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09/08/1982 | CANADA | N°[1982]_2_R.C.S._79

Canada | R. du chef de Terre-Neuve c. Commission Hydro-Electrique de Québec, [1982] 2 R.C.S. 79 (9 août 1982)


Cour suprême du Canada

R. du chef de Terre-Neuve c. Commission Hydro-Electrique de Québec, [1982] 2 R.C.S. 79

Date: 1982-08-09

Sa Majesté La Reine du chef de la province de Terre-Neuve Appelante;

et

Commission Hydro-Electrique de Québec Intimée;

et

Churchill Falls (Labrador) Corporation Limitée Mise en cause;

et

Compagnie Trust Royal et Trust Général du Canada Mises en cause.

Churchill Falls (Labrador) Corporation Limitée Appelante;

et

Commission Hydro-Electrique de Québec Intimée;

et

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a Majesté La Reine du chef de la province de Terre-Neuve Mise en cause;

et

Compagnie Trust Royal et Trust Général du Canada Mises en cause.
...

Cour suprême du Canada

R. du chef de Terre-Neuve c. Commission Hydro-Electrique de Québec, [1982] 2 R.C.S. 79

Date: 1982-08-09

Sa Majesté La Reine du chef de la province de Terre-Neuve Appelante;

et

Commission Hydro-Electrique de Québec Intimée;

et

Churchill Falls (Labrador) Corporation Limitée Mise en cause;

et

Compagnie Trust Royal et Trust Général du Canada Mises en cause.

Churchill Falls (Labrador) Corporation Limitée Appelante;

et

Commission Hydro-Electrique de Québec Intimée;

et

Sa Majesté La Reine du chef de la province de Terre-Neuve Mise en cause;

et

Compagnie Trust Royal et Trust Général du Canada Mises en cause.

Nos du greffe: 16052 et 16079.

1981: 29 octobre, 3 novembre; 1982: 9 août.

Présents: Les juges Martland, Dickson, Beetz, Estey, McIntyre, Chouinard et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

POURVOIS contre deux arrêts de la Cour d’appel du Québec, [1980] C.A. 203, qui ont infirmé deux jugements de la Cour supérieure accueillant une exception déclinatoire et une requête en irrecevabilité. Le pourvoi de Terre-Neuve est accueilli. Le pourvoi de Churchill Falls est rejeté.

Philip Vineberg, c.r., pour l’appelante et mise en cause Sa Majesté la Reine du chef de la province de Terre-Neuve.

Claude Tel lier, c.r., pour l’appelante et mise en cause Churchill Falls (Labrador) Corporation Limitée.

Michel Jetté et François Aquin, pour l’intimée.

Yves Mayrand, pour la mise en cause Cie Trust Royal.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE BEETZ — Les deux pourvois attaquent deux arrêts de la Cour d’appel du Québec, [1980] C.A. 203, qui infirment deux jugements de la Cour supérieure.

La Commission Hydro-Électrique de Québec (Hydro-Québec) a présenté à la Cour supérieure une requête pour jugement déclaratoire suivant l’art. 453 du Code de procédure civile. Dans cette procédure, Churchill Falls (Labrador) Corporation Limitée (Churchill Falls) était l’intimée et Sa Majesté la Reine du chef de la province de Terre-

[Page 82]

Neuve (Terre-Neuve) était l’une des mises en cause.

Le premier arrêt, rendu par les juges Montgomery, Turgeon et Monet de la Cour d’appel, rejette une exception déclinatoire faite par Terre-Neuve et que le juge Reeves de la Cour supérieure avait accueillie.

Par le premier pourvoi, Terre-Neuve nous demande d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel et d’accueillir l’exception déclinatoire.

Le second arrêt, rendu par les mêmes juges de la Cour d’appel, rejette une requête en irrecevabilité présentée par Churchill Falls et que le même juge de la Cour supérieure avait accueillie.

Par le second pourvoi, Churchill Falls nous demande d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel et d’accueillir la requête en irrecevabilité.

I — Les faits et les procédures

A ce stade, il faut tenir pour avérées les allégations de la requête demandant un jugement déclaratoire et il est nécessaire pour la compréhension du litige de citer la plupart d’entre elles, comme l’ont fait d’ailleurs la Cour d’appel et la Cour supérieure.

Voici quelles sont ces allégations de l’Hydro Québec:

1. Le 12 mai 1969, un contrat est intervenu entre la Requérante et l’Intimée en vertu duquel la Requérante s’est obligée d’acheter et l’Intimée s’est obligée de vendre la presque totalité de la production d’énergie électrique générée par une centrale hydroélectrique qui devait être construite par l’Intimée aux Chutes Churchill sur la Rivière Churchill suivant certaines spécifications prévues au contrat;

3. En vertu de ce contrat R-1, cette centrale devait être capable de livrer à la Requérante, au point de livraison prévu, une puissance maximale de 4,383,600 kW durant les mois d’octobre, novembre, décembre, janvier, février, mars, avril et mai de chaque année et de 4,163,500 kW durant les mois de juin, juillet, août et septembre, cette puissance pouvant cependant être augmentée par une capacité additionnelle tel que prévu au paragraphe 6.4 du contrat R-1;

[Page 83]

6. De fait la centrale hydroélectrique prévue au contrat R-1 a été construite de telle sorte que les «effective date» et «completion date» telles que définies au titre II du paragraphe 1.1 de l’Article I sont survenues le 1er septembre 1976, une copie de deux certificats émis par Acres Canadian Bechtel of Churchill Falls attestant de cet état de fait étant produits en liasse avec les présentes comme pièce R-2;

7. Tel qu’il appert du paragraphe 2.1 du contrat R-1 l’Intimée s’est engagée à vendre à la Requérante toute la puissance et l’énergie électrique que la centrale pouvait générer, sauf les quantités auxquelles il est référé aux paragraphes 4 et 5 de la présente requête;

8. Cependant, tel qu’il appert particulièrement du paragraphe 6.6 du contrat R-1, l’Intimée s’était réservée le droit de retenir, à certaines conditions, et en plus des quantités auxquelles il est référé au paragraphe précédent de la présente requête certains blocs de puissance et d’énergie ne devant pas dépasser au total 300,000 kW pour la puissance et 2.362 milliard (sic) de kWH par année pour l’énergie;

13. La Requérante avait et elle a encore un besoin impérieux de toute l’énergie électrique générée par le harnachement des Chutes Churchill pour assurer la croissance économique de la province de Québec et pour répondre aux besoins actuels et futurs des consommateurs d’énergie de cette province;

15. En considération de cet engagement formel de l’Intimée, la Requérante lui a consenti des avantages et des garanties financières importantes sans lesquelles le projet n’aurait jamais pu être réalisé;

20. En vertu de l’Article XV la Requérante s’est engagée à fournir à l’Intimée l’excédent des intérêts, à partir de certains taux, soit 5½% pour les obligations de premier rang et 6% dans les autres cas, que l’Intimée aurait à payer sur les divers emprunts contractés ou à contracter pour mettre en œuvre le contrat R-1;

21. En vertu de cet Article XV la Requérante a déboursé à date une somme approximative de quatre-vingt-cinq millions cinq cent mille dollars ($85,500,000.00);

22. Toutes les considérations financières et les garanties susdites données par la Requérante à l’Intimée n’auraient jamais été consenties n’eut été l’engagement ferme et non ambigu de l’Intimée de lui livrer la totalité de la puissance et de l’énergie produites par la centrale des Chutes Churchill tel que mentionné au paragraphe 14 de la présente requête;

[Page 84]

23. Pour permettre le financement total du projet, la Requérante a dû elle-même se porter acquéreur de cent millions de dollars ($100,000,000.00) d’obligations comportant hypothèque générale sur tous les biens de l’Intimée émises par cette dernière en vertu d’un acte de fiducie passé conformément aux lois de la province de Québec le 1er septembre 1968 entre l’Intimée et le Trust Général du Canada comme fiduciaire;

26. En vertu de cet acte de fiducie R-4, l’Intimée a cédé, transporté et mis en gage, pour le bénéfice de ses créanciers, tous ses droits en vertu du contrat R-1 pour satisfaire aux obligations auxquelles elle s’est engagée;

27. De plus, il est prévu à cet acte de fiducie R-4, sujet cependant aux dispositions concernant la subordination en faveur des obligations de premier rang, que tout défaut de la part de l’Intimée en vertu du contrat R-1 pourra constituer un événement de défaut en vertu de cet acte de fiducie R-4 avec toutes les conséquences qui en découlent;

28. Par bail passé le 16 mai 1961 entre le Lieutenant-Gouverneur en Conseil de la province de Terre-Neuve et l’Intimée, le premier accordait à la seconde, entre autres droits, celui de harnacher les forces hydrauliques contenues dans cette partie de la Rivière Churchill désignée au bail comme le «Upper Churchill Watershed», laquelle inclut les Chutes Churchill, d’en exploiter les ressources hydroélectriques et d’en exporter la puissance et l’énergie en dehors de la province de Terre-Neuve;

30. Le 6 août 1976, par arrêté-en-conseil adopté sous le no. 1001-76, le Gouvernement de la province de Terre-Neuve prétendait exercer un droit en vertu de la clause 2(e) de la partie I du bail R-5, laquelle se lit comme suit:

[TRADUCTION] «2. Sous réserve des dispositions, modalités, conditions, exceptions et réserves contenues dans le présent bail, la location et cession de la Upper Churchill consenties par les présentes englobent la concession au locateur pour la durée du présent bail de…

e) Le droit de transmettre à travers la province toute énergie électrique générée par l’exploitation de la totalité ou de partie de la Upper Churchill et celui d’exporter cette énergie hors de la province, pourvu que sur requête du gouvernement les consommateurs d’électricité de la province reçoivent la priorité lorsqu’il est possible et économique de le faire; et…».

