Synthèse
Référence neutre : [1982] 1 R.C.S. 175
Date de la décision :
26/01/1982Sens de l'arrêt :
Le pourvoi est rejeté
Analyses
Droit criminel—Mandats de perquisition—Droit d'examiner les mandats de perquisition et les dénonciations sur lesquelles ils se fondent—Les «personnes concernées» sont‑elles les seules à avoir accès aux documents ou le grand public y a‑t‑il également accès?—Y a‑t‑il un droit d'examiner le mandat de perquisition seulement après son exécution ou l'audition relative aux mandats de perquisition est‑elle publique?—Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C‑34, art. 443, 446.
L'intimé, qui est journaliste enquêteur, s'est vu refuser l'accès aux mandats de perquisition et aux pièces justificatives par l'appelant Grainger, le juge de paix qui avait délivré les mandats, pour le motif que le public en général ne peut avoir accès à ces documents pour les consulter. En première instance, on a statué que l'intimé avait droit à un jugement déclarant que les mandats de perquisition exécutés et les dénonciations qui s'y rapportent, qui se trouvent sous la garde du juge de paix ou d'un fonctionnaire d'une cour, sont des pièces judiciaires que le grand public peut consulter. En rejetant l'appel de cette décision, la Cour d'appel a déclaré que le public a le droit de consulter les dénonciations à l'origine des mandats de perquisition délivrés en application de l'art. 443 du Code criminel et que tous les particuliers, y compris ceux que les mandats pourraient viser, ont le droit d'être présents à l'audience publique quand les mandats ont été délivrés.
Arrêt (les juges Martland, Ritchie, Beetz et Estey sont dissidents): Le pourvoi est rejeté.
Le juge en chef Laskin et les juges Dickson, McIntyre, Chouinard et Lamer: Après qu'un mandat de perquisition a été exécuté et que les objets trouvés pendant la perquisition ont été portés devant un juge de paix, le public a le droit d'examiner le mandat et la dénonciation par suite de laquelle il a été délivré. Restreindre l'accès du public ne peut se justifier que si la nécessité de protéger d'autres valeurs sociales a préséance. Dans le cas où un mandat de perquisition est délivré, mais sans que rien ne soit trouvé, la protection de l'innocent est une des valeurs sociales qui ont préséance. De plus, le droit du public à une administration efficace de la justice doit l'emporter sur son droit d'accès de sorte que les procédures qui portent sur la délivrance du mandat peuvent se dérouler à huis clos. Autrement, l'occupant des lieux à perquisitionner pourrait faire disparaître les pièces. Toutefois, après l'exécution du mandat, il n'est plus nécessaire de préserver le caractère confidentiel. A ce stade, le public aussi bien que les personnes directement concernées ont le droit de consulter le mandat et la dénonciation qui s'y rapporte.
Les juges Martland, Ritchie, Beetz et Estey (dissidents): Pour les motifs exprimés par le juge Dickson, la déclaration générale faite par la Cour d'appel n'est pas défendable. L'intimé ne peut prétendre à un droit de consulter les mandats de perquisition et les dénonciations qui s'y rapportent sous prétexte que la délivrance des mandats de perquisition est un acte judiciaire accompli au cours d'une audience publique à laquelle le public a le droit d'être présent.
Les procédures qui ont lieu devant un juge de paix en application de l'art. 443, et qui font partie de la procédure d'enquête criminelle, ne sont pas assimilables aux procédures du procès qui doivent généralement se dérouler en audience publique. Autoriser le public à consulter les documents que détient le juge de paix n'équivaut pas au droit du public d'assister à l'audience et de suivre les procédures. Il y a lieu de restreindre l'accès à ces documents aux personnes qui peuvent démontrer qu'elles sont concernées de façon directe et réelle. Il n'y a aucun droit général d'examiner les mandats de perquisition et les dénonciations qui s'y rapportent.
[Jurisprudence: Inland Revenue Commissioners v. Rossminster Ltd., [1980] 2 W.L.R. 1; R. v. Solloway Mills & Co., [1930] 3 D.L.R. 293; Realty Renovations Ltd. v. Attorney‑General for Alberta et al. (1978), 44 C.C.C. (2d) 249; Southam Publishing Company v. Mack (1959‑60), 2 Crim. L.Q. 119; Nixon v. Warner Communications, Inc. (1978), 98 S. Ct. 1306; R. v. Wright, 8 T.R. 293; Gazette Printing Co. c. Shallow (1909), 41 R.C.S. 339; Scott v. Scott, [1913] A.C. 417; McPherson v. McPherson, [1936] A.C. 177.]
POURVOI contre un arrêt de la Cour d'appel de la Nouvelle‑Écosse (1980), 110 D.L.R. (3d) 289, 52 C.C.C. (2d) 161, 38 N.S.R. (2d) 633, 69 A.P.R. 633, qui a rejeté l'appel formé contre le jugement du juge Richard. Pourvoi rejeté, les juges Martland, Ritchie, Beetz et Estey sont dissidents.
Reinhold M. Endres et Mollie Gallagher, pour les appelants.
Robert Murrant et Gordon Proudfoot, pour l'intimé.
J. A. Scollin, c.r., et S. R. Fainstein, pour l'intervenant le procureur général du Canada.
S. Casey Hill, pour l'intervenant le procureur général de l'Ontario.
Ronald Schacter, pour l'intervenant le procureur général du Québec.
Eugene D. Westhaver, pour l'intervenant le procureur général du Nouveau‑Brunswick.
E. Robert A. Edwards, pour l'intervenant le procureur général de la Colombie‑Britannique.
Kenneth W. MacKay, pour l'intervenant le procureur général de la Saskatchewan.
Y. Roslak, c.r., et Lloyd Nelson, pour l'intervenant le procureur général de l'Alberta.
Alan D. Gold, pour l'intervenante la Canadian Civil Liberties Association.
Version française du jugement du juge en chef Laskin et des juges Dickson, McIntyre, Chouinard et Lamer rendu par
1. Le Juge Dickson—L'appelant Ernest Harold Grainger est le greffier principal de la Cour de magistrat provinciale à Halifax et il est aussi juge de paix. A ce dernier titre, il a décerné des mandats de perquisition. L'intimé, Linden MacIntyre, est journaliste de la télévision au service de la Société Radio‑Canada. A l'époque en cause, M. MacIntyre faisait des recherches sur une affaire de favoritisme politique et de souscription de fonds. M. MacIntyre a demandé à M. Grainger de lui laisser voir les mandats de perquisition et les documents justificatifs. M. Grainger a refusé pour le motif que le public en général ne peut avoir accès à ces documents pour les consulter. M. MacIntyre a alors entamé des procédures devant la Division de première instance de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse pour obtenir une ordonnance portant que les mandats de perquisition, et les dénonciations qui s'y rapportent, décernés en application de l'art. 443 du Code criminel, S.R.C. 1970, c. C‑34, ou de toute autre loi semblable ou connexe sont du domaine public et accessibles à un particulier sur demande raisonnable.
I
2. Le juge Richard, de la Division de première instance de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse, a rendu un jugement faisant droit à la requête de M. MacIntyre. Il a conclu que M. MacIntyre avait droit à un jugement déclarant que les mandats de perquisition [TRADUCTION] «qui ont été exécutés», et les dénonciations qui s'y rapportent, qui se trouvent sous la garde du juge de paix ou d'un fonctionnaire d'une cour, sont des pièces judiciaires que le grand public peut consulter.
