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19/03/1981 | CANADA | N°[1981]_1_R.C.S._504

Canada | Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504 (19 mars 1981)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504

Date : 1981-03-19

Consolboard Inc. (Demanderesse) Appelante; et

MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Limited (Défenderesse) Intimée.

1980: 28, 29 avril; 1981: 19 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Dickson et Estey.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel fédérale[1], qui a accueilli un appel du jugement déclarant la plupart des revendications valid

es et constatant contrefaçon de certaines d’entre elles, mais qui a rejeté un appel incident visant le rétablissem...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504

Date : 1981-03-19

Consolboard Inc. (Demanderesse) Appelante; et

MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Limited (Défenderesse) Intimée.

1980: 28, 29 avril; 1981: 19 mars.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Martland, Ritchie, Dickson et Estey.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL FÉDÉRALE

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel fédérale[1], qui a accueilli un appel du jugement déclarant la plupart des revendications valides et constatant contrefaçon de certaines d’entre elles, mais qui a rejeté un appel incident visant le rétablissement de certaines revendications déclarées invalides et un calcul des profits. Pourvoi accueilli.

G. Alexander Macklin et Bruce E. Morgan, pour l’appelante.

D. F. Sim, c.r., et K. D. McKay, pour l’intimée.

[Page 508]

Version française du jugement de la Cour rendu par

LE JUGE DiCKSON — L’appelante, Consolboard Inc. est propriétaire du brevet canadien n° 565,618 pour des «panneaux de copeaux» et du brevet canadien n° 569,813 pour les «copeaux». Consolboard soutient que l’intimée, MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Limited a contrefait ces brevets. En réponse, l’intimée conteste la validité des brevets et nie les allégations de contrefaçon.

Les deux inventions portent sur la fabrication d’articles pressés, notamment de panneaux de fibres et d’articles semblables, faits de matière fibreuse sous forme de lamelles ou de copeaux. Ces lamelles et copeaux proviennent de bois et de résidus industriels de bois. La rigidité des panneaux de fibre dense, appelés panneaux rigides, dépend principalement de la rigidité propre des fibres mêmes et des éléments fibreux qui les composent. Le procédé de fabrication des panneaux de copeaux est complexe et technique. En simplifiant cependant, on peut dire que l’article est normalement fabriqué en préparant ce qui s’appelle un «feutre» fait de fibres, en lui ajoutant un liant de résine et en faisant durcir le feutre par l’application de chaleur et de grandes pressions. Il en résulte des forces considérables d’adhésion latérale entre les éléments fibreux.

Le brevet relatif aux copeaux parle [TRADUCTION] «d’éléments fibreux tronçonnés», obtenus en coupant le matériau ligneux contre le fil, à la différence du planage, de sorte que le fil est parallèle à la longueur du copeau et dans son sens. Un des buts de l’invention consiste à préserver la rigidité naturelle des fibres. Dans les planures, les faisceaux de fibres sont fréquemment brisés ou endommagés; dans les copeaux les faisceaux de fibres demeurent intacts la plupart du temps. Ils sont lisses, ils ont le bout effilé, ils se prêtent bien à la fabrication de panneaux et requièrent une très faible quantité de liant. La résine est un produit dispendieux et son économie est éminemment souhaitable. Les copeaux ont une épaisseur qui varie entre 0.002 et 0.065 de pouce et une longueur d’au moins dix fois leur épaisseur, mais inférieure à cinq pouces.

[Page 509]

Le brevet relatif aux panneaux de copeaux prévoit un grand nombre de ces copeaux, ceux-ci étant feutrés et alignés avec leurs plus grandes faces disposées sensiblement dans le même plan. Un liant résineux thermodurcissable relie les copeaux en un panneau aggloméré. Des lamelles ou copeaux aux bouts effilés donnent, selon le brevet, un panneau dont la surface est beaucoup plus résistante et lisse que ne le font des lamelles ou copeaux aux bouts arrondis. L’effilage des bouts permet d’utiliser une lamelle ou copeau plus épais qu’on ne pourrait le faire sans effiler les bouts. En conséquence, la superficie spécifique du matériau fibreux est réduite et il en est de même de la quantité de liant résineux nécessaire pour produire un panneau d’une résistance donnée. Le produit obtenu est un panneau résistant et relativement économique pour usage intérieur et extérieur. Il a pour une bonne part supplanté le «panneau de contreplaqué» plus dispendieux comme matériau de lambrissage.

Le Dr James d’A. Clark, l’inventeur, est un homme de science et un expert reconnu de l’industrie des pâtes et papier. Il a présenté une demande unique de brevet au Canada le 25 juin 1953. A la demande du commissaire des brevets, qui agissait en vertu de l’art. 38 de la Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, chap. P-4, la demande du brevet canadien n° 565,618 (panneaux de copeaux) a été séparée de la demande originale qui est devenue le brevet canadien n° 569,813 (copeaux).

I

L’intimée, MacMillan Bloedel (Saskatchewan) Limited fabrique des panneaux de copeaux à son usine d’Hudson Bay (Saskatchewan), et vend sa production sous la marque de commerce Aspenite. L’usine a été construite il y a environ vingt ans par une société de la Saskatchewan, Wizewood Ltd. Celle-ci fabriquait les panneaux de copeaux sous licence de Changewood Corporation, une société qui avait acquis la propriété des deux brevets contestés du Dr Clark. Ce dernier avait participé à la mise en production de l’usine. La société Wizewood a exploité l’usine de 1961 à 1965 et payait des redevances conformément au contrat de licence. A la suite d’un incendie majeur, la société

[Page 510]

a rencontré des difficultés financières et l’un de ses créanciers, le gouvernement de la Saskatchewan, a assumé la gestion de la société.

Par la suite, les actifs de Wizewood, à l’exception de la licence, ont été cédés à MacMillan Bloedel en 1965. Entre 1965 et le début des procédures dans la présente action en 1974, des représentants de Changewood et de sa cessionnaire, Consolboard, ont essayé, en vain, de faire reconnaître par la société intimée ou sa propriétaire, MacMillan Bloedel Limited, l’obligation de verser des redevances. L’intimée a continué de produire des panneaux de copeaux à son usine de la Saskatchewan. Elle a soutenu et continue de soutenir qu’elle n’a pas commis de contrefaçon des brevets qui, de toute façon sont invalides.

Conformément à une ordonnance de la Cour fédérale, l’action en contrefaçon a été entendue en première instance sans aucune preuve de l’étendue de la contrefaçon alléguée. La détermination des dommages résultant de la contrefaçon alléguée et des profits découlant de celle-ci devait faire l’objet d’une enquête distincte et d’un renvoi postérieur au procès.

II

Le juge Collier, en première instance, dans un jugement maintenant publié à (1979), 39 C.P.R. (2d) 191, a conclu à la nullité de certaines revendications de chacun des deux brevets. Quant au brevet relatif aux panneaux de copeaux, un élément essentiel de l’invention consiste en ce que les copeaux soient «tronçonnés». Les revendications 2, 8, 9 et une partie de la revendication 10 omettaient de mentionner ce terme, elles étaient donc plus larges que l’invention réalisée ou décrite et étaient en conséquence invalides. Quant au brevet relatif aux copeaux, un élément essentiel de l’invention consiste en ce que les copeaux aient les bouts effilés. L’omission de faire état de cette caractéristique a fait radier les revendications 3 et 4 de ce brevet, celles-ci étant plus larges que l’invention réalisée ou décrite.

M. le juge Collier a rejeté tous les autres moyens de nullité soutenus par l’intimée. Il a statué que la description contenue au mémoire

[Page 511]

descriptif satisfaisait aux exigences de la loi énoncées au par. 36(1) de la Loi sur les brevets. Il a rejeté une allégation selon laquelle Consolboard n’avait pas établi son titre de propriété sur les brevets en cause. Il a aussi rejeté les moyens fondés sur l’antériorité, l’absence de nouveauté ou d’ingéniosité et le «dédoublement d’invention».

Après avoir confirmé, en partie, la validité des brevets, le juge a aussi conclu que l’intimée avait contrefait la revendication 2 du brevet relatif aux copeaux et les revendications 7 et 10 (dans la mesure où elle comprend la revendication 7) du brevet relatif aux panneaux de copeaux. Il a refusé d’ordonner un calcul des profits comme le demandait Consolboard. Il a limité son ordonnance à l’attribution de dommages-intérêts.

III

MacMillan Bloedel a interjeté appel. Consolboard a présenté un appel incident, cherchant à faire déclarer valides les revendications radiées en première instance et à obtenir un calcul des profits. La Cour d’appel fédérale a accueilli l’appel et infirmé le jugement de première instance pour inobservance du par. 36(1) de la Loi sur les brevets, selon l’interprétation que la Cour d’appel fédérale en a donné. L’appel incident de Consolboard a été rejeté.

En Cour d’appel et en cette Cour, l’intimée a, en plus d’invoquer l’invalidité des brevets contestés pour inobservance du par. 36(1) de la Loi sur les brevets, soutenu que l’action de Consolboard devrait être rejetée pour les motifs suivants: (i) que Consolboard n’a pas établi son titre de propriété sur les brevets contestés; (ii) que les brevets contestés sont invalides parce que, contrairement aux dispositions de l’al. 28(1)c) de la Loi sur les brevets, l’invention qu’ils présentent a été en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de la demande de brevet; (iii) que les brevets contestés sont invalides parce que, contrairement aux dispositions des al. 28(1)a) et 63(1)b) de la Loi sur les brevets, l’invention qu’ils présentent était déjà connue ou exploitée par les inventeurs nommés au brevet canadien n° 621,795 et que la demande de ce brevet a été déposée avant celle des brevets contestés et était en instance en même temps

[Page 512]

qu’elle; (iv) que le brevet canadien n° 569,813 (relatif aux copeaux) est invalide parce qu’il vise la même invention que le brevet canadien n° 565,618 (relatif aux panneaux de copeaux); (v) que le produit et le procédé de l’intimée ne constituent pas une contrefaçon des brevets contestés; (vi) que les brevets contestés sont invalides parce qu’ils manquent de nouveauté ou d’ingéniosité inventive compte tenu de l’état antérieur de la technique; (vii) que le juge de première instance a commis une erreur en refusant à l’intimée la permission, le dernier jour du procès, d’invoquer les dispositions de The Limitation of Actions Act de la Saskatchewan, R.S.S. 1965, chap. 84.

