendre compte, selon les modalités ordinaires, à l’exécutif du gouvernement et au Parlement. D’autre part, l’appelant a le droit, limité cependant, à ce que sa candidature soit dûment étudiée en vertu de l’art. 10; il a aussi des droits accessoires d’appel en vertu de l’art. 21 et le droit à l’accomplissement par le commissaire de son rôle exécutif en application de l’art. 8 de l’autre Loi, si l’on parvient à ce stade du processus de nomination.

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Il est important de se rendre compte que, suivant le point de vue adopté, avec raison à mon avis, par le commissaire dans l’exécution du devoir important qui lui incombe à titre de chef des services pénitentiaires, l’exactitude ou les autres caractéristiques des commentaires du sous-comité parlementaire à propos de l’appelant n’importent pas en l’espèce. Il ne s’est préoccupé que de l’effet du rapport sur les détenus en institution et les conséquences de ces effets sur l’emploi de l’appelant dans un pénitencier. Rien dans les présents motifs ne doit être considéré comme un commentaire défavorable à l’égard de l’attitude adoptée par le commissaire. Toutefois dans l’exercice de sa charge, le commissaire devra évaluer l’opportunité de nommer l’appelant à un emploi dans un pénitencier en fonction des circonstances réelles qui prévaudront au moment d’étudier la nomination de l’appelant à un poste en vertu du processus prévu à la Loi. Il se peut que l’état engendré par le rapport du sous-comité soit transitoire et que la notoriété que le rapport a valu à l’appelant pour son travail comme agent correctionnel s’estompe avec le temps et les changements intervenus dans la composition des groupes de détenus. Il peut aussi être à propos de réévaluer l’importance donnée au fait que l’appelant soit nommé dans le rapport parlementaire pour estimer la réaction probable des détenus à sa présence dans une institution, si l’on en vient à conclure que l’appelant n’a pas été la cause de l’émeute de Millhaven. Tout ceci n’est pas du ressort de la Cour, mais relève de l’évaluation à faire par les fonctionnaires appropriés dans les rôles respectifs que la Loi leur a confiés.

Sur ce point, je souscris, avec égards, à l’avis exprimé par le juge Le Dain de la Cour d’appel fédérale dans le passage suivant:

L’espèce en cause ne laisse pas d’être troublante car la preuve administrée suggère fortement que le requérant a subi une injustice et qu’il a cherché en vain un forum où on y aurait remédié. Le commissaire et le jury de sélection ont été d’avis que compte tenu de la mentalité des détenus et de leur comportement, on ne saurait y remédier, du moins pour ce qui est des possibilités pour le requérant d’être mis en contact avec eux. On ne peut accepter cette conclusion qu’à regret mais c’est là le jugement de personnes ayant l’expérience du système carcéral. Ni le Comité d’appel ni la Cour ne sauraient substituer leur jugement à cet égard au leur.

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La Cour d’appel paraît aussi avoir été préoccupée, et avec égards, je partage en cela ses vues, de ce qu’il semble manifeste «que le requérant [l’appelant] a pu être accusé à tort, par le Rapport du sous-comité parlementaire …» Cette préoccupation est étayée par les commentaires du solliciteur général et ceux du président du comité dont j’ai déjà fait état. Il serait étranger et même opposé à notre système de droit que quelqu’un à qui on a causé un préjudice grave quant à ses possibilités d’emploi soit sans aucun recours, judiciaire ou autre. Évidemment, si un rapport semblable avait causé le même tort à un employé au service d’un employeur ordinaire, l’employé pourrait s’adresser aux tribunaux en raison du geste accompli par l’employeur sur la foi d’un rapport diffamatoire et faux, à condition que l’employé puisse démontrer au tribunal, comme l’appelant prétend pouvoir le faire ici, que le rapport était inexact et qu’en conséquence, il n’aurait pas fallu en tenir compte pour régler les rapports d’employeur à employé. Il appartient à d’autres de déterminer s’il existe d’autres recours ou cause d’action, puisque, quant à nous, nous ne sommes saisis que des conséquences de l’application de la Loi entre l’appelant et son employeur, et au surplus dans le seul cadre du concours tenu en vertu de la Loi.

Du point de vue de la procédure, il faut se rappeler constamment que la Cour agit dans toute cette affaire en appel d’une décision de la Cour d’appel fédérale rendue par suite d’un examen judiciaire en application de l’art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale. La Cour d’appel peut confirmer ou infirmer l’ordonnance rendue par le tribunal administratif. Elle ne peut pas, à l’occasion d’un examen judiciaire, simplement substituer son avis à celui du comité sur les questions de nature administrative ou autres qui lui étaient soumises. Cette Cour ne peut pas le faire non plus. L’article 28 dispose:

28. (1) Nonobstant l’article 18 ou les dispositions de toute autre loi, la Cour d’appel a compétence pour entendre et juger une demande d’examen et d’annulation d’une décision ou ordonnance, autre qu’une décision ou ordonnance de nature administrative qui n’est pas légalement soumise à un processus judiciaire ou quasi

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judiciaire, rendue par un office, une commission ou un autre tribunal fédéral ou à l’occasion de procédures devant un office, une commission ou un autre tribunal fédéral, au motif que l’office, la commission ou le tribunal

a) n’a pas observé un principe de justice naturelle ou a autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence;

b) a rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier; ou

c) a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

À mon avis, le Comité d’appel soumis à l’examen judiciaire a commis une erreur de droit en n’interprétant pas l’art. 10 de façon à exiger que le jury de sélection limite son étude du mérite du candidat aux qualités intrinsèques énoncées dans la demande d’emploi faite par l’appelant et qu’il exclue de ce procédé la décision du commissaire mentionnée dans la note de service de Surgenor et commentée dans la lettre du commissaire. Statuant en appel, en application de l’art. 21, relativement à une mesure prise en vertu de l’art. 10, le Comité n’aurait pas dû tenir compte du rapport du sous-comité parlementaire pour évaluer le mérite de l’appelant en prévision de l’inscription de son nom sur la liste d’admissibilité. Le Comité ne pouvait se prononcer qu’après avoir procédé à une enquête sur l’exactitude des conclusions du sous-comité qui visaient l’appelant. En conséquence, à mon avis, la Cour doit accueillir l’appel, annuler l’ordonnance de la Cour d’appel fédérale et renvoyer l’affaire au Comité d’appel pour que celui-ci termine son enquête en application de l’art. 21 et ensuite, selon sa décision quant à cette enquête, dispose de la requête de l’appelant pour faire porter son nom, comme candidat, sur la liste d’admissibilité de la façon prévue à l’art. 21. En conséquence, pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens en fonction de ce qui précède.

Version française des motifs des juges Dickson et Beetz rendus par

LE JUGE DICKSON (dissident) — Il s’agit de déterminer si, en exigeant que les nominations à la

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Fonction publique se fassent en fonction du «mérite», la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32, empêche un jury de sélection d’écarter un candidat parce que sa notoriété le rend inapte à remplir le poste en cause. Il y a aussi une question subsidiaire, celle de savoir si un comité d’appel désigné en vertu de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique a la compétence de vérifier l’exactitude des conclusions d’un sous-comité parlementaire selon lesquelles une personne précise a fait des remarques insultantes qui ont causé une émeute dans une prison.

