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18/07/1980 | CANADA | N°[1980]_2_R.C.S._331

Canada | R. c. McLaughlin, [1980] 2 R.C.S. 331 (18 juillet 1980)


Cour suprême du Canada

R. c. McLaughlin, [1980] 2 R.C.S. 331

Date: 1980-07-18

Sa Majesté La Reine Appelante;

et

Michael McLaughlin Intimé.

1980: 23 juin; 1980: 18 juillet.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Dickson, Estey et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ALBERTA

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta[1], qui a infirmé la déclaration de culpabilité de l’intimé. Pourvoi rejeté.

M.D. Thachuk, pour l’appelante.

Dan Hagg, pour l’intimé.>
Version française du jugement du juge en chef Laskin et des juges Ritchie, Dickson et Lamer rendu par

LE JUGE EN CHEF — La question en litige d...

Cour suprême du Canada

R. c. McLaughlin, [1980] 2 R.C.S. 331

Date: 1980-07-18

Sa Majesté La Reine Appelante;

et

Michael McLaughlin Intimé.

1980: 23 juin; 1980: 18 juillet.

Présents: Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Dickson, Estey et Lamer.

EN APPEL DE LA COUR D’APPEL DE L’ALBERTA

POURVOI à l’encontre d’un arrêt de la Cour d’appel de l’Alberta[1], qui a infirmé la déclaration de culpabilité de l’intimé. Pourvoi rejeté.

M.D. Thachuk, pour l’appelante.

Dan Hagg, pour l’intimé.

Version française du jugement du juge en chef Laskin et des juges Ritchie, Dickson et Lamer rendu par

LE JUGE EN CHEF — La question en litige dans ce pourvoi interjeté de plein droit conformément à l’al. 621 (1)a) du Code criminel est de savoir si une personne commet un vol contrairement à l’al. 287(1)b) du Code criminel lorsque, sans apparence de droit, elle se sert d’un ordinateur afin d’obtenir des programmes internes de l’ordinateur et des renseignements tirés de fichiers que d’autres personnes y ont versés. La question est étroite: il s’agit de savoir si l’appropriation de programmes et autres renseignements implique l’utilisation d’une «installation de télécommunication».

L’alinéa 287(1)b) se lit comme suit:

287. (1) Commet un vol quiconque, frauduleusement, malicieusement ou sans apparence de droit,

b) se sert d’installations ou obtient un service en matière de télécommunication.

[Page 333]

Aux termes du par. 287(2), «télécommunication» désigne «toute transmission, émission ou réception de signes, signaux, écrits, images, sons ou renseignements de toute nature, par radio, par un procédé visuel, électronique ou électromagnétique».

L’intimé a été accusé sur deux chefs, d’une part de vol contrairement à l’al. 287(1)b) et d’autre part de méfait contrairement à l’al. 387(1)c). Vu son acquittement sur le second chef, la question du méfait ne se pose plus. Il a toutefois été déclaré coupable de vol par le juge Hope. Ce dernier a conclu que le système informatique qui comprend l’unité centrale de traitement, la mémoire, les imprimantes et les terminaux (il y en avait environ trois cents à l’époque en cause), constitue une «installation de télécommunication» dont s’était servi l’accusé. Selon le juge du procès, cela rendait les dispositions de l’al. 287(1)b) applicables à l’accusé. Le juge Hope n’a pas cru nécessaire d’étudier la question de savoir si l’utilisation de l’ordinateur par l’accusé constituait une «transmission» ou une «réception», au sens que leur attribue la définition de «télécommunication» dans le Code. Après s’être reporté à la preuve concernant les composantes du système informatique, il conclut en ces termes:

[TRADUCTION] …Je suis convaincu au-delà de tout doute raisonnable que l’ordinateur, considéré avec toutes ses composantes, constitue une installation de télécommunication au sens de la définition très large que j’ai antérieurement citée.