IV

Avant de nous arrêter à la question de savoir si la Cour d’appel a eu raison de déclarer les deux brevets visés invalides pour inobservance des dispositions du par. 36(1) de la Loi sur les brevets, il y a lieu de traiter brièvement et de disposer de quelques points soulevés dans les plaidoiries. Pendant l’audience, la Cour a statué sur les points suivants:

a) Consolboard a établi son titre de propriété sur les deux brevets contestés. Même si le juge Collier a admis que la preuve de la chaîne de titres n’était pas [TRADUCTION] «aussi bonne qu’on pourrait le souhaiter» il y avait au moins des éléments de preuve qui lui permettaient de conclure, comme il l’a fait, que Consolboard avait satisfait à l’obligation de prouver son titre. La principale objection est qu’on n’a pas fait témoigner Clark, l’inventeur, pour faire la preuve de sa cession de droits à un des auteurs en titre de Consolboard. Le Dr Clark demeurait près de Vancouver, où l’audience a eu lieu, mais il était très âgé. La cession de droits a été mise en preuve par un nommé Carey dont l’intimée a contesté la crédibilité. Le juge de première instance pouvait cependant traiter ce témoignage comme il le jugeait à propos, ce qui dépendait pour beaucoup de la crédibilité de M. Carey. Cette Cour a décidé de ne pas modifier la décision du juge.

b) Les brevets contestés ne sont pas invalides pour le motif que «l’invention» qu’ils présentent aurait, en contravention de l’al. 28(1)c) de la Loi

[Page 513]

sur les brevets, été en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de la demande de brevet à leur égard. Ce point résulte de ce qu’entre le Noël de 1950 et le Nouvel An de 1951, le Dr Carl Hallonquist, alors chef du service de recherche de la société intimée, a rendu visite au Dr Clark, à Longview (Washington). On a prétendu qu’au cours de cette visite, le Dr Clark aurait divulgué au Dr Hallonquist tous les éléments des revendications des brevets en cause, en aurait fait la démonstration et aurait offert à l’intimée des droits à l’invention pour l’Ouest du Canada. Le juge de première instance a statué que l’offre du Dr Clark de droits de licence ne pouvait équivaloir à une offre de vente de l’invention. A l’appui de sa conclusion, il faut signaler qu’aucune discussion des conditions de concession de licence ou de vente n’a eu lieu entre le Dr Clark et le Dr Hallonquist; les pourparlers ont eu lieu aux Etats-Unis et non au Canada; et il est manifeste que les travaux du Dr Clark étaient encore au stade de l’expérimentation ou de «l’unité pilote». Les pourparlers avaient trait à un matériau de panneau fabriqué par le Dr Clark dans son laboratoire au sous-sol de sa demeure.

c) L’intimée n’est pas autorisée à modifier son acte de défense pour invoquer The Limitation of Actions Act de la province de la Saskatchewan. L’avocat de l’intimée a abandonné ce moyen pendant l’audience.

d) Le juge Collier a eu raison de refuser d’ordonner un calcul des profits plutôt que d’accorder des dommages-intérêts principalement parce que l’appelante n’a pas intenté l’action avant 1974. L’appelante soutient que le juge Collier a eu tort de conclure qu’elle a tardé à intenter l’action. On a soutenu que Consolboard a poursuivi les négociations avec MacMillan Bloedel jusqu’en 1972 pour amener celle-ci à reconnaître les droits de l’appelante et que ce n’est qu’après l’échec irrémédiable de ces négociations que Consolboard s’est sentie obligée de poursuivre en février 1974. Cela peut bien être vrai. Le pouvoir discrétionnaire exercé par le juge Collier portait cependant sur un ensemble complexe de faits en outre du retard. Donc, de l’avis de cette Cour, il y a lieu de confirmer la décision du juge de première instance quant au calcul des profits.

[Page 514]

Il y a un autre point dont on peut disposer à ce moment-ci, c’est la question de la contrefaçon. L’intimée fabrique un copeau de bois dont les marges de dimensions correspondent à celui du brevet 569,813 et à sa revendication 2. Le panneau de copeaux Aspenite fabriqué par l’intimée, à l’exception du modèle de 3/4 de pouce, correspond aux dimensions et aux paramètres de composition du panneau de copeaux du brevet 565,618 et de ses revendications 7 et 10. L’intimée soutient que ses copeaux ne sont pas (effilés» au sens exact que ce terme a dans les brevets et que, par conséquent, elle ne contrefait pas les brevets de l’appelante. Le juge de première instance a accepté, pour les fins d’interprétation des brevets contestés, la définition du mot «effiler» comme [TRADUCTION] «l’action de biseauter ou de réduire graduellement l’épaisseur du copeau et des bouts dans le sens de la longueur». Il a rejeté la définition plus restrictive proposée par M. Johanson, l’un des témoins de l’intimée, soit [TRADUCTION] «une réduction régulière de l’épaisseur produite par un instrument [quelconque]». Le juge a conclu que les copeaux de l’intimée étaient «effilés».

Une bonne partie des témoignages a porté sur la question de la contrefaçon pendant le procès de 20 jours. C’est essentiellement une question de fait et l’intimée n’a pas, à mon avis, démontré de motif valable de modifier la conclusion qu’il y a eu contrefaçon. Il n’y a pas lieu de changer cette conclusion du juge de première instance.

V

Même si l’intimée a soulevé toute une batterie de moyens de défense, la question principale soulevée par ce pourvoi est de savoir si la Cour d’appel fédérale a commis une erreur en déclarant les deux brevets invalides pour omission de se conformer à l’art. 36 de la Loi sur les brevets. Cet article est ainsi formulé:

36. (1) Dans le mémoire descriptif, le demandeur doit décrire d’une façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l’inventeur, et exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent

[Page 515]

à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l’objet de l’invention. S’il s’agit d’une machine, le demandeur doit en expliquer le principe et la meilleure manière dont il a conçu l’application de ce principe. S’il s’agit d’un procédé, il doit expliquer la suite nécessaire, s’il en est, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l’invention d’autres inventions. Il doit particulièrement indiquer et distinctement revendiquer la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu’il réclame comme son invention.

(2) Le mémoire descriptif doit se terminer par une ou plusieurs revendications exposant distinctement et en termes explicites les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété ou le privilège exclusif.

Le juge en chef Jackett, au nom de la Cour d’appel fédérale, a insisté sur les premiers et les derniers mots du par. 36(1):

Dans le mémoire descriptif, le demandeur doit décrire de façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l’inventeur, ..; il doit particulièrement indiquer et distinctement revendiquer la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu’il réclame comme son invention.

Dans un renvoi de mauvais augure, marqué «N.B.», le Juge en chef affirme que les mots «dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l’art ou la science dont relève l’invention, ou dans l’art ou la science qui s’en rapproche le plus» qu’on trouve vers le milieu du par. 36(1) s’appliquent uniquement à l’exigence que le demandeur doit «exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières ... de confectionner, construire, composer ou utiliser l’objet de l’invention». Il renvoie ensuite à la définition du mot «invention» de l’art. 2 de la Loi sur les brevets, soit:

2. Dans la présente loi, ainsi que dans tout règlement ou règle établie, ou ordonnance rendue, sous son autorité,

[…]

«invention» signifie toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières,

[Page 516]

ainsi qu’un perfectionnement quelconque de l’un des susdits, présentant le caractère de la nouveauté et de l’utilité;

Le Juge en chef a conclu que dans le cas d’une invention de produit, comme il a jugé que c’était le cas en l’espèce, «l’invention» doit, à cause de sa définition être une «composition de matières ainsi qu’un ... perfectionnement quelconque ... présentant . . . de l’utilité». Après avoir affirmé que le savant juge de première instance avait correctement décrit l’invention, le Juge en chef poursuit:

A notre avis, compte tenu du but évident de l’article 36 qui vise à rendre accessible au public (en contrepartie du monopole) tous les aspects de l’invention (au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets) et particulièrement son utilité, le demandeur ne se conforme à cet article que si, dans son mémoire descriptif, il revendique distinctement «la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu’il réclame» avoir «décrit d’une façon exacte et complète», entre autre son utilité.

Il dit encore:

D’après le «mémoire descriptif», le long plaidoyer et les références à la preuve abondante, il semble que l’invention porte sur l’emploi de particules de bois obtenues par tronçonnage et aux bouts effilés dans les grandeurs mentionnées pour la fabrication de panneaux de fibre, ce qui donne des panneaux relativement bon marché, assez solides pour servir dans la construction, parce que les fibres sont peu endommagées et parce que l’effilage des bouts des particules réduit la quantité de résine nécessaire (substance coûteuse) et enfin grâce au chevauchement découlant de cet effilage.

Et il conclut:

A notre avis, bien que la réduction des dommages subis par les fibres de bois, en tant qu’utilité réalisée par «l’invention», soit «distinctement» revendiquée par le brevet (voir page 1 de l’exemplaire imprimé), l’utilité de la combinaison du tronçonnage au moyen duquel elle est réalisée et l’effilage des bouts des particules ne peut être découverte que par une étude intensive du brevet, si tant est qu’elle le soit. La principale référence qui y soit faite se trouve à la colonne 8 (sur 16 colonnes) dans l’examen d’une application particulière de (d’invention». A notre avis, cela ne constitue pas une indication distincte de l’utilité réelle de l’invention en question qui porterait cette dernière à l’attention du public de la façon exigée par l’article 36. En conséquence, la Loi sur les brevets ne confère pas un monopole de l’invention.