3. L'appel interjeté par le procureur général de la Nouvelle‑Écosse et M. Grainger à la Division d'appel de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse a été rejeté. La Division d'appel s'est fondée sur des motifs beaucoup plus larges que ceux du juge Richard. L'ordonnance qui rejette l'appel comporte une déclaration selon laquelle [TRADUCTION] «un particulier a le droit de consulter les dénonciations à l'origine des mandats de perquisition délivrés en application de l'art. 443 du Code criminel du Canada». La cour a également déclaré que M. MacIntyre avait le droit d'être présent à l'audience publique quand les mandats ont été délivrés. Ce droit, selon la Division d'appel, s'étend à tout particulier, et même aux personnes que les mandats de perquisition pourraient viser.
4. Cette Cour a accordé l'autorisation d'appeler du jugement et de la déclaration de la Division d'appel. Le procureur général du Canada et les procureurs généraux des provinces de l'Ontario, du Québec, du Nouveau‑Brunswick, de la Colombie‑Britannique, de la Saskatchewan et de l'Alberta sont intervenus pour appuyer l'appelant, le procureur général de la Nouvelle‑Écosse. La Canadian Civil Liberties Association est intervenue en faveur de M. MacIntyre.
5. Bien que M. MacIntyre se trouve être journaliste au service de la Société Radio‑Canada, il a soutenu, au cours de toutes les procédures, que sa situation n'était pas meilleure que celle des simples particuliers. Il ne prétend à aucun statut spécial en tant que journaliste.
II
6. On peut définir de façon générale un mandat de perquisition comme un ordre délivré par un juge de paix, en vertu de pouvoirs accordés par la loi, autorisant une personne désignée à pénétrer dans un lieu déterminé, pour y chercher et saisir des objets déterminés qui fournissent la preuve de la perpétration réelle d'une infraction ou de l'intention d'en perpétrer une. Un mandat peut être décerné par suite d'une dénonciation faite sous serment accompagnée de la preuve qu'il y a des motifs raisonnables de le décerner. Les objets saisis doivent être transportés devant le juge de paix qui a décerné le mandat pour qu'il en dispose conformément à la loi.
7. Les mandats de perquisition se situent dans la phase d'enquête antérieure au procès en droit criminel; ils servent souvent au début de l'enquête et avant que l'identité de tous les suspects soit connue. Pour protéger l'intérêt public par la recherche et la répression efficaces du crime, le Parlement a, en adoptant l'art. 443 du Code, légalisé ce qui serait autrement une introduction illégale dans un endroit et une saisie illégale de biens. La délivrance d'un mandat de perquisition est un acte judiciaire fait par le juge de paix, habituellement ex parte et à huis clos, à cause de la nature même des procédures.
8. Le mandat de perquisition a acquis, depuis quelques années, une importance croissante comme moyen d'enquête parce que le crime et les criminels deviennent de plus en plus astucieux et que la fréquence des crimes économiques s'accroît. L'efficacité d'une perquisition faite à la suite de la délivrance d'un mandat dépend beaucoup du moment de l'exécution, du degré de confidentialité qui entoure la délivrance du mandat et de l'élément de surprise qui accompagne la perquisition.
9. Comme il arrive souvent dans une société libre, il y a ici deux aspects de l'intérêt public qui s'affrontent. Le premier ressortit aux libertés fondamentales et à la protection de la personne contre toute atteinte à la jouissance de ses biens. Il y a un avantage public manifeste et important à éviter les perquisitions arbitraires et les saisies illégales. L'autre aspect concurrent de l'intérêt public tient à la détection et à la preuve efficaces du crime ainsi qu'à l'arrestation et à la condamnation rapides des délinquants. L'utilisation à bon escient de mandats de perquisition renforce la protection qu'assure au public l'application efficace de la loi.
10. En soupesant ces aspects de l'intérêt public, le législateur a fait un choix de principe clair. Il a fait prédominer les éléments de l'intérêt public que sont la détection, l'investigation et la répression des crimes sur l'intérêt particulier. Dans toute la mesure de sa portée, l'art. 443 a été adopté pour faciliter l'administration de la justice et l'application des dispositions du Code criminel.
III
11. Le Code criminel fournit peu d'indications sur la question de l'accès du grand public aux mandats de perquisition et aux dénonciations qui les justifient. Peu de choses ont été écrites sur le sujet. Le procureur général de la Nouvelle‑Écosse appelant a invoqué l'ouvrage de Taylor, intitulé Treatise on the Law of Evidence (11e éd. 1920), une annotation à l'Ordonnance 63, règle 4, des Règles de cours anglaises et l'arrêt Inland Revenue Commissionners v. Rossminster Ltd., [1980] 2 W.L.R. 1. Ces sources indiquent que, d'après la pratique anglaise, il n'y a pas de droit absolu d'examiner et de copier les dossiers et pièces judiciaires. Le droit n'existe que si la personne peut faire la preuve d'un intérêt certain et immédiat ou d'un droit de propriété sur les pièces.
12. Il semble clair qu'une personne qui est directement concernée par le mandat peut examiner la dénonciation et le mandat après que ce dernier a été exécuté. La raison en est, dans ce cas, que la partie concernée a le droit de demander l'annulation ou la cassation du mandat de perquisition qui se fonde sur une dénonciation viciée. ( R. v. Solloway Mills & Co., [1930] 3 D.L.R. 293 (C.S. Alta.)). Ce droit ne peut s'exercer que si le requérant peut examiner le mandat et la dénonciation immédiatement après que celui‑ci a été exécuté. Le juge MacDonald, de la Cour suprême de l'Alberta, traite ce point dans l'affaire Realty Renovations Ltd. v. Attorney‑General for Alberta et al. (1978), 44 C.C.C. (2d) 249, aux pp. 253 et 254:
[TRADUCTION] Puisque la délivrance d'un mandat de perquisition est un acte judiciaire et non un acte administratif, il me paraît fondamental que, pour pouvoir exercer le droit de contester la validité d'un mandat de perquisition, la partie concernée ou son avocat puisse examiner le mandat de perquisition et la dénonciation sur laquelle il se fonde. Bien qu'il n'existe pas d'appel de la délivrance d'un mandat de perquisition, une cour supérieure a le droit, par bref de prérogative, de réviser l'acte du juge de paix qui délivre le mandat. Pour bien présenter sa requête, le requérant doit en connaître les raisons ou motifs qui tiennent fort probablement à la formulation de la dénonciation ou du mandat. Je ne puis rien voir d'autre qu'un déni de justice si l'on cache la teneur de la dénonciation et du mandat, après l'exécution de celui‑ci, jusqu'à ce que la police ait terminé l'enquête ou jusqu'à ce que le substitut du procureur général décide de permettre la consultation du dossier où se trouve le mandat. Une telle restriction pourrait de fait retarder, sinon empêcher, la révision de l'acte judiciaire du juge de paix qui a délivré le mandat. Si un mandat est nul, il faut le déclarer nul dès que possible; le plus tôt on peut présenter la requête en annulation, le mieux on protège les droits de la personne.
13. Le procureur général de la Nouvelle‑Écosse appelant ne conteste pas le droit d'une «partie concernée» d'examiner les mandats et les dénonciations après exécution. Il soutient que M. MacIntyre, un simple citoyen, qui n'est pas directement touché par la délivrance du mandat, n'a pas de droit d'examen. La question est donc de savoir si on peut faire une distinction, en droit, quant à l'accessibilité, entre les personnes qu'on peut qualifier de «parties concernées» et les particuliers qui ne peuvent faire la preuve d'aucun intérêt spécial dans les procédures.
