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17/12/1981 | CANADA | N°[1981]_2_R.C.S._676

Canada | Commission des accidents du travail du Québec c. Gagnon et autres, [1981] 2 R.C.S. 676 (17 décembre 1981)


Cour suprême du Canada

Commission des accidents du travail du Québec c. Gagnon et autres, [1981] 2 R.C.S. 676

Date: 1981-12-17

La Commission des accidents du travail du Québec (Intervenante-Appelante) Appelante;

et

Jean-Pierre Gagnon (Demandeur-Intimé) Intimé;

et

Gérard Forget et Laurentian Motor Leasing Limited (Défendeurs-Intimés) Intimés.

1981: 27 octobre; 1981: 17 décembre.

Présents: Les juges Dickson, Beetz, Estey, McIntyre et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

POURVOI contre un arrêt

de la Cour d’appel du Québec qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure. Pourvoi rejeté.

Marcus Spivock, pour l’appelant...

Cour suprême du Canada

Commission des accidents du travail du Québec c. Gagnon et autres, [1981] 2 R.C.S. 676

Date: 1981-12-17

La Commission des accidents du travail du Québec (Intervenante-Appelante) Appelante;

et

Jean-Pierre Gagnon (Demandeur-Intimé) Intimé;

et

Gérard Forget et Laurentian Motor Leasing Limited (Défendeurs-Intimés) Intimés.

1981: 27 octobre; 1981: 17 décembre.

Présents: Les juges Dickson, Beetz, Estey, McIntyre et Chouinard.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DU QUÉBEC

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec qui a confirmé un jugement de la Cour supérieure. Pourvoi rejeté.

Marcus Spivock, pour l’appelante.

Michel Garceau, pour les intimés Forget et Laurentian Motor Leasing Limited.

Le jugement de la Cour a été rendu par

LE JUGE CHOUINARD — Ce pourvoi porte sur la prescription du recours de la Commission des accidents du travail du Québec en recouvrement de la compensation qu’elle a payée à la victime d’un accident du travail.

Comme l’appelante a procédé par voie d’intervention dans l’action intentée par la victime contre les personnes auxquelles elle impute la responsabilité de l’accident, le pourvoi soulève aussi la question de savoir si l’appelante possède l’intérêt requis au sens de l’art. 208 C.p.c. pour que son intervention puisse être reçue. L’article 208 C.p.c. se lit comme suit:

208. Celui qui a un intérêt dans un procès auquel il n’est pas partie, ou dont la présence est nécessaire pour autoriser, assister ou représenter une partie incapable, peut y intervenir en tout temps avant jugement.

Aux termes de la Loi des accidents du travail, S.R.Q. 1964, chap. 159, maintenant la Loi sur les accidents du travail, chap. A-3 des Lois refondues du Québec de 1977, la victime d’un accident du travail causé par une personne autre que son employeur et qui a droit à une compensation en

[Page 678]

vertu de cette loi bénéficie d’une option: elle peut réclamer cette compensation ou poursuivre l’auteur de l’accident.

Si la victime poursuit l’auteur de l’accident et que la somme obtenue est inférieure à la compensation à laquelle elle a droit en vertu de la Loi des accidents du travail, elle reçoit compensation pour la différence.

Si par contre elle a opté pour la compensation en vertu de la Loi des accidents du travail, la Loi lui réserve le droit de poursuivre l’auteur de l’accident pour la somme additionnelle requise pour former avec la compensation, une indemnité équivalente à la perte réellement subie.

Pour sa part, la Commission des accidents du travail du Québec qui a payé ou qui sera appelée à payer une compensation est, par le seul effet de l’option, subrogée de plein droit aux droits de l’ouvrier et peut personnellement ou aux nom et lieu de l’ouvrier, exercer tout recours que de droit contre la personne responsable.

Ce sont les par. 1, 2 et 3 de l’art. 7 et l’art. 8 qui en disposent:

7. (1) Quand un ouvrier subit un accident au cours de son emploi dans des circonstances telles qu’il en résulte pour lui et pour ses dépendants un droit d’action contre une personne autre que son employeur, cet ouvrier ou ses dépendants, s’ils ont droit à une compensation en vertu de la présente loi, peuvent, à leur option, réclamer cette compensation ou exercer ce droit d’action.