[Page 517]

L’appelante soutient que la Cour d’appel a commis sept erreurs fondamentales: (i) en ne se rendant pas compte que le mémoire descriptif ne s’adresse pas au public en général mais aux ouvriers moyennement versés dans l’art; (ii) en confondant les caractéristiques d’une invention définie à l’art. 2 de la Loi sur les brevets, l’article des définitions, avec l’exigence, énoncée au par. 36(1) de la Loi, selon laquelle le requérant doit décrire de façon exacte et complète l’invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l’inventeur; (iii) en interprétant mal le par. 36(1) de façon à exiger que les caractéristiques de brevetabilité soient énoncées dans le mémoire descriptif du brevet, soit la nouveauté, l’ingéniosité et l’utilité; (iv) en confondant l’utilité d’une invention avec son principe ou son effet; (v) en ne considérant pas l’ensemble du mémoire descriptif pour décider s’il se conformait au par. 36(1); (vi) en adoptant une attitude beaucoup trop formaliste pour juger si le mémoire descriptif était conforme au par. 36(1) de la Loi; (vii) en ne tenant pas compte du témoignage de personnes versées dans l’art quant à la conformité du mémoire descriptif.

VI

L’article 36 de la Loi sur les brevets est le pivot de tout le système des brevets. La description de l’invention qui y est faite est la raison pour laquelle l’inventeur obtient un monopole sur l’invention pour un certain nombre d’années. Comme le souligne Fox dans Canadian Patent Law and Practice (4e éd.), à la p. 163, l’octroi d’un brevet est une sorte de marché entre l’inventeur d’une part et Sa Majesté, agissant pour le public, d’autre part. L’octroi a deux considérations: [TRADUCTION] «la première, c’est qu’il doit y avoir une invention nouvelle et utile, la seconde, l’inventeur doit, en contrepartie de l’octroi du brevet, fournir au public une description adéquate de l’invention comportant des détails assez complets et précis pour qu’un ouvrier, versé dans l’art auquel l’invention appartient, puisse construire ou exploiter l’invention après la fin du monopole.» La description dont parle Fox est celle qui est exigée par l’art. 36 de la Loi sur les brevets.

[Page 518]

On ne peut dire que la rédaction de l’art. 36 est heureuse. Elle donne l’impression d’être un brassage d’idées glanées au hasard plutôt qu’un effort pour énoncer, de façon concise et précise, un ou des principes directeurs. C’est peut-être explicable parce que l’article est le fruit de modifications successives au cours des années. Ce texte ne se prête tout simplement pas à une interprétation serrée et littérale. Il est et on doit le lire comme un énoncé du législateur, en termes généraux, de ce que le demandeur doit révéler à la face du monde avant d’être autorisé à obtenir la concession d’un monopole en vertu d’un brevet.

Toute la législation subséquente à l’Acte des brevets de 1869, 1869 (Can.), chap. 11, découle de celle-ci laquelle suit de près la loi des États-Unis de 1836 (5 Stat. 117). La Loi de 1869 exigeait (art. 14) que le mémoire descriptif décrive correctement et complètement le ou les modes d’opération envisagés par le demandeur et énonce clairement les inventions et choses qu’il réclame comme nouvelles et dont il réclame la propriété et l’usage exclusifs. Les premiers mots du par. 36(1) actuel et les exigences du par. 36(2) sont exprimés à peu près dans les mêmes termes. Une nouvelle loi a été adoptée en 1872, modifiée à l’occasion et révisée en 1886 et en 1906, mais sans grand changement à ce qui correspond maintenant à l’art. 36. En 1923, une nouvelle loi est entrée en vigueur; elle comportait les mots mêmes qu’on trouve aujourd’hui au début du par. 36(1). Elle exigeait que l’inventeur expose clairement les diverses phases d’un procédé et termine la description par une ou plusieurs revendications énonçant avec précision les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété et le privilège exclusifs. On établissait donc une distinction entre les «revendications» et le corps du mémoire.

En 1935, une autre Loi sur les brevets était adoptée dont l’art. 35 était presque le même que le l’art. 36 actuel. Elle apportait deux changements qui sont particulièrement pertinents en l’espèce: (i) elle exigeait que les parties explicatives s’adressent à une personne versée dans l’art, ce qui n’était que la codification de ce qui avait toujours été la règle en common law, et (ii) elle ajoute les derniers mots

[Page 519]

du par. (1), qui sont de première importance en l’espèce, soit: «Il doit particulièrement indiquer la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu’il réclame comme son invention».

Ce qu’on a voulu obtenir en ajoutant les mots cités n’est pas tout à fait clair. Ils ont peut-être été ajoutés ex abundante cautela, pour avoir plus de détails dans les descriptions, mais ils semblent presque redondants, si on les rapproche du par. 36(2) et de la définition d’«invention». A première vue, la modification de 1935 n’a rien ajouté en substance à ce qui était requis depuis 1869. Je suis donc d’avis que le droit déterminé par l’arrêt de cette Cour Baldwin International Radio Company of Canada, Limited c. Western Company Incorporated, et Northern Electric Company Limited[2], est encore valable, malgré les modifications apportées à la Loi sur les brevets en 1935. Dans l’arrêt Baldwin, le juge Rinfret, alors juge puîné, dit, au nom de la Cour, à propos de l’art. 14 de la Loi sur les brevets (aujourd’hui l’art. 36):

[TRADUCTION] L’article dispose que: La demande doit

a) donner une explication exacte et complète de l’invention et de son application ou exploitation telles que projetées par l’inventeur;

b) exposer clairement les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection ou de réunion d’une machine, d’une fabrication ou d’une composition de matières;

c) se terminer par une ou plusieurs revendications énonçant avec précision les choses ou combinaisons que le demandeur considère comme nouvelles et dont il revendique la propriété et le privilège exclusifs.

Ce qui est exigé c’est donc, selon notre droit, que le demandeur fournisse une description complète et exacte de l’invention et de son application ou exploitation. Si l’invention consiste en un nouveau procédé, il doit en exposer clairement les diverses phases; s’il s’agit d’une machine, de la fabrication ou d’une composition de matières, le mémoire doit en expliquer le mode de construction, de confection ou de réunion. Ensuite, dans tout brevet, là ou les revendications doivent énoncer avec précision ce que le demandeur considère comme nouveau et dont il revendique la propriété et le privilège exclusifs. Si l’invention consiste en une chose nouvelle ou en l’amélioration d’une chose, il doit en faire état, mais

[Page 520]

si l’invention consiste seulement en une combinaison nouvelle d’éléments ou d’appareils connus, cette combinaison est suffisamment décrite si les éléments ou appareils dont elle se compose sont tous nommés, si le mode d’opération en est donné et si le nouveau résultat utile qu’elle doit procurer est signalé (Comparer avec Bates v. Coe, (1878) 98 U.S. 31). C’est seulement si le demandeur veut revendiquer l’invention d’un élément inclus pour l’élément lui-même qu’il devient nécessaire au demandeur de revendiquer l’élément séparément, s’il veut en obtenir la propriété et le privilège exclusifs. [à la p. 105]

Essentiellement, ce qui doit figurer dans le mémoire descriptif (qui comprend à la fois la divulgation, c.-à-d., la partie descriptive de la demande de brevet, et les revendications) c’est une description de l’invention et de la façon de la produire ou de la construire, à laquelle s’ajoute une ou plusieurs revendications qui exposent les aspects nouveaux pour lesquels le demandeur demande un droit exclusif. Le mémoire descriptif doit définir la portée exacte et précise de la propriété et du privilège exclusifs revendiqués.

Le paragraphe 36(1) cherche à répondre aux questions suivantes: «En quoi consiste votre invention? Comment fonctionne-t-elle? Quant à chacune de ces questions, la description doit être exacte et complète de sorte que, comme l’exprime le président Thorson dans Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines, Limited[3].

[TRADUCTION] . . . une fois la période de monopole terminée, le public puisse, en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, à l’époque de la demande. [à la p. 316]

Il faut considérer l’ensemble de la divulgation et des revendications pour déterminer la nature de l’invention et son mode de fonctionnement, (Noranda Mines Limited c. Minerals Separation North American Corporation)[4], sans être ni indulgent ni dur, mais plutôt en cherchant une interprétation qui soit raisonnable et équitable à la fois pour le titulaire du brevet et pour le public. Ce n’est pas le moment d’être trop rusé ou formaliste en matière d’oppositions soit au titre ou au mémoire descriptif puisque, comme le dit le juge

[Page 521]

en chef Duff, au nom de la Cour, dans l’arrêt Western Electric Company, Incorporated, et Northern Electric Company c. Baldwin International Radio of Canada[5], à la p. 574: [TRADUCTION] «quand le texte du mémoire descriptif, interprété de façon raisonnable, peut se lire de façon à accorder à l’inventeur l’exclusivité de ce qu’il a inventé de bonne foi, la Cour, en règle générale, cherche à mettre cette interprétation à effet». Sir George Jessel a dit à peu près la même chose il y a beaucoup plus longtemps dans l’arrêt Hinks & Son v. Safety Lighting Company[6]. Il a dit que l’on devait aborder le brevet «avec le souci judiciaire de confirmer une invention vraiment utile».