14. Il semble n'y avoir que deux arrêts canadiens qui ont examiné la question. Dans (1959‑60), 2 Crim. L.Q. 119, on fait état de l'affaire Southam Publishing Company v. Mack, une décision non publiée rendue en chambre par le juge Greschuk de la Cour suprême à Calgary (Alberta). Il a accordé un mandamus qui enjoignait à un magistrat de laisser un journaliste du Calgary Herald consulter la dénonciation et les plaintes que le magistrat avait en sa possession relativement à des affaires dont il s'était occupé à une date donnée.
15. Dans Realty Renovations Ltd. v. Attorney‑General for Alberta, précité, le juge MacDonald termine son jugement en ces termes:
[TRADUCTION] Je déclare de plus qu'après l'exécution du mandat de perquisition, la dénonciation qui l'appuie et le mandat deviennent des pièces du dossier judiciaire qui peuvent être consultées sur demande.
Il n'est que juste cependant de souligner que dans cette affaire‑là, la personne qui demandait à voir les pièces était une «partie concernée», et, en conséquence, la déclaration générale précitée va, à proprement parler, au‑delà de ce qui était requis pour trancher l'affaire.
16. Les tribunaux américains reconnaissent un droit général de consulter et de copier les dossiers et documents publics, y compris les dossiers et documents judiciaires. Ce droit de common law a été admis, par exemple, par les tribunaux du district de Columbia (Nixon v. Warner Communications, Inc. (1978), 98 S. Ct. 1306). Dans cet arrêt, le juge Powell, qui expose l'opinion de la Cour suprême des États‑Unis, fait remarquer, à la p. 1311:
[TRADUCTION] Aussi bien le requérant que les intimées reconnaissent l'existence d'un droit, en common law, d'accès aux dossiers judiciaires, mais ils sont en complet désaccord sur son étendue et sur les circonstances qui en justifient la limitation. Etant peu souvent débattus en cour, les paramètres de ce droit n'ont pas été fixés avec précision.
Plus loin, à la p. 1312, le juge Powell dit:
[TRADUCTION] On a jugé que l'intérêt nécessaire pour justifier la délivrance d'une ordonnance qui oblige à laisser consulter peut être, par exemple, la volonté des simples citoyens de surveiller de près le fonctionnement des corps publics, voir par ex. State ex rel. Colscott v. King, 154 Ind. 621, 621‑627, 57 N.E. 535, 536‑538 (1900); State ex rel. Ferry v. Williams, 41 N.J.L. 332, 336‑339 (1879), et l'intention de l'éditeur d'un journal de faire paraître des renseignements sur le fonctionnement du gouvernement, voir par ex. State ex rel. Youmans v. Owens, 28 Wis.2d 672, 677, 137 N.W.2d 470, 472 (1965), modifié pour d'autres motifs, 28 Wis.2d 685a, 139 N.W.2d 241 (1966). Mais voir: Burton v. Reynolds, 110 Mich. 354, 68 N.W. 217 (1896).
17. En raison du petit nombre de décisions judiciaires, il est difficile, et probablement peu sage, de vouloir donner une définition exhaustive du droit de consulter les dossiers judiciaires ou une délimitation précise des facteurs dont il faut tenir compte pour déterminer s'il faut en permettre la consultation. La question qui nous est soumise est limitée aux mandats de perquisition et aux dénonciations. La solution de cette question me paraît dépendre de plusieurs grands principes généraux, notamment le respect de la vie privée des particuliers, la protection de l'administration de la justice, la réalisation de la volonté du législateur de faire du mandat de perquisition un outil efficace dans la détection du crime et, enfin, d'un principe cardinal d'intérêt public qui consiste à favoriser la «transparence» des procédures judiciaires. Bentham a énoncé de façon éloquente la justification de ce dernier principe dans les termes suivants:
[TRADUCTION] «Dans l'ombre du secret, de sombres visées et des maux de toutes formes ont libre cours. Les freins à l'injustice judiciaire sont intimement liés à la publicité. Là où il n'y a pas de publicité, il n'y a pas de justice.» «La publicité est le souffle même de la justice. Elle est l'aiguillon acéré de l'effort et la meilleure sauvegarde contre la malhonnêteté*. Elle fait en sorte que celui qui juge est lui‑même un jugement.»
18. Le fait que les mandats de perquisition peuvent être délivrés par un juge de paix à huis clos n'entame pas cette préoccupation de responsabilité. Au contraire, il donne du poids à la thèse en faveur de la politique d'accessibilité. Le secret qui préside d'abord à la délivrance de mandats peut occasionner des abus et la publicité a une grande influence préventive contre toute inconduite possible.
19. En bref, ce qu'il faut viser, c'est le maximum de responsabilité et d'accessibilité, sans aller jusqu'à causer un tort à un innocent ou à réduire l'efficacité du mandat de perquisition comme arme dans la lutte continue de la société contre le crime.
IV
20. Le procureur général de la Nouvelle‑Écosse appelant affirme que les mandats de perquisition ne concernent pas M. MacIntyre. M. MacIntyre n'est pas directement visé, en ce sens que ce ne sont pas ses locaux qui ont fait l'objet de la perquisition. Pourquoi devrait‑il alors avoir le droit d'en prendre connaissance?
21. L'appelant avance essentiellement deux arguments en faveur de sa thèse. Le premier pourrait s'appeler l'argument relatif au droit à la vie privée. On soutient que le droit à la vie privée des personnes qui ont fait l'objet de perquisitions serait violé si l'on permettait à quelqu'un comme M. MacIntyre de consulter les mandats. On allègue que les mandats sont délivrés sur la seule preuve de l'existence de «motifs raisonnables» de croire qu'il y a des éléments de preuve de la perpétration d'un acte criminel dans un «bâtiment, contenant ou lieu». A cette étape des procédures, aucune accusation criminelle n'a encore été portée et il n'est pas sûr qu'il en soit éventuellement porté. De plus, on délivre souvent des mandats pour perquisitionner dans les locaux d'un tiers qui n'a aucunement participé à une infraction, mais qui se trouve en possession d'un objet nécessaire à l'enquête. Pourquoi, demande‑t‑on alors, exposer ces personnes à l'embarras et à la suspicion générale en divulguant les mandats de perquisition?
22. Le second argument de l'appelant, qui n'est pas lié au premier, pourrait s'appeler l'argument relatif à «l'administration de la justice». On fait valoir que l'efficacité de la procédure par mandat de perquisition dépend largement de l'effet de surprise. Si l'occupant des lieux avait connaissance du mandat avant la perquisition il se déferait des biens. En conséquence, il faut empêcher le public d'avoir accès aux mandats, ce qui autrement irait à l'encontre du but de la loi et de l'intention du législateur exprimés dans l'art. 443 du Code criminel.