(2) Si la somme adjugée et perçue à la suite d’une action est inférieure au montant de la compensation à laquelle l’ouvrier ou ses dépendants ont droit en vertu de la présente loi, cet ouvrier ou ses dépendants reçoivent compensation pour la différence.

(3) Si l’ouvrier ou ses dépendants choisissent de réclamer la compensation en vertu de la présente loi, l’employeur tenu personnellement de payer cette compensation, ou la commission si la compensation est payable à même le fonds d’accident, selon le cas, sont de plein droit subrogés aux droits de l’ouvrier ou de ses dépendants et peuvent personnellement ou aux nom et lieu de l’ouvrier ou de ses dépendants, exercer tout recours que de droit contre la personne responsable; et tout montant ainsi recouvré par la commission fait partie du fonds d’accident. La subrogation a lieu par le seul effet de l’option et peut être exercée jusqu’à concurrence de tout ce que l’employeur ou la commission pourra être appelée

[Page 679]

à payer par suite de l’accident. Cependant, si par l’effet de la présente loi, l’employeur ou la commission se trouve ensuite libéré de l’obligation de payer partie de la compensation ainsi recouvrée, la somme non utilisée est remboursable dans le mois suivant l’événement qui détermine la cessation de la compensation.

8. Nonobstant toute disposition contraire et nonobstant le fait d’avoir obtenu compensation en vertu de l’option visée par le paragraphe 3 de l’article 7, l’accidenté, ses dépendants ou représentants peuvent, avant que la prescription édictée au Code civil ne soit acquise, réclamer, en vertu du droit commun, de toute personne autre que l’employeur dudit accidenté, la somme additionnelle requise pour former, avec la susdite compensation, une indemnité équivalente à la perte réellement subie.

L’accident à l’origine du litige est survenu le 9 décembre 1974.

L’intimé Gagnon a fait option et réclamé la compensation de la Loi des accidents du travail le 16 mai 1975.

Le 20 novembre 1975, il a intenté une action réclamant $71,942.92 des intimés Forget et Laurentian Motor Leasing Limited pour les dommages subis dans l’accident. L’action de l’intimé Gagnon a été intentée en deçà du délai de prescription d’un an fixé par le par. 2 de l’art. 2262 C.c. applicable en l’espèce.

Le 21 janvier 1976, l’appelante adressait à l’intimé Forget un avis l’informant de l’option faite par l’intimé Gagnon et de la subrogation de la Commission dans les droits et recours de celui-ci.

Le 22 juin 1976, donc plus d’un an après l’accident, l’appelante présentait pour réception une demande d’intervention concluant notamment à ce que le tribunal condamne les défendeurs à lui payer la somme de $10,077.13, suite au paiement effectué ou à effectuer à l’acquit du demandeur.

Par jugement du 16 juillet 1976, la Cour supérieure rejeta la demande de réception sans donner de motifs.

Ce jugement fut confirmé à l’unanimité par l’arrêt de la Cour d’appel du 1er mai 1979, au motif que le recours de l’appelante était prescrit. Le juge Montgomery toutefois s’est aussi fondé sur

[Page 680]

l’absence d’intérêt en référant à l’arrêt de la Cour d’appel dans Commission des accidents du travail c. Lacroix et autres[1], où le rejet de l’intervention de la Commission des accidents du travail était fondé sur l’absence d’intérêt.

L’arrêt attaqué est, que je sache, l’un de quatre où la Cour d’appel a été appelée à se prononcer directement sur les questions en litige.

Dans Canadian Pacific Railway Co. c. Domingue; Choinière c. Canadian Pacific Railway Co.[2], l’employeur, invoquant la subrogation de l’art. 7 de la Loi des accidents du travail, réclamait de l’auteur de l’accident la somme qu’il avait dû payer à la veuve de la victime. L’accident était survenu le 9 octobre 1963 et l’action fut signifiée le 16 octobre 1964. Il s’agissait d’une action directe de l’employeur contre l’auteur de l’accident et non pas d’une intervention dans une action entre la victime ou ses héritiers et l’auteur de l’accident. L’action a été jugée prescrite. L’employeur plaida notamment que la prescription n’avait commencé à courir qu’à compter du paiement de la compensation, ou encore qu’à compter de l’option de la veuve. Ces deux prétentions furent écartées et la date retenue fut celle de l’accident.