31. En vertu de cet arrêté-en-conseil auquel il est fait référence au paragraphe précédent, le Gouvernement de

[Page 85]

la province de Terre-Neuve requérait l’Intimée d’obtempérer à ce qui suit:

[TRADUCTION] «IL EST EN CONSÉQUENCE ORDONNÉ QUE CFLCo soit requise en vertu des présentes de

a) fournir à Newfoundland and Labrador Hydro, une mandataire de Sa Majesté du chef de la province, 800 mégawatts d’énergie, générés à partir des eaux dudit Upper Churchill Watershed, à un facteur de charge de 90%, à compter du 1er octobre 1983; et

b) mettre à la disposition de Newfoundland and Labrador Hydro une quantité limitée d’énergie pour fins de mise en service avant le 1er octobre 1983, cette énergie

c) sera fournie aux prix et autres conditions dont CFLCo et Newfoundland and Labrador Hydro seront convenues, ce prix et ces conditions ne devant pas être, de toute façon, moins avantageux pour CFLCo que le prix et les conditions stipulés au contrat d’énergie intervenu le 12 mai 1969 entre la Commission Hydro-Electrique de Québec et CFLCo; et

d) sera livrée à Newfoundland and Labrador Hydro à Churchill Falls ou dans les environs, le ou les endroits précis de livraison pourront faire l’objet d’ententes entre CFLCo et Newfoundland and Labrador Hydro…».

34. Le 31 août 1976, par lettre adressée au Ministre des Mines et de l’Energie du Gouvernement de la province de Terre-Neuve, l’Intimée, par son président, lui signifiait son refus d’acquiescer à l’arrêté-en-conseil R-6 au-delà de son pouvoir d’y satisfaire aux termes du contrat R-1, une copie de cette lettre étant produite avec les présentes comme pièce R-8;

35. Le ou vers le 13 septembre 1976 le mis-en-cause, le Procureur Général de la province de Terre-Neuve, alléguant agir au nom du Gouvernement, a pris action contre l’Intimée comme première Défenderesse et contre la Requérante comme seconde Défenderesse, sollicitant de la Cour Suprême de la province de Terre-Neuve des déclarations à l’effet suivant:

[TRADUCTION] «a) Une déclaration selon laquelle la demanderesse a droit, en vertu de l’alinéa e) de l’article 2 de la Partie I du bail d’exiger huit cents (800) mégawatts d’énergie électrique comme le mentionne l’arrêté-en-conseil;

b) une déclaration selon laquelle il n’est pas interdit ou prohibé à la défenderesse d’entamer la présente action à cause de la convention sur le financement;

[Page 86]

c) une déclaration selon laquelle la première défenderesse est tenue, en vertu de la Partie I du bail et des articles 3 et 4 de la Loi, de se conformer à la demande formulée dans l’arrêté-en-conseil;

d) une déclaration selon laquelle la première défenderesse ne se rendra coupable d’aucune violation d’aucune garantie exprimée aux conventions d’achat d’obligations en se conformant à la demande formulée dans l’arrêté-en-conseil;

e) une déclaration selon laquelle la première défenderesse ne se rendra coupable d’aucune violation des promesses et conventions contenues dans

(i) le contrat d’énergie;

(ii) les conventions d’achat d’obligations;

(iii) l’acte de fiducie de première hypothèque;

(iv) l’acte de fiducie d’hypothèque générale et

(v) l’acte de débenture;

en se conformant à la demande formulée dans le décret du conseil.

f) une déclaration selon laquelle, en vertu de sa teneur, le contrat d’énergie est un contrat dont la part la plus importante doit être exécutée dans la province de Terre‑Neuve;

g) les dépens; et

h) tout autre redressement que la Cour estimera juste et approprié dans les circonstances.

36. Une copie de cette action est produite avec les présentes comme pièce R-9;

37. Sur demande du mis-en-cause, le Procureur Général de la province de Terre‑Neuve, et formulée par voie d’affidavit, cette action a été signifiée à la Requérante à Montréal en vertu d’une Ordonnance à cet effet de l’Honorable Juge en Chef A.S. Mifflin de la Cour Suprême de la province de Terre-Neuve;

39. Tel qu’il appert de l’action pièce R-9, le mis-en-cause le Procureur Général de la province de Terre-Neuve sollicite de la Cour Suprême de la province de Terre-Neuve, entre autres conclusions, une déclaration à l’effet qu’en obtempérant aux dispositions de l’arrêté-en-conseil pièce R-6, l’Intimée ne sera pas en défaut en vertu des termes du contrat R-1;

40. Dès lors il apparaît clairement que le mis-en-cause, le Procureur Général de la province de Terre-Neuve veut, devant les Tribunaux de la province de Terre-Neuve, faire interpréter le contrat R-1 et adjuger sur certains droits et obligations qui en découlent nonobstant les termes du paragraphe 1.2 du contrat R-1 qui se lit comme suit:

[Page 87]

[TRADUCTION] «Pendant toute sa durée et à tous égards, le présent contrat d’énergie sera régi par les lois de la province de Québec et interprété en fonction de celles-ci. Les seuls tribunaux compétents pour se prononcer sur les différends qui naîtront entre les parties aux présentes par suite du présent contrat seront, sous réserve d’appel à la Cour suprême du Canada lorsque ce droit d’appel existe, les tribunaux du district judiciaire de Montréal, et pour les fins judiciaires susdites seulement CFLCo élit domicile de signification à un Westmount Square, en la ville de Westmount, district de Montréal ou à tout autre endroit, dans le district de Montréal, que CFLCo indiquera, à l’occasion, par avis écrit à HydroQuébec.»

41. Suite à cette action la Requérante n’a produit aucune comparution suivant les lois de la province de Terre-Neuve, et elle a décliné la juridiction du Tribunal de Terre-Neuve sur certaines des matières dont le mis-en-cause le Procureur Général de la province de Terre-Neuve a prétendu saisir la Cour Suprême de ladite province;

42. De façon plus spécifique, et sans avoir comparu tel que susdit, la Requérante a présenté suivant les règles de procédure en vigueur à Terre-Neuve et elle a plaidé le 11 mars 1977 un avis de motion pour faire casser et annuler l’Ordonnance de signification prononcée par l’Honorable Juge en Chef A.S. Mifflin, pièce R-10, en autant que sont concernés les paragraphes 3 à 18 et 24 à 27 des allégués de l’action pièce R-9 et de même les conclusions (d), (e) et (f) de la même procédure;

43. Une copie de cet avis de motion présenté par la Requérante est d’ailleurs produite avec les présentes comme pièce R-11;

44. Jugement a maintenant été rendu sur l’avis de motion pièce R-11, l’Honorable Goodridge de la Cour Suprême de la province de Terre-Neuve l’ayant rejetée, et la Requérante en a appelé de cette décision devant la Cour d’Appel de la province de Terre-Neuve;

45. Une copie des motifs de ce jugement est produite comme pièce R-12;

46. Tel qu’il appert des motifs de ce jugement, pièce R-12, l’Honorable Juge Goodridge a statué que l’Hydro-Québec n’avait pas comparu et qu’elle ne s’était d’aucune façon soumise à la juridiction des Tribunaux de la province de Terre-Neuve malgré les procédures dont elle les avait saisis à date;

48. L’Intimée, quant à elle, n’a pas encore plaidé à l’action, pièce R-9, mais elle a comparu devant les Tribunaux de la province de Terre-Neuve, a accepté

[Page 88]

totalement leur juridiction sur le litige tel qu’engagé et elle a même appuyé les prétentions du mis-en-cause, le Procureur Général de la province de Terre-Neuve, à l’encontre de la motion R-11;

49. La Requérante a intérêt à faire adjuger immédiatement sur ses droits en vertu du contrat R-1 vu que l’Intimée peut toujours se conformer à l’arrêté-en-conseil pièce R-6, volontairement ou autrement, ce qui affectera les droits de la Requérante et réduira sa capacité de pourvoir aux besoins énergétiques futurs de la province de Québec;

50. La Requérante doit faire adjuger dès maintenant sur ses droits en vertu du contrat R-1 afin de planifier pour répondre dans l’avenir aux besoins de la province de Québec en matière d’énergie électrique;

51. Les droits de la Requérante en vertu du contrat R-1 sont mis en cause devant une juridiction à laquelle elle ne reconnaît aucune compétence en la matière;

52. Or, tel qu’il appert de l’action pièce R-9 le mis-en-cause le Procureur Général de la province de Terre-Neuve a voulu intimement lier dans son action l’adjudication sur les prétendus droits du Gouvernement de la province de Terre-Neuve en vertu du bail pièce R-5 et de l’arrêté-en-conseil pièce R-6 à l’adjudication sur les droits et obligations de la Requérante et de l’Intimée en vertu du contrat R-1;

53. La mise-en-cause, The Royal Trust Company, est partie intéressée tout comme le mis-en-cause, le Trust Général du Canada, en raison des facteurs suivants;

54. Par acte de fiducie conforme aux lois de la province de Québec et passé le 15 mai 1969 entre l’Intimée, la mise-en-cause The Royal Trust Company, comme fiduciaire de la Province de Terre-Neuve, la Requérante et le Trust Général du Canada, comme intervenants, l’Intimée a cédé, transporté et mis en gage comme garantie de ses obligations tous ses droits en vertu du contrat R-1;

55. Une copie de cet acte de fiducie enregistré à Montréal le 20 mai 1969 sous le no. 2138791 est produite avec les présentes comme pièce R-13;

56. Or, en vertu des termes de cet acte de fiducie pièce R-13 un défaut en vertu du contrat R-1 pourrait constituer un événement de défaut avec toutes les conséquences qui en découlent;

Avant d’en arriver aux conclusions recherchées par l’Hydro-Québec dans sa requête pour jugement déclaratoire, il convient d’observer que certaines des allégations qui précèdent ont été dépassées par les événements, comme on peut s’en rendre compte en partie par un arrêt de la Cour

[Page 89]

d’appel de Terre-Neuve auquel réfère le juge Montgomery en Cour d’appel et qui est maintenant publié: Attorney-General of Newfoundland v. Churchill Falls (Labrador) Corp. (1980), 109 D.L.R. (3d) 146.