I Les faits

L’appelant, Bernard W. Evans, est agent correctionnel, classe 2, depuis 1967. En 1976, il travaillait au pénitencier de Millhaven lorsqu’une émeute s’y est produite. Un sous-comité parlementaire qui a enquêté sur l’incident a désigné Evans comme la cause de l’émeute. Le rapport du sous-comité, produit en juin 1977, dit ceci:

[TRADUCTION] 164. L’émeute à l’établissement de Millhaven s’est déroulée comme bien d’autres sous plusieurs aspects. Elle a commencé le soir du mardi 5 octobre et a occasionné des dommages à 161 cellules chiffrés à au moins 200 000 $.

165. …elle a été provoquée vers 20 h 30 par les remarques insultantes d’un CX-2, Bernard Evans, au mégaphone de la sortie au moment de rappeler les détenus de la cour des promenades. Il a crié: «Allons les filles, prenez vos jupes et mettez-les. Pas de coups de couteau ce soir, la banque de sang est presque à sec,» faisant allusion à un incident à coups de couteau survenu dans la cour, la veille au soir, probablement à cause d’une chicane d’homosexuels. Il aurait répété plusieurs fois l’expression «les filles».

166. Ces remarques insultantes semblent avoir eu pour but d’attiser la haine et l’esprit de vengeance chez les détenus. Les détenus ont été exaspérés par ces remarques et ont commencé à s’agiter. Au moment de se mettre en rang, ils ont refusé de rentrer dans leurs cellules et ont demandé à voir un agent supérieur. Après une longue discussion, tous les détenus, à l’exception de sept membres du comité des détenus, ont regagné leurs cellules et ont été mis sous garde.

Le commentaire suivant paraît sous le titre: «Millhaven aujourd’hui»:

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[TRADUCTION] 177. L’établissement de Millhaven a ouvert prématurément en mai 1971, dans une atmosphère de brutalité provenant de la violence de l’émeute de Kingston au cours de laquelle un groupe de détenus a tué deux autres détenus et en a battu seize autres gravement. Plusieurs des quelque 400 détenus transférés à Millhaven sur une période de 3 ou 4 jours (plutôt que sur une période de six mois) ont dû, pour entrer dans l’établissement, passer par une double rangée de gardiens qui les ont battus avec des bâtons. Après une inauguration de ce genre, l’établissement a connu dix-neuf incidents graves en six ans d’existence.

Conformément au par. 8(2) de la Loi sur les pénitenciers, S.R.C. 1970, chap. P-6, le commissaire des pénitenciers a interdit à Evans de travailler dans un pénitencier et d’être en contact avec des détenus. On a confié à M. Evans un autre travail moins important.

En 1979, le Ministère a publié un avis de concours pour remplir les postes qui étaient déjà vacants ou le deviendraient par la suite, aux niveaux d’agent correctionnel 3 et 4. Le poste affiché constituait une promotion pour M. Evans qui s’y est présenté.

En vertu de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique, la Commission de la Fonction publique a compétence exclusive pour nommer des personnes à des postes de la fonction publique (art. 8). Elle doit faire les nominations en fonction du «mérite» et «à la suite d’un concours, ou selon telle autre méthode de sélection du personnel établie afin de déterminer le mérite des candidats que la Commission estime la mieux adaptée aux intérêts de la Fonction publique» (art. 10). La Commission est tenue de donner un avis raisonnable du concours projeté (art. 14) et peut tenir les examens, épreuves, entrevues et enquêtes qu’elle estime désirables (art. 16). Dans la pratique, la Commission confie le processus d’évaluation des candidats à un jury de sélection, la délégation de ce pouvoir étant prévue à l’art. 6. Le jury détermine les candidats aptes au poste et inscrit leur nom, par ordre de mérite, sur une «liste d’admissibilité», à partir de laquelle les nominations sont faites aux postes vacants ou qui le deviennent (art. 17). Les candidats ont un droit d’appel à l’encontre des décisions du jury, notamment à l’encontre de l’ordre d’inscription sur la liste (art. 21).

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Un jury de sélection a été constitué pour évaluer les demandes d’emplois aux postes d’agent de correction pour lesquels M. Evans avait fait une demande. Le jury a procédé à des examens écrits et à des entrevues; il a aussi tenu compte des renseignements fournis dans les demandes d’emploi et dans les rapports d’évaluation du rendement fournis par les surveillants des candidats. Le jury a évalué chacun des candidats selon trois facteurs: connaissances, aptitudes et possibilités de rendement. Pour être inscrit sur la liste d’admissibilité, un candidat devait obtenir au moins 60 p. 100 des points dans chaque catégorie.

À la suite de son évaluation, le jury a inscrit trente-trois candidats sur la liste d’admissibilité par ordre de mérite. M. Evans a réussi les catégories connaissances et aptitudes mais a échoué aux possibilités de rendement. Le jury avait attribué un maximum de 70 points à ce critère, soit 50 points pour l’entrevue et 20 points pour le rapport d’évaluation du rendement fourni par les surveillants. M. Evans s’est vu attribuer 36 points sur 50 pour l’entrevue mais n’a reçu aucun point pour l’appréciation du rendement. Puisque la note de passage était de 42 sur 70, il a échoué et son nom n’a pas été inscrit sur la liste d’admissibilité.

Le jury n’a pas attribué de points au titre de l’évaluation du rendement parce que M. Surgenor, le surveillant de M. Evans, avait écrit en ces termes au jury:

[TRADUCTION] EXAMEN ET ÉVALUATION DU RENDEMENT M.B. EVANS

1. Il s’agit du rapport d’examen et d’évaluation du rendement ci-joint qu’on a demandé à propos de M. Evans. Les circonstances qui ont amené M. Evans à travailler dans la Division sont bien connues et n’exigent pas d’autre explication. II est cependant certain que M. Evans ne remplit pas et n’a jamais rempli, depuis qu’il est avec nous, les fonctions d’un agent correctionnel. En conséquence, personne dans la Division, quelles que soient ses qualifications pour le faire n’est en mesure de l’évaluer en tant que CX2.

2. M. Evans occupe un poste inférieur à son niveau à l’Administration centrale régionale. Il est frappé d’une restriction imposée par le commissaire aux services correctionnels selon laquelle il ne doit pas être affecté à un établissement pénitentiaire ni mis en contact avec des détenus. Puisqu’une bonne proportion de l’emploi

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d’agent de sécurité régional a trait directement aux établissements pénitentiaires et exige de fréquentes visites à ceux-ci, il est évident que les possibilités d’emploi pour M. Evans sont très limitées. En conséquence on lui a confié des tâches de routine et bien souvent subalternes…

3. C’est de mauvaise grâce que M. Evans fait partie du personnel de sécurité à l’Administration centrale régionale. Il se considère d’abord et avant tout comme un agent correctionnel. Il est fermement convaincu que tous les échelons de la hiérarchie lui ont fait du tort et que la direction supérieure le brime en l’empêchant de poursuivre sa carrière d’agent correctionnel dans son seul cadre normal, c’est-à-dire un établissement pénitenciaire. Il est convaincu que s’il accepte de bon gré toute autre forme de travail que celui d’agent correctionnel proprement dit, il renonce à la cause de sa réinstallation et admet la défaite.