A la lumière de ce qui précède, je reviens à l’arrêt de la Cour d’appel fédérale. Avec égards, à mon avis, la Cour d’appel a commis une erreur sur deux points fondamentaux en renversant la décision du juge Collier. La Cour l’a renversée parce que, si je comprends bien l’arrêt, le demandeur n’avait pas rendu manifestement claire (1) pour le public (2) l’utilité de l’invention. Dans ses motifs de jugement le juge en chef Jackett dit dans un extrait que je reprends ici pour faciliter le renvoi:

A notre avis, compte tenu du but évident de l’article 36 qui vise à rendre accessible au public (en contrepartie du monopole) tous les aspects de l’invention (au sens de l’article 2 de la Loi sur les brevets) et particulièrement son utilité, le demandeur ne se conforme à cet article que si, dans son mémoire descriptif, il revendique distinctement «la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu’il réclame» avoir «décrit d’une façon exacte et complète», entre autre son utilité. [C’est moi qui souligne.]

A mon avis, c’est un principe fermement établi que le mémoire descriptif d’un brevet ne s’adresse pas au public, mais à une personne versée dans l’art en cause. De plus je suis convaincu que le par. 36(1) n’impose pas au breveté l’obligation de prouver l’utilité de son invention.

Donc la première erreur, selon moi, que la Cour a commise en interprétant le par. 36(1) a été d’adopter des critères différents de divulgation pour les différentes parties du paragraphe; en d’autres termes, d’imposer un double standard de

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divulgation. La Cour d’appel a jugé que le par. 36(1) se divisait en deux parties distinctes, la première portant sur «les diverses phases d’un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d’utilisation d’une machine, d’un objet manufacturé ou d’un composé de matières

». Dans la note en bas de page dont j’ai parlé, la Cour conclut que cette partie du mémoire descriptif s’adresse à quelqu’un versé dans l’art. La seconde partie du mémoire descriptif, celle qui comporte la revendication claire de «la partie, . . [du] perfectionnement ou [de] la combinaison qu’il réclame comme son invention» s’adresse, selon la Cour, au public en général. En résumé, le juge en chef Jackett divise le par. 36(1) en deux parties: (i) l’énoncé des diverses phases d’un procédé, à laquelle le critère à appliquer est de savoir si une personne versée dans l’art le comprendrait (ii) les revendications auxquelles le critère à appliquer est de savoir si quelqu’un du public en général les comprendrait.

Le juge en chef Jackett a voulu faire une distinction avec l’arrêt Sandoz Patents Limited c. Gilcross Limited, ci-devant Jules R. Gilbert Limited[7], parce que dans l’arrêt Sandoz cette Cour traitait de la partie (i) ci-dessus et qu’en conséquence le critère de «l’artisan habile» s’appliquait. C’est là une distinction très ténue que ne justifient pas les termes généraux employés par le juge Pigeon dans l’arrêt Sandoz. Le juge Pigeon était nettement opposé à l’idée de déclarer le brevet nul pour des motifs formalistes. Dans l’arrêt Sandoz, il dit, à la p. 1347:

Il ne me paraît pas qu’il faille invalider un brevet en raison d’un détail de forme de ce genre et je ne crois pas que le par. (1) de l’art. 36 l’exige. Le mémoire descriptif est rédigé à l’intention des personnes versées dans l’art et, par conséquent, il doit s’interpréter en tenant compte de ce que pareille personne comprendra en le lisant.

Il s’exprime encore plus clairement dans l’arrêt Burton Parsons Chemicals, Inc. et autre c. Hewlett-Packard (Canada) Ltd. et autre[8], à la p. 563:

Même si la Cour doit interpréter un brevet comme tout autre document juridique, cette interprétation doit se faire en tenant compte du fait que le destinataire est un

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homme de l’art, et en tenant compte également du savoir que cet homme est censé posséder.

Voir aussi ce que dit le juge Pigeon dans l’arrêt Monsanto Company c. Commissaire des brevets[9], à la p. 1113, alors qu’il cite ses propres motifs dans l’arrêt Sandoz. Ces énoncés sont nettement incompatibles avec l’attitude adoptée par la Cour d’appel fédérale.

Il me paraît contraire à l’esprit de ces arrêts de séparer le par. 36(1) en deux parties et de fixer un critère différent pour chacune. Fox, ibid., dit encore, h. la p. 204:

[TRADUCTION] Les personnes à qui le mémoire descriptif s’adresse sont «des travailleurs moyens» doués d’habiletés moyennes dans l’art dont l’invention relève et possédant les connaissances générales moyennes qu’ont les gens de ce domaine d’activité précis. On arrive à la bonne interprétation du brevet en tenant compte de ce qu’un ouvrier habile qui aurait lu le mémoire descriptif à l’époque aurait jugé divulgué et revendiqué par le mémoire.

La Cour a expressément adopté cette règle dans l’arrêt antérieur Western Electric Co. c. Baldwin International Radio of Canada, précité. Le juge en chef Duff cite et suit, à la p. 571 du recueil, l’affirmation suivante de lord Halsbury dans l’arrêt Tubes, Ld. v. Perfecta Seamless Steel Tube Company, Ld.[10], aux pp. 95 et 96:

[TRADUCTION] *** s’il faut considérer les principes de base et trouver quel est le sens d’un mémoire descriptif *** pourquoi le mémoire descriptif est-il nécessaire? C’est un marché entre l’État et l’inventeur: l’État dit: (Si vous me dites en quoi consiste votre invention et si vous consentez à divulguer cette invention dans la forme et de la manière qui permettront au public d’en profiter, vous aurez le monopole de cette invention pendant quatorze ans.» C’est là le marché. La portée que, d’après mon interprétation du droit sur les brevets, on a toujours attachée à l’objet et au but du mémoire descriptif, est de permettre non pas à n’importe qui, mais à un ouvrier raisonnablement bien renseigné dans le domaine de son expertise de fabriquer la chose de façon à la rendre disponible au public à la fin de la période de monopole.

et

La question qui se pose ici est de savoir si c’est ce qui a été fait. A mon sens, pour répondre à cette question il

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faut considérer — et je dirais que cela s’applique non seulement au mémoire descriptif d’un brevet, mais à tout document — l’ensemble du document pour découvrir ce qu’il veut dire — il ne faut pas en prendre un passage isolé du reste et le déclarer incompatible avec l’invention dans son ensemble, mais voir l’essentiel de ce que l’inventeur veut dire en réalité et, une fois arrivé à cette étape, voir si le texte répond au critère que j’ai proposé comme celui qui s’applique à un tel mémoire descriptif et s’il permettra à un artisan moyen de rendre l’invention disponible au public. [C’est moi qui souligne.]

Le président Thorson, qui fait autorité dans ce domaine, confirme amplement l’opinion ci-dessus dans Minerals Separation North American Corporation c. Noranda Mines Limited, précité:

[TRADUCTION] Lorsqu’on dit qu’un mémoire descriptif devrait être rédigé de façon à ce que, une fois la période de monopole terminée, le public puisse, en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur, on doit se rappeler que le public désigne les personnes versées dans l’art auquel se rapporte l’invention, car un mémoire descriptif de brevet s’adresse à de telles personnes. En l’espèce, le mémoire descriptif s’adresse à des personnes telles que des métallurgistes et chimistes habiles, versés dans l’art de concentrer des minerais par la flottation d’écume. Par conséquent, on devrait le considérer sous cet angle et le lire à la lumière des connaissances communes de l’art que ces personnes devraient avoir. [aux pp. 317 et 318]

La décision de la Cour de l’Échiquier a été renversée par cette Cour pour d’autres motifs [1950] R.C.S. 36, et le Conseil privé a confirmé l’arrêt de cette Cour, mais l’énoncé ci-dessus n’a jamais été mis en doute.

A vrai dire, l’intimée reconnaît dans son factum que le mémoire descriptif s’adresse à un ouvrier versé dans l’art. Dans l’argumentation d’un autre point (le recoupement qu’il y aurait entre les brevets appartenant à l’appelante et le brevet canadien n° 621,795) l’intimée affirme que la question pertinente est celle de savoir si le brevet ne 621,795 est, [TRADUCTION] «pour une personne versée dans l’art», nettement distinguable des brevets contestés (à la p. 17). Dans la mesure où la Cour d’appel fédérale a statué que le par. 36(1) de la Loi sur les brevets exige la divulgation d’une invention, y compris son utilité, au public en tant que personnes sans habiletés ni connaissances spéciales, une telle conclusion est, à mon avis, contraire

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au droit. Il n’y a qu’un seul critère et c’est celui de savoir si le mémoire descriptif décrit adéquatement l’invention pour une personne versée dans l’art, même si dans le cas de brevets de nature hautement technique et scientifique, cette personne peut être quelqu’un qui possède un niveau élevé de connaissances scientifiques spécialisées et d’expertise dans le domaine spécifique des sciences dont relève le brevet. On pourrait ajouter que l’intimée n’a présenté aucun élément de preuve sur les points à l’égard desquels les mémoires descriptifs des deux brevets contestés pourraient être jugés insuffisants par un ouvrier moyennement versé dans l’art.

Avec tous égards, je suis d’avis que la Cour d’appel fédérale a aussi commis une erreur en jugeant que le par. 36(1) exige une indication distincte de l’utilité réelle de l’invention en cause. Il y a un exposé utile dans Halsbury’s Laws of England, (3e éd.), vol. 29, à la p. 59 sur le sens de «inutile» en droit des brevets. Le terme signifie [TRADUCTION] «que l’invention ne fonctionnera pas, dans le sens qu’elle ne produira rien du tout ou, dans un sens plus général, qu’elle ne fera pas ce que le mémoire descriptif prédit qu’elle fera». On n’a pas prétendu que l’invention ne produirait pas les résultats promis. L’exposé dans Halsbury’s Laws of England (ibid.) poursuit:

[TRADUCTION] ... ce n’est pas l’utilité pratique de l’invention ni son utilité commerciale qui importe à moins que le mémoire descriptif ne laisse prévoir une utilité commerciale, il n’importe pas plus que l’invention apporte un avantage réel au public ni qu’elle soit particulièrement adaptée au but visé. [Les notes en bas de pages ont été omises.]

et il conclut:

[TRADUCTION] ... Il y a suffisamment d’utilité pour

justifier un brevet si l’invention donne soit un objet nouveau ou meilleur ou moins dispendieux ou si elle accorde au public un choix utile. [Les notes en bas de pages ont été omises.]

