La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/1983 | CANADA | N°[1983]_1_R.C.S._303

Canada | Shalansky c. Board of Governors of Regina Pasqua Hospital, [1983] 1 R.C.S. 303 (24 mars 1983)


Cour suprême du Canada

Shalansky c. Board of Governors of Regina Pasqua Hospital, [1983] 1 R.C.S. 303

Date: 1983-03-24

Allan W. Shalansky, en son nom et aux noms de tous les membres du Saskatchewan Union of Nurses, Local 105; et Saskatchewan Union of Nurses, Local 105, de la ville de Regina, province de la Saskatchewan Appelants;

et

The Board of Governors of the Regina Pasqua Hospital, de la ville de Regina, province de la Saskatchewan Intimé.

N° du greffe: 17162.

1983: 2 mars; 1983: 24 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les ju

ges Dickson, Estey, McIntyre et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN

POURVOI co...

Cour suprême du Canada

Shalansky c. Board of Governors of Regina Pasqua Hospital, [1983] 1 R.C.S. 303

Date: 1983-03-24

Allan W. Shalansky, en son nom et aux noms de tous les membres du Saskatchewan Union of Nurses, Local 105; et Saskatchewan Union of Nurses, Local 105, de la ville de Regina, province de la Saskatchewan Appelants;

et

The Board of Governors of the Regina Pasqua Hospital, de la ville de Regina, province de la Saskatchewan Intimé.

N° du greffe: 17162.

1983: 2 mars; 1983: 24 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Dickson, Estey, McIntyre et Wilson.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE LA SASKATCHEWAN

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan (1982), 15 Sask. R. 253, qui a rejeté l’appel interjeté contre la décision du juge Noble, qui avait confirmé la sentence d’un tribunal d’arbitrage. Pourvoi rejeté.

Wayne McIntyre, pour les appelants.

Ronald L. Barclay, c.r., pour l’intimé.

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE EN CHEF — Ce pourvoi à rencontre d’un arrêt de la Cour d’appel de la Saskatchewan, qui confirme la décision du juge Noble, porte sur le caractère révisable de la sentence d’un tribunal d’arbitrage consensuel, chargé de l’interprétation et de l’application de certaines dispositions relatives aux taux de rémunération horaire et mensuelle contenues dans une convention collective intervenue entre les infirmiers et l’hôpital qui les emploie. Le tribunal d’arbitrage a, à la majorité, donné raison à l’hôpital quant à la méthode applicable au calcul d’une augmentation générale convenue de six pour cent pour les infirmiers rémunérés au mois et ceux qui sont rémunérés à l’heure. Le juge Noble a confirmé la sentence arbitrale, tout comme le juge en chef Bayda, parlant au nom de la Cour d’appel de la Saskatchewan, même si celui-ci a exprimé l’avis que l’interprétation proposée par le syndicat appelant était la bonne.

Les points soulevés par l’appelant étaient fondés sur une distinction faite depuis longtemps dans les arbitrages consensuels entre le renvoi à l’arbitrage d’une question de droit précise et le renvoi général au cours duquel se posent une ou plusieurs questions de droit. L’appelant a soutenu qu’il ne s’agissait ici que d’une question générale d’interpréta-

[Page 305]

tion et il a admis que, si la question soumise au tribunal d’arbitrage se limitait à une question de droit précise, la sentence du tribunal ne serait pas révisable, même si elle était manifestement erronée. Compte tenu de sa prétention qu’il s’agissait ici d’un renvoi général à l’arbitrage, l’avocat de l’appelant a soutenu que le caractère révisable de la sentence dépendait de savoir si, de l’avis de la cour appelée à faire la révision, l’interprétation adoptée par le tribunal d’arbitrage pouvait raisonnablement découler de la disposition de la convention collective à condition qu’il y eût une ambiguïté ou un doute. Toutefois, de l’avis de l’avocat, il n’y avait ni ambiguïté ni doute, mais plutôt une erreur manifeste que la Cour doit corriger. L’hôpital intimé a pour sa part soutenu qu’il s’agissait, en l’espèce, du renvoi d’une question de droit précise au tribunal, ce qui mettait sa sentence à l’abri de toute révision et que, de toute façon, le résultat favorable à l’hôpital était identique même si la question renvoyée à l’arbitrage était générale plutôt que précise.