5. J’ai parlé avec M. Evans de sa situation à plusieurs reprises lors d’entrevues avec le Directeur général de la Sécurité, le Directeur régional général et au moins à une occasion avec le Directeur des services correctionnels. Toutes ces discussions ont été raisonnablement sereines, mais n’ont pas donné de résultat. J’évalue M. Evans comme étant de belle prestance, intelligent et, j’en suis sûr, fort capable. Je ne doute pas qu’il soit apte à donner un rendement de haut niveau lorsque affecté à un poste qui l’intéresse suffisamment pour qu’il s’y applique. J’éprouve une grande sympathie pour M. Evans à cause de la situation dans laquelle il se trouve mais je dois reconnaître que j’en ai fort peu pour son attitude à ce sujet. M. Evans possède le potentiel nécessaire, cela j’en suis certain. Je dois dire à regret que dans les circonstances actuelles, ce potentiel n’est pas et ne sera pas réalisé.

M. Evans a eu gain de cause dans son appel à l’encontre de la décision du jury de le faire échouer pour le facteur «Possibilités de rendement». Le Comité d’appel dit ceci:

[TRADUCTION] Je ne me prononcerai pas sur la question de savoir si la lettre de M. Surgenor constitue ou non une évaluation valide pour les fins de ce concours puisque le jury de notation a choisi d’en ignorer la plus grande partie et a fondé sa décision de faire échouer l’appelant au niveau des «Possibilités de rendement» sur une phrase unique de celle-ci. Je note que le représentant de l’appelant Evans n’a administré aucune preuve qui réfute l’argument du Ministère voulant que le Ministre ait interdit de mettre M. Evans en contact avec des détenus et donc, par la prépondérance de preuve, je suis prêt à accepter qu’il en est ainsi. Que le Ministre ait eu

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ou non le pouvoir de prescrire cette restriction, et je considère qu’il n’est pas nécessaire de statuer à ce sujet, il n’est pas raisonnable à mon avis de conclure qu’un candidat n’a pas de «Possibilités de rendement» simplement parce que le Ministre a déclaré qu’il ne peut être mis en contact avec des détenus. La responsabilité d’évaluer les candidats lors d’un concours appartient au jury de notation, non au Ministre. Le jury de notation doit faire une évaluation indépendante des compétences des candidats et procéder aux nominations aux postes ouverts en fonction du mérite. Ce qui ne restreint en rien tout pouvoir que pourrait avoir le Ministre en vertu de l’article 8(2) de la Loi sur les pénitenciers du Canada de suspendre les fonctionnaires nommés par voie de concours.

Si le jury de notation avait cherché à connaître les raisons de la restriction imposée aux affectations de l’appelant Evans et avait découvert la preuve, valide, que M. Evans n’avait pas les aptitudes personnelles pour être mis en contact avec des détenus, je ne sanctionnerais pas le jury pour avoir conclu que l’appelant Evans n’avait pas de «Possibilités de rendement». Toutefois, d’après les déclarations ministérielles lors de l’audition de l’appel, le jury de notation n’a fait aucune tentative pour établir pourquoi une telle limitation à la mobilité de M. Evans avait été imposée. Il est possible que le Ministre l’ait fait pour des raisons n’ayant aucun rapport avec les «Possibilités de rendement» de l’appelant Evans; par exemple, il peut avoir jugé que M. Evans n’avait pas les «connaissances» lui permettant d’être mis au contact avec des détenus. À mon avis, c’est à tort que le jury de notation a évalué le facteur «Possibilités de rendement» de M. Evans de cette manière.

Les mentions du «ministre» sont une erreur, il faut lire: «le commissaire aux services correctionnels».

L’affaire a été renvoyée au jury de sélection (ou jury de cotation) pour réexamen. Pour corriger son erreur antérieure, le jury a tenu compte de la note de service suivante que le commissaire aux services correctionnels a fait parvenir à M. A.M. Trono, Directeur général régional (Ontario) des services correctionnels:

Bernard Evans

Je désire confirmer la directive que je vous ai donnée au sujet des affectations du fonctionnaire ci-dessus et les nombreuses conversations que nous avons eues à ce sujet.

Comme vous le savez, M. Evans fut accusé par un sous-comité parlementaire sur le régime d’institutions

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pénitentiaires au Canada d’avoir causé une émeute à Millhaven le 5 octobre 1976 par suite des «remarques insultantes» proférées par mégaphone à l’endroit des détenus alors dans la cour des promenades. Le fait que l’accusation soit l’oeuvre d’un groupe de parlementaires a dû inévitablement avoir fortement impressionné les détenus. Dans leur esprit, je suis certain que le sous-comité a confirmé leurs allégations, dénuées auparavant de fondement, quant à la façon dont Evans les traitait. Je dois en déduire qu’il existe une forte possibilité que naissent des troubles chez les détenus, avec danger pour Evans d’être blessé, ou pour quelque autre membre du personnel, ou pour les détenus eux-mêmes, s’il devait continuer à exercer les fonctions d’agent correctionnel dans un pénitencier. En outre, je tiens pour certain que les détenus blâmeront Evans pour tout incident qui pourrait se produire qu’il y soit ou non impliqué. Ce qui non seulement aggrave les risques de blessures pour Evans personnellement mais aussi rendra plus difficile de découvrir la source réelle de ces incidents éventuels. En conséquence j’estime que continuer d’affecter M. Evans à des fonctions carcérales causerait un risque inacceptable compte tenu des meilleurs intérêts du Service, des fonctionnaires et de la population carcérale elle-même.

Je sais bien qu’Evans n’a pas eu la possibilité de répondre formellement aux accusations du sous-comité. Il croit que s’il a cette possibilité, il pourra, comme il dit, «s’exonérer». Toutefois je suis d’avis que nous ne sommes pas confrontés à une situation que l’on peut changer par des preuves, la persuasion ou une argumentation rationnelle. La couverture que la presse a faite de l’incident et l’accusation du sous-comité au sujet du rôle qu’il y a joué ont placé Evans en évidence; toute réponse qu’il pourrait faire n’aurait vraisemblablement aucun impact significatif sur l’attitude ou les réactions éventuelles des détenus à son affectation à un établissement carcéral. Je vous ai donc ordonné de ne pas l’affecter à des fonctions qui l’obligent à travailler en établissement y inclus au périmètre de sécurité.

Je comprends la situation dans laquelle la directive place M. Evans, qui a été nommé agent correctionnel et qui désire poursuivre une carrière en ce sens. Malheureusement, ses intérêts ne sont pas les seuls à prendre en compte. Je vous ai demandé de faire tous les efforts possibles pour lui fournir un autre emploi et l’y former, et je lui ai personnellement conseillé de le faire. S’il accepte de coopérer en ce sens, je suis sûr qu’il y parviendra.