Le droit canadien est au même effet. Dans l’arrêt Rodi & Wienenberger A.G. v. Metalliflex Limited[11] (confirmé en cette Cour [1961] R.C.S. 117), la Cour d’appel du Québec a, à la p. 53, suivi

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la décision Unifloc Reagents, Ld. v. Newstead Colliery, Ld.[12], dont elle cite l’extrait suivant, à la p. 184:

[TRADUCTION] Si, quand on l’utilise conformément aux instructions données dans le mémoire descriptif, l’invention produit les résultats promis, elle est utile au sens où ce terme est employé dans le droit des brevets. La question à se demander est celle de savoir si l’on fait ou réalise ce que le mémoire descriptif dit de faire, on peut faire ou réaliser ce que le mémoire descriptif dit qu’on peut faire ou réaliser.

Même si (i) le par. 36(1) exige que l’inventeur indique et revendique distinctement la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu’il réclame comme son invention et si (ii) pour être brevetable une invention doit consister en quelque chose de nouveau et d’utile (art. 2) qui n’était pas connue ou utilisée par une autre personne avant que l’inventeur l’ait faite (al. 28(1)a)), je ne donne pas aux derniers mots du par. 36(1) une interprétation qui oblige l’inventeur à décrire, dans sa divulgation ou ses revendications, en quoi l’invention est nouvelle et de quelle manière elle est utile. Il doit dire ce qu’il revendique avoir inventé. Il n’est pas obligé de vanter l’effet ou l’avantage de sa découverte s’il décrit son invention de manière à le produire.

Comme le dit le président Thorson dans R. v. American Optical Company et al.[13], à la p. 85:

[TRADUCTION] On ne peut pas opposer non plus au caractère suffisant de la divulgation que les avantages de l’invention énoncés par le professeur Price n’ont pas été mentionnés dans le mémoire descriptif .... Si un inventeur a adéquatement décrit son invention, il a droit d’en jouir même s’il n’apprécie ni ne réalise pleinement les avantages qui en découlent ou s’il ne peut fournir l’explication scientifique de ces derniers. Il suffit que le mémoire descriptif décrive de façon complète et correcte l’invention et son emploi ou fonctionnement prévus par l’inventeur de telle sorte que le public, c.-à-d. les personnes versées dans l’art, puisse, en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur.

L’intimée soutient que ce qui est en cause ici ce n’est pas l’utilité de l’invention du titulaire de brevet, mais l’exigence qu’impose la loi au titulaire de décrire pleinement et correctement l’invention

[Page 527]

et (i) de la distinguer des autres inventions et (ii) de particulièrement indiquer et distinctement revendiquer la partie ou le perfectionnement qu’il réclame comme son invention. Le point (i) ne s’applique que s’il s’agit d’une invention de procédé. Le juge de première instance a conclu que ni l’un ni l’autre des brevets contestés ne se rapportaient à une invention de procédé et j’accepte volontiers cette conclusion. La Cour d’appel a jugé que ce qui était en cause ici était un «produit» ou «composition de matières» ou leur amélioration. Le point (ii) s’appuie sur la prétention que pour se conformer au par. 36(1), il est nécessaire de mentionner clairement et distinctement l’utilité et la nouveauté de l’invention comme partie intégrante du mémoire descriptif. L’intimée invoque l’arrêt Noranda Mines Limited v. Minerals Separation North American Corporation, précité. Dans cet arrêt le juge Thorson a mentionné que le mémoire descriptif doit «être rédigé de façon à ce que, une fois la période de monopole terminée, le public puisse en n’ayant que le mémoire descriptif, utiliser l’invention avec le même succès que l’inventeur» mais je ne trouve rien dans cette affaire qui appuie la conclusion au soutien de laquelle l’intimée cite l’affaire.

Avec égards, j’accepte l’argument de l’avocat de l’appelante selon lequel la Cour d’appel fédérale a confondu l’exigence de l’art. 2 de la Loi sur les brevets, qui définit une invention comme une chose nouvelle et «utile» et celle du par. 36(1) de la Loi sur les brevets selon laquelle le mémoire descriptif doit faire état de l’usage auquel l’inventeur a prévu employer l’invention. La première est une condition essentielle pour qu’il y ait invention, la seconde est une exigence de divulgation, indépendante de la première.

VII

Ayant conclu que la Cour d’appel fédérale a commis une erreur en renversant la décision du juge Collier sur le point de «l’utilité», je dois examiner deux moyens subsidiaires de défense avancés par l’intimée. Le premier découle des al. 28(1)a) et 63(1)b) de la Loi sur les brevets ainsi libellés:

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28 (1) Sous réserve des dispositions subséquentes du présent article, l’auteur de toute invention ou le représentant légal de l’auteur d’une invention qui

a) n’était pas connue ou utilisée par une autre personne avant que lui-même l’ait faite,

[…]

peut, sur présentation au commissaire d’une pétition exposant les faits (ce que la présente loi indique comme «le dépôt de la demande») et en se conformant à toutes les autres prescriptions de la présente loi, obtenir un brevet qui lui accorde l’exclusive propriété de cette invention.

63 (1) Aucun brevet ou aucune revendication dans un brevet ne doit être déclaré invalide ou nul pour 1a raison que l’invention qui y est décrite était déjà connue ou exploitée par une autre personne avant d’être faite par l’inventeur qui en a demandé le brevet, à moins qu’il ne soit établi

[…]

b) que cette autre personne avait, avant la délivrance du brevet, fait une demande pour obtenir au Canada un brevet qui aurait dû donner lieu à des procédures en cas de conflit, ou

En plus des deux brevets contestés, le Dr Clark avait déjà déposé une demande de brevet pour [TRADUCTION] «Le défibrage des matériaux ligneux et l’appareil pour le faire». La demande a été déposée sous le n° 621,795, le 19 avril 1950, le Dr Clark et un nommé Arthur Mottet y sont désignés comme les inventeurs du matériau. Comme le constate le juge de première instance, il y a une [TRADUCTION] «parenté manifeste» entre le brevet 795 et les brevets contestés. Le brevet 795 décrit la méthode par laquelle on produit un matériau en bois fibreux par tronçonnage qui est ensuite réduit par une opération subséquente d’usinage. Les minces copeaux ou aiguillettes sont plus tard agglomérés en un produit appelé «panneau ridige».

L’intimée soutient que l’invention divulguée par le brevet n° 621,795 est identique à celles divulguées aux brevets 813 et 618. On prétend, en conséquence, (i) que les brevets contestés contreviennent à l’art. 28 de la Loi sur les brevets et sont invalides; (ii) que les mémoires descriptifs des deux brevets contestés sont insuffisants et qu’en conséquence les brevets sont invalides.

[Page 529]

Le paragraphe 28(1) de la Loi sur les brevets décrète notamment qu’une personne peut n’obtenir un brevet que pour une invention que si celle-ci «n’était pas connue ou utilisée par une autre personne avant qu’ ... [elle-même] l’ait faite». Le paragraphe 63(1) de la Loi restreint le sens de «connue ou utilisée par une autre personne».

L’alinéa 63(1)b) ne s’applique que dans les cas qui auraient «dû donner lieu à des procédures en cas de conflit». Le paragraphe 45(1) énonce le critère que le commissaire des brevets doit appliquer pour déterminer s’il y a conflit:

45 (1) Se produit un conflit entre deux ou plusieurs demandes pendantes

a) lorsque chacune d’elles contient une ou plusieurs revendications qui définissent substantiellement la même invention, ou

b) lorsqu’une ou plusieurs revendications d’une même demande décrivent l’invention divulguée dans l’autre ou les autres demandes.

L’intimée soutient que le brevet 795 couvre «substantiellement la même invention» que les brevets 618 et 813. La demande du brevet 795 a été déposée pas moins de trois ans avant la demande des deux autres brevets. Donc les inventions visées par ces deux derniers brevets ont été connues et utilisées par quelqu’un d’autre avant leur invention, cette autre personne étant Arthur Mottet, le codemandeur du brevet 795.

Le même moyen a été proposé en première instance et rejeté par le juge. Conformément aux dispositions précitées de la loi, le juge Collier a comparé les revendications des trois brevets pour savoir si celles-ci définissaient ou décrivaient «substantiellement la même invention». Il a rejeté l’argument dans les termes suivants:

[TRADUCTION] Le brevet n° 621,795 décrit une méthode qui permet de couper ou de produire des matériaux de bois, d’abord en tronçonnant puis en tranchant le produit pour obtenir des parties fines mais grossières, puis en usinant les parties grossières de manière à en réduire la taille sans trop prélever dans le sens de la longueur. On ne décrit ni ne spécifie la taille (épaisseur, longueur, largeur etc.) du matériau fibreux ou des lamelles (peu importe le nom qu’on leur donne). Il n’est aucunement question de résine ni de la quantité de liant nécessaire à la production des panneaux.

[Page 530]

L’examen des revendications de ces trois brevets ne m’a pas persuadé que chacun d’eux contient une ou plusieurs revendications qui décrivent ou définissent substantiellement la même invention. [à la p. 1986]

L’intimée, dans la plaidoirie en cette Cour, a contesté ce passage des motifs du juge Collier. Elle a soutenu que les brevets contestés n’ajoutent rien qui ait une valeur pratique aux enseignements donnés par le brevet n° 621,795.