Le jugement rendu par le juge Goodridge et dont il est question à l’allégation n° 44 a été confirmé par la Cour d’appel de Terre-Neuve et l’autorisation d’interjeter appel à cette Cour a été refusée le 29 juin 1978, [1978] 1 R.C.S. xi. Cependant, l’effet principal de cet arrêt se limite surtout à confirmer l’ordonnance de la signification ex juris des procédures de Terre‑Neuve à l’Hydro-Québec.

Par ailleurs, le remède que l’Hydro-Québec recherchait par la procédure décrite à l’allégation n° 42 a été obtenu en partie par une procédure subséquente: les conclusions (d), (e) et (f) de l’action de Terre-Neuve, citées à l’allégation n° 35, ont été rayées par l’arrêt Attorney-General of Newfoundland v. Churchill Falls (Labrador) Corp. précité. Cependant, les allégations sur lesquelles ces conclusions se fondaient n’ont pas, elles, été rayées, au cas où elles pourraient aider à la détermination des conclusions qui n’ont pas été rayées.

Voici maintenant les conclusions recherchées par l’Hydro-Québec dans sa requête pour jugement déclaratoire:

DIRE et DECLARER qu’en vertu du contrat R-1 seules les Cours du district judiciaire de Montréal, sous réserve du droit d’appel à la Cour Suprême du Canada, ont juridiction pour adjuger sur tout litige entre les parties en vertu de ce contrat;

DIRE et DECLARER qu’en vertu du contrat R-1, la Requérante a l’obligation d’acheter et l’Intimée l’obligation de vendre et livrer à la Requérante toute la puissance et toute l’énergie électriques que peut générer la centrale hydroélectrique actuelle opérée par l’Intimée aux Chutes Churchill sur la Rivière Churchill et ce, conformément aux dispositions des paragraphes 2.1, 6.2, 6.4 et 6.6 du contrat pièce R-1;

DIRE et DECLARER que le défaut par l’Intimée de vendre et de livrer à la Requérante toute la puissance et l’énergie électriques que peut générer la centrale hydroélectrique actuelle opérée par l’Intimée aux Chutes Churchill sur la Rivière Churchill conformément à la

[Page 90]

conclusion précédente constituerait un bris de contrat en vertu du contrat R-1;

DECLARER le jugement à être rendu sur la présente requête opposable aux mis-en-cause;

II — L’exception déclinatoire

1. Le jugement de la Cour supérieure

Le premier juge a maintenu l’exception déclinatoire au motif principal que les art. 94 et suiv. du Code de procédure civile relatifs aux causes intéressant le ministère public ne s’appliquent qu’aux droits de Sa Majesté du chef de la province de Québec et qu’aucun texte de loi ne permet d’assigner la Couronne du chef de Terre-Neuve devant les tribunaux du Québec. Il paraît donc s’appuyer sur le principe de l’immunité de la Couronne en droit public britannique et canadien. Ce n’est pas absolument clair cependant, car il réfère aussi à la distinction entre les acta gestionis et les acta imperii, une distinction qui est discutée en droit international public quand il est question de l’immunité des états souverains: Gouvernement de la République démocratique du Congo c. Venne, [1971] R.C.S. 997.

2. L’arrêt de la Cour d’appel

Les motifs principaux de la Cour d’appel ont été rédigés par le juge Monet. Après avoir affirmé qu’il ne faut pas confondre entre les règles de droit international en matière d’immunité et le droit public interne, il qualifie les faits et gestes de Terre-Neuve comme des acta gestionis. (Le juge Montgomery exprime un doute à ce sujet, dans des motifs supplémentaires). Le juge Monet poursuit en tenant que si tant est que Terre-Neuve aît une immunité, son immixtion dans les affaires contractuelles de Churchill Falls et de l’Hydro‑Québec l’empêche de l’invoquer. Il observe également que la «petition of right» est abolie depuis plusieurs années, que la requête pour jugement déclaratoire est fondée principalement sur des engagements contractuels conclus à Montréal et il décide que les tribunaux de Montréal sont compétents vu l’art. 68 du Code de procédure civile.

3. Moyens soulevés par Terre-Neuve

A l’appui de son exception déclinatoire et à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel, Terre-

[Page 91]

Neuve soulève les deux moyens qu’elle a déjà plaidés en première instance et en appel.

Le premier moyen: en vertu du «common law» de droit public, la Couronne du chef de la Province de Terre-Neuve jouit d’une immunité complète qui prive les tribunaux du Québec de toute juridiction sur elle sauf avec son fiat. Aucune loi n’a supprimé ou amoindri cette immunité.

Le second moyen: vu l’article 68 du Code de procédure civile, la Cour supérieure du district de Montréal n’a pas juridiction sur Terre-Neuve même si celle-ci doit être considérée comme un simple particulier ne jouissant d’aucune espèce d’immunité.

Le second moyen est bien fondé à mon avis. Je m’abstiendrai de traiter du premier.

4. L’article 68 du Code de procédure civile

Cet article se lit comme suit:

68. Sous réserve des dispositions des articles 70, 71, 74 et 75, et nonobstant convention contraire, l’action purement personnelle peut être portée:

1. Devant le tribunal du domicile réel du défendeur, ou, dans les cas prévus à l’article 85 du Code civil, devant celui de son domicile élu.

Si le défendeur n’est pas domicilié dans la province, mais qu’il y réside ou y possède des biens, il peut être assigné soit devant le tribunal de sa résidence, soit devant celui où se trouvent ces biens, soit devant celui du lieu où la demande lui est signifiée en mains propres;

2. Devant le tribunal du lieu où toute la cause d’action a pris naissance; ou, dans le cas d’une action fondée sur un libelle de presse, devant le tribunal du district où réside le demandeur, lorsque l’écrit y a circulé;

3. Devant le tribunal du lieu où a été conclu le contrat qui donne lieu à la demande.

Le contrat d’où résulte une obligation de livrer, et qui a été négocié par l’entremise d’un tiers qui n’était pas le représentant du créancier de cette obligation, est tenu pour avoir été conclu au lieu où ce dernier a donné son consentement.

La Cour d’appel n’indique pas de façon spécifique lequel des alinéas de cet article donne, selon elle, à la Cour supérieure du district de Montréal juridiction sur Terre-Neuve. Dans un passage de ses motifs, le juge Monet souligne néanmoins que la requête pour jugement déclaratoire «se fonde essentiellement sur des engagements contractuels

[Page 92]

conclus à Montréal». Il paraît donc trouver la source de la juridiction des tribunaux de Montréal dans l’al. 3 de l’art. 68 et le contrat R-1 du 12 mai 1969 (le Contrat d’énergie) dont il est question dans les allégations 1 et 3, précitées, entre autres, de la requête de l’Hydro‑Québec pour jugement déclaratoire. C’est également ce que soutient l’Hydro-Québec dans son mémoire.

Mais ce contrat est intervenu entre l’Hydro-Québec et Churchill Falls. Terre-Neuve n’y est pas partie. Terre-Neuve est partie au bail qu’elle a consenti à Churchill Falls le 16 mai 1961, comme il est dit à l’allégation n° 28, précitée de la requête pour jugement déclaratoire. Mais l’Hydro-Québec, elle, n’est pas partie à ce bail qui d’ailleurs n’est pas visé par la requête pour jugement déclaratoire, même s’il en est question dans les allégations.

Je ne vois pas comment, en matière purement personnelle, on pourrait traduire Terre-Neuve devant les tribunaux de Montréal sur la base d’un contrat, le Contrat d’énergie, auquel elle est totalement étrangère. La juridiction ratione personae sur Churchill Falls que le Contrat d’énergie confère à la Cour supérieure ne s’étend pas à Terre-Neuve. C’est avec raison que le juge Collier écrit dans Union Oil Co. of Canada Ltd. v. The Queen in right of Canada (1974), 52 D.L.R. (3d) 388, en note au bas de la p. 393:

[TRADUCTION] Le fait qu’un défendeur ait correctement été cité devant la Cour et qu’une autre partie puisse être un défendeur nécessaire ou souhaitable, ne confère pas pour autant le compétence.

(Son jugement a été confirmé par la Cour d’appel fédérale, [1976] 1 C.F. 74.)