V
23. Je prends d'abord l'argument relatif à la vie privée. Ce n'est pas la première fois qu'on soulève cet argument devant les tribunaux. On a maintes fois soutenu que le droit des parties au litige de jouir de leur vie privée exige des audiences à huis clos. Il est aujourd'hui bien établi cependant que le secret est l'exception et que la publicité est la règle. Cela encourage la confiance du public dans la probité du système judiciaire et la compréhension de l'administration de la justice. En règle générale, la susceptibilité des personnes en cause ne justifie pas qu'on exclut le public des procédures judiciaires. Les remarques suivantes du juge Laurence dans R. v. Wright, 8 T.R. 293 sont pertinentes et le juge Duff les cite et confirme dans l'arrêt Gazette Printing Co. c. Shallow (1909), 41 R.C.S. 339, à la p. 359:
[TRADUCTION] Même si la publicité de ces procédures peut comporter des inconvénients pour la personne directement en cause, il est extrêmement important pour le public que les procédures des cours de justice soient connues de tous. L'avantage que tire la société de la publicité de ces procédures fait amplement contrepoids aux inconvénients que subit l'individu dont les agissements sont ainsi visés.
24. L'arrêt de principe est celui que la Chambre des lords a rendu dans l'affaire Scott v. Scott, [1913] A.C. 417. Dans l'affaire plus récente McPherson v. McPherson, [1936] A.C. 177, à la p. 200, lord Blanesburgh, qui prononce le jugement au nom du Conseil privé, parle de la «publicité» comme [TRADUCTION] «la marque authentique qui distingue l'acte judiciaire de l'acte administratif».
25. En fait, il est vrai que dans les affaires Scott v. Scott et McPherson v. McPherson, les procédures en étaient au stade du procès, alors que la délivrance d'un mandat de perquisition se fait au stade de l'enquête avant le procès. Ces arrêts cependant, ainsi que beaucoup d'autres que l'on pourrait citer, établissent le principe général de la «transparence» des procédures judiciaires, de quelque nature qu'elles soient, et de l'exercice des pouvoirs judiciaires. On retrouve avant le procès les mêmes raisons de principe qui soulèvent notre répugnance à interdire l'accessibilité au stade du procès, et il y a lieu de les considérer. Le législateur a jugé bon, et à juste titre, compte tenu de l'importance de la dérogation aux droits fondamentaux que reconnaît la common law, de confier au judiciaire la délivrance des mandats de perquisition et les dispositions à prendre à l'égard des biens saisis, s'il en est. Je puis difficilement accepter l'opinion qu'un acte judiciaire accompli au cours d'un procès soit assujetti à l'examen minutieux du public alors qu'un acte judiciaire accompli au stade précédant le procès soit gardé secret.
26. Les décisions publiées ne font généralement aucune distinction entre les procédures judiciaires qui font partie intégrante du procès et les autres. Les requêtes ex parte en injonction, les procédures interlocutoires ou les enquêtes préliminaires ne sont pas des éléments du procès, pourtant la règle de la «publicité» des débats s'y applique. Selon les autorités, sauf à quelques exceptions bien établies, comme le cas des enfants, des malades mentaux ou des procédés secrets, les procédures judiciaires doivent toutes se dérouler en public. Le rédacteur de Halsbury, 4e édition, énonce la règle en ces termes:
[TRADUCTION] En général, toutes les affaires, aussi bien civiles que criminelles, doivent être entendues en audience publique, mais dans certaines affaires exceptionnelles où la présence du public rendrait l'administration de la justice impossible, la cour peut siéger à huis clos [Vol. 10, par. 705, à la p. 316].
A chaque étape, on devrait appliquer la règle de l'accessibilité du public et la règle accessoire de la responsabilité judiciaire; tout cela en vue d'assurer qu'il n'y a pas d'abus dans la délivrance des mandats de perquisition, qu'une fois accordés, les mandats sont exécutés conformément à la loi et enfin qu'on dispose conformément à la loi des éléments de preuve saisis. Une décision de la poursuite de ne pas poursuivre nonobstant la découverte d'éléments de preuve qui paraissent établir la perpétration d'un crime peut, dans certains cas, soulever des questions importantes pour le public.
27. A mon avis, restreindre l'accès du public ne peut se justifier que s'il est nécessaire de protéger des valeurs sociales qui ont préséance. C'est notamment le cas de la protection de l'innocent.
28. Bien des mandats de perquisition sont délivrés et exécutés sans que rien ne soit trouvé. Dans ces cas, l'intérêt protégé par l'accès du public l'emporte‑t‑il sur celui de la protection des personnes chez qui une perquisition a eu lieu sans que l'on n'ait rien trouvé? Ces personnes doivent‑elles souffrir l'opprobre qui entacherait leur nom et leur réputation du fait de la publicité de la perquisition? La protection de l'innocent à l'égard d'un préjudice inutile est une considération de principe valable et importante. A mon avis, cette considération l'emporte sur le principe de l'accès du public dans les cas où l'on effectue une perquisition sans rien trouver. Le droit du public à l'information doit céder le pas devant la protection de l'innocent. Si le mandat est exécuté et qu'il y a saisie, d'autres considérations entrent en jeu.
VI
29. Cela m'amène au second argument avancé par l'appelant. Cet argument porte que s'il était permis aux particuliers d'être présents lors de la délivrance des mandats, l'administration efficace de la justice deviendrait impossible. En conséquence, la procédure doit se dérouler à huis clos, par exception à la règle de l'audience publique. Je suis d'accord. L'administration efficace de la justice justifie que le public soit exclu des procédures qui portent sur la délivrance même du mandat. Les procureurs généraux ont démontré, à ma satisfaction du moins, que si la demande de mandat se déroulait en audience publique, la recherche d'objets relatifs aux crimes serait, au mieux, grandement entravée et, au pire, rendue tout à fait vaine. Dans une démarche où la surprise et le secret peuvent jouer un rôle décisif, l'occupant des lieux à perquisitionner serait prévenu de l'exécution du mandat, avec, comme conséquence probable, la destruction ou l'enlèvement d'éléments de preuve. Je suis d'accord avec le substitut du procureur général de l'Ontario que la présence à l'audience de particuliers, de représentants des média et éventuellement de contacts des suspects que la perquisition doit viser rendrait complètement inutile le mécanisme que constitue le mandat de perquisition.
30. Aucun des avocats en cette Cour n'a prétendu soutenir la position adoptée par la Division d'appel de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse selon laquelle la délivrance d'un mandat de perquisition est un acte judiciaire qui devrait être fait à l'audience par un juge de paix en présence du public. L'intimé MacIntyre dit au paragraphe 5 de son mémoire:
[TRADUCTION] Il faut souligner que l'intimé n'a jamais demandé à voir de pièces relatives à un mandat non exécuté ni n'a jamais demandé à être présent pendant le processus de décision...
Il est ressorti clairement pendant les plaidoiries que l'acte qui consiste à délivrer un mandat de perquisition n'est en réalité presque jamais, sinon jamais, fait en audience publique. Les mandats de perquisition sont délivrés en privé à toute heure du jour ou de la nuit, au cabinet du juge de paix le jour et à son domicile la nuit. Le paragraphe 443(1) du Code semble reconnaître la possibilité de situations d'urgence en énonçant qu'un juge de paix peut délivrer un mandat «à tout moment».
31. Même si la règle est celle de l'audience publique, elle comporte l'exception mentionnée dans Halsbury, savoir que dans les affaires exceptionnelles où la présence du public rendrait l'administration de la justice impossible, la cour peut siéger à huis clos. La délivrance d'un mandat de perquisition relève de cette catégorie.