Dans Commission des accidents du travail c. Lacroix et autres précité, la victime, après avoir allégué avoir reçu une compensation de la Commission des accidents du travail, réclamait des auteurs de l’accident une somme additionnelle conformément à l’art. 8 de la Loi des accidents du travail. L’intervention de la Commission des accidents du travail fut refusée au motif qu’elle n’avait pas un intérêt dans le procès tel que formé.

Dans Commission des accidents du travail de Québec c. Hamelin, arrêt inédit, en date du 29 mai 1979, n° 500-09-000598-789 de la Cour d’appel de Montréal, il s’agissait d’un accident survenu le 18 juillet 1975. Un avis de subrogation a été adressé par la Commission des accidents du travail à l’auteur de l’accident le 1er octobre 1975. Par son action signifiée le 1er décembre 1975, la victime

[Page 681]

réclamait $49,000 de l’auteur de l’accident. La déclaration ne contenait aucun allégué à l’effet que le demandeur avait reçu une compensation de la Commission des accidents du travail et que sa réclamation ne visait qu’une somme additionnelle prévue à l’art. 8 de la Loi des accidents du travail. L’intervention de la Commission des accidents du travail signifiée le 17 janvier 1978 fut rejetée comme prescrite. Cet arrêt est fondé sur l’arrêt de la Cour d’appel dans la présente cause.

L’on voit donc que dans l’affaire Canadian Pacific Railway, l’action directe fut rejetée comme prescrite et il fut jugé que la prescription commençait à courir de la date de l’accident; dans l’affaire Lacroix, où la victime réclamait de l’auteur de l’accident seulement une somme additionnelle suivant l’art. 8 de la Loi des accidents du travail, la demande de la Commission par voie d’intervention fut rejetée parce que la Commission n’avait pas d’intérêt dans le procès tel que formé; et dans l’affaire Hamelin où la victime n’indiquait pas si elle réclamait tous les dommages subis ou seulement une somme additionnelle prévue par l’art. 8 de la Loi des accidents du travail, la demande de la Commission par voie d’intervention fut rejetée comme prescrite.

En l’espèce, l’intimé Gagnon a réclamé tous les dommages subis dans l’accident sans faire mention de la compensation reçue ou à recevoir de la Commission des accidents du travail. L’appelante a procédé par voie d’intervention et les intimés Forget et Laurentian Motor Leasing Limited ont opposé tant l’absence d’intérêt pour intervenir que la prescription de la réclamation de la Commission. Nous devons donc considérer les deux moyens.

Mais, en réalité, le sort des deux moyens dépend de la solution à la même question, à savoir si après la subrogation par l’effet de l’art. 7 de la Loi des accidents du travail, le subrogeant peut exercer un recours contre le débiteur pour les droits qui appartiennent au subrogé.

Dans l’affirmative, lorsque comme en l’espèce la victime réclame tous les dommages qu’elle a subis,

[Page 682]

ces dommages comprennent ceux auxquels le subrogé a droit et ce dernier a un intérêt au sens de l’art. 208 C.p.c. dans le procès auquel il n’est pas partie puisque l’objet du recours qu’il peut exercer est compris dans l’objet du recours de la victime. De même l’interruption de la prescription au bénéfice de la victime profitera au subrogé.

Dans la négative toutefois, le subrogé n’aura pas l’intérêt requis, l’objet de son recours étant étranger au litige mû par la victime, et il ne pourra pas non plus profiter de l’interruption de la prescription par l’effet de l’action intentée par la victime.

Il s’agit donc en somme de déterminer quel est l’effet de la subrogation décrétée par le par. (3) de l’art. 7.

Baudry-Lacantinerie et Barde, Traité théorique et pratique de droit civil, t. 13, Des obligations II, 3e éd., 1907, n° 1516, définissent la subrogation comme étant:

… la substitution juridique d’une personne à une autre, en vue de permettre à la première d’exercer, dans son intérêt, tout ou partie des droits qui appartiennent à la seconde.

Jean-Louis Baudoin dans son Traité élémentaire de droit civil, Les obligations, 1970, au n° 513, définit la subrogation comme suit:

La subrogation est l’opération juridique par laquelle le solvens se voit légalement ou conventionnellement transmettre par le créancier, la créance de ce dernier avec tous ses accessoires.

On voit donc que le subrogé peut exercer les droits acquis du subrogeant et que dans le cas où la subrogation n’est que pour partie des droits du subrogeant, celui-ci conserve son recours pour les droits qu’il a retenus.