D’autre part, la Cour d’appel réfère aux faits et gestes de Terre-Neuve qu’elle qualifie d’immixtion dans le Contrat d’énergie. Ces faits et gestes sont l’arrêté-en-conseil de Terre‑Neuve, en date du 6 août 1976 cité dans l’allégation n° 31, précitée de la requête de l’Hydro-Québec pour jugement déclaratoire, et l’action déclaratoire intentée par Terre-Neuve à Churchill Falls et à l’Hydro-Québec le 13 septembre 1976, et dont il est question à l’allégation n° 35, précitée, de la requête de l’Hydro-Québec. La Cour d’appel tient que cette

[Page 93]

immixtion empêcherait Terre-Neuve d’invoquer son immunité, s’il en est, ou, semble-t-il, qu’elle relierait de quelque façon Terre-Neuve au Contrat d’énergie.

L’Hydro-Québec reprend cet argument dans son mémoire en soutenant que les prises de position de Terre-Neuve ont pour effet de lui rendre le Contrat d’énergie opposable au moins pour les fins de son interprétation.

Le procureur de Terre-Neuve, pour sa part, concède dans son mémoire que l’arrêté‑en‑conseil de Terre-Neuve en date du 6 août 1976 est susceptible d’affecter le Contrat d’énergie ce qui paraît possible si le bail du 16 mai 1961 doit recevoir l’interprétation que Terre-Neuve soutient. On peut probablement en dire autant de l’action déclaratoire intentée par Terre-Neuve à Churchill Falls et à l’Hydro-Québec. Mais le procureur de Terre‑Neuve plaide avec raison selon moi que ces répercussions possibles sur le Contrat d’énergie d’actes posés à Terre-Neuve n’ont pas pour effet de conférer juridiction à la Cour supérieure du district de Montréal en vertu de l’art. 68 du Code de procédure civile. Ils ne rendent pas non plus le Contrat d’énergie opposable à Terre-Neuve.

Quelle que soit l’interprétation qui doit être donnée au Contrat d’énergie, Terre-Neuve ne peut avoir aucun droit ni se voir imposer aucune obligation en vertu de ce contrat, qui, encore une fois, lui est complètement étranger. Il est concevable que Terre-Neuve aît des droits en vertu du bail du 16 mai 1961, et ce sont ces droits qu’elle essaie de faire valoir par l’arrêté-en-conseil du 6 août 1976 et l’action déclaratoire qu’elle a intentée à Churchill Falls et à l’Hydro‑Québec.

Mais je ne vois pas comment un arrêté-en-conseil passé à Terre-Neuve, dont la validité n’est pas contestée, et des procédures judiciaires intentées à Terre-Neuve et contestées à Terre‑Neuve pourraient conférer juridiction ratione personae sur Terre-Neuve, à la Cour supérieure du district de Montréal, à cause de leur impact possible sur un contrat auquel Terre-Neuve n’est pas partie.

[Page 94]

La Cour d’appel observe également que le jugement de la Cour supérieure est muet sur «les obligations assumées par Terre-Neuve dans le contrat de trust, (pièce R-13)».

Il s’agit d’un acte de fiducie conclu entre Churchill Falls et la Compagnie Trust Royal, le 15 mai 1969. Y sont intervenus, en vertu de l’article 24, l’Hydro-Québec, en vertu de l’article 25, Terre-Neuve, et en vertu de l’article 26, le Trust Général du Canada.

Par son observation, la Cour d’appel paraît suggérer que cet acte, qui implique toutes les parties et qui est relié au Contrat d’énergie, pourrait avoir pour conséquence de conférer juridiction à la Cour supérieure. L’Hydro-Québec plaide à ce sujet dans son mémoire que cet acte de fiducie fait voir l’intérêt qu’il y aurait à ce que le jugement sur la requête pour jugement déclaratoire soit opposable à toutes les parties.

Disons tout de suite que le fait qu’une juridiction paraisse souhaitable n’a pas pour effet de la créer.

Disons ensuite que la requête pour jugement déclaratoire ne vise pas cet acte de fiducie et n’en demande aucunement l’interprétation. L’Hydro-Québec le reconnaît d’ailleurs dans son mémoire.

Au surplus, il y a lieu de douter, en principe, que l’art. 68 du Code de procédure civile permette à une cour de se reconnaître juridiction sur un contrat qui échappe à sa juridiction tout simplement parce qu’il est relié à un autre contrat qui lui, tombe sous sa juridiction. La Cour d’appel l’a déjà décidé dans un arrêt majoritaire, Gignac c. Siscoe Metals Ltd., [1944] B.R. 192. La disposition pertinente à l’époque était l’art. 94(5) du Code de procédure civile, maintenant remplacé par l’art. 68(3). Le juge McDougall écrit aux pp. 198 et 199:

[TRADUCTION] La première règle énoncée par l’art. 94, celle que je considère comme le principe général, veut qu’une partie soit assignée devant le tribunal de son domicile. La juridiction des tribunaux autres que ceux du domicile est une juridiction d’exception dans des cas particuliers. L’historique de l’art. 94 fait voir que la juridiction fondée sur d’autres motifs que le domicile a

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été adoptée par des modifications apportées à l’occasion. Il est pour le moins évident que le par. 5 a été adopté longtemps après l’article initial.

Le paragraphe 5 parle simplement du «contrat» et dans les cas semblables à ceux de l’espèce, où il faut deux contrats pour établir le lien entre l’appelant et l’intimée, s’il faut appliquer le par. 5, un des deux contrats doit prévaloir. Par le contrat de 1942, l’intimée a convenu de payer les redevances dues en vertu du contrat de 1924. Sans le contrat de 1942, il n’y aurait pas de lien de droit entre l’appelant et l’intimée et, à défaut de disposition expresse ou implicite que la règle générale de l’art. 94 ne s’applique pas, je ne puis voir de motif de statuer qu’à l’égard de l’intimée, le contrat de 1924 est «le contrat» au sens du par. 5. Rien dans le contrat de 1942 n’a pour effet de la soustraire à la règle générale. L’appelant soutient cependant que la clause du contrat relative aux avis est suffisante. La clause ne peut avoir une portée plus étendue que son texte exprès et elle ne peut s’appliquer pour donner juridiction aux tribunaux. Dans l’ensemble, je crois qu’il vaut mieux conclure que le contrat qui s’appliquera est celui par lequel l’intimée est devenue obligée envers l’appelant.

Lorsque le par. 5 parle du contrat, il vise le cas normal d’un contrat intervenu entre les parties à l’action. Or, il s’agit d’une action entre une des parties au contrat de 1924 et une des parties au contrat de 1942. L’appelant n’est pas partie au contrat de 1942 et l’intimée n’est pas partie au contrat de 1924. Il n’y a donc pas de contrat commun et la condition du par. 5 n’est pas remplie à moins que l’on affirme que par son action l’appelant a accepté cette disposition et qu’en conséquence il est devenu partie au contrat de 1942, faisant de celui-ci le contrat commun. Si tel est le cas, vu que l’action a été signifiée à Montréal, ce serait là le lieu du contrat et le tribunal du district de Québec n’aurait pas juridiction. Si l’affirmation qu’il n’y a pas de contrat commun est fondée, il y a pour le moins de graves doutes quant à l’applicabilité du par. 5 et, puisque le paragraphe est une disposition d’exception, je suis d’avis de l’interpréter strictement, en faveur de l’intimée.

Le juge St-Jacques paraît être d’accord avec le juge McDougall, et les autres juges de la majorité n’expriment pas de désaccord.

Quoi qu’il en soit, ce qui est décisif en l’espèce, ce sont les dispositions mêmes de l’acte de fiducie. L’intervention de l’Hydro-Québec à cet acte est régie par l’article 24.01 dont l’alinéa (13) prescrit que les droits et obligations résultant de cet article

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seront interprétés selon les lois du Québec et relèvent de la juridiction des tribunaux du district de Montréal.

Quant à l’intervention de Terre-Neuve, elle est régie par l’article 25.01 dont l’alinéa (9) se lit comme suit:

[TRADUCTION] (9) Tous les droits et obligations qui naîtront du présent article 25.01 seront tous et toujours régis par les lois de la province de Terre-Neuve et interprétés selon ces dites lois et les seuls tribunaux compétents pour se prononcer sur les différends qui pourraient naître au sujet dudit article 25.01, sous réserve d’appel à la Cour suprême du Canada, lorsque ce droit d’appel existe, seront les tribunaux de Terre‑Neuve.

Cette disposition exclut la juridiction des tribunaux du district de Montréal en autant que l’intervention de Terre-Neuve à l’acte de fiducie est concernée et empêche que l’on relie cette intervention au Contrat d’énergie de façon à conférer juridiction sur Terre-Neuve à la Cour supérieure.

Dans son mémoire, l’Hydro-Québec plaide qu’en signifiant à Terre-Neuve sa requête pour jugement déclaratoire, elle n’a fait que se conformer à l’art. 454 du Code de procédure civile qui prescrit que la requête doit être signifiée «à toutes les personnes intéressées ainsi qu’à toutes les parties à l’acte».