32. A mon avis, cependant, la valeur de la thèse de «l'administration de la justice» diminue après l'exécution du mandat, c.‑à.‑d. après la visite des lieux et la perquisition. Le caractère confidentiel de la procédure a, par la suite, moins d'importance puisque les objectifs que vise le principe du secret sont en grande partie sinon complètement atteints. La nécessité de maintenir le secret a en pratique disparu. L'appelant reconnaît qu'à ce stade les particuliers qui sont directement «concernés» par le mandat ont le droit de le consulter. Dans cette mesure au moins, il tombe dans le domaine public. L'appelant doit cependant d'une certaine manière justifier l'accès aux mandats dont bénéficient les personnes directement concernées et l'interdiction imposée au grand public. Je ne puis voir de raison impérative de distinguer entre le public et l'occupant des lieux où l'on a perquisitionné. C'est avec beaucoup d'hésitation que l'on se résoudra à restreindre l'accès traditionnellement absolu du public aux travaux des tribunaux.
33. L'argument fondé sur «l'administration de la justice» s'appuie sur la crainte que certaines personnes ne détruisent des éléments de preuve et ne privent ainsi la police des fruits de ses recherches. Même à cela, l'appelant admet que ces personnes mêmes (c.‑à.‑d. les personnes «directement concernées») ont le droit de voir le mandat et les pièces sur lesquelles le mandat se fonde, après qu'il a été exécuté. Les appelants ne prétendent pas à une confidentialité absolue des mandats. Logiquement, si ceux qui sont directement concernés peuvent prendre connaissance des mandats, un tiers qui n'a aucun intérêt dans l'affaire ne représente pas une menace pour l'administration de la justice. Par définition, il ne possède aucun élément de preuve qu'il pourrait détruire. Le souci de la sauvegarde des éléments de preuve et de l'administration efficace de la justice ne peut justifier qu'on exclue ce tiers.
34. Il n'y a pas de doute qu'une cour possède le pouvoir de surveiller et de préserver ses propres dossiers. L'accès peut en être interdit lorsque leur divulgation nuirait aux fins de la justice ou si ces dossiers devaient servir à une fin irrégulière. Il y a présomption en faveur de l'accès du public à ces dossiers et il incombe à celui qui veut empêcher l'exercice de ce droit de faire la preuve du contraire.
35. Je suis conscient que ce qui précède peut paraître s'écarter de la pratique anglaise, comme je l'interprète, mais cela cadre mieux, à mon avis, avec la transparence des procédures judiciaires que la jurisprudence anglaise semble préconiser.
VII
36. Je conclus que l'argument relatif à l'administration de la justice justifie que l'on procède à huis clos au moment de la délivrance du mandat, mais qu'une fois celui‑ci exécuté, il n'est normalement pas possible d'admettre encore l'exclusion du public en général. La règle générale de l'accès du public doit prévaloir, sauf à l'égard de ceux que j'ai déjà appelés des innocents.
37. Je suis d'avis de rejeter le pourvoi et de modifier le jugement déclaratoire de la Division d'appel de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse de façon qu'il se lise ainsi:
LA COUR DÉCLARE qu'après qu'un mandat de perquisition a été exécuté et que les objets trouvés par suite de la perquisition ont été portés devant un juge de paix conformément à l'article 446 du Code criminel, un particulier a le droit d'examiner le mandat et la dénonciation par suite de laquelle le mandat a été délivré conformément à l'article 443 du Code.
38. Il n'y aura pas d'adjudication de dépens en cette Cour.
Version française des motifs des juges Martland, Ritchie, Beetz et Estey rendus par
39. Le Juge Martland (dissident)—Cet appel attaque un arrêt de la Division d'appel de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse. Les faits qui ont donné naissance au litige ne sont pas contestés.
40. L'appelant Ernest Harold Grainger est greffier principal de la Cour de magistrat provinciale à Halifax et il est aussi juge de paix. L'intimé est journaliste de la télévision au service de la Société Radio‑Canada et à l'époque en cause il faisait des recherches sur une affaire de favoritisme politique et de souscription de fonds. Il a demandé à l'appelant Grainger de lui montrer des mandats de perquisition et les documents justificatifs, ce qui lui fut refusé pour le motif que le public en général ne peut avoir accès à ces documents pour les consulter.
41. L'intimé a alors avisé les appelants qu'il s'adresserait à la Division de première instance de la Cour suprême de la Nouvelle‑Écosse pour obtenir [TRADUCTION] «une ordonnance de la nature d'un mandamus ou d'un jugement déclaratoire ou l'un et l'autre, portant que les mandats de perquisition et les dénonciations qui s'y rapportent, délivrés en application de l'art. 443 du Code criminel du Canada ou d'autres lois semblables, sont des documents officiels et qu'ils peuvent être consultés par un particulier sur demande raisonnable».
42. Le juge Richard a entendu la requête et statué que l'intimé [TRADUCTION] «a droit à un jugement déclarant que les mandats de perquisition qui ont été exécutés et les dénonciations qui s'y rapportent, qui se trouvent sous la garde du juge de paix ou du fonctionnaire d'une cour, sont des pièces du dossier judiciaire que le grand public peut consulter». Il y a lieu de noter que cette ordonnance ne porte que sur des mandats qui ont été exécutés.
43. Les appelants ont été déboutés en Division d'appel. L'arrêt rejetant l'appel comporte la déclaration suivante:
[TRADUCTION] IL EST STATUÉ qu'un particulier a le droit de consulter les dénonciations à l'origine des mandats de perquisition délivrés en application de l'art. 443 du Code criminel du Canada.
44. Cette déclaration a une portée plus étendue que celle du juge Richard qui ne portait que sur des mandats de perquisition exécutés. L'alinéa suivant des motifs du jugement énonce le fondement de l'arrêt de la Cour:
[TRADUCTION] A mon avis, tout particulier a le droit de consulter les dénonciations sur lesquelles se fondent les mandats de perquisition, en application de l'art. 443 du Code criminel, puisque la délivrance d'un mandat est un acte judiciaire accompli en audience publique par un juge de paix. Le public pourrait avoir droit d'être présent à ce moment‑là et d'entendre la teneur de la dénonciation soumise au juge de paix quand on lui demande d'exercer le pouvoir qu'il possède de délivrer le mandat. Ayant été produite à une audience publique, la dénonciation est devenue partie des dossiers du tribunal et le grand public doit pouvoir y avoir accès pour le consulter.
45. Le paragraphe (1) de l'art. 443 du Code criminel est ainsi conçu:
443. (1) Un juge de paix qui est convaincu, à la suite d'une dénonciation faite sous serment suivant la formule 1, qu'il existe un motif raisonnable pour croire que, dans un bâtiment, contenant ou lieu, se trouve
a) une chose sur ou concernant laquelle une infraction à la présente loi a été commise ou est soupçonnée avoir été commise,
b) une chose qui, pour un motif raisonnable, porte à croire qu'elle fournira une preuve touchant la perpétration d'une infraction à la présente loi, ou
c) une chose qui, pour un motif raisonnable, porte à croire qu'elle est destinée à servir aux fins de la perpétration d'une infraction contre la personne, pour laquelle un individu peut être arrêté sans mandat,
peut, à tout moment, lancer un mandat sous son seing, autorisant une personne y nommée ou un agent de la paix à faire une perquisition dans ce bâtiment, contenant ou lieu, pour rechercher cette chose, la saisir et la transporter devant le juge de paix qui a décerné le mandat, ou quelque autre juge de paix de la même circonscription territoriale, afin qu'il en dispose d'après la loi.