Il ne s’ensuit pas que dans ce dernier cas il y a deux droits ou deux causes d’action. Il n’y a qu’une cause d’action soit, en l’espèce, l’accident et les dommages en résultant. Comme l’écrivait le juge en chef Tremblay dans Canadian Pacific Railway, précité, à la p. 320: «… c’est le recours de la veuve que Canadian Pacific exerce.» Dans le cas

[Page 683]

d’une subrogation partielle, il y a deux personnes qui ont un recours, chacune pour sa part.

Dans son «Etude de la subrogation de la Commission des accidents du travail», (1979) 39 R. du B. 183, Me Louise Poudrier-LeBel, écrit à la p. 220:

… la créance s’est divisée entre la victime et la C.A.T. puisque l’indemnisation de la victime se fait au moyen d’une somme d’argent, soit une obligation essentiellement divisible (art. 1121 C.c.). Lorsque la victime détient seule cette créance, elle doit être exécutée comme si elle était indivisible, mais la divisibilité se produit lorsqu’une partie en est transmise à la C.A.T.

A compter de la subrogation la Commission des accidents du travail peut réclamer la partie des dommages de la victime qu’elle a payée ou qu’elle aura à payer. La victime quant à elle peut réclamer la somme additionnelle requise pour former avec la compensation une indemnité équivalente à la perte réellement subie.

La victime qui a opté pour la compensation, ne peut réclamer autre chose que cette somme additionnelle. Elle ne peut exercer les recours des art. 1053 et suivants du Code civil que dans la mesure où la Loi des accidents du travail le permet et dans ce cas c’est le seul recours que lui réserve l’art. 8 de cette loi. C’est la règle édictée par l’art. 1056a du Code:

1056a. Nul ne peut exercer les recours prévus par ce chapitre, s’il s’agit d’un accident visé par la loi des accidents du travail, excepté dans la mesure où ladite loi le permet.

Aussi suis-je d’accord avec le juge Montgomery lorsque, référant à l’affaire Lacroix, précitée, il écrit:

[TRADUCTION] Je ne vois aucune raison de distinguer la présente affaire pour le motif que le demandeur Gagnon peut, sans apparence de droit, avoir inclus dans sa réclamation des dommages dans lesquels la Commission était subrogée.

Je suis également d’accord avec le juge Paré lorsqu’il écrit:

Si l’accidenté s’arroge lui-même le droit de poursuivre l’auteur du dommage (sauf le cas où la Commission elle-même poursuit au nom de l’accidenté) pour la totalité du préjudice, sans en déduire ce qu’il reçoit de la C.A.T.Q., le défendeur peut lui opposer avec succès

[Page 684]

l’option consentie en vertu de l’article 7 de la loi et faire réduire en conséquence le montant de la condamnation au surplus prévu par l’article 8. Il y a en effet absence de lien de droit entre l’accidenté et l’auteur de l’accident pour cette partie de la réclamation que ne réserve pas à celui-là l’article 8 de la loi.

De même Nadeau dans le Traité de Droit civil du Québec, t. 8, n° 338, à la p. 305, soutient que le tribunal saisi de l’action de la victime en supplément d’indemnité, doit «tenir compte du montant accordé par la commission et le déduire de celui qu’il se propose d’accorder».

De ce qui précède je conclus que l’appelante n’a pas l’intérêt requis pour intervenir et que son intervention ne pouvait être reçue. Comme l’écrivait le juge Bélanger dans l’affaire Lacroix à la p. 491:

… en intervenant pour faire valoir son droit au remboursement de la compensation payée, l’appelante n’est pas intervenue pour que lui soit reconnu un droit sur lequel la contestation est engagée dans l’action principale.

D’autre part, si la prescription a été interrompue quant à l’intimé Gagnon pour ce qui est de sa réclamation en vertu de l’art. 8 de la Loi des accidents du travail, elle ne l’a pas été pour ce qui est de la réclamation de l’appelante qui n’est pas validement comprise dans l’objet de la réclamation de l’intimé Gagnon.

Dans son étude précitée Me Louise Poudrier-LeBel écrit encore à la p. 220:

Nous croyons que la C.A.T. ne devrait pas bénéficier de l’interruption de la prescription provoquée par l’action de la victime, peu importe que cette dernière ait réclamé l’excédent ou le total des dommages. Dans ce dernier cas, nous pensons que la victime ayant été indemnisée par la C.A.T. n’a plus aucun droit au remboursement de cette somme et qu’elle ne détient aucun mandat pour agir au nom de la C.A.T.