La Cour d’appel de l’Alberta, à la majorité (le juge McClung, ad hoc, étant dissident), a accueilli l’appel interjeté par l’accusé de sa déclaration de culpabilité. Selon le juge Morrow, qui a exprimé l’opinion majoritaire (à laquelle le juge Laycraft a souscrit), la preuve démontre que [TRADUCTION] «l’utilisation non autorisée a porté sur le traitement des données, même si elles devaient circuler de l’unité centrale de traitement au point d’accès effectivement utilisé par l’appelant». Vu cette conclusion et compte tenu du principe que toute ambiguïté en matière criminelle doit jouer en faveur de l’accusé, il a alors adopté la démarche suivie dans l’arrêt Maltais c. La Reine[2], (auquel je me reporterai un peu plus loin dans ces motifs) et est parvenu à la conclusion suivante:

[Page 334]

[TRADUCTION] …Compte tenu de la définition du terme «télécommunication» donnée par le Code, il m’est impossible d’appliquer l’expression «installation de télécommunication» à l’unité ou à l’appareil en cause ici considéré avec toutes ses composantes. En l’espèce, l’accent est mis en entier sur le calcul et l’aspect relais ou communication n’est qu’accessoire. A mon avis, ce serait étendre de façon abusive le sens de la disposition législative que de conclure qu’un appareil semblable équivaut à une installation de télécommunication.

Dans ses motifs de dissidence, le juge McClung fait référence au but visé par la construction de l’ordinateur et de ses lignes d’accès, savoir mettre sur pied un service en temps partagé pour les divers programmes de l’Université de l’Alberta, propriétaire de l’ordinateur, avec un accès possible de l’intérieur et de l’extérieur de l’Université. A son avis [TRADUCTION] «cela ne pouvait fonctionner que par télécommunication et, de toute évidence, l’appelant le savait». Il a appuyé la déclaration de culpabilité en ces termes:

[TRADUCTION] …L’emport de données fournies par l’unité centrale de traitement a été rendu possible par la télécommunication même qu’il qualifie maintenant d’accessoire. La preuve me convainc que l’installation interceptée par l’accusé est un ordinateur destiné à recevoir électroniquement des données et à les transmettre avec rapidité et commodité à un public vaste mais sélectif. La transmission électronique des données n’était pas accessoire à sa fonction; elle en faisait partie intégrante.

L’histoire de l’art. 287 remonte à une époque beaucoup plus simple où l’électricité était la seule ressource protégée comme l’indique la Electric Lighting Act, 1882 (Imp.), chap. 56, art. 23. Ainsi commettait une infraction quiconque soustrayait ou utilisait, malicieusement ou frauduleusement, de l’électricité. Cette disposition est devenue au Canada l’art. 10 de l’Acte d’inspection de la lumière électrique, 1894 (Can.), chap. 39. Elle fut intégrée au Code criminel à l’art. 351, S.R.C. 1906, chap. 146. On la trouve sous le même numéro dans les S.R.C. 1927, chap. 36. En 1934, le législateur a élargi la portée de l’interdiction afin d’englober l’usage d’une ligne téléphonique ou télégraphique ou l’obtention d’un service téléphonique ou télégraphique de manière malicieuse ou frauduleuse: voir 1934 (Can.), chap. 47, art. 10. Dans la refonte du Code criminel de 1953-54

[Page 335]

(Can.), chap. 51, on a étendu l’interdiction au «gaz», à l’art. 273. Cet article a été abrogé par 1960-61 (Can.), chap. 43, art. 6, et remplacé par le texte suivant:

273. (1) Commet un vol quiconque, frauduleusement, malicieusement ou sans apparence de droit,

a) soustrait, consomme ou emploie de l’électricité ou du gaz ou fait en sorte qu’il y ait gaspillage ou détournement d’électricité ou de gaz, ou

b) se sert d’un fil ou câble de télécommunication ou obtient un service de télécommunication.

(2) Au présent article, «télécommunication» signifie toute transmission, émission ou réception de signes, signaux, écrits, images ou sons ou de renseignements de toute nature par fil ou câble.

C’est cet article, devenu l’art. 287 des S.R.C. 1970, chap. C-34, que cette Cour a étudié dans Maltais c. La Reine, précité. Parlant au nom de la Cour au complet, le juge Dickson y a conclu que le terme «télécommunication», qui signifie selon sa définition la transmission par fil ou câble, ne vise pas la transmission par ondes hertziennes et par conséquent ne comprend pas la transmission par radio. Dans l’affaire Maltais, des professeurs s’étaient emparés d’une station radiophonique pour diffuser leurs griefs. Le micro de la station radio‑phonique fut réquisitionné pour leur permettre de diffuser leur point de vue. Les programmes étaient transmis par fil jusqu’à la tour émettrice située un mille plus loin, puis par ondes hertziennes jusqu’aux postes de radio des auditeurs. Saisie d’une accusation de vol, infraction criminelle prévue par la loi, cette Cour a refusé de faire une distinction entre les transmissions faites partiellement et celles faites entièrement par fil et câble. La transmission en cause relevait des transmissions par radio et n’était pas encore visée par l’art. 287.