Je ne puis accepter cette prétention. Mon étude des mémoires descriptifs et des témoignages rendus au procès indique que la conclusion à laquelle est arrivé le juge de première instance est la bonne. Le brevet nos 621,795 a trait à un panneau rigide de grande densité (gravité spécifique 1.0) très aggloméré fait de fibres de bois défibrées et réduites. Les lamelles sont usinées de façon à les prélever dans le sens du plan de clivage naturel. Les lamelles plus grosses sont soumises à un second usinage, à la seule fin de produire du matériau de fibre fine d’une épaisseur indéterminée. Les brevets nos 565,618 et 569,813, tout en décrivant des inventions assez semblables, indiquent en plus la méthode qui permet de produire un panneau aggloméré de densité moyenne (gravité spécifique de 0.75), fait de lamelles ou copeaux de bois intacts et relativement épais dont les bouts sont effilés mais qui ne sont pas autrement réduits.

Le Dr Marra, un témoin de l’appelante, a dit (à la p. 1241) que: [TRADUCTION] «le brevet n° 621,795 vise la production de lamelles usinées en vue de fabriquer un panneau rigide de grande densité tandis que les brevets nos 565,618 et 569,813 [sic] visent des copeaux de bois épais et tronçonnés, aux bouts effilés et des panneaux de densité moyenne faits de ces copeaux à basse teneur de résine».

M. Young, un témoin de l’intimée, a déposé:

[TRADUCTION] Q. Mais pour revenir à ma question, M. Young, est-il vrai ou non qu’une des choses qui aurait pu être ajoutée, la seule chose qui aurait pu être ajoutée et qui aurait une valeur pratique dans les brevets 618 et 813 est l’absence de réduction de ces éléments tronçonnés. Vous ne soumettez pas ces éléments à cette opération d’usinage. Vous

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utilisez ces grosses parties de bois pour produire des panneaux. Comprenez-vous la question?

R. Oui. Je suis seulement en train de vérifier — 565,-618, bas de la colonne 2 dans le dernier alinéa — peut être fait à partir de minces fragments du matériau précédent en coupant les bords substantiellement dans le sens des fibres et en réduisant ensuite ces éclats en lamelles, copeaux ou autres choses semblables en coupant ces éclats dans le sens —

Q. Mais c’est une tout autre affaire, n’est-ce-pas?

R. Oui, vous avez raison. [aux pp. 1127 et 1128]

et plus loin (à la p. 1129):

[TRADUCTION] Je veux bien admettre qu’il ne dit pas qu’il a envisagé une application comme celle du panneau que je vois devant moi, ici. Il ne dit pas cela. Donc, dans ce sens je suppose que vous pouvez dire que c’est quelque chose qui a une valeur pratique, mais c’est une distinction très ténue.

A mon avis, les brevets en cause ne décrivent pas substantiellement la même invention et il n’y a donc pas de contravention à l’art. 28.

L’argument subsidiaire de l’intimée sur ce point se fonde sur les derniers mots du par. 36(1). Comme je l’ai déjà noté, le paragraphe fait obligation au demandeur d’«indiquer et distinctement revendiquer la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu’il réclame comme son invention». Donc, selon l’intimée, même si on présume que les inventions décrites dans les brevets 618 et 813 sont différentes de celle décrite au brevet 795, cette différence ne ressort qu’après un examen serré et minutieux des revendications de chacun. Le demandeur a omis de revendiquer «distinctement» ce en quoi les inventions des brevets contestés diffèrent de l’invention du brevet 795.

Comme je l’ai mentionné, la dernière phrase du par. 36(1) a été ajoutée à la loi en 1935, mais les lois antérieures et la common law ont toujours comporté l’obligation pour le demandeur d’indiquer ce qu’il revendique comme nouveau. A une certaine époque, les tribunaux ont interprété cette obligation de façon très littérale. En d’autres termes, il ne suffisait pas que le demandeur décrive ce qu’il avait inventé en termes précis, mais il était tenu en plus d’indiquer en quoi l’invention était différente de ce qui s’était fait auparavant. (Voir

[Page 532]

Foxwell v. Bostock and Others[14].) Cependant une telle obligation imposait au breveté une tâche impossible à remplir. Supposons qu’il ignorait l’existence d’une autre invention très semblable à la sienne. S’il avait omis de signaler les différences entre les deux inventions, le brevet était invalide même si son invention était nouvelle et distincte. Le droit imposait une peine à un esprit inventif en raison de son omission de se tenir au fait du progrès et des connaissances des autres. Le caractère impossible et inutile d’une telle’ tâche a été explicitement reconnu par le lord juge Fletcher-Moulton dans l’arrêt British United Shoe Machinery Company Ld. v. A. Fussell & Sons Ld.[15], à la p. 652:

[TRADUCTION] Mais dire qu’il doit aussi signaler, sous peine que son brevet soit nul, tout ce qui a précédé son invention, toutes les façons dont des personnes l’ont abordée sous tous les angles et qu’il doit correctement indiquer le petit avancement qu’il y a ajouté à ces démarches, dont la plupart ne lui sont pas connues, c’est exiger de lui quelque chose qui serait parfaitement inutile, pour ce qui a trait à l’utilité pour le public, et éminemment injuste pour l’inventeur. Je dirais plus: c’est une tâche absolument impossible, puisque dans presque tous les cas ces inventions ont été abordées sous de nombreux angles différents.

Dans l’arrêt British United Shoe, la Cour a statué que pour distinguer le nouveau de l’ancien il n’était pas nécessaire de dire explicitement en quoi l’invention est différente ou nouvelle. Le vrai critère est simplement le suivant: [TRADUCTION] «une personne doit distinguer ce qui est nouveau de ce qui est ancien par ses revendications, elle n’a pas à distinguer ce qui est nouveau de ce qui est ancien dans ses revendications» (à la p. 651). En bref, si le mémoire décrit une invention qui de fait est nouvelle et si la description est assez complète pour qu’un ouvrier moyen versé dans l’art puisse la comprendre, le mémoire descriptif du brevet est valide. [TRADUCTION] «Il n’y a pas d’obligation de faire plus, ni de dire pourquoi elle est nouvelle ou ce qui y est nouveau» (à la p. 651).

L’argument de l’intimée constitue une tentative de remettre à la page le type de raisonnement que l’arrêt British United Shoe a écarté il y a plus de

[Page 533]

70 ans. Il conteste les mémoires descriptifs des brevets en cause, non pas parce qu’ils ne divulguent pas d’inventions nouvelles, mais plutôt parce que la nouveauté n’y est pas distinctement revendiquée. Je rejette cette interprétation du par. 36(1) pour les motifs déjà énoncés ici et pour ceux que formule si bien lord Fletcher-Moulton dans l’arrêt British United Shoe.

Je souscris à l’énoncé du juge de première instance dans le passage suivant de ses motifs:

[TRADUCTION] Le brevet relatif aux copeaux me semble viser l’invention d’un produit et d’une méthode, Le brevet relatif aux panneaux de copeaux vise essentiellement l’invention d’un produit. Le brevet nos 621,795 vise, selon mon interprétation, l’invention d’une méthode et d’un appareil. Aucun à mon avis ne vise l’invention d’un «procédé». L’exigence du paragraphe 36(1) qu’un demandeur doit expliquer en quoi son invention se distingue des autres inventions ne s’applique qu’à l’égard d’un procédé. A mon avis, cette partie du paragraphe n’est pas applicable en l’espèce.

En conséquence, je conclus que le brevet n° 621,795 ne rend pas les brevets contestés invalides.

VIII

L’intimée a aussi contesté les brevets litigieux en raison de l’antériorité et de l’absence d’ingéniosité inventive. En plus de ce qu’on a invoqué comme étant de connaissance commune des gens du métier, on a aussi mentionné un certain nombre de publications antérieures à la demande des brevets litigieux, dont un brevet britannique de 1856, un brevet français publié en 1951, quatre brevets américains et un article d’un nommé Elmendorf publié en 1949. On a soutenu que l’état de la technique avant le moment de l’invention était tel que tous les éléments de chacune des revendications étaient de notoriété commune ou générale. Cette question est essentiellement une question de fait et appelle l’évaluation de l’ensemble des connaissances générales et de l’état de la technique au moment de l’invention. Le juge a étudié l’état de la technique invoqué et a conclu:

[TRADUCTION] Il est souvent assez facile à un défendeur dans une poursuite en contrefaçon, avec le bénéfice du recul, de découvrir, après une recherche minutieuse, des éléments particuliers d’antériorité, de les accoler à la notoriété, puis de dire que tout était très simple: un

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ouvrier moyennement versé dans l’art aurait facilement et rapidement été amené à découvrir ce dont le titulaire du brevet contesté se réclame maintenant.

A mon avis, la défenderesse n’a pas établi, suivant la prépondérance des probabilités, que ces revendications ne révèlent pas d’ingéniosité inventive.

L’intimée soutient que, bien interprétées, à la date de la prétendue invention en 1953 par une personne imaginaire, versée dans l’art, pourvue des connaissances communes de l’art, les revendications des brevets contestés étaient frappées d’antériorité par chacun des trois brevets américains et par l’article d’Elmendorf et, a fortiori, ne révélaient aucune ingéniosité inventive par rapport à l’ensemble de ces sources, de l’ancien brevet britannique et de deux autres brevets américains.

Le juge de première instance a conclu qu’aucune des publications antérieures ne satisfaisait au critère d’antériorité proposé dans les décisions Canadian General Electric Co., Ld. v. Fada Radio Ld.[16]; R. v. Uhlemann Optical Company[17] et Lovell Manufacturing Company et al. v. Beatty Bros. Limited[18]. Le juge a conclu que les renseignements donnés dans les documents publiés antérieurement n’étaient pas les mêmes que ceux qui étaient divulgués par les documents publiés antérieurement.