(C’est moi qui souligne.)

[Page 607]

À cause de la lettre du commissaire, le jury a confirmé sa décision antérieure de n’accorder aucun point sur vingt pour la catégorie «Possibilités de rendement». Son nom n’a pas été inscrit sur la liste d’admissibilité. Il a de nouveau interjeté appel, mais cette fois sans succès. Dans le second appel, M. Evans a affirmé que le sous-comité parlementaire l’avait accusé à tort, qu’il n’avait pas proféré les remarques insultantes qu’on lui avait attribuées, qu’il pouvait produire des témoins, notamment son supérieur à Millhaven, pour déposer en ce sens, qu’il avait lu la transcription des témoignages entendus par le sous-comité et qu’aucun des prisonniers qui avait témoigné devant le sous-comité ne l’avait identifié comme l’auteur des remarques malencontreuses. Il a aussi produit en preuve une lettre de l’Honorable Allan Lawrence, C.P., ancien solliciteur général du Canada, adressée à la rubrique «Star Probe» dans le journal Toronto Star. La lettre est ainsi conçue:

[TRADUCTION] Je puis vous donner l’assurance que si le Service correctionnel du Canada ou moi-même, en tant que nouveau Solliciteur général, disposaient de preuves qui indiquent que M. Evans était responsable de l’émeute de Millhaven en 1975 (sic), ce dernier ne serait plus membre du Service.

La lettre se poursuit:

[TRADUCTION] M. Evans affirme que son retrait du pénitencier de Millhaven découle d’une recommandation du sous-comité. Au contraire, même si je n’étais pas solliciteur général à ce moment-là, mes fonctionnaires m’ont affirmé que la mutation de M. Evans hors de l’établissement de Millhaven y est totalement étrangère.

M. Evans a aussi produit une lettre de l’Honorable Mark McGuigan, C.P., président du sous‑comité parlementaire qui dit notamment:

[TRADUCTION] Que nous ayons eu tort ou raison dans notre description des événements lors des troubles de Millhaven, il n’existe aucune procédure parlementaire qui permette de rectifier le Rapport. Vous disposez cependant d’autres recours.

Les membres du jury de sélection avaient l’expérience du milieu carcéral et connaissaient le monde à part des détenus. M. Pyke, le président du jury de sélection, qui est aussi agent supérieur de sécurité, a répondu ce qui suit à la question de M. Arthur H. Rosenbaum, qui avait été désigné pour entendre le second appel de M. Evans:

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[TRADUCTION] À cause du monde à part des détenus, de leur réaction à la présence d’une personne ayant la notoriété de M. Evans, le jury a conclu qu’indépendamment de toute autre considération, M. Evans ne pouvait travailler dans un milieu carcéral et qu’en conséquence il échouait pour ce qui est du facteur possibilités de rendement.

Plus loin dans la transcription M. Pyke fournit la réponse suivante:

[TRADUCTION] M. Rosenbaum: Quelles que soient les preuves, d’après ce que vous dites, quelles que soient les preuves que l’appelant ait pu administrer pour démontrer qu’il n’était aucunement impliqué dans l’émeute, cela n’aurait eu aucune conséquence sur la décision du jury de sélection?

M. Pyke: En effet. Si M. Evans pouvait se présenter demain devant un tribunal quelconque et être reconnu 100 % innocent et recevoir toutes les excuses du monde, cela ne saperait nullement le fondement de la décision.

Il a été désigné comme responsable, à tort ou à raison, et le fait qu’il puisse être reconnu innocent demain ne changera jamais l’opinion des détenus. Ils ne changeront tout simplement pas d’opinion.

C’est par suite des délibérations du jury, fondées sur notre expérience de travail en milieu carcéral et, encore une fois, je dois citer… M. Done… au sujet de l’expérience personnelle. J’ai travaillé avec M. Evans. Nous avons travaillé en milieu carcéral ensemble. Je sais ce qui arriverait si M. Evans devait pénétrer dans un établissement pénitentiaire.

La dernière partie de l’interrogatoire de M. Pyke que je citerai est la suivante:

[TRADUCTION] M. Rosenbaum: Bon, en réalité le jury de sélection a pris la décision qu’il a prise non pas parce que M. Evans était responsable de l’émeute, mais parce que, quelle que soit sa responsabilité, elle aurait malheureusement des effets.

M. Pyke: C’est exact. L’attention avait été attirée sur lui qu’il soit responsable ou non.

Il est incontestable que l’attention a été attirée sur lui. M. Done, chef de la Division des griefs et arbitrage de l’Alliance de la Fonction publique du Canada, qui représentait M. Evans, a demandé à M. Pyke:

[TRADUCTION] Je vous le demande aussi carrément que possible. Tout le monde à Kingston savait pourquoi il avait été muté. Les journaux en ont parlé. Le rapport du sous-comité parlementaire a été cité. La radio en a

[Page 609]

parlé. La télévision en a parlé. C’était le sujet de toutes les conversations dans tout le service pénitentiaire. N’est-ce pas exact?

M. Pyke a répondu: [TRADUCTION] «Oui, c’est exact…»

Le second Comité d’appel a rejeté l’appel de M. Evans.

Il n’y a pas de doute que le nom de M. Evans n’a pas été inscrit sur la liste d’admissibilité uniquement à cause de la notoriété qu’il avait acquise à la suite des conclusions du sous‑comité parlementaire. Le second Comité d’appel rapporte le point de vue du ministère de la façon suivante:

[TRADUCTION] Le ministère était d’accord avec la teneur de la lettre de M. Lawrence, l’ancien solliciteur général, datée du 17 octobre 1979. En d’autres termes, l’appelant a peut-être été ou n’a peut-être pas été responsable de l’émeute à Millhaven en 1976. Cependant, le jury de sélection n’a pas conclu que l’appelant n’avait pas les qualités personnelles parce que le sous-comité parlementaire sur le régime d’institutions pénitentiaires du Canada l’avait jugé responsable de l’émeute. Le jury a plutôt conclu que l’appelant ne possédait pas les qualités personnelles nécessaires à un emploi dans un pénitencier en tant qu’agent correctionnel à cause de la publicité, justifiée ou non, découlant de la responsabilité de l’émeute et des conséquences qui s’ensuivraient s’il était nommé à ce poste.

La décision du Comité d’appel se termine comme ceci:

[TRADUCTION] Les commentaires du commissaire aux services correctionnels dans sa note de service du 4 février 1980 peuvent fort bien répondre à la définition d’«opinion». Cependant j’estime raisonnable que le jury de sélection ait considéré cette «opinion» comme une preuve valable sur laquelle il pouvait fonder son évaluation de l’appelant à l’égard du facteur «Possibilités de rendement» à cause du rang occupé par la personne qui a exprimé cette opinion et de la nature de ses commentaires. De plus je dois ajouter qu’aucun élément de preuve n’indique que l’opinion n’a pas été formée de bonne foi. En conséquence je ne puis conclure, en fonction des renseignements dont le jury de sélection a tenu compte, que l’appelant a été mal évalué à l’égard du facteur «Possibilités de rendement».