46. L'article 446 du Code criminel prévoit que le juge de paix doit retenir tout ce qui a été saisi en exécution d'un mandat de perquisition décerné conformément à l'art. 443 et porté devant lui ou qu'il peut en ordonner la rétention jusqu'à la conclusion de toute enquête ou jusqu'à ce que sa production soit requise aux fins d'une enquête préliminaire ou d'un procès.
47. Le paragraphe (5) de l'art. 446 prévoit:
446....
(5) Lorsqu'une chose est détenue aux termes du paragraphe (1), un juge d'une cour supérieure de juridiction criminelle ou d'une cour de juridiction criminelle peut, sur demande sommaire de la part d'une personne qui a un intérêt dans la chose détenue, après un avis de trois jours francs au procureur général, ordonner qu'il soit permis à la personne par qui ou de la part de qui la demande est faite, d'examiner n'importe quelle chose ainsi détenue.
48. Les appelants interjettent appel de l'arrêt de la Division d'appel sur autorisation de cette Cour. Les deux questions posées par les appelants sont les suivantes:
[TRADUCTION]
(i) Les mandats de perquisition décernés conformément à l'art. 443 du Code criminel sont‑ils décernés en audience publique et sont‑ils en conséquence, de même que les dénonciations qui s'y rapportent, des documents que le public peut consulter?
(ii) Y a‑t‑il, par ailleurs, un droit général de consulter des mandats de perquisition et les dénonciations qui s'y rapportent?
49. Pour ce qui est de la première question, je suis d'accord avec mon collègue le juge Dickson, pour les motifs qu'il exprime, que la déclaration générale faite par la Division d'appel n'est pas défendable. Il s'ensuit que l'intimé ne peut prétendre à un droit de consulter les mandats de perquisition et les dénonciations qui s'y rapportent sous prétexte que la délivrance des mandats de perquisition est un acte judiciaire accompli au cours d'une audience publique à laquelle le public a le droit d'être présent.
50. Cela nous amène à la seconde question soulevée par les appelants, celle de savoir s'il existe un droit général de consulter les mandats de perquisition et les dénonciations qui s'y rapportent. C'est là le fondement réel de l'argumentation de l'intimé qui n'a pas cherché à appuyer la conclusion de la Division d'appel. Il soutient que les mandats de perquisition décernés en application de l'art. 443 et les dénonciations qui s'y rapportent sont des documents judiciaires auxquels le grand public peut avoir accès pour les consulter.
51. L'intimé s'appuie sur une ancienne loi anglaise adoptée en 1372, 46 Edward III. Une traduction anglaise de la loi, rédigée en ancien français, figure dans une annotation à la fin du jugement de la Cour du Banc du Roi dans Caddy v. Barlow (1827), 1 Man. & Ry. 275, aux pp. 279 et 280. Je citerai la partie de la note qui comporte la disposition législative:
[TRADUCTION] Il ressort qu'au commencement le public avait accès à tous les dossiers judiciaires des cours royales sans restriction et que ceux‑ci étaient conservés à cette fin. Lord Coke, dans la préface de 3 Co. Rep. 3, dit à ce sujet: «ces dossiers, parce qu'ils contiennent de grands trésors cachés, sont conservés fidèlement en sûreté (et c'est bien justifié) dans le trésor du Roi. Ils ne sont toutefois pas gardés de manière à empêcher tout sujet d'y avoir accès pour son besoin indispensable et son avantage; ce qui est l'ancien droit en Angleterre promulgué par une loi du Parlement sous 46 Edw. 3, dans les termes suivants: —Les Communes demandent de plus que, puisque les dossiers et tout ce qui se trouve dans la cour du Roi doivent nécessairement y rester, comme preuve et soutien perpétuels pour toutes les parties y présentes et pour tous ceux qu'ils concernent quand ils en ont besoin; et puisque récemment on refuse, dans la cour de notre dit Souverain de faire recherche ou copie de tout ce qui pourrait être apporté en preuve contre le Roi ou à son désavantage. Qu'il vous plaise d'ordonner par statut, que recherche et copie soient faites pour toute personne (fait as touts gentz) de tout document qui les touche de quelque façon, aussi bien que de tout ce qui va contre le Roi que contre toutes autres personnes. Le Roy le voet.»
52. L'intimé invoque ce texte de loi pour appuyer l'argument qu'un particulier a accès à toutes les archives judiciaires. Cependant, la loi ne va pas aussi loin. Elle parle de «tout document qui les touche de quelque façon». (C'est moi qui souligne.) J'en conclus que pour se prévaloir de la disposition de la loi, la personne devait démontrer que le document dont elle voulait prendre connaissance touchait ses intérêts.
53. Une partie de la note en bas de page qui précède cette citation appuie cette interprétation. Lord Coke dit que tout sujet peut avoir accès aux dossiers [TRADUCTION] «pour son besoin indispensable et son avantage».
54. L'affaire Caddy v. Barlow porte elle‑même sur la recevabilité, dans une action pour poursuite malveillante, d'une copie de l'acte d'accusation contre la demanderesse qui avait été accordée à son frère coaccusé.
55. L'intimé cite l'arrêt de la Cour d'appel de l'Ontario The Attorney‑General v. Scully (1902), 4 O.L.R. 394 qui renvoie à l'affaire Caddy v. Barlow et à la loi anglaise. Cet affaire porte sur une requête faite au greffier de la paix sollicitant une copie de l'acte d'accusation dans une inculpation de vol contre le requérant qui avait été déclaré non coupable. Il avait manifestement un intérêt à obtenir le document.
56. Comme je l'ai déjà signalé, la Division d'appel a en l'espèce fondé sa décision de permettre la consultation des mandats de perquisition et des dénonciations sur sa conclusion que ces documents avaient été produits au cours d'une enquête judiciaire en audience publique et elle parle de l'existence d'un droit général de consulter des archives judiciaires dans le passage de ses motifs.
[TRADUCTION] A mon avis, les cours ont toujours eu la maîtrise, en common law, du déroulement de leurs procédures en audience publique et de l'accès à leurs dossiers. Même si le public a un droit à tout renseignement qu'il peut tirer en assistant à un procès tenu en audience publique et à cette partie du dossier qui appartient à la présentation publique de la procédure judiciaire en audience publique, il y a toujours eu certaines portions du dossier judiciaire qui n'ont été accessibles qu'aux «personnes concernées» dont l'intérêt doit être prouvé à la satisfaction de la cour. Les cours ont toujours considéré les parties dans les actions civiles et l'accusé dans une poursuite criminelle comme des personnes ainsi concernées. Les autres personnes doivent faire la preuve de leur droit de voir certains documents avant d'être admises à le faire.