Je suis d’accord que les renseignements contenus aux documents publiés antérieurement ne sont pas, en termes d’utilité pratique, les mêmes que ceux que donnent les brevets contestés. L’intimée soutient que le critère de l’anticipation consiste en ce que la revendication litigieuse «couvre» ou «contient» ce que les documents antérieurs auraient enseigné, au moment de l’invention, à une personne versée dans l’art; [TRADUCTION] «ce qui constitue une contrefaçon, s’il est postérieur, constitue une anticipation, s’il est antérieur»; selon le juge Rinfret dans l’arrêt de la Cour Lightning Fastener Company Limited v. Colonial Fastener Company, Limited et al.[19], à la p. 381:

[Page 535]

[TRADUCTION] Mais ce qui constitue une contrefaçon, s’il est postérieur devrait, en règle générale, constituer une anticipation s’il est antérieur.

A mon avis, les revendications contestées font plus que simplement contenir les divulgations des documents antérieurs. Aucune de ces divulgations ne comporte d’instructions sur la façon de faire ou fabriquer ce qui serait une contrefaçon des brevets contestés si elles étaient mises en pratique après l’octroi des brevets. Le Dr Clark faisait plus que de simplement suivre les sentiers battus. Cela ressort clairement du témoignage du Dr Marra, à la p. 1178:

[TRADUCTION] Mes objectifs étaient assez semblables à ceux de Clark tels que je les percevais à l’époque, c.-à-d. en 1954, 1955, et j’ai constaté que Clark cherchait à réaliser un panneau à grande résistance, ce que j’essayais de faire moi-même depuis 1951, en me heurtant à beaucoup de problèmes techniques, dont certains me parurent insurmontables, c’est la raison pour laquelle j’ai commencé — j’ai da changer d’orientation.

On a prétendu que le juge de première instance avait commis une erreur de droit en appliquant un critère plus rigoureux, savoir que les renseignements donnés devaient être les mêmes que ceux révélés dans le brevet contesté, et qu’il s’est trompé sur la portée des décisions qu’il a suivies. Il faut cependant lire la phrase mise en cause avec le reste du commentaire du juge: [TRADUCTION] «Il en est de même de la solution formulée par le D’ Clark qui n’est revendiquée dans aucune publication antérieure. Aucun de ces inventeurs ou auteurs antérieurs ne paraît, à mon avis, «avoir foulé cet endroit précis avant le titulaire du brevet» ». (General Tire and Rubber Company v. Firestone Tyre and Rubber Company Limited and Others[20], à la p. 486.)

Si on lit le passage en entier, je crois qu’on se rend compte que le juge dit presque la même chose que ce que dit le juge en chef Rinfret dans R. v. Uhlemann Optical Company, précité, à la p. 151:

[TRADUCTION] « ... l’anticipation n’a pas été prouvée parce qu’aucun de ces brevets antérieurs n’est, en termes d’utilité pratique, le même que ceux que comporte le brevet contesté». Je ne crois

[Page 536]

pas que le juge de première instance a commis une erreur lorsqu’il a conclu que l’anticipation n’a pas été prouvée.

IX

Cela m’amène à l’allégation de «double brevet». L’intimée soutient que les deux brevets contestés sont, à toutes fins utiles, identiques. Le brevet relatif aux panneaux de copeaux porte sur la fabrication de «panneaux agglomérés» faits de copeaux. Le brevet relatif aux copeaux porte sur la fabrication de copeaux «pour utilisation dans des panneaux agglomérés». Invoquant la règle bien connue qu’il ne doit y avoir qu’un seul brevet pour une invention donnée, l’intimée soutient qu’il n’y a en réalité qu’une seule invention et, qu’en conséquence, le second est nécessairement invalide. Le juge Collier a simplement dit que [TRADUCTION] «que les revendications 2, 3 et 4 du dernier brevet ne coïncident pas exactement avec les revendications équivalentes du premier octroi» et a cité sa propre décision dans l’affaire Xerox du Canada Limitée c. IBM Canada Limitée[21] comme source de ce critère.

Pour répondre à cet argument, l’intimée invoque l’arrêt de cette Cour Commissaire des brevets c. Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning[22], qui est l’arrêt qui fait autorité en matière de double brevet. Dans cette affaire-là, le demandeur avait déjà obtenu un brevet pour un médicament contre le diabète. Il voulait ensuite obtenir un second brevet pour le même médicament dans une solution inerte. Le juge Judson a dit, au nom de la Cour, que le second procédé ne comportait pas de nouveauté ou d’ingéniosité et qu’en conséquence le second brevet n’était pas justifié.

Le cas présent est quelque peu différent en ce que le second procédé de transformation des lamelles de bois en panneaux de fibre est beaucoup plus complexe que la simple dilution du médicament de l’affaire Hoechst.

Je l’ai déjà signalé, l’appelante avait d’abord présenté une seule demande de brevet, mais le commissaire des brevets lui a demandé de diviser

[Page 537]

sa demande en deux. On peut se demander si le commissaire des brevets aurait dû séparer les copeaux et les traiter comme le sujet d’un brevet distinct, mais, à mon avis, il ne faut pas désavantager le titulaire d’un brevet à cause de demandes divisionnaires imposées. Si des brevets sont accordés à la suite de demandes divisionnaires à la demande du bureau des brevets, aucun de ces brevets ne doit être tenu pour invalide ou contestable du seul fait de l’octroi du brevet original. (Voir J. R. Short Milling Company (Canada) Limited c. George Weston Bread and Cakes Limited et autres[23], à la p. 82; Fox Canadian Patent Law and Practice, précité, à la p. 270.) Par conséquent, cette contestation de la validité des brevets échoue.

X

Je passe maintenant aux arguments de l’appelante quant au jugement de première instance. L’appelante soutient que les revendications 2, 8 et 9 du brevet canadien n° 565,618 sont valides. Elle prétend que ces revendications visent des copeaux tronçonnés, contrairement à ce qu’a conclu le juge de première instance. Le juge en est venu à cette conclusion défavorable à l’appelante après avoir entendu des nombreux témoignages d’experts. Même si cette Cour a, dans le passé, réexaminé la preuve et, à l’occasion, renversé ou modifié des conclusions de fait tirées en première instance, cette pratique n’est pas vue comme un rôle normal d’une cour d’appel. Elle a comme conséquence de prolonger les litiges en matière de brevets et d’en augmenter les coûts et fait du tribunal le refuge de la partie la plus favorisée. Le litige en l’espèce, par exemple, a commencé par un long procès et s’est étendu sur une période de six ans. Il y a longtemps que les constatations de faits devraient être terminées. Je ne modifierai donc pas la conclusion du tribunal de première instance quant à savoir si les revendications 2, 8 et 9 (et 10, pour autant qu’elle porte sur les revendications 8 et 9) du brevet n° 565,618 ont trait à des copeaux tronçonnés.

XI

En définitive, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi et d’infirmer l’arrêt de la Cour d’appel fédérale.

[Page 538]

Je déclare que la revendication 2 du brevet canadien n° 569,813 et les revendications 7 et 10 (dans la mesure où la revendication 10 comprend la revendication 7) du brevet canadien 565,618 sont valides. Je déclare en outre que (sauf pour les panneaux de 3/4 de pouce fabriqués ou produits par l’intimée) en fabricant à Hudson Bay (Saskatchewan) et en vendant un type de panneaux appelés panneaux de copeaux, l’intimée a violé ces revendications.

Je suis d’avis d’ordonner un renvoi pour que soit fixé le montant des dommages-intérêts subis par l’appelante en raison de cette contrefaçon et d’ordonner à l’intimée de payer ce montant à l’appelante immédiatement après sa fixation.

L’appelante aura droit à ses dépens en cette Cour et en Cour d’appel fédérale. Je confirme l’ordonnance du premier juge qu’aucune des parties n’a droit aux dépens en première instance.

Pourvoi accueilli avec dépens.

Procureurs de l’appelante: Gowling et Henderson, Ottawa.

Procureur de l’intimée: Donald F. Sim, Toronto.

[1] (1979), 35 N.R. 420; (1979), C.P.R. (2d) 94.

[2] [1934] R.S.C. 94

[3] [1947] R.C. de l’É. 306

[4] [1950] R.C.S. 36.

[5] [1934] R.C.S. 570.

[6] (1876), 4 Ch. D. 607.

[7] [1974] R.C.S. 1336.

[8] [1976] 1 R.C.S. 555.

[9] [1979] 2 R.C.S. 1108.

[10] (1902), 20 R.P.C. 77.

[11] (1959), 19 Fox Pat. C. 49.

[12] (1943), 60 R.P.C. 165.

[13] (1950), 11 Fox Pat. C. 62.

[14] (1864), 4 De G.J. & S. 298; 46 E.R. 934.

[15] (1908), 25 R.P.C. 631.

[16] (1930), 47 R.P.C. 69.

[17] (1949), 10 Fox Pat. C. 24, conf. par [1952] 1 R.C.S. 143.

[18] (1962), 23 Fox Pat. C. 112.

[19] [1933] R.C.S. 377.

[20] [1972] R.P.C. 457.

[21] (1977), 33 C.P.R. (2d) 24 (C.F.C.)

[22] [1964] R.C.S. 49.

[23] [1941] R.C. de l’É. 69, conf. par [1942] R.C.S. 187.


Synthèse
Référence neutre : [1981] 1 R.C.S. 504 ?
Date de la décision : 19/03/1981
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Brevets - Contrefaçon - Validité - Mémoire descriptif - Antériorité - Nouveauté - Double brevet et division imposée de la demande originale - Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, chap. P-4, art. 2, 28(1)a), b), c), 36(1), (2) 38, 45(1)a), b), 63(1)b).