L’arrêt Maltais n’est d’aucune utilité directe en l’espèce pour l’interprétation et l’application de l’actuel al. 287(1)b), même s’il confirme la règle générale d’interprétation des lois en matière criminelle voulant que, lorsque le sens d’un article est incertain ou ambigu, l’article doit être interprété en faveur plutôt qu’à l’encontre de l’accusé. Bref, la loi doit lui être carrément applicable et il ne peut être déclaré coupable d’une infraction si elle ne lui est applicable qu’en partie. Il est maintenant

[Page 336]

clair, ce qui n’était pas le cas dans l’affaire Maltais, que l’art. 287, dans sa nouvelle forme, englobe les installations de radiodiffusion et de télévision.

Il ne fait aucun doute à mon avis qu’un système d’ordinateur constitue une «installation», en ce sens que c’est un appareil construit, installé ou mis sur pied pour remplir une fonction précise, répondre à un objectif ou fournir un service donné. S’agit-il toutefois d’une installation construite pour remplir une fonction de télécommunication au sens de la définition du terme «télécommunication» au par. 287(2)?

Vu l’histoire de l’art. 287, l’expression «transmission… ou réception de… renseignements de toute nature» comporte selon moi l’idée que l’on vise le vol de renseignements d’une installation dans laquelle on les canalise. Il est vrai que ce qui est en cause en l’espèce est un système électronique, mais la fonction de l’ordinateur n’est pas la canalisation de renseignements vers des destinataires extérieurs, ce qui pourrait le rendre susceptible d’usage non autorisé à cet égard. L’ordinateur sert plutôt à effectuer des calculs complexes, à traiter et à mettre en corrélation des renseignements et à les mettre en mémoire pour pouvoir les récupérer. J’admets que cette distinction est mince. Toutefois, je n’estime pas qu’utiliser un terminal comme l’a fait l’accusé, savoir se brancher sur l’unité centrale en vue de récupérer des renseignements qui y sont emmagasinés, en fait une infraction à l’al. 287(1)b). L’utilisation du terminal lui-même ne fait pas jouer l’al. 287(1)b) et le fait qu’en utilisant le terminal, l’accusé ait pu faire un raccordement électronique avec l’unité centrale de traitement afin d’obtenir des renseignements qui étaient emmagasinés n’ajoute rien à la preuve à charge.

C’est une installation de traitement de données qui est en cause ici plutôt qu’une installation de télécommunication, même si elle renferme de l’équipement électronique. Si l’on considère l’installation comme un tout (c’est-à-dire l’unité centrale de traitement et les terminaux), il n’y a eu aucune transmission ou réception à l’extérieur. Bien qu’il y ait eu transmission de renseignements d’une partie de l’installation à une autre, il n’y a pas eu réception par d’autres installations ni émis-

[Page 337]

sion à partir de l’installation en cause. A mon avis, le Code ne vise pas clairement la conduite de l’accusé de façon à justifier une déclaration de culpabilité.

Je suis d’avis de rejeter le pourvoi.

Le juge Ritchie a souscrit aux motifs rendus par

LE JUGE ESTEY — J’ai eu l’avantage de lire les motifs de jugement du Juge en chef en l’espèce. Je souhaite simplement ajouter ces commentaires sur la nature de l’accusation, l’article en vertu duquel l’accusation a été portée et les faits et gestes de l’accusé à l’origine de l’inculpation en cause.

L’accusé est inculpé d’avoir, [TRADUCTION] «frauduleusement et sans apparence de droit, fait usage d’une installation de télécommunication, propriété de l’Université de l’Alberta à Edmonton, commettant ainsi un vol contrairement à l’al. 287(1)b) Code criminel». L’article 287 du Code se lit comme suit:

287.(1) Commet un vol quiconque, frauduleusement, malicieusement ou sans apparence de droit,

a) sans objet;

b) se sert d’installations ou obtient un service en matière de télécommunication.

(2) Au présent article… «télécommunication» désigne toute transmission, émission ou réception de signes, signaux, écrits, images, sons ou renseignements de toute nature, par radio, par un procédé visuel, électronique ou électromagnétique.