La bonne foi du commissaire aux services correctionnels, M. Yeomans, n’a jamais été mise en

[Page 610]

cause. Au contraire, M. Done, qui représentait M. Evans a dit:

[TRADUCTION] J’aimerais dire, pour le consigner au dossier, que M. Yeomans, pour lequel, en passant, nous avons moi et l’Alliance beaucoup d’estime…

M. Evans a cherché sans succès à faire infirmer la décision du Comité d’appel en invoquant de l’art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale. La Cour d’appel fédérale, dont le juge Le Dain a rendu les motifs, conclut ainsi:

En conséquence, je reconnais avec le Comité d’appel que le jury de sélection n’a pas manqué au principe du mérite lorsque, dans les circonstances fort spéciales de l’espèce, il a fondé son évaluation globale des «Possibilités de rendement» du requérant sur le jugement du commissaire, qu’il partageait, quant à l’effet probable de la perception publique de la responsabilité du requérant dans les troubles de Millhaven en 1976. C’était une évaluation sur des critères différents de ceux appliqués dans le cas des autres candidats parce qu’elle était particulière au cas du requérant. Le jury de sélection ne pouvait ignorer cette particularité. L’avoir fait aurait constitué une entorse au principe du mérite; cela aurait été conclure sur quelque autre fondement, sans lien avec l’ensemble des faits pertinents, qu’il y avait des possibilités de rendement alors qu’il y avait des raisons de croire qu’il n’y en avait point.

M. Evans se pourvoit maintenant à rencontre de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale. Il soutient que la Cour d’appel fédérale a commis une erreur de droit sous trois chefs en rejetant sa demande fondée sur l’art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale et en confirmant la décision du Comité d’appel de la Fonction publique.

II Le premier moyen d’appel

On a soutenu que la Cour a commis une erreur en décidant que le jury de sélection n’était pas assujetti au principe d’équité dans la procédure énoncé par cette Cour dans l’arrêt Nicholson c. Haldimand-Norfolk Regional Board of Commissioners of Police, [1979] 1 R.C.S. 311. Selon moi, l’arrêt de la Cour d’appel fédérale ne comporte pas cette conclusion. La Cour a signalé que la prétention essentielle du requérant voulait que le jury de sélection n’ait pas donné au requérant la possibilité de se faire entendre à propos de la note de service du commissaire. L’avocat du requérant a admis en Cour d’appel fédérale que le jury de sélection ne

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remplissait pas un rôle judiciaire ou quasi judiciaire qui le soumettait aux règles de justice naturelle, mais il a invoqué le principe d’équité énoncé dans l’arrêt Nicholson. En réponse à cet argument, le juge Le Dain dit ceci:

À mon avis, un jury de sélection n’est pas obligé d’entendre les candidats d’un concours dans la mesure où cela impliquerait un droit d’administrer des preuves et de débattre de questions litigieuses de fait ou de droit. Il est comme tout organisme enquêteur. Sa tâche est d’établir une procédure d’examen ou d’évaluation, d’y procéder et de décider des résultats. Il n’est pas obligé, par exemple, d’offrir aux candidats la possibilité de se faire entendre sur les mérites d’un rapport d’évaluation. Des procédures administratives internes peuvent bien prévoir la révision des rapports d’évaluation mais ce n’est pas la fonction d’un jury de sélection; il doit prendre le rapport comme il le trouve. La note de service du commissaire relative aux affectations du requérant relevait à mon avis de la même catégorie.

Avec égard, je suis du même avis.

Dans l’arrêt Blagdon c. Commission de la Fonction publique, [1976] 1 C.F. 615 aux p. 622 et 623, le juge Pratte énonce, de façon correcte à mon avis, les fonctions d’un jury de sélection ou, comme on l’appelle parfois, jury d’appréciation ou de cotation, lorsqu’il choisit des candidats selon le mérite en vue de leur nomination à la Fonction publique:

Un jury d’appréciation est l’intermédiaire par lequel la Commission de la Fonction publique s’acquitte de sa fonction de sélection des candidats selon le système du mérite. Son rôle se limite à l’évaluation des différents candidats et donc à une tâche purement administrative. Bien sûr, l’appréciation du mérite doit se faire avec justice et honnêteté; cependant, elle n’est pas assujettie aux règles imposées aux organismes judiciaires ou quasi judiciaires, comme par exemple la règle audi alteram partem. En résumé, en vertu de la seule règle générale qui régisse l’activité d’un jury de sélection, la sélection doit être fondée sur le mérite.

Le jury de sélection doit remplir son rôle administratif avec justice et impartialité. Il peut convoquer certains candidats ou tous les candidats à une entrevue, mais il ne tient pas un procès et il n’est pas obligé d’offrir à chacun des candidats la possibilité de réfuter les éléments de preuve qui pourraient être défavorables à sa demande. Toute autre considération mise à part, le nombre de candidats

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et les contraintes de temps rendraient cette pratique irréalisable. Le concours en cause dans les présentes procédures a donné lieu à pas moins de 174 candidatures. La discrétion que peut exercer le jury de sélection, au nom de la Commission, est très étendue. Le paragraphe 16(1) de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique se lit ainsi:

16. (1) La Commission doit examiner et étudier toutes les demandes reçues dans le délai qu’elle a fixé pour leur réception. Après avoir considéré les autres documents et tenu les examens, épreuves, entrevues et enquêtes qu’elle estime nécessaires ou désirables, elle doit choisir les candidats ayant les qualités requises pour remplir le poste ou les postes relativement auxquels le concours est tenu.

Le processus d’appel et le rôle du comité d’appel sont distincts et complètement différents en droit du processus de sélection et du rôle du jury de sélection. L’article 21 de la Loi a trait aux appels et se lit ainsi:

21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est nommée ou est sur le point de l’être et qu’elle est choisie à cette fin au sein de la Fonction publique

a) à la suite d’un concours restreint, chaque candidat non reçu, ou

b) sans concours, chaque personne dont les chances d’avancement, de l’avis de la Commission, sont ainsi amoindries,

peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la nomination à un comité établi par la Commission pour faire une enquête au cours de laquelle il est donné à l’appelant et au sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l’occasion de se faire entendre. La Commission doit, après avoir été informée de la décision du comité par suite de l’enquête,

c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révoquer, ou

d) si la nomination n’a pas été faite, la faire ou ne pas la faire,

selon ce que requiert la décision du comité.

À l’étape de l’appel, le candidat refusé a expressément la possibilité d’être entendu. Le comité d’appel remplit une fonction quasi judiciaire. La règle audi alteram partem s’applique, le principe du mérite continue d’imprégner les procédures.