Il n’est pas évident que Terre-Neuve soit une «personne intéressée» au sens de cette disposition car elle n’est pas une partie «à l’acte» savoir, le Contrat d’énergie. Mais même en admettant, pour les fins de la discussion, que Terre-Neuve aît un intérêt dans la requête puisqu’il y est question de certains gestes qu’elle a posés, et que l’on pouvait ou devait la lui signifier, et que Terre-Neuve aurait pu accepter la juridiction, on est allé bien au-delà des exigences de l’art. 454. L’Hydro-Québec ne s’est pas contentée de signifier la requête à Terre-Neuve. Elle a pris des conclusions spécifiques contre elle en demandant que le jugement lui soit opposable. Or, l’art. 456 du Code de procédure civile prescrit:

456. Le jugement déclaratoire rendu, en vertu de la disposition du présent chapitre a les mêmes effets et est sujet aux mêmes recours que tout autre jugement final.

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De telles procédures équivalent à toutes fins pratiques et malgré la désignation de mise en cause qui est utilisée pour Terre-Neuve, à faire de celle-ci une co-intimée. C’est donc de façon coercitive que Terre-Neuve se trouve traduite devant la Cour supérieure pour s’y voir déclarer opposable le jugement à intervenir.

Le juge Montgomery remarque, à propos de cette conclusion spécifiquement recherchée par l’Hydro-Québec contre Terre-Neuve, qu’elle ne devrait peut-être pas être accordée [à la p. 210]:

[TRADUCTION] Il se peut qu’il faille refuser cette demande, mais il ne s’ensuit pas qu’il faut rejeter les procédures pour autant que Terre-Neuve est visée. Cette province a de toute évidence un intérêt vital dans les présentes procédures et devrait y être partie.

Il se peut que Terre-Neuve soit fort intéressée en fait dans la requête pour jugement déclaratoire, mais, je le dis avec égard, cela ne suffit pas à conférer juridiction sur elle, sans son consentement, aux cours du district de Montréal.

Dans son mémoire, l’Hydro-Québec nous a référés à plusieurs arrêts et jugements dont les suivants: Porter Co. c. Constructions du St-Laurent Ltée, [1952] B.R. 662; Edelstein c. Kert Manufacturing Co., [1970] R.P. 179; Procon (Great Britain) Ltd. c. Golden Eagle Co., [1976] C.A. 565. Les deux premiers décident que c’est le tribunal du lieu du contrat qui est compétent pour juger d’une réclamation pour bris de contrat plutôt que le tribunal du lieu où le contrat a été violé. Dans la troisième affaire, on rejette une exception déclinatoire quoique l’action n’aît pas été intentée devant le tribunal du lieu du contrat parce que c’est sur une faute extra-contractuelle que le recours se fonde.

Aucune de ces décisions ne supporte la position de l’Hydro-Québec, dans aucune d’entre elles a-t-on décidé qu’un contrat peut être attributif de juridiction à l’encontre d’une personne qui lui est étrangère.

5. Conclusion

Je suis d’avis d’accueillir le pourvoi, d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel et de rétablir le juge-

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ment de la Cour supérieure, avec dépens dans toutes les cours.

III — La requête en irrecevabilité

1. Le jugement de la Cour supérieure

La Cour supérieure a conclu au bien-fondé de la requête en irrecevabilité. Le premier juge est d’avis que pour que la Cour soit appelée à donner, dans un jugement déclaratoire, la solution à une difficulté, il doit s’agir d’une difficulté de droit et non d’une difficulté de fait qui résulte de l’acte d’un tiers.

Or, bien qu’en l’espèce l’Hydro-Québec entretienne de fait certaines inquiétudes quant à l’exécution éventuelle par Churchill Falls de ses obligations en vertu du Contrat d’énergie, il n’existerait entre les parties aucune incertitude quant au droit.

De plus, le premier juge est d’opinion qu’accorder à l’Hydro-Québec les conclusions de sa requête pour jugement déclaratoire telles que libellées ne lui apporterait qu’une «satisfaction purement théorique» et ne lui serait d’aucune «utilité concrète et déterminée».

Enfin, le premier juge précise que la Cour supérieure n’a pas juridiction, dans le cadre d’une requête pour jugement déclaratoire, pour se prononcer sur l’arrêté-en-conseil de Terre-Neuve et l’action pour jugement déclaratoire intentée par Terre-Neuve.

Le premier juge n’a cependant pas retenu une exception de litispendance invoquée subsidiairement par Churchill Falls à l’appui de sa requête en irrecevabilité.

2. L’arrêt de la Cour d’appel

Selon la Cour d’appel, la difficulté réelle que l’Hydro-Québec a intérêt à voir résoudre judiciairement, c’est la question de savoir si Churchill Falls serait en défaut en vertu du Contrat d’énergie dans l’hypothèse où elle livrerait l’énergie hydro-électrique qu’elle produit suivant les directives de Terre-Neuve plutôt qu’en conformité du Contrat d’énergie. Comme je comprends son arrêt,

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la Cour d’appel décide implicitement que c’est là une question de droit qui justifie le recours à une requête pour jugement déclaratoire. Voici comment le juge Monet s’en exprime dans ses motifs [aux pp. 209 et 210]:

Les allégations de la requête en jugement déclaratoire énoncent une situation juridique telle que les droits de l’Hydro lui résultant du contrat d’énergie sont menacés et font voir un intérêt à ce que cette difficulté réelle soit résolue judiciairement.

D’autre part, la difficulté réelle résulte de l’acte non pas de Churchill mais de Terre‑Neuve. La requête serait-elle pour autant irrecevable? Je ne le crois pas. Certes, il faut se méfier de la prolifération du recours prévu à l’article 453 C.P. En revanche, on doit se garder d’y ajouter des conditions qui ne s’y trouvent pas; il n’est pas dit que la difficulté réelle doit nécessairement provenir de l’acte de la partie intimée. Aussi suis-je d’avis que l’Hydro a un intérêt, dans la cadre de l’article 453 C.P. à faire déclarer par les Tribunaux que CFLCo serait en défaut si elle livre l’énergie selon les directives de Terre‑Neuve plutôt que selon les stipulations du contrat.

A ce propos, et avec égard pour l’opinion contraire, je suis d’accord avec la Cour d’appel.

La Cour d’appel est d’accord avec le premier juge pour rejeter l’exception de litispendance.

3. Moyens soulevés par Churchill Falls

Churchill Falls reprend les moyens retenus par le premier juge. Elle ajoute qu’elle a catégoriquement refusé de se conformer à l’arrêté-en-conseil de Terre-Neuve et qu’elle a l’intention de se conformer au Contrat d’énergie.

Comme moyen subsidiaire, Churchill Falls soutient qu’il y a litispendance par suite de l’action de Terre-Neuve contre Churchill Falls et l’Hydro-Québec devant les tribunaux de Terre‑Neuve.

4. Applicabilité de l’art. 453 du Code de procédure civile

L’article 453 du Code de procédure civile se lit comme suit:

453. Celui qui a intérêt à faire déterminer immédiatement, pour la solution d’une difficulté réelle, soit son état, soit quelque droit, pouvoir ou obligation pouvant

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lui résulter d’un contrat, d’un testament ou de tout autre écrit instrumentaire, d’une loi, d’un arrêté en conseil, d’un règlement ou d’une résolution d’une corporation municipale, peut, par requête au tribunal, demander un jugement déclaratoire à cet effet.

Ce recours a été introduit en droit québécois par le nouveau Code de procédure civile en 1966. Voici ce qu’en disent les commissaires qui ont préparé le projet de Code:

Ce chapitre est de droit nouveau. Les Commissaires se sont déjà expliqués sur les motifs qui les avaient conduits à proposer l’action déclaratoire comme mesure de justice préventive. Ils ont même cru opportun d’adopter, pour certains cas, une procédure simplifiée.

Les cas prévus ne soulèveront, le plus souvent, qu’une simple question de droit, pour la solution de laquelle une contestation écrite serait superflue. Il a paru cependant nécessaire d’accorder au tribunal le pouvoir de permettre une telle contestation, ou encore de prescrire les mesures d’instruction qu’il jugerait utiles pour la solution des problèmes soulevés.

L’introduction de ce recours en droit québécois a nécessité une modification de la notion d’intérêt que l’on retrouvait aux art. 76 et 77 de l’ancien Code de procédure civile. Maintenant nous devons examiner l’intérêt du demandeur ou du requérant, le cas échéant, à la lumière de l’art. 55 du Code de procédure civile:

55. Celui qui forme une demande en justice, soit pour obtenir la sanction d’un droit méconnu, menacé ou dénié, soit pour faire autrement prononcer sur l’existence d’une situation juridique, doit y avoir un intérêt suffisant.

Afin de faire bien saisir les conditions requises pour qu’une personne puisse procéder par requête pour jugement déclaratoire, je crois qu’il est utile de citer ici certains passages du Rapport des commissaires relatifs à l’art. 55:

Cet article correspond aux articles 76 et 77 du code actuel, auxquels il apporte une triple modification:

2° Il exprime, en termes non équivoques, que l’on peut s’adresser à la justice, non seulement pour obtenir la sanction d’un droit violé, mais aussi pour assurer la sauvegarde d’un droit menacé, ou pour faire autrement prononcer sur l’existence ou le contenu d’une situation juridique;…

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Dans l’état actuel des choses, l’on peut dire, de façon générale, que les droits ne sont pas sanctionnés autrement que par la condamnation de celui qui les a violés; c’est par exception, en effet, que le justiciable peut s’adresser à la justice avant que ne soit effectivement consommée la violation de son droit.