57. La Division d'appel a cité, dans ses motifs de jugement, les paragraphes 1492 et 1493 de Taylor on Evidence, 11e éd. (Les mêmes paragraphes figurent sous les mêmes numéros dans la 12e édition):
[TRADUCTION] 1492. Il n'est pas du tout certain que les archives des tribunaux d'instance inférieure puissent être consultées par n'importe qui, sans distinction, mais il est manifeste que toute personne a le droit de consulter et d'obtenir copie des pièces des procédures qui la concernent personnellement. Donc quiconque veut examiner un document précis de l'un de ces tribunaux, doit d'abord en faire la demande à ce tribunal et démontrer qu'il a un intérêt vis‑à‑vis du document en cause et qu'il le demande à une fin légitime. Si sa requête est rejetée, la Chancellerie ou la Division du Banc du Roi de la Haute Cour, sur déclaration sous serment de ce fait, pourra requérir soit la pièce elle‑même soit sa copie, ou cette dernière cour obtiendra, par mandamus, pour le requérant, la consultation du document ou la copie demandée. Ainsi, dans le cas d'une personne qui a été déclarée coupable par un magistrat en vertu des lois sur le jeu et qui fait l'objet d'une action pour la même infraction, la Cour du Banc de la Reine a statué que cette personne avait droit à une copie de la déclaration de culpabilité; le magistrat ayant refusé de la lui donner, la Cour a accordé un bref de certiorari à la seule fin d'obtenir la copie et de permettre au défendeur de repousser l'action. De même, lorsqu'une personne poursuivie devant une cour de petites créances et emprisonnée pour dette a intenté une action pour abus et emprisonnement injustifié, les juges lui ont accordé une ordonnance lui permettant d'examiner toute la partie du registre des procédures qui avait trait à la poursuite dirigée contre elle.
1493. Certes, on peut affirmer en règle générale que la Division du Banc du Roi forcera par mandamus la production de tout document de nature publique, par lequel un sujet de sa Majesté peut démontrer qu'il est concerné. Donc, un fonctionnaire désigné en droit pour conserver des dossiers doit se considérer comme un fiduciaire de toutes les parties concernées et leur permettre de consulter les documents qui les concernent,—sans qu'elles aient le mal de présenter une demande expresse de mandamus et d'en subir les frais. Le requérant doit cependant démontrer qu'il a un intérêt immédiat et réel dans les documents qu'il veut consulter et qu'il fait cette demande de bonne foi pour un motif public précis, autrement la cour n'interviendra pas en sa faveur. Donc, si son but est simplement de satisfaire une curiosité légitime, d'obtenir des renseignements d'ordre général ou de vérifier des faits qui lui seront indirectement utiles dans d'autres procédures, il ne peut demander de consulter les documents en tant que droit strict.
58. La première édition de cet ouvrage est parue en 1848 et on peut considérer que ces énoncés représentent l'opinion de l'auteur quant au droit anglais sur le sujet.
59. Dans Laws of England de Halsbury, 4e éd., vol. 1, par. 97, on trouve un énoncé semblable:
[TRADUCTION] L'intérêt du requérant dans les documents doit être réel et direct. Ni la curiosité, même légitime, ni la vérification de faits qui pourraient être utiles à un autre objet, ne constitue un intérêt suffisant pour rendre applicable au requérant la règle en vertu de laquelle la cour ordonne par mandamus qu'on le laisse consulter des documents publics.
Même s'il faut faire la preuve de motifs raisonnables pour demander de consulter des documents, il n'est pas essentiel d'invoquer comme motif d'une requête en mandamus visant la consultation de documents, qu'une poursuite ait effectivement été engagée. Il suffit de prouver qu'il y a un point contesté et qu'il concerne le requérant.
60. Il est tout à fait clair que l'intimé n'est pas concerné de façon directe et réelle par les documents qu'il veut consulter. Il veut les consulter pour réaliser une autre fin, c.‑à‑d. pour préparer un reportage. Si on applique la règle qui prévaut en vertu du droit anglais, l'appelant Grainger était en droit de rejeter la demande de l'intimé.
61. On suggère qu'on pourrait reconnaître un droit plus large en accord avec le caractère public des procédures judiciaires. Cette proposition appelle une analyse de la nature des procédures prévues à l'art. 443. Cet article donne aux personnes chargées de l'application du droit criminel la possibilité d'obtenir notamment l'autorisation de faire une perquisition dans des bâtiments, contenants ou lieux et de saisir des documents ou autres objets qui peuvent fournir la preuve de la perpétration d'un acte criminel. L'article permet à un juge de paix d'accorder l'autorisation de le faire. Avant d'accorder cette autorisation, le juge de paix doit être convaincu, par suite d'une dénonciation faite sous serment, qu'il y a un motif raisonnable de croire qu'il y a dans le bâtiment, contenant ou lieu une chose concernant laquelle une infraction a été commise ou est soupçonnée avoir été commise; une chose qui, pour un motif raisonnable, porte à croire qu'elle fournira une preuve de la perpétration d'une infraction criminelle ou une chose qui, pour un motif raisonnable, porte à croire qu'elle est destinée à servir aux fins de la perpétration d'une infraction contre la personne, pour laquelle un individu peut être arrêté sans mandat.
62. Le rôle du juge de paix peut être vu comme un rôle judiciaire, mais pourrait être mieux qualifié comme une fonction remplie par un officier de justice, puisque aucun avis à qui que ce soit n'est exigé, qu'il n'y a pas de partie adverse devant lui et qu'en réalité, si le mandat est demandé avant l'institution des procédures, il n'existe pas de partie adverse. Il n'est pas nécessaire que le juge de paix remplisse sa fonction en cour. Le juge de paix ne juge pas et il ne rend pas d'ordonnance. Son pouvoir consiste à permettre de faire certaines choses qui font partie de la préparation du procès faite par la poursuite. Rien à l'art. 443 ni à l'art. 446 ne prévoit la consultation des documents en vertu desquels le juge de paix a décerné un mandat de perquisition.
63. Puisque la fonction du juge de paix n'est pas judiciaire et n'est pas remplie en audience publique, selon moi, les arrêts qui portent sur l'obligation de tenir les audiences des tribunaux en public, tels Scott v. Scott, [1913] A.C. 417 et McPherson v. McPherson, [1936] A.C. 177, ne sont pas pertinents en l'espèce. Les documents que l'intimé demande à consulter ne sont pas des documents produits à l'occasion de procédures judiciaires. Ils constituent des conditions essentielles qui permettent au juge de paix d'autoriser la poursuite à continuer d'enquêter sur des actes criminels qui ont pu être commis et à se préparer en vue des procédures pénales.
64. Si le public ne peut consulter les documents en cause dans le présent appel avant l'exécution des mandats de perquisition, je ne vois pas de raison logique d'en permettre la consultation après l'exécution, du moins jusqu'à ce que l'affaire qui a donné lieu à la perquisition vienne à procès. Il est vrai que l'examen de ces documents avant l'exécution du mandat de perquisition pourrait empêcher l'objet même du mandat de se réaliser en prévenant la personne au local de laquelle on devait perquisitionner. L'élément de surprise est essentiel à la bonne administration du droit criminel. Il y a toutefois d'autres motifs importants de ne pas rendre publics de tels documents même après l'exécution du mandat.
65. La dénonciation faite sous serment qui sert de fondement à la délivrance d'un mandat de perquisition se fait selon la formule I de la Partie XXV du Code criminel. Elle doit comporter une description de l'infraction à l'égard de laquelle on doit faire une perquisition. Le dénonciateur doit déclarer qu'il a des motifs raisonnables de croire que les objets que l'on cherche sont dans un lieu particulier et énoncer les motifs de cette conviction. Cette pièce, qui peut être présentée au juge de paix avant qu'une accusation soit portée, révèle la déclaration du dénonciateur selon laquelle quelqu'un a commis ou a l'intention de commettre une infraction.
66. La divulgation de cette dénonciation avant le procès pourrait empêcher la personne soupçonnée d'un tel crime de jouir d'un procès juste. La publication de ces renseignements avant le procès est encore plus grave.