L’appelante a soumis par ailleurs que la subrogation ne pouvait prendre effet qu’à compter du paiement de la compensation par la Commission des accidents du travail. Cette prétention, rejetée dans l’affaire Canadian Pacific Railway, précitée, me paraît du reste mal fondée en présence d’un

[Page 685]

texte aussi clair que le par. (3) de l’art. 7 de la Loi des accidents du travail qui dit que «La subrogation a lieu par le seul effet de l’option …» et je ne crois pas qu’il soit nécessaire d’en dire davantage.

Quant au fait que suivant ce même par. (3) la Commission peut exercer son recours personnellement ou «aux nom et lieu de l’ouvrier», il n’a aucune portée en l’espèce, car ce n’est pas ainsi qu’elle a procédé. L’appelante le reconnaît d’ailleurs et de toute façon son intervention même indique qu’elle n’était pas déjà partie au litige. Autrement, il n’y avait aucune raison pour elle de faire une intervention.

Il reste à se demander si le moment auquel la Commission donne à l’auteur du dommage avis de la subrogation en sa faveur peut influer sur la solution du litige. Tel que je l’ai déjà indiqué, dans l’affaire Hamelin précitée, un avis de subrogation avait été signifié à l’auteur du dommage le 1er octobre 1975, soit avant l’institution de son action par la victime le 1er décembre. Dans cette affaire-là, l’autorisation d’appel à cette Cour a été refusée[3] le même jour où elle a été accordée en l’espèce.

En l’espèce un avis a été donné le 21 janvier 1976, soit après l’introduction de l’action de l’intimé Gagnon le 20 novembre 1975.

Sous ce rapport l’appelante a référé la Cour au par. (5) de l’art. 7 de la Loi des accidents du travail qui se lit comme suit:

(5) L’option entre les recours ci-dessus doit être exercée et avis de cette option doit être donné conformément aux dispositions de l’article 5.

Il suffit toutefois de lire l’art. 5 auquel renvoit le par. (5), pour constater qu’il n’est aucunement question d’un avis par la Commission à l’auteur du dommage à l’effet qu’elle a été subrogée aux droits de la victime. Il s’agit plutôt d’un avis que la victime doit donner, le cas échéant, à la Commission de l’option qu’elle fait entre la loi du lieu où l’accident est survenu et la loi du Québec. Le

[Page 686]

paragraphe (1) de l’art. 5 se lisait à l’époque:

5. (1) Lorsque l’ouvrier ou ses dépendants ont droit à une compensation en vertu de la loi du lieu de l’accident et en outre à une compensation en vertu de la présente loi, ils sont tenus d’opter entre la loi du lieu de l’accident et celle du Québec et de donner avis de leur option. A défaut de faire cette option et d’en donner avis, ils sont présumés avoir renoncé à toute compensation en vertu de la présente loi.

De fait aucun avis n’est requis de la part de la Commission en vertu de la Loi des accidents du travail, pas plus qu’en matière de subrogation en général un avis n’est requis de la part du subrogé au débiteur.

Il va de soi que pour exercer les droits acquis contre le débiteur le subrogé devra lui dévoiler la subrogation. Dans Jurisprudence générale Dalloz, Codes annotés, Nouveau Code civil, vol. II, 1903-1905, sous l’art. 1249 du Code Napoléon, on peut lire à la p. 120, #26 et 27:

26. Des différences visées supra, n° 17, il suit, relativement aux formes, que, d’une part, les formes de la subrogation sont applicables à la cession, et que, d’autre part, la signification exigée par l’art. 1690 ne s’applique pas non plus à la subrogation.

27. Toutefois, pour empêcher que le débiteur ne soit valablement libéré en payant à l’ancien créancier, le subrogé doit lui faire connaître d’une manière quelconque, même par un acte sous seing privé, le paiement fait avec subrogation.

De même suivant notre Code civil aucun avis n’est requis pour que la subrogation prenne effet. En cela la subrogation diffère de la cession de créance où la signification est requise pour valoir contre les tiers suivant l’art. 1571 C.c.:

1571. L’acheteur n’a pas de possession utile à l’encontre des tiers, tant que l’acte de vente n’a pas été signifié et qu’il n’en a pas été délivré copie au débiteur; il peut cependant être mis en possession par l’acceptation du transport que fait le débiteur; sauf les dispositions contenues en l’article 2127.