Il y aurait peu à dire contre cette justice curative, si les droits n’étaient jamais violés que de propos délibéré. Mais l’expérience révèle que, bien souvent, le justiciable ne veut rien de plus que son droit, mais qu’il n’en connaît pas les limites, à cause de l’obscurité de la loi ou de la convention qui le régit. Ignorant ce qu’il doit faire — ou ce dont il doit s’abstenir — pour rester dans la légalité, le justiciable est dans un dilemme: ou bien se priver d’exercer tout son droit, par crainte d’en dépasser les limites ou bien courir le risque d’être poursuivi en justice pour avoir franchi une limite qu’il ne pouvait pas connaître.

Il est donc éminemment souhaitable que soit mis à la disposition des justiciables un moyen qui leur permette de faire déterminer d’avance, dans certaines conditions, le contenu de la situation juridique dans laquelle ils se trouvent. Or, ce moyen, c’est la procédure déclaratoire, suivant laquelle, lorsque deux justiciables sont en désaccord sur leurs droits ou obligations réciproques, l’un d’eux peut demander au tribunal de déclarer quels sont ses droits. Cette déclaration ne sera assortie d’aucune condamnation, mais, ayant force de chose jugée, elle s’imposera néanmoins au respect des parties.

Les objections que l’on pourrait élever contre cette forme de justice préventive sont:

1° que les tribunaux n’ont pas pour mission de donner des consultations; et,

2° que les demandes déclaratoires risquent d’amener l’encombrement des tribunaux.

A cela, il faut répondre que le jugement déclaratoire n’est pas une consultation, mais une décision qui a force de chose jugée, et que le moyen d’éviter l’abus que l’on craint «n’est pas de s’opposer systématiquement à la procédure, mais de se montrer très strict dans l’appréciation de l’intérêt allégué en exigeant que, d’une part, la menace soit grave et sérieuse au point de créer dès à présent un trouble précis, et que, d’autre part, la déclaration judiciaire sollicitée soit de nature à offrir au demandeur, non point une satisfaction purement théorique, mais une utilité concrète et déterminée». (SOLUS et PERROT, Droit judiciaire privé, t. 1, n° 233.)

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Or, on verra que ces moyens sont prévus au titre des jugements.

3° L’article prévoit en outre la nécessité d’un intérêt pour exercer un recours en justice; mais, à la différence de l’article 77 C.p., aux termes duquel «cet intérêt … peut n’être qu’éventuel», le texte proposé exige un «intérêt suffisant». Comme il est universellement admis que l’intérêt requis pour ester en justice doit exister au moment où se forme le recours, il est clair que la terminologie du Code n’est pas rigoureusement exacte; ce qu’on a voulu dire, sans doute, ce n’est pas que l’on peut s’adresser à la justice alors qu’on n’a pas encore intérêt à le faire, mais bien plutôt que l’intérêt requis pour former une demande peut découler d’un droit qui, lui, ne serait qu’éventuel, ce qui n’est pas du tout la même chose. Et comme la mesure de l’intérêt est toujours une question d’espèce, il importe que la règle soit exprimée en des termes qui laissent au tribunal le soin de la déterminer empiriquement. De là la modification proposée, qui est d’ailleurs essentielle si l’on admet la demande déclaratoire.

Il n’est pas plaidé que l’Hydro-Québec aurait dû procéder par action plutôt que par requête pour jugement déclaratoire. La présente affaire se distingue donc à ce point de vue de celle qui a été décidée dans Duquel c. Ville de Sainte-Agathe-des-Monts, [1977] 2 R.C.S. 1132, où le juge Pigeon, qui rend le jugement de la Cour, observe qu’il n’y a pas lieu de traiter la distinction entre la justice préventive et la justice curative comme si les commissaires l’avaient incorporée au texte législatif.

Il s’agit essentiellement de décider si l’Hydro-Québec a un intérêt à faire déterminer immédiatement la solution à une difficulté réelle pouvant résulter d’un des écrits mentionnés à l’art. 453 du Code de procédure civile.

Pour répondre à cette question, il faut examiner le contexte juridique dans lequel l’Hydro‑Québec se trouve présentement. Ce contexte juridique est le résultat de la série d’événements qui ressortent des allégations de la requête pour jugement déclaratoire, citées plus haut, et qu’il faut tenir pour avérées.

Que ressort-il de ces événements? Principalement ceci: bien que de fait, Churchill Falls ait refusé d’obtempérer à l’arrêté-en-conseil de Terre-

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Neuve il est possible que suite aux actes posés par celle-ci, elle puisse se voir obligée de s’y conformer pour des raisons d’ordre juridique. Ce qui aurait vraisemblablement pour effet de mettre Churchill Falls dans la quasi-impossibilité de répondre à ses engagements envers l’Hydro-Québec en vertu du Contrat d’énergie.

Or, comment interpréter cette impossibilité à la lumière du Contrat d’énergie? Voilà essentiellement la difficulté réelle et de nature clairement juridique que soulève le contexte actuel dans lequel se trouvent les parties au Contrat d’énergie.

L’Hydro-Québec se trouve dans l’incertitude quant à l’effet juridique sur le Contrat d’énergie de l’obligation possible de Churchill Falls de se conformer à l’arrêté-en-conseil. Elle fait ressortir de façon plus particulière dans son mémoire les questions de droit que le tribunal sera appelé à trancher et qui font clairement ressortir la difficulté réelle de droit à laquelle l’Hydro-Québec est susceptible de faire face:

Nous soumettons que, dans les circonstances, l’intimée pouvait légitimement proposer les questions suivantes à l’adjudication des tribunaux du Québec:

a) Si elle était par hypothèse bien fondée, la demande de Terre-Neuve basée sur la clause 2(e) de la Partie I du bail R-5 constituera-t-elle ou non un événement de force majeure au sens du contrat d’énergie, événement que l’appelante pourra dès lors opposer à l’intimée?

b) Doit-on lire des termes implicites dans le contrat d’énergie (implied terms) à l’effet que toutes ses dispositions sont sujettes à des droits antérieurs et prédominants du gouvernement de Terre-Neuve en vertu du bail R-5?

c) …

C’est dans cette perspective qu’il faut comprendre les conclusions, telles que libellées, de la requête pour jugement déclaratoire. Les conclusions sont évidemment rédigées sous la forme affirmative: elles ne sont en définitive que la solution suggérée par l’intimée aux questions qu’elle pose. C’est ce que, dans son mémoire, l’appelante refuse de voir et toute son argumentation repose sur une perception isolée des conclusions de la procédure sans égard pour le contexte juridique dans lequel elles ont été posées.

D’ailleurs les conclusions de la requête principale pourraient toujours être amendées pour mieux correspondre, au besoin, au litige soumis.

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C’est précisément ce qu’a fait le procureur de l’Hydro-Québec au cours de l’audition devant cette Cour. Il a en effet demandé l’autorisation d’amender la troisième conclusion de la requête pour jugement déclaratoire de telle sorte qu’elle se lise dorénavant comme suit:

DIRE et DECLARER que le défaut par l’Intimée de vendre et de livrer à la Requérante toute la puissance et l’énergie que peut générer la centrale hydroélectrique actuelle opérée par l’Intimée aux Chutes Churchill sur la Rivière Churchill conformément à la conclusion précédente constituerait un bris de contrat en vertu du contrat R-1 et un défaut nonobstant notamment les moyens invoqués par Terre-Neuve dans l’action Attorney-General of Newfoundland vs Churchill Falls (Labrador) Corporation Ltd. et al, 1976-812, Supreme Court of Newfoundland;

Parmi les moyens invoqués par Terre-Neuve et auxquels l’Hydro-Québec fait allusion dans cette conclusion amendée, on trouve les paragraphes 24 et suivants de la déclaration de l’action de Terre-Neuve, pièce R-9, annexée à la requête de l’Hydro-Québec. Ces paragraphes se lisent comme suit:

[TRADUCTION] 24. La demanderesse affirme qu’en vertu a) de la Partie I du bail et b) des articles 3 et 4 de la Loi, la première défenderese est tenue de se conformer à la demande formulée dans l’arrêté-en-conseil, nonobstant toute disposition prévue au contrat d’énergie.

25. Subsidiairement la demanderesse affirme que la demande formulée dans l’arrêté-en-conseil constitue une force majeure, selon la définition de ce terme contenue dans le contrat d’énergie, et qu’en conséquence, la première défenderesse ne sera ni assujettie aux pénalités prévues aux dispositions du contrat d’énergie, ni soumise à aucune autre obligation envers la seconde défenderesse parce qu’elle se conforme à cette demande et il n’y aura ni violation du contrat d’énergie, ni manquement à ce dernier. La demanderesse répète les allégations portées aux paragraphes 6 et 7 ci-dessus.

26. Subsidiairement encore, la demanderesse affirme que la seconde défenderesse a toujours su ou aurait dû savoir que, malgré les dispositions du contrat d’énergie, sur demande du gouvernement, la première défenderesse serait obligée en vertu du bail d’accorder priorité aux consommateurs d’électricité de la province de Terre-Neuve et, en raison de cela, il était ou aurait dû être entendu entre la première

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défenderesse et la seconde défenderesse que le contrat d’énergie comporte une clause implicite selon laquelle l’obligation imposée à la première défenderesse par le contrat d’énergie de livrer à la seconde défenderesse l’énergie hydro-électrique était assujettie en tout temps à l’obligation de la première défenderesse énoncée à l’alinéa (e) de la clause 2 de la Partie I du bail d’accorder, sur demande du gouvernement, la priorité aux consommateurs d’électricité de la province de Terre-Neuve. La demanderesse répète les allégations portées aux paragraphes 6 et 7 ci-dessus.