En l’espèce, M. Evans a eu la possibilité d’être entendu par le Comité d’appel. Il y a témoigné

[Page 613]

longuement. En Cour d’appel fédérale, la question était de savoir si, suivant le texte de l’art. 28 de la Loi sur la Cour fédérale, le comité d’appel

a) n’avait pas observé un principe de justice naturelle ou avait autrement excédé ou refusé d’exercer sa compétence,

b) avait rendu une décision ou une ordonnance entachée d’une erreur de droit, que l’erreur ressorte ou non à la lecture du dossier ou

c) avait fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon absurde ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance.

II faut souligner que la requête présentée par M. Evans vise au rejet de la décision ou de l’ordonnance du Comité d’appel et non au rejet de la décision du jury de sélection. Il m’est difficile d’affirmer que le Comité d’appel a manqué aux principes de justice naturelle ou qu’il a commis une erreur de droit en rendant sa décision ou son ordonnance. Il m’est encore plus difficile d’affirmer que la Cour d’appel fédérale a commis une erreur en décidant que le Comité d’appel n’en avait commise aucune à l’un ou l’autre égard. Je suis d’avis de rejeter le premier moyen d’appel.

III Le deuxième moyen d’appel

Le deuxième moyen d’appel invoqué par M. Evans soutient que la Cour d’appel fédérale a approuvé la façon dont l’appelant a été évalué à cause de la décision antérieure du Comité d’appel, malgré, selon les prétentions de l’appelant, la preuve claire selon laquelle le jury de sélection nouvellement formé n’a fait aucun effort pour réévaluer véritablement l’appelant comme il aurait dû le faire, mais qu’il s’est réuni, sans prévenir l’appelant, et a confirmé sa décision originale pour à peu près les mêmes motifs. Ce moyen d’appel a deux volets. Le grief est que le jury de sélection nouvellement constitué

a) n’a pas fait d’effort pour faire une réévaluation véritable de M. Evans et

b) le jury a confirmé sa décision originale sans prévenir M. Evans.

[Page 614]

J’ai déjà indiqué qu’à mon avis M. Evans n’avait pas droit à un avis à l’étape du jury de sélection. Ceci règle le volet b) du moyen d’appel.

Je ne vois pas précisément ce que le jury de sélection aurait dû faire, selon l’appelant, pour procéder à une «réévaluation véritable». Le jury avait été jugé fautif de ne pas avoir, la première fois, recherché les raisons de la restriction imposée à l’emploi de M. Evans. Au cours de sa réunion subséquente, on lui a fourni les motifs dans la note de service détaillée de M. Yeomans, commissaire aux services correctionnels. Le jury a estimé ces raisons fondées et a conclu que les «Possibilités de rendement» de M. Evans à l’égard du travail dans un établissement carcéral avec des détenus étaient irrémédiablement compromises. Que pouvaient faire de plus les membres du jury? Même si, comme le souligne le juge Le Dain, une enquête du jury de sélection quant à la véracité de l’énoncé du sous-comité parlementaire «aurait aidé à satisfaire le désir compréhensible [de M. Evans] d’obtenir justice», ce n’était ni une attribution ni une fonction du jury de sélection de procéder à une telle enquête. Le juge Le Dain fait remarquer ceci:

Il ne s’agissait pas d’un tribunal compétent pour procéder à une semblable enquête. Ce qui était en cause, comme l’indique l’opinion du commissaire, opinion à laquelle les membres du jury de sélection ont souscrit en s’appuyant sur leur propre expérience du système carcéral, c’était l’effet probable de l’accusation, avec la publicité qui lui fut donnée, sur l’attitude des détenus, indépendamment de toute tentative postérieure de rétablir les faits ou d’en présenter une vue différente.

Je suis d’accord avec le juge Le Dain et je ne crois pas que le deuxième moyen d’appel soit fondé.

IV Le troisième moyen d’appel — le principe du mérite

Le troisième moyen, qui est plus fondamental, tient à ce que la Cour d’appel fédérale a reconnu que l’affaire est «troublante» parce que «la preuve administrée suggère fortement que le requérant a subi une injustice et qu’il a cherché en vain un forum où on y aurait remédié». Je suis d’accord. On a soutenu pour le compte de M. Evans que la décision du Comité d’appel et l’arrêt de la Cour

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d’appel fédérale s’écartent du principe du mérite.

L’article 10 de la Loi consacre le principe du mérite. Cet article se lit ainsi:

10. Les nominations à des postes de la Fonction publique, faites parmi des personnes qui en sont déjà membres ou des personnes qui n’en font pas partie, doivent être faites selon une sélection établie au mérite, ainsi que le détermine la Commission. La Commission les fait à la demande du sous-chef en cause, à la suite d’un concours, ou selon telle autre méthode de sélection du personnel établie afin de déterminer le mérite des candidats que la Commission estime la mieux adaptée aux intérêts de la Fonction publique.

Il faut rapprocher l’art. 10 de l’art. 12:

12. (1) La Commission peut, en déterminant conformément à l’article 10 le principe de l’évaluation du mérite, en ce qui concerne tout poste ou classe de postes, prescrire des normes de sélection visant l’instruction, les connaissances, l’expérience, la langue, la résidence ou toute autre question que la Commission juge nécessaire ou souhaitable, compte tenu de la nature des fonctions à accomplir. Cependant, ces normes de sélection ne doivent pas être incompatibles avec les normes de classification établies en vertu de la Loi sur l’administration financière pour ce poste ou tout poste de cette classe.

(2) En prescrivant ou en appliquant des normes de sélection aux termes du paragraphe (1), la Commission ne doit prendre contre qui que ce soit aucune mesure discriminatoire fondée sur le sexe, la race, l’origine nationale, la couleur, la religion, l’âge ou la situation de famille.

L’article 12 autorise la Commission à établir des normes de sélection visant toute question «que la Commission juge nécessaire ou souhaitable compte tenu de la nature des fonctions à accomplir». La portée de la compétence de la Commission est cependant limitée par le renvoi exprès à l’art. 10. Les normes de sélection doivent viser à déterminer le cadre dans lequel sera évalué le mérite des candidats à un poste particulier.

L’avis de concours annonçant le poste auquel M. Evans a posé sa candidature comportait un «énoncé des qualités» subdivisé en «exigences fondamentales» et «qualités essentielles». Sous cette rubrique on trouve «Possibilités de rendement», dont les détails sont les suivants:

[Page 616]

[TRADUCTION] Possibilités de rendement

Vue d’ensemble de l’aptitude générale —

Parmi les traits requis, on peut citer les suivants:

Aptitude à établir et à maintenir de bonnes relations de travail.

Stabilité, fiabilité, assurance et maturité.

Bon jugement, initiative, discrétion et persuasion.

Attitude manifestement positive vis-à-vis le programme de formation et de réhabilitation des détenus.

Aptitude à s’adapter à un nouveau milieu.

Le jury de sélection n’a pas inscrit le nom de M. Evans sur la liste d’admissibilité parce qu’il a accepté l’avis du commissaire des pénitenciers d’après qui permettre à M. Evans de travailler dans un milieu carcéral serait néfaste et même dangereux pour le personnel, pour les détenus et pour M. Evans lui-même.