67. Dans l'affaire R. v. Fisher (1811), 2 Camp. 563, 170 E.R. 1253, il y a eu poursuite pénale en diffamation à la suite de la publication par les défendeurs des enquêtes préliminaires qui s'étaient déroulées ex parte devant un magistrat avant le renvoi à procès du demandeur sur une inculpation de voies de fait avec intention de viol. Dans son jugement, lord Ellenborough dit, à la p. 570:
[TRADUCTION] S'il est quelque chose qui prime sur le reste dans l'administration de la justice, c'est que les jurés arrivent au procès des personnes dont ils doivent juger de la culpabilité ou de l'innocence sans préjugés et l'esprit libre. Est‑ce possible s'ils ont lu pendant les semaines et les mois qui précèdent les déclarations ex parte au sujet de preuves défavorables à l'accusé que celui‑ci n'a pas eu la possibilité de contester ni de réfuter? ...La publication des procédures des tribunaux judiciaires où les deux parties se font entendre et où les questions reçoivent une solution définitive est salutaire et, par conséquent, permise. La publication de ces enquêtes préliminaires a tendance à fausser l'esprit du public et à détourner le cours de la justice et est, en conséquence, illégale.
68. La consultation de la dénonciation et du mandat de perquisition permettrait à quiconque examine ces documents de connaître l'identité du dénonciateur. Dans certains genres d'affaires, cela pourrait bien mettre le dénonciateur en danger. C'est ce genre de risque qui a amené la justice à reconnaître le droit de la police de ne pas révéler l'identité de ses informateurs. Ce droit existe même pour un agent de police qui dépose à un procès. Le même genre de risque se présente pour les personnes qui fournissent des renseignements qui amènent la délivrance d'un mandat de perquisition. Pour les mêmes motifs qui justifient le refus de la police de dévoiler l'identité d'un informateur, il faut empêcher la divulgation au public de documents qui pourraient révéler l'identité du dénonciateur.
69. Dans ses motifs, mon collègue le juge Dickson a mentionné que depuis quelques années, le mandat de perquisition a acquis une importance accrue comme moyen d'enquête puisque le crime et les criminels deviennent de plus en plus astucieux et il a souligné que l'efficacité d'une perquisition faite par suite d'un mandat dépend, pour une part, du degré de confidentialité qui en accompagne la délivrance. Pour maintenir ce caractère confidentiel, il est essentiel qu'on empêche autant que possible les organisations de malfaiteurs, comme celles qui s'adonnent au trafic de stupéfiants, de connaître l'identité des personnes qui aident la police.
70. Outre la protection de l'identité de la personne qui fournit la dénonciation sur laquelle on se fonde pour délivrer le mandat de perquisition, il n'est pas souhaitable, dans l'intérêt du public, que ceux qui se livrent à des activités criminelles puissent se procurer des renseignements qui révèlent la façon dont la police procède en matière de perquisition. Dans l'arrêt Inland Revenue Commissioners v. Rossminster Ltd., [1980] 2 W.L.R. 1, la Chambre des lords examine la validité d'un mandat de perquisition délivré en exécution d'une loi anglaise intitulée Taxes Management Act 1970, 1970 (R.‑U.), c. 9. Le mandat avait été délivré parce qu'on soupçonnait des fraudes fiscales. Au moment de l'exécution, on n'a pas indiqué aux occupants des lieux quelles étaient les infractions alléguées ou les «motifs raisonnables» sur lesquels le juge s'était fondé pour décerner le mandat. Dans ses motifs de jugement, lord Wilberforce dit, aux pp. 37 et 38:
[TRADUCTION] Mais, en vertu du texte même de la loi, les fonctionnaires ont le droit, s'ils peuvent persuader la commission et le juge, de pénétrer dans les lieux et de perquisitionner quel que soit le propriétaire: un mandat qui donne ce pouvoir relève strictement et précisément de la compétence du Parlement, et l'occupant des lieux ne peut s'y opposer. Je conviens qu'il a tout probablement fallu fournir à la commission et au juge des renseignements sur la ou les personnes qui, selon les allégations, auraient commis une infraction et aussi, probablement, les dates approximatives des infractions. Mais l'occupant des lieux n'a pas le droit d'en être informé à ce stade, pas plus qu'il n'a le droit d'être informé des «motifs raisonnables» dont le juge a été convaincu. L'une et l'autre cour ont été du même avis à ce sujet: tous ces renseignements tombent manifestement sous l'immunité d'intérêt public qui s'applique à la recherche d'actes criminels qui auraient pu être commis. Parlant des policiers, lord Reid a dit:
«Les policiers mènent une guerre incessante aux criminels, dont beaucoup sont aujourd'hui très intelligents. Il est donc essentiel que rien ne soit révélé qui pourrait fournir des renseignements utiles à ceux qui organisent des activités criminelles. Et il serait inopportun, dans la plupart des cas, d'exiger la divulgation, dans une affaire civile, de quelque chose qui porte à conséquence dans une poursuite en instance; cependant après le prononcé du verdict ou la décision de ne pas poursuivre, la nécessité de garder le secret n'est plus la même.» (Conway v. Rimmer [1968] A.C. 910, aux pp. 953 et 954.)
71. La divulgation au public de la teneur des dénonciations et des mandats de perquisition peut aussi nuire à celui dont les locaux sont visés par l'autorisation de perquisitionner et qui n'a peut‑être aucun lien avec la perpétration de l'infraction. Comme son local fait l'objet d'un mandat de perquisition, on pourrait le soupçonner d'être mêlé à l'infraction. La publication du fait que son local a été l'objet d'un tel mandat pourrait lui être très préjudiciable.
72. Pour ces motifs, je ne suis pas convaincu qu'il y a lieu de déroger à la règle énoncée dans Halsbury (précité) et d'accorder au grand public le droit de consulter les documents qui font partie intégrante de la procédure du mandat de perquisition énoncée à l'art. 443.
73. En résumé, je conclus que les procédures qui ont lieu devant un juge de paix en application de l'art. 443, et qui font partie de la procédure d'enquête criminelle, ne sont pas assimilables aux procédures du procès qui doivent généralement se dérouler en audience publique. Autoriser le public à consulter les documents que détient le juge de paix n'équivaut pas au droit du public d'assister à l'audience et de suivre les procédures. Il y a lieu de restreindre l'accès à ces documents, selon l'usage établi en Angleterre, aux personnes qui peuvent démontrer qu'elles sont concernées de façon directe et réelle. L'intimé n'a manifestement pas cet intérêt.
74. Je suis d'avis d'accueillir l'appel et d'infirmer l'arrêt de la Cour d'appel et le jugement du juge Richard. Conformément à ce qu'ont fait valoir les appelants, il n'y aura pas d'adjudication de dépens.
Pourvoi rejeté, les juges Martland, Ritchie, Beetz et Estey sont dissidents.
Procureurs des appelants: Reinhold M. Endres et Mollie Gallagher, Halifax.
Procureurs de l'intimé: Robert Murrant et Gordon Proudfoot, Dartmouth.
*Voir Erratum [2010] 3 R.C.S. iv
Parties
Demandeurs :
A.G. (Nova Scotia)Défendeurs :
MacIntyreProposition de citation de la décision:
A.G. (Nova Scotia) c. MacIntyre, [1982] 1 R.C.S. 175 (26 janvier 1982)
Origine de la décision
Date de l'import :
06/04/2012Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1982-01-26;.1982..1.r.c.s..175