Puisqu’il s’agit d’un arbitrage consensuel, nous ne sommes entravés par aucune question relative au certiorari, ni par aucune autre considération législative. Nous sommes appelés à examiner les dispositions d’une convention collective conclue librement qui a donné lieu à un différend soumis par les parties à l’arbitrage. Puisque, d’après l’argumentation des parties devant cette Cour, la question centrale est essentiellement de savoir s’il se pose une question de droit précise ou une question générale dont l’examen pourrait soulever des questions de droit, je n’estime pas qu’il s’agit d’une occasion propice pour décider si la règle énoncée dans l’arrêt Absalom [F.R. Absalom, Ltd. v. Great Western (London) Garden Village Society, Ltd.], [1933] A.C. 592, ne devrait plus s’appliquer à un arbitrage consensuel en matière de relations du travail.

J’accepte volontiers, en l’espèce, la prétention de l’appelant selon laquelle il s’agit de se prononcer sur une question générale d’interprétation de la convention collective. Sur ce fondement, l’avocat de l’appelant a soutenu que la Cour pouvait et, d’ailleurs, qu’elle aurait dû conclure que le tribunal avait commis une erreur révisable. Pour déter-

[Page 306]

miner si cette prétention est correcte, il est nécessaire de se demander quel est le critère applicable à une erreur révisable dans ces circonstances. Pour analyser la question, le juge Noble a adopté le critère de l’interprétation raisonnable et, se fondant sur ce critère, il a conclu qu’il n’y avait pas de motif de modifier la sentence du tribunal. En Cour d’appel de la Saskatchewan, le juge en chef Bayda a étudié la jurisprudence antérieure de cette Cour et s’est demandé si le critère appliqué par le juge Noble, c’est-à-dire savoir si l’interprétation était déraisonnable ou manifestement mauvaise, était le critère applicable et, dans l’affirmative, s’il avait été bien appliqué.

Pour ce qui est de l’interprétation, le Juge en chef a exprimé l’avis que le tribunal avait incorrectement interprété les dispositions pertinentes de la convention collective, de sorte qu’il y avait une erreur apparente à la lecture de la sentence même. Cette conclusion l’a amené à se demander si la sentence de ce tribunal d’arbitrage consensuel était attaquable. Il a exprimé l’avis que la portée des arrêts de cette Cour, Bell Canada c. Office and Professional Employees’ International Union, [1974] R.C.S. 335, Metropolitan Toronto Police Association c. Bureau des Commissaires de Police de la Région métropolitaine de Toronto, [1975] 1 R.C.S. 631 et Volvo Canada Ltd. c. T.V.A., local 720, [1980] 1 R.C.S. 178, faisait que la question véritable n’était pas de savoir s’il y avait eu renvoi à l’arbitrage d’une question de droit précise ou d’une question générale dont l’examen soulevait des questions de droit, mais qu’il y avait plutôt une troisième catégorie, soit celle de savoir si la question soumise à l’arbitrage constituait un grief dont l’examen donnait lieu à des questions d’interprétation de la convention collective. À son avis, si la question soumise à l’arbitrage appartient à cette catégorie, une erreur d’interprétation commise par le tribunal n’est pas révisable, à moins que cette interprétation ne soit aberrante ou manifestement injustifiable (ce sont les mots que j’ai utilisés en dissidence dans l’arrêt Bell Canada) ou manifestement déraisonnable (selon les termes employés par le juge Pigeon dans l’arrêt Volvo).