Personne dans les présentes procédures n’a contesté la grande notoriété de M. Evans dans les services pénitentiaires. Son représentant en a fait état devant le Comité d’appel. Personne ne paraît avoir mis en doute l’appréciation du commissaire selon laquelle cette notoriété rend la présence de M. Evans en milieu carcéral inefficace et même dangereuse. La question qui se pose est celle de savoir si la condition que les nominations dans la Fonction publique soient faites au mérite signifie qu’il faille ne pas tenir compte de la notoriété d’un candidat, du moins si l’image publique du candidat peut ne pas correspondre à la réalité, parce que sa notoriété n’a rien à voir avec la valeur ou les autres qualités du candidat. La Commission de la Fonction publique a-t-elle le droit d’exiger, en application du rôle que lui confie la Loi d’établir des normes de sélection, que les candidats démontrent certaines «possibilités de rendement» et, si la notoriété gâche le rendement, rejeter la candidature?

L’Oxford English Dictionary et le Webster’s Third New International Dictionary définissent le mot anglais merit dans le sens précis dans lequel il est employé aux fins des nominations dans la Fonction publique. L’Oxford English Dictionary dit:

merit system: [TRADUCTION] système qui consiste à accorder les promotions dans la Fonction publique selon la valeur des candidats (aux États-Unis, s’oppose à «système de nomination partisane»);

[Page 617]

Webster’s donne une définition semblable:

merit system: [TRADUCTION] système de nomination et de promotion des employés aux postes de la Fonction publique en fonction de leur seule compétence (les partisans du système du mérite admettent que les nominations à des fonctions de direction politique soient politiques — D.D. McKean) — par opposition au système de nomination partisane.

L’Oxford English Dictionary donne neuf sens différents au mot anglais merit. Dans un seul de ces sens, le mérite est défini en fonction de la distinction entre qualités inhérentes et qualités externes.

The merits: [TRADUCTION] OU, plus rarement, the merit (d’une cause, d’une question etc.): spécialement en droit, la valeur intrinsèque «positive ou négative» d’une question, par opposition aux questions extérieures comme la compétence du tribunal ou autres aspects de semblable. Donc, juger (une proposition, etc.) à son mérite, c.-à-d. en ne considérant que ses qualités ou ses défauts intrinsèques. To have the merits (droit): pour une partie dans un procès, avoir raison sur le fond de la cause (se dit spécialement lorsque, pour des raisons de procédures, on ne peut rendre un jugement favorable à cette partie).

Cet emploi du mot merit est dans un sens spécialisé, notamment dans un contexte juridique; il porte sur la distinction entre le mérite intrinsèque d’une cause et des considérations étrangères comme la compétence ou la procédure. Cette distinction ne s’applique pas, à mon sens, au contexte des nominations dans la Fonction publique. Ce n’est pas dans ce sens que le mot est employé à l’art. 10 de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique. Même si l’on retient la définition juridique, la distinction entre qualités intrinsèques et qualités externes n’est pas très utile. L’opinion du superviseur d’un employé est extérieure et «humaine» exactement de la même manière que l’opinion des détenus. On ne peut quand même pas dire que le principe du mérite fait que l’avis du surveillant n’a pas d’importance. Il faut tenir compte des avis ou n’en pas tenir compte selon leur auteur, selon qu’ils sont éclairés ou qu’ils ne correspondent pas à la réalité, en bref, selon leur pertinence.

Le milieu correctionnel n’est pas le seul cadre d’emploi où la réputation peut être pertinente relativement à l’aptitude du candidat de remplir des

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fonctions. Une personne qui a la réputation d’être favorable au syndicat ou favorable à la direction d’entreprise, que cette réputation soit fondée ou non, ne pourrait pas être un bon médiateur dans un conflit de travail. Il y a certains emplois dans la Fonction publique, comme il y en a dans le secteur privé, pour lesquels la réputation et l’image de marque sont une véritable aptitude pour un poste donné.

Le principe du mérite profite aussi bien à l’employeur qu’à l’employé. Le système du mérite protège les droits du candidat en lui permettant d’être évalué en fonction de normes de sélection raisonnables et pertinentes; mais il vise également à protéger l’intérêt du public en faisant que ce soit la personne la plus apte qui soit nommée à la Fonction publique. Le principe du mérite vise à protéger le droit des employeurs du secteur public d’engager des personnes aptes et efficaces, et non à nier ce droit; il est censé permettre d’engager les personnes efficaces, non de rendre les possibilités de rendement du candidat sans importance. À mon avis le principe du mérite ne peut avoir pour but d’obliger la Commission de la Fonction publique à nommer une personne à un poste si elle sait que la réputation de cette personne fait qu’il est impossible (dangereux, en l’espèce) pour elle de remplir les fonctions de ce poste.

Il est vrai que, même si M. Evans était nommé, le commissaire aux services correctionnels pourrait encore le suspendre en vertu du par. 8(2) de la Loi sur les pénitenciers. L’avocat de l’intimé a toutefois souligné au cours des débats que, si le pourvoi de M. Evans est accueilli et que la Commission de la Fonction publique accorde à M. Evans le poste mentionné dans l’avis de concours, il est peu probable que le commissaire le suspende. Je présume que l’avocat du Comité d’appel est habilité à parler au nom du commissaire aux services correctionnels. Cependant, le principe du mérite s’applique à tous les emplois du secteur public et non au seul secteur correctionnel. Que faudrait-il faire dans les autres secteurs d’emploi où il n’y a pas d’équivalent du par. 8(2) de la Loi sur les pénitenciers? La Commission devrait-elle dans ces cas-là nommer des employés que leur réputation rend inaptes et inefficaces?

[Page 619]

Même si c’est malheureux, il est parfois inévitable que la réputation qu’une personne n’a pas méritée ait une influence sur son aptitude à remplir certaines fonctions de façon efficace. Ceux qui connaissent bien le travail en milieu carcéral conviennent qu’il s’agit d’un de ces cas en l’espèce. Même si elle est extrinsèque, la réputation de M. Evans est une caractéristique pertinente. L’absence de mauvaise réputation auprès des détenus est, dans le cas présent, une véritable aptitude pour le poste. La réputation du candidat a rapport au mérite de celui-ci dans le sens qu’elle a directement rapport à son aptitude à remplir le poste.

V Le redressement

Lorsqu’il y a un relent d’injustice dans l’air par suite d’une erreur d’appréciation des faits, la réaction normale des tribunaux est de chercher un moyen de connaître l’état véritable des choses et d’y remédier. Mais il y a des limites. S’il y a eu injustice en l’espèce, elle tient à l’action du sous-comité parlementaire qui a désigné le CX-2 Bernard Evans comme la cause de l’importante émeute à la prison Millhaven, en lui attribuant des paroles qu’il n’a pas dites et en ne lui donnant pas la possibilité de se faire entendre avant d’être condamné. Il me semble extrêmement étrange qu’un sous-comité parlementaire porte une telle accusation sans éléments de preuve pour l’étayer. Nous n’avons pas la transcription des audiences de ce sous-comité parlementaire. Nous ne savons pas non plus si le sous-comité a reçu des éléments de preuve autrement qu’au cours d’audiences proprement dites. M. Evans, je l’ai déjà mentionné, a affirmé au Comité d’appel qu’aucun détenu n’avait mentionné son nom. Il n’y a rien par contre qui fasse état, dans un sens ou l’autre, de ce qu’ont pu dire au sous‑comité parlementaire les agents correctionnels et les autres témoins présents lors de l’émeute. Supposons néanmoins, pour les fins du présent pourvoi, que les membres du sous‑comité parlementaire ont publiquement imputé à M. Evans l’émeute de Millhaven sans aucun élément de preuve. Que faut-il faire?