L’appelante, propriétaire de deux brevets canadiens, soutient que l’intimée les a contrefaits. Les brevets, l’un pour des «panneaux de copeaux» et l’autre pour des «copeaux», portent sur la fabrication d’articles pressés, notamment de panneaux de fibres, faits de matière fibreuse sous forme de lamelles ou de copeaux tirés du bois. Bien qu’une seule demande de brevet ait été d’abord faite, la demande relative aux «panneaux de copeaux» a, par suite d’une demande du commissaire des brevets été séparée de la demande originale qui a abouti au brevet relatif aux «copeaux». Après avoir acquis l’usine qui fabriquait les panneaux de copeaux sous licence, sans acquérir la licence, l’intimée a continué de produire l’article sans licence. L’intimée nie les allégations de contrefaçon et conteste la validité des brevets.

Le jugement de première instance a confirmé la validité de la plupart des revendications et conclu à la contrefaçon de certaines d’entre elles. La Cour d’appel a infirmé ce jugement pour inobservance du par. 36(1) de la Loi sur les brevets et rejeté l’appel incident qui demandait le rétablissement des revendications radiées. Les deux instances ont refusé à la demanderesse le calcul des profits.

L’intimée a soutenu que les brevets sont invalides pour plusieurs raisons. D’abord les mémoires descriptifs des brevets contestés ne se conformeraient pas au par. 36(1) de la Loi sur les brevets. Puis, l’invention aurait été selon elle en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de la demande, en contravention de l’al. 28(1)a). Ensuite, aussi en contravention de l’al. 28(1)a) et de l’al. 63(1)b), l’invention aurait déjà été connue ou utilisée par les inventeurs qui avaient déjà fait une demande de brevets, laquelle demande aurait été en instance en même temps que celle des brevets contestés. Les brevets

[Page 505]

manqueraient de nouveauté ou d’ingéniosité inventive en fonction de l’état de la technique. Elle a aussi soutenu que le brevet relatif aux «copeaux» porte sur la même invention que le brevet relatif aux «panneaux de copeaux». L’intimée a soutenu que son produit et son procédé de fabrication ne sont pas une contrefaçon des brevets contestés et a allégué que l’appelante n’a pas réussi à établir son titre aux brevets.

Arrêt: Le pourvoi est accueilli.

Un certain nombre de points ont été tranchés en cours d’audience. D’abord, Consolboard a établi son titre de propriété sur les deux brevets contestés. Ces brevets ne sont pas invalides parce que l’invention aurait été en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de la demande, en contravention de l’al. 28(1)a) de la Loi sur les brevets. De plus le juge de première instance a eu raison de refuser d’ordonner un calcul des profits plutôt que d’accorder des dommages-intérêts principalement parce que l’appelante n’a pas intenté l’action avant 1974. Enfin, la question de la contrefaçon est une question de fait et l’intimée n’a pas démontré de motif valable de modifier la conclusion du juge de première instance qu’il y a eu contrefaçon.

Les brevets contestés ne sont pas invalides pour inobservance de l’art. 36 de la Loi des brevets. Ce que l’art. 36 exige du mémoire descriptif (qui comprend à la fois la divulgation et les revendications) c’est une description de l’invention et de la façon de la produire ou de la construire, à laquelle s’ajoute une ou plusieurs revendications qui exposent les aspects nouveaux pour lesquels le demandeur demande un droit exclusif. Le mémoire descriptif doit définir la portée exacte et précise de la propriété et du privilège exclusifs revendiqués. Le paragraphe 36(1) ne prescrit pas des critères de divulgation différents pour les différentes parties du paragraphe; en fait, il est contraire au droit de le faire. Le seul critère est celui de savoir si le mémoire descriptif décrit adéquatement l’invention pour une personne versée dans l’art, même si dans le cas de brevets de nature hautement technique et scientifique, cette personne peut être quelqu’un qui possède un niveau élevé de connaissances scientifiques spécialisées et d’expertise dans le domaine spécifique des sciences dont relève le brevet. Le paragraphe 36(1) n’exige pas d’indiquer distinctement l’utilité réelle de l’invention en cause et les derniers mots du paragraphe n’obligent pas l’inventeur à décrire dans sa divulgation ou ses revendications en quoi l’invention est nouvelle ou comment elle est utile. L’inventeur doit décrire ce qu’il revendique avoir inventé, mais il n’est pas obligé de vanter l’effet ou l’avantage de sa découverte s’il décrit son invention de manière à le produire. L’exigence du par. 36(1) selon laquelle le mémoire

[Page 506]

descriptif doit faire état de l’usage pour lequel l’inventeur a prévu employer l’invention a trait à la divulgation et est différente de celle de l’art. 2 selon laquelle, comme condition essentielle d’être une invention, l’invention doit être nouvelle et «utile».

Les brevets contestés ne décrivent pas substantiellement la même invention qu’un brevet antérieur détenu par l’inventeur et un co-inventeur. On a pas contrevenu à l’art. 28 qui permet à l’auteur d’une invention d’obtenir un brevet si l’invention «n’était pas connue ou utilisée par une autre personne avant que lui-même l’ait faite».

Le demandeur n’a pas omis de revendiquer «distinctement» ce en quoi les inventions des brevets contestés diffèrent d’un brevet antérieur similaire. Le vrai critère est simplement le suivant: «une personne doit distinguer ce qui est nouveau de ce qui est ancien par ses revendications mais elle n’a pas à distinguer ce qui est nouveau de ce qui est ancien dans ses revendications». Si le mémoire décrit une invention qui de fait est nouvelle et si la description est assez complète pour qu’un ouvrier moyen versé dans l’art puisse la comprendre, le mémoire descriptif du brevet est valide.

L’allégation que les brevets contestés sont invalides pour cause d’antériorité et d’absence d’ingéniosité inventive soulève une question de fait et appelle l’évaluation des connaissances générales et de l’état de la technique au moment de l’invention. Les revendications contestées font plus que simplement contenir les divulgations des documents antérieurs. Ces divulgations ne comportent pas d’instructions sur la façon de faire ou fabriquer ce qui serait une contrefaçon des brevets contestés si elles étaient mises en pratique après l’octroi des brevets.

On n’a pas contrevenu à la règle interdisant le «double brevet», selon laquelle règle il ne doit y avoir qu’un seul brevet pour une invention donnée. L’appelante avait d’abord présenté une seule demande de brevet, mais le commissaire des brevets lui a demandé de diviser sa demande en deux. Il ne faut pas désavantager le titulaire d’un brevet à cause de demandes divisionnaires imposées.

Le réexamen de la preuve comme celui qu’entraîneraient les prétentions de l’appelante que, contrairement à la décision du juge de première instance, certaines revendications d’un des brevets sont valides ne constitue pas le rôle normal d’une cour d’appel.


Parties
Demandeurs : Consolboard Inc.
Défendeurs : MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd.

Références :

Jurisprudence: Baldwin International Radio Company of Canada, Limited c. Western Electric Company Incorporated, et Northern Electric Company, Limited, [1934] R.C.S. 94

Noranda Mines Limited c. Minerals Separation North American Corporation, [1950] R.C.S. 36 infirmant [1947] R.C. de l’ É. 306

Western Electric Company, Incorporated, et Northern Electric Company c. Baldwin International Radio of Canada, [1934] R.C.S. 570


[Page 507]
Hinks & Son v. Safety Lighting Company (1876), 4 Ch. D. 607
Sandoz Patents Limited c. Gilcross Limited, ci-devant Jules R. Gilbert Limited, [1974] R.C.S. 1336
Burton Parsons Chemicals, Inc. et autre c. Hewlett-Packard (Canada) Ltd. et autre, [1976] 1 R.C.S. 555
Monsanto Company c. Commissaire des brevets, [1979] 2 R.C.S. 1108
Tubes, Ld. v. Perfecta Seamless Steel Tube Company, Ld. (1902), 20 R.P.C. 77
Rodi & Wienenberger A.G. v. Metalliflex Limited (1959), 19 Fox Pat. C. 49
Unifloc Reagents, Ld. v. Newstead Colliery, Ld. (1943), 60 R.P.C. 165
R. v. American Optical Company et al. (1950), 11 Fox Pat. C. 62
Foxwell v. Bostock and Others (1864), 4 De G.J. & S. 298
46 E.R. 934
British United Shoe Machinery Company Ld. v. A. Fussell & Sons Ld. (1908), 25 R.P.C. 631
Canadian General Electric Co., Ld. v. Fada Radio Ld. (1930), 47 R.P.C. 69
R. v. Uhlemann Optical Company (1949), 10 Fox Pat. C. 24 conf. par [1952] 1 R.C.S. 143
Lovell Manufacturing Company et al. v. Beatty Bros. Limited (1962), 23 Fox Pat. C. 112
Lightning Fastener Company Limited v. Colonial Fastener Company, Limited et al., [1933] R.C.S. 377
General Tire and Rubber Company v. Firestone Tyre and Rubber Company Limited and Others, [1972] R.P.C. 457
Xerox du Canada Limitée c. IBM Canada Limitée (1977), 33 C.P.R. (2d) 24 (C.F.C.)
Commissaire des brevets c. Farbwerke Hoechst Aktiengesellschaft Vormals Meister Lucius & Bruning, [1964] R.C.S. 49
J.R. Short Milling Company (Canada) Limited c. George Weston Bread and Cakes Limited et autres, [1941] R.C. de l’ E. 69 conf. par [1942] R.C.S. 187.

Proposition de citation de la décision: Consolboard Inc. c. MacMillan Bloedel (Sask.) Ltd., [1981] 1 R.C.S. 504 (19 mars 1981)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1981-03-19;.1981..1.r.c.s..504 ?
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