Les faits sont très simples. L’accusé s’est servi sans autorisation de l’ordinateur et des installations connexes. La Cour d’appel fait une description de l’ordinateur d’après la preuve comme d’un appareil:

[TRADUCTION] …constitué de plusieurs composantes essentielles à son fonctionnement. Celles-ci comprennent une unité centrale de traitement, des terminaux, une mémoire et des imprimantes.

L’équipement connexe comprend environ trois cents terminaux dispersés sur le campus de l’Université, qui sont reliés à l’ordinateur par des fils électriques.

La confirmation ou l’infîrmation de l’accusation dépend de la seule question de savoir si un ordina-

[Page 338]

teur est une «installation de télécommunication», au sens où ce terme est utilisé et défini en partie dans l’article du Code. Le terme «installation» est défini comme suit:

[TRADUCTION] …objet, bâtiment (tel un hôpital, de la machinerie, de la plomberie) bâti, construit, installé ou établi en vue d’un usage déterminé ou en vue de servir à une fin précise ou de faciliter un usage donné.

Webster’s Third New International Dictionary (1976)

[TRADUCTION] …objet, bâtiment, conçu, bâti, installé, etc. envue d’un usage spécifique, destiné à fournir des commodités ou des services: des installations de transport …

Random House Dictionary of the English Language (1973)

Le paragraphe 287(2) précité donne une définition du terme «télécommunication». Cette définition est identique à celle qui figure dans la Loi sur la radio, S.R.C. 1970, chap. R-1, par. 2(1), et dans la Loi sur le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, 1974-75-76 (Can.), chap. 49, art. 2, sous réserve que, contrairement à la définition du Code, l’expression «par fil» précède l’expression «par radio» alors que le mot «électronique» n’y figure pas:

«télécommunication» désigne toute transmission, émission ou réception de signes, signaux, écrits, images, sons ou renseignements de toute nature par fil, par radio ou par un procédé visuel ou un autre procédé électromagnétique.

A mon avis, la combinaison des deux mots comporte l’idée d’une construction ou d’une combinaison d’éléments matériels utilisés pour la transmission ou la réception de signaux par des procédés électromagnétiques. Nous ne nous intéressons pas à la source qui active l’installation de télécommunication, qu’il s’agisse d’une voix humaine, d’un télex ou d’un autre appareil dont la fonction est de créer des impulsions destinées à être transmises par une «installation de télécommunication». Il n’est donc pas nécessaire d’étudier le cas de l’utilisation possible d’un ordinateur pour activer une telle installation. La seule question en l’espèce est de savoir si un ordinateur est une «installation de télécommunication». Les ordinateurs sont définis de différentes façons en fonction de ceux à qui s’adresse l’ouvrage. A titre d’exemple, voici la définition qu’en donne 16 Am Jur Proof of Facts à lap. 273:

[Page 339]

[TRADUCTION] Un ordinateur est une machine destinée au traitement de données sous forme de lettres, de numéros et d’autres symboles, qui fonctionne sans intervention humaine dans un cadre prédéterminé.

Peter Seipel donne dans Computing Law, (Stockholm, 1977) une définition encore plus sibylline (p. 344): [TRADUCTION] «Il s’agit, au fond, de toute espèce de calculateur».

Voici d’autres définitions:

[TRADUCTION] …un calculateur spécialement conçu pour résoudre des problèmes mathématiques complexes; spécialis.: appareil électronique commandé par programme qui peut emmagasiner, récupérer et traiter des données… toute espèce d’appareil qui sert à effectuer des calculs rapides en matière de navigation ou d’artillerie…

Webster’s Third New International Dictionary (1976)

[TRADUCTION] …appareil mécanique ou électronique à même d’effectuer des opérations mathématiques répétitives et extrêmement complexes avec une très grande rapidité. Les ordinateurs sont utilisés dans l’entreprise pour tenir les stocks à jour, calculer et préparer les feuilles de paye, etc.; l’industrie, pour la manœuvre automatique des machines, la commande d’opérations de raffinage, etc.; les chercheurs l’utilisent pour déterminer les caractéristiques de vol de missiles et d’engins spaciaux, et pour prévoir les réactions de substances en fonction de plusieurs variables, etc.