Je ne reconnais aucune compétence à cette Cour pour vérifier l’exactitude de la conclusion du sous-comité parlementaire selon laquelle M. Evans a causé l’émeute de 1976 à Millhaven. Le juge

[Page 620]

Le Dain a exprimé l’avis qu’il n’appartenait pas au jury de sélection d’entreprendre une telle vérification et je suis d’accord avec lui. Le Comité d’appel est-il mieux placé?

Le Comité d’appel a considéré ce point. M. Rosenbaum a dit qu’il ne siégeait pas pour vérifier ce que le sous-comité parlementaire peut avoir fait qui aurait violé le principe audi alteram partem; il examinait la conduite du jury de sélection; il n’avait pas compétence pour enquêter sur ce que le sous-comité avait fait. Le représentant de M. Evans a répondu: [TRADUCTION] «Je sais que vous ne l’avez pas Monsieur». On a toutefois prétendu que M. Rosenbaum, en sa qualité de Comité d’appel, était dans une situation différente de celle du jury de sélection parce qu’en vertu de l’art. 21 de la Loi, le Comité d’appel est compétent pour «tenir une enquête».

L’article 21 prévoit un appel lorsqu’une personne nommée ou sur le point d’être nommée en vertu de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique. Une enquête porte sur cette nomination ou cette nomination projetée. L’enquête peut porter sur la manière dont le jury de sélection applique les normes de sélection fixées par la Commission et évalue le mérite des différents candidats à un poste. Ce sont là les limites de l’enquête et de l’appel prévus à l’art. 21. Je ne crois pas que cet article vise une enquête sur l’exactitude des conclusions de fait d’autres tribunaux, comme les cours de justice, les arbitres du travail, les organismes administratifs ou les sous-comités du Parlement. Le comité d’appel ne peut obliger des témoins à déposer; il ne peut pas faire prêter serment; il n’a pas de droit d’accès aux dossiers ou fichiers des ministères. Si le comité d’appel doit vérifier la véracité des affirmations d’un sous-comité parlementaire, les membres de ce sous-comité auront-ils la possibilité de comparaître et de défendre la probité de leur rapport? Y aurait-il appel de la décision du comité d’appel?

Cela serait à ma connaissance un fait sans précédent si une cour pouvait rendre jugement à propos du rapport d’un sous-comité parlementaire. Il serait déplacé de le faire, pour un comité dont le seul rôle est de siéger en appel de décisions d’un jury de sélection de la Fonction publique. Rien

[Page 621]

dans la Loi ou dans le dossier ne m’indique que le comité d’appel a les compétences, soit la capacité comme institution ou les pouvoirs de procédure nécessaires pour remplir un tel rôle.

De plus, dans quelles circonstances un comité d’appel est-il censé réviser les conclusions d’autres tribunaux? Doit-il le faire chaque fois qu’un candidat affirme qu’il possède des éléments de preuve susceptibles d’établir qu’une conclusion défavorable d’un autre tribunal est erronée? L’article 21 ne crée pas un droit de contester les conclusions d’autres tribunaux susceptibles de nuire aux possibilités d’avancement d’un candidat dans sa carrière. Si le législateur avait en vue un droit d’appel aussi radical, il l’aurait créé expressément. Il aurait doté le comité d’appel des pouvoirs nécessaires et aurait prévu que le comité soit composé de personnes ayant une formation juridique. La Loi sur l’emploi dans la Fonction publique ne fait rien de tel. Elle fait seulement état d’une «enquête» à laquelle l’appelant et le ministère ont «l’occasion de se faire entendre».

Je ne puis donc accepter que, pour déterminer si le jury de sélection a écarté M. Evans conformément au principe du mérite, le Comité d’appel ait eu l’obligation d’enquêter sur l’exactitude de la conclusion du sous-comité parlementaire selon laquelle M. Evans a proféré les remarques insultantes qui ont causé une émeute à la prison.

La volonté de M. Evans de trouver un tribunal qui réévaluerait les éléments de preuve étudiés par le sous-comité est compréhensible. On pourrait s’interroger sur la décision du Parlement de donner à un comité de députés le droit de faire enquête, de nommer des personnes et de faire rapport publiquement, sans apparence ni réalité de droit d’appel pour les personnes touchées. Néanmoins c’est ce que le législateur paraît avoir fait. Le législateur est responsable de ses décisions, mais pas devant une cour de justice. Le redressement recherché n’existe tout simplement pas en vertu de l’art. 21 de la Loi sur l’emploi dans la Fonction publique.

Il y a un autre point. M. Evans n’a pas eu de note au titre des possibilités de rendement, non pas parce que les allégations contenues dans le rapport du sous-comité parlementaire étaient vraies, mais

[Page 622]

parce que la publicité et la notoriété de l’incident ont rendu sa présence en établissement carcéral dangereuse pour lui-même, pour les autres agents correctionnels et pour les détenus. Donc même si le Comité d’appel tenait l’enquête suggérée et trouvait que la conclusion du sous-comité est à la fois inexacte et déraisonnable, on voit difficilement comment la carrière de M. Evans, à titre d’agent correctionnel, pourrait en profiter. La notoriété ne serait pas moindre, même si elle s’atténue avec le passage du temps, mais pour les fins du présent pourvoi, elle existe toujours.

Dans ces circonstances, je ne crois pas que le présent pourvoi puisse être accueilli. Il est compréhensible que M. Evans veuille une enquête à propos de la conclusion du sous-comité parlementaire, mais c’est une chose qui, à mon avis, n’est pas du ressort de cette Cour, ni du Comité d’appel établi par la Commission de la Fonction publique.

Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter le pourvoi. Le Comité intimé n’a pas demandé de dépens et il n’en sera pas adjugé.

Pourvoi accueilli avec dépens, les juges DICKSON et BEETZ sont dissidents.

Procureurs de l’appelant: Soloway, Wright, Houston, Greenberg, O’Grady, Morin, Ottawa.

Procureur de l’intimé: R. Tassé, Ottawa.


Parties
Demandeurs : Evans
Défendeurs : Comité d’appel de la Commission de la Fonction publique
Proposition de citation de la décision: Evans c. Comité d’appel de la Commission de la Fonction publique, [1983] 1 R.C.S. 582 (17 mai 1983)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1983-05-17;.1983..1.r.c.s..582 ?
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