Il n’y a pas de disposition semblable en matière de subrogation.

Je suis d’opinion qu’en ce qui concerne la subrogation de la Commission des accidents du travail

[Page 687]

aux droits de la victime qu’elle a compensée, en vertu du par. (3) de l’art. 7, aucun avis n’est requis. En conséquence, qu’il n’ait été donné aucun avis, ou qu’un avis ait été donné avant ou après l’institution de son action par la victime, ne change rien à la situation. Dès le moment de la subrogation, c.-à-d. dès le moment de l’option, seule la Commission peut réclamer les sommes qu’elle a versées ou qu’elle aura à verser. La victime de son côté ne peut réclamer de l’auteur de l’accident que la somme additionnelle prévue à l’art. 8. Si elle réclame pour le tout, elle le fait sans droit, à l’encontre de l’art. 1056a C.c. et de l’art. 8 de la Loi des accidents du travail. Cela n’a pas pour effet d’introduire valablement dans le procès l’objet de la réclamation de la Commission, de façon à créer en faveur de la Commission l’intérêt requis pour intervenir ou à constituer une interruption de la prescription au profit de celle-ci.

Pour ces motifs je rejetterais le pourvoi avec dépens.

Pourvoi rejeté avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Boissonneault, Roy & Poulin, Montréal.

Procureurs des intimés Forget et Laurentian Motor Leasing Limited: Page, Duchesne, Desmarais & Picard, Montréal.

[1] [1976] C.A. 490.

[2] [1972] C.A. 316.

[3] [1979] 2 R.C.S. vi.


Synthèse
Référence neutre : [1981] 2 R.C.S. 676 ?
Date de la décision : 17/12/1981
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Accident du travail - Compensation - Option - Subrogation - Recours de la Commission en remboursement des sommes payées - Intérêt requis pour intervenir dans l’action de l’accidenté - Prescription - Loi des accidents du travail, S.R.Q. 1964, chap. 159, art. 5, 7(1),(2),(3),(5), 8 - Code civil, art. 1056a - Code de procédure civile, art. 208.

A la suite d’un accident survenu le 9 décembre 1974, l’intimé Gagnon a fait, le 16 mai 1975, option aux termes de l’art. 7 de la Loi des accidents du travail. Le 20 novembre 1975, soit en deça du délai d’un an fixé par le par. 2 de l’art. 2262 C.c., il intentait une poursuite au montant de $71,942.92 contre les intimés Forget et Laurentian Motor pour les dommages subis dans l’accident. Le 22 juin 1976, l’appelante, présentait pour réception une demande d’intervention qui concluait notamment à la responsabilité des intimés Forget et Laurentian Motor et à la condamnation de ces derniers en sa faveur pour la somme de $10,077.13 en remboursement des montants qu’elle avait payés ou serait appelée à payer à l’intimé Gagnon.

La Cour supérieure rejeta sans motifs la demande d’intervention. La Cour d’appel confirma le jugement au motif que le recours de l’appelante était prescrit.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Dès le moment de la subrogation, c.-à-d. de l’option, seule la Commission peut réclamer les sommes qu’elle a versées ou qu’elle aura à verser et la victime ne peut réclamer de l’auteur de l’accident que la somme additionnelle prévue à l’art. 8 de la Loi des accidents du

[Page 677]

travail. Si, comme en l’espèce, la victime réclame pour le tout, elle le fait sans droit, à l’encontre de l’art. 1056a C.c. et de l’art. 8. Cela n’a pas pour effet d’introduire valablement dans le procès l’objet de la réclamation de la Commission, de façon à créer en faveur de la Commission l’intérêt requis pour intervenir ou à constituer une interruption de la prescription au profit de celle-ci.


Parties
Demandeurs : Commission des accidents du travail du Québec
Défendeurs : Gagnon et autres

Références :

Jurisprudence: Commission des accidents du travail c. Lacroix et autres, [1976] C.A. 490

Canadian Pacific Railway Co. c. Domingue

Choinière c. Canadian Pacific Railway Co., [1972] C.A. 316

Commission des accidents du travail de Québec c. Hamelin, C.A. Mtl., n° 500-09-000598-789, 29 mai 1979.

Proposition de citation de la décision: Commission des accidents du travail du Québec c. Gagnon et autres, [1981] 2 R.C.S. 676 (17 décembre 1981)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1981-12-17;.1981..2.r.c.s..676 ?
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