Random House Dictionary of the English Language (1973)

La preuve ne met pas en question que des données sous forme d’impulsions électromagnétiques circulent à l’intérieur de l’ordinateur lorsque ce dernier fonctionne. Comme on l’énonce dans 16 Am. Jur. Proof of Facts à la p. 291, les données circulent entre [TRADUCTION] «les diverses parties de l’ordinateur» et à l’intérieur de celles-ci; ces données [TRADUCTION] «doivent être guidées du point d’origine au point de destination selon un ordre logique conforme à un plan déterminé…». Bien entendu, l’ordre selon lequel circulent les données à l’intérieur de l’appareil vise entièrement à lui permettre de remplir sa fonction qui est d’apporter une solution à un problème particulier. Les avocats ont été dans l’impossibilité de faire valoir devant cette Cour des décisions qui indiquent une classification de l’ordinateur comme unité qui pourrait être décrite soit comme une

[Page 340]

installation de télécommunication soit comme une composante d’une telle installation «ou d’un autre système électromagnétique». On doit encore une fois souligner la distinction entre un appareil destiné à activer l’ordinateur, appareil relié à l’installation de télécommunication, et l’installation elle-même. C’est un lieu commun de dire qu’une calculatrice de poche ou qu’une montre à affichage numérique fonctionne au moyen d’impulsions électriques qui produisent finalement le résultat recherché par l’opérateur. On ne peut guère prêter à ces deux appareils le sens que l’on prête normalement à une «installation de télécommunication». Il ne fait pas de doute que l’un ou l’autre de ces appareils pourrait être relié à une installation de télécommunication en vue de la communication de signaux pour la «transmission ou… réception».

Aux termes du par. 287(2), l’une des caractéristiques essentielles d’une «télécommunication» est la «transmission… de signaux». Le terme «transmission» dans son sens habituel comporte l’idée d’un acheminement d’un point d’origine à un point de réception. Il ne connote pas un transfert conceptuel de quelque chose sans émetteur ni récepteur. Le Shorter Oxford English Dictionary définit comme suit le terme «transmission»:

[TRADUCTION] …Taction de transmettre ou le fait d’être transmis; acheminement de quelque chose d’une personne à une autre ou d’un lieu à un autre; transfert.

En voici deux autres:

[TRADUCTION] …action, manière ou fait de transmettre…

Webster’s Third New International Dictionary (1976)

…action ou manière de transmettre… fait d’être transmis…

Random House Dictionary of the English Language (1973)

Le verbe «transmettre» est défini comme suit:

[TRADUCTION] …faire passer ou acheminer d’un lieu à un autre ou d’une personne à une autre…

Webster’s Third New International Dictionary (1976)

…expédier ou faire parvenir à un destinataire ou à un point de destination…

Random House Dictionary of the English Language (1973)

[Page 341]

Le traitement interne de données par l’unité centrale de traitement et le transfert des résultats de l’opération vers un terminal en vue de leur reproduction sous forme de caractères sur une feuille de papier ou sous forme de points lumineux sur un écran cathodique ne correspondent guère à l’idée que l’on se fait normalement de la transmission de données d’un point à un autre ou d’une personne à une autre personne. Pris dans un sens trop littéral, les termes peuvent inclure ce qu’effectue un simple appareil Xerox puisque l’opération aboutit au transfert d’images optiques d’un point (le document à imprimer) à un autre point (le support sur lequel le document est imprimé), mais le sens courant de ces termes ne permet certainement pas de considérer un tel appareil ou système comme une installation de télécommunication. Le terme télécommunication, au sens de la définition du Code criminel, connote l’existence d’un émetteur et d’un récepteur. L’ordinateur, qui est un calculateur, ne met en jeu que la participation d’une seule entité, savoir l’opérateur. Dans un sens, l’opérateur communique avec lui-même, mais on ne peut pas dire qu’en faisant fonctionner le terminal ou la console de l’ordinateur, il communique des renseignements au sens de transmettre des données; par conséquent, c’est déformer le sens de l’expression en cause que de conclure qu’une personne qui se sert d’un ordinateur fait usage d’une installation de télécommunication au sens où l’entend le Code criminel.

Il est utile, à mon avis, de noter que le législateur a précisément donné la même définition de télécommunication dans les lois sur la diffusion, susmentionnées, qui n’ont manifestement aucun rapport avec le permis d’exploitation et la réglementation des ordinateurs.