27. La demanderesse affirme qu’en se conformant à la demande formulée dans l’arrêté-en-conseil, la première défenderesse ne viole aucune des garanties portées aux conventions d’achat d’obligations ni ne viole aucune des dispositions portées (i) au contrat d’énergie, (ii) aux conventions d’achat d’obligations, (iii) à l’acte de fiducie de première hypothèque, (iv) à l’acte de fiducie d’hypothèque générale ou (v) à l’acte de débenture.

J’accorderais à l’Hydro-Québec, en vertu de l’art. 50 de la Loi sur la Cour suprême, sa requête pour autorisation d’amender.

S’il existait un doute quant aux véritables questions de droit que l’Hydro-Québec demande au tribunal d’examiner, je crois que cet amendement aux conclusions de la requête a pour résultat d’y mettre fin.

L’Hydro- Québec veut essentiellement savoir si le fait pour Churchill Falls d’être dans l’impossibilité de remplir ses engagements en vertu du Contrat d’énergie en raison de son obligation éventuelle de répondre à la demande d’énergie électrique de Terre-Neuve, constitue un cas de défaut ou un cas de force majeure en vertu du Contrat d’énergie.

La question est importante puisque l’article 17.1 du Contrat d’énergie énonce quels seront les effets d’un cas de force majeure sur les droits et obligations réciproques des parties.

Je suis donc d’avis qu’il s’agit là d’une difficulté de droit et non de fait résultant d’un contrat, pour la solution de laquelle l’Hydro-Québec peut se pourvoir en requête pour jugement déclaratoire.

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Churchill Falls soutient que la seule difficulté apparente est due à l’arrêté-en-conseil qui constitue l’acte d’un tiers et que pour sa part elle a toujours manifesté son intention de se conformer au Contrat d’énergie.

Il est vrai que la menace et la difficulté n’ont pas été causées directement par l’acte de Churchill Falls. Mais les procédures intentées par Terre-Neuve visent essentiellement à forcer Churchill Falls à se conformer à l’arrêté-en-conseil. La décision de Churchill Falls de se conformer ou non à cet arrêté-en-conseil ne lui revient plus exclusivement. Maintenant ce sont les tribunaux de Terre-Neuve qui décideront en droit, entre autres choses qu’ils auront à décider, si Churchill Falls doit refuser ou non d’obtempérer à l’arrêté-en-conseil et celle-ci devra se conformer à l’ordre du tribunal.

L’Hydro-Québec se trouve donc actuellement menacée de voir Churchill Falls obligée de refuser d’exécuter ses obligations en vertu du Contrat d’énergie et elle se demande à juste titre comment ce refus affectera les droits des parties au Contrat d’énergie.

De plus, il n’est pas nécessaire que Churchill Falls ait dès maintenant refusé de se conformer au Contrat d’énergie pour que la Cour supérieure se prononce sur les droits des parties au contrat. L’utilité du nouveau recours déclaratoire dont l’Hydro- Québec tente de se prévaloir est précisément de permettre au justiciable de sauvegarder un droit menacé. Comme l’affirment les commissaires, «l’intérêt requis pour former une demande peut découler d’un droit qui, lui, ne serait qu’éventuel». Ce qui importe c’est que l’intérêt à obtenir une solution à une difficulté réelle soit actuel. Or je crois que l’Hydro-Québec possède actuellement cet intérêt.

Il pourrait en aller autrement, si sans aucune manifestation d’intention de la part de Terre-Neuve de se prévaloir de la clause 2(e) de la Partie I du bail, l’Hydro-Québec entretenait des doutes sur l’effet d’une éventuelle demande d’énergie par Terre-Neuve en vertu de cette clause, sur la situation juridique des parties au Contrat d’énergie. Dans ce cas l’intérêt de l’Hydro-Québec pour solliciter du tribunal un jugement déclaratoire serait

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peut-être défaillant et il pourrait y avoir lieu de dire que le jugement sur la requête n’apporterait qu’une «satisfaction purement théorique» et ne lui serait d’aucune «utilité concrète et déterminée».

Ce n’est pas notre cas. L’arrêté-en-conseil de Terre-Neuve a été effectivement passé et des procédures judiciaires destinées à contraindre Churchill Falls à s’y conformer ont été effectivement intentées.

La difficulté qui n’était que potentielle s’est donc concrétisée et est devenue réelle ainsi que l’intérêt qu’aurait pu éventuellement avoir l’Hydro- Québec à faire statuer sur l’ambiguïté de la situation juridique dans laquelle les parties au Contrat d’énergie pouvaient être placées.

Je ne crois pas que l’Hydro-Québec demande simplement de répéter des dispositions non ambiguës du Contrat d’énergie. Il est vrai que, prises isolément, les deux premières conclusions de sa requête pour jugement déclaratoire paraissent quelque peu tautologiques. Mais le procureur de Churchill Falls qui s’est demandé ce qui adviendrait, avec de telles conclusions, s’il confessait jugement, s’est bien gardé de le faire. Ces conclusions doivent être lues à la lumière des allégations de la requête et du contexte qu’elles décrivent. Elles doivent aussi être lues à la lumière de la troisième conclusion qui elle, n’est pas tautologique même si elle manquait de précision avant l’amendement. D’ailleurs, l’Hydro-Québec pourra de nouveau amender en Cour supérieure si elle le juge nécessaire et en obtient l’autorisation: des raisons de pure forme ne doivent pas faire obstacle à la solution d’une difficulté réelle visée par l’art. 453 du Code de procédure civile, et cette difficulté, encore une fois, consiste à qualifier, à la lumière de l’interprétation qu’il faut donner au Contrat d’énergie, l’empêchement dans lequel Churchill Falls est susceptible de se trouver.

Avec égard pour l’opinion contraire, je ne crois pas qu’il soit demandé au tribunal d’interpréter l’arrêté-en-conseil adopté par Terre-Neuve. Ce qui est demandé au tribunal c’est, entre autres, de décider si un empêchement pour une partie au Contrat d’énergie de remplir ses engagements contractuels, causé par une demande de Terre-Neuve,

[Page 108]

constitue un cas de défaut en vertu du contrat. Ce qu’il s’agit d’interpréter c’est le Contrat d’énergie et non l’arrêté-en-conseil de Terre-Neuve.

J’en viens donc à la conclusion que l’Hydro-Québec est dans les conditions voulues pour requérir un jugement déclaratoire et je rejetterais le premier moyen invoqué par Churchill Falls à l’encontre de la requête pour jugement déclaratoire.

5. L’exception de litispendance

Comme moyen subsidiaire de non recevabilité à l’encontre de la requête pour jugement déclaratoire, Churchill Falls soutient qu’il y a litispendance suite à l’action déclaratoire entreprise par Terre-Neuve contre Churchill Falls et l’Hydro-Québec devant les tribunaux de Terre-Neuve.

La Cour supérieure et la Cour d’appel ont rejeté ce moyen subsidiaire, estimant qu’il n’y avait pas, entre les deux procédures, les trois identités de cause, d’objet et de parties, qui caractérisent la litispendance. Je crois qu’elles ont raison.

Cependant, Churchill Falls soutient que ce n’est pas la litispendance classique qu’elle invoque, mais cette «espèce de litispendance» à laquelle le juge Pigeon fait allusion dans le passage suivant de l’arrêt Duquet, précité, à la p. 1138:

Avec respect, je dois dire que la décision de la Cour d’appel fait rien moins que rayer du Code l’art. 453. En effet, quand aura-t-on une «difficulté réelle» qui ne constitue pas un «litige» au sens qu’elle donne à ce mot? Il ne s’agit pas d’un cas où il y aurait déjà une autre instance introduite, ce qui serait une situation tout à fait différente, une espèce de litispendance.

Ce que le juge Pigeon voulait expliquer, je pense, c’est qu’il faut empêcher le justiciable d’avoir recours à des procédures déclaratoires dans le but d’échapper à la juridiction d’un tribunal dont la compétence n’est ni contestée ni contestable et qui est déjà saisi d’un litige soulevant les mêmes questions de droit.

C’est d’ailleurs en ce sens que fut interprétée cette expression dans Ville de Montréal c. Bureau des examinateurs électriciens de la province de

[Page 109]

Québec, [1977] C.S. 851 et Campisi c. Procureur général du Québec, [1978] C.A. 520.

Dans le premier cas, la ville de Montréal demandait à la cour par voie de requête pour jugement déclaratoire, un jugement à l’effet que certains de ses dispositifs de signalisation n’étaient pas soumis à la Loi des électriciens et installations électriques. Croyant erronément que l’on avait déjà porté des plaintes pénales à l’encontre de la ville de Montréal en vertu de cette même loi et que la Cour des sessions de la paix en était toujours saisie, le juge Gratton a été d’avis que l’on retrouvait cette «espèce de litispendance» entre les deux procédures.

Voici comment il s’exprime aux pp. 852 et 853:

Dans le présent cas, la requérante veut se soustraire à l’application du chapitre 152 des Statuts refondus du Québec, 1964, au moyen d’un jugement déclaratoire qui déciderait que son système de signalisation à fonctions variables n’est pas une installation électrique au sens du paragraphe 3 de l’article 2. Ainsi elle n’aurait pas à demander un permis ni être soumise au contrôle des inspecteurs et éviterait les poursuites pénales prévues aux articles 34 et 40 de la Loi.