Je suis d’accord avec le juge en chef Bayda pour dire qu’il n’y a pas de différence importante de

[Page 307]

sens entre ces trois termes. D’ailleurs je suis même d’avis que, sauf l’accent que l’on veut mettre, il n’y a pas de différence non plus entre le critère du caractère déraisonnable et de celui du caractère manifestement injustifiable. Le juge en chef Bayda a lui même conclu que le tribunal d’arbitrage avait à se prononcer entre deux interprétations raisonnables et qu’en conséquence il pouvait opter pour celle qu’il a choisie plutôt que pour celle que le Juge en chef aurait préférée. En définitive, il a rejeté l’appel.

À mon avis, c’était ce qu’il fallait faire. Du moment qu’on admet qu’il y a deux interprétations raisonnables, la suggestion qu’il puisse y avoir une erreur de droit révisable dans un arbitrage consensuel n’est plus fondée. Il n’est pas nécessaire de proposer une troisième catégorie, savoir le renvoi à un arbitre qui porte sur l’interprétation de la convention collective. Le principe sur lequel cette prétendue troisième catégorie s’appuie est le principe même qui est applicable à tous les cas d’arbitrage consensuel. La décision de l’arbitre ne peut être infirmée que si elle comporte une interprétation que le texte de la convention ne peut raisonnablement justifier.

En l’espèce, même l’arbitre dissident a exprimé l’avis que le texte de la convention pouvait prêter à deux interprétations. La solution adoptée par la majorité du tribunal est raisonnable et non déraisonnable.

Il s’ensuit que le pourvoi échoue et doit être rejeté avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs des appelants: Balfour, Moss, Milliken & Co., Regina.

Procureurs de l’intimé: MacPherson, Leslie & Tyerman, Regina.


Synthèse
Référence neutre : [1983] 1 R.C.S. 303 ?
Date de la décision : 24/03/1983
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit du travail - Convention collective - Arbitrage consensuel - Contrôle judiciaire - Principes régissant le contrôle judiciaire d’un arbitrage consensuel.

Ce pourvoi porte sur le caractère révisable de la sentence d’un tribunal d’arbitrage consensuel chargé de l’interprétation et de l’application de certaines dispositions d’une convention collective. Le tribunal d’arbitrage a donné raison à l’employeur quant à la méthode applicable au calcul d’une augmentation de salaire convenue entre les parties. Les cours d’instance inférieure ont confirmé la sentence du tribunal d’arbitrage. Le litige porte sur le critère applicable à la révision de la sentence du tribunal d’arbitrage. L’intimé a soutenu que le tribunal d’arbitrage s’était prononcé sur une question de droit précise et que, en conséquence, sa sentence était à l’abri de toute révision. Les appelants ont soutenu qu’il s’agissait d’une question générale d’interprétation dont le caractère révisable dépendait de la réponse à la question de savoir si l’interprétation adoptée par tribunal d’arbitrage pouvait raisonnablement découler de la convention collective.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Il s’agit d’une question générale d’interprétation d’une convention collective. La suggestion qu’il puisse y avoir une erreur de droit révisable dans un arbitrage consensuel n’est plus fondée dès qu’on admet qu’il y a deux interprétations raisonnables. Le tribunal d’arbitrage avait à se prononcer entre deux interprétations raisonnables et il pouvait opter pour celle qu’il a choisie. Une

[Page 304]

troisième catégorie relative à l’arbitrage consensuel, le renvoi à un arbitre qui porte sur l’interprétation de la convention collective, n’est pas nécessaire.


Parties
Demandeurs : Shalansky
Défendeurs : Board of Governors of Regina Pasqua Hospital

Références :

Jurisprudence: F.R. Absalom, Ltd. v. Great Western (London) Garden Village Society, Ltd., [1933] A.C. 592

Bell Canada c. Office and Professional Employees’ International Union, [1974] R.C.S. 335

Metropolitan Toronto Police Association c. Bureau des Commissaires de Police de la Région métropolitaine de Toronto, [1975] 1 R.C.S. 631

Volvo Canada Ltd. c. T.V.A., local 720, [1980] 1 R.C.S. 178.

Proposition de citation de la décision: Shalansky c. Board of Governors of Regina Pasqua Hospital, [1983] 1 R.C.S. 303 (24 mars 1983)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1983-03-24;.1983..1.r.c.s..303 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award