J’adopte entièrement les observations du Juge en chef sur la bonne méthode d’interprétation d’une loi en matière criminelle. Il ne fait aucun doute que si le législateur avait eu l’intention d’attacher des conséquences pénales à l’utilisation non autorisée d’un ordinateur, il l’aurait édicté dans un article du Code criminel ou d’une autre loi pénale où le terme, maintenant consacré dans notre langue, est employé. Le législateur ne s’attend pas à ce que la Cour déduise de mots généralement

[Page 342]

associés à l’industrie des communications qu’il a voulu attacher des conséquences pénales à l’utilisation non autorisée d’un ordinateur. Par conséquent, je suis d’avis de statuer sur le présent pourvoi de la manière proposée par le Juge en chef.

Pourvoi rejeté.

Procureur de l’appelante: Le procureur général de l’Alberta, Edmonton.

Procureurs de l’intimé: Bryan, Andrekson, Edmonton.

[1] (1979), 19 A.R. 368.

[2] [1978] 1 R.C.S. 441.


Synthèse
Référence neutre : [1980] 2 R.C.S. 331 ?
Date de la décision : 18/07/1980
Sens de l'arrêt : Le pourvoi est rejeté

Analyses

Droit criminel - Utilisation frauduleuse d’installations de télécommunication - Ordinateur - Code criminel, art. 287(1)b).

L’accusé a été déclaré coupable de vol parce que, sans apparence de droit, il s’est servi d’un ordinateur afin d’obtenir des programmes internes de l’ordinateur et des renseignements tirés de fichiers que d’autres personnes y ont versés, contrairement à l’al. 287(1)b) du Code criminel. Le juge du procès a conclu que le système informatique qui comprend l’unité centrale de traitement, la mémoire, les imprimantes et les terminaux constitue une installation de télécommunication au sens de l’al. 287(1)b) du Code. La Cour d’appel de l’Alberta à la majorité a accueilli l’appel interjeté de la déclaration de culpabilité. Le juge Morrow a affirmé que l’essence d’un système informatique est le calcul et que l’aspect relais ou communication n’est qu’accessoire de sorte qu’un appareil semblable ne constitue pas une installation de télécommunication.

Arrêt: Le pourvoi est rejeté.

Le juge en chef Laskin et les juges Ritchie, Dickson et Lamer: C’est une installation de traitement de données qui est en cause ici plutôt qu’une installation de télécommunication. Bien qu’il y ait eu transmission de renseignements d’une partie de l’installation vers une autre, il n’y a pas eu réception par d’autres installations ni émission à partir de l’installation en cause. Ce qui est visé par l’art. 287 est le vol de renseignements d’une installation par laquelle on les canalise. La fonction de l’ordinateur n’est pas la canalisation de renseignements vers des destinataires extérieurs, ce qui pourrait le rendre susceptible d’usage non autorisé; il sert plutôt à effectuer des calculs complexes, à traiter et à mettre en corrélation des renseignements et à les mettre en mémoire pour pouvoir les récupérer. Lorsque leur sens est incertain ou ambigu, les lois en matière criminelles doivent être interprétées en faveur plutôt qu’à l’encontre de l’accusé. La loi doit être carrément applicable à

[Page 332]

l’accusé et il ne peut être déclaré coupable d’une infraction si elle ne lui est applicable qu’en partie. Dans cette affaire, le Code ne vise pas clairement la conduite de l’accusé de façon à justifier une déclaration de culpabilité.

Les juges Ritchie et Estey: Une des caractéristiques essentielles d’une «télécommunication» est la «transmission… de signaux». Le terme «transmission» comporte l’idée d’un acheminement d’un point d’origine à un point de réception. Il ne connote pas un transfert conceptuel de quelque chose sans émetteur ni récepteur, comme les impulsions électromagnétiques qui circulent à l’intérieur d’un ordinateur lorsque ce dernier fonctionne. Il est utile de noter que la même définition de «télécommunication» est employée dans les diverses lois sur la diffusion qui n’ont aucun rapport avec le permis d’exploitation et la réglementation des ordinateurs.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : McLaughlin

Références :

Jurisprudence: Maltais c. La Reine, [1978] 1 R.C.S. 441.

Proposition de citation de la décision: R. c. McLaughlin, [1980] 2 R.C.S. 331 (18 juillet 1980)


Origine de la décision
Date de l'import : 06/04/2012
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;1980-07-18;.1980..2.r.c.s..331 ?
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