La requérante allègue un intérêt, mais la menace, si grave et sérieuse pour causer un trouble précis, origine des plaintes portées devant la Cour des Sessions de la paix. Il y a ici une espèce de litispendance, ce qui est situation tout à fait différente, comme le dit l’honorable juge Pigeon. Même si on a voulu rendre la requête sous 453 C.P. largement applicable, ceci ne peut aller aussi loin que de priver une Cour inférieure d’exercer sa juridiction, comme l’écrit l’honorable juge Bélanger.

Même si la requérante, face à l’objection, a fait valoir l’arrêt Duquet c. Ville de Ste‑Agathe, on constate une nuance entre les deux situations. Le litige, dans cet arrêt, était mû entre des parties sous la juridiction de la Cour supérieure. Actuellement, la Cour des Sessions de la paix est saisie du litige et a tous les pouvoirs pour renvoyer la plainte si elle le juge à propos. Il y a donc ici «une espèce de litispendance» pour employer l’expression de l’honorable juge Pigeon.

Ce jugement a été infirmé par un arrêt inédit de la Cour d’appel (C.A.M. 500-009-001317-775, en date du 8 janvier 1981) à cause de l’erreur de fait commise par le premier juge, mais la Cour d’appel ne lui donne pas tort sur le droit. Le juge Bélanger

[Page 110]

qui rend le jugement de la Cour d’appel écrit:

Il se peut qu’avec les renseignements qu’on lui a fournis, la décision du premier juge ait été justifiée, ce que je n’ai pas toutefois à décider.

Dans l’arrêt Campisi, il s’agissait d’une requête pour jugement déclaratoire portant sur l’interprétation de l’art. 73a) de la Charte de la langue française. Cependant les requérants, qui s’étaient vu refuser l’inscription de leurs enfants au secteur anglais de deux commissions scolaires, s’étaient pourvus en appel de cette décision devant la Commission d’appel instituée en vertu de la Charte. La Cour d’appel a décidé que la requête en jugement déclaratoire était irrecevable, les requérants ayant soumis leur difficulté à la Commission d’appel dont les décisions sont sans appel. On a été d’avis qu’il s’agissait là d’une «espèce de litispendance» dans le sens de l’arrêt Duquet, précité. Le juge Turgeon a ajouté pour sa part que même si la Cour supérieure avait juridiction concurrente avec la Commission d’appel, la Cour d’appel doit s’abstenir de se prononcer afin d’éviter des décisions contradictoires.

Je ne crois pas qu’en l’espèce on puisse retrouver cette litispendance entre les procédures intentées devant les tribunaux de Terre-Neuve et la présente requête pour jugement déclaratoire.

Il me semble en effet impossible de conclure que l’Hydro-Québec a voulu échapper à la juridiction des tribunaux de Terre-Neuve quand selon les termes même du Contrat d’énergie seuls les tribunaux du district de Montréal ont juridiction pour décider de tout litige pouvant naître entre les parties au contrat.

De plus, s’il y avait, à l’origine, un risque de décisions contradictoires dans les deux procédures à cause du libellé des conclusions d), e) et f) de l’action de Terre-Neuve, ce danger est maintenant disparu avec la décision de la Cour d’appel de Terre-Neuve de retrancher ces paragraphes des conclusions recherchées.

Il me semble clair que les deux procédures en question soulèvent des questions juridiques différentes. Dans la procédure intentée à Terre-Neuve, il s’agit d’interpréter le contrat de bail intervenu

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entre le Gouvernement de cette province et Churchill Falls. Dans la procédure intentée au Québec, il s’agit d’interpréter le Contrat d’énergie qui lie l’Hydro-Québec et Churchill Falls.

Je suis donc d’avis de rejeter ce second moyen invoqué par Churchill Falls à l’encontre de la requête pour jugement déclaratoire.

6. Conclusion

Je rejetterais le pourvoi avec dépens.

Le pourvoi de Terre-Neuve est accueilli. Le pourvoi de Churchill Falls est rejeté.

Procureurs de l’appelante et mise en cause Sa Majesté la Reine du chef de la province de Terre-Neuve: Phillips & Vineberg, Montréal.

Procureurs de l’appelante et mise en cause Churchill Falls (Labrador) Corporation Limitée: Desjardins, Ducharme, Desjardins & Bourque, Montréal.

Procureurs de l’intimée: Geoffrion & Prud’Homme, Montréal.

Procureurs de la mise en cause Cie Trust Royal: Lavery, O’Brien, Montréal.


Synthèse
Référence neutre : [1982] 2 R.C.S. 79 ?
Date de la décision : 09/08/1982
Sens de l'arrêt : Le pourvoi de terre-neuve est accueilli. le pourvoi de churchill falls est rejeté

Analyses

Tribunaux - Juridiction - Contrat - Clause attributive de juridiction aux tribunaux québécois - Requête en jugement déclaratoire intentée au Québec - Terre-Neuve non partie au contrat - Tribunaux québécois sans juridiction face a Terre-Neuve - Code de procédure civile, art. 68, 454, 456.

Procédure civile - Requête en jugement déclaratoire - Contrat - Difficulté de droit réelle - Difficulté due h l’acte d’un tiers - Intérêt requis pour se prévaloir du recours déclaratoire - Exception de litispendance - Code de procédure civile, art. 55, 453.

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Churchill Falls exploite les ressources hydroélectriques des chutes Churchill en vertu d’un bail consenti par Terre-Neuve. Par contrat, Hydro-Québec s’est engagée à acheter et Churchill Falls à vendre la presque totalité de cette production. Par arrêté en conseil, Terre‑Neuve, prétendant exercer un droit en vertu du bail, a requis Churchill Falls de lui fournir, à compter du 1er octobre 1983, 800 mégawatts d’énergie. Devant son refus d’obtempérer, le procureur général de cette province a pris une action déclaratoire contre elle et Hydro‑Québec en Cour suprême de Terre-Neuve. De son côté Hydro-Québec, s’appuyant sur la clause attributive de juridiction prévue au contrat d’énergie, a présenté en Cour supérieure du district de Montréal une requête en jugement déclaratoire. Dans un premier jugement, la Cour supérieure a accueilli l’exception déclinatoire de Terre-Neuve à l’encontre de la requête et, dans un deuxième, la requête en irrecevabilité de Churchill Falls. La Cour d’appel a infirmé les deux jugements.

Arrêt: Le pourvoi de Terre-Neuve est accueilli. Le pourvoi de Churchill Falls est rejeté.

1) L’exception déclinatoire: Un contrat ne peut être attributif de juridiction à l’encontre d’une personne qui lui est étrangère. En l’espèce, la juridiction ratione personae sur Churchill Falls que le contrat d’énergie confère à la Cour supérieure du district de Montréal ne s’étend pas à Terre-Neuve, celle-ci n’étant pas partie au contrat. Les répercussions possibles sur le contrat d’actes posés par Terre-Neuve dans cette province n’ont pas non plus pour effet de conférer juridiction au tribunal québécois en vertu de l’art. 68 C.p.c. Hydro-Québec, en prenant des conclusions spécifiques contre Terre-Neuve pour que le jugement à venir lui soit opposable, est allée au-delà des exigences de l’art. 454 C.p.c.

2) La requête en irrecevabilité: Pour se prévaloir du recours déclaratoire, il faut que l’intérêt à obtenir une solution à une difficulté réelle de droit soit actuel, peu importe que la difficulté soit due à l’acte d’un tiers. En l’espèce, Hydro-Québec possède cet intérêt puisque depuis que l’arrêté en conseil de Terre-Neuve a été adopté et que des procédures judiciaires ont été intentées pour forcer Churchill Falls à s’y conformer, HydroQuébec se trouve dans l’incertitude quant à l’effet juridique sur le contrat d’énergie de l’obligation possible de Churchill Falls d’obtempérer à la demande d’énergie de Terre-Neuve. Enfin, il n’y avait pas ici de litispendance ou une «espèce de litispendance» entre les procédures intentées devant les tribunaux de Terre-Neuve et la présente requête pour jugement déclaratoire puisque les deux procédures soulèvent des questions juridiques différentes.

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Parties
Demandeurs : R. du chef de Terre-Neuve
Défendeurs : Commission Hydro-Electrique de Québec

Références :

Jurisprudence: distinction faite avec les arrêts: Porter Co. c. Constructions du St-Laurent Ltée, [1952] B.R. 662

Edelstein c. Kert Manufacturing Co., [1970] R.P. 179

Procon (Great Britain) Ltd. c. Golden Eagle Co., [1976] C.A. 565

Duquet c. Ville de Sainte-Agathe-des-Monts, [1977] 2 R.C.S. 1132

Ville de Montréal c. Bureau des examinateurs électriciens de la province de Québec, [1977] C.S. 851

Campisi c. Procureur général du Québec, [1978] C.A. 520

arrêt approuvé: Union Oil Co. of Canada Ltd. v. The Queen in right of Canada (1974), 52 D.L.R. (3d) 388 confirmé par [1976] 1 C.F. 74

arrêts mentionnés: Attorney-General of Newfoundland v. Churchill Falls (Labrador) Corp. (1980), 109 D.L.R. (3d) 146

Gouvernement de la République démocratique du Congo c. Venne, [1971] R.C.S. 997

Gignac c. Siscoe Metals Ltd., [1944] B.R. 192.

Proposition de citation de la décision: R. du chef de Terre-Neuve c. Commission Hydro-Electrique de Québec, [1982] 2 R.C.S. 79 (9 août 1982)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1982-08-09;.1982..2.r.c.s..79 ?
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